Couverture de RIEF_045

Article de revue

Médiations et éducation thérapeutique du jeune patient (ETJP) :ressources des familles et genèses

Pages 93 à 120

Notes

  • [1]
    Le sigle ETJP, qui a été choisi, sous-tend que l’éducation thérapeutique du patient (ETP), repose sur une nécessaire triangulation parents-enfants-soignants dans le contexte pédiatrique, qui introduit des problématiques particulières (voir, par exemple, Colson, Gentile, Côté et Lagouanelle-Simeoni, 2014).
  • [2]
    Voir les directives de la Haute Autorité de Santé-Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé. https://www.has-sante.fr [consulté le 19 sept. 2019].
  • [3]
    Membres : F. Bajolle, D. Bonnet, R. Cheurfi, A. Grazioli, M. Traore et D. Lasne.
  • [4]
    D’après la littérature, il n’existait pas au démarrage de notre recherche (en 2012) de dispositif pour un tel public. Intégrant quelques familles lors de l’année de sa mise en place, il en inclut désormais plus de 500.
  • [5]
    5 Les objectifs de la journée initiale sont de fournir aux patients une connaissance théorique de la coagulation sanguine et du motif de prescription des AVK, des signes évocateurs de sous-dosage et de surdosage, de la surveillance de l’INR (International Normalized Ratio), des dangers de l’automédication et des maladies intercurrentes, d’informer sur l’alimentation et sur l’organisation de la vie quotidienne. Pour une description complète du dispositif, se reporter à Numa-Bocage et al. (2019).
  • [6]
    L’efficacité et la sécurité des traitements anticoagulants oraux par AVK reposent sur la bonne définition de la zone de l’INR pour chaque pathologie et le maintien des patients dans cette zone. L’INR évalue l’action des AVK sur la fluidité du sang. La première mesure de l’INR, est effectuée par la famille quelques jours après la séance collective initiale d’ETJP, puis au moins deux fois par mois.
  • [7]
    7 Les familles contactées ont été celles devant notamment se déplacer prochainement à l’hôpital pour un suivi médical mais le corpus inclut aussi des familles en automanagement. Elles proviennent de milieux sociaux-économiques et culturels très divers, le programme d’éducation thérapeutique étant non sélectif (contrairement à de nombreux programmes). Chaque entretien a fait l’objet d’un consentement écrit autorisant l’enregistrement et l’exploitation des données dans le cadre de la recherche et garantissant l’anonymat. Tous les prénoms des enfants inscrits dans ce présent article sont des pseudonymes.
  • [8]
    Le statut « automanagement » indique qu’un certain niveau d’autonomie dans le suivi des AVK a été atteint par la famille. Les rendez-vous médicaux se font notamment plus espacés à l’hôpital ; quant au suivi téléphonique, les familles continuent à communiquer la mesure du prélèvement de sang sur le répondeur de l’hôpital. Le professionnel de santé l’indique sur le classeur des AVK mais rappelle seulement la famille si l’INR est déséquilibré. Il reste à disposition, à tout moment, si nécessaire.
  • [9]
    Membres de l’Association pour la recherche sur le Développement des Compétences, et impliquées dans cette recherche relevant d’un projet du Centre de Recherche en Formation-Conservatoire National des Arts et Métiers (responsable : L. Numa-Bocage).
  • [10]
    10 L’étude EPICARD, étude de cohorte prospective en population, (Khoshnood et al., 2016) suit plusieurs milliers d’enfants ayant une cardiopathie congénitale nés en Ile de France. Elle montre que l’accès aux soins en cas de diagnostic anténatal de cardiopathie est identique quel que soit le département de résidence (75, 92, 93 et 94) mais il a été montré que les caractéristiques sociodémographiques influencent le devenir éducatif des enfants (Place et Vincent, 2009). Inclure les patients, quel que soit le lieu de vie mais aussi le milieu social et culturel, semble rééquilibrer le pronostic des enfants, comme cela est constaté en prénatal.
  • [11]
    Ce carnet inclut un tableau de suivi, avec la date du prélèvement, le traitement avant INR (dose d’anticoagulants dans la semaine), l’INR relevé, le traitement après INR (ajustement ou poursuite du précédent dosage), les évènements notables (vomissements, etc.), la date du prochain contrôle INR proposée par le professionnel.

Introduction

1La présente contribution s’inscrit dans le champ de l’éducation thérapeutique du patient, qui vise à accompagner les patients à prendre soin d’eux-mêmes, à agir dans un sens favorable à leur santé, à leur bien-être et à leur qualité de vie. Lorsqu’il s’agit de l’éducation thérapeutique de jeunes patients (ETJP [1]), les parents sont des médiateurs incontournables pour la santé de leur enfant : ils jouent un rôle crucial pour le développement de l’autonomie de leur enfant et son épanouissement. Confrontés à l’annonce de la maladie et aux divers bouleversements qui surviennent dans leur vie, ils vont devoir développer leur répertoire de ressources pour agir pour la santé et « sortir la tête hors du drame ». Peu à peu, les jeunes patients s’approprieront, à leur tour, ces ressources, lorsqu’ils seront en âge de le faire, ou encore en construiront de nouvelles, dans l’environnement familial ou social.

2La perspective choisie sur l’éducation thérapeutique pour mener à bien la présente recherche se démarque d’une conception descendante et classique du patient, centrée sur l’acquisition de connaissances et de compétences [2]. Elle considère la famille comme une actrice dans son devenir, engagée dans un processus dynamique, productrice d’un ensemble d’activités créatives, au service de la santé, dont il s’agit de rendre compte dans son expérience de vie. La famille n’est jamais seule sur ce chemin, elle est accompagnée dans cette éducation. Lors d’une recherche-action collaborative avec l’équipe d’ETJP du service de cardiologie pédiatrique à l’hôpital universitaire Necker-Enfants malades [3], des travaux antérieurs (Gouédard, Bajolle et Grazioli, 2016, Gouédard et Bajolle, 2018, Numa-Bocage, Gouédard, Bajolle et El Amdouni, 2019) montraient combien les processus de médiation entre professionnels de santé et familles sont complexes dans l’accompagnement en ETJP. La présente contribution, qui prend place sur ce même terrain de recherche, vise à déplacer le regard vers les familles. Les jeunes, à qui s’adresse cette éducation ainsi qu’à leur famille, sont suivis de la naissance jusqu’à l’âge de 18 ans dans ce service. Ils sont atteints de maladies cardiaques et suivent un traitement anticoagulant (par anti-vitamines K, AVK) le plus souvent à vie (Bajolle et al., 2012). Ce traitement n’est pas anodin, puisqu’il agit sur la coagulation sanguine, avec des risques et des complications, parfois dramatiques si le traitement n’est pas surveillé de manière rigoureuse. En France, depuis juin 2008, les enfants traités par AVK peuvent bénéficier d’un dispositif d’automesure de la fluidité du sang sous couvert d’une éducation thérapeutique. Un programme novateur a ainsi vu le jour dans le service de cardiologie pédiatrique à l’hôpital Necker-Enfants malades en 2008 [4] et permet aux enfants d’avoir une bonne qualité de vie (Amedro et al., 2018).

3La présente recherche vise à documenter les ressources construites par les familles et à analyser le développement de l’expérience chez les familles au plus près des traces de l’activité mise en histoire, à partir des transformations qui surviennent. Comme le soulignent Breton, Bernard et Robin (2019), ces transformations sont encore insuffisamment étudiées du point de vue des vécus. La maladie peut être considérée comme une « expérience de santé », où des genèses de différentes natures, instrumentales, conceptuelles, identitaires, vont voir le jour reliées à de nouvelles conceptualisations. Ces genèses s’appuient sur un ensemble de ressources qui sont constitutives des capacités et pouvoirs d’agir du sujet. Ces ressources peuvent être externes ou internes au sujet, disponibles ou construites par lui-même. Comment la famille ou encore le jeune vont-ils s’approprier, développer ces ressources en situation d’activité et qu’en retirent-ils pour eux-mêmes ? Que visent les nouvelles constructions et pour répondre à quels mobiles ou objets de l’activité ? Qui dit genèses dit naissance de quelque chose de nouveau, mais aussi processus qui renvoie au développement. De quel développement s’agit-il et à propos de quoi ? Quels sont les mécanismes qui sous-tendent ce mouvement ?

