Notes
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[*]
Magistrat.
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[1]
Cour Européenne des Droits de l’Homme, 23 novembre 2010, requête n°37104/06
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[2]
2 Cour Européenne des Droits de l’Homme, Grande chambre, 29 mars 2010, requête n°3394/03
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[3]
Décision rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité en date du 17 décembre 2010 (QPC n°2010-80 M. Michel F.) : “Considérant, en outre, que, si l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet, l’intervention d’un magistrat du siège est requise pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante huit heures” confirmée par une décision du 6 mai 2011 (QPC n°2011-125, M. Abderrahmane L.)
-
[4]
Décision de la Chambre criminelle du 15 décembre 2010 sur le pourvoi n°7177 : “Attendu que si c’est à tort que la chambre de l’instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l’article 5§3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, alors qu’il ne présente pas les conditions d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure […]”
-
[5]
Cf. notamment François HOLLANDE, Président de la République française, in Mes 60 engagements pour la France, page 34 : “Je garantirai l’indépendance de la justice et de tous les magistrats : les règles de nomination et de déroulement de carrière seront revues à cet effet ; je réformerai le Conseil supérieur de la magistrature. J’interdirai les interventions du gouvernement dans les dossiers individuels. Je remettrai à plat la procédure pénale pour la rendre efficace dans le respect des principes fondamentaux de l’État de droit.”
-
[6]
Audition du 5 juillet 2012 ouverte à la presse de Christiane TAUBIRA, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, devant la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Séance de 9 heures 30, Compte rendu n°3, pp.5-6 : “Ensuite, la réforme du Parquet. Il n’y aura plus, il n’y aura pas, je l’ai dit, d’instructions individuelles, mais il continuera bien entendu d’y avoir des instructions générales et impersonnelles, ce qui ne signifie d’ailleurs pas qu’elles doivent nécessairement concerner l’intégralité du territoire.
Une situation donnée en un lieu donné ou des actions répétitives sur un même mode opératoire peuvent justifier une instruction générale et impersonnelle. En cas de conflit routier par exemple, une telle instruction peut indiquer au Parquet à partir de quels éléments du code traiter les incidents. En sens inverse, les remontées d’informations techniques et juridiques en provenance des juridictions alimentent la politique pénale. L’article 30 du code de procédure pénale, introduit par la loi du 9 mars 2004, dispose que le garde des Sceaux conduit la politique d’action publique. Cela ne me paraît pas un progrès démocratique. Nous sommes nombreux ici à penser que s’il appartient au garde des Sceaux de définir la politique pénale sur l’ensemble du territoire, l’action publique doit être exercée par les parquets. Si les procureurs généraux peuvent, eux, continuer de donner des instructions, il faut leur donner des garanties statutaires. Cela renvoie à la réforme de leur statut.” -
[7]
Cf. L’article “Nous serons tous devant le CSM” de l’association des Jeunes Magistrats (AJM) publié sur internet : http://www.jeunesmagistrats.fr/v2/Nous-serons-tous-devant-le-CSM.html
-
[8]
L’article 33 du code de procédure pénale a légalisé le vieil adage selon lequel “La plume est serve, mais la parole est libre” en précisant que le procureur “développe librement les réquisitions orales qu’il croit convenable au bien de la justice”
-
[9]
Jean-Claude MARIN, procureur général près la Cour de cassation, in Discours du 9 janvier 2012 prononcé lors de l’audience de rentrée solennelle de la Cour de cassation : “La réforme des conditions de nomination des magistrats du parquet en les alignant sur celles des magistrats du siège, c’est-à-dire en formalisant le caractère impératif de l’avis donné par le Conseil Supérieur de la Magistrature sur les projets de nomination, mettrait ainsi tout simplement en conformité la pratique que vous avez adoptée avec les textes. Il ne s’agit pas seulement de satisfaire un goût pour le bel ordonnancement de l’édifice juridique dans ce pays de droit écrit, c’est aussi une manière éclatante de mettre un terme à ces soupçons, certes infondés, qui oblitèrent gravement toute réforme en profondeur de la procédure pénale. Il ne s’agit pas non plus de brandir l’étendard de l’indépendance individuelle de chaque magistrat du parquet aboutissant, hors de tout lien hiérarchique, à la perte de cohérence dans la mise en œuvre de l’action publique et la réponse désordonnée aux phénomènes de criminalité et de délinquance dont nos concitoyens seraient les premières victimes. La nécessaire cohésion de l’action du Ministère Public par l’existence d’un lien hiérarchique interne n’est pas sérieusement contestée, en tout cas pas par les magistrats du Ministère Public, de même que n’est pas vraiment remise en cause la capacité que doit conserver le gouvernement d’imprimer des axes de politique pénales par des instructions générales traduisant ainsi la volonté exprimée par les français en portant aux rênes du pouvoir telle ou telle majorité.
