Couverture de RIDE_341

Article de revue

Le statut des décisions antérieures dans la jurisprudence de l’OMC : contours de l’application de la règle du précédent dans le contentieux commercial multilatéral

Pages 33 à 66

Notes

  • [1]
    Ch. De Visscher, « La chose jugée devant la Cour internationale de la Haye », Revue belge de droit international/Belgium Rev of Intl, 1965, vol. 5, n° 1.
  • [2]
    G. Guillaume, « The Use of Precedent by International Judges and Arbitrators », Journal of International Dispute Settlement, 2011, vol. 2, n° 1, pp. 5-23.
  • [3]
    Modules préparatoires aux études supérieures, Module 3 : Bijuridisme canadien, Faculté de droit de l’Université Laval, disponible en ligne sur le site de l’Université Laval <https://modules.fd.ulaval.ca/cycles_superieur/sites/modules.fd.ulaval.ca.cycles_superieur/files/module_3_-_bijuridisme.pdf >, consulté le 16 novembre 2019.
  • [4]
    H. Agbodjan Prince, « Chronique de droit international économique en 2013/Digest of International Economic Law in 2013 », Annuaire canadien de droit international 2013/Canadian Yearbook of International Law 2013, 2014, vol. 51, pp. 353-395.
  • [5]
    A. Mayrand, « L’autorité du précédent au Québec », Revue juridique Thémis, 1994, vol. 28, nos 2 et 3, pp. 773-794 ; voir également A. Perrault, Traité de droit commercial, t. 1, Montréal, Éditions A. Lévesque, 1936. Pour A. Perrault par exemple, « les tribunaux de la province de Québec, à la différence de ceux existant en pays de Common law, ne doivent point considérer une décision antérieure comme établissant une règle absolue, une règle forcée. Nos tribunaux sont toujours libres de se dresser contre une jurisprudence qui leur paraît erronée ». A. Mayrand renchérit en considérant que, « dans un système civiliste, la jurisprudence n’est pas une source primaire du droit. Le Code de l’organisation judiciaire français rappelle à cet égard que « les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif » (article 10 des lois des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire). Cela permet donc à un juge de trancher une affaire sans prendre en considération les décisions antérieures qui ont été rendues sur le même sujet. Au Québec, les juges provinciaux ont ainsi souvent exprimé qu’ils étaient libres de s’écarter des précédents judiciaires.
  • [6]
    A. Mayrand, « L’autorité du précédent au Québec », op. cit., note 5.
  • [7]
    Idem.
  • [8]
    Voir, par exemple, N. Bernier, « L’autorité du précédent judiciaire de la Cour d’appel du Québec », Revue juridique Thémis, 1971, vol. 6, pp. 550 et 559.
  • [9]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », in J. Jemielniak, L. Nielsen et H. Palmer Olsen (eds.), Establishing Judicial Authority in International Economic Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2016.
  • [10]
    Statut de la Cour internationale de Justice, 26 juin 1945, R.T. Can. 1945 n° 7.
  • [11]
    Cour permanente de Justice internationale, Affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, Recueil des arrêts, 1926, Série A, n° 7, p. 19.
  • [12]
    En utilisant le terme « juge » pour désigner les personnes impliquées dans le processus de règlement des différends à l’OMC (groupes spéciaux et Organe d’appel), nous n’entendons pas relancer le débat sur la juridictionnalisation du système de règlement des différends de l’OMC. Nous considérons qu’il s’agit ici d’un système juridictionnel et que le terme « juge » est justifié. Pour aller plus loin sur ce débat, voir H. Agbodjan Prince, Droit de l’OMC et l’agriculture : analyse critique et prospective du système de régulation des subventions agricoles, Montréal, Thémis, 2012 ; H. Ruiz Fabri, « Le juge de l’OMC : ombres et lumières d’une figure judiciaire singulière », RGDIP, 2006, pp. 39-83 ; H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction, consolidation d’un droit », in Ch. Leben, E. Loquin et M. Salem (dir.), Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20e siècle. À propos de 30 ans de recherche du CREDIMI. Mélanges en l’honneur de Philippe Kahn, Paris, Litec, 2000.
  • [13]
    United State Trade Representative, « The President’s 2018 Trade Policy Agenda », March 2018, pp. 22-24, en ligne : <https://ustr.gov/sites/default/files/files/Press/Reports/2018/AR/2018%20Annual%20Report%20FINAL.PDF>, consulté le 1er mai 2019.
  • [14]
    Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, Secrétariat du GATT, Genève, 1994, pp. 427-457.
