Couverture de RIDP_861

Article de revue

XVe Congrès international de droit pénal (Rio de Janeiro, 4 – 10 septembre 1994)

Pages 147 à 170

Notes

  • [1]
    RIDP, vol. 66 (1-2), 1995, pp. 20-46. Version en Anglais, pp. 47-72. Version en Espagnol, pp. 73-99.
  • [2]
    OCDE, le Conseil de l'Europe, les Communautés européennes, le Commonwealth, les Nations-Unies, Interpol et la Chambre internationale de Commerce.
  • [3]
    Traduit de l’Anglais par F. Thomas, Professeur à l’École Royale Militaire, Bruxelles, Belgique.

Thèmes :

1. Infractions contre l’environnement : application du Droit pénal général.
2. Infractions informatiques et autres crimes contre la technologie informatique.
3. Les mouvements de réforme de la procédure pénale et la protection des Droits de l’homme.
4. La régionalisation du Droit pénal international et la protection des Droits de l’homme dans les procédures de coopération internationale en matière pénale.
Résolution sur la Cour Pénale Internationale

Section I : Infractions contre l’environnement : application du Droit pénal général

Préambule

1 Considérant le risque accru qu'engendrent les activités industrielles et similaires pour les générations actuelles et futures, leur santé et l'environnement dont elles sont parties prenantes ;

2 Considérant la préoccupation mondiale face à la dégradation de l'environnement causée, entre autres, par la commission d'infractions contre l'environnement en violation du droit national et international ;

3 Considérant les développements récents tendant a la reconnaissance des infractions contre l'environnement dans les codes pénaux nationaux et dans les lois de protection de l'environnement, ainsi que dans les conventions internationales, les recommandations et les résolutions ;

4 Considérant la Résolution 77(28) du Conseil de l'Europe sur les contributions du droit pénal sur la protection de l'environnement, la Recommandation 88(18) sur la responsabilité des entreprises en matière d'infraction, la Résolution numéro 1 des ministres européens de la justice adoptée lors de la conférence de 1990 à Istanbul et les travaux en cours du Conseil de l'Europe tendant au développement d'une convention européenne sur la protection pénale de l'environnement ;

5 Considérant la Résolution 45/121 de 1990 de l'Assemblée Générale des Nations Unies adoptant la résolution. sur la protection pénale de l'environnement présentée par le huitième Congrès des Nations Unies sur la prévention des infractions et le traitement des délinquants ; les Résolutions 1993/32 et de juin 1994 du Conseil Économique et Social des Nations Unies et les documents préparatoires du neuvième Congrès à venir sur la prévention des infractions et le traitement des délinquants placés à l'ordre du jour sous la rubrique « action contre le crime organisé et l'économie à l'échelle nationale et transnationale et le rôle du droit pénal dans la protection de l'environnement » ;

6 Considérant les recommandations présentées dans le rapport de la Commission de Droit International de l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1991 ;

7 Considérant le modèle d'une loi interne en ce qui a trait aux crimes contre l'environnement proposé lors d'une réunion internationale d'experts en matière de crimes contre l’environnement qui a lieu à Portland dans l’Oregon du 19 au 23 mars 1994 ;

8 Considérant qu’il est souhaitable de prévoir des sanctions appropriées à la punition des infractions graves contre l’environnement et à la réparation des dommages causés ;

9 Ayant étudié et discuté les Recommandations du colloque préparatoire de l’AIDP sur l’application du droit pénal aux infractions contre l’environnement (Ottawa, Canada du 2 au 6 novembre 1992) ;

10 Recommandations

I. Préliminaires

11 1. Le mot « environnement » embrasse toutes les composantes de la planète, tant abiotique que biotique, incluant l’air, toutes les couches de l’atmosphère, l’eau, la terre et les ressources minérales, la flore et la faune et tous les liens écologiques entre ces différentes composantes.

12 2. Le principe du développement raisonnable, tel que développé par la Commission Mondiale sur l'environnement et le développement (connue sous le nom de la Commission Brundtland) et adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1992 stipule que le développement économique nécessaire pour répondre aux besoins de la génération présente ne devrait pas compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins.

13 3. Le principe de prudence développé par la conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (Rio de Janeiro, juin 1992) énonce que lorsqu'il y a des menaces de dommage grave ou irréversible, le manque de certitude scientifique ne sera pas invoqué comme argument pour retarder l'adoption des mesures préventives nécessaires.

14 4. Les États et la société en général ont la responsabilité de faire en sorte que les principes du développement raisonnable et de prudence soient respectés par toutes les personnes physiques et morales ainsi que par tous les organismes publics impliqués dans des activités potentiellement dangereuses.

15 5. Pour assurer le respect des principes du développement raisonnable et de prudence, les États doivent prévoir une vaste gamme de mesures d'exécution comprenant des mesures d'incitation, des mesures de mise en œuvre négociées, des pouvoirs d’autorisation et de régulation et des sanctions en cas de manquement. Le cas échéant, le droit pénal peut sembler opportun.

II. Questions spécifiques relatives aux infractions contre l’environnement

16 6. En conformité avec le principe de la légalité, il doit y avoir une définition précise des infractions contre l'environnement.

17 7. Une distinction doit être établie entre, d'une part, les sanctions infligées pour inobservation des normes administratives et réglementaires, celles-ci n'incluant pas la privation de liberté et la fermeture définitive de l'entreprise et, d'autre part, les sanctions pénales qui sont infligées dans le but de dissuader et de punir les actes ou les omissions volontaires qui causent un grave dommage à l'environnement.

18 8. L'élément minimal matériel dans les infractions contre l'environnement doit être :

19 (a) Un acte ou une omission qui cause un dommage sérieux ;

20 (b) Un acte ou une omission qui crée un danger réel et imminent (concret) pour l'environnement ou pour les êtres humains, dans la mesure où il contrevient à un texte légal ou réglementaire.

21 9. L'élément subjectif minimum, en ce qui concerne à la fois l'acte ou l'omission et ses conséquences, exigé dans la définition d'une infraction punissable contre l'environnement doit être la connaissance, l'intention, le dol éventuel (dolus eventualis, culpa gravis) ou tout concept équivalent dans les droits nationaux) ou bien, lorsqu'on peut craindre de graves conséquences, la négligence coupable.

22 10. Là où il est établi qu'un prévenu a agi ou s'est abstenu d'agir, alors qu'il savait qu'un dommage grave à l'environnement pouvait en résulter et qu'en conséquence ce dommage s'est effectivement produit, l'argument de défense tiré du respect des termes d'une autorisation devrait être raisonnablement limité.

23 11. Conformément aux principes de l'intervention minimale, les sanctions pénales doivent être appliquées seulement lorsque les sanctions civiles et administratives, et des mesures de réparation ne sont pas appropriées ou ne parviennent pas à répondre aux problèmes posés par l'infraction en question.