De même, la capacité donnée, par des instructions individuelles de poursuites, écrites, motivées et soumises au débat contradictoire, dans les termes actuels du code de procédure pénale, ne devrait pas être critiquée puisqu’il s’agit, par l’exigence d’un acte de poursuite, de soumettre l’affaire au juge qui statuera en toute impartialité, non sans avoir entendu préalablement la parole libre du Ministère Public. Mais cela ne suffit pas, ne suffit plus ! -
[10]
Cf. notre commentaire de la circulaire d’action publique du 19 septembre 2012 intitulé « Présentation raisonnée de la nouvelle architecture du Ministère public, Gaz. Pal. 28-30 oct. 2012, Etude p. 17 et s.
-
[11]
C’est notamment l’exemple italien rapporté par Massimo Vogliotti “Les relations police-parquet en Italie : un équilibre menacé ?”, Droit et société 3/2004 (n°58), p. 453-497.
-
[12]
Dans le rapport définitif publié à la Documentation Française “La mise en état des affaires pénales”, la Commission Justice pénale et Droits de l’Homme (présidée par Mireille DELMAS-MARTY entre 1988 et 1990) détaillait dans une section intitulée Instituer un nouveau ministère public aussi bien les questions statutaires que les attributions de nouvelles prérogatives. La commission n’a cependant pas engagé de réflexion sur ce qu’elle nomme la “déhiérarchisation” du parquet, qu’elle n’envisage que sous l’angle d’une autonomie de chaque procureur sur son propre ressort. Autonomie que nous critiquons ici comme pouvant être le pire système que le parquet français pourrait avoir à connaître.
1Depuis les décisions de la Cour européenne des Droits de l’homme MOULIN contre France [1] et MEDVEDYEV contre France [2], il semble acquis dans le débat public qu’une vaste réforme du ministère public soit devenue, au moins nécessaire, au mieux indispensable.
2Toutefois, il est cependant paradoxal que les avancées les plus significatives en cette matière soient justifiées par ces décisions, qui bien qu’importantes du fait de leurs portées respectives, n’auraient pas été différentes si le procureur de la République française avait été une autorité indépendante du pouvoir exécutif au sens de la Convention européenne des Droits de l’homme.
3De la même manière sur le terrain de la notion d’autorité judiciaire reconnue au ministère public, seul le Conseil constitutionnel français réaffirme une telle position au visa de l’article 66 de la Constitution française du 4 octobre 1958 [3]. La Cour de cassation, notamment dans sa motivation de l’arrêt CREISSEN [4] ayant indiqué qu’une telle qualification était erronée, puisque le procureur restait lui-même une partie poursuivante et que le critère d’impartialité requis par la Cour de Strasbourg au sens de l’article 6 de la convention européenne des Droits de l’Homme, lui faisait par essence défaut.
4La remise en question théorique de la notion d’autorité judiciaire du parquet n’est donc pas la motivation première d’une réforme de son statut. Il semble au contraire qu’une telle évolution soit le fruit du débat politique et des émois de l’opinion publique s’indignant des affaires politico-financières mêlant certaines personnalités de l’ancienne majorité.
