Notes
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[1]
L’auteur tient à remercier les évaluateurs anonymes et les éditeurs pour leur soutien et la pertinence de leurs commentaires qui ont permis d’améliorer cet article.
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[2]
Les sources primaires ont été collectées lors d’entrevues semi-dirigées et d’observations sur le terrain effectuées dans les villes de La Havane et de Cienfuegos en avril et en juillet 2016. Les entrevues ont été menés avec les enseignants des universités de La Havane et de Cienfuegos, un directeur de granja urbana (« ferme urbaine ») de Cienfuegos et des représentants de la Fondation Antonio Núñez Jiménez de la Naturaleza y el Hombre. Elles ont porté sur l’évolution de l’agriculture à Cuba, la structure institutionnelle de l’agriculture urbaine, l’identité des acteurs et leurs relations. De plus, seize organopónicos ont été visités durant la même période afin de collecter des données sur les méthodes de production et sur la spatialité des unités de production.
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[3]
Les données secondaires proviennent des archives de la bibliothèque de l’université de La Havane, de l’Office national de statistique et d’information cubain (ONEI), de l’Association cubaine des techniciens agricoles et forestiers (ACTAF), de la Fondation Antonio Núñez Jiménez de la Naturaleza y el Hombre et d’une revue de littérature portant sur l’agriculture urbaine.
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[4]
Le système agraire se définit à l’échelle d’une région et se décompose en deux parties : l’écosystème cultivé et le système social de production (Cochet, 2011). Délimité dans un territoire donné et représenté par un espace-temps défini, l’écosystème cultivé représente la sphère technique, et le système social de production représente la sphère sociale.
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[5]
Créé en janvier 1949 par l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), le Comecon est une organisation d’entraide économique entre différents pays membres ou coopérants. Les membres fondateurs sont l’Union soviétique, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie. D’autres membres se sont ensuite ajoutés au groupe : la Mongolie (1962), Cuba (1972) et le Vietnam (1978) (Libbey, 2010). Avec l’entrée au Comecon, Cuba profite, entre autres, d’un accord avantageux avec l’Union soviétique sur l’exportation sucrière. Le prix offert par cette dernière a permis au gouvernement castriste de profiter de hauts taux de profits malgré les coûts engendrés par la majorité des intrants de production, par une faible productivité et par une organisation peu efficace (Pollitt, 2004).
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[6]
Équivaut à 13,4 ha, à Cuba.
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[7]
Groupes d’exploitants agricoles formés en coopératives. Constitués en entreprise agricole, les terres et le matériel sont mis en commun et chacun des exploitants obtient le titre de membre de la coopérative. La production est dédiée uniquement à la vente, les parcelles familiales et la production d’autoconsommation y sont interdites (Valdés Paz, 2009).
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[8]
Personne juridique propre qui représente une organisation économique et sociale constituée de travailleurs autonomes pour la gestion et l’administration de leurs ressources. Recevant la terre et d’autres biens pour un temps indéterminé, les produits de l’exploitation sont revendus majoritairement à l’État (Nova González, 2015).
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[9]
González Novo et al., 2008, p. 21 (Traduit de l’espagnol par l’auteur).
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[10]
Ces « fermes urbaines » sont des entités étatiques composées d’un administrateur et d’une équipe d’ouvriers. À raison d’une ferme par municipalité, celles-ci sont responsables de diriger et de conseiller les unités de production sur leur territoire de gestion. Elles garantissent les intrants par l’apport de semences, de matière organique, de matériel d’irrigation, et le conseil et la formation continue et actualisée mensuelle aux agriculteurs. La production agricole est dédiée à 50 % au consumo social (« consommation sociale »), c’est-à-dire les hôpitaux, écoles, maisons de retraite et orphelinats (données d’enquête).
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[11]
González Novo et al., 2008, p. 147 (Traduit de l’espagnol par l’auteur).
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[12]
Pourcentages calculés par l’auteur à partir des données de disponibilité alimentaire en tonnes et des importations en tonnes de riz blanchi (FAOSTAT, 2018).
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[13]
Le système de production est défini par Marc Dufumier comme « une combinaison cohérente dans l’espace et dans le temps de certaines quantités de force de travail (familiale, salariée, etc.) et de divers moyens de production (terres, bâtiments, machines, instruments, cheptel, semences, etc.) en vue d’obtenir différentes productions agricoles, végétales ou animales » (1985, p. 32).
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[14]
Cette superficie comprend les unités de production et les espaces non cultivés au sein de l’organopónicos. Ces espaces peuvent être utilisé pour le compost, la lombriculture ou encore par les points de vente de chacune des unités.
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[15]
« Jardins potagers » à fort rendement.
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[16]
Point de vente et de conseils techniques agricoles.
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[17]
Les CCS sont constituées des CPA qui ont décidé de se réunir pour former une organisation de coopération et de développement pour les stratégies de production, pour la vulgarisation technologique, la commercialisation et la financiarisation de leurs exploitations. Les CCS s’organisent principalement par territoire. Les CPA maintiennent, en intégrant la coopérative, le droit de propriété sur leurs terres et matériels de production, et les conservent dans le cas où ils décident de se retirer (Nova González, 2015).
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[18]
La « consommation sociale » est la part que les agriculteurs doivent obligatoirement verser pour des institutions désignées comme les écoles, les hôpitaux, les universités. Ces ventes se font à un prix plus bas que celui du marché qui est fixé par le gouvernement (Koont, 2009). Dans le cas des UBPC, la part dédiée à la consommation sociale s’élève à 50 % de la production et, pour les autres types de structure agricoles, cette part s’élève à 20 % des récoltes (données d’enquête).
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[19]
Ces marchés ont priorité sur l’approvisionnement suivant un quota ; le reste de la production est acheminé aux autres canaux de distribution.
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[20]
Ces marchés représentent le surplus de production après approvisionnement des produits au consumo social. L’offre y est de produits de meilleure qualité à prix plus élevés.
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[21]
Commerces de taille réduite approvisionnés par les coopératives et les organopónicos, et qui se trouvent à l’intérieur des exploitations.
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[22]
Vente de rue en charrette par annonce orale des prix, souvent plus élevés que dans les marchés étatiques.
