Notes
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[1]
Qu’ils se situent en haut (les « affairistes » ou les « clients ») ou en bas (les « survivalistes ») de l’échelle sociale.
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[2]
Nous reprenons la définition de Olivier de Sardan (1993: 1), qui par « développeurs » entend les acteurs, institutionnels ou ONG, mettant en place des « interventions volontaristes d’origine extérieure à un milieu-cible visent à transformer en partie ce milieu-cible, en général par l’introduction de technologies nouvelles et/ou la transformation de certains comportements économiques (et, au moins indirectement, non économiques) ».
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[3]
Pour un panorama du rôle des entrepreneurs dans les pays africains durant la crise, voir Abdelkarim (2020), et les initiatives recensées par l’OCDE (http://www.oecd.org/fr/csao/coronavirus-ouest-afrique/).
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[4]
Un exemple est la coalition nigériane du secteur privé contre le Covid-19. Elle est composée de la Banque centrale du Nigeria, en partenariat avec de nombreuses entreprises du secteur privé ainsi que des organisations philanthropiques comme la Fondation Aliko Dangote et Access Bank (Jayaram et al., 2020).
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[5]
Concernant ces dernières, le développement des stratégies Bottom of the Pyramid (BoP) en est une bonne illustration (Prahalad, 2004). L’expression désigne les stratégies d’entreprises visant à cibler le segment de population vivant avec moins de 2 USD par jours, un segment marché d’environ quatre milliards de personnes et composé en majorité de femmes. Voir section 3 de cet article pour plus de précisions.
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[6]
« Althought the subject of entrepreneurship in Africa is increasingly attracting attention, Africa, which is currently the poorest and economically most backward continent in the world, still remains better known for its numerous social and economic vices than for its entrepreneurship prowess » (traduction des auteurs).
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[7]
Pour plus d’informations, voir : https://www.gemconsortium.org/report.
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[8]
Gill (2014) suggère que la distinction nécessité/opportunité est alimentée par une classe dominante d’entrepreneurs qui visent à délégitimer les formes d’entrepreneuriat faisant moins appel à l’« innovation », en les réduisant à des situations contraintes et subies.
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[9]
« High ability entrepreneurs will create jobs, increase the average size of firms, […], diversify an economy by uncovering its production possibilities, and demonstrate and facilitate the adoption of new technology » (traduction des auteurs).
Introduction
1L’entrepreneur a, depuis Joseph Aloïs Schumpeter, souvent été présenté comme un « héros ». On retrouve en effet, dans les écrits de l’économiste autrichien, la description d’un être intrépide, doté d’une abnégation certaine et d’un charisme hors du commun (Boutillier & Uzinidis, 2015). Ces qualités extraordinaires sont censées lui permettre d’innover, c’est-à-dire proposer une nouvelle combinaison des moyens de production. Ce faisant, il met en mouvement une économie qui, sans lui, serait vouée à l’état stationnaire (l’idée de « destruction créatrice »). En ce sens, l’entrepreneur schumpétérien réalise une forme d’exploit moderne, celui de modifier un ordre établi (Barth, 1967).
2Le mythe était ainsi né de la plume de l’auteur de Capitalisme, socialisme et démocratie (Schumpeter, 1942) : l’entrepreneur serait une sorte de « révolutionnaire », utile à la communauté, un moteur du progrès. Les exégètes et héritiers de Schumpeter ont largement alimenté cette vision positive et individualisante de l’entrepreneur, notamment en cherchant dans l’essence humaine des « traits » qui lui seraient spécifiques et expliqueraient cette propension à agir (Gartner, 1988). Ces approches, qui relèvent de l’économie-gestion (Kirzner, 1973) ou de la psychologie (McClelland, 1961 ; Davids, 1963) ont imprégné, par leur caractère universalisant et normatif, les représentations sur la création d’activités économiques bien en dehors du champ académique et du contexte socioculturel dans lequel elles sont nées (Gabarret & Vedel, 2015). En Afrique, des travaux aussi divers que ceux de Cordonnier sur la réussite commerciale des « Nana Benz » togolaises (1982) ou encore de Elkan (1988) et Marsden (1990) sur les « entrepreneurs modernes » vus comme des « pionniers du développement », ont aussi participé à l’héroïsation des entrepreneurs, à contre-courant des images souvent négatives qui étaient jusqu’alors associées aux créateurs d’entreprises dans les représentations populaires [1] (Ellis & Fauré, 1995). Comme l’écrivait Malraux, « il n’y a pas de héros sans auditoire » et l’engouement pour l’entrepreneur et ses exploits supposés doit sans doute beaucoup à l’intérêt des « développeurs [2] » internationaux, au premier rang desquels la Banque mondiale qui, au tournant des années 1990, assénait son fameux leitmotiv « Africa needs its entrepreneurs » (Banque mondiale, 1989).
3Après avoir été reléguée un temps au second plan derrière les questions de pauvreté ou d’institutions notamment, pareille rhétorique semble aujourd’hui affleurer à nouveau sur le continent africain, à la croisée de travaux scientifiques (Akinyoade et al., 2017 ; Dana et al., 2018 ; Jones et al., 2018), de discours politiques et de success stories médiatisées [3]. Certains voient dans l’émergence d’entrepreneurs les seuls acteurs capables d’endiguer les situations de pauvreté extrême de manière endogène et autonome, et de s’attaquer efficacement aux problématiques et défis que connaît le continent (réchauffement climatique, transition numérique, etc.). Pour Severino et Hajdenberg (2016: 18-19), « l’histoire économique et sociale » de l’Afrique s’écrirait aujourd’hui de la plume de ses (nouveaux) entrepreneurs qui ensemble bâtiraient un capitalisme à visage africain ou « africapitalism » (Amaeshi et al., 2018).