5En effet, nombre des candidats à l’élection présidentielle, dont François HOLLANDE devenu président de la République, ont inscrit cette réforme à la liste de leurs engagements de campagne [5]. Les candidats HOLLANDE et SARKOZY, précisant même lors du débat de l’entre-deux tours des élections que le statut du procureur de la République français ne pouvait se satisfaire de soupçons de dépendance au pouvoir exécutif.
6La chose semble ainsi acquise, une réforme du parquet français aura lieu dans les prochains mois. Cependant à bien écouter les propos des uns et des autres sur le sujet, et notamment les déclarations récentes de Christiane TAUBIRA [6], Garde des sceaux, cette nouvelle réforme de l’ordonnancement judiciaire portera principalement sur le terrain du statut du ministère public, délaissant par là la question de l’indépendance du parquet dans ses fonctions quotidiennes de magistrat.
7La majorité présidentielle semble avoir ainsi circonscrit l’évolution du ministère public aux questions phares de la nomination, de la discipline et des instructions individuelles de politique pénale pour permettre à la magistrature debout d’entrer dans l’indépendance.
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9Première réflexion sur la question du statut constitutionnel du parquet, celle-ci ne doit bien évidemment pas être négligée. Les exemples de non-respect par le ministère de la Justice de l’avis rendu par la formation Parquet du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) sont peu nombreux mais apportent un lot de suspicions désagréables qui ont le mérite d’être particulièrement significatives d’un malaise profond de la démocratie judiciaire de notre cinquième République.
10De la même manière, la poursuite récente d’un magistrat du Parquet sur le fondement de propos tenus à l’audience [7], remettant en cause par ce biais la notion essentielle de la liberté de parole du ministère public à l’audience [8], démontre l’importance du renforcement des garanties statutaires dans la nécessaire séparation avec le pouvoir exécutif.
11Jean-Claude MARIN [9]précisait lui même lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation dont il est le procureur général que les réformes récentes de 2008 et 2010 imposant un avis sur les mutations des membres les plus éminents du ministère public était une avancée qu’il convenait d’étoffer au risque de la laisser “orpheline d’une étape cardinale”, celle de l’avis conforme impératif du CSM comme préalable à toute mutation au parquet.
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13Toutefois, une réforme qui ne porterait que sur cet aspect serait vaine quant à l’objectif premier de permettre à ce corps de magistrat d’égaler leurs collègues du siège sur le terrain de l’indépendance en son ensemble.
14Car la véritable différence qui existe entre les juges et les magistrats du parquet français touche au fond de la pratique judiciaire et remet en cause son héritage historique. C’est en effet de la question de la hiérarchie du parquet dont il s’agit.
15À la différence des magistrats du siège qui disposent d’une hiérarchie indiciaire, le ministère public est quant à lui hiérarchisé jusque dans sa pratique. Ainsi, alors que les juge décide ou ordonne au nom du peuple français peu important son lien hiérarchique, le substitut, le Vice-procureur ou le procureur-adjoint engagent le Parquet dans son ensemble, mais au travers du nom du procureur. Le terme de substitut est d’ailleurs particulièrement significatif de cette hiérarchisation du parquet et doit d’ailleurs alerter notre législateur sur les travers que pourrait connaître un ministère public localement dirigé par un procureur devenu indépendant par sa nomination, alors que ses collaborateurs restent quant à eux directement responsables devant lui.
16En clair, le soupçon de dépendance du Procureur à l’égard du politique s’écrit au pluriel. En effet, il ne faut pas oublier que le Procureur de la République n’est que l’un des maillons d’une longue chaîne de dépendances que noue la hiérarchie du Parquet, allant du Garde des sceaux, passant par les Procureurs Généraux près les Cours d’appels, et rejoignant à travers les Procureurs de la République les parquetiers près les tribunaux de grande instance, de l’adjoint du procureur jusqu’aux substituts du deuxième grade, c’est-à-dire l’échelon le plus inférieur du ministère public. La hiérarchie est ainsi l’essence même du métier de parquetier à la française, et seul un abandon d’un tel lien serait à même de faire évoluer les projets de réforme en cours de la simple neutralité à l’égard du pouvoir exécutif vers la réelle indépendance du ministère public français.