  • [15]
    Groupe spécial, États-Unis – Mesures antidumping visant les crevettes et les lames de scie au diamant en provenance de Chine, OMC Doc. WT/DS422/R, 8 juin 2012, § 6.7 : « Les États-Unis estiment que les extraits de deux rapports de l’Organe d’appel cités au paragraphe 7.29 ne reflètent pas de manière adéquate le rôle que joue un Groupe spécial dans le processus de règlement des différends. Les États-Unis considèrent que les droits et obligations des Membres de l’OMC découlent, non pas des rapports des Groupes spéciaux ou de l’Organe d’appel, mais du texte des accords visés. Ils ajoutent que, si les rapports antérieurs jouent un rôle important dans ce processus, l’article 11 du Mémorandum d’accord dispose qu’il incombe à un Groupe spécial de procéder à sa propre évaluation objective de la question dont il est saisi, y compris de l’applicabilité des dispositions des accords visés pertinents et de la conformité des faits avec ces dispositions. (…) Les États-Unis considèrent qu’une question de compatibilité avec un rapport antérieur adopté par l’ORD ne devrait pas et ne peut pas prévaloir sur ces dispositions qui ne prescrivent pas à un Groupe spécial d’appliquer des rapports déjà adoptés ou de s’en remettre à de tels rapports ».
  • [16]
    K.J. Pelc, « The Politics of Precedent in International Law : A Social Network Application », American Political Science Review, vol. 3 (2014), p. 547 ; A. Scully-Hill et H. Mahncke, « The Emergence of the Doctrine of Stare decisis in the World Trade Organization Dispute Settlement System », Legal Issues of Economic Integration, vol. 36 (2009), pp. 133-156 ; R. Bhala, « The Precedent Setters : De Facto Stare decisis in WTO Adjudication (Part Two of a Trilogy) », Transnat’l L. & Pol’y, vol. 9 (1999), p. 1.
  • [17]
    D. Parkes, « Precedent Unbound – Contemporary Approaches to Precedent in Canada », Man LJ, vol. 32 (2006), p. 135.
  • [18]
    Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, op. cit., note 14, art. 3 :2.
  • [19]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tissés en provenance d’Inde, OMC Doc. WT/DS33/AB/R, 25 avril 1997, p. 22.
  • [20]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures à l’importation de certains produits des communautés européennes, OMC Doc. WT/DS165/AB/R, 11 décembre 2000, § 92.
  • [21]
    Idem.
  • [22]
    D.T. Blackmore, « Eradicating the Long Standing Existence of a No Precedent Rule in International Trade Law – Looking Toward Stare decisis in WTO Dispute Settlement », North Carolina Journal of International Law and Commercial Regulation, vol. 29 (2003), p. 487.
  • [23]
    M. Bénitah, Fondements juridiques du traitement des subventions dans les systèmes GATT & OMC, Genève/Paris, Librairie Droz, 1998, p. 254.
  • [24]
    Groupe spécial, Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture, OMC Doc. WT/DS79/R, 24 août 1998, § 7.30.
  • [25]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », op. cit., note 9.
  • [26]
    Organe d’appel, États-Unis – Lois, réglementations et méthode de calcul des marges de dumping (Réduction à zéro), OMC Doc. WT/DS294/AB/R, 18 avril 2006, §§ 311-313.
  • [27]
    D. Kelemen, « The Limits of Judicial Power : Trade-Environment Disputes in the GATT/WTO and the EU », Comparative Political Studies, vol. 34, (2001), pp. 622-650.
  • [28]
    M. Bénitah, Fondements juridiques du traitement des subventions dans les systèmes GATT & OMC, op. cit., note 23, p. 254. L’auteur cite à son tour J.M. Waincymer, « GATT Dispute Settlement : an Agenda for Evaluation and Reform », North Carolina Journal of International Law and Commerce Regulation, vol. 14 (1989), pp. 81-117.
  • [29]
    Cassell & Co. Ltd. c. Broome, [1972] AC 1027, 1054.
  • [30]
    Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, GATT Doc. DS29/R, 16 juin 1994 (rapport non adopté), § 3.74.
  • [31]
    A. Scully-Hill et H. Mahncke, « The Emergence of the Doctrine of Stare decisis in the World Trade Organization Dispute Settlement System », op. cit., note 16, pp. 133-156.
  • [32]
    Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, op. cit., note 30, § 51.
  • [33]
    Idem.
  • [34]
    Idem.
  • [35]
    Idem.
  • [36]
    Ibid., § 161.
  • [37]
    Idem.
  • [38]
    Groupe spécial, États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules, OMC Doc. WT/DS2/AB/R, 29 avril 1996.
  • [39]
    Groupe spécial, États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930, GATT Doc. IBDD, S36/386, 7 novembre 1989.
  • [40]
    Ibid., § 3.17 : « Les États-Unis ont noté qu’un Groupe spécial précédent avait reconnu qu’il [pouvait] se présenter des cas où l’application de dispositions juridiques de formes identiques se traduirait en pratique par un traitement moins favorable pour les produits importés, de sorte qu’une partie contractante pourrait avoir à appliquer des dispositions juridiques différentes aux produits importés pour que le traitement qui leur [était] accordé ne soit pas en fait moins favorable ».