Introduction
1La notion d’approvisionnement alimentaire urbain sous-entend la mise en relation des lieux de production agricole avec les centres urbains afin de faire face à une demande, quelles que soient les échelles d’analyse. Ce rapprochement est de nature à permettre une amélioration de la qualité des aliments, une diminution de l’empreinte écologique des villes et du nombre d’intermédiaires dans les chaînes d’approvisionnement afin de renforcer l’autonomisation alimentaire des villes. En effet, en 2018, 55 % de la population mondiale vit en milieu urbain. Cette tendance globale est combinée à « un accroissement de la pauvreté urbaine » (UN-Habitat, 2003, p. 21 ; Cohen et Garrett, 2010). En cause, les politiques urbaines et alimentaires encore mal adaptées au nouveau contexte d’exode des populations rurales vers les grands centres urbains, particulièrement dans les pays en voie de développement (Van Ginkel, 2008). Dans ce contexte, la croissance urbaine crée une vulnérabilité alimentaire chez les citadins lors d’épisodes de crise économique ou climatique. L’agriculture urbaine apparaît alors comme un outil stratégique des politiques alimentaires pour minimiser et prévenir l’impact des crises, et pour renforcer l’autonomie alimentaire des villes.
2En Amérique latine, 50 % des citadins se disent impliqués dans des activités agricoles (Ruel et al., 1998). À titre d’exemple, en 2003, 80 % des espaces vacants de la ville de Rosario, en Argentine, ont été utilisés pour l’agriculture (Redwood, 2009). Pourtant, bien qu’elle soit pratiquée largement à travers le monde dans des objectifs pluriels de production alimentaire, de loisir ou encore d’esthétique paysagère, l’agriculture urbaine ne trouve que peu sa place dans les agendas politiques. Elle est un outil pour renouer le lien entre les villes et leurs alimentations. Elle peut permettre de diminuer la distanciation « géographique (éloignement des bassins d’approvisionnement), économique (multiplication des intermédiaires) et cognitive (méconnaissance des conditions de production) » entre les villes et leurs bassins alimentaires (Brand et al., 2017, p. 13). En ce sens, elle est multifonctionnelle et joue un rôle à la résolution de problèmes, entre autres, liés au transport des aliments, au gaspillage alimentaire ou à l’éducation alimentaire (Duchemin et al., 2008). Sa contribution à la prévention des situations de crise, aux enjeux environnementaux urbains et à la création d’emploi peut être mise en valeur par une « réglementarisation » et par une reconnaissance sociétale et politique. Cette reconnaissance passe par des politiques alimentaires urbaines relatives à l’approvisionnement alimentaire, à l’aménagement urbain et à la structure de gouvernance de l’outil.
3Cuba apparaît, dans ce paysage, comme une exception par le développement de son agriculture urbaine. Bien qu’étant apparue dans un contexte de marché informel et de crise, l’agriculture urbaine cubaine a rapidement été reprise par les autorités gouvernementales afin d’être réglementée pour la lutte contre l’insécurité alimentaire. Plus qu’un outil de subsistance alimentaire, elle est un secteur d’activité sur l’île. Les questions qui se posent sur ce territoire urbain et son environnement agricole sont nombreuses : quelle forme de production contribue à l’approvisionnement alimentaire ? Quelle structure organisationnelle a permis son intégration à l’aménagement urbain ? Et permet-elle, sous cette forme, la gestion de crises alimentaires en milieu urbain ?
4Cette recherche mobilise des données primaires [2] et secondaires [3], issues de revues de littérature, d’entrevues semi-dirigées et d’observations participantes. L’étude s’appuie sur la théorie des transformations historiques et de la différenciation géographique des systèmes agraires (Mazoyer et Roudart, 1997 ; Dufumier, 2007 , Cochet, 2005). Fondé sur une analyse systémique, ce cadre théorique permet la caractérisation, à travers le concept de système agraire [4], d’une forme classifiée et stabilisée de l’agriculture à un lieu et un espace-temps donnés.
5L’article présente, dans une première partie, l’évolution historique et géographique du système agraire de Cuba ainsi que les transformations qu’ont connu les modes d’approvisionnement alimentaire en milieu urbain. De la période de la crise alimentaire des années 1990 aux années 2000, il présente les facteurs de l’apparition et de l’ancrage de l’agriculture urbaine. Dans une deuxième partie, le système agraire urbain de La Havane est étudié à travers deux sections faisant référence à l’écosystème cultivé et au système social de production.
1. La stratégie gouvernementale de développement agricole : entre marqueurs historiques et différenciation géographique
6L’agriculture urbaine à Cuba ne peut être comprise que dans son cadre historique et géographique. En effet, les relations internationales et économiques, d’une part, et le système politique de l’île, d’autre part, ont modelé le système agraire urbain cubain, sa structure institutionnelle et ses méthodes culturales.
1.1. De la révolution castriste à la crise alimentaire
7En 1989, l’effondrement du bloc soviétique a bouleversé l’économie cubaine qui reposait principalement sur les conditions préférentielles offertes par l’intégration de l’île dans le marché du Conseil d’assistance économique mutuelle (Council for Mutual Economic Assistance – Comecon) [5]. Ce bouleversement était dû à une forte dépendance économique de l’île de ces alliés, résultat d’un contexte diplomatique et de décisions politiques qui ont débuté en 1959, année de la prise de pouvoir du président Fidel Castro.
8Au lendemain de la révolution castriste, le premier défi auquel doit faire face le gouvernement cubain est celui de la sécurité alimentaire dans un contexte d’indépendance commerciale vis-à-vis des États-Unis. Jusqu’en 1959, le secteur alimentaire est très dépendant des États-Unis, qui fournissent 75 % des importations de l’île (González et Armando, 2015). Le gouvernement castriste oriente alors le secteur vers une productivité agricole accrue et une diversification des marchés d’exportation et d’importation. En réorganisant et en modernisant le système agraire, le gouvernement socialiste favorise une agriculture intensive, peu diversifiée et majoritairement exportatrice : c’est la période de la Révolution verte de l’agriculture cubaine. Entre 1959 et 1989, l’utilisation de pesticides est multipliée par quatre, le nombre de tracteurs par neuf et les fertilisants chimiques par dix (Sáez, 1998). Les États-Unis perdent leur place de partenaire privilégié avec l’île au profit des pays socialistes et membres du Comecon (Rosset et Benjamin, 1994).
