Notes
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[1]
Cet article est tiré d’une communication prononcée par l’auteur à l’occasion des 9es Doctoriades de l’Université de Toulon, au cours de l’atelier portant sur « Les violences », en octobre 2019.
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[2]
Démosthène, « Discours contre Timocrate », in Discours judiciaires, trad. C. Poyard, Paris, Garnier Frères, 1905, p. 305, citant Solon.
-
[3]
Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, créée par traité le 17 octobre 1993 et fédérant à ce jour dix-sept États d’Afrique, en grande majorité de tradition juridique civiliste.
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[4]
V. compte rendu du Conseil des ministres de l’OHADA, Bangui, les 22 et 23 mars 2001, Journal officiel de l’OHADA, n° 12, 28 février 2003, p. 7. Dans le vocabulaire du droit OHADA, tel qu’employé dans le Traité fondateur, dans les documents officiels de l’organisation ou encore dans la doctrine, la notion d’harmonisation est utilisée de façon interchangeable avec celle d’uniformisation, bien qu’il existe en réalité une nuance entre les deux et que la seconde soit la plus appropriée en l’occurrence. L’OHADA réalise en effet, non pas un simple rapprochement, mais une véritable fusion des législations des Etats parties, dans les matières couvertes, par l’entremise de normes communes dites justement « actes uniformes ». V. en ce sens, H. D. Modi Koko Bebey, « L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : regard sous l’angle de la théorie générale du droit », Juriscope, Revue de l’actualité juridique, 2001, pp. 13-15, disponible sur http://www.daldewolf.com/documents/document/20151221114452-47_29_droit_ohada_regard_sous_l_x27_angle_de_la_theorie_generale_du_droit_modi_koko.pdf, consulté le 29 novembre 2019.
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[5]
V. compte rendu de la réunion spéciale du Conseil des ministres de l’OHADA, Niger, les 26 et 27 juillet 2007, Journal officiel de l’OHADA, n° 19, 1er octobre 2009, p. 9.
-
[6]
V. M. Fontaine, « Note explicative à l’avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats », Rev. dr. unif., janvier 2008, vol. 13, n° 1-2, p. 565, disponible sur : http://academic.oup.com, consulté le 26 octobre 2019.
-
[7]
V., y compris sur la manière dont les États adaptent leur droit aux standards internationaux pour attirer de la richesse, B. Frydman, « Les défis du droit global », in C. Bricteux et B. Frydman (dir.), Les défis du droit global, Bruxelles, Bruylant, 2017, pp. 9-10.
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[8]
V. P.G. Pougoué, J. Issa-Sayegh et F.M. Sawadogo, « Projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l’espace OHADA », pp. 4-6, disponible sur : https://www.fondation-droitcontinental.org, consulté le 26 octobre 2019 ; Adde P.G. Pougoué, « L’avant-projet d’acte uniforme OHADA sur le droit des contrats : les tribulations d’un universitaire », Ohadata, 2007, D-07-41, pp. 7 et s.
-
[9]
Si, jusqu’à une période récente, et en dépit de tous les débats qu’il soulève, le projet d’harmonisation du droit des contrats était encore défendu par les instances de l’OHADA, notamment par le Secrétariat permanent (v. D.C. Sossa, « Pour une harmonisation du droit des contrats dans les pays membres de l’OHADA », JCP G 2016, n° 4, p. 588), l’on ignore où il en est à ce jour. Le nouveau Secrétaire permanent n’en fait pas spécialement mention au titre de ses tâches, même s’il compte « consolider et maintenir les acquis » (« Interview du Pr. Emmanuel Sibidi Darankoum, Secrétaire permanent de l’OHADA », Le Bulletin du bureau de l’administrateur de la Banque mondiale, novembre 2019, p. 20.). En tout état de cause et même dans l’hypothèse d’un abandon du projet, la présente étude conserve sa pertinence, ne serait-ce qu’au regard des législations nationales qui envisageraient une évolution.
-
[10]
V. infra, 1.1.1.
-
[11]
V. ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018.
-
[12]
V., par exemple, l’un des arrêts les plus remarqués sur le sujet, Civ. 1re, 30 mai 2000, n° 98-15.242, D. 2000, jurispr. p. 879, note J.-P. Chazal, et D. 2001, somm. p. 1140, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2000, p. 827, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. p. 863, obs. P.-Y. Gautier ; Contrats, conc., consom. 2000, comm. n° 142, obs. L. Leveneur ; Defrénois 2000, p. 1124, obs. Ph. Delebecque ; Dr. et patrimoine 2000, n° 2652, obs. P. Chauvel ; JCP 2001, II, n° 10461, obs. G. Loiseau ; LPA 11 avr. 2001, p. 17, note L. Belmonte.
-
[13]
V. rapport au Président de la République, p. 10.
-
[14]
Sur le bien-fondé de telles exclusions, v. Y. Picod, « Rapport introductif », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, Thèmes & commentaires, Paris, Dalloz, 2017, p. 4.
-
[15]
V., par exemple, Code civil camerounais, art. 1111 et s. ; Code civil burkinabé, art. 1111 et s. ; Code civil guinéen, art. 1059 et s. ; Code sénégalais des obligations civiles et commerciales, art. 64 ; loi malienne du 29 août 1987 fixant le régime général des obligations, art. 39 et s. ; décret congolais (RDC) du 30 juillet 1888 traitant « Des contrats ou des obligations conventionnelles », art. 11 et s.
-
[16]
Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général (AUDCG), art. 234 et s.
-
[17]
Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route (AUCTMR).
-
[18]
V. R.N. Temgwa, « Les contrats partiellement réglementés en droit OHADA », in Le droit OHADA, bilan et perspectives, actes du colloque annuel du Diplôme inter-universitaire Juriste OHADA, LPA, septembre 2015, numéro spécial, n° 192, pp. 41 et s. et A. Ghozi, P-E. Audit et C. Grimaldi, « Esquisse d’un droit commun des contrats à partir des actes uniformes », in Le droit OHADA, bilan et perspectives, ibid., p. 50.
-
[19]
V. A. Ghozi, P-E. Audit et C. Grimaldi, « Esquisse d’un droit commun des contrats à partir des actes uniformes », loc. cit.
-
[20]
Art. 3/10, 1° : « La nullité du contrat ou de l’une de ses clauses pour cause de lésion peut être invoquée par une partie lorsqu’au moment de sa conclusion, le contrat ou la clause accorde injustement un avantage excessif à l’autre partie. On doit, notamment, prendre en considération […] le fait que l’autre partie a profité d’une manière déloyale de l’état de dépendance, de la détresse économique, de l’urgence des besoins, de l’imprévoyance, de l’ignorance, de l’inexpérience ou de l’inaptitude à la négociation de la première ».
-
[21]
Art. 3/10, 2°.
-
[22]
Art. 77.
-
[23]
Cour suprême, 3 juin 2010, n° 414.
-
[24]
V. infra, 2.1.1.
-
[25]
Com., 9 oct. 2007, n° 06-16.744.
-
[26]
Civ. 1re, 18 févr. 2015, n° 13-28.278, D. 2015, p. 432 ; D. 2016, p. 566, obs. M. Mekki ; AJCA 2015, p. 221, obs. L. Perdrix ; RTD civ. 2015, p. 371, obs. H. Barbier.
-
[27]
Idem.
-
[28]
V. M. Bakhoum, « Cohérence institutionnelle et effectivité d’une politique régionale de la concurrence : le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) », RIDE 2011/3, pp. 310-311 ; Y. Kalieu Elongo, « Un nouveau règlement pour régir la concurrence dans la CEMAC », 24 juillet 2019, disponible sur : https://kalieu-elongo.com, consulté le 7 novembre 2019, et P.G. Pougoué et al., v° Actes uniformes, Encyclopédie du droit OHADA, 2011, p. 118, n° 363.
-
[29]
V. C. Gavalda-Moulenat, « La violence économique et le droit de la consommation. L’abus de faiblesse », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., p. 76 ; V. Valette-Ercole, « Violence économique et pratiques commerciales agressives », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), ibid., p. 87 ; J. Julien, Droit de la consommation, 2e éd., Paris, LGDJ, 2016, pp. 157 et s. L’on pourrait ajouter aux pratiques visées, mais dans une certaine mesure seulement, les clauses abusives.
-
[30]
CCJA, 17 déc. 2015, n° 169/2015.
-
[31]
Il en va ainsi de la République démocratique du Congo, du Congo Brazzaville, de l’Union des Comores, du Gabon, de la Guinée-Bissau, de la Guinée équatoriale, du Sénégal, du Togo, du Burkina Faso et de la Centrafrique. Pour un inventaire complet des législations nationales africaines en la matière, à jour à la date du 14 juillet 2018, v. K. Mouaffo-Kengne, « Le droit de la consommation, un droit émergent en Afrique. Récapitulatif des textes », disponible sur : https://www.legavox.fr/blog/dr-kamwe-mouaffo, consulté le 7 novembre 2019.
-
[32]
V. les textes de la Guinée (Loi L/94/003/CTRN du 14 février 1994 relative à la protection des consommateurs, au contrôle des denrées, marchandises et services et à la répression des fraudes commerciales), du Bénin (Loi n° 2007-21 du 16 octobre 2007 portant protection du consommateur en République du Bénin), du Tchad (Loi n° 005/PR/2015 du 4 février 2015 portant protection du consommateur au Tchad), du Cameroun (Loi-cadre n° 2011/012 du 6 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun) et du Niger (Décret du 2 novembre 2018 portant modalités d’application de la loi déterminant les principes fondamentaux de la protection du consommateur en République du Niger).
-
[33]
Loi n° 2015-036/ du 16 juillet 2015 portant protection du consommateur, notamment titre IV, chapitre VI. V. A. Diabaté, « Réflexions sur la codification du droit de la consommation au Mali : Contribution à la protection juridique des consommateurs », Ohadata, D-18-19, disponible sur : http://www.ohada.com, consulté le 16 novembre 2019.
-
[34]
Loi n° 2016-412 du 15 juin 2016 relative à la consommation, notamment livre 1, titre 2, chapitre 2.
-
[35]
Union économique et monétaire ouest-africaine.
-
[36]
Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale.
