Couverture de RIDP_861

Article de revue

IVe Congrès international de droit pénal (Paris, 26 – 31 juillet 1937)

Pages 41 à 44

Notes

  • [1]
    RIDP, vol.15 (1), 1938, pp. 54-58. Version en Anglais, RIDP vol.19 (3-4), 1948, pp. 421–424.

Thèmes :

1. De quelle manière le droit pénal interne peut-il contribuer à la protection de la paix internationale ?
2. De l’échange international des renseignements concernant les antécédents judiciaires des inculpés.
3. Est-il désirable que les juges puissent retenir et punir un fait qui ne rentre pas expressément sous les termes d’une disposition légale (Nullum delictum sine lege).
4. Quelles garanties doivent être données aux inculpés au cours de l’information préalable ?
5. Quel doit être le rôle du juge dans l’exécution des peines et des mesures de sûreté ?

Première question : De quelle manière le droit pénal interne peut-il contribuer à la protection de la paix internationale ?

1 Le IVème Congrès international de Droit pénal :

2 Considérant que la guerre est un fléau qui met en péril non seulement les pays belligérants, mais les intérêts matériels et moraux du monde entier ;

3 Considérant que le développement de la conscience internationale peut contribuer efficacement à la réalisation de l'œuvre d'organisation de la paix ;

4 Considérant que le droit interne, du fait qu'il s'adresse directement aux individus, peut contribuer utilement à la protection des biens d'où résulte la paix entre les Etats ;

5 Vu que des législations pénales de plus en plus nombreuses tendent à protéger les relations internationales par la répression de faits tels que les crimes contre la sûreté des Etats étrangers et tous autres actes hostiles à un Etat étranger de nature à créer un danger de guerre ou à troubler les relations internationales ;

6 Considérant que certaines législations vont jusqu'à réprimer la propagande et la pression en faveur de la guerre, les outrages à une nation étrangère, ainsi que la diffusion de fausses nouvelles et de faux documents de nature à mettre en péril les relations internationales ;

7 Le Congrès estime :

8 Que, dans le but de contribuer au maintien de la paix entre les peuples, il est souhaitable que la législation criminelle de chaque pays érige en infraction, outre les atteintes aux droits et intérêts de l'Etat national, les atteintes aux droits, et aux intérêts fondamentaux des Etats étrangers et à ceux de la communauté internationale.

Deuxième question : De l'échange international des renseignements concernant les antécédents judiciaires des inculpés

9 1. L'organisation de l'échange international des antécédents des délinquants est d'une nécessité absolue et évidente.

10 2. Doivent être échangés les antécédents judiciaires et, dans les limites des possibilités, les fiches de recherche de biologie criminelle concernant les délinquants.

11 3. L’échange aura lieu dans les cas réglés dans des conventions spéciales.

12 4. Pour effectuer cet échange, il doit être constitué dans chaque pays un bureau central national de documentation qui réunira le matériel concernant ces antécédents.

13 5. Pour l'utilisation du matériel réuni dans les bureaux centraux et pour la diffusion de ce matériel aux Etats intéressés, il est désirable de créer un organisme international de coordination.

14 6. Le Congrès émet le vœu que les Etats procèdent à une unification progressive du système d'identification et signalétique.

15 7. Le Congrès croit utile de conclure une convention internationale multilatérale englobant le plus grand nombre possible d'Etats, pour définir les modes de l'échange international susmentionnés.

Troisième question : Est-il désirable que les juges puissent retenir et punir un fait qui ne rentre pas expressément sous les termes d’une disposition légale (Nullum delictum sine lege) ?

16 1. Le principe de légalité des délits et des peines, garantie nécessaire du droit individuel, a pour conséquence l’exclusion de la méthode analogique, dans l'interprétation des lois pénales.

17 2. Il est à souhaiter que les dispositions de la loi pénale qui définissent les infractions soient conçues en termes assez généraux pour faciliter l'adaptation de la jurisprudence aux nécessités sociales.

18 3. L'exclusion de la méthode analogique concerne uniquement les textes qui renferment les incriminations, qui déterminent les peines, ou qui prévoient des causes d'aggravation de celles-ci.

19 4. Le principe de légalité qui interdit la méthode analogique gouverne les mesures de sûreté au même titre que les peines.

Quatrième question : Quelles garanties doivent être données aux inculpés au cours de l’information préalable ?