9L’État intègre toute la chaîne de valeur sous la forme d’entités de commercialisation, de services ou encore d’administration des intrants, et étatise les terres agricoles. Víctor Figueroa Albelo parle d’une période de « gigantisme agricole » où l’État à la main mise sur la quasi-totalité des surfaces cultivables (1999). Les terres agricoles sont alors consacrées à une production intensive et spécialisée de produits phares, tels que le sucre, le café, le tabac ou encore les agrumes, destinés aux marchés soviétiques (Rosset et Benjamin, 1994). Cette spécialisation de l’agriculture et l’intensification des monocultures vont permettre à Cuba d’exporter certains produits du secteur agroalimentaire et d’importer la majeure partie des denrées alimentaires. Jusqu’en 1989, le Comecon fournissait « 63 % des importations alimentaires de Cuba, 80 % des machines et 98 % des combustibles » (Rodríguez, 1993, p. 426). Enfin, avec la coopération commerciale du Comecon et le mouvement du gigantisme agricole, le troisième pilier de la stratégie de sécurité alimentaire sur l’île post-révolution est la mise en place d’un système de rationnement alimentaire. Le système est pensé comme un outil de gestion de la disponibilité et de la commercialisation alimentaire (García Rabelo, 2011). Les libretas, ou « carnets de rationnement », sont distribuées à la population afin de faire valoir les rations de produits qui leur sont alloués à des prix subventionnés (Carter, 2013). Lors de son instauration, la libreta couvrait la quasi-totalité des denrées alimentaires ainsi que certains produits sanitaires et d’habillement à des prix fortement subventionnés.
10En favorisant la spécialisation de l’agriculture et en renforçant la dépendance du secteur au pays partenaire, l’île se trouve dans une position de vulnérabilité alimentaire au moment de la crise engendrée par la chute de l’Union soviétique. Entre 1990 et 1993, Cuba subit la fin d’un système qui fait chuter de près de 75 % ses importations totales et de près de 50 % ses importations en combustibles (Meso-Lago, 2005). L’île voit son produit phare à l’exportation, le sucre, diminuer de 50 % en production, entraînant la fermeture de la moitié des usines de transformation sucrières (Meso-Lago, 2005. ; Riera et Swinnen, 2016). La production agricole chute de 40 % durant la même période (Riera et Swinnen, 2016).
11S’ensuit une crise alimentaire illustrée, en 1989, par une diminution brutale de 32 % des apports caloriques quotidiens moyens (Wright, 2009 ; Rodríguez-Ojea et al., 2002). L’apport calorique journalier passe de 2 835 calories, en 1989, à 1 853 calories, en 1994, c’est-à-dire en dessous du seuil journalier minimum requis de 2 100 à 2 300 calories (Pérez, 2009 ; Deere et al., 1994). L’offre et la quantité des aliments alloués jusque-là par les carnets de rationnement alimentaire diminuent aussi jusqu’à atteindre un niveau qui ne peut subvenir qu’à la moitié des besoins alimentaires mensuels d’un adulte (Riera et Swinnen, 2016). Fait marquant de la pénurie alimentaire, le sucre devient l’un des produits les plus consommés durant cette période. Il représente alors 20 % de l’apport énergétique journalier de la population jusqu’au début des années 2000. Sa consommation moyenne par personne s’élève à 160 g par jour soit environ trente-deux carrés de sucre, ce qui en fait l’un des plus hauts taux au monde (FAO, 2003). Les répercussions de cette crise sur l’état de santé de la population sont identifiées par Angela Ferriol Muruaga à travers différents indicateurs : carence nutritionnelle chez les mères et les nouveau-nés, augmentation du nombre de naissances de nouveau-nés à un poids inférieur à la moyenne, croissance du nombre de décès liés à des maladies infectieuses et à la tuberculose, augmentation du nombre de décès de personnes âgées liés à une carence alimentaire et augmentation des maladies issues d’intoxication alimentaire (1996). Enfin, la pénurie alimentaire et l’augmentation brutale du prix des denrées alimentaires ont été des facteurs déterminants de la hausse du taux de crimes violents, qui a augmenté de 55 % entre 1990 et 1995 (De la Cruz Ochoa, 2000).
12Ce contexte va favoriser une agriculture de proximité et, par la suite, des méthodes culturales agroécologiques. Les villes isolées de leurs campagnes et la pénurie alimentaire vont favoriser le développement rapide de l’agriculture urbaine (Koont, 2009 ; Rosset et al., 2011).
1.2. La construction progressive d’un secteur d’activité agricole urbain à Cuba
13Avant la réglementation de l’agriculture urbaine, une série de lois ont permis sa reconnaissance sur le territoire en tant que mode de production effectif, au même titre que les autres agricultures. Dès 1990, des décrets de lois touchant au secteur agricole ont eu un impact sur ce système agraire urbain en construction sans pour autant qu’ils aient explicitement été pensés pour (Caridad Cruz et Sánchez Medina, 2001). Par la suite, des politiques publiques consacrées à la reconnaissance et la construction de l’agriculture urbaine seront développées.
Une occupation du tissu urbain par l’agriculture
14Durant la « période spéciale », désignant la crise qui a fait suite à la chute de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), la majorité des Cubains vivaient en ville. Au début des années 1990, la population urbaine représente 75 % de la population totale (Morejón Seijas et Molina Soto, 1997), lorsque la même année la moyenne mondiale était de 43 % (BM, 2016). L’isolement induit par le manque de carburant et la concentration de la population dans les villes tendent à exacerber l’impact de la crise alimentaire chez les citadins. Ainsi, entre 1991 et 1995, on estime à 15 % la population urbaine en situation d’insécurité alimentaire chronique (FAO, 2003).
15Pour renforcer la productivité agricole qui peinait à se maintenir sous la forme des grandes fermes, des terres agricoles sont distribuées gratuitement et des formes administratives de coopératives « privées » sont créés. Ainsi, entre 1991 et 1995, les Résolutions no 24/91 et 223/95 ont permis aux « petits agriculteurs » de recevoir des terres d’État dans la mesure où ils présentent une force de travail convenable et que l’exploitation ne dépasse pas une caballeria [6]. Parallèlement, à travers le Décret no 159/90 et la Résolution no 289/90, il est autorisé aux « petits agriculteurs » d’intégrer une coopérative de production agricole (CPA) [7] afin de favoriser la mise en commun du matériel et d’augmenter les rendements. Enfin, en 1993, les fermes d’État, forme productive dominante durant la période du gigantisme agricole sont transformées en unidades básicas de producción cooperativa (UBPC) [8] par le Décret de loi no 142/93 (Escaith, 1999). L’hégémonie de l’État dans le secteur agricole est démantelée rapidement et drastiquement, passant de 83 % des terres agricoles en 1992 à 54 % en 1994 (Herrera Sorzano et al., 2015). L’État cède sa place à une paysannerie organisée en coopérative, mieux adaptée pour faire face aux limitations d’intrants et de mécanisation.