-
[37]
V. I. Zoungrana, Réflexions autour de la protection des consommateurs de la zone UEMOA dans sa perspective d’intégration économique communautaire. Étude comparative avec le droit européen (Français), Thèse de doctorat, Université de Perpignan, 2016, p. 238.
-
[38]
V. Y. Kalieu Elongo, « La Directive du 8 avril 2019 harmonisant la protection des consommateurs dans la CEMAC : En attendant la mise en œuvre », 27 avril 2020, disponible sur : https://kalieu-elongo.com, consulté le 18 novembre 2019.
-
[39]
En particulier l’article 40 (xii), (xiii) et (xiv).
-
[40]
V. traité fondateur de la CEMAC, art. 41. Adde Y. Kalieu Elongo, « La Directive du 8 avril 2019 harmonisant la protection des consommateurs dans la CEMAC : En attendant la mise en œuvre », op. cit.
-
[41]
P.G. Pougoué et al., V° Actes uniformes, Encyclopédie du droit OHADA, op. cit., p. 118, n° 359.
-
[42]
N. Dorandeu, « Violence économique et droit de la concurrence », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., pp. 70 et s.
-
[43]
CCJA, 3e ch., 22 nov. 2018, no 206/2018, LEDAF, n° 112g8, juill. 2019, p. 4 (sommaire), obs. K. Mouaffo.
-
[44]
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
-
[45]
V., par exemple, Règlement CEMAC relatif à la concurrence, art. 33, al. 1.
-
[46]
Dans la retentissante affaire Intel où le géant américain des microprocesseurs s’est vu infliger une amende de 1,06 milliard d’euros par la Commission européenne pour abus de position dominante, la CJUE a annulé l’arrêt confirmatif du Tribunal de l’Union européenne, au motif notamment que l’article 102 TFUE applicable en la matière « ne vise pas non plus à assurer que des concurrents moins efficaces que l’entreprise occupant une position dominante restent sur le marché […] Ainsi, tout effet d’éviction ne porte pas nécessairement atteinte au jeu de la concurrence », CJUE, 6 sept. 2017, Intel Corp. Inc. c. Commission européenne, aff. C-413/14. En l’espèce, la CJUE a estimé que l’appréciation de l’existence d’une atteinte au jeu de la concurrence devait passer notamment par le test du concurrent aussi efficace, dit test AEC. Or ce test, destiné à établir si la pratique litigieuse est susceptible de restreindre la compétition des concurrents aussi efficaces que l’entreprise dominante, est d’une pertinence fort douteuse (M. Malaurie-Vignal, Droit de la concurrence interne et européen, 8e éd., Paris, Sirey, 2019, p. 277) et est réputé favorable à l’entité dominante (J.-Chr. Roda, Droit de la concurrence, Paris, Dalloz, 2019, p. 125).
-
[47]
L. Boy, « Quel droit de la concurrence pour l’Afrique francophone subsaharienne ? », RIDE 2011/3, p. 272.
-
[48]
Ibid., p. 278.
-
[49]
V. loi sur les prix, la concurrence et le contentieux économique précitée, art. 27. Adde L. Boy, « Quel droit de la concurrence pour l’Afrique francophone subsaharienne ? », op. cit., pp. 272-273.
-
[50]
Th. Revet, « La violence économique dans la jurisprudence », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., p. 23.
-
[51]
R. Cabrillac, « La violence économique : perspectives de droit comparé », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, ibid., p. 35.
-
[52]
V., en ce sens, G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, Paris, LGDJ, 1949, n° 46, cité par J-P. Chazal, « La contrainte économique : violence ou lésion ? », D. 2000, p. 880, n° 5 : « Tout homme se trouve plus ou moins dans la société en état de nécessité de contracter, car il ne peut vivre sans contracter ».
-
[53]
Dans certaines affaires, les juges français ont clairement posé l’abus, l’abus caractérisé, comme condition sine qua non de l’admission de la contrainte économique : Civ. 1re, 3 avr. 2002, Bull. civ. I, n° 108 ; D. 2002, p. 1860, note J.-P. Gridel et note J.-P. Chazal ; ibid., p. 2844, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2002, p. 502, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD com. 2003, p. 86, obs. A. Françon ; Defrénois 2002, p. 37607, n° 65, note E. Savaux ; Com. 16 oct. 2007, n° 05-19.069 ; Com. 7 juill. 2009, n° 08-114.362.
-
[54]
V., en ce sens, G. Loiseau, « La violence économique : du vice à la vertu », Cah. soc., mars 2015, p. 157.
-
[55]
CA Aix-en-Provence, 19 fév. 1988, Bull. Cour d’Aix 1988, n° 24 ; RTD civ., 1989, p. 535, obs. J. Mestre ; Civ. 2e, 3 mars 2011, n° 09-72.968.
-
[56]
Th. Revet, « La violence économique dans la jurisprudence », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., p. 17, n° 8 et p. 19, n° 11.
-
[57]
V., par exemple, CA Poitiers, 7 nov. 1979, D. 1980, inf. rap., p. 265, obs. J. Ghestin ; Com., 29 janv. 2008, n° 06-20.808.
-
[58]
V. Th. Revet, « La violence économique dans la jurisprudence », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., pp. 21-22, n° 17.
-
[59]
Ibid., p. 23, n° 19.
-
[60]
J.-P. Chazal, « La contrainte économique : violence ou lésion ? », op. cit., n° 8 ; D. Mazeaud, V° « Lésion », Rép. civ., 2018, pp. 7-8, n° 8.
-
[61]
V. Code suisse des obligations, art. 21 ; Code civil du Québec, art. 1406 ; Code civil italien, art. 1448 ; Code civil luxembourgeois, art. 1118 ; Code civil du Brésil, art. 156 ou encore BGB (Bürgerliches Gesetzbuch), § 138 al. 2, qui dispose : « Est nul un acte juridique par lequel une personne se fait promettre ou accorder, soit à elle-même, soit à une autre personne, en contrepartie d’une prestation, des avantages patrimoniaux en disproportion flagrante avec sa prestation, et cela par l’exploitation de l’état de nécessité de l’inexpérience, du défaut de capacité de jugement de la grande faiblesse de caractère d’autrui ». En France, le projet Terré allait dans ce sens, mais n’a pas été suivi.
-
[62]
V., par exemple, les Principes du droit européen des contrats (PDEC), art. 4:109.
-
[63]
V. les Principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international, art. 3.2.7.
-
[64]
V. le Code civil luxembourgeois et les PDEC.
-
[65]
Code civil néerlandais, art. 44.
-
[66]
Dans son arrêt du 30 mai 2000, la Cour de cassation affirmait déjà que « la contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion ».
-
[67]
V., par exemple, D. Mazeaud, « La violence économique à l’aune de la réforme du droit des contrats », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., pp. 29-30, n° 15.
-
[68]
Cela sous réserve des applications potentielles, suivant le cas, du principe specialia generalibus derogant.
-
[69]
V. Traité OHADA, art. 53, al. 1.
-
[70]
Le nouveau Secrétaire permanent de l’OHADA semble conscient de cette nécessité de « mettre en place les convergences entre le Common law et le Civil Law » (« Interview du Pr. Emmanuel Sibidi Darankoum, Secrétaire permanent de l’OHADA », op. cit., p. 20).
-
[71]
V. S. Date-Bah, « The UNIDROIT Principles of International Commercial Contracts and the Harmonisation of the Principles of Commercial Contracts in West and Central Africa. Reflections on the OHADA Project from the Perspective of a Common Lawyer from West Africa », Unif. L. Rev., 2004, n° 2, p. 271.
-
[72]
Déjà en 2002, lorsqu’il demandait à Unidroit de lui proposer un avant-projet d’acte uniforme sur le droit des contrats, le Secrétariat permanent de l’OHADA avait précisé que le texte à élaborer « devra[it] […] intégrer aussi bien les préoccupations des systèmes juridiques romano-germaniques que celles de la Common Law ». V. « Préparation par Unidroit d’un projet d’acte uniforme Ohada sur le droit des contrats », disponible sur : www.unidroit.org, consulté le 1er décembre 2019.
-
[73]
V. E. McKendrick, Contract Law. Text, cases and materials, 8th ed., Oxford, Oxford University Press, 2018, pp. 615 et s. et N. Andrews, Contract Law, 2nd ed., Cambridge, Cambridge University Press, 2015, pp. 286 et s.
-
[74]
Pour traiter de la question, les auteurs nigérians évoquent la jurisprudence anglaise. V., par exemple, F.F. Aare, The Law of Contract in Nigeria II, 2nd ed., Lagos, National Open University of Nigeria, 2014, pp. 42-43, qui se réfère à l’affaire North Ocean Shipping Co. Ltd. v. Hyundai Construction Co. Ltd., [1979] QB 705 ; [1978] 3 All ER 1170.
-
[75]
D. Hutchison et al., The Law of Contract in South Africa, 3rd ed., Cape Town, Oxford University Press Southern Africa, 2017, p. 143 : « Whether a threat to a purely economic interests of the other party can constitute duress in our law remains an open question ».
-
[76]
Idem.
-
[77]
V. Gerolomou Constructions (Pty) Ltd. v. Van Wyk, 2011 (4) SA 500 (GNP).
-
[78]
Pour une étude détaillée de la question, v. A.P. Bell, « Abuse of a Relationship: Undue Influence in English Law and French Law », European Review of Private Law, 2007, n° 4, p. 555.
-
[79]
V. R. Cabrillac, Droit européen comparé des contrats, Paris, LGDJ, 2ème édition, 2016, p. 92.
-
[80]
A.P. Bell, « Abuse of a Relationship: Undue Influence in English Law and French Law », op. cit., pp. 557-562.
-
[81]
V. supra, 2.1.1.
-
[82]
Patel v. Grobbelaar, 1974 (1) SA 532 (A).
-
[83]
[1975] QB 326.
-
[84]
Lord Denning exprimait ainsi sa doctrine de l’inequality of bargaining power dans les termes suivants : « English law gives relief to one who, without independent advice, enters into a contract on terms which are very unfair or transfers property for a consideration which is grossly inadequate, when his bargaining power is grievously impaired by his own needs or desires, or by his own ignorance or infirmity, coupled with undue influences or pressure brought to bear on him or for the benefit of the other », Lloyds Bank Ltd. v. Bundy.