4Pour répondre à ces questionnements, les analyses qualitatives menées s’appuient sur un ensemble d’entretiens semi-directifs auprès des familles. Le modèle du sujet dans lequel s’inscrit cette recherche est celui du « sujet capable » (Rabardel, 2005), acteur au quotidien de son développement. Il s’ancre dans les prolongements de la théorisation du développement dans l’activité de Vergnaud (1985). Vergnaud soutient que la conceptualisation, en tant que processus dynamique, est un moyen d’analyser la construction de l’expérience. Cette théorie vise à rendre compte des évolutions structurelles du (des) systèmes(s) de ressources du sujet et de la réorganisation des schèmes au cours de l’activité. Il y a de l’invariance dans l’organisation de l’activité mais aussi nécessairement des adaptations, et les ressources mobilisées par les familles ou qu’elles construisent participent à différentes formes de médiations qui concourent à reconfigurer l’expérience.

5Après une présentation du cadre théorique mobilisé pour nos analyses, des précisions sur la méthode suivie sont ensuite apportées. Puis, les résultats, en entrant par les genèses, en relation avec les ressources et l’évolution des conceptualisations, sont présentés, à partir d’exemples choisis et discutés.

Perspective du « sujet capable » et développement de ressources

Qu’est-ce qu’un « sujet capable » ?

6Selon Rabardel, « Le sujet capable dispose d’un ensemble de ressources constitutives de son pouvoir d’agir auquel il fait appel au sein de ses activités et qui médiatisent et donnent forme à ses différents rapports au monde : rapport aux objets d’activités, aux autres sujets et à lui-même » (2005, p. 12). Le sujet capable est un sujet qui dit « je peux » avant « je sais », et est un sujet en devenir : il n’est pas possible de comprendre le sujet capable sans considérer son développement. Les ressources ne sont donc pas seulement celles qu’il mobilise, mais aussi celles qu’il construit. Elles sont le socle fondateur des capacités et des pouvoirs d’agir. Le maillage entre ressources internes et externes est important. Si le développement du pouvoir d’agir peut être médié par des ressources externes, celles fournies notamment dans ce cadre par le dispositif d’ETJP, l’organisation de l’activité dépend aussi des ressources internes des familles et de leurs propres élaborations développées au long de l’expérience. Samurcay et Rabardel (2004) distinguent deux dimensions dans l’activité : la dimension productive et la dimension constructive. La dimension constructive est orientée vers le développement des ressources (représentations, conceptualisations, compétences, instruments) qui modifieront en retour les activités productives suivantes. C’est cette dimension constructive qui est explorée plus particulièrement dans cet article. Elle renvoie au sujet capable qui, certes, agit, transforme le réel, mais se transforme lui-même dans un processus de développement.

Sujet capable mis en regard avec le contexte de l’ETJP

7L’approche du sujet capable, dans le contexte étudié, nécessite de prendre en compte la famille : si le jeune est bel et bien au centre du dispositif d’ETJP, les parents sont ses premiers référents sociaux et participent à la construction de son expérience. Ils sont aussi susceptibles de développer des activités profanes inédites. Cresson (2006) souligne que la reconnaissance, depuis les années 80, de l’activité profane des familles dans la participation aux soins de l’enfant, invite à la reconsidérer et à l’étudier. Les travaux de Tourette-Turgis sur l’ETP (2015) explorent cette voie, cherchant à identifier in situ les savoirs et compétences des patients adultes qui deviennent ainsi « patients experts ». Mais comment cette expertise se développe-t-elle dans l’interrelation parent-enfant en contexte pédiatrique ? Soulignant le travail réalisé à la fois par les professionnels, les patients et leur famille dans l’activité de soin, des travaux ont cherché à documenter comment ce travail se déploie, au fil de la maladie, et comment il retentit sur ceux qui s’y trouvent impliqués (Corbin et Strauss, 1991). Ce cheminement relève de l’interaction, d’autant plus que l’issue est incertaine. D’autres recherches se sont davantage centrées sur le vécu des jeunes pour saisir comment ils développent leur manière d’être au monde pour reconstruire leurs identités blessées (Baeza et Janner Raimondi, 2018). En ETJP, le sujet capable, peut concerner l’enfant ou les parents, mais chacun d’eux est en constante interrelation et ils sont intriqués eux-mêmes avec d’autres acteurs de santé et d’éducation. Cette conception suppose donc d’avoir une approche systémique qui accorde une place fondamentale aux médiations.

Médiations et genèses

Les genèses instrumentales

8Dans la lignée de la réflexion de Vygotski (1934) sur l’activité médiatisée par les outils et les signes, Rabardel (2005) invite à penser les situations d’éducation comme des situations d’activité instrumentée. Ces situations incluent généralement un scénario de formation et différents objets, de nature matérielle ou symbolique, qui sont des artefacts, ressources potentielles pour les familles. Premièrement conçus et réalisés par une personne ou une équipe de personnes pour répondre à un (des) objectif(s) précis, ces artefacts deviendront (ou non) des instruments pour les personnes auxquelles ils sont adressés. En effet, l’instrument est une entité mixte constituée d’un artefact et d’une composante liée à l’utilisation qu’en fait le sujet. Il est un « instrument subjectif » qui s’enrichit de ses mobilisations dans la singularité des situations et participe à des médiations multiples, à l’objet de l’activité, à soi-même et aux autres. Cette appropriation est une genèse instrumentale qui se définit par un double processus d’instrumentalisation et d’instrumentation. L’instrumentalisation enrichit les propriétés de l’artefact, lui prête de nouvelles fonctions, jusqu’à parfois même produire intégralement l’artefact. L’instrumentation est le processus par lequel un sujet fait émerger ou fait évoluer ses schèmes d’utilisation pour que l’artefact puisse devenir ressource pour son activité. Il est en ce sens un processus de conceptualisation.

9Dans notre contexte, le dispositif d’ETJP se compose de différentes ressources potentielles et artefacts pour l’éducation : une journée d’éducation initiale collective [5] à l’hôpital impliquant plusieurs familles, suivie six mois après par une séance collective de renforcement et parfois de séances individuelles de reprise en cas de difficultés. Il inclut un suivi téléphonique du traitement par AVK en lien avec la mesure de l’INR [6] qui se prolonge dans la plupart des cas jusqu’à l’entrée de l’enfant dans l’âge adulte. Tout un ensemble d’artefacts concourt à ce suivi téléphonique, en particulier : l’appareil CoaguChek pour la prise de sang et la mesure de l’INR, le répondeur téléphonique, qui est dédié au relevé de l’INR et sur lequel la famille doit indiquer tout commentaire (l’enfant est malade, la prise d’un comprimé a été oubliée, etc.) susceptible de guider l’interprétation du professionnel de santé. Ce message fera l’objet d’un rappel téléphonique de la part de l’équipe d’ETJP le jour même. Le carnet de suivi des AVK, conçu pour les familles, est quant à lui un carnet où les familles sont invitées à regrouper l’historique des prélèvements pour leur enfant, comme le fait de son côté l’équipe d’ETJP dans un classeur pour l’ensemble des patients. C’est à partir de cet instrument majeur que s’appuie le dialogue téléphonique des professionnels de santé pour déterminer conjointement avec les familles un éventuel ajustement du traitement.