16Une agriculture à petite échelle et sous forme de coopératives est encouragée. Initialement, ces décisions gouvernementales ne sont pas orientées vers l’agriculture urbaine, mais dans le contexte démographique de cette période, elles vont favoriser son ancrage sur le territoire. En effet, du fait de la concentration de la population dans les centres urbains, les premiers espaces occupés pour la production ont été ceux à proximité des villes. Ce mouvement s’explique par la proximité géographique, mais aussi par le manque de machines agricoles et de carburant faisant qu’il était difficile de produire à grande échelle et en milieu rural comme auparavant. Les pôles de production des cultures maraîchères, mieux adaptés aux travaux manuels, se rapprochent alors des villes.
Reconnaissance gouvernementale de l’agriculture urbaine
17C’est à partir de 1998, et dans la mouvance de la « privatisation » du secteur agricole, que l’agriculture urbaine trouve sa place dans l’agenda politique. Les stratégies alors pensées vont règlementer le secteur à différentes échelles : la production, la commercialisation, les ressources humaines et l’occupation du territoire. En effet, elle devient objet à part entière de l’aménagement urbain et un outil de lutte contre l’insécurité alimentaire par la création du Groupe national d’agriculture urbaine (GNAU) au sein du ministère de l’Agriculture (Résolution no 208/98 ; González Novo et al., 2008). L’objectif du GNAU est de promouvoir une agriculture sans intrants chimiques et d’encourager la distribution d’aliments frais et la diversité des productions. Pour ce faire, le GNAU s’engage au développement de vingt-huit sous-programmes agricoles. Cette stratégie, initiée à La Havane, s’étend ensuite à toute l’île et couvre trois axes principaux : les cultures végétales, l’élevage et le soutien technique (Herrera Sorzano, 2009). L’agriculture urbaine est dès lors définie comme :
La production d’aliments à l’intérieur du périmètre urbain et périurbain, utilisant des méthodes de production intensives, tenant compte des interrelations entre homme-culture-animal et environnement, et profitant de la force de travail à proximité pour une production et un élevage diversifié annuels, basé sur des pratiques durables qui permettent le recyclage des déchets [9].
19La définition regroupe le territoire urbain et périurbain sous l’appellation d’« agriculture urbaine ». Les politiques et stratégies ne se différencient pas entre ces deux échelles à Cuba, et l’agroécologie est mise en avant comme un changement de méthode de production passant d’un système motorisé et spécialisé à un système manuel et diversifié.
20Dans la mouvance de la reconnaissance de l’agriculture urbaine, une série de résolutions de loi sera décrétée pour son ancrage dans les territoires urbains. Au niveau de la production et de la commercialisation, dès 1998, l’élevage porcin est autorisé en ville et les agriculteurs urbains obtiennent l’autorisation de vendre leurs productions sur les marchés publics (Résolution no 02/98). La même année, au niveau du soutien technique, les granjas urbanas [10] sont créées (Résolutions no 960/98) comme organes directeurs de l’agriculture urbaine à l’échelle municipale (González Novo et Murphy, 2000). Enfin, en 2002, pour promouvoir l’emploi dans ce secteur, la Résolution no 40/02 autorise
la suspension du travail des employés opérant dans un secteur manuel ou technique, et ce, quel que soit le domaine d’activité dans la province de La Havane, afin d’intégrer des travaux d’agriculture urbaine durant une période de deux ans sans que cela n’implique la perte de leurs activités professionnelles [11].
22Grâce à cette stratégie, l’agriculture urbaine et périurbaine produit en 2000 70 % des légumes et 39 % des fruits consommés au niveau national (GNAU, 2004 ; Granma, 2001).
23L’agriculture urbaine se présente ainsi comme un des outils de la stratégie de lutte contre l’insécurité alimentaire à Cuba. Cette stratégie compte sur l’importation alimentaire, l’augmentation de la productivité, la distribution de terres, le système de rationnement, la décentralisation de la commercialisation et, enfin, le développement de l’agriculture urbaine. Toutefois, il apparaît que, bien que l’agriculture urbaine démontre jouer un rôle sur la sécurité alimentaire de la population, ce rôle se limite principalement à l’apport de fruits et légumes frais pour ce qui est de la production. En témoigne la croissance claire de la disponibilité alimentaire en légumes depuis le début de la crise (fig. 1). Cela s’est traduit sur la consommation de fruits et légumes qui passe d’environ 300 g par personne et par jour entre 1992 et 1994, à 550 g entre 1999 et 2001 (FAO, 2003).
Figure 1 : Disponibilité alimentaire de légumes de 1989 à 2013
Figure 1 : Disponibilité alimentaire de légumes de 1989 à 2013
25Parallèlement, l’île reste très fortement dépendante des importations pour le reste des denrées alimentaires et principalement pour le riz, la production du lait et des viandes (García Rabelo, 2011). À titre d’exemple, le ratio de dépendance au riz importé par rapport à la disponibilité alimentaire de cette céréale s’éleve en 2013 à 60 %. Sa valeur en 1989 était de 44 % et a connu un pic maximal en 2005 de 98 %. C’est-à-dire que, lors de l’année 2005, 98 % du riz disponible sur le territoire est importé (données calculées [12]). Le riz étant un des aliments de base de la cuisine cubaine, cette dépendance aux importations se traduit par des situations de vulnérabilité alimentaire prononcées lors d’un choc économique ou climatique pour certains groupes de produits alimentaires, comme pendant l’année 2008. En effet, cette année-là, suite à la hausse des prix des céréales et à l’effet dévastateur des ouragans Gustav et Ike sur l’île (Altieri et Funes-Monzote, 2012), l’État cubain déclare que la sécurité alimentaire est une question de sécurité nationale. Une nouvelle vague de distribution de terres est lancée avec les Décrets de loi no 259/2008 et renouvelée en 2011 et 2012 par les Décrets no 282/2011 et no 300/2012, où environ 1 700 000 ha de terres ont été distribués à plus de 200 000 agriculteurs pour faire face à la pénurie alimentaire (FAO, 2013 ; Nova González , 2014).