4Cette re-héroïsation de l’entrepreneur est révélatrice de dynamiques sociétales plurielles, qui ne se limitent pas toutes à l’Afrique. Les mutations contemporaines du capitalisme (ubérisation, promotion de l’auto-emploi, etc.) font désormais davantage appel à la figure de l’acteur autonome et créatif, reflet de l’intégration d’une « critique artiste » caractéristique de la « cité par projet » (Boltanski & Chiapello, 1999). La généralisation de la logique projet dans le monde du développement et la recherche de l’efficacité au sein d’organisations non gouvernementales (ONG) de plus en plus nombreuses et en concurrence (Giovalucchi & Olivier de Sardan, 2009) ont accompagné la progression d’une rhétorique entrepreneuriale. Les créateurs et créatrices d’entreprises n’hésitent pas (ou plus) à s’identifier à cette nouvelle figure légitime et valorisée, ainsi que le montre Charlotte Vampo dans ce dossier (« Des Nana Benz aux cheffes d’entreprise contemporaines à Lomé, au Togo. L’entrepreneuriat dit “moderne” en question ») : les enjeux de subsistance se mêlent désormais aux désirs d’émancipation et d’ascension sociale par la création d’entreprise. Ainsi en va-t-il aussi de l’entrepreneuriat féminin reconsidéré désormais à l’aune de son rôle supposé dans « l’empowerment » des femmes et de la transformation de leur statut social à mesure que celui-ci sort de la sphère domestique et de l’informel pour s’ouvrir aux logiques de marché.
5L’image d’acteurs providentiels a aussi été ravivée plus récemment durant la crise du Covid-19. Grands capitalistes et créateurs de start-up notamment ont été vus par beaucoup de pays africains comme des acteurs permettant de faire face à la crise, en s’engageant financièrement, en « innovant » et s’adaptant aux nécessités nouvelles de production [4]. Plus fondamentalement, la re-héroïsation dont l’entrepreneur fait l’objet ces dernières années interroge forcément les porosités et les circulations multiples qui existent entre une notion sujette à débats théoriques, le langage de l’action publique et les catégories ordinaires du monde social.
6Au-delà d’un bilan ou d’une actualisation de la littérature sur l’entrepreneuriat en Afrique, cet article questionne la manière dont la référence à l’entrepreneur s’est construite et a évolué au sein des institutions internationales du développement depuis la période des indépendances jusqu’à aujourd’hui et ce qu’elle revêt. En ce sens, la notion d’entrepreneur est ici appréhendée comme une construction discursive dont la définition-conception fait intervenir des acteurs aux (prises de) positions inégales (Perren & Dannreuther, 2013). Nous voyons derrière l’émergence – dans les sphères scientifique, politique et médiatique – de ce vocable et de ce qu’il recouvre des enjeux de savoir sur le monde, révélateurs d’enjeux de pouvoir dans le monde. La focale sur les institutions internationales ne relève ainsi en rien de ce que leurs perceptions de l’entrepreneur seraient les plus pertinentes d’un point de vue théorique, ou de ce qu’elles décriraient le mieux le fait entrepreneurial en Afrique, mais du fait qu’elles occupent une position dominante dans le champ du développement (Fine, 2009). À travers elles, il s’agit en somme de comprendre ce que parler d’entrepreneur veut dire et, en retour, fait à la réalité des créations d’entreprises en Afrique. Nous voyons ainsi l’entrepreneur en Afrique comme un objet qui n’est pas « simplement constaté ou décrit » mais aussi « modifié voire appelé à exister » (Muniesa & Callon, 2008: 281). En liant en leur sein production scientifique et recommandations de politiques publiques, les institutions internationales comme la Banque mondiale participent en effet activement à brouiller les frontières entre l’analyse de l’entrepreneur et sa fabrique active. Elles tendent ainsi à instituer un nomos, ou « principe de vision et de division commun » (Bourdieu, 1993), distinguant par l’autorité symbolique dont elles jouissent l’entrepreneur-héros, ou « vrai » entrepreneur, du « faux ». Cet article cherche à délimiter les contours de cette « fabrique héroïque » à travers l’analyse des discours légitimes sur l’entrepreneur, c’est-à-dire les rapports (principalement les World Development Reports) et autres travaux scientifiques relayés et mobilisés par les « développeurs » susmentionnés.
7Pour ce faire, après une mise en perspective historique de la place changeante de l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat dans les discours et politiques de développement portés et promus par les organisations internationales, nous revenons sur deux lignes de questionnement qui jalonnent la littérature convoquée par ces dernières (en grande majorité le fait d’économistes) et qui portent, d’une part, sur ce qui constituerait l’« esprit » entrepreneurial et, d’autre part, sur ce que serait un environnement favorable à l’activité de l’entrepreneur.
1. Le retour d’une rhétorique pro-entrepreneuriale au sein des organisations internationales du développement
8L’attrait actuel pour l’entrepreneur chez les « développeurs » doit se comprendre au regard de son rôle supposé dans le processus de croissance économique tel qu’établi par les travaux d’inspiration schumpétérienne. Avant de s’imposer comme une figure centrale et providentielle, l’entrepreneur a cependant occupé une place secondaire dans la littérature dominante sur le développement, éclipsé par l’État (1.1). L’émergence de l’entrepreneur est indissociable de la superstructure (le capitalisme et l’ordre marchand) dont il découle et qui progresse à travers lui (1.2).