Les genèses conceptuelles

10Les genèses conceptuelles s’appuient sur le couple schème-situation (Vergnaud, 1985). Elles seront plus précisément développées dans cet article autour d’incidents critiques évoqués par les familles. L’incident critique est un phénomène intéressant car, à partir d’un évènement marquant qui s’inscrit dans une situation déstabilisante, il est propice à développer de nouvelles conceptualisations. Celles-ci émergent dans le passage des moments d’équilibre (où les conceptualisations construites suffisent pour traiter les situations) à ceux de déséquilibre (supposant des transformations nécessaires). Les genèses sont donc repérables lorsque les familles doivent s’adapter à de nouvelles circonstances, et en particulier lors des situations délicates. Pour faire face à la contingence, une réorganisation ou encore un enrichissement du répertoire de ressources va se produire, amenant une évolution des conceptualisations, aussi bien sur soi-même que sur les autres et sur les objets de son activité. Derrière la compétence est la conceptualisation, rappelle Vergnaud (1985). Les compétences développées, permettant de tirer parti des situations, peuvent inclure des composantes cognitives, mais aussi affectives et sociales.

Les genèses identitaires

11La spécificité des genèses identitaires est qu’elles dépassent la question de l’adaptation à des situations singulières et prennent un empan temporel beaucoup plus large, celui du parcours. Si le développement humain permet au sujet d’augmenter et de restructurer ses ressources pour agir, il permet tout autant une transformation de soi : « nos vies ne se réduisent pas à des instants d’adaptation » souligne Pastré (2011, p. 117-118) qui a développé le concept de « genèse identitaire ». Montrant les liens entre sujet capable et construction identitaire, Pastré défend l’idée que toute existence humaine est une histoire entre continuité et périodes de rupture, de crise, qui sont autant d’occasions de genèses identitaires. Loin d’être une unité stable, l’identité s’inscrit dans un processus dynamique. Les entretiens conduits permettent de documenter ces dynamiques identitaires à l’œuvre, en se focalisant sur la construction de l’expérience dans la durée, la manière dont la famille s’approprie son vécu, réinterroge son mode d’être. Il s’agit d’identifier comment elle exerce « son pouvoir de renversement et de métamorphose », à savoir « sa capacité à transformer les affections en actions, à changer le passif en actif, les contraintes en ressources, ce qui est d’abord subi en quelque chose qui est assumé » (Pastré, 2011, p. 134).

Cadre méthodologique

12La méthode est de nature qualitative et s’appuie sur l’analyse de 31 entretiens semi-directifs (sur 33 prévus) conduits entre juin et décembre 2014 auprès de familles (voir Annexe 1). Les entretiens, d’une durée approximative d’une heure, ont été organisés en amont par l’équipe d’ETJP [7] et se sont déroulés à l’hôpital universitaire Necker-Enfants malades. La rencontre des familles s’est faite en présence du jeune patient, lui donnant ainsi la possibilité, selon son âge, de contribuer à l’échange. L’âge des jeunes patients s’étale de un an, pour le plus jeune, à presque 18 ans pour le plus âgé. Leur temps de traitement par AVK est variable : entre 8-12 ans pour sept d’entre eux (pour ces patients, la famille devait antérieurement réaliser les prélèvements sanguins au laboratoire avant la mise à disposition du CoaguChek) ; entre 3-5 ans pour douze autres, et entre 7 mois-2 ans pour les douze derniers. Le temps d’intégration dans le programme de l’ETJP, avec l’utilisation du CoaguChek l’est également : trois familles étaient présentes au démarrage du programme en 2008 (voir la date de la séance d’ETJP initiale, Annexe 1), alors que quelques-unes viennent depuis peu d’être intégrées. Six familles sont en « automanagement [8]», depuis un à trois ans. Cette prise d’autonomie n’est pas nécessairement reliée au temps d’intégration dans le dispositif d’ETJP ; les cas des enfants suivis sont tous singuliers, soumis à une plus ou moins grande complexité pour le suivi des AVK. Les pathologies cardiaques sont très variables d’un enfant à l’autre et nécessitent parfois de multiples opérations, prévisibles ou non. En annexe, le fait que la mère parle le français, couramment ou non, est spécifié. En effet, ce programme a la particularité d’être proposé à tous les patients sous anticoagulants, quel que soit leur niveau de « français parlé » ; pour les familles interviewées, d’une autre origine, la mère a un rôle privilégié dans le suivi de la santé et les soins.

13Trois chercheuses impliquées dans cette recherche (El Amdouni, Gouédard, Numa-Bocage [9]) ont mené ces entretiens selon une grille élaborée en commun visant à explorer l’expérience subjective et le vécu des familles, qui intègre la dimension collaborative entre familles et soignants. Le recueil de données est constitué de récits de nature biographique, où les familles sont amenées à décrire leur parcours, à s’exprimer sur les différentes modalités du dispositif de suivi des AVK, et à expliquer comment elles ont pu faire face aux difficultés ou imprévus à partir de situations vécues au quotidien. Ces entretiens, à forte tonalité affective, ont été intégralement retranscrits dans la visée de documenter les ressources et de mettre en lumière les genèses et processus à l’œuvre. C’est donc cette grille de lecture qui a guidé la sélection des éléments pertinents dans le corpus d’entretiens. Le croisement systématique des entretiens, fait d’allers et retours entre les données, vise à organiser peu à peu les phénomènes remarquables qui émergent dans la diversité des vécus. Des extraits d’entretiens ont été choisis dans le but de représenter au mieux ce qui se dégage de cette analyse circulaire, en prêtant attention à éclairer les phénomènes émergents dans la diversité de leurs manifestations, lorsqu’ils sont récurrents, pour enrichir l’analyse. Les résultats, s’appuyant sur de nombreux exemples, sont présentés selon une triple entrée qui s’est progressivement dégagée de l’analyse, à savoir les genèses en relation avec le dispositif de l’ETJP, les genèses conceptuelles en lien avec des incidents critiques, puis les genèses identitaires intervenant sur le long cours. Ce cadre nous est, en effet, apparu le plus pertinent pour rendre compte de ce qui ressort des entretiens menés.

Présentation des résultats

Genèses en lien avec la mise en place des séances pour l’ETJP

Partage d’expériences et capacité à se projeter dans l’avenir

14Si les séances d’ETJP collectives, rassemblant plusieurs familles avec des enfants de différents âges, ont été conçues dans une visée didactique par l’équipe médicale, des significations d’un autre ordre s’élaborent. En effet, au-delà des savoirs à construire autour de la maladie (traitements, gestes, etc.) la plupart des familles mettent en avant qu’être rassemblées lors de séances initiales, avec des familles ayant parfois une expérience plus longue de la maladie, leur ouvre la possibilité de se projeter dans une vie possible : on voyait que Julie avait un avenir, ça nous a rassurés. Ceci est fondamental pour la famille comme pour l’enfant : c’est important de montrer à Pascaline que quand on est grand et qu’on a eu une opération, on va très bien, et qu’elle n’est pas toute seule dans ce cas. La confiance en l’avenir est une ressource qui se développe à cette occasion, et qui au-delà des ruptures de la vie, permet d’envisager la continuité : j’ai vu un enfant qui avait 18 ans, je me suis dit que mon fils a aussi de droit vivre plus(mère de Soan). Les familles peuvent adopter une autre perspective sur le futur grâce à la confrontation aux autres, dans le jeu des ressemblances et différences : on voyait que c’était des adolescents comme les autres. C’est ce que nous disaient les médecins. On a eu la preuve sur pièce (père de Lou). Agathe, adolescente s’approchant de ses 16 ans, informe également qu’au cours d’une séance collective, elle a été prise à témoin par le médecin pour montrer le chemin de santé parcouru : c’est moi, plus grande, qui montrait aux autres que j’allais bien. Agathe devient ainsi ressource pour les autres familles. Revoir les enfants six mois plus tard lors des séances de renforcement, comme ajoutent quelques familles, permet de connaître leur évolution. La confrontation aux autres amène aussi à se rendre compte de situations qui seront bientôt rencontrées : je me suis dit que Zaid fera comme lui (cet adolescent qui se pique). Cette projection se fait aussi dans l’environnement social : cela permet de nous projeter vers l’école maternelle (mère d’Alice).