17Sur ce point, la majorité actuelle semble n’avoir engagé qu’une réflexion minimaliste parcourue de divisions doctrinales en son propre sein. Seule une circulaire - texte de nature réglementaire et de portée juridique infra-législative – visant à prohiber les instructions individuelles a été prise le 19 septembre 2012 par la Garde des Sceaux [10]. En clair, aucune remise en cause structurelle du modèle pyramidal du parquet ne semble à cette heure envisagée.
18Malheureusement, seule une rupture radicale du lien hiérarchique avec le pouvoir exécutif inscrite dans un texte solennel et de portée supra-législative pourrait être à même de constituer le critère d’indépendance que la Cour européenne des droits de l’homme rappelle au gré des décisions rendues contre l’État français. Surtout un tel texte permettrait à la justice de devenir un véritable pouvoir judiciaire et non une simple autorité comme le prévoit actuellement la Constitution du 4 octobre 1958.
19Revenir à une absence de hiérarchie permettrait surtout de mettre un terme à l’idée d’une politique pénale, appartenant au Garde des sceaux, et déclinée localement par les chefs de parquet, pour lui préférer les contours de la loi pénale comme seule hiérarchie des manquements au contrat social.
20L’idée d’une politique pénale initiée depuis le niveau de l’enquête jusqu’à son aboutissement et son éventuelle poursuite pourrait légitimement se comprendre. A l’inverse, la simple systématisation d’une capacité et de choix de poursuites ne saurait revêtir le qualificatif recherché de “politique”, puisque dans ce cas le ministère public n’y est plus que la tête pensante et rassurante d’une conduite réellement menée par le ministère de l’intérieur.
21L’absence de hiérarchie du parquet permettrait encore de remettre en question la présence du procureur de la République au sein des instances de politique de la ville dont certains membres eux-mêmes affirment qu’ils sont un moyen de réguler l’action du parquet en faisant de lui un partenaire privilégié, inclus dans le maillage administratif local. Comment peut-on être juge d’une politique lorsque l’on en ait l’une des parties ? Comment parler d’indépendance véritable lorsque l’on ne fait que coordonner une prévisibilité de réponse pénale avec ceux qui détiennent les moyens de la mettre en œuvre?
22Ainsi, au-delà du raccourci intellectuel consistant à croire que l’indépendance statutaire du parquet permettrait une indépendance de l’enquête - chose qui n’est pas conforme à la structure actuelle faisant du Procureur le directeur d’une police judiciaire dont il ne gère ni les effectifs, ni les moyens matériels – l’absence de hiérarchie pourrait être le premier jalon d’une autorité judiciaire responsable de la mise en œuvre matérielle et concrète de l’action policière [11].
23* * *
24De telles modifications de notre droit constitutionnel ne sauraient toutefois être engagées sans une réflexion d’ensemble sur la procédure pénale et les moyens financiers pouvant être accordés à ce nouveau pouvoir.
25A cette heure cependant, le débat est bien loin d’une telle remise en question pourtant primordiale. Les enjeux macroéconomiques actuels éloignent d’ailleurs toute possibilité de dépenses publiques d’ampleur permettant une réforme structurelle aussi importante dans les mois ou les années à venir.
26Ainsi, des réflexions globales menées dans les années 90 [12] jusqu’à l’architecture récemment proposée dans l’avant projet au titre faussement prémonitoire “de futur code de procédure pénale” présenté le 1er mars 2010 au gouvernement et visant à expurger notre procédure pénale du magistrat instructeur, il ne reste plus de thuriféraire d’un parquet “atomisé”, “déhiérarchisé” dont le fonctionnement calqué sur le modèle des juges d’instruction existent dans d’autres systèmes judiciaires et qui pourrait réellement diriger les enquêtes et instruire les dossiers qui leurs sont soumis.
