Notes
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[1]
Par « État », nous entendons ici les détenteurs du pouvoir d’État, les dirigeants politiques du pays, qui élaborent les politiques économiques, plutôt que l’appareil administratif étatique qui les met en œuvre, très peu développé au début de notre période.
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[2]
À cet égard, les résidents étrangers ne constituent pas une catégorie administrative ou statistique mais forment historiquement une catégorie sociale bien identifiée en Éthiopie, à la manière des Indiens en Afrique de l’Est (Oonk, 2013) ou des Libanais en Afrique de l’Ouest (Arsan, 2014).
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[3]
Les auteurs remercient vivement les coordinateurs du dossier et les évaluateurs de l’article pour leurs relectures attentives.
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[4]
Voir Worku Nida (2006) pour les relations entre le pouvoir impérial et les entrepreneurs éthiopiens Gurage.
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[5]
À cette date, certains descendants ont obtenu la nationalité éthiopienne. Voir infra.
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[6]
Estimation réalisée à partir des patronymes et des noms des firmes connues.
Introduction
1La politique industrielle de l’État éthiopien a fait l’objet de travaux pionniers en histoire (Bahru Zewde, 2002 ; Shiferaw Bekele, 1995). Elle suscite aujourd’hui un intérêt renouvelé chez les chercheurs et les praticiens, depuis que l’État s’est engagé, en 2002, dans une stratégie développementale volontariste bénéficiant d’importants prêts des bailleurs de fonds internationaux. Une telle stratégie soulève la question de l’existence d’une classe d’entrepreneurs disposés à s’engager dans les secteurs industriels promus et du rôle de l’État à son égard. L’État peut confier ces secteurs à de tels acteurs privés, voire inspirer de nouvelles entreprises pour ce faire, ou encore prendre directement en charge ces secteurs. Ces questions ont été amplement travaillées par des économistes et des sociologues désireux de comprendre les raisons des succès industriels des « Tigres asiatiques » au cours de la seconde moitié du xxe siècle et de les comparer à d’autres « pays en développement ». De ces réflexions est né le modèle de « l’État développemental », inspirant une abondante littérature théorique (Edigheji, 2010 ; Routley, 2012). En particulier, Peter Evans (1995) forge le concept d’« autonomie encastrée » (embedded autonomy) pour définir l’État développemental conçu comme un idéal-type à partir du cas coréen, où le secteur de l’industrie de haute technologie fut créé en associant une organisation étatique cohérente (les structures d’État jouissant d’une autonomie d’action) et des liens forts avec les acteurs industriels. Dans ce cadre, Evans propose une typologie des formes d’intervention étatique permettant d’interroger non seulement ces arrangements exclusifs noués avec l’élite industrielle, mais aussi la base sociale plus large sur laquelle reposent ces arrangements. Cet article reprend à son compte à la fois cette perspective et la typologie proposée par Evans afin d’éclairer les liens anciens et persistants entre l’État éthiopien et l’entrepreneuriat.
2Les analyses portant sur l’économie éthiopienne post-2000 se réfèrent le plus souvent au modèle de l’État développemental, revendiqué par les autorités éthiopiennes pour justifier le rôle indispensable que l’État doit jouer dans la transformation du pays (Arkebe Oqubay, 2015 ; Bach, 2011 ; de Waal, 2013 ; Edegilign Hailu Woldegebrael, 2018 ; Fantini & Planel, 2018). Mais cet État développemental en Éthiopie doit être vu comme la reformulation la plus récente d’une tradition de dirigisme étatique, prolongement d’une construction étatique absolutiste au cœur d’une économie essentiellement agricole vivrière (Bahru Zewde, 1984 ; Shiferaw Bekele, 1995), où prime l’affirmation du pouvoir d’État sur la société (Clapham, 2018 ; Clapham, 2019 ; Keller, 1988 ; Lefort, 2012, 2015 ; Weis, 2016). Ce dirigisme est évident durant la dictature militaire d’inspiration socialiste du derg (1974-1991). Il n’a pas disparu dans l’actuelle république fédérale, fondée en 1991 par le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (Ethiopian People Revolutionary Democratic Front – EPRDF). Durant l’époque impériale qui a précédé le derg, en particulier après la fin de l’occupation italienne du pays (1936-1941), l’État [1] fut aussi l’agent primordial de modernisation économique et d’insertion dans les échanges mondiaux. La littérature offre ainsi plusieurs études sur les stratégies de développement gouvernementales, ainsi que sur les grands acteurs nationaux et partenariats internationaux (investisseurs et bailleurs de fonds étrangers) qui les relaient (Arkebe Oqubay, 2015 ; Cramer et al. 2018 ; Fourie, 2015 ; Geiger & Moller, 2015 ; Hardy & Hauge, 2019 ; McVety, 2012 ; World Bank, 2018 ; Zhang et al. 2018).
