Couverture de RIED_237

Article de revue

La performance de la chaîne de commercialisation des feuilles de manioc à Kinshasa et dans son hinterland

Pages 35 à 63

Notes

  • [1]
    Les auteurs remercient la Délégation générale Wallonie-Bruxelles, l’École régionale post-universitaire d’aménagement et de gestion intégrés des forêts et territoires tropicaux (ERAIFT), l’université de Liège (ULiège) pour les appuis institutionnel, financier et technique.
  • [2]
    Néanmoins ce chiffre cache une disparité, notamment au sein des groupes socio-démographiques et du secteur institutionnel des ménages.
  • [3]
    Matadi Kibala, UPN et Rond Point Ngaba, à l’ouest ; Matamba, Bitabe et Matete, à l’est de la ville.
  • [4]
    Établissement de restauration, le plus souvent informel, servant des repas dans la rue ou près des entreprises, écoles, universités, hôpitaux, etc.
  • [5]
    Intermédiaire techno-commercial, la « maman manœuvre » agit comme facilitatrice d’échange dont le rôle crucial contribue au fonctionnement optimal de la chaîne d’approvisionnement de la ville de Kinshasa en feuilles de manioc. Elle a plusieurs fonctions : mise en relation des producteurs aux commerçants grossistes, d’une part, et des commerçants grossistes aux détaillants, d’autre part, facilitation des formalités administratives au niveau des parkings, sécurisation face aux tracasseries administratives et policières, etc.
  • [6]
    Main d’œuvre utilisée pour la récolte des feuilles de manioc. Recrutée à Kinshasa urbain, elle accompagne le commerçant grossiste sur le site de production en zone périurbaine.
  • [7]
    La région du plateau des Batéké constitue la grande partie de la périphérie est de la ville province de Kinshasa ; elle est une partie de la commune urbano-rurale de Maluku. Cette dernière est située entre 4 et 5 degrés de latitude sud et entre 15o30’ et 16o30’ de longitude est (Ministère du Plan, 2005).
  • [8]
    La pâte rouie, ou pâte fermentée communément appelée « kimpuka », est obtenue à partir du rouissage des racines fraîches de manioc selon les différents procédés. Le kimpuka est la principale matière première qui sert à la fabrication de la chikwangue.
  • [9]
    Le terme Matamba signifie « feuille de manioc » en langue tshiluba.
  • [10]
    Les « bidongola » sont des déchets provenant du reconditionnement de grosses bottes achetées en gros en de plus petites vendues en détail. Cette nouvelle petite botte pèse en moyenne 1 kg. Les feuilles qui tombent lors du reconditionnement sont toutes récupérées et vendues en tas d’environ 750 gr à 0,166 USD. Une botte de feuilles de manioc d’environ 12 kg peut produire 3 à 6 tas, soit 2,3 à 4,5 kg de bidongola.
  • [11]
    (1) Transformateur des feuilles fraîches en feuilles moulues congelées ; (2) Transformateur (restaurant malewa) des feuilles de manioc en plats préparés de pondu ; (3) Transformateur (restaurant moderne) des feuilles de manioc en plats préparés de pondu.
  • [12]
    Ces données collectées auprès de la Direction générale des Douanes et Accises (DGDA) ne reflètent pas l’importance des échanges entre les deux rives du fleuve Congo (Kinshasa et Brazzaville). Le plus souvent, ces données sont occultées par les douaniers du fait des relations de proximité qu’ils entretiennent avec les commerçants-exportateurs (réguliers).
  • [13]
    On y trouve des consommateurs, tels que les populations africaines immigrées, leurs enfants nés en Europe, les Antillais ou encore les Européens de souche en quête de nouvelles saveurs. Ces consommateurs néophytes constituent le segment du marché sur lequel reposent l’avenir de la filière manioc et son développement.

Introduction

1La ville de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), connaît une croissance démographique rapide. En 2014, elle comptait officiellement un peu plus de 11,5 millions d’habitants (Ministère du Plan et INS, 2015), représentant environ 40 % de la population urbaine du pays, et sans doute beaucoup plus dans la réalité. Si les tendances actuelles se confirment, sous les effets conjugués de l’accroissement naturel (4 % par an) et des flux migratoires, Kinshasa devrait compter, à l’échéance des Objectifs de développement durable (ODD) en 2030, près de 20 millions d’habitants. Cette croissance a des incidences sur la production agricole et sur la sécurité alimentaire urbaine, et la ville de Kinshasa fait face à un triple défi : (i) du changement de la composition de la demande alimentaire sous l’effet de l’urbanisation, (ii) de la précarité et de la vulnérabilité croissantes des populations urbaines et (iii) de la demande alimentaire en constante augmentation, qui met à l’épreuve les modalités d’approvisionnement et nécessite des réadaptations incessantes (Broutin et al., 2005).

2L’incidence de la pauvreté à Kinshasa a certes été ramenée de 41,9 % en 2005 à 36,8 % [2] en 2012 (Enquête 1-2-3, 2012), mais l’insécurité alimentaire qui s’y observe depuis plusieurs années révèle une pauvreté croissante pour certains ménages urbains. Pour faire face au problème d’insécurité alimentaire et de pauvreté, plusieurs cultures vivrières sont pratiquées dans la zone périurbaine de Kinshasa, dont les plus cultivées et les plus consommées sont le manioc, le maïs, l’amarante, la tomate, l’aubergine, le concombre et les piments. M. Khonde (2001) rapporte que la contribution du manioc à l’alimentation de base est forte dans la mesure où il est produit, transformé, commercialisé et consommé dans toutes les provinces de la RDC, avec une contribution économique effective, en termes de revenu, grâce aux différents produits et services liés. Le manioc est cultivé pour ses racines tubérisées et ses feuilles qui constituent le premier légume consommé du pays (MAPE, 2009 ; Goossens, 1997 ; Khonde, 2001). Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), un ménage congolais consomme en moyenne près de 4 kg de feuilles de manioc par semaine. Damien Muteba (2014) indique que les feuilles de manioc sont un produit de consommation courante et généralisée dans la plupart des rations alimentaires de base, pas uniquement dans les couches populaires ou paupérisées, mais pour tous les Kinois.

3La plupart des études réalisées sur le manioc se sont focalisées sur les chaînes de valeur des racines. Or, l’absence criante d’études approfondies sur le fonctionnement des marchés des feuilles de manioc ne permet pas d’évaluer les performances réelles de la chaîne de commercialisation de ce produit à Kinshasa. L’analyse de la chaîne de commercialisation permet d’identifier, d’une part, les contraintes existantes à différents niveaux de la chaîne de valeur et, d’autre part, les solutions à promouvoir pour assurer un meilleur fonctionnement global.