III. Responsabilité pénale des personnes morales

24 12. Les activités qui entrainent des sanctions pénales peuvent être celles de personnes morales, d'organismes publics aussi bien que de personnes physiques.

25 13. Les droits nationaux devraient, en conformité avec leurs constituions et leurs droits fondamentaux, prévoir des sanctions pénales variées et toute mesure adaptée aux personnes morales et organismes publics.

26 14. Lorsqu’une personne morale de droit privé ou de droit public s’adonne à une activité qui présente un risque grave pour l’environnement, les autorités de gestion et de direction devraient être obligées d’exercer un devoir de surveillance de manière à prévenir qu’un dommage soit produit et devraient être tenues pénalement responsables si un dommage sérieux résulte de leur manquement à leurs obligations de surveillance.

27 15. En vue de réduire les risques d’injustice qui pourraient naître de l’application inégale des lois relatives aux infractions contre l’environnement, le droit national doit préciser aussi clairement que possible les critères de responsabilité des personnes physiques travaillant au service des personnes morales de droit privé ou de droit public qui pourraient en être déclarées responsables.

28 Personnes morales de droit privé

29 16. Lorsque la constitution ou les principes de droit le permettent, nonobstant le principe de la responsabilité pénale personnelle, la poursuite des personnes morales de droit privé en matière d’infraction contre l’environnement devrait être possible même si la responsabilité pour une telle infraction n’est pas directement imputée à une personne physique identifiée au sein de cette entreprise.

30 17. Dans les mêmes conditions, quand une personne morale de droit privé est responsable d'un dommage grave contre l'environnement, il doit être possible de poursuivre cette entreprise pour crimes contre l'environnement, même si le dommage résultait d'un seul acte ou d'une seule omission ou bien d'un ensemble d'actes ou d'omissions successifs.

31 18. Le prononcé de sanctions pénales contre des personnes morales de droit privé ne devrait pas empêcher la poursuite des personnes physiques qui seraient au service de ces personnes morales.

32 Organismes de droit public

33 19. Lorsqu'un organisme de droit public, dans l'exécution de ses fonctions de service public ou dans d'autres circonstances, cause un dommage sérieux à l'environnement ou aux êtres humains, ou, lorsque la loi le prévoit, cause un danger réel et imminent (concret) pour l'environnement ou pour les êtres humains, il doit être possible de poursuivre pénalement ces personnes pour cette infraction.

34 20. Lorsqu’il est possible, aux termes de la Constitution ou du droit national, d'engager la responsabilité pénale des organismes de droit public pour les actes de service public ou autre, une poursuite doit pouvoir être engagée même si la responsabilité de l'infraction ne peut pas être directement imputée à une personne physique déterminée, ou agent de cet organisme.

IV. Infractions contre l’environnement

35 21. Les infractions qui portent spécifiquement atteinte à l'environnement, c'est-à-dire, qui ne dépendent pas d'autres lois pour leur définition, doivent être prévues par les codes pénaux nationaux.

36 22. Lorsque les infractions contre l'environnement sont pénalement punissables, leurs éléments constitutifs doivent être prévus par la loi et ne pas être laissés à l'appréciation d'autorités déléguées.

37 23. Les infractions spécifiques relevant de la compétence de plusieurs États ou portant atteinte à l'environnement de la planète doivent être regardées comme étant des infractions internationales aux termes des conventions multilatérales.

38 24. Dans le cadre de la Constitution et des principes fondamentaux de chaque système national, la loi doit faciliter la participation des citoyens au déclenchement de l'enquête et des poursuites relatives à ces infractions.

V. Compétence

39 Infractions transfrontières

40 25. Lorsque le dommage ou le risque sérieux de dommage (concret) qui fonde une infraction particulière contre l'environnement se produit à l'extérieur de l'État ou l'infraction a été commise, que ce soit totalement ou en partie, il devrait être possible de poursuivre son auteur dans l'État où l'infraction a été commise, ou dans tel autre État où le dommage, ou le risque sérieux de dommage, se produit, à condition que les droits de la défense soient garantis, et dans le respect du droit international applicable.

41 Infractions extraterritoriales

42 26. Lorsque le dommage ou le risque sérieux de dommage (concret) qui fonde une infraction particulière contre l'environnement se produit hors la compétence territoriale de tout État, ou dans l'environnement de la planète, les États devraient s'accorder sur une convention internationale ou appliquer les conventions existantes qui permettraient les poursuites, en appliquant dans l'ordre suivant : le principe du drapeau, le principe de territorialité, le principe de nationalité, le principe « extradez ou poursuivez », et lorsqu'il s'agit d'une infraction internationale universellement reconnue, le principe d'universalité.

43 Extradition

44 27. Les infractions particulièrement graves contre l'environnement doivent pouvoir donner lieu à l'extradition.

45 Cour Pénale Internationale

46 28. En vue de faciliter les poursuites des infractions internationales en matière d'atteinte à l'environnement de la planète, la compétence de la cour internationale proposée par la Commission du droit international, et actuellement examinée par l'Assemblée Générale des Nations Unies, devrait inclure ces infractions.

47 Mise en œuvre des conventions internationales

48 29. Lorsque des conventions internationales relatives aux infractions contre l'environnement ne sont pas directement exécutoires en droit interne en ce qui concerne l'exécution des sanctions pénales, les États signataires devraient mettre en œuvre ces conventions en se dotant de la législation appropriée.

Section II : Infractions informatiques et autres crimes contre la technologie informatique

49 Préambule

50 Reconnaissant la prolifération de la technologie informatique et la naissance d'une société informatique qui influencera tous les aspects de la vie quotidienne ;

51 Observant qu'une série d'activités antisociales sont en train de subvertir les technologies informatiques au détriment de l'individu et de tous les secteurs de la société ;

52 Conscient que l'expansion rapide de l'inter-connectivité de la technologie informatique dans le monde transcende les frontières nationales traditionnelles et implique aussi bien les pays développés que les pays en voie de développement ;

53 Concerné par l'abus de la technologie informatique qui a lieu tant au niveau national qu'au niveau international ;

54 Concluant, donc, qu'une telle activité relève de tous les États ;

55 Prenant en compte les apports antérieurs d'autres personnes autorisées, organisations gouvernementales ainsi que non gouvernementales* [2].

56 Recommandations

I. Mesures de prévention non pénales

57 1. Il existe un nombre croissant d'options non pénales pour la prévention des infractions informatiques. Ces mesures, ainsi que d'autres approches nouvelles et innovantes, doivent être encouragées au niveau national, supranational et international, de façon à suivre, à la même allure, les innovations technologiques.