Prolongements du dialogue et conception d’instruments partagés

15A partir de ces séances collectives, de nouvelles occasions d’échanges s’ouvrent avec d’autres parents afin de développer un soutien mutuel : j’ai gardé un lien avec une famille en attente d’un cœur, elle est dans le même quartier, dans la même classe que mon fils. La mère est seule (mère de Nicolas). Certaines familles ont spontanément souhaité être des personnes-ressources pour les autres parents, après avoir elles-mêmes bénéficié du soutien d’autres parents : j’ai souhaité rencontrer d’autres familles. Comment elles s’en sortent ? Nous on s’est très vite porté vers les autres. Et au fur et à mesure que ça allait mieux pour Lou, j’avais fait un blog pour informer les familles si ça peut rassurer les parents. S’ils voient la nôtre en pleine forme, ça peut leur donner une étincelle qui permet de remonter la pente. Dans le cas de certaines maladies rares, le rapprochement auprès d’associations spécialisées (cas d’Alice), permet de rompre l’isolement et de bénéficier de supports spécifiques (livre pour enfant expliquant cette maladie rare, etc.). Il est à noter que des ressources s’estompent, témoignant que des étapes du développement sont franchies : avant je regardais les sites d’échanges sur des trucs pratiques, mais je n’en ressens plus le besoin (mère de Pascaline). Pour les familles qui les utilisent, les forums des réseaux sociaux peuvent jouer un rôle dans l’élaboration des savoirs d’expérience. Mais l’enjeu qui ressort est qu’ils contribuent au partage des parcours et de leurs évolutions : ce qui était perçu comme exclusif appartient désormais à une identité commune. Ces médias, prolongeant l’espace social, favorisent également une autre conceptualisation du devenir de l’enfant et celui de la famille.

Tissu social et famille-ressource face aux difficultés de la langue

16Comme le montre l’annexe 1, dix mères ne parlent pas couramment le français. Cependant, l’équipe médicale n’a pas constaté de différence significative quant au niveau de sécurité des jeunes selon leurs origines sociales et culturelles. Lors des entretiens, une famille témoigne qu’elle a bénéficié, via l’intermédiaire de l’équipe soignante, de l’appui d’une famille-ressource, en vue de contrer les difficultés de la langue. Ainsi, les parents d’Osmane, comprenant et parlant mal le français, ont été mis en relation avec une mère d’une même origine mais parlant couramment le français. Ensemble, ils ont reparlé du programme et du mode de transmission des INR. Les échanges téléphoniques des soignants avec cette famille étaient suivis d’un appel à la famille-ressource afin de s’assurer de la bonne compréhension des messages. Il existe donc bien, dans ce type de rencontre, un effet vertueux qui permet à toutes les familles d’accéder à un même niveau de soins et de sécurité (Bajolle et al. 2012). Dès lors qu’un système de ressources peut se mettre en place (voisins, famille élargie pour d’autres parents), l’effet des caractéristiques des familles susceptibles d’influer sur le pronostic global du jeune pourrait être atténué [10], et ainsi corriger certaines inégalités sociales.

Systèmes d’instruments dédiés au suivi des AVK : transformations et créations dans l’usage

Du CoaguChek au répondeur téléphonique

17Toutes les familles soulignent les bénéfices du CoaguChek qui offre la possibilité de faire la prise de sang à domicile. Cette ressource novatrice simplifie l’organisation familiale et apporte du confort à l’enfant qui a déjà subi de multiples examens à l’hôpital : on n’a pas besoin d’aller au laboratoire avant l’école (…) ; après l’hospitalisation, Henri ne voulait plus voir les blouses blanches. Mais les débuts avec cette machine ne sont jamais simples, ne serait-ce que pour obtenir « une belle goutte » de sang, et peu à peu le geste se réorganise, au fil de l’expérience et avec l’âge de l’enfant : piquer le jeune enfant lorsqu’il regarde la télévision afin de déplacer son attention, faire la piqûre non plus au pied, mais sur le doigt, car en grandissant l’enfant est moins inquiet lorsque ce qu’on lui fait est visible, etc.

18Lorsque surviennent des déséquilibres de l’INR, sources d’inquiétude pour les parents, l’usage du CoaguChek peut parfois se faire plus intensif, en multipliant les prélèvements dans les moments de panique (au-delà de ce qui est préconisé). Il arrive que des parents effectuent en parallèle une prise de sang au laboratoire afin de confronter le résultat du CoaguChek avec celui du laboratoire pour vérifier la fiabilité de la machine. Ce contrôle rapproché ou doublé procure le sentiment de mieux maîtriser la fluctuation sanguine ; or si le traitement a été réajusté, l’effet est seulement visible au bout de deux, trois jours. Pour d’autres familles, un contrôle peut s’effectuer en amont, à des moments précis, pour décider si certaines activités peuvent être menées : si je fais des jeux en sport avec risque de me cogner, je contrôle avant. Si l’INR est à 6, ça veut dire que je ne peux pas (Camille). Dans ce cas, il relève davantage de l’anticipation des risques, comme en témoigne également la mère de Pascaline, qui fait un contrôle systématique rapproché après toute prise de médicaments autres que les AVK. Confrontée dans le passé à des situations d’urgence liées à l’incompatibilité des médicaments, l’organisation de son activité contraste avec celle des familles moins familières des AVK qui n’ont souvent pas développé une vigilance face au médicament.

19Pour ce qui concerne le répondeur dédié aux AVK, il est intéressant de relever qu’il ne remplit pas seulement dans l’usage la fonction de dépositaire du résultat de prélèvement : en dehors de l’INR, c’est un moyen de contact aussi, si ce n’est pas super urgent, mais si on doute. Plutôt que de courir après le médecin, si on a une question, on sait qu’il est écouté plusieurs fois par jour et qu’on va être rappelé. Au-delà des usages prescrits, la famille de Lou, comme d’autres familles, attribue ainsi au répondeur une nouvelle fonction (réceptionner différentes demandes), se substituant à un appel direct au secrétariat médical. Parfois, certaines familles se saisissent de cette ressource matérielle pour se créer un nouvel espace pour accueillir les angoisses : quand je n’ai pas le moral, j’appelle et je parle au répondeur (mère de Zaïd), détournant ainsi l’usage premier du répondeur.

Ressources créées autour du carnet de suivi des AVK et diversité de ses usages

20Le carnet de suivi des AVK [11] s’enrichit très rapidement d’instruments complémentaires pour la plupart des familles en vue de faciliter la mise en œuvre du contrôle au quotidien et aider à la mémorisation. Par exemple, pour ne pas oublier la prise de médicaments, les alarmes se multiplient parfois dans l’espace familial : avant, il y avait l’alarme pour toute la famille, même sa sœur en avait mis une ; à 8 heures, tous les téléphones sonnaient dans la maison (père de Julie). Pilulier ou encore Post-it apposé sur la boîte de médicaments permettent d’indiquer la dose prescrite du traitement à prendre jour par jour, car seule la dose par semaine est indiquée sur le carnet, faute de place. Or, elle n’est pas opérationnelle : la petite feuille ça m’aide pour ne pas oublier le nombre de milligrammes à prendre chaque jour (Stella).

21Le carnet de suivi peut faire l’objet de multiples usages, répondant à différentes médiations. Les familles ayant été confrontées aux services d’urgence montrent combien il les a soulagées lorsque des décisions d’action doivent être prises rapidement par d’autres acteurs du corps médical : dans les moments de panique, je suis incapable de me rappeler ; avec le carnet, on respire, tout est marqué (mère de Pascaline). Il permet aussi, à d’autres moments, ajoute cette mère de famille, de se rassurer en constatant à distance une certaine maîtrise du processus : de voir que le chiffre de l’INR ne sort pas de la fenêtre thérapeutique, on se dit que l’on n’arrive pas trop mal à gérer. Cela fait du bien de sortir le carnet et de se dire que l’INR est normal. On continue à utiliser le carnet, car on n’est jamais à l’abri d’un déséquilibre.