  • [41]
    Groupe spécial, États-Unis – Mesures affectant les boissons alcooliques et les boissons à base de malt, GATT Doc. IBDD, S39/233, 19 juin 1992 ; Groupe spécial, Canada – Importation, distribution et vente de certaines boissons alcooliques par les organismes provinciaux de commercialisation, GATT Doc. IBDD, S39/28, 18 février 1992.
  • [42]
    Ibid., § 3.23 : « De l’avis du Venezuela, le raisonnement suivi dans les rapports de deux Groupes spéciaux antérieurs au sujet de la perte de possibilités de concurrence subie par les produits importés était applicable en l’espèce et conduisait à conclure que l’essence importée aurait dû bénéficier des mêmes possibilités de distribution que celles qui étaient réservées à l’essence produite aux États-Unis, y compris la possibilité d’être vendue directement dans le commerce avec l’application d’un niveau de base individuel ».
  • [43]
    Groupe spécial, États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930, op. cit., note 39 ; voir également, Groupe spécial, CEE – Primes et subventions versées aux transformateurs et aux producteurs d’oléagineux et de protéines apparentées destinés à l’alimentation des animaux, GATT Doc. IBDD, S37/91, 25 janvier 1990.
  • [44]
    Ibid., § 3.26 : « Le Brésil a relevé qu’un Groupe spécial antérieur avait rejeté dans son rapport toute idée d’équilibrer le traitement plus favorable accordé à certains produits importés par le traitement moins favorable appliqué à d’autres produits importés. (…) De même, un autre Groupe spécial avait conclu dans son rapport que le fait qu’un produit importé donné risquait de faire l’objet d’une discrimination constituait, en soi, une forme de discrimination ».
  • [45]
    Groupe spécial, États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930, op. cit., note 39, § 161.
  • [46]
    Ibid., § 161.
  • [47]
    Ibid., §§ 161 et 162.
  • [48]
    Ibid., § 162.
  • [49]
    Ibid., § 160.
  • [50]
    Nous reprenons la distinction établie par Raj Bhala : R. Bhala, « The Precedent Setters : De Facto Stare decisis in WTO Adjudication (Part Two of a Trilogy) », op. cit., note 16, p. 89.
  • [51]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tissés en provenance d’Inde, op. cit., note 19, p. 4.
  • [52]
    Ibid., pp. 15-16.
  • [53]
    Ibid., p. 4.
  • [54]
    Ibid., pp. 20-21.
  • [55]
    Idem.
  • [56]
    Groupe spécial, Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture, op. cit., note 24.
  • [57]
    Ibid., § 7.42 : « Le rapport du Groupe spécial concernant le différend WT/DS50 suit, pour ce qui est de la charge de la preuve, l’approche établie par l’Organe d’appel dans l’affaire Chemises, chemisiers et blouses. L’Inde allègue que cette approche est contraire aux principes établis régissant la charge de la preuve et le niveau de preuve. Nous notons toutefois que l’Organe d’appel a confirmé que cette approche était correcte. Nous suivrons la même approche dans l’affaire à l’étude ».
  • [58]
    Organe d’appel, Communautés européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (hormones), OMC Doc. WT/DS26/AB/R, WT/DS48/AB/R, p. 98 : « La charge de la preuve incombe initialement à la partie plaignante, qui doit fournir un commencement de preuve d’incompatibilité avec une disposition particulière de l’Accord SPS en ce qui concerne la partie défenderesse, ou plus exactement, sa (ses) mesure(s) SPS faisant l’objet de la plainte. Une fois que ce commencement de preuve a été apporté, la charge de la preuve passe à la partie défenderesse, qui doit à son tour repousser ou réfuter l’incompatibilité alléguée ».
  • [59]
    Organe d’appel, Brésil – Programme de financement des exportations pour les aéronefs civils (article 21 :5 – Canada), OMC Doc. WT/DS46/AB/RW, 21 juillet 2000.
  • [60]
    Ibid., p. 66.
  • [61]
    Organe d’appel, Communautés européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (hormones), op. cit., note 58, p.250 : « Nous approuvons l’application par le Groupe spécial de la notion d’économie jurisprudentielle. Nous avons confirmé la conclusion du Groupe spécial selon laquelle les mesures communautaires sont incompatibles avec l’article 5 :1 étant donné que les Communautés n’ont pas fourni une évaluation des risques qui étaie raisonnablement ces mesures ».
  • [62]
    Organe d’appel, Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture, OMC Doc. WT/DS50/AB/R, 19 décembre 1997, p. 87 : « un Groupe spécial a la faculté de déterminer quelles sont les allégations qu’il doit traiter pour régler le différend entre les parties – à condition que ces allégations rentrent dans le cadre de son mandat ».