-
[85]
National Westminster Bank v. Morgan, [1985] AC 686 ; [1985] 1 AII ER 821. Adde R. Sone and J. Devenney, The Modern Law of Contract, 11th ed., London, Routledge, 2019, p. 384. La doctrine fera pourtant son chemin en droit américain où elle est appliquée. V. C. McCullough, « Unconscionability as a Coherent Legal Concept », University of Pennsylvania Law Review, 2016, vol. 164, n° 3, p. 779.
-
[86]
E. McKendrick, Contract Law. Text, cases and materials, op. cit., p. 684 et Contract Law, London, Palgrave Macmillan, Eleventh edition, 2015, p. 306.
-
[87]
D. Hutchison et al., The Law of Contract in South Africa, op. cit., p. 143.
-
[88]
Cela représentait également le projet de Lord Denning dans l’affaire Lloyds Bank.
-
[89]
Traité OHADA, Préambule.
« Si l’argent est la monnaie établie pour faciliter les accords entre particuliers, les lois sont la monnaie de la cité. [Il faut se garder d’y introduire] des pièces de mauvais aloi… » [2]
Introduction
1Évoquer la violence économique du point de vue de l’OHADA [3] n’a rien de naturel a priori, en l’absence d’un droit positif harmonisé des contrats. L’uniformisation en matière contractuelle représente en effet l’arlésienne du droit dérivé de l’organisation. Elle est annoncée depuis deux décennies, mais peine toujours à se réaliser, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes si l’on considère que le contrat fournit le substrat du droit des affaires. La décision initiale d’harmonisation a été prise en 2001 par le Conseil des ministres, lors de sa réunion de Bangui [4]. Une première tentative de concrétisation avait conduit le Secrétariat permanent à solliciter, en 2002, l’expertise de l’Institut international pour l’unification du droit privé (Unidroit). Au nom de cet organisme, le Professeur Marcel Fontaine prépara un avant-projet d’Acte uniforme sur le droit des contrats s’inspirant essentiellement des Principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international. Cette première proposition ne connut pas de suite. En 2007, le Conseil des ministres décida de la fusion des projets d’uniformisation portant respectivement sur le droit des contrats et sur le droit de la preuve [5]. C’est alors la Fondation pour le droit continental qui, sous la plume des Professeurs Paul Gérard Pougoue, Joseph Issa-Sayegh et Filiga Michel Sawadogo, élabora un second projet, au champ d’application plus large, dit projet de texte uniforme portant droit général des obligations. Il fut transmis au Secrétariat permanent en 2015.
2Ainsi, à ce jour, le législateur de l’OHADA, dans le cadre de son projet d’harmonisation du droit des obligations en général et du droit des contrats en particulier, se trouve face à deux propositions incarnant deux modèles globalement différents, sinon opposés. La première, celle d’Unidroit, est à tendance progressiste et prend le parti de la modernisation et de l’ouverture [6] dans un contexte dans lequel le droit aussi se globalise [7]. Elle emprunte pour ce faire au droit privé uniforme et aux codifications modernes, telles que le Code civil québécois. La seconde mouture, celle de la Fondation pour le droit continental, apparaît au contraire conservatrice et reste fidèle au système civiliste, ce par crainte des conséquences que pourrait engendrer un bouleversement de cette tradition juridique profondément ancrée dans la quasi-totalité des États de la zone OHADA [8]. Elle puise ainsi sa matière première essentiellement dans le droit civil actuel desdits États, qui a relativement peu évolué par rapport au droit hérité de l’Hexagone à l’heure des indépendances.
3Le droit uniforme OHADA applicable aux contrats, s’il devait effectivement voir le jour [9], résulterait sans doute d’une mixtion, au dosage que le législateur jugerait convenable, des deux modèles. Des choix tranchés s’imposeront toutefois à certains égards. Il suit en effet de la différence d’orientation décrite précédemment des divergences d’approche plus ou moins importantes de la part des deux projets de textes quant à divers aspects de la théorie du contrat. Ainsi de la notion de cause, des modalités de la résolution pour inexécution ou encore de la question de la violence économique.
4Cette dernière notion présente la particularité d’une relative nouveauté par rapport aux autres, en tout cas du point de vue de son inscription dans le marbre de la loi. Même des droits aussi avancés que celui de la France n’y ont procédé que récemment [10]. En fait, le sujet s’est progressivement imposé comme une nouvelle exigence de justice contractuelle et de protection de la partie faible. La notion de violence économique s’applique en effet à diverses situations dans lesquelles une partie tire un avantage abusif de la situation de dépendance (économique) de son cocontractant au moment de la conclusion de la convention. De ce point de vue, l’expression « violence économique », en usage dans la doctrine, n’est, en fait, pas neutre ; elle conduit à percevoir d’office le phénomène comme une des déclinaisons de la violence vice du consentement, au sens où la conçoit le projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l’espace OHADA. Or cela ne va pas de soi, puisque l’avant-projet d’Acte uniforme sur le droit des contrats, à l’instar de nombreuses législations en vigueur, le traite plutôt au titre de la lésion. Si la notion de « contrainte économique », qui a la préférence de la jurisprudence française, paraît quelque peu plus satisfaisante, c’est celle, plus large, d’« abus de dépendance » qui semble le mieux rendre compte de la réalité visée. Les trois dénominations seront toutefois employées comme étant interchangeables dans la présente étude.
5Quelle que soit l’appellation que l’on lui attribue, la prise en considération du phénomène est de nature à renouveler la théorie de la formation du contrat dans tout système qui s’en fait l’hôte. L’enjeu n’est pas mince. Aussi la présente réflexion s’intéresse-t-elle, dans la perspective de l’adoption d’un droit uniforme des obligations, au régime juridique applicable à la violence économique dans l’espace couvert par l’OHADA.
6Il apparaît, de lege lata, que ce régime, non harmonisé, issu de sources d’une certaine diversité formelle comme matérielle, présente de sérieuses lacunes (1). Ce constat, corrélé à d’autres facteurs d’ordre normatif, légistique et conjoncturel, permet d’apprécier et départager les approches suggérées à ce jour au législateur de l’OHADA. Ce qui revient à définir, de lege ferenda, les fondements d’un régime juridique uniforme optimal (2).
1 – De lege lata : un régime juridique lacunaire
7La question de la violence économique intéresse au premier chef le droit des contrats, mais, parce qu’elle s’intègre à la problématique plus large de la protection de la partie faible dans la vie contractuelle, elle irradie également les droits liés au marché. Dans l’espace géographique que couvre l’OHADA, son régime juridique ne relève pas à ce jour du droit uniforme de cette organisation ; la violence économique doit être envisagée du point de vue des droits nationaux et des droits communautaires, du droit positif et du droit prospectif. Elle n’en demeure pas moins globalement régie à la fois par le droit des contrats (1.1) et le droit du marché (1.2). L’uniformisation en cours, quoique consacrée au droit des obligations, doit prendre appui sur l’état de la question dans les deux corps de règles.
1.1 – La violence économique dans le droit des contrats
8La violence économique demeure un des parents pauvres du droit des contrats au sein des États membres de l’OHADA, puisqu’elle y est l’objet d’un vide textuel (1.1.1). Toute chose qui résulte en son assimilation par les juges à la violence morale (1.1.2).
1.1.1 – Le silence des textes
9Dans l’espace OHADA, la matière contractuelle demeure principalement l’affaire de législations nationales dont la filiation avec le droit hexagonal a déjà été soulignée. Or le législateur français, avec la réforme du droit des obligations intervenue en 2016 [11], a consacré ce que les juges identifiaient déjà comme une « contrainte économique » [12]. Désormais, l’article 1143 du Code civil vise toute partie qui, « abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif ». Si la disposition s’étend à toutes les formes de dépendance [13] – abandonnant par là la restriction prétorienne à la seule dépendance économique –, elle ignore d’autres situations de vulnérabilité qui figuraient dans les textes préparatoires, telles que l’état de nécessité et l’état de faiblesse [14]. Ce texte fait de la contrainte économique une nouvelle variante du vice de violence, sa sanction étant également l’annulation du contrat.
10Les législations des pays civilistes de l’OHADA n’ont pas connu une évolution similaire. Elles se réforment plus lentement. Dans la plupart des cas, la théorie des obligations issue du Code napoléonien, dans sa version de 1804, n’a pas connu de changement notable. Le vice de violence y reste marqué par la binarité qui sépare la violence physique de la violence morale, la circonstance tenant à la dépendance économique étant indifférente [15].
11Dans le cadre de l’OHADA, le droit en vigueur laisse certes apparaître une réglementation spéciale de certaines opérations (par exemple, le contrat de vente commerciale [16] et le contrat de transport de marchandises par route [17]), qui aborde directement certains aspects de la théorie générale [18]. Mais ce droit spécial ne traite pas de la contrainte économique [19]. En revanche, les projets d’harmonisation du droit commun des contrats s’y attaquent, mais d’une manière clairement différente d’un texte à l’autre. Le premier texte, l’avant-projet d’Acte uniforme sur le droit des contrats, opte pour une consécration générale de la lésion comme cause d’annulation du contrat, l’abus d’état de faiblesse constituant un critère d’appréciation [20]. En guise de sanction et alternativement à l’annulation, le texte permet au juge, à la requête de la partie lésée, de rééquilibrer la convention [21]. Quant au projet de texte uniforme portant droit général des obligations, il propose tout autre chose : il considère comme étant vicié de violence l’engagement souscrit par une partie en état de nécessité ou de dépendance, lorsque son cocontractant a abusé de cette situation de faiblesse [22]. Il s’agit d’un retour à la conception française de la contrainte économique comme vice du consentement. Quoi qu’il en soit, aucune des deux propositions n’étant encore passée dans le droit positif, la question continue d’être l’objet d’un vide législatif en droit des contrats.