3En revanche, les différents segments de l’entrepreneuriat privé sont rarement décrits, replacés dans leurs groupes sociaux d’appartenance, dans leur diversité et dans le rôle qu’ils jouent dans la transformation économique du pays. Les études pourtant détaillées de la formation des classes sociales issues des réformes des années 1950-1960 (Markakis & Nega, 1986 ; Gilkes, 1975 ; Keller, 1988 ; Clapham, 2019) n’envisagent pas de classe d’entrepreneurs. De même, lorsque Bach et Nallet (2018) analysent la façon dont les autorités éthiopiennes s’approprient la notion de « classe moyenne » chère aux bailleurs de fonds, ils retrouvent bien la catégorie des « entrepreneurs » dans le répertoire éthiopien, mais leur analyse confirme l’usage conjoncturel et politique d’une notion laissée sans substance empirique. Des travaux de terrain récemment consacrés à des secteurs en pleine expansion – l’agro-industrie (El Ouaamari & Cochet, 2014 ; Lesourd, 2019), le bois dédié à la construction urbaine (Ayerbe, 2016), le tourisme (Bridonneau, 2014), le foncier et les marchés de terres arables (Labzaé, 2019) – font bien apparaître des figures d’entrepreneurs et des relations spécifiques avec les autorités, mais ils n’ont pas pour objet de questionner la disposition de cet État à travailler en alliance avec le secteur privé. L’image dominante est qu’« il manque en Éthiopie l’alliance entre le gouvernement et le secteur privé intérieur qui a constitué le principal moteur des États développementaux asiatiques » (Clapham, 2018: 1159, notre traduction).
4Dans ce numéro spécial dédié aux entrepreneuriats africains, nous voulons éclairer directement la question posée par Evans à partir de l’étude « par le bas » de segments entrepreneuriaux particuliers (Lovejoy, 1980 ; Ellis & Fauré, 1995 ; Grégoire & Labazée, 1993) ayant œuvré dans l’ombre des grandes orientations industrielles du gouvernement. Le recul historique et l’approche empirique adoptés dans cet article révèlent qu’il existe de longue date en Éthiopie un tissu diversifié d’entreprises locales dont certaines ont constitué un premier noyau industriel dès les années 1940. Ce noyau fut largement le fait de résidents étrangers, indiens, arméniens, grecs, yéménites, italiens, installés en Éthiopie à partir de la fin du xixe siècle. Ces derniers ont notamment pallié le manque d’entrepreneurs éthiopiens jusqu’aux années 1960. Nos données montrent qu’ils étaient très actifs dans l’import-export et ont, à plusieurs reprises, investi dans des activités industrielles et commerciales nouvelles, y compris sous le régime du Derg, mais aussi à sa chute en 1991.
5Notre propos n’est pas ici de discuter de leur importance économique. Il s’agit plutôt de documenter des dynamiques entrepreneuriales locales privées de long terme, encore mal connues, qui ont servi d’embryon ou d’appui aux stratégies industrielles promues par les gouvernements successifs. L’entrepreneuriat des résidents étrangers, historiquement constitué sur des logiques d’émigration communautaire (Adjemian, 2013 ; Bezabeh, 2011 ; Ghanotakis, 1979 ; Harre, 2017), constitue indiscutablement un des deux grands segments de l’entrepreneuriat local privé, avec l’entrepreneuriat des Éthiopiens. Nous en donnerons des exemples précis [2].
6Les matériaux empiriques originaux mobilisés dans cet article proviennent d’une recherche menée par Dominique Harre depuis 2014 sur les communautés étrangères d’Éthiopie, indiennes en particulier. Il s’agit, d’une part, de la compilation et du dépouillement des répertoires d’entreprises issus des fonds d’archives de la National Archives and Records Administration (NARA) aux États-Unis et des institutions éthiopiennes, et, d’autre part, d’éléments concernant des trajectoires d’entreprises particulières extraits d’une soixantaine d’entretiens réalisés entre 2014 et 2018 en Éthiopie. Six entretiens numérotés sont directement cités dans le texte (voir bibliographie et sources, en fin d’article). Ces matériaux ont été complétés, pour la période récente, par des travaux empiriques publiés portant sur l’entrepreneuriat privé en Éthiopie.
7Cet article commence par questionner la place marginale que les travaux d’économie politique consacrés à l’Éthiopie ont traditionnellement accordée aux formes d’alliance entre acteurs étatiques et entrepreneurs locaux, en mobilisant le cadre d’analyse des formes d’intervention étatique proposé par Evans (1995). La deuxième partie de l’article applique ce cadre d’analyse au rôle précoce que les résidents étrangers ont joué dans le développement industriel du pays au sortir de la Seconde Guerre mondiale. On y voit que les orientations industrielles des autorités impériales, notamment les partenariats public-privé et les investissements directs étrangers (IDE), ont très vite limité l’expansion de ce secteur manufacturier local naissant. Enfin, l’article montre qu’un tissu d’entreprises commerciales a néanmoins continué de prospérer, en dépit des différences idéologiques des régimes successifs, se constituant en allié prudent et discret tout en restant à l’ombre des grandes politiques économiques. Nous montrons ainsi un certain degré d’encastrement opéré par cet État, un État qui se pense avant tout, selon les catégories d’Evans (1995), « gardien » (custodian) et « démiurge » (demiurge), et qui pourtant a su déployer des formes certes discrètes mais persistantes d’appui et de protection (husbandry) en faveur d’une catégorie d’entrepreneurs locaux, à défaut peut-être d’aide à la création d’entreprises (midwifery) [3].