2. La construction d’un système agraire urbain comme réponse à la crise alimentaire liée à l’effondrement du bloc soviétique
26Le système agraire urbain de Cuba s’est développé initialement grâce à l’engagement citoyen et s’est ancré sur le territoire par sa réglementarisation. L’emphase sera mise dans ce travail sur les organopónicos comme systèmes de production [13] et sur leurs structures sociales organisationnelles.
2.1. Le développement des organopónicos : reflet des dynamiques endogènes face à la crise alimentaire
27À Cuba, l’écosystème cultivé se caractérise par des systèmes de production différents, mais complémentaires, afin de combler des besoins alimentaires pluriels suivant une occupation de l’espace urbain plus efficace. Ainsi, les organopónicos sont des systèmes de production adaptés à la culture maraîchère dans des espaces où les sols contaminés ne permettent pas la production en sols. Prenant la forme de culture hors-sol, les organopónicos permettent d’offrir une disponibilité alimentaire à proximité de logements, là où d’autres systèmes de production ne pourraient pas être aménagés. Ils sont définis à la fois comme un type d’exploitation agricole et comme une méthode de production. Selon le ministère de l’Agriculture, la province de La Havane comptait 96 organopónicos en 2015 pour une superficie de 336,8 ha [14] (MINAG, 2015). Les unités de production sont principalement concentrées au niveau des centres urbains sur de petites exploitations (fig. 2). En zone périurbaine, la taille moyenne des organopónicos peut atteindre 12 ha.
28Toutefois, les organopónicos présents dans l’espace périurbain de La Havane ne sont pas considérés comme faisant partie du système agraire urbain. Cette séparation est justifiée par des sous-systèmes de production et des relations entre eux qui diffèrent de l’urbain au périurbain. En effet, dans l’espace périurbain, on retrouve des productions céréalières extensives ou encore des élevages et une arboriculture développée. Ces sous-systèmes impliquent des relations d’échange entre les organopónicos et les autres unités de production qui diffèrent de ce qui peut exister en milieu urbain. En effet, l’accès à des fourrages, du fumier ou encore de la matière organique végétale sera différent et plus favorable dans le périurbain que dans l’urbain. D’autres différences apparaissent dans les circuits de commercialisation entre ces deux espaces, ce qui justifie la nécessaire séparation du système agraire urbain de celui périurbain, malgré les similitudes de méthodes de production (Cederlöf, 2016).
Figure 2 : Distribution des organopónicos à La Havane par grade de superficie
Figure 2 : Distribution des organopónicos à La Havane par grade de superficie
30L’écosystème cultivé qui définit le système agraire urbain de Cuba est formé de cinq sous-systèmes différentiables, mais soumis à des méthodes de culture, de fertilisation et de lutte similaires (fig. 3). Les huertos intensivos [15], les cultures semi-protégées, les cultures sous serre, les jardins domestiques et les organopónicos composent les sous-systèmes. Les huertos intensivos et les organopónicos visent tous deux une production maraîchère commerciale. Les jardins domestiques sont exclusivement orientés vers la consommation familiale. Les cultures semi-protégées sont des variantes des huertos intensivos ou des organopónicos qui permettent d’allonger la période de production. Enfin, les cultures sous serres servent principalement à la production de plants de cultures (González Novo et Murphy, 2000).
Figure 3 : Le sous-système des organopónicos
Figure 3 : Le sous-système des organopónicos
32Au niveau des organopónicos, le choix des plants et des variétés tient compte des directives gouvernementales induites par la demande des consommateurs, des calendriers culturaux et de l’association des cultures. La production se fait sous la forme de bandes construites et remplies de substrat orienté nord-sud, dans la mesure du possible. Les bandes de terres doivent avoir une longueur maximale de 15 à 25 m pour 1,2 m de largeur et 30 cm de profondeur. Elles sont séparées par des passages de 50 cm de largeur. Les lieux d’exploitation sont des terres peu fertiles proches de quartiers résidentiels. Chaque bande, ou cantero, est rempli d’un substrat organique formé d’un mélange variable d’un organopónicos à l’autre, dépendamment de la disponibilité des produits à proximité et du coût de transport. Toutefois, l’optimum recommandé est que le substrat soit composé au trois-quarts de matières organiques et que celles-ci soient composées de 80 % à 85 % d’origine animale et le reste d’origine végétale (INIFAT, 2007). Les sources organiques qui peuvent être utilisées pour la préparation du substrat sont : le fumier, le jus de canne à sucre, l’humus de lombric, la paille, la sciure de bois, le compost et la tourbe (Buchmann, 2009 ; Wezel et Bender, 2003). Le diagnostic auprès des seize organopónicos visités à La Havane a mis en évidence la prépondérance du système polycultural dans les organopónicos, avec un optimum annuel de dix cultures caractérisées par une alternance entre cultures à racines pivotantes et racines fasciculées, d’une part, et une association de cultures, d’autre part. Les organopónicos sont les systèmes de production les plus productifs à Cuba avec des rendements pouvant atteindre 20 kg/m2 (Hanon, 2015).
2.2. Échelle décisionnelle : entre dynamiques locales et enjeux de pouvoir
33Le processus de production est adossé à un système social gouverné par trois échelles décisionnelles : nationale, provinciale et municipale (fig. 4). L’échelle nationale est représentée par le GNAU, une entité du ministère de l’Agriculture responsable de la mise en place et de la structuration des politiques publiques relatives aux secteurs. L’échelle provinciale a la responsabilité de distribuer les tâches relatives aux politiques nationales en les segmentant selon les secteurs d’activités et selon leurs institutions respectives. L’échelle municipale est liée à l’échelle provinciale par l’entremise d’entités formelles sectorielles de proximité (Herrera Sorzano, 2009). À titre d’exemple, l’Entreprise de cultures variées, entité étatique à l’échelle de la province de La Havane, est responsable de fournir les bureaux de consultation technique agricole (Consultorios-Tienda del Agricultor – CTA) [16] et les granjas urbanas en intrants, à l’échelle municipale, suivant les directives du GNAU à l’échelle nationale.