1.1.2 – L’assimilation prétorienne à la violence morale
12En l’absence de textes en matière de contrainte économique, les tribunaux de la zone OHADA qui, au demeurant, ne semblent pas fréquemment sollicités à ce propos, adoptent une attitude peu originale. Les rares décisions de justice que nous avons pu consulter laissent en effet apparaître que les juges identifient systématiquement et strictement à de la violence morale et traitent comme tel l’abus exercé en des circonstances caractérisant à tout le moins un déséquilibre économique. Il en a été ainsi, à titre d’exemple, dans une espèce mettant aux prises un fournisseur de produits pharmaceutiques, la Société Laborex-CI, et une de ses clientes, propriétaire d’une officine. Se fondant sur une reconnaissance de dette signée à son profit par la cliente, la Société Laborex-CI a obtenu du Président du Tribunal de première instance d’Abidjan une ordonnance d’injonction de payer à l’encontre de la débitrice. Cette dernière a échoué à obtenir du Tribunal de première instance, puis de la Cour d’appel, l’annulation de la reconnaissance de dette, annulation qu’elle réclamait pour n’avoir consenti à l’accord que sous la menace de la Société Laborex-CI de ne plus approvisionner son officine. Invitée à se prononcer, la Cour suprême a, par un arrêt du 3 juin 2010, approuvé la Cour d’appel en estimant que la condamnation de la cliente était conforme aux articles 1111 et 1112 du Code civil dès lors que « la contrainte par elle alléguée [n’était] pas de nature à lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent » [23].
13En se déterminant ainsi, les juges ne semblent pas avoir pris en considération la dimension économique de la situation. Les relations contractuelles litigieuses entre fournisseur et distributeur, comme celles entre employeur et employé, en sont pourtant caractéristiques. Dans ces hypothèses, c’est davantage de l’état de faiblesse économique de la partie contrainte que provient la menace [24]. Les juges ivoiriens auraient été bien inspirés de s’assurer que la cliente ne se trouvait pas, à l’égard de son fournisseur, dans une posture fragile résultant d’une dépendance ou d’une faiblesse économique propre à lui faire craindre des répercussions effectives en cas de refus de signer la reconnaissance de dette. En se contentant d’apprécier le caractère déterminant de la menace qu’aurait employée la Société Laborex-CI, les juges ont procédé à une application restrictive et peu innovante des critères régissant la violence morale, mal adaptées à la circonstance.
14Le dire ne revient toutefois pas à préjuger du résultat qui aurait été atteint autrement. En effet, l’appréciation de la dépendance économique peut impliquer divers critères : la taille de chacun des contractants ; la possibilité pour la partie faible de s’engager avec un autre contractant, en l’occurrence de s’approvisionner auprès d’un autre fournisseur [25], au regard par exemple de l’inexistence d’une clause d’exclusivité [26] ; les efforts déployés par ladite partie pour trouver une telle alternative [27], etc. À cet égard, les circonstances de l’espèce laissent penser que la décision des juges n’aurait pas varié même si ceux-ci s’étaient intéressés au rapport de force économique entre les deux parties. Il n’en demeure pas moins regrettable que la Cour suprême n’ait pas osé saisir cette occasion pour reconnaître que le déséquilibre économique, dans la mesure où il allait procurer à l’une des parties un avantage excessif, pouvait affecter l’opération et, comme tel, donner lieu à sanction. En effet, comme pour un grand nombre d’autres questions, en fait d’accueil de la violence économique, c’est le juge qui, ailleurs, a donné le ton. Faute d’une telle évolution prétorienne, le droit ivoirien conserve à ce sujet l’approche traditionnelle qui est aussi celle des autres pays civilistes de l’espace OHADA. Le vide juridique ainsi constaté n’est comblé que de manière peu satisfaisante par le droit du marché.
1.2 – La violence économique dans le droit du marché
15Traditionnellement, le droit du marché accorde une place de choix à la protection de la partie faible à travers ses différentes branches, notamment le droit de la consommation et le droit de la concurrence, qui régulent à leur manière la violence économique. Mais dans l’espace OHADA, cette protection apparaît résiduelle pour ce qui est des consommateurs (1.2.1) et peu adaptée en ce qui concerne les entreprises concurrentes en situation vulnérable (1.2.2), cela sans mentionner le caractère peu effectif des normes entourant ladite protection dans les deux cas [28].
1.2.1 – Une protection résiduelle du consommateur
16Au rang des pratiques que prohibe classiquement le droit de la consommation, figurent l’abus de faiblesse et les pratiques commerciales agressives. Dans les deux cas, il s’agit de protéger le consommateur, présumé être en situation de vulnérabilité dans les actes qu’il conclut, des manœuvres abusives de professionnels malhonnêtes qui chercheraient par là à provoquer son engagement. L’on est bien en présence de pratiques qui auront tendance à recouper la notion de contrainte économique [29].
17Le droit de la consommation n’est cependant pas harmonisé dans l’espace OHADA. D’ailleurs la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) exclut explicitement sa compétence quand il s’agit pour elle de connaître d’un litige pouvant surgir à la suite d’une vente conclue à des fins de consommation [30]. Un avant-projet d’Acte uniforme sur le contrat de consommation, préparé par le Professeur Thierry Bourgoignie, a pourtant été remis, en 2005, au Secrétariat permanent de l’OHADA. Il consacrait notamment son article 23 à l’abus de dépendance. Mais aucune suite ne lui a été donnée.
18Que proposent donc les législations nationales ? Une majorité d’entre elles ne comportent pas de textes spécifiques autonomes, voire pour certaines de textes spécifiques tout simplement [31]. Dans le reste des États de l’espace, en dépit de l’existence de lois exclusivement dédiées à la protection des consommateurs, la place accordée à la contrainte économique est insignifiante : cinq des législations concernées ne laissent apparaître aucune interdiction expresse de l’abus de faiblesse ni des pratiques commerciales agressives en soi [32]. Seules font figure d’exception à cet égard les législations malienne [33] et ivoirienne [34].
19La source normative ultime, de ce point de vue, est celle des organisations sous-régionales d’intégration économique dont les zones de compétence recoupent celle de l’OHADA. L’ensemble des États parties à l’UEMOA [35] et à la CEMAC [36] appartiennent en effet à l’espace OHADA et représentent quatorze des dix-sept États membres. Or, en ce qui concerne l’UEMOA, sa politique consumériste est partielle, ne concernant que certains types de contrats (contrats d’assurance ou contrats électroniques) ou encore certaines pratiques précises (concurrence déloyale) [37]. Quant à la CEMAC, elle a adopté récemment, le 8 avril 2019, une directive harmonisant la protection du consommateur en Afrique centrale. Ce texte moderne [38] consacre des dispositions à la prohibition de la violence économique [39]. Toutefois ne s’agissant pas d’un règlement, mais d’une directive, non seulement il faudra attendre sa transposition au sein des États membres – qui ne semblent pas s’empresser pour l’heure –, mais cette transposition se fera à la façon de chacun de ceux-ci [40]. Autrement dit, il y a peu de raisons de penser que l’on tende vers une politique consumériste effective et harmonisée. En somme, au regard du droit positif, le consommateur apparaît comme un « laissé pour compte » [41] dans l’espace OHADA, en particulier quand il est question de le protéger contre la violence économique.
1.2.2 – Une protection inadéquate du concurrent
20En sanctionnant l’abus de dépendance économique mais aussi l’abus de position dominante [42], le droit de la concurrence régule la contrainte économique. Dans le système OHADA, la matière ne fait pas non plus l’objet d’une loi uniforme et la CCJA se refuse à en connaître [43]. La raison de cette abstention de la part de l’OHADA est sans doute à rechercher dans la préexistence en la matière de textes communautaires consistants – dans le cadre de l’UEMOA, de la CEMAC comme de la CEDEAO [44] –, faits essentiellement de règlements, complétés par les législations nationales.
21Toutefois, ce dispositif normatif intègre la violence économique d’une manière inadaptée. À l’échelle communautaire, l’abus de dépendance économique n’est, en effet, pas consacré en soi. De même, si l’abus de position dominante est prohibé, ce n’est que dans la mesure où il affecte le marché [45]. Or une telle condition, si elle est finalement assez classique dans le droit de l’abus de position dominante, peut en pratique servir d’échappatoire à l’entreprise dominante. Ainsi, même dans les hypothèses où le fait abusif ainsi que le tort causé à une entreprise plus faible seraient concrets, l’entité mise en cause pourrait toujours s’en affranchir si elle parvenait à jeter le doute sur la réalité des risques encourus par le jeu de la concurrence. Cette conception de l’abus de position dominante peut favoriser un certain laxisme à l’égard des entreprises dominantes ainsi que l’illustre la jurisprudence récente de la Cour de justice de l’Union européenne [46]. Retenir ce standard dans la zone subsaharienne revient à en minimiser les spécificités. Les marchés africains présentent en effet une configuration telle que l’économie informelle est largement dominante et que, plus qu’ailleurs, une masse d’entités locales plus ou moins modestes se trouve souvent à la merci d’une poignée de grands groupes internationaux. Ces réalités imposent de développer une véritable politique de protection des entreprises en situation de faiblesse au travers, pour ce qui est du sujet traité, des mécanismes de sauvegarde de l’équilibre des conventions, indépendants de toute considération de nature macro-économique et qui forment ce qu’il est convenu d’appeler le « petit droit de la concurrence » [47]. Pour le Professeur Laurence Boy,
« dans cette conception […], les relations concurrentielles sont analysées comme s’inscrivant, non comme un monde clos et distinct du droit des relations inter-individuelles, mais comme prenant directement naissance dans le droit des contrats. […] seul un contrôle de l’équilibre contractuel entre partenaires économiques est susceptible de conduire à un droit général de la concurrence équilibré » [48].
23Le droit sénégalais illustre une telle forme de politique juridique, puisqu’il aborde l’abus de position dominante, mais aussi l’abus de dépendance économique, comme des pratiques anticoncurrentielles individuelles, leur sanction n’étant pas subordonnée à une atteinte quelconque au marché [49]. Le cas sénégalais ne reflète cependant pas l’état général des législations de l’espace OHADA, qui, pour une très grande majorité, imposent les conditions traditionnelles.
24Finalement, à défaut d’un droit de la concurrence suffisamment protecteur contre la violence économique, il est souhaitable que les entreprises vulnérables puissent trouver dans le droit commun un fondement alternatif adapté. Plus généralement, les carences – voire l’absence à certains égards – tant du droit économique que du droit des contrats devraient représenter, pour le futur droit uniforme des obligations de l’OHADA, l’une des données clefs de l’élaboration d’un régime juridique satisfaisant en matière de contrainte économique.