4Dans le cadre de la présente étude, les questions de recherche suivantes ont été soulevées : comment fonctionne la chaîne de valeur des feuilles de manioc à Kinshasa et dans son hinterland ? Quels sont les circuits de commercialisation des feuilles à Kinshasa ? Quels sont les coûts engagés, les marges dégagées et les valeurs ajoutées à chaque maillon de la chaîne de valeur ? Autant de questions centrales auxquelles cet article entend apporter un éclairage factuel à partir d’une analyse en termes de répartition de la valeur entre les divers des acteurs impliqués dans la chaîne de valeur des feuilles de manioc aussi bien en zone urbaine que périurbaine.

1. Cadre théorique, matériels et zone d’étude

1.1. Cadre théorique de l’étude

5La présente étude s’est appuyée sur l’approche « chaînes de valeur alimentaires » qui est de plus en plus utilisée pour revitaliser l’économie rurale et renforcer les systèmes alimentaires nationaux et locaux (FAO, 2015). Dans cette approche, les produits passent à travers une chaîne de valeur ou une séquence d’activités, avec une valeur ajoutée à chaque étape, depuis leur production jusqu’au marché final de consommation (Fries et Akin, 2004). L’analyse de la chaîne de valeur peut donc être considérée comme un des éléments fondamentaux pour comprendre la dynamique des marchés locaux, les relations internes d’échanges et de pouvoir ainsi que les principaux facteurs freinant ou favorisant l’agriculture urbaine et périurbaine à Kinshasa. Elle comporte différentes méthodes, à chaque étape du processus, tout au long de la chaîne (Springer-Heinze, 2007 ; M4P, 2008 ; Vellema et Helmsing, 2011, EuropeAid, 2011), et implique, dans le cadre de cette étude, les préalables suivants : le choix du produit (feuilles de manioc), la cartographie de la chaîne de valeur (acteurs directs et indirects) et l’analyse économique de la chaîne de valeur (compte d’exploitation, valeur ajoutée et répartition entre les acteurs).

1.2. Matériels et analyse de l’information

6Les données utilisées proviennent des enquêtes réalisées d’août à décembre 2016, puis complétées en juin 2017. Par choix raisonné (Yao, 2005), un échantillon de quarante-huit acteurs, directement impliqués (producteurs, transformateurs et commerçants) dans la chaîne de commercialisation des feuilles de manioc dans la ville de Kinshasa, a été enquêté. Le choix a porté sur les acteurs relativement performants et supposés compétitifs. Les informations complémentaires ont été obtenues par entretiens – parfois informels – auprès de douze acteurs indirects (prestataires de services et agents du secteur public).

7Pour enrichir les analyses, permettre les comparaisons et apprécier la relation prix-quantité dans ce commerce, nous avons eu recours à des pesées – à l’aide d’une balance électronique – de diverses unités et mesures locales de vente dans les différents marchés, afin d’établir une table des équivalences en poids des unités locales. Dans le cadre de l’analyse financière, on a pu établir une estimation des coûts engagés et des marges bénéficiaires dégagées par les acteurs au niveau de chaque maillon. Pour chacun des acteurs identifiés (producteur, commerçant et transformateur), l’analyse financière est réalisée en considérant les charges supportées, les quantités produites ou commercialisées, et les prix de vente.

1.3. Zone d’étude

8L’étude a été menée à Kinshasa (urbain et périurbain). Située à une altitude moyenne comprise entre 280 à 350 m, la ville de Kinshasa est administrativement subdivisée en quatre districts (Tshangu, Mont Amba, Funa et Lukunga) et vingt-quatre communes. Dans le cadre de la présente étude, nous avons considéré deux zones : Kinshasa-Ouest et Kinshasa-Est (fig. 1).

9Kinshasa-Ouest englobe trois districts (Mont Amba, Lukunga et Funa) et dépend, pour ses approvisionnements alimentaires, de sa propre production, mais aussi et surtout du territoire de Kasangulu (province du Kongo Central, frontalier de Kinshasa). Kinshasa-Est comprend le grand district de la Tshangu, composé de cinq communes (N’djili, Kimbanseke, Masina, Nsele et Maluku). Trois sites périurbains (plateau des Batéké, Mangengenge et N’djili Brasserie) servent de foyers de production des feuilles de manioc. Kinshasa-Est est aussi approvisionnée par les provinces du Kwango et du Kwilu.

10Les investigations sur la commercialisation ont été réalisées dans les parkings [3] qui servent de marchés secondaires et dans les marchés tertiaires (Matete, Gambela, Lemba, Bitabe). L’enquête sur la transformation a ciblé les « supermarchés » et les ateliers (unités) de transformation de feuilles de manioc.

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Figure 1 : Zone d’étude

Figure 1 : Zone d’étude

Figure 1 : Zone d’étude

Source : Bonkena B. P., Messina J.-P., 2018.

2. Cartographie des acteurs de la chaîne de valeur des feuilles de manioc

12Trois catégories génériques d’acteurs ont été identifiées dans la zone d’étude : (i) les opérateurs au sein de la chaîne de valeur, (ii) les prestataires de services et (iii) les agents de services publics. La présence de certains acteurs, les prestataires de services notamment, est attestée de longue date (Tollens, 2003) et reste essentielle au fonctionnement des circuits de commercialisation. Ces acteurs viennent en effet suppléer les défaillances de l’État à organiser le système d’approvisionnement de Kinshasa en assurant, par des adaptations permanentes aux contraintes et aux risques multiples, plusieurs fonctions (technico-commerciale, administrative, financière, sécuritaire, etc.) cruciales au fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement de la ville de Kinshasa en feuilles de manioc.

13Les acteurs directs identifiés au sein de la chaîne se répartissent comme suit : 11 producteurs, 29 commerçants (dont environ 52 % de grossistes) et 8 transformateurs. En outre, 12 acteurs indirects ont été rencontrés, dont 7 prestataires de services (équipages, transporteurs, gestionnaire de parking) et 4 agents de services publics.

2.1. Les acteurs directement impliqués

14Les principaux opérateurs sur la chaîne sont des acteurs privés qui produisent, transforment, stockent, commercialisent et achètent le produit. Ce groupe englobe les producteurs, les transformateurs, les commerçants (grossistes et détaillants) et les consommateurs finaux. Chaque opérateur est, à un moment donné, propriétaire du produit commercialisé.