22Si l’usage du carnet des AVK vise l’appropriation du concept fondamental de l’historique des prélèvements, et de ses mécanismes, celui-ci ne prend sens que progressivement chez les familles. Il s’acquiert au cours des échanges téléphoniques, où le dialogue avec l’équipe médicale vient alimenter le dialogue intérieur : je me base sur ce qu’avait décidé le docteur : Ah ! C’est possible qu’il faille faire cela (mère de Zaid). Il peut devenir « instrument cognitif » (Vygoski, 1934), en tant que support d’analyse, pour établir des relations de significations entre différentes variables. Sa bonne tenue permet aussi de lever de rares malentendus dans les messages téléphoniques avec l’équipe d’ETJP. Dans ce cas, il favorise la confrontation des données qui y sont indiquées avec celles délivrées dans l’échange avec le professionnel de santé, qui a donc également de son côté sa propre fiche de suivi. Mais lorsqu’un terrain d’échange peine à se constituer, l’appropriation de l’historique des AVK est plus complexe, comme l’illustrent les deux cas contrastés suivants.

Quand les ressources peinent à se développer : deux cas contrastés

23Pour Arthur, qui vit en foyer d’accueil, et qui prend le traitement par AVK depuis un an, les échanges téléphoniques peuvent difficilement se mettre en place, car ni lui ni son éducatrice ne peuvent prendre l’appel du professionnel de santé, suite au dépôt du résultat du prélèvement le matin. Le professionnel dépose alors un message oral indiquant le traitement à suivre (sur le téléphone portable du jeune et de son éducatrice) jusqu’à la prochaine date de l’INR. L’éducatrice double pour Arthur le message oral, en lui écrivant par texte la dose pour la semaine : le texto, dit-elle, est plus clair : par exemple, j’écris tous les jours 6 mg, et Arthur suit donc les indications et remplit son pilulier. Arthur ajoute : ce qui compte est le texto, pas le carnet de suivi des AVK qui reste dans une pièce du foyer près du CoaguChek. En ce qui concerne Mickaël, sa mère a la possibilité de prendre l’appel à son travail et a toujours le jour du prélèvement le carnet de suivi avec elle : si je pense que la dose est trop haute, il y a discussion, puisqu’on a eu une éducation, tout en sachant que c’est eux les médecins. Au cours des échanges, le traitement peut être ajusté par l’équipe d’ETJP selon le contexte apporté par la mère, et Mickaël anticipe les réponses : je pense qu’on va nous dire de baisser ! Il a une bonne compréhension des mécanismes complexes du suivi, mais avoir un suivi téléphonique, ajoute sa mère, permet de mieux vivre la maladie car il y a un vrai accompagnement (…), c’est un lien qui permet de rassurer et de plus je peux appeler à tout moment si souci.

24L’accompagnement est donc distancié pour le premier cas, contrairement au second cas, qui montre une construction possible, au travers de multiples interactions, avec les professionnels de santé, mais aussi entre les parents et le jeune (Arthur ne peut bénéficier de ce soutien familial). La conceptualisation du suivi des AVK est différente : appliquer le traitement prescrit avec le souci de contrôler les prises (cas d’Arthur), versus construire ensemble la décision quant au traitement dans l’accompagnement, ce qui laisse place à la possibilité de se saisir du processus des AVK, de s’engager dans une activité d’analyse où la négociation peut apparaître. La co-construction qui s’élabore dans les dialogues téléphoniques, la médiation entre parent et jeune, et les artefacts, devenus instruments psychologiques, occupent une place essentielle dans le développement de Mickaël en vue de son autonomie, contrairement au cas d’Arthur, où le jeune dit se sentir encore démuni pour gérer en toute autonomie son traitement si un déséquilibre se présente.

Genèses conceptuelles et incidents critiques

La gestion des incertitudes en lien avec le traitement des AVK

25De nombreux incidents critiques peuvent survenir au cours du suivi des AVK. Ils peuvent être relatifs à l’oubli de la prise d’un comprimé, à des incompatibilités dans les traitements médicamenteux ou encore à un écart dans la procédure, comme la mère de Lou l’évoque : une fois j’ai oublié d’appeler avant midi pour le prélèvement. Et je me suis rendu compte que plus tard. Je me suis demandé : est-ce qu’on est capable de faire le suivi ? J’ai donné une dose comme sur le carnet des AVK. Lou était entre 3,5 et 4, qu’est-ce qu’il faut faire ? On a fait la rétrospective du carnet, on sait à peu près ce qu’il faudrait faire quand cela commence à baisser. J’ai appelé la secrétaire mais je ne savais pas si elle avait fait la commission. Dr. B. m’a appelée plus tard vers 20h. Elle m’a dit que c’était bien, bravo ! La mère, valorisée par son initiative, a pu s’éprouver comme sujet capable, à même de gérer la situation d’incertitude, et la félicitation la met en confiance pour l’avenir. Le passage du doute à la réassurance est une genèse conceptuelle sur soi-même. De nombreuses anticipations se développent et la manière de gérer ses doutes peut évoluer en fonction des incidents critiques rencontrés : j’ai épluché la notice pour voir les effets secondaires du nouveau médicament pour l’acidité de l’estomac, car le médecin de l’hôpital de Province préconisait avant un autre médicament. En fait, l’INR a fait un bond. Il est passé de 2,5 à 10 ! J’ai appelé Necker et j’ai donc court-circuité l’autre hôpital qui avait délivré le médicament. Dr. B. a dit : on revient au médicament précédent. Maintenant si on a le moindre doute on appelle Necker. Le père de Solange a ainsi transformé ses règles d’action, pour anticiper toute mise en danger de l’enfant, car ses conceptualisations quant à la fiabilité des interlocuteurs de santé ont évolué. Des incidents critiques, similaires à celui-ci, survenus chez d’autres familles interrogées, montrent l’importance de travailler le lien « ville-hôpital » mais aussi avec les interlocuteurs de l’école : ils ont peur ; je leur explique, ils sont dans l’incompréhension, car ils n’ont pas eu de formation (Camille).

26Parfois, la fluctuation du taux d’INR n’est pas explicable aisément et les réactions du corps restent alors insaisissables ce qui n’est pas sans dérouter les familles : c’est perturbant quand ça bouge, on ne sait pas pourquoi (mère de Zaid). Ainsi, la formulation d’hypothèses est inévitable et rassurante : j’ai l’impression que l’INR monte plus le soir (père d’Osman). Pour les familles, il s’agit d’apprivoiser ce caractère insaisissable, ne pas agir nécessairement dans l’immédiateté (par modification spontanée du traitement) face à une fluctuation, mais faire avec les registres internes du corps qui échappent. C’est un changement conceptuel qui ne va pas de soi pour les familles, mais qui s’acquiert avec l’expérience des déséquilibres/rééquilibres et suppose un accompagnement serré pour contenir les angoisses qui en découlent. La mère de Stella, en automanagement, ne s’inquiète plus vraiment de ces déséquilibres car elle sait qu’ils peuvent être rétablis rapidement par une piqûre, mais elle cherche cependant à les contrer. Elle explique avoir été amenée à négocier avec l’équipe d’ETJP, à une période donnée, un ajustement du traitement, même si l’INR respectait encore l’intervalle requis : je voulais que cela soit un peu en dessous pour avoir une marge et éviter la piqûre. Ce qui motive sa proposition, c’est le fait de limiter les contraintes (appel de l’infirmière) et de préserver l’enfant de la piqûre redoutée. Cette décision, appuyée sur l’historique des AVK, n’est en fait jamais simple à prendre, car un changement de dosage des AVK pourrait amener un nouveau déséquilibre.