34Suivant une perspective transversale, l’Association nationale des petits agriculteurs (Asociación Nacional de Agricultores Pequeños – ANAP) est l’organe représentatif des petits exploitants ruraux et urbains. Tous les agriculteurs urbains en font partie. L’ANAP joue un rôle d’éducation, de formation et de transmission des techniques agroécologiques pour les agriculteurs. Financée majoritairement par l’État cubain, elle tire aussi une partie de ces revenus par une taxe à la vente aux agriculteurs. L’ANAP jouit d’une indépendance et joue un rôle de vecteur entre les institutions publiques et le secteur agricole (Rosset et al., 2011). C’est la seule institution non gouvernementale qui participe au processus de prise de décision. En plus de ces rôles de formation et de transmission d’informations, l’ANAP, formée d’exploitants, transmet les revendications des petits agriculteurs aux différentes échelles de prise de décision. Bien qu’elle ait fortement participé à l’amélioration de la productivité agricole par la démocratisation de l’agroécologie à Cuba, elle est considérée, par certains agriculteurs, comme politisée et ayant une fonction de vigilance pour le gouvernement. Comme le soulève Lugo Fonte, président de l’ANAP, l’association est un mouvement politique, car elle « représente des principes économiques, sociaux et éthiques que nous devons respecter pour honorer notre premier devoir en tant que paysan : alimenter le peuple » (Machín Sosa et al., 2010, p. 44). Toutefois, cet aspect peut être un frein à la participation et au partage d’informations des agriculteurs avec l’association.
35L’asymétrie de la structure organisationnelle dans la prise de décision du développement territorial est pointée du doigt par l’ANAP, par les sociétés de services et par les exploitants agricoles qui y voient un frein à l’occupation de territoires potentiellement productifs (Alonso Alemán et Bell Heredia, 2013). Durant les enquêtes qui ont été réalisées, l’effet de cette asymétrie s’est traduit par des exploitations abandonnées pour défaut d’autorisation administrative, par l’obligation de production d’aliments non adaptés aux habitudes alimentaires cubaines ou encore par des pertes de récoltes fruitières ne cadrant pas avec certaines directives de commercialisation des UBPC. La gestion verticale de l’agriculture urbaine fait que certaines décisions sont prises sans la consultation des fournisseurs de service ou des producteurs. Dans le cas des coopératives non étatiques (cooperativas de producción agropecuaria – CPA – et coopératives de crédits et services – CSS [17]) et des exploitants privés, l’autogestion de l’unité de production permet de diminuer l’impact de cette asymétrie, principalement par la liberté de choix de production. En ce sens, Alfredo Jam Massó, en 2007, considérait certains facteurs limitants du développement territorial. Il identifie ainsi parmi eux : le manque de reconnaissance de l’échelle municipale comme instance de gestion locale, la centralisation excessive de la prise de décision et de la gestion des ressources, la priorité au développement sectoriel qui conditionne la verticalisation de la chaîne de production, et le manque de normes claires au niveau des municipalités pour la gestion des ressources locales (Jam Massó, 2007).
2.3. Institutions d’approvisionnement d’intrants, de soutien technique et de production à l’échelle municipale
36À l’échelle municipale, un soutien technique et matériel est offert aux producteurs urbains par les CTA et par les granjas urbanas. En tant que secteur prestataire d’emplois et pour garantir l’efficacité des modes de production, l’agro-service a été développé de manière à pouvoir soutenir les agriculteurs par la recherche-conseil, par l’apport d’intrants et par la mise en place de systèmes d’assurance et de distribution de leurs productions. Les CTA ont eu un franc succès auprès des exploitants : créés en 1996, leur nombre est passé de 12 en 1997 à 52 en 2007 à La Havane (FAO, 2013). Les granjas urbanas sont responsables de la formation, de l’approvisionnement et de la commercialisation d’une partie des récoltes des unités de production sur leurs territoires. À raison d’une par municipalité, elles planifient la production, fournissent les intrants organiques et les semences aux agriculteurs, et se chargent de la commercialisation de la part de la production des exploitants due au consumo social [18] (Koont, 2009 ; Cederlöf, 2016).
37Le système social de production agricole urbain est régi par quatre types de structures organisationnelles : les UBPC, les CCS, les CPA et les groupes d’exploitants privés. Dans le cas des CCS, des CPA et des groupes d’exploitants privés, les agriculteurs reçoivent leurs terres en héritage ou en usufruit. Dans ces trois situations, les exploitants gardent une certaine liberté dans le choix des cultures. On retrouve, dans ces configurations, des exploitants faisant de l’agriculture une activité complémentaire à d’autres activités professionnelles (Altieri et al., 1999). Dans le cas des UBPC, l’agriculteur n’est pas propriétaire de la terre. La production et la gestion de l’exploitation y sont plus strictes et plus réglementées. Les agriculteurs y sont employés par l’UBPC et suivent les directives de la coopérative quant aux choix de la production et de la commercialisation. Cette gestion de l’exploitation fait que le rendement et la rentabilité des UBPC sont très variables d’une unité à l’autre, dépendamment de l’administrateur de l’unité de production élémentaire (Observatorio Ciudades Inclusivas, 2010). Ce sont les CCS et les CPA qui présentent les meilleurs rendements. La liberté de choix des cultures et de leur mode de commercialisation améliore les rendements et l’efficacité économique des CCS, des CPA et des exploitants privés, à la différence des UBPC. En effet, avec 24,4 % des terres cultivables, les CCS et les exploitants privés fournissent 57 % de la production totale d’aliments du pays (González et Armando, 2015).
Figure 4 : Représentation synthétique de la structure institutionnelle du système agraire urbain
Figure 4 : Représentation synthétique de la structure institutionnelle du système agraire urbain
3. Un contrôle de la commercialisation alimentaire par l’État
39La commercialisation des produits de l’agriculture urbaine se fait suivant quatre canaux principaux de distribution : les marchés étatiques [19], les marchés agricoles d’offre et de demande [20], les points de vente [21] et les marchés informels [22]. Les points de vente ont été pensés afin de diminuer la commercialisation sur les marchés informels, et le Décret de loi no 191/94 mis en place en 1994 permet aux agriculteurs de vendre leurs produits sur les marchés étatiques (Caridad Cruz et Sánchez Medina, 2001 ; Acevedo-Suárez et al., 2012 ; Acevedo et al., 2014). L’ouverture de ces canaux de distribution a permis aux agriculteurs de commercialiser leurs surplus selon des quotas et des maximum de prix par produit défini par l’État (Torres et al., 2010). Le décret est apparu cette année-là en réponse aux manifestations d’août 1994 qui pointaient la baisse du niveau de vie et le désir de fuir l’île en raison de la crise économique persistante. En libéralisant la commercialisation, le gouvernement a voulu apaiser la population en offrant de nouvelles sources de rémunération. Ces politiques ont permis de diminuer la place des marchés informels tout en stabilisant les prix des denrées alimentaires, car, durant cette période, le manque d’aliments a fait augmenter les prix des denrées. La stabilité des prix est un facteur important à la sécurité alimentair e puisqu’il est estimé que 70 % des revenus des ménages cubains sont dédiés aux dépenses alimentaires (Nova González, 2006).