2.1.1. Les producteurs

15Les producteurs sont en amont de la chaîne et assurent l’approvisionnement de tous les autres acteurs. Les investigations menées ont permis d’identifier deux catégories de producteurs dans la zone périurbaine de Kinshasa, selon la variété de feuille produite : les premiers sont spécialisés dans la production de Manihot esculenta et les seconds produisent le Manihot glazziovi.

16Le Manihot esculenta, communément appelé « pondu ya kongo », est principalement produit pour la récolte des racines tubéreuses dont les feuilles constituent une production secondaire, car, généralement, les variétés à cultiver sont choisies en fonction de leur rendement en racines et non en feuilles. Selon les producteurs interrogés, quatre variétés permettent d’obtenir des feuilles de bonne qualité (« Kolodingumbi », « Nsumbakani », « Inga » et « Malibwata »). Par contre, ce sont les variétés « Sassou », « Mobutu » et « Pelubuya » qui permettent de récolter de grandes quantités des feuilles de manioc. Il convient de noter que toutes ces variétés sont locales et n’ont pas d’équivalent en latin scientifique. Certaines d’entre elles sont réputées disparues, comme la variété « Pelubuya », mais sont encore utilisées par certains producteurs.

17Le Manihot glazziovi, ou « pondu ya caoutchouc », est uniquement cultivé pour la production des feuilles, car il ne donne pas de tubercules. Cette variété est cultivée sur de grandes superficies, notamment sur le site de Mangengenge, dans la commune de Maluku, mais aussi dans des parcelles d’habitation en zone urbaine de Kinshasa.

2.1.2. Les transformateurs

18Ces acteurs transforment les feuilles fraîches de manioc en feuilles moulues ou en plat de feuilles préparées appelé « pondu », plat épicé typiquement Kinois. Dans la zone d’étude, trois catégories de transformateurs ont été identifiées.

19Les transformateurs-commerçants ayant des unités de transformation de feuilles entières en feuilles moulues rachètent les feuilles fraîches auprès des producteurs, les transforment pour leur propre compte en feuilles moulues congelées avant de vendre le produit fini sur le marché comme tous les commerçants. Il convient de noter que, à Kinshasa, les feuilles de manioc moulues congelées sont vendues aux supermarchés, aux organisations religieuses, etc.

20Les transformateurs-prestataires de services disposent d’unités de transformation (mécanique) qui ne traitent que les feuilles des tiers moyennant le paiement des frais d’usinage : 0,25 USD pour une botte de feuilles de 1 kg. Ces unités de transformation locales ont souvent une faible capacité horaire de production. Il s’agit souvent d’unités de transformation individuelles disséminées autour des marchés urbains et municipaux, dont les clients privilégiés sont des ménages et des préparatrices, venues s’approvisionner en feuilles de manioc.

21Les transformateurs-restaurateurs rachètent les feuilles auprès des commerçants grossistes ou des détaillants, les transforment auprès des transformateurs-prestataires de services avant de les préparer en pondu. Ce type de transformation s’effectue dans des restaurants « modernes » (cas des départements de restauration des supermarchés) et dans des « restaurants de fortune », connu sous le jargon de « malewa[4] ».

2.1.3. Les commerçants

22La distribution des feuilles de manioc peut être réalisée soit directement par le producteur, soit par le transformateur, soit par les commerçants (grossistes et détaillants). Le premier peut agir parfois comme un commerçant grossiste et, plus rarement, comme un transformateur de feuilles fraîches en feuilles moulues, avant de les vendre aux commerçants détaillants ou directement aux consommateurs.

23Les commerçants grossistes de Kinshasa qui s’approvisionnent le plus souvent en milieu rural – et périurbain – déchargent leurs produits sur les parkings (cas du marché Matamba, à l’est, et de l’UPN, à l’ouest de la ville), considérés comme des marchés secondaires pour les produits agricoles. En bout de chaîne se trouvent les détaillants, petits commerçants vendeurs de feuilles de manioc sur les marchés urbains et municipaux. Certains d’entre eux exercent également une activité de commerce ambulant, faisant du porte-à-porte.

2.2. Les acteurs indirects

2.2.1 Les prestataires de services

24Il s’agit d’acteurs privés offrant des services payants aux opérateurs-propriétaires du produit. Dans le processus de commercialisation, divers prestataires de services participent également à l’acheminement du produit, du producteur au consommateur. Comme dans d’autres filières vivrières (Goossens et al., 1994 ; Mpanzu, 2012), plusieurs prestataires de services interviennent tout au long du circuit de commercialisation des feuilles de manioc à Kinshasa : transporteurs, chefs de parkings, « mamans manœuvres [5] », manutentionnaires, « équipages [6] », etc.

2.2.2. Les agents des services publics

25Ces acteurs exercent des fonctions d’orientation (politiques agricoles), de régulation et de contrôle (inspection, taxe, normalisation, etc.), ainsi que des prestations de service public (comme la recherche, l’encadrement, la vulgarisation agricole financés par l’État). Ils ont, en principe, des objectifs de développement agricole, qu’ils ne peuvent atteindre que si la performance des acteurs privés du secteur agricole s’améliore.

26Du point de vue organisationnel, plusieurs structures étatiques d’encadrement et d’appui-conseil à la production et à la commercialisation des feuilles de manioc sont présentes à Kinshasa : le Service national de vulgarisation (SNV), dont l’appui consiste entre autres à assurer la vulgarisation des nouvelles technologies dans le secteur agricole ; le Service national de semences (Senasem), main-d’œuvre de la filière semencière ; le Service national de motorisation agricole (Senama), qui a pour mission essentielle la promotion de l’utilisation de l’énergie mécanique dans les activités agricoles ; le Service national de la traction animale (Senatra), chargé d’appuyer les petites exploitations agricoles par la mécanisation agricole ; le Senatec (Service national des technologies appropriées en milieu rural), chargé de l’amélioration des outils de travail du sol, de la transformation et de la conservation des produits, le SNCOOP (Service national des coopératives et organisations des producteurs), qui assure l’appui à la structuration et à l’animation du monde rural ; et l’Institut national pour l’étude et la recherche agronomique (Inera), qui assure la sélection et la maintenance variétale, l’introduction et l’adaptation de nouvelles technologies et de nouvelles espèces végétales et animales.