2 – De lege ferenda : un régime juridique optimisé
25Sur quels déterminants, critères ou fondements pourrait reposer une régulation optimale de la violence économique dans le cadre de l’OHADA ? Il est possible d’identifier, dans un premier temps, des fondements objectifs, c’est-à-dire intrinsèques au droit des contrats, indépendants de toute contingence (2.1). À ceux-ci, s’ajoutent des fondements extrinsèques, subjectifs, qui tiennent à l’environnement socio-juridique de l’OHADA (2.2).
2.1 – Les fondements objectifs
26Face aux approches divergentes qui lui sont proposées pour appréhender l’abus de dépendance, le législateur de l’OHADA devrait avant tout se fier à l’exigence objective de cohérence normative – et légistique – (2.1.1) : la contrainte économique doit s’insérer harmonieusement dans la théorie de la formation du contrat, sans donner lieu à aucune malfaçon. L’autre impératif est celui, dicté par le principe de l’autonomie de la volonté, de sauvegarder autant que faire se peut la convention des parties (2.1.2).
2.1.1 – L’exigence de cohérence normative
27La violence économique est caractérisée lorsqu’un déséquilibre dans les droits et obligations des parties est la résultante de l’exploitation par l’une d’elles de l’état de faiblesse (économique) de l’autre, au moment de la formation du contrat. La situation est irrégulière parce que l’un des engagements n’est pas libre et éclairé, au moins en apparence ; mais elle l’est aussi, car le contenu de la convention manque d’équilibre. Dès lors, se pose la question de savoir si la violence économique est un vice du consentement ou un vice du contrat. Autrement dit, s’agit-il d’un vice subjectif ou d’un vice objectif [50] ? Ce problème théorique du rattachement de la violence économique, qui a donné lieu à des débats nourris dans la doctrine de droit français à la faveur de la dernière réforme du droit des obligations, soulève subséquemment et d’un point vue légistique et concret, la question de sa localisation dans un texte législatif : la contrainte économique doit-elle s’insérer dans les dispositions relatives aux vices du consentement ou encore parmi celles dédiées au contenu du contrat ?
28La nature propre – et partant le rattachement – de la contrainte économique n’est pas aisée à déterminer. Celle-ci paraît toutefois mettre en cause à la fois la justice contractuelle et la liberté des parties, mais souvent davantage la première que la seconde. Ainsi que le relève un auteur, la volonté du contractant faible reste, en réalité, éclairée dans la mesure où celui-ci agit en connaissance de cause : il opte de façon consciente pour la moins préjudiciable de deux situations défavorables [51]. De même, le caractère libre de son consentement n’est pas affecté en toutes circonstances. En effet, les rapports de force ainsi que l’état de besoin sont de l’essence même du marché : chacun, au moment de contracter, est d’une certaine façon contraint [52], sans que cet état de fait n’altère nécessairement sa volonté. Contrairement aux cas de violence classique dans lesquels la menace est le fait (exclusif) du cocontractant ou d’un tiers, dans la contrainte économique, la pression est d’abord liée à cette situation de besoin, de dépendance de l’une des parties. Certes, cette pression est susceptible d’être aggravée par le comportement abusif de l’autre partie, au point d’influencer de manière déterminante la formation du consentement [53]. Toutefois, cela n’advient pas dans tous les cas : l’abus n’est pas toujours actif. Il peut être peu caractérisé, voire passif [54], et ne pas consister en une menace au sens où celle-ci s’entend traditionnellement dans le vice de violence. Il peut, par exemple, résider dans le fait d’avoir eu connaissance de la situation de dépendance ou de vulnérabilité de son cocontractant et d’en avoir tiré ou accepté d’en tirer un avantage excessif [55]. Ce qui est en réalité reproché à la partie puissante, c’est davantage l’exploitation d’une situation de déséquilibre que les pressions qu’elle aurait exercées à l’encontre de l’autre partie [56]. D’ailleurs, le comportement abusif du cocontractant en position de force est souvent présumé dès lors qu’existe un déséquilibre considérable dans les prestations [57]. Ce déséquilibre en revanche est incontestablement déterminant comme critère [58] et doit de ce fait être clairement établi. Ainsi, si le consentement n’est pas, en pratique, vicié dans toutes les hypothèses dans lesquelles la contrainte économique est invoquée, l’existence d’un déséquilibre contractuel sera en revanche toujours recherchée. Ainsi que l’écrit le Professeur Thierry Revet, « sans lésion, aucune possibilité n’existe d’annuler un contrat pour “violence économique” » [59]. C’est ainsi la notion de lésion qui semble la plus à même de rendre compte de la pratique sanctionnée. Il s’agit précisément d’une lésion « qualifiée » [60] en ce qu’elle est censée résulter de l’abus de puissance commis par l’une des parties.
29Une analyse comparative permet de constater que c’est cette approche mixte, à la fois objective et subjective – mais parfois plus objective que subjective – qui, moyennant des nuances de formulation, prévaut dans la plupart des législations nationales [61] comme des textes ou projets de codification régionaux [62] et internationaux [63] du droit des contrats. L’article 1406 du Code civil québécois est particulièrement caractéristique de ce point de vue : « [l]a lésion résulte de l’exploitation de l’une des parties par l’autre, qui entraîne une disproportion importante entre les prestations des parties ; le fait même qu’il y ait disproportion importante fait présumer l’exploitation ». Aussi est-il troublant de constater que certains de ces textes insèrent, malgré tout, leurs dispositions relatives à l’abus de dépendance dans une subdivision traitant de la validité du consentement [64], alors qu’une localisation dans celle réservée au contenu de la convention paraît naturelle et est préférée par la plupart des droits.
30Il reste que les dispositions qui assimilent l’abus de dépendance au vice de violence de façon franche, c’est-à-dire à la fois par leur rédaction et par leur position dans le texte, sont rares. Le droit néerlandais [65] et le droit français en sont des illustrations. L’article 1143 du Code civil français, en particulier, se traduit comme une validation de la solution prétorienne de l’assimilation de la contrainte économique à la violence [66]. Le projet de texte uniforme OHADA portant droit général des obligations ne fait pas autre chose. Certaines des raisons qui peuvent faire douter de la cohérence d’une telle option ont déjà été indiquées. On peut ajouter que, traditionnellement, pour que le vice de violence soit admis, la pression exercée par le cocontractant, si elle est nécessaire, est suffisante comme condition. C’est la liberté et l’intégrité du consentement qui sont appréciées, indépendamment de la teneur de la convention. Cela n’est pas le cas pour l’abus de dépendance qui doit en outre avoir procuré à son auteur un avantage excessif. Ainsi, la violence économique n’est pas de la violence. Le parti pris du législateur français de la confirmer comme vice du consentement est à regretter et a été critiqué par la doctrine [67]. Le législateur de l’OHADA n’y trouverait donc pas une source d’inspiration pertinente. Si vice il y a en matière d’abus de dépendance, il affecte au moins autant le contenu du contrat que le consentement des parties. Il conviendrait donc de reconnaître à l’abus de dépendance son caractère sui generis, sa nature mixte, que le régime inhérent à la lésion qualifiée préserve tout en permettant de satisfaire le besoin de sauvegarde du contrat qui peut s’imposer en la matière.
2.1.2 – L’impératif de sauvegarde du contrat
31À l’opposé des entraves à la liberté du consentement, sanctionnées par l’annulation du contrat, la lésion donne normalement lieu à une intervention du juge pour le sauver. D’un point de vue objectif, cette solution paraît adaptée à la réalité contractuelle : il apparaît légitime de préserver la volonté des parties de contracter aussi longtemps que chacune d’elles peut être placée dans la situation qui aurait été la sienne en des circonstances normales de formation de la convention. Autrement dit, les engagements, les droits et obligations respectifs méritent de subsister, fût-ce au prix d’un rééquilibrage neutralisant peu ou prou le biais qui les a affectés. La solution revêt sans conteste une efficacité particulière face à l’abus de dépendance, dans la mesure où un anéantissement du contrat n’emporterait pas les mêmes conséquences pour l’une et l’autre partie. Le contractant économiquement fort, surtout dans les relations d’affaires, en sera très peu, voire pas du tout, affecté, en ce qu’il n’éprouvera pas de difficulté à trouver un nouveau partenaire. Au contraire, la victime en situation de dépendance ne dispose souvent, par définition, d’aucune alternative. L’idéal pour une telle partie est donc le maintien de la relation, mais à des conditions plus favorables. Toutefois, pour tenir compte du caractère hybride de l’abus de dépendance, mais également des limites de la révision, celle-ci devrait être doublée de la solution de l’annulation.
32Concrètement, l’intervention du juge pour rééquilibrer le contrat devrait constituer la solution de principe, l’annulation n’intervenant que dans les cas où la révision serait impossible. Telle était déjà la formule proposée, mais non retenue, par le projet Terré en France. Or la nécessité de sauvegarder le contrat se fait encore plus impérieuse dans un espace dédié au droit des affaires comme celui de l’OHADA. Mais le dire, c’est déjà aborder les aspects subjectifs que le législateur devra considérer.
2.2 – Les fondements subjectifs
33Ici, l’on peut proposer deux critères : d’une part, les spécificités juridiques et sociologiques de l’espace OHADA (2.2.1) et, d’autre part, les perspectives d’extension de l’OHADA (2.2.2).
2.2.1 – Les spécificités socio-juridiques de l’espace OHADA
34Les spécificités juridiques de la zone ressortent d’abord de l’état des lieux précédemment dressé, à savoir les carences à la fois du droit des contrats et du droit économique en matière de régulation de la violence économique. En outre, les législations de la zone se réforment lentement ; les chances de voir émerger à court terme un véritable régime de protection de la partie faible sont réduites. L’adoption du texte uniforme de l’OHADA sur le droit des obligations représentera probablement la prochaine évolution significative à ce sujet et devra être adaptée en conséquence. Cela implique concrètement que le texte adopte une conception extensive de la notion de contrainte économique. Évidemment, il ne s’agira pas pour le droit commun des contrats d’aller jusqu’à empiéter sur le domaine réservé aux droits spéciaux. Mais les circonstances permettant la caractérisation de la violence économique ne devraient pas se limiter à la dépendance économique, mais intégrer les autres formes de vulnérabilité : la dépendance technologique, la dépendance psychique ou psychologique, l’état de faiblesse, l’état de santé ou encore l’âge.