1.1. La place et le rôle changeants de l’entrepreneur dans la pensée et les politiques de développement depuis les années 1960
9Le tableau n° 1 dresse un état des lieux de la manière dont la perception de l’entrepreneur a évolué au fil du temps au sein des institutions les plus légitimes dans le champ du développement, à savoir les organisations du multilatéralisme, au premier rang desquelles la Banque mondiale (Fine, 2009). Ces acteurs ont joué un rôle actif dans la popularisation et la légitimation de l’entrepreneuriat sur les terrains africains, sur fond de progression de l’économie de marché. Cela à la fois en finançant de nombreux projets nationaux et/ou locaux autour de la promotion de l’entrepreneuriat dans son sens capitaliste restreint (formation, aides diverses, réformes institutionnelles, etc.), mais également en se constituant en tant que plateforme de savoir, produisant de la connaissance sur l’entrepreneur et sur sa définition, ainsi que sur les effets du développement du tissu entrepreneurial sur les dynamiques de croissance et de développement (Cho & Honorati, 2014). Pour éclairer la position de la Banque mondiale (surnommée la « Knowledge bank » par Fine, 2009), nous nous sommes référés aux World Development Reports (notés WDR dans la suite du texte) produits annuellement par l’institution depuis 1978 et avons analysé la place qu’y occupe l’entrepreneuriat.
Tableau 1 : La place changeante de l’entrepreneur dans les discours et politiques des institutions du développement (1960-2020)
Tableau 1 : La place changeante de l’entrepreneur dans les discours et politiques des institutions du développement (1960-2020)
10Nous distinguons dans ces rapports quatre phases historiques dans l’appréhension de l’entrepreneur.
11La phase des indépendances (jusqu’à la fin des années 1970), dans laquelle peu de références sont faites à l’entrepreneur en tant que figure individuelle. S’il y a un acteur entreprenant, c’est avant tout l’État, dont on attend qu’il mette en place, à des degrés divers, des politiques structurelles et sectorielles, dans le but de construire l’indépendance économique des pays nouvellement indépendants politiquement.
12La période du consensus de Washington (années 1980 à 1990), qui marque le déclin des thèses néokeynésiennes et structuralistes de la période précédente. Les réformes alors prônées vont dans le sens d’un transfert de certaines fonctions auparavant dévolues à l’État vers les opérateurs privés. Les entrepreneurs africains émergent ainsi comme des acteurs à part entière du développement sans toutefois être ciblés en tant que tels : ils sont supposés apparaître avec le développement du marché activement construit (libéralisation, privatisation, construction d’infrastructures, etc.) et les opportunités d’affaires censées l’accompagner. À partir des années 1990, toutefois, la popularité des thèses sur le capital humain va recentrer la focale sur les compétences des individus qui entreprennent. La construction du marché est une condition nécessaire mais non suffisante : il faut former les entrepreneurs africains aux « bonnes » pratiques de gestion.
13La période du « post-consensus de Washington » (fin des années 1990 et première décennie 2000), où la recherche d’un ajustement « à visage humain » (Van Waeyenberge et al., 2011). Durant cette période, les entrepreneurs sont davantage mis en avant, non seulement comme vecteurs d’un développement qui intègre désormais d’autres dimensions que la seule croissance économique mais aussi pour eux-mêmes. La promotion du petit entrepreneuriat ou encore de l’entrepreneuriat féminin participe à la visibilisation d’activités longtemps effectuées dans l’ombre et renforce par-là même la dimension émancipatrice associée à l’entrepreneuriat, même le plus précaire.
14La période des Objectifs de développement durable (ODD) et l’adaptation aux défis du xxie siècle. Cette phase correspond à une re-héroïsation de l’entrepreneur, notamment dans ses catégories les plus visibles, comme les entrepreneurs dits « innovants » (développement de l’« african tech ») ou les grands industriels et leurs aspirations philanthropiques (à travers des fondations diverses). Ces derniers sont vus comme des moteurs du développement pris dans un sens large et surtout comme des acteurs capables de propulser les économies et les sociétés africaines sur les enjeux globaux, comme la lutte contre le réchauffement climatique.
15Ainsi, l’entrepreneur, en tant qu’acteur individuel, a progressivement émergé et s’est imposé au sein des instances multilatérales, en témoigne l’évolution des WDR comme relai ou partenaire de l’État, voire dans certains cas en substitution de ce dernier.
1.2. Un double phénomène : élargissement de la fonction entrepreneuriale et extension de l’ordre marchand
16La chronologie évoquée supra et synthétisée dans le tableau 1 traduit deux tendances générales sur le rôle et les caractéristiques attribués à l’entrepreneur dans l’histoire du développement vu sous l’angle des bailleurs multilatéraux, en particulier en Afrique.