27Cependant, parce qu’ils ne disposent pas actuellement de capacités techniques, matérielles, opérationnelles et financières suffisantes pour accomplir leurs missions respectives, la plupart du temps, les acteurs de la chaîne de valeur des feuilles de manioc ne peuvent, dans les faits, bénéficier d’appuis-conseils et sont, de ce fait, conduits à devoir se débrouiller seuls.

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Figure 2 : Cartographie des acteurs impliqués dans la chaîne de valeur des feuilles de manioc à Kinshasa

Figure 2 : Cartographie des acteurs impliqués dans la chaîne de valeur des feuilles de manioc à Kinshasa

Figure 2 : Cartographie des acteurs impliqués dans la chaîne de valeur des feuilles de manioc à Kinshasa

Source : Auteurs, enquête producteurs/transformateurs/commerçants et autres acteurs, 2016-2017.

3. Analyse de la performance économique des acteurs

3.1. Analyse financière de la production des feuilles de manioc

29Le rendement en feuilles de manioc dépend du choix agro-pédologique et géographique, de la variété cultivée ainsi que des opérations techniques et des soins culturaux. Du fait de l’absence de comptabilité établie et de compte d’exploitation parmi les producteurs familiaux, seuls les rendements de Menkao/plateau des Batéké (Manihotesculenta) et de Maluku/Mangengenge (Manihotglazziovi), à Kinshasa-Est, ont été considérés.

30Pour un cycle cultural (et sur 1 ha), le Manihot glazziovi donne un rendement nettement meilleur (7,27 t) que celui du Manihot esculenta (3 t).

Tableau 1 : Compte d’exploitation (USD) d’un producteur de feuilles de manioc (1 kg)

DésignationFeuilles « kongo »Feuilles « caoutchouc »
Charges totales0,280,22
Charges totales0,280,22
Recettes totales0,840,95
Bénéfice total0,560,73
Marge bénéficiaire66,6 %76,7 %

Tableau 1 : Compte d’exploitation (USD) d’un producteur de feuilles de manioc (1 kg)

Source : Auteurs, enquête producteurs, 2016-2017.

31Le coût/valeur du travail manuel familial n’est pas pris en compte dans les charges supportées par les producteurs. Quel que soit le site ou la variété, la production de feuilles de manioc s’avère rentable. La variété Manihot glazziovi (Caoutchouc) est plus rentable que la Manihot esculenta (Kongo), pourtant valorisée sous deux formes commerciales (tubercule et feuilles). Elle a un meilleur rendement à l’unité de surface et, à quantité identique, son prix de vente est deux fois plus élevé que celui de la Manihot esculenta.

32Le producteur familial du plateau des Batéké [7] (périphérie est de Kinshasa), assurant l’approvisionnement de la ville en nombreux produits agricoles recherchés par les citadins, cultive le manioc, le plus souvent en association (avec le maïs, l’arachide ou les cultures maraîchères) : la racine tubéreuse servira à la production de kimpuka [8]. Malgré les charges inhérentes à la production (0,28 USD/kg), la production des feuilles de manioc dans le contexte du plateau des Batéké est profitable. Le bénéfice net pour 1 kg de feuilles produites est de 0,56 USD, soit une marge bénéficiaire représentant 66,6 % des recettes totales. Cette rentabilité est établie aussi bien pour la production des feuilles que pour le kimpuka. Toutefois, la seule vente des feuilles de manioc, à hauteur de 0,24 USD/kg, qui représente 28,9 % des recettes réalisées par le producteur, permet déjà de couvrir une bonne partie des dépenses totales de production (location terrain, préparation de terrain, semis, entretien, récolte, transformation de kimpuka, transport).

33La production des feuilles dites « caoutchouc » s’étale tout au long de l’année et constitue l’objectif premier du producteur. Dans le contexte de Mangengenge, les charges totales de production (location du terrain, préparation de terrain, semis, récolte et transport) sont évaluées à 0,22 USD/kg. Les recettes de la vente des feuilles de manioc (0,95 USD/kg) permettent de réaliser une marge bénéficiaire représentant environ 76,7 % du chiffre d’affaires sur un cycle cultural.

3.2. Analyse financière du commerce des feuilles de manioc

3.2.1. Commerce de gros

34Les grossistes s’approvisionnent sur les plateaux de Batéké et sur le marché secondaire de Matamba, à l’est de la ville de Kinshasa (Manihot esculenta), avec un effet marqué de la saisonnalité en termes de charges d’exploitation. Le plateau des Batéké (commune de Maluku) constitue le site de production – et le marché primaire – des feuilles de manioc dans la périphérie est de la ville. Le commerçant grossiste – qui opère à Matamba – réalise une rotation hebdomadaire pour son approvisionnement, soit quatre rotations par mois. L’unité locale d’achat est la botte, communément appelée « varièt », dont le poids est évalué à environ 22 kg. Au cours de chaque rotation, le commerçant manipule, en moyenne, 35 bottes, soit 770 kg de feuilles de manioc. Les éléments de coût identifiés et pris en compte dans les calculs concernent notamment l’achat du produit, l’« équipage » et le transport (produit, équipage et commerçant).

35Matamba [9], situé le long du boulevard Lumumba dans la commune de Masina, est le principal marché de gros de feuilles de manioc dans la partie est de Kinshasa. Les producteurs en provenance de Maluku centre (Manihot glazziovi) et du plateau des Batéké livrent leurs marchandises aux grossistes de Matamba, qui, à leur tour, les revendent au même endroit aux détaillants. Les charges, supportées par le grossiste qui s’approvisionne et revend sur le même marché (Matamba), sont réduites au seul prix d’achat du produit.

Tableau 2 : Compte d’exploitation (USD) d’un grossiste (770 kg)

DésignationPlateau de BatékéMarché de Matamba
Saison pluvieuseSaison sècheSaison pluvieuseSaison sèche
Charges totales91,30206,60145,80291,70
Recettes totales145,80320,80175350
Bénéfice total54,60114,2029,2058,30
Marge bénéficiaire37,4 %35,6 %16,7 %16,7 %

Tableau 2 : Compte d’exploitation (USD) d’un grossiste (770 kg)

Source : Auteurs, enquête commerçants, 2016-2017.

36Sur le plateau des Batéké (marché primaire), les charges supportées par le commerçant pour s’approvisionner en feuilles de manioc (tabl. 2) sont 2,26 fois plus importantes et le bénéfice total réalisé est 2,09 fois plus important en saison sèche qu’en saison pluvieuse. Toutefois, la marge bénéficiaire est plus faible en saison sèche (35,6 %) comparativement à la saison de pluies (37,4 %).