58 2. – Ces mesures pourraient indure, entre autres :

59 – L'utilisation de mesures de sécurité volontaires par les usagers d'ordinateurs ;

60 – L'imposition de mesures de sécurité obligatoires dans certains secteurs sensibles ;

61 – La création et la mise en œuvre de législations concernant la sécurité des ordinateurs, des politiques et des lignes directrices édictées par les gouvernements nationaux ;

62 – L'engagement par les cadres supérieurs et les gestionnaires de prévoir des mesures de sécurité et de prévention des crimes au sein de leur organisation ;

63 – L'incorporation, l'explication et la promotion de mesures de sécurité par l'industrie de la technologie d'information ;

64 – Le développement et la promotion d'une éthique informatique par tous les secteurs de la société, en particulier par les institutions éducatives, les sociétés professionnelles et le public ;

65 – Le développement de normes professionnelles dans l'industrie informatique, y compris la possibilité de mesures disciplinaires ;

66 – La promotion de la coopération de la victime dans la dénonciation des infractions informatiques ;

67 – La formation et l'éducation du personnel des systèmes de l'investigation, de la poursuite et du système judiciaire.

II. Droit pénal matériel

68 3. Les abus de la technologie informatique concernent tant les intérêts de l'économie informatique que les intérêts orientés vers le privé. Ils visent non seulement les situations dans lesquelles le traitement de données informatiques et ses composantes sont utilisés comme des outils de violation des valeurs fondamentales mais aussi celles dans lesquelles ils sont eux-mêmes l'objet direct de la violation.

69 4. Dans la mesure ou des valeurs fondamentales sont violées ou mises en danger par l'utilisation illicite du traitement de données informatiques, les nouveaux « modi operandi » peuvent révéler des lacunes dans le droit pénal traditionnel. Par ailleurs, le développement de la technologie informatique fait apparaître de nouveaux intérêts qui exigent une protection légale, en particulier pour que soient respectées l'intégrité des systèmes informatiques et les données qu'ils contiennent ainsi que la sécurité et l'exclusivité de certaines données (sécurité et protection des données informatiques).

70 5. Dans la mesure où le droit pénal traditionnel est insuffisant, la modification des délits existants ou la création de nouvelles catégories de délits devraient être décidées, si d'autres mesures se révèlent insuffisantes (principe de subsidiarité). Ceci concerne également les secteurs ou les lois pénales sont annexes à d'autres secteurs du droit (comme par exemple en matière du droit d'auteur) et où l'extension du droit pénal résulte de changements dans le droit civil ou administratif.

71 6. Pour promulguer des amendements et de nouvelles dispositions, l'accent devrait être mis sur les objectifs de précision et de clarté et sur la définition des infractions en termes d'éléments objectifs. Dans les domaines où le droit pénal n'est qu'une annexe à d'autres matières, cette exigence devrait aussi être appliquée au contenu matériel de ce droit.

72 7. Pour éviter une inflation exagérée d'infractions (surcriminalisation), il faut faire particulièrement attention à l'extension du droit pénal dans les matières voisines. Les extensions qui dépassent ces limites demandent un examen et une justification attentifs. A cet égard, un critère important de la définition ou de la limitation de la responsabilité est que les délits dans ce domaine soient principalement limités aux actes intentionnels.

73 8. Dans ce domaine, les travaux antérieurs de l'OCDE et du Conseil de l'Europe ont apporté une contribution importante en spécifiant les types de comportements qui devront être pénalisés par les lois nationales. L'AIDP approuve les lignes directrices proposées aux législateurs nationaux contenues dans la Recommandation N° R(89)9, qui a été adoptée par le Conseil de l'Europe le 13 septembre 1989, et qui énumère une liste d'actes qui devraient ou pourraient faire l'objet de sanctions pénales.

74 La liste minimale d'actes, dont le Conseil de l'Europe a recommandé l'incrimination, s'ils sont commis intentionnellement, est la suivante :

75 a. La fraude relative à l'ordinateur

76 L'insertion, l'altération, l'effacement ou la suppression des données ou programmes informatiques, ou d'autres obstructions au déroulement du traitement des données informatiques qui influencent le résultat de celui-ci et causent ainsi, et la propriété d'une personne, la perte économique ou la perte de possession, tout ceci avec l'intention de se procurer un propre gain économique illégal ou de procurer un tel gain à autrui (proposition alternative : avec l'intention de priver cette personne illégalement de sa propriété).

77 b. La falsification informatique

78 L'insertion, l'altération, l'effacement ou la suppression de données ou de programmes informatiques, ou d'autres obstructions au déroulement du traitement des données informatiques, commis d'une telle manière ou dans de telles conditions, comme prescrites dans la législation nationale, qu'ils constitueraient le délit de falsification s'ils avaient été commis en vue d'un objet traditionnel d'une telle infraction.

79 c. Le dommage causé aux données ou programmes informatiques

80 L'effacement, l'endommagement, la détérioration ou la suppression illégale de données ou de programmes informatiques.

81 d. Le sabotage d'ordinateurs

82 L'insertion, l'altération, l'effacement ou la suppression de données ou de programmes informatiques ou l'obstruction aux systèmes informatiques avec l'intention d'empêcher le fonctionnement d'un ordinateur ou d'un système de télécommunication.

83 e. L'accès non autorisé

84 L'accès illégal à un système informatique ou à un ensemble de systèmes en violant des mesures de sécurité.

85 f. L'interception non autorisée

86 L'interception faite sans en avoir le droit et avec des moyens techniques de communication qui se dirigent vers un système informatique ou un ensemble de systèmes ou de communications qui en proviennent ou qui se trouvent à l'intérieur d'un système informatique ou d'un ensemble de systèmes.

87 g. La reproduction non autorisée d'un programme informatique protégé

88 La reproduction, distribution ou communication illégale au public d'un programme informatique protégé par la loi.

89 h. La reproduction non autorisée d'une topographie

90 La reproduction illégale d'une topographie protégée par la loi ou d'un produit semi-conducteur, ou l'exploitation commerciale ou l'importation à cette fin, sans en avoir le droit, d'une topographie ou d'un produit semi-conducteur fabriqué en utilisant la topographie.

91 Une liste du Conseil de l'Europe, dite «optionnelle», énumère les lignes directrices pour les actes supplémentaires suivants qui pourraient également être criminalisés s'ils sont commis intentionnellement :

92 a. L'altération de données ou de programmes informatiques

93 L'altération illégale de données ou de programmes informatiques.

94 b. L'espionnage informatique

95 L'acquisition par des moyens impropres ou la révélation, le transfert ou l'utilisation d'un secret économique ou commercial sans droit ni justification légale, avec l'intention soit de causer une perte économique au détenteur du secret, soit d'obtenir un avantage économique illégal pour soi-même ou pour un tiers.