35Quant aux données sociologiques, elles concernent de prime abord la grande faiblesse du taux d’alphabétisation ainsi que de la culture juridique dans la zone de compétence de l’OHADA. Or l’on sait que l’aptitude d’un individu à comprendre et mesurer les implications réelles de son engagement constitue un élément important quand il est question de déterminer l’existence d’un déséquilibre contractuel permettant de caractériser la violence économique. L’on peut en dire autant de la position d’une partie – en particulier d’une entreprise – dont le manque de ressources, de structure, d’expérience peut affecter sa capacité à conduire convenablement des négociations avec son cocontractant. Or l’autre caractéristique de la zone OHADA, comme cela a déjà été souligné, réside justement dans la prévalence d’une économie informelle animée par les petites et moyennes entreprises (PME), entités vulnérables face aux entreprises multinationales en particulier.
36Il s’ensuit que des situations comme l’état d’ignorance, l’inaptitude à la négociation ou encore l’inexpérience devraient rejoindre la liste des circonstances pouvant donner lieu à la qualification d’abus de dépendance. Le champ d’application de la violence économique serait alors plus étendu en droit OHADA que dans la plupart des autres législations. Les projets de texte uniforme OHADA proposent déjà un domaine relativement large. Toutefois, l’ouverture ne devrait pas être sans limite. Des notions, qui ont pu être retenues par certaines législations, mais qui paraissent si floues qu’elles pourraient remettre en cause la sécurité juridique, devront être écartées : c’est le cas, par exemple, du « besoin urgent ». Le droit des obligations harmonisé devrait finalement combler le vide constaté dans le droit commun des pays de l’espace, tout en offrant un fondement supplémentaire et adéquat à la protection des consommateurs et des entreprises concurrentes [68], en matière de violence économique.
2.2.2 – Les perspectives d’extension de l’espace OHADA
37L’OHADA entend étendre son système au plus grand nombre d’États. L’adhésion à son traité fondateur est ouverte à tout État membre de l’Union africaine et même à tout État non membre de l’Union à condition que ce dernier y soit invité à l’unanimité des États parties [69]. Apparaît dès lors une exigence de politique juridique : le droit OHADA doit intégrer des solutions et concepts dans lesquels sont susceptibles de se reconnaître d’éventuels candidats à l’adhésion qui appartiendraient à une tradition juridique autre que le droit civil, en pratique la common law [70]. Il s’agit là d’une exigence transversale qui doit influencer l’élaboration de toutes les normes uniformes à venir [71], y compris celles du futur droit des obligations [72].
38S’agissant spécifiquement de l’abus de dépendance, trois concepts de common law s’en rapprochent : l’economic duress, l’undue influence et l’unconscionability. Si, dans les systèmes occidentaux tels que celui de la Grande-Bretagne [73], ces notions alimentent vigoureusement les débats théoriques, au pire, et trouvent une place en droit positif, au mieux, il n’en est pas toujours ainsi dans les droits africains tels que ceux du Nigeria ou de l’Afrique du Sud, pour ne retenir que ces deux exemples.
39L’economic duress ne semble en effet trouver de fondement propre ni en droit nigérian [74] ni en droit sud-africain [75]. C’est la duress (contrainte) de façon générale que ces systèmes consacrent expressément. L’economic duress peut en fait s’interpréter comme une simple extension du régime de la contrainte morale à des cas où sont en jeu les intérêts économiques de l’une des parties. En dépit des apparences, elle ne correspond donc pas à la violence économique au sens d’abus de faiblesse discuté ici. L’economic duress implique nécessairement un recours à la contrainte et ne requiert ni l’existence d’un déséquilibre dans les rapports de force ni la preuve que le cocontractant mis en cause ait effectivement tiré avantage de la transaction ou encore que celle-ci soit déséquilibrée. De ce point de vue, le dispositif traditionnellement prévu contre la violence en matière contractuelle, dans les États africains de droit civil comme de common law, paraît satisfaisant et aisément adaptable par les tribunaux aux situations s’apparentant à de l’economic duress, le cas échéant. Tout au plus, le législateur de l’OHADA pourrait-il, par souci de sécurité, inscrire expressément cette possibilité dans les textes en cours d’élaboration. Mais l’intérêt de la question reste limité dans la mesure où, d’une part, le contentieux qu’elle suscite est restreint [76] et, d’autre part, l’undue influence offre un fondement plus large et représente celui qui est retenu dans bien des cas [77].
40Historiquement, la doctrine de l’undue influence a justement été développée par l’equity pour compléter celle de l’economic duress. En ce sens, elle avait vocation à s’appliquer aux cas dans lesquels l’engagement de l’un des cocontractants avait été déterminé par un comportement abusif de la part de l’autre, sans qu’une réelle menace ait pu être caractérisée [78]. De ce point de vue, l’undue influence peut s’analyser en un prolongement des vices du consentement [79]. Mais il ne s’agit là que d’une catégorie connue sous l’appellation d’actual undue influence, qu’il convient de distinguer de la presumed undue influence dans laquelle l’existence d’une relation spéciale entre les parties associée à la nature inhabituelle de la transaction laissent présumer l’abus [80]. Dans les deux cas, la convention reste valide, mais est annulable (voidable) à la requête de la partie lésée.
41À la différence de l’economic duress, l’undue influence bénéficie d’un ancrage solide dans les droits africains de common law. Le droit sud-africain, par exemple, pose des conditions de mise en œuvre précises. Si elles ne semblent pas tenir particulièrement compte de la distinction établie en droit anglais entre les différentes catégories d’undue influence, ces conditions se rapprochent des critères de l’abus de dépendance dans sa conception mixte adoptée par la plupart des droits et exposée précédemment [81]. Depuis l’affaire Patel en effet, la partie qui entend se prévaloir de l’undue influence doit établir trois éléments : son cocontractant doit avoir exercé une influence sur elle, cette influence doit avoir réduit son pouvoir de résistance et, enfin, ce cocontractant doit avoir exploité cette influence de façon à l’amener à conclure un contrat qui lui est préjudiciable et qu’elle n’aurait point conclu en l’absence de toute influence [82]. Comme dans la lésion qualifiée, ces critères traduisent une conception à la fois subjective (volonté des parties) et objective (contenu du contrat) de la protection recherchée.
42Mais un troisième concept, proche de la presumed undue influence, accorde encore davantage d’intérêt à l’équilibre substantiel du contrat : c’est l’unconscionability. Défendu par Lord Denning dans l’affaire Lloyds Bank Ltd. v. Bundy [83], il est censé jouer lorsqu’une convention inéquitable est le fruit d’un déséquilibre dans le pouvoir de négociation des contractants, exploité par la partie en position de supériorité [84]. Toutefois, la théorie a été rejetée dans son principe par les juges anglais [85], bien qu’en réalité ceux-ci n’hésitent pas, dans de nombreux cas, à sanctionner des transactions qui leur paraissent inéquitables [86]. Sans opposer la résistance du droit anglais, certains des droits africains entretiennent, sur la question, tantôt le silence tantôt l’incertitude [87].
43En somme, tous ces régimes propres à la common law peuvent susciter la confusion et se montrer difficiles à démêler, au point qu’une unification a pu paraître souhaitable [88]. Il n’appartient évidemment pas au droit OHADA de les accueillir indistinctement, mais de faire en sorte que le régime qu’il définira pour les situations visées, tout en comblant le vide laissé par les législations internes de droit civil sur ce sujet, ne soit pas complètement étranger aux juristes de common law. Une approche hybride de l’abus de dépendance, à la fois subjective et objective, devrait permettre d’y parvenir, en couvrant la plupart des situations pouvant tomber sous les qualifications de presumed undue influence et d’unconscionability.
Conclusion
44En définitive, dans le futur texte uniforme de l’OHADA relatif au droit des obligations, l’abus de dépendance devrait idéalement se concevoir comme une lésion qualifiée. Une définition large devrait lui permettre de couvrir le plus grand nombre de situations. Sa sanction serait, par principe, la révision du contrat et, par exception, son annulation. Elle devrait s’insérer dans la subdivision réservée au contenu du contrat. Plus concrètement encore, la disposition qui la consacrerait pourrait faire suite à une autre disposition similaire à celle par laquelle le Code civil proclame traditionnellement le principe général de l’exclusion de la lésion. L’abus de dépendance se concevrait ainsi comme une exception à ce principe.
45L’OHADA s’est donné pour mission de construire un droit certes adapté, mais également moderne [89]. Les craintes exprimées, à propos du droit uniforme des obligations en gestation, quant aux conséquences possibles d’une disruption dans la culture juridique de la zone, sont légitimes à certains égards ; elles ne devraient toutefois pas conduire à un hermétisme aveugle. Dans le sillage de la globalisation, la convergence des droits entraîne une dynamique qui, par la minimisation des clivages normatifs et le renforcement de la sécurité juridique des opérations transfrontières, facilite la circulation des biens et des personnes. L’OHADA – dont l’autre finalité est de favoriser les investissements au sein de l’espace qu’elle couvre – ne saurait rester en marge de ce mouvement. Sur certaines questions, une évolution paraît nécessaire. C’est le cas de la violence économique.
Mots-clés éditeurs : droit du marché, droit des contrats, OHADA, violence économique, abus de dépendance
Date de mise en ligne : 28/06/2021
https://doi.org/10.3917/ride.343.0297Notes
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[1]
Cet article est tiré d’une communication prononcée par l’auteur à l’occasion des 9es Doctoriades de l’Université de Toulon, au cours de l’atelier portant sur « Les violences », en octobre 2019.
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[2]
Démosthène, « Discours contre Timocrate », in Discours judiciaires, trad. C. Poyard, Paris, Garnier Frères, 1905, p. 305, citant Solon.
-
[3]
Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, créée par traité le 17 octobre 1993 et fédérant à ce jour dix-sept États d’Afrique, en grande majorité de tradition juridique civiliste.