17Premièrement, d’un registre purement économique (acteur en quête de profit et moteur de la croissance), son action sur le développement s’est élargie. S’est imposée à travers lui l’entreprise comme un modèle universel de réponse à différentes problématiques sociales (lutte contre la pauvreté, adaptation au réchauffement climatique, ou plus récemment lutte contre le Covid-19, etc.). Des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) aux ODD, les organisations internationales et les États ont, par exemple, développé des démarches et stratégies pour renforcer les capacités entrepreneuriales des femmes en vue de leur « autonomisation » économique et sociale, laquelle est perçue à tort ou à raison comme le levier pour atteindre l’égalité des sexes tant au sein des ménages qu’à une échelle plus macrosociale (Onibon, 2019). L’émergence de l’entrepreneuriat social (ou social business), en tant que modèle institué, est une autre illustration de l’élargissement des fonctions associées à l’entrepreneur (Yunus, 2007). Cet élargissement s’est fait à la fois sur la base d’une croyance en la supériorité de l’organisation entrepreneuriale et des « bonnes pratiques » de l’entreprise, supposément transposables à diverses sphères de la vie sociale, mais également en réponse à l’échec des programmes d’ajustement structurel (PAS) trop centrés sur les seuls enjeux économiques.
18Deuxièmement, s’est étendue corollairement à lui sa superstructure, à savoir l’ordre marchand, qui gagne désormais de nombreuses sphères d’activité (monde agricole, médical, etc.) et rallie des populations jusque-là plus en retrait, exclues ou pour partie en dehors de ces logiques (les chômeurs, les jeunes, les femmes et les populations pauvres [5]).
19Ces deux processus, découlant de plus de quatre décennies de réformes économiques et sociales, marqueraient pour certains la transition d’économies managériales, à peine constituées en Afrique, vers des économies entrepreneuriales, basées sur l’innovation et la connaissance (Audretsch, 2005). Pour d’autres, il s’agirait de l’avènement progressif, au Sud comme au Nord, d’un système dit « néolibéral », ou l’« éthos » entrepreneurial serait la condition d’une insertion fructueuse sur le marché du travail mais traduirait également un nouveau rapport aux choses et à soi (Foucault, 2004). Dans les deux cas, l’entrepreneur est construit comme une figure centrale des sociétés du Sud actuelles par des « développeurs » qui lui donnent un rôle d’acteur providentiel dans le développement économique et social.
20Dans cette perspective, nous proposons d’analyser dans la partie qui suit les travaux majeurs mobilisés par les « développeurs », étant entendu que ces travaux participent à orienter de nombreuses politiques publiques et projets menés actuellement sur le continent africain. Nous les classons en deux catégories : la première regroupe les travaux qui tentent d’identifier ce que serait « l’esprit d’entreprendre » et qui proposent des solutions pour le développer ; la deuxième ceux qui s’attachent à analyser ce que serait un environnement favorable à l’activité entrepreneuriale. Ces deux lignes de questionnement permettent d’embrasser les différentes temporalités de l’acte entrepreneurial (de la fondation à la gestion courante de l’entreprise).
2. À la recherche de l’esprit d’entreprendre ou la fabrique des héros
21Les réflexions sur l’esprit d’entreprise en Afrique sont anciennes. Et si l’idée que les cultures africaines seraient incompatibles avec l’ethos de l’accumulation capitaliste a été largement démentie par de nombreux travaux, notamment en anthropologie et en histoire (Devauges, 1977 ; Warnier, 1993 ; Hopkins, 1995), il n’en demeure pas moins qu’une telle vision imprègne encore un certain nombre d’écrits contemporains. Ainsi pouvons-nous lire dans un ouvrage récent (Akinyoade et al., 2017: 2) :
Bien que le sujet de l’entrepreneuriat en Afrique attire de plus en plus l’attention, l’Afrique, qui est aujourd’hui le plus pauvre et le plus économiquement en retard des continents du monde, reste davantage connu pour ses nombreux vices économiques et sociaux que pour ses prouesses entrepreneuriales [6].
23L’angle à partir duquel cette question est aujourd’hui principalement traitée se resserre autour du débat théorique entre entrepreneuriat de nécessité et entrepreneuriat d’opportunité, autre manière de distinguer les entrepreneurs vertueux des autres (2.1). Un débat qui imprègne très largement l’orientation de divers programmes d’appui visant à fabriquer les entrepreneurs de demain (2.2).
2.1. Nécessité vs opportunité : une vision réductrice de la diversité des formes de l’esprit et de l’agir entrepreneurial en Afrique
24Lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi le tissu entrepreneurial est, dans beaucoup de pays africains, polarisé entre quelques très grandes entreprises et une immense majorité de très petites activités, pour la plupart informelles (Hugon, 2013) (le fameux missing middle), certains avancent l’idée pour le moins universalisante que les Africains manqueraient d’un « esprit d’entreprendre » et d’un certain nombre d’aptitudes qui lui sont liées, notamment en termes managériaux (Valerio et al., 2014). D’une part, ils seraient trop peu nombreux à essayer de saisir une opportunité de marché (vu comme le « vrai » entrepreneuriat), se contentant pour leur majorité d’un entrepreneuriat dit « de nécessité », dans des secteurs peu risqués et peu innovants, aux perspectives de croissance limitées (vu comme le « faux » entrepreneuriat). D’autre part, la gestion de leur entreprise, une fois créée, ne satisferait que rarement aux critères d’une « bonne gouvernance », en ce qui concerne par exemple la tenue d’une comptabilité dissociée de celle du ménage, la réalisation d’efforts dans le marketing ou encore le fait d’avoir des objectifs financiers chiffrés auxquels se tenir (BAD, 2011 ; McKenzie & Woodruff, 2013).