37En saison pluvieuse (du mois d’août au mois de mai de l’année n+1), le grossiste qui s’approvisionne au plateau de Batéké supporte des charges totales de 91,30 USD pour l’acquisition de 35 bottes de feuilles de manioc. Les charges les plus importantes sont liées à l’achat des feuilles sur le site de production (elles s’élèvent à 43,80 USD, soit environ 48 % des charges totales) et au transport de la marchandise (environ 32 %). La vente des feuilles de manioc par ce commerçant grossiste permet de réaliser un bénéfice de l’ordre de 54,60 USD, soit 37,4 % du chiffre d’affaires.

38Le coût d’acquisition de la marchandise passe de 91,30 USD (en saison pluvieuse) à 206,60 USD en moyenne en saison sèche, période au cours de laquelle le prix d’achat de la botte de feuilles de manioc augmente presque de 100 %. Avec le stress provoqué par la sécheresse au cœur de la saison sèche, la production foliaire se réduit jusqu’au retour des pluies. Les producteurs limitent la récolte des feuilles pour préserver les tubercules, organisant ainsi la rareté du produit, ce qui entraîne, par effet mécanique immédiat, une augmentation de son prix sur le marché. Néanmoins, le commerçant grossiste réalise encore un profit de 114,20 USD, même si sa marge bénéficiaire est légèrement inférieure à celle réalisée en saison pluvieuse.

39La seule charge supportée par le commerçant grossiste qui s’approvisionne au marché secondaire de Matamba est celle liée à l’achat des feuilles de manioc (770 kg) : 145,80 USD en saison pluvieuse et 291,70 USD en saison sèche. Ce grossiste vend à son tour aux détaillants et réalise, pour une rotation d’achat-vente, un bénéfice de 29,20 USD en saison pluvieuse, ce qui n’est pas négligeable. Le profit réalisé est presque le double en saison sèche, soit 58,30 USD.

3.2.2. Commerce de détail

40Les comptes sommaires d’exploitation (pour une rotation achat-vente) présentés ci-dessous sont ceux d’un commerçant détaillant du marché UPN, à l’ouest de Kinshasa (dans la Commune de Ngaliema) et du marché Matamba/Siforco, à l’est (dans la Commune de Kimbanseke).

41Le premier s’approvisionne dans le territoire de Kasangulu (province du Kongo Central) et manipule 10 bottes par rotation, avec un prix unitaire d’achat de 0,40 USD en saison sèche et de 0,80 USD en saison pluvieuse. La vente se fait en micro-unités, la grande botte achetée étant fractionnée en 20 petites bottes (1 kg) proposées aux ménages consommateurs, à un prix qui varie de 0,80 USD en saison pluvieuse à 1,70 USD en saison sèche.

42Le second s’approvisionne au marché de Matamba auprès des grossistes en provenance des plateaux de Batéké. Le prix d’achat du produit est de 5,40 USD par botte (22 kg) en saison pluvieuse ; ce prix augmente pour atteindre 12 USD à l’unité en saison sèche. Comme à l’UPN, la vente auprès des ménages consommateurs se fait en micro-botte : 0,40 USD en saison pluvieuse et 0,80 USD en saison sèche.

Tableau 3 : Compte d’exploitation (USD) d’un commerçant détaillant de feuilles de manioc

DésignationMarché UPNMarché Matamba
Saison pluvieuseSaison sècheSaison pluvieuseSaison sèche
Charges totales7,1011,3031,2061,60
Recettes totales8,3016,7050100
Bénéfice total1,305,4018,8038,40
Marge bénéficiaire15 %32,5 %37,7 %38,4 %

Tableau 3 : Compte d’exploitation (USD) d’un commerçant détaillant de feuilles de manioc

Source : Auteurs, enquête commerçants, 2016-2017.

43Le commerce de détail des feuilles de manioc sur les deux marchés (UPN et Matamba) est rentable. La saison sèche est la période de l’année où le bénéfice est important : 5,40 USD (32,5 % du chiffre d’affaires) sur le marché de l’UPN et 38,40 USD (38,4 % du chiffre d’affaires) sur le marché de Matamba.

44Les résultats révèlent que l’activité de vente au détail est moins rentable à l’UPN par rapport au marché de Matamba. Le commerçant de l’UPN s’approvisionne à Kasangulu (situé à 25 km de la ville) et supporte les frais de transport (environ 15 % des charges totales), alors que celui de Matamba, s’approvisionnant sur le même marché, en est épargné ; ce qui explique le meilleur résultat présenté par le détaillant de Matamba. Cependant, ces résultats doivent être interprétés avec beaucoup de prudence, car les quantités manipulées par les commerçants de ces deux marchés sont différentes. Pour une seule rotation d’achat-vente, le commerçant de Matamba traite des volumes beaucoup plus importants (6 bottes, soit 360 kg de feuilles de manioc), dont le coût d’achat est évalué à 31,20 USD en saison pluvieuse et à 61,20 USD en saison sèche, tandis que celui de l’UPN n’investit que 7,10 USD et 11,30 USD, respectivement en saison pluvieuse et en saison sèche.

3.3. Analyse financière de la transformation des feuilles de manioc

3.3.1. Transformateur-commerçant des feuilles moulues

45On distingue deux types de profil dans le groupe de transformateurs-commerçants : certains spécialisés et d’autres non spécialisés. Les premiers n’exercent que l’activité de transformation et de commercialisation des feuilles moulues congelées, tandis que les seconds commercialisent différents produits agroalimentaires, dont les feuilles de manioc ; c’est le cas des « supermarchés » disséminés dans la ville de Kinshasa.

Tableau 4 : Compte d’exploitation (USD) d’un transformateur-commerçant

DésignationTransformateur-commerçant spécialiséTransformateur-commerçant non spécialisé
Saison pluvieuseSaison sècheSaison pluvieuseSaison sèche
Charges totales160,40189,607,7061,60
Recettes totales854,20833,3023100
Bénéfice total693,80643,8015,3038,40
Marge bénéficiaire81,2 %77,3 %66,5 %38,4 %

Tableau 4 : Compte d’exploitation (USD) d’un transformateur-commerçant

Source : Auteurs, enquête transformateurs, 2016-2017.

46Les charges supportées par les transformateurs et considérées dans le cadre de cette étude sont les suivantes : achat du produit, transport, main-d’œuvre et emballage.