Interprétation des signaux corporels et relation avec le suivi médical

27L’incident critique qui suit est relatif à l’apparition d’hématomes qui éveillent l’attention des parents de Julie. Ils ont en effet gardé en tête, suite aux séances collectives d’ETJP, ce risque possible du médicament. Cette connaissance issue de la formation est devenue ressource interne pour guider le diagnostic. Ils développent alors une attention particulière dès l’apparition d’hématomes et soupçonnent peu à peu un souci possiblement lié au traitement : il faut être attentif. Cela a commencé par des bleus, et ensuite des gros hématomes. Un hématome n’est plus anodin. Il se construit une nouvelle interprétation de ce signe corporel : s’il y a hématomes, peut-être est-ce l’effet du médicament ? Ce questionnement peut donc être posé parce qu’il s’appuie sur une combinaison de ressources (connaissance de l’effet possible du médicament et compétence à être attentif). Il amène à une mise en enquête avant d’en parler au médecin qui ajustera le traitement : est-ce l’effet ou non de l’anticoagulant ? Peut-être s’est-elle cognée à l’école ? Mais elle ne se cognait pas et des bleus apparaissaient. On savait par la formation qu’il y avait un risque de bleus avec l’anticoagulant, donc on a assimilé cela au médicament. Au bout d’un moment, on connait nos enfants. On en a parlé et la décision du médecin a été d’arrêter l’Aspégic. Cette attention aux signes corporels développée par les parents, l’enfant lui-même la développe en étant à l’écoute de son corps : Julie s’autogère. Dès qu’elle est fatiguée, elle arrête. A 80% elle gère. Elle sait quand s’arrêter pour ne pas tenter le diable. L’enfant, selon les termes de Crozet et d’Ivernois (2010), devient un « patient-sentinelle » et le parent lui-même développe cette vigilance, change de registre pour interpréter ses perceptions, vis-à-vis de son enfant, afin de prévenir la crise, comme en témoignent plusieurs familles. Certaines anticipent le contrôle de l’INR à partir de leurs observations : on n’attend pas le prochain contrôle de l’INR. On contrôle toujours les bleus (père d’Henri).

Genèses identitaires et parcours

La réorganisation de sa vie face à la disparition de soi

28La mère de Lou souligne combien l’écoute des professionnels de santé est fondamentale : ils nous ont dit des phrases, des mots, qui permettent d’aller plus loin. Lou a été opérée du cœur à cinq mois, mais un an plus tard une grosse alerte a nécessité l’hospitalisation. A la sortie de l’hôpital, la mère de l’enfant a demandé au médecin : comment faire ? Est-ce qu’il faut la garder à la maison tout l’hiver ? Est-ce qu’il y a un risque que cela dégénère ? Et le médecin a répondu : est-ce que c’est ce que vous avez prévu ? La mère répondant à la négative, la réponse du médecin fut alors : il faut qu’elle vive, pas qu’elle survive. Nous on adaptera les médicaments pour qu’elle vive. Ainsi, à partir de ces mots, agissant comme une « expérience-déclic » (Vygostki, 1934) la décision dans la famille fut de ne pas adapter la vie à la maladie, mais de faire comme ils avaient prévu. A savoir, faire, vivre, le plus possible normalement. Et, ajoute-t-elle : on s’est rendu compte que plus on vivait normalement, plus ça faisait du bien à Lou. Invités, autorisés à vivre normalement, des ressources internes, celles qui vont vers la vie, ont pu se mettre en place dans la famille, dont l’enfant lui-même tire bénéfice, au lieu que les parents se soumettent, s’oublient, et avec lui, dans la maladie. Ces ressources, comme en témoignent d’autres familles, peuvent faire l’objet d’une lente maturation, parfois de plusieurs années, avant de retrouver l’équilibre dans la vie : j’ai appris la souplesse des règles. Pour faire le relevé de l’INR, 17 jours au lieu de 15, ce n’est pas grave. Avant, 15 jours, c’était à la minute près. On vit maintenant plus tranquillement en fonction des contraintes (…). On a retrouvé une vie normale, on peut maintenant faire des projets d’avenir. J’ai décidé de faire seule, d’avoir confiance en moi. Maintenant, on a appris à se faire confiance sur la maladie de Pascaline, ses médicaments. En questionnant cette mère sur comment s’est fait ce passage, elle répond : ce n’est pas moi qui vais suivre la maladie, c’est la maladie qui va nous suivre. L’inversion du processus révèle un changement de perspective nécessaire à la vie ; il s’apparente à un processus de résilience (Michallet, 2009), où une nécessaire réorganisation de l’activité de l’être se met en place. La capacité à se sentir en confiance qu’elle acquiert, comme d’autres familles le montrent, est en étroite relation avec la disponibilité des ressources sociales, celles du corps médical, dont elle fait usage : on est libre tout en ayant une sécurité. En cas de doute, je sais que je peux appeler le médecin. C’est une sécurité de s’entendre dire « c’est bien », et surtout la première année d’automanagement où on a un an entre chaque consultation.

Parcours de soi, parcours de l’autre

29Lorsque le parcours de soi rencontre le parcours de l’autre, la propre expérience vécue de la maladie peut agir également comme une ressource. La mère de Pascaline, souffrant de diabète, évoque la relation particulière développée avec son enfant, faite d’empathie et de complicité. Il est possible de doubler la force intérieure : on fait bloc toutes les deux (…). Quand on va à l’hôpital, je sais ce qui va se passer. On explique nos peurs, ses peurs. L’assimilation de son vécu à celui de son enfant lui permet d’anticiper de probables difficultés à venir : je me suis préparée à des moments où elle va tout jeter par la fenêtre pour être passée par là, ce moment où j’ai jeté toutes mes insulines. Je pense qu’elle fera pareil. C’est pour cela qu’à huit ans, il faut préparer ce passage avec l’équipe médicale. Mais, j’avais conscience des risques que je prenais, donc je ne suis pas allée trop loin. Comprendre la maladie, ajoute-t-elle, lui a permis de diminuer son appréhension. Plusieurs familles témoignent de cette adolescence délicate : j’ai eu beaucoup de soucis avec Agathe à 14 ans, beaucoup de questions par rapport à la mort, et ce n’est pas facile de gérer l’angoisse. Il y a besoin d’un suivi pour les parents. Pour la mère de Melina en automanagement, si elle dit avoir appris avec le temps à gérer le traitement et mieux maîtriser ses angoisses, l’inquiétude ressurgit à grands pas lorsque le comprimé ne suffit pas et qu’il faut faire exceptionnellement une piqûre d’anticoagulants. Elle n’est pas sans être affectée par les questions de sa fille : si on me retire la valve, qu’est-ce qui m’arrive ? Quelques familles soulèvent l’importance de développer des espaces d’écoute et de partage entre les jeunes afin qu’ils puissent mettre en mots leur parcours vécu, libérer leurs angoisses en dehors du cadre familial. Se raconter, par imprégnation et distanciation de l’expérience (Ricoeur, 1990), est au cœur du travail identitaire.

Cicatrices et transformation des rapports à soi et aux autres

30Deux familles parlent de leur souffrance face à la cicatrice de leur très jeune enfant, se sentant empêchées à la sortie de l’hôpital d’exercer pleinement leur rôle de parents : après l’opération, j’avais peur de porter Alice, que la cicatrice s’ouvre. C’était difficile. Au fil des épreuves, des capacités d’agir peuvent toutefois se développer pour apaiser l’agression subie de l’enfant, entrer en relation avec lui, et pouvoir se retrouver en tant que parents : comment gérer la cicatrice ? Comment gérer un petit qui ne parle pas ? Iris ne supportait plus d’être allongée, ça a duré plusieurs mois. De nous-mêmes, on a essayé de faire des massages pour qu’elle ait un autre rapport au corps après l’agression (…) De nous-mêmes, on s’est adapté à la 2e, 3e intervention, on était plus à même de gérer. Mais la première fois, moi j’étais perdu, dit le père. Pour le jeune patient, et au fur et à mesure qu’il grandit, ce corps marqué s’impose comme une expérience d’altérité ; les autres ne sont pas sans renvoyer cette singularité inquiétante. Les familles évoquent les multiples questions qui envahissent les jeunes à l’école, le désir qu’ils ont eu ou ont de faire disparaître la cicatrice, mais aussi soulèvent les potentialités créatrices : au début, Pascaline, avait honte de sa cicatrice. On lui a dit, tu réponds que tu t’es battue avec un tigre, et c’est la marque qu’il t’a laissée. Et cela lui a donné une force par rapport aux autres. Elle a appris à aimer sa cicatrice (…), on lui a appris à être fière de son parcours. L’analogie du combat, ressource utilisée par la mère, marque le passage, de la honte à la fierté, de la vulnérabilité à la force, dans la manière de percevoir la cicatrice qui fait désormais partie de l’identité du jeune. Pour Agathe, le cadeau pour ses 16 ans serait d’enlever sa cicatrice au laser : je dois expliquer quand je porte un décolleté. Fatiguée d’être envahie de questions, et dans l’attente de cette perspective, elle a alors décidé de faire un exposé à ses camarades en classe sur les anticoagulants et de créer une page « Face Book » sur les réseaux sociaux : comme ça plus de questions !. Dans cet agir, c’est le rapport aux autres qu’Agathe cherche à transformer : subissant le regard des autres, elle assume le fait de mettre en plein jour ce qui lui est arrivé, mais reste toutefois dans l’attente de l’effacement de la cicatrice, effaçant le passé pour les autres, et en même temps à soi-même.