1. Un entrepreneuriat local méconnu face à un État gardien et démiurge
8Dans les travaux d’économie politique éthiopienne, le degré d’invisibilité des entrepreneurs locaux dans les stratégies gouvernementales varie selon les régimes qui se sont succédé depuis 1941 ; pourtant, la tendance demeure : les observateurs ont essentiellement retenu la priorité donnée aux projets d’industrialisation où le pouvoir étatique s’assure du contrôle des secteurs clés de la transformation de l’économie. L’État éthiopien y apparaît comme un « État-gardien » qui, soucieux des menaces politiques qui pourraient naître des transformations économiques en cours, limite l’accès aux secteurs non prioritaires. Il est également un « État-démiurge », cherchant à assurer par lui-même certaines transformations clés grâce aux ressources de ses partenaires étrangers.
9La politique économique de l’État impérial a été bien analysée : priorité à l’industrie, financée par des IDE porteurs de transferts technologiques et des participations publiques dans le cadre de partenariats public-privé ; appel aux bailleurs de fonds « alliés » (États-Unis, BIRD-Banque mondiale) pour le financement des infrastructures et de l’éducation, ainsi qu’à d’autres partenaires étrangers, tels que le Japon, l’Inde, Israël, la Yougoslavie (Shiferaw Jammo, 1995 ; Assefa Bequele & Eshetu Chole, 1969 ; McVety, 2012). Si les historiens documentent rarement les acteurs privés locaux sur lesquels l’État impérial s’appuie, ils soulignent toutefois le rôle prépondérant joué par la famille impériale et quelques dignitaires ou, encore, la cooptation par l’empereur d’entrepreneurs éthiopiens par le biais de l’octroi de titres de noblesse (Worku Nida, 2006). Les IDE occupent une place centrale dans le secteur manufacturier (Arkebe Oqubay, 2015 ; Faruqi & O’Brien, 1976). Le régime du Derg officialise et étend le dirigisme d’État dans une version socialiste par la nationalisation des entreprises industrielles nées des investissements étrangers précédents et la création d’entreprises publiques dans le secteur commercial (Hansson, 1995). Là encore, la littérature évoque rarement les entrepreneurs locaux, éthiopiens et résidents étrangers, qui continuent d’exercer leur activité dans un environnement nouveau donnant un poids prépondérant à une gestion bureaucratique des grands secteurs industriels et manufacturiers, placés ainsi sous le contrôle direct du pouvoir afin de servir l’effort militaire avant tout (Arkebe Oqubay, 2015). Il est ainsi difficile de retrouver dans les travaux existants les formes d’intervention étatiques évoquées plus haut (midwifery et husbandry), où l’État accompagne la naissance de nouveaux segments entrepreneuriaux locaux, qu’il veille ensuite à cultiver en leur apportant les protections nécessaires.
10Le régime de l’EPRDF a quelque peu libéralisé l’économie, légalisant dès 1992 les investissements privés locaux et étrangers, et ce, en dépit du creuset marxiste-léniniste dont sont issus les rebelles qui succèdent au Derg. Leur chef Mélès Zenawi opère ce revirement dicté par des impératifs géopolitiques et de politique intérieure (Prunier, 2015), mais il conserve une méfiance certaine à l’égard de la bourgeoisie urbaine éthiopienne (de Waal, 2013). Il tient tête, en outre, au FMI en refusant de privatiser des secteurs stratégiques comme la banque (Arkebe Oqubay, 2015). Dès 2001, toutefois, à la faveur d’une grave crise politique dont il sort victorieux, Mélès Zenawi fait de la transformation industrielle du pays la nouvelle priorité du parti au pouvoir, plus particulièrement dans les secteurs manufacturier et agro-industriel orientés vers l’export, source de devises étrangères, d’emplois et de transferts technologiques, ainsi que les infrastructures, l’énergie, les transports. Le moment est favorable : les acteurs chinois offrent des possibilités de financement inédites. Aux yeux d’une nouvelle technocratie développementale, le soutien à l’entrepreneuriat devient un des mots d’ordre du pouvoir, visant les acteurs locaux ainsi que la diaspora (Arkebe Oqubay, 2015).
11L’heure semble arrivée pour l’État EPRDF de pratiquer de façon systématique et résolue la midwifery et/ou la husbandry. Peu d’études, cependant, attestent de la mise en œuvre réussie de tels modes d’intervention prenant appui sur un entrepreneuriat local pour une alliance durable. Il faut ici mentionner la publication de la thèse d’économie d’Arkebe Oqubay (2015), ancien maire de la capitale éthiopienne puis conseiller économique du Premier ministre. Analysant de façon détaillée la politique industrielle éthiopienne des années 2000 à 2012 dans trois secteurs (ciment, floriculture, cuir), l’ouvrage dresse des portraits très intéressants de firmes locales entrées dans ces secteurs promus par les autorités. Parmi elles, des firmes commerciales locales privées sont évoquées, qui profitent des mesures gouvernementales avec un relatif succès dans le ciment et la floriculture, moins dans le cuir. Quelques données chiffrées semblent indiquer qu’un certain nombre d’entrepreneurs locaux se sont ralliés à la stratégie du pouvoir, mais qu’ils sont restés dans un rôle modeste par rapport aux investisseurs étrangers (floriculture) et aux conglomérats publics ou paraétatiques (ciment). L’étude ne décrit pas, à la manière du sociologue, les relations précises entre les représentants des pouvoirs publics et des groupes d’entrepreneurs locaux socialement situés, ni l’évolution de ces relations au fil des interactions entre eux. Dr. Arkebe reconnaît, de manière générale, la grande distance qui a traditionnellement régné entre l’EPRDF et les milieux entrepreneuriaux éthiopiens, empêchant d’atteindre des formes d’alliance durables.