47Pour 317 kg de feuilles de manioc achetées en saison sèche, le transformateur supporte des charges totales de l’ordre de 189,60 USD. La main-d’œuvre représente un poids considérable dans le montant global des charges avec 52,7 % du prix de revient. Le rendement en feuilles moulues, obtenu après transformation des feuilles entières (400 kg soit 29,3 % de plus), permet de réaliser une recette totale à hauteur de 833,30 USD ; ceci atteste d’une rentabilité confortable de l’activité, avec une marge bénéficiaire d’environ 644 USD, soit 77,3 % du chiffre d’affaires.

48Pendant la saison pluvieuse, les charges diminuent (160,40 USD) du fait de la baisse du prix d’achat de la marchandise (0,90 USD/kg) due à l’abondance des feuilles de manioc sur le marché. Ce qui a pour effet mécanique de rehausser le bénéfice de 50 USD.

49Cette activité est également profitable pour le transformateur-commerçant non-spécialisé. Malgré un volume inférieur de feuilles commercialisées (8 kg de feuilles fraîches donnant 10 kg après transformation), cet acteur parvient à couvrir ses charges et réalise un bénéfice de 15,30 USD par rotation d’achat-vente (chaque jour), avec une marge bénéficiaire appréciable (66,5 %).

3.3.2. Transformateur-commerçant des feuilles préparées

50Les feuilles de manioc préparées peuvent être consommées à domicile ou dans des restaurants. Le restaurateur est considéré ici comme un transformateur des feuilles en plats préparés de pondu. À Kinshasa, on peut globalement distinguer deux types de restaurants : le restaurant moderne et le « restaurant de fortune » ou malewa (Bonkena et al., 2018).

51Le processus de préparation des plats à base de feuilles de manioc requiert un certain nombre d’ingrédients pour assaisonner et rehausser le goût du plat. Les ingrédients le plus souvent utilisés dans la cuisine congolaise sont l’ail, l’aubergine, l’oignon, le poivron, la ciboule, le piment vert et l’huile de palme. S’ajoute généralement du poisson en conserve à la sauce tomate, le plus souvent de la sardine ou du poisson fumé.

52Pour une journée type, un restaurant moderne achète 1 kg de feuilles de manioc au prix unitaire de 1,30 USD alors que le restaurant malewa achète les feuilles de manioc appelées « bidongola [10] », généralement de qualité inférieure, à 0,40 USD/kg.

Tableau 5 : Compte d’exploitation (USD) d’un restaurateur

DésignationRestaurant moderneRestaurant de fortune
Charges totales71,70
Recettes totales36,803,80
Bénéfice total29,902,10
Marge bénéficiaire81,1 %55,6 %

Tableau 5 : Compte d’exploitation (USD) d’un restaurateur

Source : Auteurs, enquête producteurs, 2016-2017.

53La vente des plats préparés par un restaurant (« moderne » ou malewa) permet de couvrir les charges supportées par l’acteur concerné. Un plat de pondu (100 gr) se vend à 0,80 USD dans un restaurant moderne contre 0,25 USD dans un restaurant malewa. Le bénéfice journalier est environ quinze fois plus important pour le restaurateur moderne que pour le restaurateur malewa. Cette différence s’explique non seulement par les charges supportées (achat produit, main-d’œuvre, ingrédients qui coûtent chers dans un restaurant moderne), mais aussi par le pouvoir d’achat des consommateurs et le cadre agréable (service, équipement, présentation, propreté…) proposé dans les restaurants modernes. Considérant la fréquence de travail (quotidienne) des acteurs de la restauration, le profit mensuel serait évalué à 897 USD pour un restaurant moderne et à 63 USD pour un restaurant malewa.

3.4. Création et répartition de la valeur ajoutée directe entre les acteurs

54La création de la valeur, au niveau des transformateurs, dépend de plusieurs paramètres : la nature des services proposés, l’organisation pratique en matière de commercialisation (accessibilité en libre-service, types de conditionnement, qualité de la conservation, vente au kilo) ainsi que la qualité intrinsèque du produit. Les « supermarchés », par exemple, proposent des feuilles moulues congelées et des plats de pondu en libre-service, un personnel dédié à l’accueil, avec une présentation, un conditionnement permettant une bonne conservation (notamment des feuilles de manioc), qui exercent une forte attractivité sur les acheteurs. Justin et al., (2009) notent, en outre, parmi les activités de soutien, sources de valeur, que la maîtrise des outils informatiques et de gestion, favorisant l’optimisation organisationnelle des activités spécifiques de l’entreprise, est devenue cruciale pour faciliter les transactions et permettre une bonne réactivité vis-à-vis de l’évolution des demandes du client. Pour ce dernier priment logiquement la qualité gustative et la sécurité sanitaire du produit. Ces éléments (réactivité, adaptabilité, maîtrise des savoir-faire et des technologies de l’information) peuvent contribuer à limiter les effets d’une concurrence que l’on perçoit sur les autres acteurs au sein de la chaîne de valeur et offrant des prix plus avantageux aux transformateurs des feuilles de manioc à Kinshasa.

55Par ailleurs, les techniques de vente diffèrent selon les types d’acteurs au sein de la chaîne de valeur. Les transformateurs-commerçants semblent davantage jouer sur les innovations en matière de marketing (travail sur le conditionnement et le packaging de l’offre). S’il existe une grande diversité d’unités de mesure de vente parmi les producteurs et les commerçants, les transformateurs-commerçants utilisent davantage le kilogramme comme unité de vente, tandis que les feuilles de manioc sont triées et emballées dans des sachets. En effet, ces nouveautés permettent une mise en valeur du produit proposé et apportent une bonne valeur ajoutée au niveau de l’acteur concerné (transformateur-commerçant).

56En comparant la chaîne de valeur de l’est avec celle de l’ouest de Kinshasa, il apparaît que les producteurs créent la même richesse : 0,10 USD en saison pluvieuse et 0,30 USD en saison pluvieuse. Mais la part des producteurs de l’ouest (1,6 % en saison pluvieuse et 4,2 % en saison sèche) représente une proportion élevée par rapport à ceux de l’est (0,7 % en saison pluvieuse et 3,7 % en saison sèche). Le prix au producteur, par rapport au niveau ultime de transformation (transf3), est plus élevé à l’ouest qu’à l’est de Kinshasa, notamment en saison pluvieuse (fig. 3).

57

Figure 3 : Répartition de la valeur ajoutée directe entre les acteurs de la chaîne de valeur des feuilles de manioc à Kinshasa

Figure 3 : Répartition de la valeur ajoutée directe entre les acteurs de la chaîne de valeur des feuilles de manioc à Kinshasa

Figure 3 : Répartition de la valeur ajoutée directe entre les acteurs de la chaîne de valeur des feuilles de manioc à Kinshasa

Source : Auteurs, enquête producteurs/transformateurs/commerçants, 2016-2017.