96 c. L'utilisation non autorisée d'un ordinateur

97 L'utilisation illégale d'un système informatique ou d'un ensemble de systèmes qui (i) est fait soit avec l'acceptation du risque significatif qu'une perte puisse être causée à la personne habilitée à utiliser le système ou qu'un dommage puisse être causé au système ou à son fonctionnement ; (ii) soit avec l'intention même de causer une perte à la personne habilitée à utiliser le système ou à son fonctionnement ; (iii) soit cause une perte à la personne habilitée à utiliser le système ou nuit au système ou à son fonctionnement.

98 d. L'utilisation non autorisée d'un programme informatique protégé

99 L'utilisation illégale d'un programme informatique qui est protégé par la loi et qui a été reproduit illégalement, avec l'intention soit de se procurer un propre avantage illicite ou de procurer un tel avantage à autrui, soit de causer un dommage au détenteur du droit.

100 9. Vu le progrès de la technologie de l'information, l'augmentation des infractions qui s'y réfèrent depuis l'adoption de la Recommandation du Conseil de l'Europe en 1989, vu la valeur significative des biens immatériels à l'ère de l'information et vu le désir de promouvoir encore plus la recherche et le développement technique et son haut potentiel de dommage, il est conseillé aux États de considérer, en accord aussi avec leurs traditions légales et leur culture et en référence a l'applicabilité de leurs lois existantes, de punir comme délit (en tout ou en partie) les comportements décrits dans la « liste optionnelle ».

101 10. En outre, il est suggéré que quelques-unes des définitions de la liste du Conseil de l'Europe – comme celle de l'accès non admis – fassent l'objet d'une clarification et d'un raffinement à la lumière du progrès de la technologie de l'information et des changements dans la perception de la délinquance. Pour les mêmes raisons, d'autres types d'abus, qui ne sont pas énumérés expressément dans la liste, comme le trafic des mots de passe obtenus illégalement et d'autres informations sur les possibilités d'obtenir un accès non autorisé à des systèmes informatiques et la distribution de virus ou de programmes similaires, devraient aussi être considérés comme susceptibles d'être incriminés, en accord avec la tradition légale nationale et la culture et en référence à l'applicabilité des lois existantes.

102 À la lumière des dommages potentiels qui peuvent être causés par des virus, des vers et d'autres programmes qui visent ou qui pourraient probablement viser à pénétrer un programme informatique pour y causer un dommage ou qui gênent les données informatiques, les programmes informatiques ou le bon fonctionnement de systèmes informatiques, il est conseillé de consacrer à ce domaine plus de discussions scientifiques et de recherches. Une attention particulière devrait porter sur l'utilisation des normes pénales qui incriminent l'imprudence ou la création de risques dangereux et sur les problèmes pratiques de leur exécution. Une attention pourrait aussi être accordée à la question de savoir si le délit qui en résulte doit être considéré comme un délit de sabotage.

103 11. En ce qui concerne les recommandations précédentes, il est reconnu que les différentes cultures et traditions légales peuvent résoudre quelques uns de ces cas de manière différente, tout en pénalisant néanmoins l'essentiel de l'abus particulier. Les États devraient être conscients des approches alternatives qui existent dans les systèmes légaux différents.

III. Aspects spécifiques relatifs à la protection de la sphère privée

104 12. L'importance de protéger, à l'âge de l'information transformée, la vie privée de nouveaux dangers provenant de la technologie informatique, devrait être reconnue. Toutefois, l'intérêt légitime de la libre circulation et de la distribution des informations au sein de la société doit aussi être respecté. Les intérêts de la vie privée comprennent le droit des citoyens à l'accès, par les moyens légaux et en accord avec les droits internationaux de l'homme, aux informations concernant eux-mêmes, qui sont détenues par un tiers.

105 13. La discussion a démontré qu'il existe des différences d'opinion significatives quant aux moyens et quant au degré de protection qui devraient être assurés par le droit administratif, civil, pénal ou réglementaire. De sérieux désaccords se révèlent également quant au degré de protection que le droit pénal devrait garantir à la sphère privée. Pour cette raison, la priorité devrait être donnée aux sanctions non pénales, spécialement quand les relations entre les parties sont gouvernées par un contrat.

106 14. Des dispositions pénales ne devraient être utilisées que dans les cas où le droit civil et la loi protégeant les données informatiques ne fournissent pas de remède légal adéquat. Dans la mesure où les sanctions pénales sont utilisées, l'AIDP rappelle les principes de base qui devraient être pris en compte par les États lorsqu'ils adoptent une législation pénale dans ce domaine, ainsi que le prévoit la Recommandation R (89)9 du Conseil de l'Europe. En outre, l'AIDP estime que les dispositions pénales applicables dans le domaine de la sphère privée devraient, en particulier :

107 – Être utilisées uniquement dans des cas graves, spécialement dans ceux comprenant des données informatiques hautement sensibles ou comprenant des informations confidentielles protégées traditionnellement par la loi ;

108 – Être définies clairement et avec précision plutôt que par des clauses vagues ou générales (Generalklauseln), en particulier dans le domaine du droit matériel de la personnalité ;

109 – Établir une différence entre les nombreux niveaux de gravité des infractions et respecter les exigences de la culpabilité ;

110 – Être principalement limitées aux actes intentionnels ; et

111 – Permettre aux autorités de poursuite de prendre en compte, pour certains délits, les souhaits de la victime quant à l'action publique.

112 15. Des études ultérieures devraient être entreprises pour tenter de définir une liste d'actes qu'il serait approprié d'incriminer, tout en tenant compte particulièrement du domaine des banques de données publiques. Cette liste pourrait inclure des actes intentionnels impliquant une violation du secret ainsi que d'autres formes graves de collecte, d'usage, de transfert et d'altération illégales de données personnelles qui créent un danger pour les droits individuels. Un point de départ pour cette étude pourrait être les projets de propositions considérés par le comité spécial d'experts du Conseil de l'Europe sur le crime informatique.

IV. Droit procédural

113 16. L'enquête sur la délinquance informatique et sur d'autres délits plus traditionnels dans un environnement de technologie de l'information demande, dans l'intérêt d'une défense sociale efficace, de mettre à disposition des autorités d'instruction et de poursuite des pouvoirs coercitifs adéquats, qui doivent être contrebalancés par une protection adéquate des droits de l'homme et de la sphère privée.

114 17. Pour empêcher l'abus de pouvoirs officiels, les restrictions aux droits de l'homme faites par les agents officiels ne peuvent être admises que dans le cas où elles sont fondées sur des dispositions claires et précises, conformément aux normes internationales des droits de l'homme. Des atteintes illégales aux droits de l'homme par les agents officiels peuvent rendre nulle la preuve ainsi obtenue et engager la responsabilité pénale de l'agent qui a violé la loi.