27D’ailleurs les réflexions d’un Groupe de Travail mené sur le fonctionnement du Parquet en France publiées au mois de mars 2012 par la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces du Ministère de la Justice (DACG) préconisaient la nécessité de “redéfinir le champs de compétence du ministère public” français, question éminemment importante mais qui ne remet nullement en cause les questions statutaires fondamentales d’exercice de la fonction.
28Gageons que le parquet ne reste pas au cœur d’un simple théâtre politicien convenu sur des décisions déjà prises ne visant qu’à valider dans les textes une pratique presque établie qui n’occulterait pas en soi l’idée « complotiste » d’un ministère public prenant ses instructions verbales directement du politique.
29* * *
30Pour conclure, espérons que le petit pas en avant que nous nous apprêtons à faire soit le premier d’une longue série vers une indépendance réelle de tous les membres du parquet, et non seulement des procureurs. Et mettons sur le métier une réflexion profonde conduisant à un projet de réforme qui soit non seulement conforme avec les standards européens imposés mais également avec l’histoire de notre démocratie.
31Une telle réflexion distinguera toute volonté réelle de réforme en profondeur de l’institution parquetière d’un simple “dépoussiérage” conjoncturel soucieux d’une rupture avec les pratiques antérieures certes, mais bien loin d’une évolution démocratique majeure.
Notes
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Magistrat.
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Cour Européenne des Droits de l’Homme, 23 novembre 2010, requête n°37104/06
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2 Cour Européenne des Droits de l’Homme, Grande chambre, 29 mars 2010, requête n°3394/03
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Décision rendue sur une question prioritaire de constitutionnalité en date du 17 décembre 2010 (QPC n°2010-80 M. Michel F.) : “Considérant, en outre, que, si l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet, l’intervention d’un magistrat du siège est requise pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante huit heures” confirmée par une décision du 6 mai 2011 (QPC n°2011-125, M. Abderrahmane L.)
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Décision de la Chambre criminelle du 15 décembre 2010 sur le pourvoi n°7177 : “Attendu que si c’est à tort que la chambre de l’instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l’article 5§3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, alors qu’il ne présente pas les conditions d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure […]”
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[5]
Cf. notamment François HOLLANDE, Président de la République française, in Mes 60 engagements pour la France, page 34 : “Je garantirai l’indépendance de la justice et de tous les magistrats : les règles de nomination et de déroulement de carrière seront revues à cet effet ; je réformerai le Conseil supérieur de la magistrature. J’interdirai les interventions du gouvernement dans les dossiers individuels. Je remettrai à plat la procédure pénale pour la rendre efficace dans le respect des principes fondamentaux de l’État de droit.”
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[6]
Audition du 5 juillet 2012 ouverte à la presse de Christiane TAUBIRA, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, devant la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Séance de 9 heures 30, Compte rendu n°3, pp.5-6 : “Ensuite, la réforme du Parquet. Il n’y aura plus, il n’y aura pas, je l’ai dit, d’instructions individuelles, mais il continuera bien entendu d’y avoir des instructions générales et impersonnelles, ce qui ne signifie d’ailleurs pas qu’elles doivent nécessairement concerner l’intégralité du territoire.