58Pour 1 kg de feuilles de manioc, la valeur ajoutée créée tout au long de la chaîne est pratiquement la même dans les zones de vente (Kin-Est et Kin-Ouest) : 8 USD/kg, quelle que soit la saison (sèche ou pluvieuse). Toutefois, la transformation est l’activité qui crée le plus de valeur et, par conséquent, les transformateurs (transf1, transf2, et transf3) [11] sont ceux qui en prennent la plus grande part.

59En termes de partage de la valeur, les producteurs sont ceux qui reçoivent la plus petite part, surtout en saison pluvieuse (0,7 % à l’est et 1,6 % à l’ouest de Kinshasa). Ces acteurs voient leurs valeurs ajoutées augmenter en saison sèche jusqu’à atteindre 3,7 % et 4,2 %, respectivement à l’est et à l’ouest de Kinshasa. Du fait des conditions difficiles (faible accès aux intrants de qualité, manque ou insuffisance de formation et d’encadrement technique, faibles ressources financières, etc.) dans lesquelles ils travaillent, les producteurs sont moins avantagés financièrement dans cette chaîne de valeur. Les commerçants grossistes (zone est) réalisent une valeur ajoutée de l’ordre de 3,5 % en saison pluvieuse et de 5,7 % en saison sèche. La valeur ajoutée par les détaillants diffère d’une zone de vente à l’autre et d’une saison à l’autre. Elle représente 3,4 % en saison pluvieuse et 6,9 % en saison sèche de la valeur totale de la valeur ajoutée créée à Kinshasa-Est. Dans la zone ouest, cette valeur ajoutée est de 2,3 % en saison pluvieuse ; elle atteint 4,9 % en saison sèche.

60Quelle que soit la zone retenue (Kin Est ou Kin Ouest) ou la saison (pluvieuse ou sèche), les fonctions les plus créatrices de valeur sont celles de la transformation des feuilles de manioc en feuilles moulues et en plats préparés, même si l’on constate une diminution des gains générés par les transformateurs-commerçants en saison sèche en comparaison à la saison pluvieuse. À eux seuls, les transformateurs (feuilles moulues et feuilles préparées) réalisent au moins 95 % et 90 % des gains générés par la chaîne de valeur, respectivement en saison pluvieuse et en saison sèche. Le transformateur-restaurateur moderne (transf3) est celui qui crée le plus de valeur ajoutée (au moins 66 %). Vient ensuite le transformateur-commerçant (transf1) ; le transformateur-restaurateur de fortune (transf2) est celui qui crée le moins de valeur ajoutée.

3.5. Contraintes, atouts et opportunités

61Comme la production maraîchère, intra-périurbaine à Kinshasa (Kinkela, 2001 ; ACF, 2009 ; Muzingu, 2010 ; Dumbi, 2016), la chaîne de valeur agroalimentaire marchande des feuilles de manioc est confrontée à de nombreuses contraintes. On peut évoquer, pour ce qui est de la production : la variabilité climatique et la nature du sol ; le coût relativement élevé de la location de terres agricoles, les phénomènes d’accaparement des terres, de conflit foncier et d’étalement urbain ; le faible accès aux intrants de qualité ; le manque ou l’insuffisance de formation et d’encadrement technique ; le manque d’infrastructures de stockage ; les faibles ressources financières, l’accès limité aux services financiers et la faiblesse des prix offerts aux producteurs. Les contraintes spécifiques, liées à la commercialisation des feuilles de manioc, sont également multiples : parmi les plus importantes, on trouve la multiplicité des unités locales de vente occasionnant une forte concurrence et la politique de fixation des prix. Viennent ensuite les coupures intempestives et répétitives d’électricité, qui constituent un obstacle sérieux à la transformation des feuilles de manioc et à leur conservation.

62Malgré ces diverses contraintes, la chaîne de valeur des feuilles de manioc dispose d’atouts non négligeables, liés notamment à l’écologie du manioc (rusticité, résistance à la sécheresse, capacité d’adaptation à différents types de sols et faible exigence en fertilisants). En termes d’infrastructures de transport, Kinshasa est bien connectée à son hinterland par la route nationale RN1, en bon état relatif, tandis que la voie ferrée Kinshasa-Kasangulu assure le transport des volumes importants à un coût modéré, complété, le cas échéant, par le transport fluvial sur le fleuve Congo, clé de voûte du système de transport congolais, pour les produits pondéreux et les grands volumes. Pour finir, la proximité géographique et l’accessibilité au marché urbain de consommation de Kinshasa contribuent à la régularité des approvisionnements.

63Si la demande locale en feuilles de manioc, évaluée à environ 700 000 t/an (Kinkela et al., 2017), est dynamique compte tenu de la croissance de la ville, elle se structure également à l’international du fait d’une hausse de la demande : ainsi, elle représentait un volume de 46 t entre 2003 et 2007 en direction de Brazzaville (IRPCM, 2008) [12]. En outre, l’exportation des feuilles de manioc (pondu surgelé) à partir de plusieurs pays d’Afrique, dont la RDC, l’un des pays d’origine des principaux consommateurs, en direction de l’Union européenne [13] représentait déjà 2 590 000 euros (ESC, 2004) en 2001. Le pondu fabriqué dans d’autres pays avec un savoir-faire importé de la RDC est commercialisé avec un grand succès en Europe sous d’autres labels. Enfin, on peut citer comme derniers éléments positifs structurants pour la filière manioc et pour une valorisation accrue de la chaîne de valeur des feuilles de manioc autour de Kinshasa : sa prise en compte dans divers projets et programmes dans la partie orientale du pays, et l’existence d’institutions scientifiques et de centres de recherche et d’encadrement.

64Au-delà, ce qui fonde la performance de la filière en matière d’approvisionnement de la capitale, c’est bien la régularité de la consommation quotidienne du manioc, à l’instar d’autres situations régionales en Afrique centrale (Kamdem Simeu, 1996). Sur le plan qualitatif, il existe plusieurs modes de préparation du pondu selon la province d’origine des consommateurs. Les plats de pondu épicés, typiquement kinois, les plus répandus sont : le ntsaka-madesu (feuilles de manioc avec le haricot), le limbondo (feuilles de manioc aux bicarbonates alimentaires) et le saka saka (feuilles de manioc sans bicarbonates). Celui-ci demeure, dans une large mesure, un élément identitaire et patrimonial de la société congolaise : les dérivés du manioc (les feuilles, la chikwangue…) sont au cœur de nombreuses coutumes et traditions héritées de la société précoloniale. Ces produits tiennent une place symbolique forte dans toutes les cérémonies à caractère coutumier : retrait de deuil, pose de pierre tombale, célébration du mariage… À tel point que les Congolais peinent à concevoir que cet aliment puisse être un aliment importé d’Amérique il y a moins de quatre siècles.