40Les points de vente directe aux unités de production ont été les modes de commercialisation qui ont eu le plus de succès grâce à leurs proximités des habitations. Les marchés étatiques sont les deuxièmes canaux de distribution les plus utilisés par les Havanais grâce à une offre alimentaire plus diversifiée de ce qui peut être trouvé au point de vente directe dans les unités de production (FAO, 2013). Les données relatives à la commercialisation par canaux de distribution ne sont, pour la plupart, ni répertoriées ni diffusées, que ce soit à échelle provinciale ou nationale. Toutefois, le travail de Mario Gonzàlez Novo et d’Aurelia Castellanos Quintero nous permet d’avoir un exemple dans la province de La Havane de cette préférence des consommateurs aux points de vente directe dans les canaux de distribution (tabl. 1).
Tableau 1 : Vente de produits par voie de commercialisation en septembre 2013 à La Havane
Produits commercialisés (en tonnes) | Part des ventes (%) | |
---|---|---|
Points de vente | 26 580,50 | 46 |
Marchés étatiques | 21 046,60 | 36 |
Consommation sociale | 6 772,80 | 12 |
Tourisme | 3 534,60 | 6 |
Total | 57 933,50 | 100 |
Tableau 1 : Vente de produits par voie de commercialisation en septembre 2013 à La Havane
41Malgré l’affirmation d’une dynamique locale révélée par le développement des organopónicos et qui témoigne d’une capacité des acteurs non étatiques à stabiliser l’offre alimentaire urbaine à La Havane, les décisions et choix politiques (gestion foncière, accompagnement institutionnel de la production et réglementation de la commercialisation) traduisent la volonté de contrôle de l’approvisionnement alimentaire par l’État. La fixation des prix et l’imposition de quotas sont des révélateurs de cette volonté de contrôle pensé comme régulatrice des prix des denrées alimentaires dans le secteur.
Conclusion
42L’intégration de l’agriculture urbaine comme mode d’approvisionnement alimentaire s’est faite par l’ouverture des marchés, la diversification des coopératives, la distribution des terres et la reconnaissance de l’agriculture urbaine comme mode d’occupation du territoire dans le schéma d’aménagement de la province de La Havane. La construction du système agraire urbain de La Havane prend sa source dans la crise alimentaire qui a frappé Cuba dans un contexte politique d’embargo et de perte des partenaires commerciaux. Confronté à un isolement croissant, à une insuffisante connexion entre villes et campagnes comme à une progression de la vulnérabilité alimentaire urbaine, le développement de l’agriculture urbaine apparaît comme une voie pour assurer la production de moyens de subsistance alimentaire.
43De fait, le système agraire urbain de Cuba a montré qu’il permettait de participer à l’amélioration de l’offre alimentaire par la production de fruits et légumes. En ce sens, Olivia Riera et Johan Swinnen estiment que la production de fruits et légumes en 2004 était supérieure de 250 % à celle de 1989, hausse qu’ils expliquent en partie par l’essor de l’agriculture urbaine (2016). Dans le cas de La Havane, la production de légumes est passée de 21 t en 1997 à 254 t en 2003 (Koont, 2009). On estime ainsi que 70 % des légumes consommés à La Havane sont produits par son agriculture urbaine (Altieri et Funes-Monzote, 2012 ; FAO, 2014). Cela se traduit par une modification des habitudes alimentaires et de l’apport calorique traditionnels induits par cette offre (FAO, 2003).
44Toutefois, les mécanismes de prise de décision verticale en vigueur affaiblissent la prise en compte des problématiques locales auxquelles font face les exploitants (manque d’intrants, difficulté de commercialisation, accès aux terres, exploitation étatique abandonnée). La sectorisation des activités et la complexité des relations entre entités font que le système ne peut prévoir, anticiper et réagir progressivement aux potentielles crises. Les lois et décrets consécutifs et postérieurs à des situations de crises démontrent ces faiblesses. De plus, les processus de prise de décision (décret immédiat), les solutions techniques accélérées (distribution de terre) et les décisions souvent non anticipées mises en place (accès au marché de vente) démontrent qu’il est difficile de séparer ce système agraire de son système politique centralisé et vertical, pas nécessairement fonctionnel pour faire face aux changements.
45Cuba, avec la fin du règne castriste et la normalisation des relations avec les États-Unis, connaît de profonds changements. Le système agraire urbain tel qu’il existe aujourd’hui ne subsistera pas à une ouverture aux marchés internationaux et à un retour du secteur privé dans la sphère économique. L’agriculture urbaine telle qu’elle se compose actuellement s’appuie sur l’inexistence d’un marché foncier, sur un contrôle de l’État et sur une offre alimentaire limitée. L’isolement géographique et politique, et le système politique socialiste lui permettent d’exister sous cette forme. Néanmoins, un démantèlement progressif de l’embargo pourrait amener de nouveaux acteurs dans le secteur agroalimentaire et une concurrence jusqu’ici inexistante. Les changements politiques au Venezuela et la perte de ce partenaire commercial important ont renforcé et renouvelé les liens commerciaux de l’île avec les États-Unis, aujourd’hui principal fournisseur de denrées alimentaires et de produits agricoles à Cuba (Riera et Swinnen, 2016). L’émergence progressive du privé dans différents secteurs comme l’agro-industrie ou le tourisme actuellement amènera progressivement la libéralisation des activités dans d’autres domaines comme l’immobilier. Ce processus, enclenché par Raúl Castro comme une « mise à jour du modèle économique », est aujourd’hui poursuivi par son successeur Miguel Díaz-Canel. Une compétition nouvelle pour la vocation du sol pourra alors mettre à mal la prévalence dont jouit l’agriculture urbaine dans l’aménagement urbain. On peut alors imaginer sa persistance dans l’espace territorial, mais sa transformation systémique vers des modes de production et de gestion à vocation, non plus de sécurité alimentaire, mais d’aménagement durable.