Discussion

31Diversité des ressources et système de ressources. La confrontation des récits montre que les familles construisent une diversité de ressources. Celles-ci sont de nature matérielle, humaine (poids de l’accompagnement), organisationnelle, collective et sociale, et s’inscrivent aussi dans le registre interne des valeurs, de l’espoir et de la vie pour transformer l’inquiétude en une relative tranquillité, la vulnérabilité en force, l’isolement en force collective. Ces ressources résultent d’un processus de développement et visent à soutenir l’activité dans des situations singulières mais aussi à développer de nouvelles formes de représentations et d’existence au monde. Elles sont dynamiques dans le temps, forment système en se combinant, concernent tout aussi bien les parents que les enfants. Les analyses menées soulignent que les artefacts construits pour l’éducation, lorsqu’ils deviennent instruments dans l’usage, concourent à développer de multiples médiations (à l’objet de l’activité, à soi-même, aux autres) et à transformer les conceptualisations chez les familles. Elles ont aussi montré que se développent de nouveaux usages des instruments face à l’angoisse des déséquilibres, et plus largement que de nouveaux sens s’élaborent pour contrer les difficultés du quotidien, interpréter les signes corporels, ou encore faire en sorte d’assumer l’altérité face au regard de l’autre sur le corps marqué. Un résultat saillant est le poids des médiations au cœur de la famille, pour accompagner le jeune dans son développement en lien avec l’ontogenèse et ses besoins singuliers, mais aussi entre parents afin de se soutenir dans l’épreuve. Ainsi, le partage des parcours, voie ouverte par les séances collectives, ouvre sur un avenir possible par la confrontation des vécus. Les jeunes œuvrent eux-mêmes, dans les médiations avec leurs pairs ou avec les interlocuteurs de l’école, pour leur inclusion sociale. L’accompagnement du professionnel de santé, qui apparait en filigrane de nos analyses, ressource cruciale dans le développement de l’expérience, conduit à envisager les processus de résilience en relation avec les pratiques collaboratives. Plusieurs facteurs alliés des genèses identitaires ont été relevés : l’empathie, les encouragements, le temps, et surtout l’inscription de la famille dans un futur et le travail sur la mise en confiance. La prise en compte de la dimension émotionnelle dans l’éducation, tout comme la valorisation des connaissances expérientielles, participent pleinement à la dynamique évolutive des familles.

32Cheminement et repères de développement. Les résultats mettent en lumière dans l’histoire des familles des rebonds, des prises de conscience, des changements de perspective, dans de multiples temps et espaces. Ce sont des repères de développement, sous-tendus par une transformation du répertoire des ressources pour l’agir, en relation souvent avec les instruments et l’aide potentielle d’autrui. Ils montrent comment le court terme de l’expérience (en lien avec les situations singulières) agit sur le long terme de l’expérience (celui du parcours), et inversement, puisque dégager du sens change l’orientation de son activité. L’activité constructive est reliée aux situations relatives au suivi du traitement : anticipations pour prévenir les crises, mieux répondre aux urgences dans un système de santé complexe ; élaboration de nouvelles règles d’actions pour préserver l’enfant de situations difficiles, appropriation des mécanismes de contrôle des AVK ajustés aux situations singulières. Elle renvoie également à la construction de la continuité de soi pour reconstruire des identités blessées. La vie, comme le dit Canguilhem (1984) n’est pas soumission au milieu mais institution de son milieu propre. Elle est le produit d’une invention permanente. Dans leur quête existentielle, l’évolution chez les familles, qui se disent désormais plus sereines, va notamment de pair avec un processus de « lâcher-prise », se traduisant par un assouplissement des règles, l’acceptation que tout n’est pas contrôlable, le délaissement de certains outils systématiques de contrôle devenus en fin de compte internalisés au profit d’une nouvelle organisation qui redonne place à la vie et à la confiance en l’avenir. Comme l’ont montré Aujoulat, Marcolongo, Bonadiman et Deccache (2008), ce lâcher-prise est un processus aussi important que la maîtrise du contrôle. Il contribue à la résilience, à l’augmentation des ressources internes sur lesquelles l’enfant pourra s’appuyer dans son propre cheminement. Dans ce double processus, le second est toutefois facilement mis à mal lorsque resurgissent les crises, mais celles-ci tendent à revêtir un caractère de familiarité, et beaucoup de familles les apprivoisent avec l’expérience des déséquilibres et rééquilibres.

33Enjeux et défis pour le dispositif d’ETJP. Analyser les ressources des familles (dans leurs potentialités et leurs limites) et le développement de l’expérience, participe à documenter les médiations favorables en ETJP. Il s’agit de valoriser in fine les ressources gagnantes et de travailler sur ce qui entrave le pouvoir d’agir. L’enjeu est bien de rendre le jeune acteur « capable » afin qu’il construise un projet de vie avec son traitement anticoagulant et s’édifie comme sujet malgré l’incertain. Comme le souligne Pastré, « il n’y a pas de développement, sans la reconnaissance d’autrui » (p 304, 2011). Croire en cette capacité est une valeur forte du dispositif étudié qui n’écarte aucun patient, contrairement à de nombreux programmes internationaux qui ont comme critère d’inclusion un bon niveau de langue parlée du pays où est mise en place l’ETJP. Au cours de la présente recherche-action collaborative, des évolutions dans le dispositif d’ETJP à partir de variables incontournables (tel l’âge des jeunes) ont vu le jour. D’autres restent à venir pour concevoir des artefacts mieux à même d’accompagner le jeune dans son développement (Decortis, 2015), de le préparer à la transition vers l’hôpital adulte, et plus largement à son avenir (Ladouceur et al., 2017). Les résultats ont souligné combien soutenir les capacités des familles pour qu’elles puissent donner du sens à leur parcours et se projeter dans le futur est crucial pour les genèses identitaires. Pour les adolescents, qui sont à l’aube de leurs projets personnels et professionnels, il s’agit d’un point d’attention majeur qui constitue désormais un projet phare pour l’éducation en cardiologie pédiatrique. Dans ce cadre, au vu de la richesse des premiers éléments obtenus par des entretiens semi-directifs, la mobilisation de méthodes spécifiques, faisant parler les vécus subjectifs des jeunes, dans toute leur inscription corporelle, permettrait d’approfondir le développement de l’expérience, et pourrait être intégrée dans des protocoles thérapeutiques afin d’enrichir les combinaisons de ressources. Enfin, bien que la rencontre en ETJP soit une expérience singulière, propre à chaque personne et à chaque maladie, une autre perspective serait de relever les invariants dans l’activité des familles, à partir d’une analyse transversale des programmes d’ETJP existants à l’hôpital Necker-Enfants malades.