20 Pour répondre aux exigences d'une bonne justice, garantissant dans une juste mesure les intérêts de la défense sociale et de la liberté individuelle, la contradiction entre l'accusation et la défense doit être assurée tant devant le magistrat instructeur que devant les juridictions appelées à statuer sur les résultats de l'instruction.

21 Cette contradiction doit être organisée par chaque Etat dans le cadre de sa législation nationale.

22 Toutefois, il est souhaitable qu'à tout le moins le prévenu puisse toujours être assisté de son défenseur devant le magistrat instructeur et que la défense reçoive dans le plus bref délai communication des actes de l'instruction.

23 Il est souhaitable aussi que la défense puisse intervenir (dans la mesure où l'instruction ne puisse être entravée) aux perquisitions, visite des lieus et expertises, et à tout acte qui ne serait pas susceptible d'être renouvelé devant la juridiction de jugement.

24 Il est souhaitable que la détention préventive ne puisse être ordonnée que dans des cas limitativement déterminés par la loi et que toutes les décisions qui suspendent la liberté de l'inculpé soient susceptibles d'être soumises à un contrôle juridictionnel.

Cinquième question : Quel doit être le rôle du juge dans l’exécution des peines et des mesures de sûreté ?

25 1º. Le principe de légalité qui doit être à la base du droit pénitentiaire comme il est à la base du droit criminel en général, ainsi que les garanties de la liberté individuelle exigent l'intervention de l'autorité judiciaire dans l’exécution des peines et des mesures de sûreté, l'Administration pénitentiaire, chargée de cette exécution devant conserver son entière autonomie et son indépendance.

26 2°. L'intervention de l'autorité judiciaire doit comprendre une mission de surveillance et un certain pouvoir de décision.

27 3°. Cette mission de surveillance sera réglée par la loi nationale ; elle pourrait comporter notamment le contrôle de l'application exacte des lois et règlements dans les prisons, spécialement en vue de la réalisation des buts assignés aux peines et aux mesures de sûreté dans leur application à chaque condamné ou interné.

28 Elle peut être exercée, soit par un juge délégué à cet effet à titre permanent, soit par une Commission de surveillance établie auprès de chaque établissement pénitentiaire, et comprenant des magistrats et des personnalités qualifiées s'intéressant aux questions pénitentiaires et au patronage des libérés. Les membres de cette commission doivent être nommés par l'Autorité judiciaire ; elle doit être présidée par le magistrat le plus élevé en grade qui en fait partie. Elle exerce son contrôle par des visites périodiques et obligatoires de ses membres ; elle signale les constatations faites dans des rapports adressés à l'Autorité judiciaire qui les transmet à l'Autorité pénitentiaire supérieure.

29 4º. C'est à l'Autorité judiciaire qu'il appartient de statuer sur toute mesure devant modifier le terme préfixé des peines ou les modalités essentielles de leur régime.

30 C’est à elle également qu'il appartient de statuer sur la suspension, l'ajournement, la modification ou la substitution des mesures de sûreté, ainsi que sur la prolongation de l'internement ou la libération des individus frappés d'une sentence indéterminée.

31 La décision doit être prise soit par le juge déterminé par chaque législation nationale, qui sera autant que possible le juge qui a prononcé la sentence, soit par une Commission mixte comprenant un juge président et deux ou plusieurs personnes prises parmi les médecins, les avocats ou les membres des sociétés de patronage. Les membres de cette Commission doivent être nommés par l'Autorité judiciaire et choisis de préférence parmi les membres des commissions de surveillance.

32 La loi doit indiquer limitativement les mesures qui doivent être ordonnées par le juge ou par la Commission mixte. Elle doit déterminer les garanties juridictionnelles qui doivent accompagner la décision et qu'elle peut faire varier avec la gravité de la décision à prendre.

33 La loi doit prévoir aussi les cas dans lesquels la décision sera susceptible d'un recours et organiser ce recours soit devant un juge supérieur, soit devant une Commission centrale créée d'après les mêmes bases que les Commissions locales.

34 5°. Il est désirable que les magistrats soient associés à l'œuvre du patronage et de réadaptation sociale des condamnés ou internés après leur libération. Dans les pays où existent des Comités officiels de patronage, un certain nombre de magistrats doit obligatoirement en faire partie.

Notes

  • [1]
    RIDP, vol.15 (1), 1938, pp. 54-58. Version en Anglais, RIDP vol.19 (3-4), 1948, pp. 421–424.
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