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Mots-clés éditeurs : système agraire, Cuba, politique publique, agriculture urbaine
Date de mise en ligne : 19/02/2019
https://doi.org/10.3917/ried.237.0137Notes
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[1]
L’auteur tient à remercier les évaluateurs anonymes et les éditeurs pour leur soutien et la pertinence de leurs commentaires qui ont permis d’améliorer cet article.
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[2]
Les sources primaires ont été collectées lors d’entrevues semi-dirigées et d’observations sur le terrain effectuées dans les villes de La Havane et de Cienfuegos en avril et en juillet 2016. Les entrevues ont été menés avec les enseignants des universités de La Havane et de Cienfuegos, un directeur de granja urbana (« ferme urbaine ») de Cienfuegos et des représentants de la Fondation Antonio Núñez Jiménez de la Naturaleza y el Hombre. Elles ont porté sur l’évolution de l’agriculture à Cuba, la structure institutionnelle de l’agriculture urbaine, l’identité des acteurs et leurs relations. De plus, seize organopónicos ont été visités durant la même période afin de collecter des données sur les méthodes de production et sur la spatialité des unités de production.
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[3]
Les données secondaires proviennent des archives de la bibliothèque de l’université de La Havane, de l’Office national de statistique et d’information cubain (ONEI), de l’Association cubaine des techniciens agricoles et forestiers (ACTAF), de la Fondation Antonio Núñez Jiménez de la Naturaleza y el Hombre et d’une revue de littérature portant sur l’agriculture urbaine.
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[4]
Le système agraire se définit à l’échelle d’une région et se décompose en deux parties : l’écosystème cultivé et le système social de production (Cochet, 2011). Délimité dans un territoire donné et représenté par un espace-temps défini, l’écosystème cultivé représente la sphère technique, et le système social de production représente la sphère sociale.
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[5]
Créé en janvier 1949 par l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), le Comecon est une organisation d’entraide économique entre différents pays membres ou coopérants. Les membres fondateurs sont l’Union soviétique, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne et la Roumanie. D’autres membres se sont ensuite ajoutés au groupe : la Mongolie (1962), Cuba (1972) et le Vietnam (1978) (Libbey, 2010). Avec l’entrée au Comecon, Cuba profite, entre autres, d’un accord avantageux avec l’Union soviétique sur l’exportation sucrière. Le prix offert par cette dernière a permis au gouvernement castriste de profiter de hauts taux de profits malgré les coûts engendrés par la majorité des intrants de production, par une faible productivité et par une organisation peu efficace (Pollitt, 2004).
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[6]
Équivaut à 13,4 ha, à Cuba.
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[7]
Groupes d’exploitants agricoles formés en coopératives. Constitués en entreprise agricole, les terres et le matériel sont mis en commun et chacun des exploitants obtient le titre de membre de la coopérative. La production est dédiée uniquement à la vente, les parcelles familiales et la production d’autoconsommation y sont interdites (Valdés Paz, 2009).
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[8]
Personne juridique propre qui représente une organisation économique et sociale constituée de travailleurs autonomes pour la gestion et l’administration de leurs ressources. Recevant la terre et d’autres biens pour un temps indéterminé, les produits de l’exploitation sont revendus majoritairement à l’État (Nova González, 2015).
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[9]
González Novo et al., 2008, p. 21 (Traduit de l’espagnol par l’auteur).
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[10]
Ces « fermes urbaines » sont des entités étatiques composées d’un administrateur et d’une équipe d’ouvriers. À raison d’une ferme par municipalité, celles-ci sont responsables de diriger et de conseiller les unités de production sur leur territoire de gestion. Elles garantissent les intrants par l’apport de semences, de matière organique, de matériel d’irrigation, et le conseil et la formation continue et actualisée mensuelle aux agriculteurs. La production agricole est dédiée à 50 % au consumo social (« consommation sociale »), c’est-à-dire les hôpitaux, écoles, maisons de retraite et orphelinats (données d’enquête).
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[11]
González Novo et al., 2008, p. 147 (Traduit de l’espagnol par l’auteur).
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[12]
Pourcentages calculés par l’auteur à partir des données de disponibilité alimentaire en tonnes et des importations en tonnes de riz blanchi (FAOSTAT, 2018).
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[13]
Le système de production est défini par Marc Dufumier comme « une combinaison cohérente dans l’espace et dans le temps de certaines quantités de force de travail (familiale, salariée, etc.) et de divers moyens de production (terres, bâtiments, machines, instruments, cheptel, semences, etc.) en vue d’obtenir différentes productions agricoles, végétales ou animales » (1985, p. 32).
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[14]
Cette superficie comprend les unités de production et les espaces non cultivés au sein de l’organopónicos. Ces espaces peuvent être utilisé pour le compost, la lombriculture ou encore par les points de vente de chacune des unités.
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[15]
« Jardins potagers » à fort rendement.
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[16]
Point de vente et de conseils techniques agricoles.
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[17]
Les CCS sont constituées des CPA qui ont décidé de se réunir pour former une organisation de coopération et de développement pour les stratégies de production, pour la vulgarisation technologique, la commercialisation et la financiarisation de leurs exploitations. Les CCS s’organisent principalement par territoire. Les CPA maintiennent, en intégrant la coopérative, le droit de propriété sur leurs terres et matériels de production, et les conservent dans le cas où ils décident de se retirer (Nova González, 2015).
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[18]
La « consommation sociale » est la part que les agriculteurs doivent obligatoirement verser pour des institutions désignées comme les écoles, les hôpitaux, les universités. Ces ventes se font à un prix plus bas que celui du marché qui est fixé par le gouvernement (Koont, 2009). Dans le cas des UBPC, la part dédiée à la consommation sociale s’élève à 50 % de la production et, pour les autres types de structure agricoles, cette part s’élève à 20 % des récoltes (données d’enquête).
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[19]
Ces marchés ont priorité sur l’approvisionnement suivant un quota ; le reste de la production est acheminé aux autres canaux de distribution.
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[20]
Ces marchés représentent le surplus de production après approvisionnement des produits au consumo social. L’offre y est de produits de meilleure qualité à prix plus élevés.
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[21]
Commerces de taille réduite approvisionnés par les coopératives et les organopónicos, et qui se trouvent à l’intérieur des exploitations.
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[22]
Vente de rue en charrette par annonce orale des prix, souvent plus élevés que dans les marchés étatiques.