Une situation donnée en un lieu donné ou des actions répétitives sur un même mode opératoire peuvent justifier une instruction générale et impersonnelle. En cas de conflit routier par exemple, une telle instruction peut indiquer au Parquet à partir de quels éléments du code traiter les incidents. En sens inverse, les remontées d’informations techniques et juridiques en provenance des juridictions alimentent la politique pénale. L’article 30 du code de procédure pénale, introduit par la loi du 9 mars 2004, dispose que le garde des Sceaux conduit la politique d’action publique. Cela ne me paraît pas un progrès démocratique. Nous sommes nombreux ici à penser que s’il appartient au garde des Sceaux de définir la politique pénale sur l’ensemble du territoire, l’action publique doit être exercée par les parquets. Si les procureurs généraux peuvent, eux, continuer de donner des instructions, il faut leur donner des garanties statutaires. Cela renvoie à la réforme de leur statut.” -
[7]
Cf. L’article “Nous serons tous devant le CSM” de l’association des Jeunes Magistrats (AJM) publié sur internet : http://www.jeunesmagistrats.fr/v2/Nous-serons-tous-devant-le-CSM.html
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[8]
L’article 33 du code de procédure pénale a légalisé le vieil adage selon lequel “La plume est serve, mais la parole est libre” en précisant que le procureur “développe librement les réquisitions orales qu’il croit convenable au bien de la justice”
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[9]
Jean-Claude MARIN, procureur général près la Cour de cassation, in Discours du 9 janvier 2012 prononcé lors de l’audience de rentrée solennelle de la Cour de cassation : “La réforme des conditions de nomination des magistrats du parquet en les alignant sur celles des magistrats du siège, c’est-à-dire en formalisant le caractère impératif de l’avis donné par le Conseil Supérieur de la Magistrature sur les projets de nomination, mettrait ainsi tout simplement en conformité la pratique que vous avez adoptée avec les textes. Il ne s’agit pas seulement de satisfaire un goût pour le bel ordonnancement de l’édifice juridique dans ce pays de droit écrit, c’est aussi une manière éclatante de mettre un terme à ces soupçons, certes infondés, qui oblitèrent gravement toute réforme en profondeur de la procédure pénale. Il ne s’agit pas non plus de brandir l’étendard de l’indépendance individuelle de chaque magistrat du parquet aboutissant, hors de tout lien hiérarchique, à la perte de cohérence dans la mise en œuvre de l’action publique et la réponse désordonnée aux phénomènes de criminalité et de délinquance dont nos concitoyens seraient les premières victimes. La nécessaire cohésion de l’action du Ministère Public par l’existence d’un lien hiérarchique interne n’est pas sérieusement contestée, en tout cas pas par les magistrats du Ministère Public, de même que n’est pas vraiment remise en cause la capacité que doit conserver le gouvernement d’imprimer des axes de politique pénales par des instructions générales traduisant ainsi la volonté exprimée par les français en portant aux rênes du pouvoir telle ou telle majorité.
De même, la capacité donnée, par des instructions individuelles de poursuites, écrites, motivées et soumises au débat contradictoire, dans les termes actuels du code de procédure pénale, ne devrait pas être critiquée puisqu’il s’agit, par l’exigence d’un acte de poursuite, de soumettre l’affaire au juge qui statuera en toute impartialité, non sans avoir entendu préalablement la parole libre du Ministère Public. Mais cela ne suffit pas, ne suffit plus ! -
[10]
Cf. notre commentaire de la circulaire d’action publique du 19 septembre 2012 intitulé « Présentation raisonnée de la nouvelle architecture du Ministère public, Gaz. Pal. 28-30 oct. 2012, Etude p. 17 et s.
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[11]
C’est notamment l’exemple italien rapporté par Massimo Vogliotti “Les relations police-parquet en Italie : un équilibre menacé ?”, Droit et société 3/2004 (n°58), p. 453-497.
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Dans le rapport définitif publié à la Documentation Française “La mise en état des affaires pénales”, la Commission Justice pénale et Droits de l’Homme (présidée par Mireille DELMAS-MARTY entre 1988 et 1990) détaillait dans une section intitulée Instituer un nouveau ministère public aussi bien les questions statutaires que les attributions de nouvelles prérogatives. La commission n’a cependant pas engagé de réflexion sur ce qu’elle nomme la “déhiérarchisation” du parquet, qu’elle n’envisage que sous l’angle d’une autonomie de chaque procureur sur son propre ressort. Autonomie que nous critiquons ici comme pouvant être le pire système que le parquet français pourrait avoir à connaître.