115 18. A la lumière de ces principes généraux, devraient être clairement définis :

116 a. Les pouvoirs pour mener la perquisition et la saisie dans un environnement de technologie de l'information, en particulier concernant la saisie de biens non corporels et la perquisition d'un ensemble de systèmes ;

117 b. Les devoirs de coopération active de victimes, de témoins et d'autres utilisateurs de la technologie de l'information, autres que le suspect (en particulier pour rendre l'information accessible dans une forme utilisable à des fins judiciaires) ; et

118 c. Les pouvoirs pour permettre l'interception de communications à l'intérieur d'un système d'ordinateurs ou entre différents systèmes d'ordinateurs et les pouvoirs pour utiliser les preuves obtenues dans les procédures devant les tribunaux.

119 19. En vue de la multitude et de la variété des données qui peuvent être contenues dans des systèmes de traitement informatique, l'exécution des pouvoirs de contrainte devrait être poursuivie de manière proportionnelle au caractère grave de la violation et d'une manière qui serait la moins gênante pour les activités légales d'un individu. Outre les valeurs traditionnelles monétaires, le seuil à partir duquel doivent commencer les investigations devrait tenir compte de toutes les valeurs inhérentes à l'environnement de la technologie, comme la perte d'une opportunité économique, l'espionnage, la violation de la vie privée, la perte ou le risque de privation économique et le coût de la reconstruction de l'intégrité des données informatiques.

120 20. Les règles existantes dans le domaine de l'admissibilité et de la fiabilité des preuves peuvent créer des problèmes quand elles sont appliquées à la considération et à l'évaluation, des enregistrements informatiques dans une procédure judiciaire. En cas de nécessité, les changements appropriés devraient être réalisés.

V. Coopération internationale

121 21. La mobilité des données informatiques dans les systèmes de télécommunication internationale et la nature hautement interconnectée de la société d'information moderne, rend particulièrement vitale une coopération internationale pour la prévention et la poursuite des délits informatiques.

122 22. Dans la mesure où, d'une part, certaines formes de coopération internationale (comme l'extradition ou même l'assistance mutuelle) peuvent requérir une double incrimination et ou, d'autre part, certains États peuvent, à cause de leurs lois nationales existantes, être limités dans leur possibilité de fournir une assistance à d'autres États, une coopération internationale effective serait facilitée par deux points : l'harmonisation du droit pénal matériel envisagée ci-dessus et la création de pouvoirs de contrainte adéquats dans tous les États-membres.

123 23. En outre, la coopération est nécessaire dans d'autres domaines. Celle-ci devrait inclure le développement :

124 a. Des normes internationales pour la sécurité des systèmes informatiques ;

125 b. Des mesures adéquates pour la résolution des questions concernant la compétence juridictionnelle dans le domaine des délits informatiques transfrontaliers ainsi que d'autres délits informatiques internationaux ;

126 c. Des accords internationaux entre les États qui se servent de la nouvelle technologie de l'information pour rendre les investigations plus effectives ; ceci inclut aussi des accords qui prévoient des mesures transfrontalières de perquisition et de saisie effectives, immédiates et légales dans le domaine des systèmes informatiques interconnectés, ainsi que d'autres formes de coopération internationale, en protégeant en même temps les droits et la liberté des individus.

VI. Travail futur

127 24. Pour que ces objectifs soient atteints, des associations de scientifiques des organes gouvernementaux, des professionnels de la technologie de l'information et les organisations internationales devraient diffuser le contenu de ces recommandations et l'adoption continue de moyens appropriés à la prévention des délits afin d'affronter les nouveaux défis de la technologie de l'information.

128 25. La communauté académique et scientifique ainsi que les gouvernements, devraient entreprendre plus de recherche concernant les délits de la technologie de l'information. Cette recherche devrait particulièrement porter sur les incidences des délits d'ordinateurs, l'étendue des pertes, les méthodes de commission des infractions et les caractéristiques des malfaiteurs.

129 Elle devrait aussi examiner le développement de nouvelles mesures alternatives permettant des sanctions pénales, à condition que celles-ci ne soient utilisées qu'en dernier ressort.

130 La théorie et la politique légales devraient consacrer une attention particulière à l'étude et au développement du droit de l'information, tout en tenant compte des caractéristiques particulières des informations par rapport aux objets tangibles et en examinant les changements possibles des principes et paradigmes du droit pénal.

131 26. Les autorités chargées de l'application et de l'exécution du droit devraient, au niveau national et international, intensifier leurs efforts pour combattre les crimes informatiques et coordonner leurs activités afin d'atteindre une protection globale efficace.

132 27. Les associations des industries du matériel pour ordinateurs et celles du traitement de données informatiques ainsi que les associations de consommateurs devraient chercher à résoudre le problème créé par le crime informatique, et tout effort possible devrait être fait par les organisations non gouvernementales et intergouvernementales pour conduire les entreprises industrielles à trouver un consensus international.

133 28. Le manuel sur les crimes liés à l'ordinateur, rédigé à l'initiative et sous les auspices des Nations Unies doit être salué comme un moyen digne d'intérêt en vue de consolider l'information sur les activités mondiales dans ce domaine. Il est suggéré que ce manuel soit mis à jour pour que les communautés scientifiques, gouvernementales et intergouvernementales soient conscientes des dévelop-pements contemporains, et que les principes de cette Résolution soient pris en considération lors d'une révision future de ce manuel à l'occasion des activités futures des Nations Unies.

Section III : Les mouvements de réforme de la procédure pénale et la protection des Droits de l’homme

Préambule

134 Partant de l'idée que chaque réforme de la procédure pénale sera en conformité complète avec les garanties énoncées dans la Déclaration Universelle des Droits de l'homme des Nations Unies du 10 décembre 1948 et dans le Pacte International sur les Droits civils et politiques du 19 décembre 1966, de même que dans les Conventions régionales sur les Droits de l'homme ;

135 Tenant compte des résolutions du XIIème Congrès international de l'AIDP (Hambourg, 1979) qui correspondent, en grande partie, aux déclarations précitées ;

136 Convaincu que les droits et libertés fondamentaux mentionnés dans ces documents ne pourront, même en cas de guerre ou de crise pour l'existence de la nation, être en principe restreints ;

137 Considérant que même la lutte contre le terrorisme et contre le crime organisé ne pourra restreindre ces droits fondamentaux que dans la mesure de ce qui est strictement nécessaire pour ne pas laisser impunis des secteurs entiers de la criminalité ;

138 En vue de développer des standards de réformes dépassant le niveau des garanties mentionnées plus haut, en les concrétisant et les différenciant selon les différents systèmes de procédure et les différentes situations procédurales ;

139 Recommandations

I. Début du procès pénal et application des garanties

140 1. La protection des droits de l'homme doit être garantie dans toutes les phases du procès pénal, même si ce dernier ne commence pas par une décision formelle d'un magistrat ou d'un autre fonctionnaire public. Pour déterminer le moment où commence le procès, un quelconque acte de police judiciaire est considéré comme suffisant.