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[4]
V. compte rendu du Conseil des ministres de l’OHADA, Bangui, les 22 et 23 mars 2001, Journal officiel de l’OHADA, n° 12, 28 février 2003, p. 7. Dans le vocabulaire du droit OHADA, tel qu’employé dans le Traité fondateur, dans les documents officiels de l’organisation ou encore dans la doctrine, la notion d’harmonisation est utilisée de façon interchangeable avec celle d’uniformisation, bien qu’il existe en réalité une nuance entre les deux et que la seconde soit la plus appropriée en l’occurrence. L’OHADA réalise en effet, non pas un simple rapprochement, mais une véritable fusion des législations des Etats parties, dans les matières couvertes, par l’entremise de normes communes dites justement « actes uniformes ». V. en ce sens, H. D. Modi Koko Bebey, « L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : regard sous l’angle de la théorie générale du droit », Juriscope, Revue de l’actualité juridique, 2001, pp. 13-15, disponible sur http://www.daldewolf.com/documents/document/20151221114452-47_29_droit_ohada_regard_sous_l_x27_angle_de_la_theorie_generale_du_droit_modi_koko.pdf, consulté le 29 novembre 2019.
-
[5]
V. compte rendu de la réunion spéciale du Conseil des ministres de l’OHADA, Niger, les 26 et 27 juillet 2007, Journal officiel de l’OHADA, n° 19, 1er octobre 2009, p. 9.
-
[6]
V. M. Fontaine, « Note explicative à l’avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats », Rev. dr. unif., janvier 2008, vol. 13, n° 1-2, p. 565, disponible sur : http://academic.oup.com, consulté le 26 octobre 2019.
-
[7]
V., y compris sur la manière dont les États adaptent leur droit aux standards internationaux pour attirer de la richesse, B. Frydman, « Les défis du droit global », in C. Bricteux et B. Frydman (dir.), Les défis du droit global, Bruxelles, Bruylant, 2017, pp. 9-10.
-
[8]
V. P.G. Pougoué, J. Issa-Sayegh et F.M. Sawadogo, « Projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l’espace OHADA », pp. 4-6, disponible sur : https://www.fondation-droitcontinental.org, consulté le 26 octobre 2019 ; Adde P.G. Pougoué, « L’avant-projet d’acte uniforme OHADA sur le droit des contrats : les tribulations d’un universitaire », Ohadata, 2007, D-07-41, pp. 7 et s.
-
[9]
Si, jusqu’à une période récente, et en dépit de tous les débats qu’il soulève, le projet d’harmonisation du droit des contrats était encore défendu par les instances de l’OHADA, notamment par le Secrétariat permanent (v. D.C. Sossa, « Pour une harmonisation du droit des contrats dans les pays membres de l’OHADA », JCP G 2016, n° 4, p. 588), l’on ignore où il en est à ce jour. Le nouveau Secrétaire permanent n’en fait pas spécialement mention au titre de ses tâches, même s’il compte « consolider et maintenir les acquis » (« Interview du Pr. Emmanuel Sibidi Darankoum, Secrétaire permanent de l’OHADA », Le Bulletin du bureau de l’administrateur de la Banque mondiale, novembre 2019, p. 20.). En tout état de cause et même dans l’hypothèse d’un abandon du projet, la présente étude conserve sa pertinence, ne serait-ce qu’au regard des législations nationales qui envisageraient une évolution.
-
[10]
V. infra, 1.1.1.
-
[11]
V. ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018.
-
[12]
V., par exemple, l’un des arrêts les plus remarqués sur le sujet, Civ. 1re, 30 mai 2000, n° 98-15.242, D. 2000, jurispr. p. 879, note J.-P. Chazal, et D. 2001, somm. p. 1140, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2000, p. 827, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. p. 863, obs. P.-Y. Gautier ; Contrats, conc., consom. 2000, comm. n° 142, obs. L. Leveneur ; Defrénois 2000, p. 1124, obs. Ph. Delebecque ; Dr. et patrimoine 2000, n° 2652, obs. P. Chauvel ; JCP 2001, II, n° 10461, obs. G. Loiseau ; LPA 11 avr. 2001, p. 17, note L. Belmonte.
-
[13]
V. rapport au Président de la République, p. 10.
-
[14]
Sur le bien-fondé de telles exclusions, v. Y. Picod, « Rapport introductif », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, Thèmes & commentaires, Paris, Dalloz, 2017, p. 4.
-
[15]
V., par exemple, Code civil camerounais, art. 1111 et s. ; Code civil burkinabé, art. 1111 et s. ; Code civil guinéen, art. 1059 et s. ; Code sénégalais des obligations civiles et commerciales, art. 64 ; loi malienne du 29 août 1987 fixant le régime général des obligations, art. 39 et s. ; décret congolais (RDC) du 30 juillet 1888 traitant « Des contrats ou des obligations conventionnelles », art. 11 et s.
-
[16]
Acte uniforme révisé portant sur le droit commercial général (AUDCG), art. 234 et s.
-
[17]
Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route (AUCTMR).
-
[18]
V. R.N. Temgwa, « Les contrats partiellement réglementés en droit OHADA », in Le droit OHADA, bilan et perspectives, actes du colloque annuel du Diplôme inter-universitaire Juriste OHADA, LPA, septembre 2015, numéro spécial, n° 192, pp. 41 et s. et A. Ghozi, P-E. Audit et C. Grimaldi, « Esquisse d’un droit commun des contrats à partir des actes uniformes », in Le droit OHADA, bilan et perspectives, ibid., p. 50.
-
[19]
V. A. Ghozi, P-E. Audit et C. Grimaldi, « Esquisse d’un droit commun des contrats à partir des actes uniformes », loc. cit.
-
[20]
Art. 3/10, 1° : « La nullité du contrat ou de l’une de ses clauses pour cause de lésion peut être invoquée par une partie lorsqu’au moment de sa conclusion, le contrat ou la clause accorde injustement un avantage excessif à l’autre partie. On doit, notamment, prendre en considération […] le fait que l’autre partie a profité d’une manière déloyale de l’état de dépendance, de la détresse économique, de l’urgence des besoins, de l’imprévoyance, de l’ignorance, de l’inexpérience ou de l’inaptitude à la négociation de la première ».
-
[21]
Art. 3/10, 2°.
-
[22]
Art. 77.
-
[23]
Cour suprême, 3 juin 2010, n° 414.
-
[24]
V. infra, 2.1.1.
-
[25]
Com., 9 oct. 2007, n° 06-16.744.
-
[26]
Civ. 1re, 18 févr. 2015, n° 13-28.278, D. 2015, p. 432 ; D. 2016, p. 566, obs. M. Mekki ; AJCA 2015, p. 221, obs. L. Perdrix ; RTD civ. 2015, p. 371, obs. H. Barbier.
-
[27]
Idem.
-
[28]
V. M. Bakhoum, « Cohérence institutionnelle et effectivité d’une politique régionale de la concurrence : le cas de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) », RIDE 2011/3, pp. 310-311 ; Y. Kalieu Elongo, « Un nouveau règlement pour régir la concurrence dans la CEMAC », 24 juillet 2019, disponible sur : https://kalieu-elongo.com, consulté le 7 novembre 2019, et P.G. Pougoué et al., v° Actes uniformes, Encyclopédie du droit OHADA, 2011, p. 118, n° 363.
-
[29]
V. C. Gavalda-Moulenat, « La violence économique et le droit de la consommation. L’abus de faiblesse », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., p. 76 ; V. Valette-Ercole, « Violence économique et pratiques commerciales agressives », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), ibid., p. 87 ; J. Julien, Droit de la consommation, 2e éd., Paris, LGDJ, 2016, pp. 157 et s. L’on pourrait ajouter aux pratiques visées, mais dans une certaine mesure seulement, les clauses abusives.
-
[30]
CCJA, 17 déc. 2015, n° 169/2015.
-
[31]
Il en va ainsi de la République démocratique du Congo, du Congo Brazzaville, de l’Union des Comores, du Gabon, de la Guinée-Bissau, de la Guinée équatoriale, du Sénégal, du Togo, du Burkina Faso et de la Centrafrique. Pour un inventaire complet des législations nationales africaines en la matière, à jour à la date du 14 juillet 2018, v. K. Mouaffo-Kengne, « Le droit de la consommation, un droit émergent en Afrique. Récapitulatif des textes », disponible sur : https://www.legavox.fr/blog/dr-kamwe-mouaffo, consulté le 7 novembre 2019.
-
[32]
V. les textes de la Guinée (Loi L/94/003/CTRN du 14 février 1994 relative à la protection des consommateurs, au contrôle des denrées, marchandises et services et à la répression des fraudes commerciales), du Bénin (Loi n° 2007-21 du 16 octobre 2007 portant protection du consommateur en République du Bénin), du Tchad (Loi n° 005/PR/2015 du 4 février 2015 portant protection du consommateur au Tchad), du Cameroun (Loi-cadre n° 2011/012 du 6 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun) et du Niger (Décret du 2 novembre 2018 portant modalités d’application de la loi déterminant les principes fondamentaux de la protection du consommateur en République du Niger).
-
[33]
Loi n° 2015-036/ du 16 juillet 2015 portant protection du consommateur, notamment titre IV, chapitre VI. V. A. Diabaté, « Réflexions sur la codification du droit de la consommation au Mali : Contribution à la protection juridique des consommateurs », Ohadata, D-18-19, disponible sur : http://www.ohada.com, consulté le 16 novembre 2019.
-
[34]
Loi n° 2016-412 du 15 juin 2016 relative à la consommation, notamment livre 1, titre 2, chapitre 2.
-
[35]
Union économique et monétaire ouest-africaine.
-
[36]
Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale.
-
[37]
V. I. Zoungrana, Réflexions autour de la protection des consommateurs de la zone UEMOA dans sa perspective d’intégration économique communautaire. Étude comparative avec le droit européen (Français), Thèse de doctorat, Université de Perpignan, 2016, p. 238.
-
[38]
V. Y. Kalieu Elongo, « La Directive du 8 avril 2019 harmonisant la protection des consommateurs dans la CEMAC : En attendant la mise en œuvre », 27 avril 2020, disponible sur : https://kalieu-elongo.com, consulté le 18 novembre 2019.
-
[39]
En particulier l’article 40 (xii), (xiii) et (xiv).
-
[40]
V. traité fondateur de la CEMAC, art. 41. Adde Y. Kalieu Elongo, « La Directive du 8 avril 2019 harmonisant la protection des consommateurs dans la CEMAC : En attendant la mise en œuvre », op. cit.
-
[41]
P.G. Pougoué et al., V° Actes uniformes, Encyclopédie du droit OHADA, op. cit., p. 118, n° 359.
-
[42]
N. Dorandeu, « Violence économique et droit de la concurrence », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., pp. 70 et s.