12Pellerin (2019), quant à elle, décrit comment une nouvelle élite économique éthiopienne centrée sur le commerce et les services a profité de la relative ouverture économique des années 1990 en s’organisant efficacement au sein de la chambre de commerce d’Addis-Abeba. Cette autonomisation a toutefois conduit cette élite à prendre position contre le dirigisme économique de l’EPRDF, jusqu’à rejoindre des figures de l’opposition politique libérale lors des élections nationales de 2000 et 2005. Dans ces années critiques pour la survie du régime (Abbink & Hagmann, 2013 ; Lefort, 2007), la rupture avec la Chambre de commerce fut consommée. Pellerin détaille les mécanismes de cooptation mis en place afin de façonner un système de chambres de commerce à la fois loyal à l’EPRDF et aligné sur ses préférences économiques, privilégiant les associations sectorielles représentant les secteurs manufacturiers prioritaires (horticulture, cuir, textile) contre les secteurs commerciaux et les services qui l’avaient défié. L’auteure conclut à l’échec de cette stratégie autoritaire et à la disparition d’une communauté d’affaires autonome au sein de ces chambres de commerce ainsi purgées, privant le pouvoir d’un canal de négociation et d’alliance avec une partie de l’entrepreneuriat local. Notons qu’une logique similaire est apparue dans les campagnes, où l’État a voulu glorifier les « fermiers modèles » (Lefort, 2012) censés renforcer la puissance agro-industrielle du pays, selon une stratégie développementale (Routley, 2012) transformée de fait en outil de contrôle politique des masses paysannes tentées de voter pour l’opposition (Lefort, 2015 ; Planel, 2014).
13Comme ses prédécesseurs, l’État-gardien EPRDF se double d’un État-démiurge, confiant directement aux entreprises qu’il contrôle le soin d’assurer les activités qu’il souhaite voir naître. L’EPRDF s’est amplement appuyé sur les nouveaux investisseurs étrangers ainsi que sur des conglomérats placés sous son contrôle. Tantôt paraétatiques – avec les Endowment Investment Groups liés à l’EPRDF comme EFFORT (Arkebe Oqubay, 2015 ; Vaughan & Gebremichael, 2011) ou encore le conglomérat METEC contrôlé par l’armée (Weis, 2016), tantôt privés – comme l’empire commercial MIDROC appartenant au milliardaire éthio-saoudien Sheikh Mohammed Hussein Ali Al-Amoudi (Calvary, 2015) –, ces conglomérats constituent selon Kelsall (2013) et Lefort (2015) le cœur d’un capitalisme de connivence éthiopien.
14Cette incapacité chronique apparente de l’État à jouer un rôle d’accompagnement et de protection au profit de l’entrepreneuriat privé local doit toutefois être fortement nuancée avec l’examen attentif des relations de long terme entretenues avec des segments particuliers de l’entrepreneuriat, ici celui des entreprises des communautés étrangères résidentes depuis 1940 [4]. Dans ce cas, l’État a à la fois profité de, et contribué à l’éclosion et au dynamisme d’un secteur entrepreneurial capable de rejoindre les ambitions industrielles du pays. Les lignes qui précèdent conduisent à souligner d’ores et déjà une propriété évidente des résidents étrangers qui les distinguent des milieux d’affaires éthiopiens évoqués plus haut par Pellerin : leur situation légale est peu propice à toute forme de mobilisation politique (Adjemian, 2013). Mais bien d’autres ressorts économiques ont rapproché ces communautés et les autorités. Un retour sur la période impériale éclaire ces dynamiques de long terme.
2. L’entrepreneuriat local face aux investissements directs étrangers
15Un panorama des entreprises en activité a été dressé à partir d’une source originale sous-utilisée : les répertoires d’entreprises disponibles pour la période 1944-1970. Ceux-ci apportent également des éléments inédits sur ce que l’évolution de l’entrepreneuriat local doit aux choix politiques de l’État.
16D’une part, un noyau entrepreneurial industriel diversifié se constitue dans les années 1940. En 1944, parmi 75 entreprises produisant pour le marché intérieur, ceci en accord avec les priorités affichées du gouvernement envers une industrialisation par substitution aux importations, un bon tiers d’entre elles sont des entreprises privées individuelles de petite et moyenne taille, telles que moulins à céréales (11), huileries (4), tanneries (3), savonneries (7), fabriques d’alcool (4), préparation des produits d’exportation, café, grains, peaux, cire d’abeilles, égrenage de coton (3) et raffinage du sucre (1) (NARA, Industrial Survey of Ethiopia 1944 ; NARA, Review of Commerce and Industry 1947). Ces sources montrent qu’à l’exception de la famille royale et de quelques hauts officiels éthiopiens, les entrepreneurs de l’après-guerre sont des résidents étrangers (Grecs, Italiens, quelques Arméniens et un Indien).