II. Présomption d’innocence et ses conséquences

141 2. L'inculpé bénéficie de la présomption d'innocence tout au long de la procédure, jusqu'à ce qu'un jugement ait acquis autorité de la chose jugée. Cette présomption est aussi valable pour les faits justificatifs et les autres causes d'exonération de la responsabilité pénale.

142 3. Dans la phase préparatoire, qui précède celle du jugement, la présomption d'innocence nécessite, si des moyens coercitifs sont pris, l'application du principe de proportionnalité qui établit une relation raisonnable entre la gravité de la mesure coercitive touchant les droits fondamentaux d'une part et la finalité de cette mesure d'autre part. Ceci doit conduire le législateur à prévoir avant tout des alternatives à la détention provisoire qui, en tout état de cause, doit rester une mesure exceptionnelle.

143 4. Dans la phase du jugement, la présomption d'innocence exige également l'impartialité du juge. Cette impartialité présuppose la séparation entre la fonction de poursuite et celle de jugement. En outre, le juge de jugement ne doit pas avoir participé à des actes de la phase préparatoire. Il est hautement recommandable que le juge de jugement ne soit pas le même que celui qui décide de l'admission de l'accusation à l'audience.

144 5. En raison du principe de la présomption d'innocence il est interdit d'ordonner et/ou de maintenir la détention provisoire s'il n'existe pas d'indices sérieux de culpabilité et de volonté réelle de la part des autorités compétentes de poursuivre ou de continuer d'exercer l'action pénale. La détention provisoire est aussi illicite quand sa durée dépasse le minimum de la peine prévue par la loi ; au cas où la loi ne contient aucune disposition minimum, la détention provisoire est illicite lorsque sa durée dépasse le quantum de la peine raisonnablement prévisible eu égard aux circonstances de la cause.

145 6. Le défenseur et, sur demande du détenu, les proches parents ou autre personne de confiance seront informés dans le plus bref délai possible, et au plus tard dans les vingt-quatre heures, du fait et du motif de la détention ainsi que de son lieu.

146 7. Il est défendu de prendre en considération, lors de la détermination de la peine par le tribunal, d'autres infractions commises par le même auteur qui n'ont pas été prouvées dans un jugement pénal prononcé à la suite d'un procès équitable.

147 8. La publicité donnée à l'enquête ou aux débats à l'audience par les mass media évitera de produire l'effet de pré-condamnation du prévenu et celui d'un procès-spectacle. Si un tel effet est à craindre, la diffusion de l'audience par la radiotélévision pourra être restreinte ou interdite.

III. Intervention du juge

148 9. La détention provisoire doit être ordonnée par un juge et motivée eu égard aux éléments particuliers de l'espèce.

149 10. Toute mesure prise par une autorité constituée qui touche aux droits fondamentaux du prévenu, y compris les actes de la police judiciaire, doit être autorisée par un juge ou doit pouvoir être soumise à un contrôle judiciaire.

150 11. Indépendamment de la recommandation nº 10, chaque mesure coercitive qui a été prise ou ordonnée par l'autorité de poursuite ou de police, doit être confirmée par un juge dans les vingt-quatre heures.

151 12. Les moyens de preuve qui touchent de manière particulièrement grave à l'intimité, tels que les écoutes téléphoniques, ne seront admis que par décision préalable d'un juge, et dans les cas ou le législateur le prévoit de manière explicite.

IV. La preuve

152 13. La seule recherche de preuves dans la phase préparatoire ne servira pas de base à une condamnation.

153 14. Le seul aveu de l'inculpé ne mènera pas nécessairement à la condamnation pénale sans examen de sa sincérité.

154 15. Les conditions d'admissibilité des empreintes génétiques et des résultats des écoutes électroniques à distance devraient être réglées par la loi.

155 16. Le fait de concéder l'impunité ou une atténuation de la peine aux témoins ou aux agents secrets ne sera qu'exceptionnellement admis dans les affaires graves ou de criminalité organisée. Si l'identité de ces personnes n'est pas révélée, leurs déclarations n'auront aucune valeur probatoire et ne pourront être utilisées pour décider de toutes les mesures coercitives. En outre, il faudra assurer la protection de tout témoin menacé par des organisations criminelles.

156 17. La recherche des preuves respectera, en toute hypothèse, le secret professionnel.

157 18. Toutes les preuves obtenues par la violation d'un droit fondamental, et les preuves qui en dérivent, seront nulles et ne pourront être prises en considération à aucun moment de la procédure.

V. Défense

158 19. Le droit a la défense est garanti dans toutes les phases du procès.

159 20. Personne n'est obligé de contribuer de manière active, directement ou indirectement, à sa propre condamnation pénale. L'inculpé (dans le sens matériel de la recommandation nº 1, supra) a le droit de se taire et de connaître le contenu de l'inculpation dès le premier interrogatoire, policier ou judiciaire. Son silence ne sera pas utilisé contre lui.

160 21. L'Etat doit assurer, des le début de l'enquête, à chaque inculpé et à chaque condamné, le droit d'être assisté d'un conseil. Cette assistance sera gratuite si l'inculpé ne dispose pas de ressources suffisantes. L'État se chargera des frais nécessaires. Si un défenseur d'office lui a été désigné, celui-ci devrait connaître l'essentiel des coutumes et de l'organisation sociale de son client.

161 22. Le prévenu en détention aura le droit de communiquer en privé avec son défenseur. Celui-ci devrait avoir le droit d'être présent à chaque acte d'investigation.

162 23. Le défenseur devrait avoir accès aux éléments du dossier des le début de la procédure.

163 24. Un interprète, à titre gratuit si nécessaire, sera assigné au prévenu qui ne parle ou comprend pas la langue utilisée durant le procès.

VI. Principes de poursuite

164 25. La règle de la légalité des poursuites peut constituer une garantie essentielle contre des actions arbitraires et discriminatoires. Cependant, cette règle devrait, surtout en vue de la rapidité de la procédure pénale et du manque de personnel qualifié, être assouplie dans une perspective menant au principe d'opportunité contrôlée, au moins dans les cas d'un préjudice léger, d'une faute négligeable de l'inculpé ou de la protection nécessaire de la personne qui se prétend lésée par l'infraction. Dans ces derniers cas, des critères précis devraient être introduits pour limiter le pouvoir discrétionnaire des organes de la poursuite.

165 26. Les procédures abrégées et celles ouvertes au choix du prévenu seront exclues pour les infractions graves. Pour les autres infractions, les conditions de ces procédures devraient être déterminées par le législateur qui introduira des moyens, tels que l'assistance d'un avocat, pour garantir le caractère volontaire de la collaboration du prévenu avec la justice pénale. Pour les infractions légères, de telles procédures sont recommandées en vue d'une plus grande célérité de la procédure et d'une meilleure protection du prévenu.