25Cette opposition opportunité/nécessité est une bonne illustration d’une circulation conceptuelle qui tend à homogénéiser la représentation que l’on peut se faire de l’activité entrepreneuriale à travers le monde (les rapports du Global Entrepreneurship Monitor en sont une illustration [7]). Sur le terrain, ces catégories participent pleinement à construire la réalité qu’elles analysent. Comme le montre Constance Perrin-Joly dans ce dossier (« Les entreprises sociales à la recherche de leur légitimité. Frictions autour du projet de développement éthiopien et tentatives d’extraversion »), en Éthiopie, l’accès à des financements internationaux est parfois soumis à l’identification d’« entrepreneurs par nécessité », en l’occurrence des activités informelles de subsistance. Seulement, ne voir que de la (seule) nécessité partout empêche de réfléchir aux brouillages des frontières et amène à ignorer la capacité réelle qu’ont certaines micro-entreprises à s’accroître, voire, plus singulièrement, de le vouloir et de rechercher la performance. Comme évoqué plus haut, de nombreux travaux en socio-anthropologie ont pourtant montré que l’ethos des micro-entrepreneurs dans plusieurs pays d’Afrique, avant même les colonisations, était loin d’être antinomique avec l’exploitation d’opportunités d’affaires (Ellis & Fauré, 1995 ; Fauré & Labazée, 2000 ; Ochonu, 2018). La recherche de profit économique mais aussi symbolique constituait même souvent le cœur – sans toutefois qu’elle s’y limite – de leur activité.
26Plus récemment, quelques travaux ont souligné combien cette vision duale (opportunité vs nécessité) conduit, dans la pratique du développement, à des dispositifs et programmes qui appréhendent le micro-entrepreneuriat comme un simple moyen de subsistance et non comme un ensemble de structures dans lesquelles investir (Knox et al., 2019). En plus d’assigner d’emblée à des millions d’entrepreneurs une identité dominée [8] (Gill, 2014), cette vision uniforme empêche de cibler, au sein du tissu entrepreneurial même le plus précaire, les entrepreneurs pouvant présenter un fort potentiel, parfois dénommés « gazelles » (Grimm et al., 2012). Or, comme le stipule Naudé (2008: 35), ce sont ces entrepreneurs qui sont susceptibles de « créer des emplois, augmenter la taille moyenne des firmes […], diversifier l’économie en dévoilant ses possibilités de production et faciliter l’adoption de nouvelles technologies [9] ». Il ne s’agirait alors pas tant d’un problème d’aspirations que de l’incapacité à identifier – et donc aider et soutenir – les entreprises les plus prometteuses en termes de croissance au sein de l’entrepreneuriat « par nécessité ». À l’inverse, il ne s’agit pas non plus simplement de les assimiler à l’idéal-type de l’entreprise « par opportunité », auquel elles correspondent rarement, mais de comprendre leurs spécificités et leurs besoins singuliers (Berner et al., 2012 ; Maïté Kervyn de Lettenhove et Andreia Lemaître, « Vous avez dit “entrepreneuriat” ? Quand conceptions et intérêts divergent sur le terrain, dans le département du Mono, Bénin » dans ce dossier).
2.2. Sensibiliser à l’entrepreneuriat et diffuser les « bonnes » pratiques
27Face à l’idée que les Africains seraient trop peu nombreux à vouloir prendre des risques et innover, des programmes de « sensibilisation » à l’entrepreneuriat se sont multipliés ces dernières années à travers le continent – à l’école, comme en Afrique du nord et au Moyen-Orient (Reimers et al., 2018) ou encore au Bostwana et au Kenya (Farstad, 2002), à l’université comme en Ouganda (Gielnik et al., 2013) ou au Maroc (voir Salwa Hanif et Rhita Sabri, « La formation à l’entrepreneuriat de soi dans l’université marocaine », dans ce dossier), à la télévision comme en Égypte (Barsoum et al., 2015 pour l’OIT) pour ne citer que quelques exemples – dans le but d’insuffler une « mentalité entrepreneuriale » qui ferait défaut (BAD, 2011: 132). Ces programmes sont souvent des échecs : non seulement leurs effets sont globalement limités sur les intentions entrepreneuriales et les créations d’entreprises – avec des variations en fonction du public visé et des contextes d’implémentation (Valerio et al., 2014 ; AFD, 2017) – mais encore, il se pose toujours la question des biais de sélection (amener vers l’entrepreneuriat ceux qui ont déjà le plus de probabilités de s’y diriger), pour des programmes qui reposent en partie sur l’adhésion individuelle.
28En parallèle d’un déficit supposé « d’esprit d’entreprendre », de nombreux travaux insistent sur la nécessité de diffuser les « bonnes pratiques » de gestion afin de doter les entrepreneurs de compétences managériales qui sont supposément peu transmises à l’école et à l’université à travers le continent (Dana et al., 2018 ; Akinyoade et al., 2017 pour les plus récents). Ces travaux ont directement inspiré nombre de dispositifs visant à former les créateurs d’entreprise, aux caractéristiques et procédures très variables (AFD, 2017), voire ont amené, en amont, à des restructurations totales du système éducatif, comme dans le cas du Rwanda (Honeyman, 2016). Le Rwanda est d’ailleurs un bon d’exemple du fait que les États africains sont loin d’être passifs dans la diffusion de cette rhétorique entrepreneuriale, et qu’ils peuvent s’en accommoder pour servir d’autres intérêts, en l’occurrence ici le renforcement de l’autorité de l’État (voir le compte rendu de l’ouvrage de Honeyman (2016) par Zarb dans ce numéro).