17Par ailleurs, la reconstitution rapide du secteur de l’import-export, contrôlé alors par les résidents étrangers, et l’augmentation du nombre d’entreprises, avec deux cents établissements à Addis-Abeba en 1948 (NARA, Business Firms – Ethiopia, June 1948), suggère a posteriori que les résidents étrangers bénéficient d’une attitude gouvernementale bienveillante à leur égard. Certaines firmes commerciales s’aventurent plus tard dans les activités de l’économie nouvelle, comme les assurances ou la participation aux sociétés à actions. Ainsi, la liste des premiers actionnaires de la banque privée Addis Ababa Bank comporte environ un tiers d’entrepreneurs résidents étrangers aux côtés d’investisseurs éthiopiens (Addis Ababa Bank, 1969).
18Dans les années 1940, les entreprises du noyau industriel sont largement issues d’une mutation d’un secteur commercial dynamique, présent dans le pays depuis déjà plusieurs décennies. La présence d’entreprises de seconde, voire de troisième génération témoigne de l’ascension socio-économique de certaines familles. Les entrepreneurs indiens interviewés entre 2014 et 2018 évoquent d’ailleurs rétrospectivement l’Indo-Ethiopian Textile Mill (1959) comme « le premier investissement direct indien sur le sol éthiopien » en exprimant clairement la différence avec leurs propres entreprises, familiales, actives depuis plusieurs générations, et dont les capitaux proviennent des affaires conduites en Éthiopie par leurs parents ou grands-parents.
19Pourtant, certaines entreprises du noyau industriel s’effacent très vite devant les IDE que l’État impérial négocie dans les secteurs prioritaires du sucre, textile et coton. Ainsi, la plantation et entreprise sucrière pionnière de la maison de commerce grecque Lazaridis Bros fut rachetée par la firme hollandaise HVA, qui, en 1950, met en place avec l’État un complexe industriel sucrier (Bahru Zewde, 2008). L’existence de nombreuses savonneries n’empêche pas le gouvernement d’appeler de ses vœux une « large and modern soap factory » (Ethiopia Economic Review, 2 June 1960), un projet réalisé en 1967-1968 en partenariat avec l’industriel Indian Bombay Soap (Ethiopian Trade Journal, June 1969). En 1970-1971, selon l’annuaire de la chambre de commerce d’Addis-Abeba, ce secteur est ainsi occupé par la Oil and Soap Industries SC et une seule entreprise privée locale.
20C’est au début des années 1940, où les options économiques paraissent encore très ouvertes, et alors même que le noyau entrepreneurial local émerge, que l’État impérial établit ses premiers partenariats extérieurs. Ceux-ci se nouent avec le capital « marchand », les IDE « industriels » n’intervenant pas avant 1951 (sucre) et 1959 (textiles). Ces premiers partenaires sont trois grandes firmes commerciales, deux britanniques, Gellatly Hankey & Co, Mitchell Cotts & Co (Middle East) Ltd., et A. Besse Co. Ces compagnies, dont l’activité se déploie sur les marchés en Afrique subsaharienne, à Aden ou en Égypte, présentent l’avantage, dans une période où les sources de financement publiques sont rares, de disposer de moyens financiers qu’elles sont prêtes à investir dans une économie non agricole encore embryonnaire. Gellatly Hankey obtient en 1942-1943 le contrat de gestion des entreprises publiques d’électricité ; ceux de la Cement Company of Ethiopia et de la Fibre Company of Ethiopia sont octroyés respectivement à Mitchell Cotts, qui répare l’usine endommagée par la guerre, et à A. Besse, lequel détient déjà le monopole de facto de la très lucrative distribution de produits pétroliers Shell (NARA, Industrial Survey, 1944 ; NARA, U.S. Office of Strategic Service, 1943 ; Haile Muluken Akalu, 2019).
21L’important ici est que le régime impérial n’octroie pas à l’entrepreneuriat local émergeant une place qui en ferait le ferment de la modernisation économique qu’il souhaite apporter au pays, lui préférant pour cela des IDE, et ce, dès 1941. L’argument de l’incapacité technique et financière des entrepreneurs locaux à développer l’industrie de substitution fut souvent avancé par les autorités (Taffara Deguefe, 1973) – un argument par ailleurs largement théorisé par les développeurs de l’époque (Ellis & Fauré, 1995). Pour autant, l’État ne vise pas à supprimer l’entrepreneuriat local, en particulier celui des résidents étrangers, qui bénéficie d’un environnement politique favorable et d’incitations comme les premiers prêts de la Banque de développement (IBRD, 1972). Les entreprises locales, résidents étrangers et éthiopiens, investissent – hors projets prioritaires – en aval des secteurs ; par exemple, en 1970-1971, une quarantaine de firmes enregistrées à la Chambre de commerce sont actives dans la production de pull-overs.
22Dans ce régime politique très centralisé, le dirigisme étatique s’étend à tous les acteurs économiques. Il s’exerce dans un cadre réglementaire assez complet à partir des années 1960, mais il n’en reste pas moins peu institutionnalisé en pratique, contrairement aux pays asiatiques, où l’autonomie encastrée repose sur un ensemble d’agences d’intermédiation (Evans, 1995).