VII. Droits de la victime

166 27. La personne qui se prétend lésée par l'infraction devrait avoir la possibilité, le cas échéant à titre gratuit, de se constituer partie "accusatrice" (« partie civile » ou « accusateur particulier »), de demander au tribunal un dédommagement matériel et moral et de faire contrôler, par un tribunal ou par un autre organisme indépendant, le refus des organes étatiques de poursuivre ou d'instruire à l'encontre de l'auteur du délit correspondant. Elle devrait aussi avoir le droit d'influencer le déroulement de la procédure pénale en cas d'action publique, surtout par la reconnaissance du droit de contribuer à l'administration de la preuve et d'un droit de recours. Dans cette même hypothèse, elle devrait avoir le droit de demander au tribunal de statuer sur les dommages-intérêts.

167 28. Un rôle similaire de collaboration devrait être conféré aux associations légalement reconnues comme collaborant à la défense d'un intérêt général ou collectif pour des catégories de délits déterminés.

168 29. Chaque personne qui s'estime lésée dans ses droits fondamentaux par des actes de procédure pénale, devrait – en plus des moyens recommandés supra nos 10 et 11 – avoir la possibilité effective de faire contrôler ces actes par un tribunal constitutionnel, par un tribunal suprême ou par une Cour internationale des droits de l'homme.

VIII. Réformes futures

169 30. Les réformes futures de la procédure pénale que les présentes recommandations cherchent à stimuler, ainsi que tout autre modification des règles fondamentales de la procédure pénale dans un pays déterminé, devraient être votées sous forme de loi formelle par les parlements qui sont invités à s'entourer, lors de la préparation des débats, des conseils et avis de la justice pénale, du barreau et des groupements civiques.

Section IV : La régionalisation du Droit pénal international et la protection des Droits de l’homme dans les procédures de coopération internationale en matière pénale* [3]

Préambule

170 Considérant que le droit pénal international, comme le droit pénal en général, vise à l'équilibre entre la protection de la société à travers l'efficacité du système répressif, la protection des droits de l'individu (prévenu ou victime) et le respect de la prééminence du droit ;

171 Partant du phénomène récent de la régionalisation du droit pénal international ;

172 Déterminant ensuite la place de l'individu dans la mise en œuvre de ce droit ;

173 Recommandations

I. La régionalisation du droit pénal international

174 1. Bien que la répression de la criminalité demeure fondamentalement de la compétence interne de l'État, la régionalisation de la coopération, formelle ou informelle, en matière pénale doit être encouragée pour plusieurs raisons. Au nombre de celles-ci figurent la nécessité d'accroître l'efficacité de la prévention et de la répression de la criminalité (spécialement de celle qui se manifeste régionalement), de renforcer la sécurité intérieure et internationale, et d'éviter les difficultés pratiques dans les relations de routine entre les États.

175 2. Des organismes chargés de la coopération en matière pénale et d'autres formes d'entraide juridique devraient être intégrés dans les activités des organisations régionales établies à l'intérieur de la région considérée, en vue de réaliser une coopération économique plus étroite, une plus grande liberté de circulation des personnes, des marchandises et des capitaux ou d'autres formes de développement de ladite région. Cette coopération juridique ne doit pas se limiter aux objectifs économiques de l'organisation régionale, mais servir les intérêts généraux de chacun des États parties.

176 3. L'harmonisation des lois pénales de fond et de procédure des États parties, si utile qu'elle puisse être à la coopération en matière pénale, est souvent difficile à réaliser et ne devrait pas constituer une condition préalable à l'élaboration d'instruments régionaux multilatéraux d'entraide en matière pénale.

177 4. Les États parties doivent veiller à ce que la phase d'élaboration soit soumise à des modes de contrôle démocratique. De même, le contrôle judiciaire doit pouvoir s'exercer sur la coopération, formelle ou informelle, entre les organes de police.

178 5. La coopération régionale en matière pénale devrait reconnaître l'importance du développement de programmes de recherche criminologiques, orientés vers la politique criminelle, de programmes de formation, de réseaux d'information et de documentation au niveau régional, destinés aux fonctionnaires de police et aux autres praticiens du droit pénal, ainsi que de l'échange d'informations et d'expériences.

179 6. Les traités modèles bilatéraux des Nations Unies, relatifs aux divers modes de collaboration judiciaire en matière pénale, pourraient être employés de manière appropriée pour l'élaboration de traités régionaux. Des modèles similaires développés par certaines organisations intergouvernementales régionales pourraient être envisagées pour le même but.

180 7. Les instruments régionaux de collaboration en matière pénale pourraient opportunément inclure des procédures de règlement des différends. Ces procédures pourraient comporter la recherche d'un accord par l'échange de notes diplomatiques, par la soumission de différends à l'arbitrage, à une procédure contentieuse internationale ou à un avis consultatif.

181 8. Les instruments régionaux de coopération en matière pénale devraient être rédigés de manière à limiter la faculté et la nécessité de recourir aux réserves. Un des moyens d'atteindre ce but consiste à énumérer limitativement les réserves autorisées ou non admissibles, un autre, à combiner éventuellement avec le premier, pourrait être d'obliger les États ayant formulé des réserves à réexaminer périodiquement leur maintien et, le cas échéant, à justifier leur décision.

182 9. En rédigeant les instruments de coopération régionale en matière pénale, les États parties devraient envisager la possibilité de suspendre – et éventuellement de dénoncer – les instruments envers une Partie qui aurait commis une violation substantielle de ses obligations conventionnelles ou dont la structure politique aurait été fondamentalement modifiée.

183 10. Afin de prévenir l'impunité, la coopération internationale et la prévention, l'investigation et la poursuite de crimes internationaux devrait être envisagée également à travers l'établissement des Cours internationales permanentes, impartiales, de compétence pénale, soit au niveau régional, soit au niveau universel, comme il était recommandé et poursuivie par l'AIDP pendant des décennies.

II. La protection des droits de l’homme dans l’entraide internationale en matière pénale

184 11. La reconnaissance croissante par les instruments internationaux et les législations nationales récents relatifs à la coopération en matière pénale de l'importance de la protection des droits de l'homme devrait être encouragée. Le souci de protection des droits de l'homme devrait non seulement justifier certaines limites à la coopération existante, mais aussi inspirer les nouvelles formes de coopération. La protection des droits de l'homme ne saurait être considérée comme un obstacle à la coopération internationale, mais plutôt comme un instrument de renforcement de la prééminence du droit.

185 12. Lorsqu'ils ont à faire face à des obligations de droit international public contradictoires tendant, les unes, à la protection des droits de l'homme, les autres à la coopération en matière pénale, les États devraient donner la priorité à celles qui visent à la protection internationale des droits de l'homme, en refusant leur collaboration ou en la subordonnant à certaines conditions restrictives.