29À l’évidence, ces « bonnes pratiques » sont très souvent appréhendées comme les seules qui vaillent ou taken for granted, ce qui a pour conséquence de laisser dans l’ombre d’autres modes d’organisations économiques où se mêlent des logiques d’action plus encastrées (logiques domestique, administrée, industrielle, etc. ; Hugon, 2013). Ce faisant, l’idéal de l’organisation entrepreneuriale naturalise la seule dimension marchande (Da Costa & Saraiva, 2012). Ces dispositifs montrent par ailleurs souvent des effets économiques bien limités au regard de leurs attentes (AFD, 2017 ; Quinn & Woodruff, 2019), lorsqu’ils ne créent pas des distorsions sociales dans l’organisation de l’acte productif ou dans l’échange. Certains y voient ainsi une normalisation de pratiques impropres à répondre aux caractéristiques spécifiques des économies considérées (Berner et al., 2012). D’autres, toutefois, suggèrent que ces programmes pourraient être améliorés – en ne réduisant pas l’entrepreneur à des compétences managériales mais plutôt en voyant en lui des « capabilités » (Naudé, 2008 ; Nafukho & Muyia, 2010) – renouvelant ainsi la recherche sur le héros et ouvrant d’autres perspectives à sa fabrique.
3. Une scène à la hauteur du héros ? La construction d’un environnement business friendly
30Si la fabrique du héros a alimenté (et alimente encore) une partie des recherches et donné naissance à certains programmes pro-entrepreneuriat sur le continent africain, une autre catégorie de travaux considère que le problème ne serait pas tant celui des motivations, ambitions et compétences des entrepreneurs africains, mais aurait trait à l’existence de multiples barrières qui se dresseraient face à eux. En somme, les héros ne sauraient se révéler dans un environnement « hostile » (Taura et al., 2019). Nous revenons dans cette partie sur trois aspects abordés par la littérature et qui nous semblent significatifs de la manière dont les institutions internationales ont cherché à bâtir une scène à la hauteur du héros. Nous soulignons d’abord l’ambition de (re)façonner l’environnement social des entrepreneurs pour en tirer l’essence marchande, puis nous insistons sur la question de l’accès au financement avant de revenir sur les enjeux d’adaptation de l’environnement réglementaire aux normes internationales. En filigrane, et en écho à la partie 1, promouvoir l’entrepreneur contribue à légitimer la progression de l’ordre marchand, condition supposément nécessaire à l’apparition d’opportunités entrepreneuriales.
31L’environnement social, dans de nombreux contextes africains, a été longtemps vu (et encore aujourd’hui) comme peu propice au déploiement de l’initiative entrepreneuriale. L’idée centrale est qu’une « pression sociale redistributive », parfois présentée comme une « taxe », dissuaderait les entrepreneurs d’investir et d’accumuler du capital (Christiaensen et al., 2019). Certains, comme Platteau (1991) postulent que cette redistribution serait moins la manifestation d’une contrainte sociale qu’une participation stratégique aux réseaux de solidarité, souvent seul moyen d’assurance disponible face aux différents aléas de la vie. Quoi qu’il en soit, l’entrepreneur se trouverait limité dans son processus d’accumulation individuelle, par excès de collectif ou par défaut de solutions marchandes efficientes. Il s’agirait alors de développer des dispositifs formels d’assurance, qui seraient à la fois plus efficaces que les arrangements informels et permettraient sur le long terme de modifier des normes sociales « défavorables » à l’initiative individuelle (Di Falco & Bulte, 2012).
32L’anthropologie et la sociologie économique ont contesté l’idée que l’organisation sociale limiterait forcément les possibilités d’accumulation économique. Labazée (1995: 147-148), par exemple, a montré qu'au Burkina Faso la redistribution vers le réseau pouvait constituer une forme d’« investissement social », en ce qu’elle permettrait de « multiplier le nombre d’obligés » pouvant garantir l’accès à certaines faveurs utiles à l’activité entrepreneuriale. Ainsi, « richesse en hommes » précéderait « richesse en argent » et ferait pleinement partie des stratégies d’accumulation. D’une manière générale, ces travaux ont insisté sur l’encastrement des activités économiques au sens de Karl Polanyi, soutenant l’idée que « les transactions entre les structures entrepreneuriales et les structures sociales sont permanentes et multiples » (Labazée, 1995: 142). C’est d’ailleurs fortes du constat de l’importance des relations sociales dans le fonctionnement des marchés, que les stratégies BoP (Bottom of the Pyramid) visent aujourd’hui à tirer toute la valeur marchande de cette richesse sociale (Dolan, 2012). Les micro-entrepreneurs BoP, ralliant les zones les plus enclavées et écoulant leurs menues marchandises en partie grâce à leurs réseaux communautaires, sont vus comme des « faiseurs de marché » (Guérin, 2020) et deviennent les cibles des bailleurs internationaux (IFC, 2017).
33Parallèlement à l’accès à des mécanismes d’assurance, la question de l’accès au crédit est régulièrement soulevée lorsqu’il s’agit d’évoquer les freins à la création d’entreprises en Afrique. De telles considérations s’ancrent pleinement dans l’analyse schumpétérienne du capitalisme, qui situe la possibilité de s’endetter comme la condition première à l’émergence d’entreprises et dans laquelle les banques privées, par leur position centralisée et le rôle spécifique qu’elles jouent dans la création monétaire et la surveillance des emprunteurs, constituent la pierre angulaire (Lakomski-Laguerre, 2006). Derrière le héros donc, se cachent nécessairement des institutions financières dont de nombreux travaux ne manquent pas de montrer les insuffisances à travers le continent (Guérineau & Jacolin, 2014). Démocratiser l’accès au crédit fait, à ce titre, parti des recommandations les plus fréquentes des institutions internationales pour stimuler le tissu entrepreneurial africain (Kauffmann, 2005). On retrouve là l’idée de Yunus (2007), le fondateur de la Grameen Bank, selon lequel peu de chose sépare finalement une femme pauvre du Bangladesh d’un directeur d’entreprise, si ce n’est l’accès au crédit.