-
[43]
CCJA, 3e ch., 22 nov. 2018, no 206/2018, LEDAF, n° 112g8, juill. 2019, p. 4 (sommaire), obs. K. Mouaffo.
-
[44]
Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.
-
[45]
V., par exemple, Règlement CEMAC relatif à la concurrence, art. 33, al. 1.
-
[46]
Dans la retentissante affaire Intel où le géant américain des microprocesseurs s’est vu infliger une amende de 1,06 milliard d’euros par la Commission européenne pour abus de position dominante, la CJUE a annulé l’arrêt confirmatif du Tribunal de l’Union européenne, au motif notamment que l’article 102 TFUE applicable en la matière « ne vise pas non plus à assurer que des concurrents moins efficaces que l’entreprise occupant une position dominante restent sur le marché […] Ainsi, tout effet d’éviction ne porte pas nécessairement atteinte au jeu de la concurrence », CJUE, 6 sept. 2017, Intel Corp. Inc. c. Commission européenne, aff. C-413/14. En l’espèce, la CJUE a estimé que l’appréciation de l’existence d’une atteinte au jeu de la concurrence devait passer notamment par le test du concurrent aussi efficace, dit test AEC. Or ce test, destiné à établir si la pratique litigieuse est susceptible de restreindre la compétition des concurrents aussi efficaces que l’entreprise dominante, est d’une pertinence fort douteuse (M. Malaurie-Vignal, Droit de la concurrence interne et européen, 8e éd., Paris, Sirey, 2019, p. 277) et est réputé favorable à l’entité dominante (J.-Chr. Roda, Droit de la concurrence, Paris, Dalloz, 2019, p. 125).
-
[47]
L. Boy, « Quel droit de la concurrence pour l’Afrique francophone subsaharienne ? », RIDE 2011/3, p. 272.
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[48]
Ibid., p. 278.
-
[49]
V. loi sur les prix, la concurrence et le contentieux économique précitée, art. 27. Adde L. Boy, « Quel droit de la concurrence pour l’Afrique francophone subsaharienne ? », op. cit., pp. 272-273.
-
[50]
Th. Revet, « La violence économique dans la jurisprudence », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., p. 23.
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[51]
R. Cabrillac, « La violence économique : perspectives de droit comparé », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, ibid., p. 35.
-
[52]
V., en ce sens, G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, Paris, LGDJ, 1949, n° 46, cité par J-P. Chazal, « La contrainte économique : violence ou lésion ? », D. 2000, p. 880, n° 5 : « Tout homme se trouve plus ou moins dans la société en état de nécessité de contracter, car il ne peut vivre sans contracter ».
-
[53]
Dans certaines affaires, les juges français ont clairement posé l’abus, l’abus caractérisé, comme condition sine qua non de l’admission de la contrainte économique : Civ. 1re, 3 avr. 2002, Bull. civ. I, n° 108 ; D. 2002, p. 1860, note J.-P. Gridel et note J.-P. Chazal ; ibid., p. 2844, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2002, p. 502, obs. J. Mestre et B. Fages ; RTD com. 2003, p. 86, obs. A. Françon ; Defrénois 2002, p. 37607, n° 65, note E. Savaux ; Com. 16 oct. 2007, n° 05-19.069 ; Com. 7 juill. 2009, n° 08-114.362.
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[54]
V., en ce sens, G. Loiseau, « La violence économique : du vice à la vertu », Cah. soc., mars 2015, p. 157.
-
[55]
CA Aix-en-Provence, 19 fév. 1988, Bull. Cour d’Aix 1988, n° 24 ; RTD civ., 1989, p. 535, obs. J. Mestre ; Civ. 2e, 3 mars 2011, n° 09-72.968.
-
[56]
Th. Revet, « La violence économique dans la jurisprudence », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., p. 17, n° 8 et p. 19, n° 11.
-
[57]
V., par exemple, CA Poitiers, 7 nov. 1979, D. 1980, inf. rap., p. 265, obs. J. Ghestin ; Com., 29 janv. 2008, n° 06-20.808.
-
[58]
V. Th. Revet, « La violence économique dans la jurisprudence », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., pp. 21-22, n° 17.
-
[59]
Ibid., p. 23, n° 19.
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[60]
J.-P. Chazal, « La contrainte économique : violence ou lésion ? », op. cit., n° 8 ; D. Mazeaud, V° « Lésion », Rép. civ., 2018, pp. 7-8, n° 8.
-
[61]
V. Code suisse des obligations, art. 21 ; Code civil du Québec, art. 1406 ; Code civil italien, art. 1448 ; Code civil luxembourgeois, art. 1118 ; Code civil du Brésil, art. 156 ou encore BGB (Bürgerliches Gesetzbuch), § 138 al. 2, qui dispose : « Est nul un acte juridique par lequel une personne se fait promettre ou accorder, soit à elle-même, soit à une autre personne, en contrepartie d’une prestation, des avantages patrimoniaux en disproportion flagrante avec sa prestation, et cela par l’exploitation de l’état de nécessité de l’inexpérience, du défaut de capacité de jugement de la grande faiblesse de caractère d’autrui ». En France, le projet Terré allait dans ce sens, mais n’a pas été suivi.
-
[62]
V., par exemple, les Principes du droit européen des contrats (PDEC), art. 4:109.
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[63]
V. les Principes d’Unidroit relatifs aux contrats du commerce international, art. 3.2.7.
-
[64]
V. le Code civil luxembourgeois et les PDEC.
-
[65]
Code civil néerlandais, art. 44.
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[66]
Dans son arrêt du 30 mai 2000, la Cour de cassation affirmait déjà que « la contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion ».
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[67]
V., par exemple, D. Mazeaud, « La violence économique à l’aune de la réforme du droit des contrats », in Y. Picod et D. Mazeaud (dir.), La violence économique. À l’aune du nouveau droit des contrats et du droit économique, op. cit., pp. 29-30, n° 15.
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[68]
Cela sous réserve des applications potentielles, suivant le cas, du principe specialia generalibus derogant.
-
[69]
V. Traité OHADA, art. 53, al. 1.
-
[70]
Le nouveau Secrétaire permanent de l’OHADA semble conscient de cette nécessité de « mettre en place les convergences entre le Common law et le Civil Law » (« Interview du Pr. Emmanuel Sibidi Darankoum, Secrétaire permanent de l’OHADA », op. cit., p. 20).
-
[71]
V. S. Date-Bah, « The UNIDROIT Principles of International Commercial Contracts and the Harmonisation of the Principles of Commercial Contracts in West and Central Africa. Reflections on the OHADA Project from the Perspective of a Common Lawyer from West Africa », Unif. L. Rev., 2004, n° 2, p. 271.
-
[72]
Déjà en 2002, lorsqu’il demandait à Unidroit de lui proposer un avant-projet d’acte uniforme sur le droit des contrats, le Secrétariat permanent de l’OHADA avait précisé que le texte à élaborer « devra[it] […] intégrer aussi bien les préoccupations des systèmes juridiques romano-germaniques que celles de la Common Law ». V. « Préparation par Unidroit d’un projet d’acte uniforme Ohada sur le droit des contrats », disponible sur : www.unidroit.org, consulté le 1er décembre 2019.
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[73]
V. E. McKendrick, Contract Law. Text, cases and materials, 8th ed., Oxford, Oxford University Press, 2018, pp. 615 et s. et N. Andrews, Contract Law, 2nd ed., Cambridge, Cambridge University Press, 2015, pp. 286 et s.
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[74]
Pour traiter de la question, les auteurs nigérians évoquent la jurisprudence anglaise. V., par exemple, F.F. Aare, The Law of Contract in Nigeria II, 2nd ed., Lagos, National Open University of Nigeria, 2014, pp. 42-43, qui se réfère à l’affaire North Ocean Shipping Co. Ltd. v. Hyundai Construction Co. Ltd., [1979] QB 705 ; [1978] 3 All ER 1170.
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[75]
D. Hutchison et al., The Law of Contract in South Africa, 3rd ed., Cape Town, Oxford University Press Southern Africa, 2017, p. 143 : « Whether a threat to a purely economic interests of the other party can constitute duress in our law remains an open question ».
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[76]
Idem.
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[77]
V. Gerolomou Constructions (Pty) Ltd. v. Van Wyk, 2011 (4) SA 500 (GNP).
-
[78]
Pour une étude détaillée de la question, v. A.P. Bell, « Abuse of a Relationship: Undue Influence in English Law and French Law », European Review of Private Law, 2007, n° 4, p. 555.
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[79]
V. R. Cabrillac, Droit européen comparé des contrats, Paris, LGDJ, 2ème édition, 2016, p. 92.
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[80]
A.P. Bell, « Abuse of a Relationship: Undue Influence in English Law and French Law », op. cit., pp. 557-562.
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[81]
V. supra, 2.1.1.
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[82]
Patel v. Grobbelaar, 1974 (1) SA 532 (A).
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[83]
[1975] QB 326.
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[84]
Lord Denning exprimait ainsi sa doctrine de l’inequality of bargaining power dans les termes suivants : « English law gives relief to one who, without independent advice, enters into a contract on terms which are very unfair or transfers property for a consideration which is grossly inadequate, when his bargaining power is grievously impaired by his own needs or desires, or by his own ignorance or infirmity, coupled with undue influences or pressure brought to bear on him or for the benefit of the other », Lloyds Bank Ltd. v. Bundy.
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[85]
National Westminster Bank v. Morgan, [1985] AC 686 ; [1985] 1 AII ER 821. Adde R. Sone and J. Devenney, The Modern Law of Contract, 11th ed., London, Routledge, 2019, p. 384. La doctrine fera pourtant son chemin en droit américain où elle est appliquée. V. C. McCullough, « Unconscionability as a Coherent Legal Concept », University of Pennsylvania Law Review, 2016, vol. 164, n° 3, p. 779.
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[86]
E. McKendrick, Contract Law. Text, cases and materials, op. cit., p. 684 et Contract Law, London, Palgrave Macmillan, Eleventh edition, 2015, p. 306.
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[87]
D. Hutchison et al., The Law of Contract in South Africa, op. cit., p. 143.
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[88]
Cela représentait également le projet de Lord Denning dans l’affaire Lloyds Bank.
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[89]
Traité OHADA, Préambule.