Conclusion

65Le développement du commerce et de la transformation des feuilles de manioc à Kinshasa témoigne des mutations actuelles de l’économie agroalimentaire kinoise. D’un statut de produit vivrier autoconsommé, les feuilles de manioc sont passées, depuis quelques années, à un statut de produit vivrier marchand approvisionnant les ménages urbains et l’agro-industrie.

66L’importance stratégique de la filière manioc en RDC, garant majeur de la sécurité alimentaire, n’est plus à démontrer. La chaîne de valeur de feuilles de manioc dispose d’atouts et d’opportunités pour sa valorisation dans le contexte actuel de la ville de Kinshasa. Cependant, plusieurs enjeux restent cruciaux pour l’avenir de cette chaîne de valeur. En effet, dans un contexte dominé par les contraintes qui pèsent de plus en plus sur cette dernière, la stratégie globale, au cœur de tout processus visant sa valorisation en zone urbaine et périurbaine de Kinshasa, vise à rendre plus performante la chaîne de commercialisation et d’approvisionnement des feuilles de manioc en agissant à plusieurs niveaux : (i) développer la production et l’offre en produits dérivés de manioc (rendre plus efficaces les systèmes agricoles existants, intensifier la production de manioc en zone périurbaine), (ii) réformer la gouvernance foncière et protéger les intérêts des producteurs familiaux, (iii) améliorer la qualité du produit pour sécuriser les débouchés, (iv) appuyer et encadrer les petites industries agroalimentaires, (v) faciliter l’accès au crédit pour soutenir les acteurs agricoles et les innovations, (vi) soutenir la recherche et l’encadrement technique, (vii) structurer les acteurs et susciter l’esprit entrepreneurial, (viii) promouvoir et favoriser l’émergence des organisations professionnelles, (ix) mettre en place une politique économique cohérente avec le développement de la filière manioc.

67Toutes ces actions doivent être incorporées dans un programme spécifique visant la valorisation des chaînes de valeur de filière manioc et la promotion de la consommation locale. Le principe de désengagement de l’État des secteurs productifs ne doit pas faire oublier que celui-ci est un partenaire irremplaçable dans un certain nombre de décisions et d’actions. Cela suppose une volonté politique forte et des actions concrètes.

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Mots-clés éditeurs : performance économique, commercialisation, Kinshasa, feuilles de manioc

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Date de mise en ligne : 19/02/2019

https://doi.org/10.3917/ried.237.0035

Notes

  • [1]
    Les auteurs remercient la Délégation générale Wallonie-Bruxelles, l’École régionale post-universitaire d’aménagement et de gestion intégrés des forêts et territoires tropicaux (ERAIFT), l’université de Liège (ULiège) pour les appuis institutionnel, financier et technique.
  • [2]
    Néanmoins ce chiffre cache une disparité, notamment au sein des groupes socio-démographiques et du secteur institutionnel des ménages.
  • [3]
    Matadi Kibala, UPN et Rond Point Ngaba, à l’ouest ; Matamba, Bitabe et Matete, à l’est de la ville.
  • [4]
    Établissement de restauration, le plus souvent informel, servant des repas dans la rue ou près des entreprises, écoles, universités, hôpitaux, etc.
  • [5]
    Intermédiaire techno-commercial, la « maman manœuvre » agit comme facilitatrice d’échange dont le rôle crucial contribue au fonctionnement optimal de la chaîne d’approvisionnement de la ville de Kinshasa en feuilles de manioc. Elle a plusieurs fonctions : mise en relation des producteurs aux commerçants grossistes, d’une part, et des commerçants grossistes aux détaillants, d’autre part, facilitation des formalités administratives au niveau des parkings, sécurisation face aux tracasseries administratives et policières, etc.
  • [6]
    Main d’œuvre utilisée pour la récolte des feuilles de manioc. Recrutée à Kinshasa urbain, elle accompagne le commerçant grossiste sur le site de production en zone périurbaine.
  • [7]
    La région du plateau des Batéké constitue la grande partie de la périphérie est de la ville province de Kinshasa ; elle est une partie de la commune urbano-rurale de Maluku. Cette dernière est située entre 4 et 5 degrés de latitude sud et entre 15o30’ et 16o30’ de longitude est (Ministère du Plan, 2005).
  • [8]
    La pâte rouie, ou pâte fermentée communément appelée « kimpuka », est obtenue à partir du rouissage des racines fraîches de manioc selon les différents procédés. Le kimpuka est la principale matière première qui sert à la fabrication de la chikwangue.
  • [9]
    Le terme Matamba signifie « feuille de manioc » en langue tshiluba.
  • [10]
    Les « bidongola » sont des déchets provenant du reconditionnement de grosses bottes achetées en gros en de plus petites vendues en détail. Cette nouvelle petite botte pèse en moyenne 1 kg. Les feuilles qui tombent lors du reconditionnement sont toutes récupérées et vendues en tas d’environ 750 gr à 0,166 USD. Une botte de feuilles de manioc d’environ 12 kg peut produire 3 à 6 tas, soit 2,3 à 4,5 kg de bidongola.
  • [11]
    (1) Transformateur des feuilles fraîches en feuilles moulues congelées ; (2) Transformateur (restaurant malewa) des feuilles de manioc en plats préparés de pondu ; (3) Transformateur (restaurant moderne) des feuilles de manioc en plats préparés de pondu.
  • [12]
    Ces données collectées auprès de la Direction générale des Douanes et Accises (DGDA) ne reflètent pas l’importance des échanges entre les deux rives du fleuve Congo (Kinshasa et Brazzaville). Le plus souvent, ces données sont occultées par les douaniers du fait des relations de proximité qu’ils entretiennent avec les commerçants-exportateurs (réguliers).
  • [13]
    On y trouve des consommateurs, tels que les populations africaines immigrées, leurs enfants nés en Europe, les Antillais ou encore les Européens de souche en quête de nouvelles saveurs. Ces consommateurs néophytes constituent le segment du marché sur lequel reposent l’avenir de la filière manioc et son développement.

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