34Si l’accès au financement apparaît en effet central dans le démarrage d’un processus d’accumulation économique, l’appréhender sous l’unique spectre du crédit bancaire pose deux types de problèmes. Premièrement, le recours prioritaire des entrepreneurs africains à l’épargne individuelle ou aux financements externes informels est en conséquence souvent analysé comme subi, faute d’alternative formelle (marchande) satisfaisante (BAD, 2011). Ces analyses, réalisées au prisme de la performance économique pure, masquent à l’évidence la complexité de pratiques sociales encastrées et la possibilité d’une préférence pour les circuits non institutionnalisés (Hugon, 1990). Le deuxième problème, qui découle du premier, est qu’en faisant de l’accès au crédit bancaire la condition sine qua none à la création d’entreprises formelles performantes, les observateurs et acteurs de l’aide à l’entrepreneuriat construisent sa rareté (objective) comme un « problème » (Fauré & Labazée, 2000), ce qui peut avoir un effet dissuasif chez les créateurs potentiels d’entreprise. Aujourd’hui, faute d’un accès au secteur bancaire ou même aux institutions de microfinance, les organisations internationales promeuvent et soutiennent plusieurs dispositifs d’entrepreneuriats dits « inclusifs » car reposant sur des arrangements contractuels entre parties prenantes (fournisseur et client, par exemple), incluant un certain nombre de services (notamment financiers – crédit, assurance – ; voir dans ce dossier l’article de Florent Song-Naba et Philippe Régnier : « PME agroalimentaires et entrepreneuriat inclusif au Burkina Faso. Entre opportunisme, recherche du profit et lutte contre la pauvreté »).
35Enfin, dans la perspective des organisations internationales du développement, construire un environnement dit « business friendly » repose assez largement sur la mise en place des « bonnes règles » ou des « bons dispositifs d’incitation » à l’initiative privée. La popularisation d’indicateurs synthétiques de « qualité institutionnelle » comme le Rule of law ou les indicateurs Doing Business tendent sur ce point à normaliser et normer internationalement les réformes visant à construire une « bonne » économie – de marché – (Harper, 2003). Dans une telle vision, très largement imprégnée de la nouvelle économie institutionnelle (North, 1990), une loi est bonne si elle assure l’efficacité économique des activités qu’elle régule et mauvaise si elle y fait obstacle. La prédominance de mauvaises lois serait la conséquence d’États « mercantilistes » ou « prédateurs » se servant du droit pour satisfaire leurs intérêts privés et s’assurer la captation et la redistribution de rentes (De Soto, 1989 [1987]). Les coûts de la légalité (lourdeurs bureaucratiques, délais administratifs, manque ou non-respect des droits de propriété et des contrats) limitent le développement de l’initiative privée et conduisent les entrepreneurs à se réfugier dans l’informalité. De manière héroïque, selon De Soto, ces derniers y réinventent une nouvelle légalité, modèle de la société flexible. De tels travaux ont ainsi servi de base idéologique aux programmes de libéralisation des années 1980-1990 et ont été déclinés depuis en diverses recommandations de politiques publiques visant à réduire le « fardeau » réglementaire et fiscal qui pèserait sur les entreprises en Afrique (Infodev, 2016).
36Dans une telle perspective, le rapport de l’entrepreneur à l’État est réduit à une relation d’extériorité entièrement médiée par l’environnement réglementaire. Pourtant, comme le rappelle justement Hibou (2008), l’entrepreneur est un acteur politique au sens plein du terme, il s’insère autant qu’il participe aux relations de pouvoir, aux conflits et aux compromis entre acteurs en présence. La littérature en science politique a notamment souligné combien les itinéraires d’accumulation des « big men » reposaient sur le « chevauchement » (straddling) des positions entre le politique et l’économique (Fauré & Médard, 1995). Les relations entre l’État, les entrepreneurs et leurs entreprises s’inscrivent dans des arrangements complexes débordant les seules relations clientélistes avec l’élite industrielle ou affairiste. Comme le montrent David Ambrosetti et Dominique Harre dans ce dossier (« Un entrepreneuriat local à l’ombre de la politique industrielle en Éthiopie. Les résidents étrangers depuis 1940 »), dans le cas de l’Éthiopie, les alliances étatiques avec le secteur privé reposent parfois sur des bases sociales plus larges et avec des segments entrepreneuriaux plus variés, voire inattendus ici (l’entrepreneuriat local des résidents étrangers).
37On comprend bien, dès lors, que deux points de vue typiques s’opposent sur la question des « barrières » que nous venons d’identifier. D’un côté, ceux, au premier rang desquels des « développeurs » comme la Banque mondiale, qui voient le héros comme diversement contraint et qu’il faudrait donc libérer à travers un ensemble de réformes, plus ou moins standardisées et plus ou moins menées de concert (de ce point de vue, l’entrepreneur est indissociable de sa superstructure : c’est en arrivant à une économie de marché efficiente que naîtront les opportunités d’affaires et, avec elles, les – « vraies » – initiatives entrepreneuriales). De l’autre, ceux qui insistent sur la diversité des formes que peut prendre la création d’activités économiques à travers les contextes sociaux et qui voient ces réformes au mieux comme inefficaces car déconnectées d’un certain nombre de réalités sociales, au pire comme créant des distorsions qui entretiennent les situations de pauvreté qu’elles entendent combattre.