23Ainsi, l’État éthiopien établit des partenariats sur des relations très personnalisées avec un petit nombre d’investisseurs étrangers. Par exemple, Mitchell Cotts ouvre une branche en Éthiopie à la suite des relations nouées entre Hailé Sélassié et l’un des directeurs londoniens de cette firme pendant la campagne militaire de 1941 qui ramène l’Empereur au pouvoir (Hagmann & Reyntjens, 2016). Ce type de relation s’inscrit dans une continuité, l’Empereur ayant dans le passé « misé » sur de grandes maisons de commerce avec lesquelles il entretenait des relations d’affaires directes (Harre, 2015). Dans les années suivantes, la firme Mitchell Cotts diversifie ses investissements dans plusieurs secteurs, bénéficie de contrats publics et investit, en partenariat avec l’État, dans la Tendaho Plantation Share Company et la National Meat Corporation of Ethiopia, dont elle devient actionnaire et gestionnaire.
24À l’endroit des résidents étrangers, l’État se montre à la fois protecteur (husbandry) et gardien (custodian). Les relations interpersonnelles avec les entrepreneurs locaux – peu documentées – sont également importantes. Mais, pour améliorer l’efficacité de la filière café, l’État crée aussi un Coffee Board en 1957, qui s’appuie sur la participation des résidents étrangers, principaux exportateurs. La chambre de commerce d’Addis-Abeba sert aussi d’institution d’intermédiation entre l’État et les entrepreneurs.
25Les relations des résidents étrangers à l’État s’enracinent surtout dans la protection personnelle de l’empereur, essentielle, qui « localise » l’entrepreneuriat résident étranger. Cette relation historique, initiée sous le règne de Ménélik (1889-1913), s’ajoute au statut légal et à la protection diplomatique (Harre, 2019). Elle permet un accès direct à l’Empereur, dans un contexte de centralisation extrême du pouvoir, via l’entremise des représentants officiels des communautés ou d’individus à haut statut économique et social. Cette relation perdure pendant le Derg.
26Le statut des résidents étrangers est toutefois redéfini dans les années 1940 par la Proclamation n° 57 du 29 avril 1944, qui vise à limiter l’arrivée de petits commerçants et chercheurs de fortune. L’État préfère n’accueillir que des entrepreneurs déjà établis et/ou pouvant apporter des capitaux ou des savoir-faire utiles à la modernisation. Un certain nombre de nouveaux venus, notamment Indiens, viennent s’installer comme résidents étrangers jusque dans les années 1950. Ils forment des entreprises, désormais assujetties à la législation sur les entreprises éthiopiennes, et ce, sous réserve d’octroi d’un permis de travail, privilèges qui par le passé n’étaient pas fixés par la loi mais octroyés « as a matter of grace » (Ahooja, 1966).
27Dans ce cadre de faible institutionnalisation de l’intervention étatique, l’État impérial semble avoir eu souvent recours à l’encouragement afin de mobiliser individuellement une partie de l’entrepreneuriat local dans les secteurs délaissés par les investisseurs extérieurs. Par exemple, lors d’un entretien (#1), le fils d’un importateur de textiles indien alors installé à Asmara raconte comment ce dernier a commencé une petite activité industrielle à la suggestion directe de l’empereur : « Si vous ne le faites pas, d’autres [Européens] le feront. » Il obtient du gouvernement un terrain à un bon prix, ainsi que la licence, sans éviter toutefois les tracasseries administratives par la suite. De même, le dirigeant d’une importante firme d’import-export indienne explique que, dans les années 1960, il fut, selon ses propres termes, « encouragé » par le pouvoir, via un haut fonctionnaire, à se lancer dans le triage et l’exportation de café, une activité qui exige des moyens importants, sans préciser s’il a bénéficié d’avantages concrets (entretien #2). Le pouvoir central exerce aussi des pressions auprès de certains résidents étrangers poussés à transformer leurs entreprises en sociétés à actions et/ou à ouvrir leurs partenariats à des investisseurs issus de l’élite (Ghanotakis, 1979 ; Araia Tseggai, 1984).
3. Le capital marchand : un rôle précurseur sous trois régimes successifs
28Dans la politique de modernisation impériale, l’entrepreneuriat des résidents étrangers a donc eu sa place à côté des établissements publics, des entreprises de la famille impériale et des élites, des grandes maisons de commerce étrangères et des entreprises industrielles créées par des IDE. Cette « structure » évolue peu jusqu’en 1974, si ce n’est par l’essor de l’entrepreneuriat éthiopien, en particulier dans les communautés Gurage (Worku Nida, 2006). Les entreprises, essentiellement familiales, des résidents étrangers sont établies dans la production manufacturière (textiles, cuirs, minoteries, boissons, ciment) et l’import-export. Une dizaine de grosses firmes commerciales arméniennes, grecques, yéménites, indiennes, dominent ce secteur, sans atteindre toutefois la taille des firmes étrangères évoquées plus haut : en 1967, par exemple, le capital de J. J. Kothari & Co et de Seferian & Co est respectivement de 950 000 et 2 000 000 Birr éthiopiens, alors que celui de Mitchell Cotts est de 3 500 000 (Chamber of commerce Addis Ababa, 1967).