186 13. Les États devraient réexaminer la conformité des traités de coopération en matière pénale desquels ils sont parties, aux obligations internationales exigeantes au niveau de la protection des droits de l'homme.

187 14. Lors de la conclusion de nouveaux traités de coopération en matière pénale, les États devraient s'assurer que ces traités ne créent pas d'obligation de coopérer dans des cas ou, de cette coopération, résulterait une violation des droits individuels fondamentaux, tels que, en particulier, le droit de ne pas être soumis à la torture, à des discriminations, à une exécution ou à des arrestations arbitraires, à des confiscations arbitraires ou à des poursuites pénales qui ne satisferaient pas aux conditions générales d'un procès équitable.

188 15. Lorsqu'ils sont saisis de requêtes d'entraide judiciaire en matière pénale, les États ne devraient pas avoir pour principe de ne pas se désintéresser de l'équité et de la légitimité des procédures suivies dans d'autres États. Ils devraient tenir compte de la façon dont les conduites et les libertés sont effectivement respectées dans ces États.

189 16. Lors de l'élaboration de nouveaux instruments de coopération en matière pénale, les États devraient accorder une attention particulière à la définition et à la protection des droits de l'individu ainsi qu'à la manière dont ses intérêts dans les procédures menées sur le fondement de ces instruments sont sauvegardés. Parmi ces droits et intérêts on pourrait inclure, le cas échéant, le droit de provoquer l'application de l'instrument en sa faveur, le droit d'être informé de l'application de l'instrument à son égard et le droit d'accès à une juridiction afin de faire vérifier la légitimité d'une telle application.

190 17. Les droits mentionnés au numéro 6 devraient être également mis en pratique par rapport à tous les instruments existants, plus particulièrement dans les cas du transfert des prisonniers. En vue des aspects humanitaires spécifiques, les instruments déjà existants pour le transfert des prisonniers devraient être mis en pratique d'une manière plus étendue.

191 18. Les États dont la législation relative à la recherche des preuves en matière pénale restreint l'usage de preuves obtenues de manière illicite, devraient appliquer ces mêmes restrictions lorsque les preuves sont recueillies par la voie de l'entraide internationale en matière pénale. Dans tous les États, les preuves qui ont été obtenues en violant les droits fondamentaux de l'homme devraient être exclues.

192 19. Il est contraire au droit international public et il ne devrait pas être toléré d'enlever une personne par force d'un État étranger ou de l'amener sous des prétextes fallacieux à en quitter le territoire, aux fins de l'arrêter et de la soumettre à des poursuites pénales. Un tel fait devrait être reconnu comme un obstacle aux poursuites. La victime d'une telle violation devrait se voir reconnaître le droit d'être rétablie dans la situation antérieure à la violation. Une telle violation devrait aussi conduire à l'indemnisation de l'individu qui en est victime ainsi que de l'État dont la souveraineté a été violée, sans préjudice de la responsabilité pénale des personnes responsables d'enlèvements. Également des procédures comme la déportation ou l'expulsion, commises délibérément afin d'éviter les garanties des procédures d'extradition devraient être écartées.

193 20. La question d'accorder à l'individu le droit de faire contrôler par un juge international l'application de conventions internationales de coopération en matière pénale, notamment au niveau régional, devrait faire l'objet d'approfondissements qui devraient être explorés d'urgence et mise en place efficacement sans plus tarder.

Résolution sur la Cour Pénale Internationale

194 L'Association internationale de droit pénal (A.I.D.P.), lors de son 15ème Congrès international qui s'est tenu à Rio de Janeiro (4-10 septembre 1994) et qui a rassemblé plus de 1.100 juristes provenant de 67 pays, a adopté lors de l'assemblée générale du 10 septembre 1994 la résolution suivante :

195 L'AIDP :

196 Rappelle qu'au long de ses 150 années d'existence, elle a promu des initiatives pour établir un système de justice pénale internationale administré par un tribunal pénal international ;

197 Note avec satisfaction les efforts déployés par la Commission du droit international en vue de la création d'un tribunal pénal international ;

198 Se réjouit de l'établissement d'un tribunal pénal international pour les crimes commis dans l'ex-Yougoslavie et les efforts parallèles développés pour aboutir à un procès identique au Rwanda ;

199 S'engage à assurer la communauté internationale que les auteurs des violations les plus graves au droit international humanitaire et aux droits humains internationaux ne pourront pas commettre de tels actes en toute impunité ;

200 Est convaincue que l'établissement d'un tribunal pénal international permanent pourrait assurer, de manière significative, le respect du droit international et des droits humains ;

201 Est également convaincue qu'un système de justice pénale internationale contribuerait à l'application effective du droit pénal, particulièrement en ce qui concerne le contrôle du crime organisé, du terrorisme, du trafic illicite d'armes – surtout des armes qui provoquent des destructions de masse et du matériel nucléaire – et les violations du droit international humanitaire ;

202 Envisage un ordre mondial dans lequel la justice pénale internationale jouerait un rôle comparable, sur le plan mondial, à celui que jouent les systèmes de justice nationaux sur les plans nationaux ;

203 Insiste pour que la justice pénale internationale reste libre de toute influence politique et de préjugés qui pourraient empêcher son intégrité et son effectivité ;

204 Est préoccupée, cependant, par les délais qui affectent la création d'un système de justice pénale international permanent et qui pourraient exacerber les problèmes en ce qui concerne la coexistence pacifique des Nations, la paix et la sécurité des peuples partout dans le monde et la qualité de la vie de chaque être humain ;

205 Demande aux organes des Nations Unies, en particulier à l'Assemblée générale et au Conseil de sécurité tout comme au Secrétariat général, de consacrer les efforts ultimes pour la réalisation rapide des recommandations évoquées ci-dessus, notamment en convoquant une conférence plénipotentiaire en 1995 pour examiner le rapport de la Commission du droit international pour la création d'un tribunal pénal international permanent ;

206 Adresse également un message à tous les gouvernements pour soutenir les buts d'un système de justice pénale international ainsi que le travail des Nations Unies qui est mené dans cette perspective et pour participer à la conférence plénipotentiaire de 1995 dans le but d'établir, sans délai, un système de justice pénale international effectif ;

207 A cette fin, l'Association internationale de droit pénal offre aux Nations Unies et aux gouvernements intéressés son support et son expertise.

208 Adoptée à Rio de Janeiro, Brésil, le 10 septembre 1994

Notes

  • [1]
    RIDP, vol. 66 (1-2), 1995, pp. 20-46. Version en Anglais, pp. 47-72. Version en Espagnol, pp. 73-99.
  • [2]
    OCDE, le Conseil de l'Europe, les Communautés européennes, le Commonwealth, les Nations-Unies, Interpol et la Chambre internationale de Commerce.
  • [3]
    Traduit de l’Anglais par F. Thomas, Professeur à l’École Royale Militaire, Bruxelles, Belgique.
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