34En conclusion, l’éducation thérapeutique adressée aux jeunes nécessite une approche spécifique et distincte des modèles qui président à l’éducation thérapeutique des adultes. Développer une approche holistique, ancrée dans la compréhension de l’expérience et des genèses, selon une maille d’analyse qui inclut enfants et parents, mais aussi les autres systèmes interreliés, est une voie prometteuse pour éclairer les cheminements de santé des familles. L’activité des familles, avec l’analyse des forces qui s’y constituent comme de ce qui les freine, est source d’inspiration pour l’éducation de demain : le défi est de créer un espace de développement, au-delà de modèles biomédicaux centrés sur l’évaluation des connaissances et compétences autour de la maladie.


Annexe 1 – Éléments sur les 31 entretiens semi-directifs menés auprès des familles (entre juin et décembre 2014) en présence du jeune patient.

Pseudonyme du patient et (Mère/M et/ou père/P) présentsÂge
(en année et mois/m)
PathologieTemps de suivi des AVKDébut
de l’ETJP
avec Coagu-Chek
Début automanagementFrançais
parlé couram­ment par la mère
Melina / M10 ans 1 m.RVM9 ½ ans04/20091/2013+
Agathe / M15 ans 9 m.DCPT5 ans04/20097/2013+
Patricia / P12 ans 6 m.RVM7 mois11/2013Non-
Stella / M15 ans 11 m.RVM12 ans10/20084/2012-
Pascaline/M6 ans 4 m.AVC-DCPT5 ans06/20092013+
Osmane/MP13 ans 4 m.RVAO8 ans07/2011Non-
Zaïd / M2 ans 8 m.RVM2 ans08/2012Non+
Alice / M1 an 9 m.RVAO1 an05/2013Non+
Soan / M6 ans 2 m.RVM5 ans06/2009Non-
Lou / MP5 ans 8 m.CMD5 ans04/2009Non+
Imad / MP1 an 1 m.RVM1 ½ an01/2014Non+
Sofiane / M11 ansRVM10½ ans04/2009Non-
Youri / M4 ans 3 m.CMD10 ans09/2014Non-
Yasar / M7 ans 6 m.RVM5 ans09/2009Non+
Henri / M6 ans 8 m.AVC DCPT1½ an05/2013Non+
Eloïse / MP12 ans 3 m.DCPT3 ans12/2011Non+
Yann / M3 ans 10 m.DCPT2 ans06/2013Non+
Nelly / M16 ans 1 m.RVAO2 ans05/2012Non-
Gilles / M5 ans 11 m.RVM5½ ans04/2012Non+
Camille / M12 ans 1 m.RVM12½ ans09/2008Non+
Iris / MP7 ans 3 m.DCPT3 ans09/2011Non+
Tess / MP1 an 1 m.CMD8 mois03/2014Non-
Solange/MP7 ans 3 m.RVM5½ ans02/2009Non+
Pierre / M6 ansCMD5½ ans04/2009Non+
Jules / MP11 ans 3 m.RVM10½ ans03/20101/2012+
Clotilde / M14 ans 4 m.RVM7 mois05/2014Non+
Violaine/ M8 ans 9 m.RVM4½ ans07/2010Non+
Julie / MP9 ans 10 m.DCPT2½ ans06/20127/2013+
Arthur/éduc.17 ans 11 m.RVAO1 an09/2013Non-
Nicolas / M7 ans 10 m.RVM6 ans2008Non-
Michaël / M14 ans 11 m.Kawasaki7 mois06/2014Non+
Légende : RVM (remplacement valvulaire mécanique mitral), DCPT (dérivation cavo-pulmonaire totale), AVC-DCPT (accident vasculaire cérébral et DCPT), RVAO (remplacement valvulaire mécanique aortique), CMD (cardiomyopathie dilatée).

Références bibliographiques

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Mots-clés éditeurs : familles, médiation, éducation thérapeutique, développement de l’expérience, ressources

Date de mise en ligne : 29/01/2020

https://doi.org/10.3917/rief.045.0093

Notes

  • [1]
    Le sigle ETJP, qui a été choisi, sous-tend que l’éducation thérapeutique du patient (ETP), repose sur une nécessaire triangulation parents-enfants-soignants dans le contexte pédiatrique, qui introduit des problématiques particulières (voir, par exemple, Colson, Gentile, Côté et Lagouanelle-Simeoni, 2014).
  • [2]
    Voir les directives de la Haute Autorité de Santé-Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé. https://www.has-sante.fr [consulté le 19 sept. 2019].
  • [3]
    Membres : F. Bajolle, D. Bonnet, R. Cheurfi, A. Grazioli, M. Traore et D. Lasne.
  • [4]
    D’après la littérature, il n’existait pas au démarrage de notre recherche (en 2012) de dispositif pour un tel public. Intégrant quelques familles lors de l’année de sa mise en place, il en inclut désormais plus de 500.
  • [5]
    5 Les objectifs de la journée initiale sont de fournir aux patients une connaissance théorique de la coagulation sanguine et du motif de prescription des AVK, des signes évocateurs de sous-dosage et de surdosage, de la surveillance de l’INR (International Normalized Ratio), des dangers de l’automédication et des maladies intercurrentes, d’informer sur l’alimentation et sur l’organisation de la vie quotidienne. Pour une description complète du dispositif, se reporter à Numa-Bocage et al. (2019).
  • [6]
    L’efficacité et la sécurité des traitements anticoagulants oraux par AVK reposent sur la bonne définition de la zone de l’INR pour chaque pathologie et le maintien des patients dans cette zone. L’INR évalue l’action des AVK sur la fluidité du sang. La première mesure de l’INR, est effectuée par la famille quelques jours après la séance collective initiale d’ETJP, puis au moins deux fois par mois.
  • [7]
    7 Les familles contactées ont été celles devant notamment se déplacer prochainement à l’hôpital pour un suivi médical mais le corpus inclut aussi des familles en automanagement. Elles proviennent de milieux sociaux-économiques et culturels très divers, le programme d’éducation thérapeutique étant non sélectif (contrairement à de nombreux programmes). Chaque entretien a fait l’objet d’un consentement écrit autorisant l’enregistrement et l’exploitation des données dans le cadre de la recherche et garantissant l’anonymat. Tous les prénoms des enfants inscrits dans ce présent article sont des pseudonymes.
  • [8]
    Le statut « automanagement » indique qu’un certain niveau d’autonomie dans le suivi des AVK a été atteint par la famille. Les rendez-vous médicaux se font notamment plus espacés à l’hôpital ; quant au suivi téléphonique, les familles continuent à communiquer la mesure du prélèvement de sang sur le répondeur de l’hôpital. Le professionnel de santé l’indique sur le classeur des AVK mais rappelle seulement la famille si l’INR est déséquilibré. Il reste à disposition, à tout moment, si nécessaire.
  • [9]
    Membres de l’Association pour la recherche sur le Développement des Compétences, et impliquées dans cette recherche relevant d’un projet du Centre de Recherche en Formation-Conservatoire National des Arts et Métiers (responsable : L. Numa-Bocage).
  • [10]
    10 L’étude EPICARD, étude de cohorte prospective en population, (Khoshnood et al., 2016) suit plusieurs milliers d’enfants ayant une cardiopathie congénitale nés en Ile de France. Elle montre que l’accès aux soins en cas de diagnostic anténatal de cardiopathie est identique quel que soit le département de résidence (75, 92, 93 et 94) mais il a été montré que les caractéristiques sociodémographiques influencent le devenir éducatif des enfants (Place et Vincent, 2009). Inclure les patients, quel que soit le lieu de vie mais aussi le milieu social et culturel, semble rééquilibrer le pronostic des enfants, comme cela est constaté en prénatal.
  • [11]
    Ce carnet inclut un tableau de suivi, avec la date du prélèvement, le traitement avant INR (dose d’anticoagulants dans la semaine), l’INR relevé, le traitement après INR (ajustement ou poursuite du précédent dosage), les évènements notables (vomissements, etc.), la date du prochain contrôle INR proposée par le professionnel.

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