29Le rôle transformateur sur le long terme de l’entrepreneuriat commercial mérite un examen attentif. À l’époque impériale, il est apparu comme un allié de l’État, un État désireux de transformer la structure économique du pays mais confronté à la rareté des ressources en devises étrangères dans une économie peu industrialisée. La chaîne d’exportation repose entièrement sur les firmes commerciales privées. Dans les années 1950, les entrepreneurs résidents étrangers, comme un nombre croissant d’Éthiopiens, entrent dans les nouveaux marchés d’exportation de céréales, graines oléagineuses et café. Les répertoires d’entreprises indiquent que beaucoup sont en même temps importateurs – c’est d’ailleurs l’activité qui procure le plus de recettes sur les droits de douane (Keller, 1988), tandis que le café fournit l’essentiel des revenus d’exportation (90 % en 1970-1971, selon Haile-Mariam Teketel, 1973). L’État « cultive » ce secteur dans une relation de type husbandry avec l’ensemble des résidents étrangers, comme il a été vu plus haut.
30Cette relation entre État et capital marchand est mise à mal sous le régime du Derg, et pourtant, la junte laisse opérer un certain nombre de firmes privées. Celles-ci sont surtout éthiopiennes à la suite du départ de nombreux résidents étrangers. Le nombre de firmes d’import-export inscrites aux chambres de commerce chute de 300 en 1971 à 200 en 1976, un an après les décrets de nationalisation. Cet effectif inclut la moitié de résidents étrangers et d’Éthiopiens d’origine étrangère en 1971 [5], et un tiers en 1976, parmi lesquels les Indiens sont les plus nombreux [6]. Mais ce groupe ne compte plus que 45 firmes en 1979. Certaines entreprises reportent leurs activités vers des secteurs non menacés tels que le commerce de gros ou la commission/représentation. Des firmes anciennes et connues parviennent néanmoins à se maintenir, telles que S. Bahomed & Son, S.A. Bagersh, Paul Ries & Sons, Seferian & Co, J. J. Kothari & Co, Hagbes Pvt, ou S. J Magdalinos, listées dans le répertoire de 1979. Quelques entrepreneurs grecs s’entendent avec le Derg pour échapper à une nationalisation (Ghanotakis, 1979).
31Le relatif laisser-faire du Derg, parfois jugé comme une incapacité à maîtriser le commerce « clandestin », ressemble à une alliance de circonstance, dans la continuité de la politique impériale : confronté aux mêmes contraintes que le régime précédent, il reste en partie dépendant des firmes commerciales pour générer des devises (Wells, 1998). En outre, les importations de biens non considérés de première nécessité et celles financées sur ressources propres bénéficient d’un accès facile et illimité au marché intérieur (Befekadu Degefe, 1994). C’est dans ce double contexte que les entreprises privées parviennent à se maintenir, voire à investir dans des activités nouvelles et autorisées, tel cet entrepreneur qui se lance dans la distribution de films cinématographiques (entretien #1). Lors des entretiens, les entrepreneurs évoquent le pragmatisme des officiels visiblement au fait des méthodes employées pour faire face aux pénuries de devises étrangères nécessaires à l’importation.
32L’analyse de données originales sur les entreprises des résidents étrangers révèle ainsi le rôle précurseur que le capital marchand a joué à plusieurs périodes dans le développement de l’industrie. C’était le cas du noyau industriel des années 1940, comme nous l’avons vu. C’est également le cas au tournant des années 1970 lorsque, selon un entrepreneur indien actif depuis les années 1950 (entretien #3, traduit de l’anglais) : « On investit dans le secteur manufacturier (aluminium, textiles, sacs de jute, contreplaqué et meubles, nettoyage/triage du café) car, à cette période, l’économie a commencé à se développer. »
33Le mouvement d’industrialisation récent du pays a, lui aussi, bénéficié de l’implication d’entrepreneurs résidents étrangers de troisième et quatrième générations. Pour reprendre des exemples au sein de la communauté indienne (entretiens #2, #4 et #5), certains d’entre eux sont aujourd’hui à la tête d’entreprises industrielles dans les secteurs des aciers, des plastiques, du textile et de la production horticole. Les fondateurs de ces lignées d’entrepreneurs sont arrivés entre 1900 et 1920, puis sont devenus commerçants, propriétaires de magasins, ou importateurs de textiles. Leurs entreprises se diversifient dans les années 1950-1960 dans les secteurs de l’économie nouvelle, tels que l’importation de matériaux de construction, l’exportation de légumineuses, oléagineux et café, ou la représentation de marques internationales, avant de subir le ralentissement d’activité économique propre à la période du Derg. Le passage récent aux activités industrielles émane d’une nouvelle génération prête à travailler dans les entreprises familiales et qui, pour certains, commencent par relancer une activité commerciale d’importation dans les années 1990. Selon l’un d’entre eux : « La génération qui arriva après le Derg était jeune et ambitieuse, elle avait la capacité de faire beaucoup [could do a lot] » (entretien #5).
34C’est aussi le cas d’entrepreneurs éthiopiens descendants d’Italiens, Grecs, Arméniens, Yéménites, Indiens, intégrés à la société éthiopienne par des alliances matrimoniales. Ainsi l’un d’entre eux, qui prit exemple sur ses grands-pères indiens, des notables commerçants installés dans la province de Jimma au début du xxe siècle devenus grossistes dans le secteur du textile puis investisseurs dans l’immobilier. Lui-même créa sa propre entreprise d’assemblage, à une petite échelle dans un premier temps. Il explique l’influence de l’un de ses grands-pères, qui partagea avec lui sa foi dans le business : « Tu dois un jour créer ta propre affaire » (entretien #6). Une autre entreprise leader d’exportation de café a aujourd’hui une histoire séculaire, née de l’activité d’un marchand de café grec, poursuivie par ses enfants et petits-enfants avec l’exportation, la modernisation des équipements et le brulage (Sutton & Kellow, 2010).