Conclusion
38L’entrepreneur, en tant que créateur d’une structure économiquement productive, est fondamentalement pluriel dans ses propriétés sociales, ses ambitions et les formes de rationalité dont il témoigne à travers les lieux et les époques. En Afrique, il a notamment été présenté comme un « bricoleur » (Labazée, 1991), diversement pétri d’un ethos capitaliste et s’accommodant des caractéristiques locales, donnant toutes ses spécificités à l’acte de création d’entreprise. À cette pluralité de profils et de pratiques s’oppose un modèle universel de l’entrepreneur que nous avons dépeint dans cet article, un idéal-type héroïque construit par la théorie, qui, de par le rôle que lui attribuent de nombreux « développeurs » dans le développement économique et social des pays, tend à guider l’action publique et à se constituer ainsi comme un nomos qui imprègne représentations médiatiques et populaires. Cet entrepreneur existe-t-il en dehors de la seule sphère du savoir, comme produit d’une théorie auto-réalisatrice, ou plutôt d’une théorie sciemment réalisée ?
39L’enjeu de ce dossier est d’éclairer la manière dont cette nouvelle rhétorique pro-entrepreneuriale se diffuse et les canaux par lesquelles elle tend à donner corps, ou non, au héros dans les faits. Les différentes contributions s’intéressent ainsi à la réalité de l’entrepreneuriat dans plusieurs contextes africains, en partant directement des acteurs, de leurs pratiques et représentations, et en pointant les effets que peuvent avoir les dispositifs et discours pro-entrepreneuriat sur ces dernières. Certains articles mettent à juste titre l’accent sur le rôle des États africains dans la pénétration (ou non) de ces rhétoriques, acteurs très largement marginalisés dans la littérature relayée par les « développeurs ». Ces contributions montrent que le rôle des États s’avère pourtant déterminant dans l’accompagnement, la réutilisation, voire la subversion de ces discours et politiques pro-entrepreneuriat.
40Nous faisons ainsi le pari que c’est en analysant, d’une part, qui sont les créateurs d’entreprise en Afrique, quelles sont leurs trajectoires, ce à quoi ils aspirent et le sens qu’ils donnent à leur activité, et, d’autre part, quelles sont les dynamiques politiques, institutionnelles et sociales dans lesquelles ils s’inscrivent, que l’on peut entrevoir la complexité des « traductions » et formes diverses que prend ce nouveau discours pro-entrepreneurial sur le continent. Dans l’ombre du héros coexistent une infinité de déclinaisons de profils, d’hybridations et de recompositions dans les pratiques auxquelles ce numéro entend donner toute sa place.
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Mots-clés éditeurs : Afrique, entrepreneurs, entrepreneuriat, marché, institutions internationales
Date de mise en ligne : 01/04/2021
https://doi.org/10.3917/ried.245.0011Notes
-
[1]
Qu’ils se situent en haut (les « affairistes » ou les « clients ») ou en bas (les « survivalistes ») de l’échelle sociale.
-
[2]
Nous reprenons la définition de Olivier de Sardan (1993: 1), qui par « développeurs » entend les acteurs, institutionnels ou ONG, mettant en place des « interventions volontaristes d’origine extérieure à un milieu-cible visent à transformer en partie ce milieu-cible, en général par l’introduction de technologies nouvelles et/ou la transformation de certains comportements économiques (et, au moins indirectement, non économiques) ».
-
[3]
Pour un panorama du rôle des entrepreneurs dans les pays africains durant la crise, voir Abdelkarim (2020), et les initiatives recensées par l’OCDE (http://www.oecd.org/fr/csao/coronavirus-ouest-afrique/).
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[4]
Un exemple est la coalition nigériane du secteur privé contre le Covid-19. Elle est composée de la Banque centrale du Nigeria, en partenariat avec de nombreuses entreprises du secteur privé ainsi que des organisations philanthropiques comme la Fondation Aliko Dangote et Access Bank (Jayaram et al., 2020).
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Concernant ces dernières, le développement des stratégies Bottom of the Pyramid (BoP) en est une bonne illustration (Prahalad, 2004). L’expression désigne les stratégies d’entreprises visant à cibler le segment de population vivant avec moins de 2 USD par jours, un segment marché d’environ quatre milliards de personnes et composé en majorité de femmes. Voir section 3 de cet article pour plus de précisions.
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« Althought the subject of entrepreneurship in Africa is increasingly attracting attention, Africa, which is currently the poorest and economically most backward continent in the world, still remains better known for its numerous social and economic vices than for its entrepreneurship prowess » (traduction des auteurs).
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Pour plus d’informations, voir : https://www.gemconsortium.org/report.
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Gill (2014) suggère que la distinction nécessité/opportunité est alimentée par une classe dominante d’entrepreneurs qui visent à délégitimer les formes d’entrepreneuriat faisant moins appel à l’« innovation », en les réduisant à des situations contraintes et subies.
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« High ability entrepreneurs will create jobs, increase the average size of firms, […], diversify an economy by uncovering its production possibilities, and demonstrate and facilitate the adoption of new technology » (traduction des auteurs).