35Ces trajectoires appuient les résultats de l’étude de Sutton & Kellow (2010), selon laquelle le secteur commercial est à l’origine de la moitié des firmes industrielles parmi les cinquante firmes leaders dont ils ont reconstitué les profils. Ce rôle d’incubateur tient pour les auteurs à des qualités qu’il est difficile d’improviser et que l’on retrouve dans les trajectoires évoquées plus haut : ces familles dotées d’une grande expérience commerciale maîtrisent les marchés internes (quels biens produire, comment les vendre), les filières d’approvisionnement, et elles possèdent les capacités organisationnelles nécessaires à la gestion efficace d’entreprises de taille moyenne.
36Le secteur commercial privé, resté très actif en Éthiopie, a donc eu un rôle positif, direct et indirect, dans l’émergence du secteur industriel. Et un petit nombre de résidents étrangers restés en Éthiopie sous le régime du Derg a contribué – aux côtés d’un entrepreneuriat éthiopien actif – à une nouvelle génération d’entrepreneurs adossée à un capital matériel, organisationnel et social accumulé par les générations précédentes. Comme leurs prédécesseurs dans les années 1940 et 1960-1970, ces businessmen ont saisi les opportunités offertes par cette période d’ouverture économique des années 1990-2000.
Conclusion
37Après le tournant des années 2010, la contraction des financements chinois, l’endettement croissant du pays et la crise des liquidités et des devises ont accentué les pressions internationales en faveur d’un cadre réglementaire plus accueillant pour les investissements privés et d’un secteur privé local dynamique en Éthiopie (Addisu Lashitew, 2017 ; Jeffrey, 2019 ; IMF, 2020). Les premiers mois d’Abiy Ahmed Ali, nommé Premier ministre du pays en avril 2018, ont été interprétés comme un tournant libéral (Addisu Lashitew, 2019 ; Labzaé & Planel, 2018). Deux ans après la nomination du Dr. Abiy, l’omniprésence des acteurs étatiques ou paraétatiques dans l’économie éthiopienne et les obstacles rencontrés par l’entrepreneuriat local demeurent un sujet de débat.
38Le présent article a voulu montrer que ces enjeux n’étaient pas inédits pour les autorités en place à Addis-Abeba, et poser la question des modes d’institutionnalisation des relations État-entrepreneuriat, jugées essentielles à la réalisation de l’État développemental dont se sont réclamées les autorités du pays depuis près de quinze ans. En reprenant le cadre analytique élaboré par Peter Evans pour comprendre les ressorts de l’« autonomie encastrée », l’article révèle d’abord un État qui se pense avant tout comme gardien et démiurge, auquel on ne connaît pas une grande pratique d’alliances durables avec l’entrepreneuriat local pour la réalisation de ses priorités industrielles. Pourtant, en adoptant une perspective historique « par le bas », nourrie par des sources originales portant sur les entreprises elles-mêmes, l’article établit que cet État a su tirer parti sur la longue durée de la présence d’un entrepreneuriat commercial actif. Ainsi, les résidents étrangers, très présents dans l’import-export, ont bénéficié depuis 1941 d’une forme de protection et d’accompagnement de la part des régimes successifs, qui leur a assuré une position certes discrète, invisible dans les stratégies de développement éthiopiennes, mais néanmoins stable et favorable. Cet entrepreneuriat a montré à plusieurs occasions qu’il savait investir les secteurs industriels promus par les autorités. On comprend ainsi ce que la permanence du rôle économique joué par cet entrepreneuriat local doit aux relations avec l’État et ses formes d’intervention spécifiques, proches de ce que Evans avait qualifié de « husbandry », ainsi que la force de ce capital marchand comme relais des politiques industrielles gouvernementales.
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- Entretien #5, industriel indien, 9 juin 2018, Addis-Abeba.
- Entretien #6, industriel éthiopien d’origine indienne, 10 décembre 2016, Addis-Abeba.
Mots-clés éditeurs : entrepreneuriat local, État, Éthiopie, résidents étrangers, histoire contemporaine
Date de mise en ligne : 01/04/2021
https://doi.org/10.3917/ried.245.0043Notes
-
[1]
Par « État », nous entendons ici les détenteurs du pouvoir d’État, les dirigeants politiques du pays, qui élaborent les politiques économiques, plutôt que l’appareil administratif étatique qui les met en œuvre, très peu développé au début de notre période.
-
[2]
À cet égard, les résidents étrangers ne constituent pas une catégorie administrative ou statistique mais forment historiquement une catégorie sociale bien identifiée en Éthiopie, à la manière des Indiens en Afrique de l’Est (Oonk, 2013) ou des Libanais en Afrique de l’Ouest (Arsan, 2014).
-
[3]
Les auteurs remercient vivement les coordinateurs du dossier et les évaluateurs de l’article pour leurs relectures attentives.
-
[4]
Voir Worku Nida (2006) pour les relations entre le pouvoir impérial et les entrepreneurs éthiopiens Gurage.
-
[5]
À cette date, certains descendants ont obtenu la nationalité éthiopienne. Voir infra.
-
[6]
Estimation réalisée à partir des patronymes et des noms des firmes connues.