  • [63]
    Organe d’appel, États-Unis – Subvention concernant le coton Upland, OMC Doc. WT/DS267/AB/R, 3 mars 2005, p. 717 : « Nous pensons que le Groupe spécial n’a pas outrepassé les limites de son pouvoir discrétionnaire en s’abstenant d’examiner si les produits inscrits dans la Liste autres que le riz et les produits non inscrits dans la Liste bénéficiant d’un soutien au titre des programmes étaient appliqués d’une manière qui “mena[çait] d’entraîner” un contournement ».
  • [64]
    Organe d’appel, États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules, op. cit., note 38, p. 24.
  • [65]
    Ibid., pp. 119-120.
  • [66]
    Ibid., p. 118.
  • [67]
    Ibid., pp. 119-120 : « L’ordre des étapes indiqué ci-dessus à suivre pour analyser une allégation concernant une justification au titre de l’article XX ne dénote pas un choix fortuit ou aléatoire, mais plutôt la structure et la logique fondamentales de l’article XX. (…) La tâche qui consiste à interpréter le texte introductif de façon à empêcher l’usage abusif ou impropre des exceptions spécifiques prévues à l’article XX devient très difficile, sinon tout à fait impossible, lorsque celui qui interprète (comme le Groupe spécial en l’espèce) n’a pas d’abord identifié et examiné l’exception spécifique susceptible d’abus ».
  • [68]
    Organe d’appel, Corée – mesures affectant les importations de viande de bœuf fraîche, réfrigérée et congelée, OMC Doc. WT/DS161/AB/R WT/DS169/AB/R, 11 décembre 2000.
  • [69]
    Ibid., p. 156.
  • [70]
    Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, OMC Doc. WT/DS8/AB/R WT/DS10/AB/R WT/DS11/AB/R, 4 octobre 1996.
  • [71]
    Cette question devrait être établie au cas par cas et requiert un élément de jugement personnel, voire discrétionnaire, de la part du Groupe spécial. Voir Organe d’appel, Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, op. cit., note 70, p. 23.
  • [72]
    Ibid., p. 33.
  • [73]
    Groupe spécial du GATT, États-Unis – Taxes américaines sur les automobiles, GATT Doc. DS31/R, 11 octobre 1994.
  • [74]
    Ibid., § 5.10.
  • [75]
    Organe d’appel, Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, OMC Doc. WT/DS31/AB/R, 30 juin 1997.
  • [76]
    Organe d’appel, Corée – Taxes sur les boissons alcooliques, OMC Doc. WT/DS75/AB/R ; WT/DS84/AB/R, 18 janvier 1999.
  • [77]
    Ibid., p. 81.
  • [78]
    A. Porges, « Settling WTO Disputes : What do Litigation Models Tell us ? », Ohio State Journal on Dispute Resolution, vol. 19 (2003), p. 184.
  • [79]
    Organe d’appel, Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, op. cit., note 75.
  • [80]
    M.L. Busch, « Overlapping Institutions, Forum Shopping, and Dispute Settlement in International Trade », International Organization, vol. 61 (2007), pp. 735-761.
  • [81]
    Accord de libre-échange nord-américain, Recueil des traités du Canada, 1994/42, Ottawa, Washington et Mexico, 1er janvier 1994.
  • [82]
    Ibid., art. 2106.
  • [83]
    Voir l’article 2005 al. 2 de l’Accord de libre-échange États-Unis/Canada (l’article 2106 de l’Alena incorpore l’article 2005 de l’Accord de libre-échange États-Unis/Canada).
  • [84]
    M.L. Busch, « Overlapping Institutions, Forum Shopping, and Dispute Settlement in International Trade », op. cit., note 80.
  • [85]
    K. Acheson et Chr. Maule, « Much Ado about Culture : North American Trade Disputes, Ann Arbor », University of Michigan Press, (1999) ; voir également M. McDonald, « A Blow to Magazines », MacLean’s, vol. 27 (1997), p. 58.
  • [86]
    United States Code Congressional and Administrative News, vol. 4 (1993), p. 2649 : « The Committee supports the Administration’s commitment to use all appropriate tools at its disposal to discourage Canada and other countries from taking measures that discriminate against, or restrict market access for, the U.S. film, broadcasting, recording and publishing industries ».
  • [87]
    Organe d’appel, Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, op. cit., note 75, p. 19.
  • [88]
    Groupe spécial, Chine – Mesures affectant les droits de commercialisation et les services de distribution pour certaines publications et certains produits de divertissement audiovisuels, OMC Doc. WT/DS363/R, 12 août 2009.
  • [89]
    Ibid., §§ 5.43 et 7.158.
  • [90]
    Si, en initiant un différend à l’OMC, un État peut avoir comme objectif la mise en place d’un précédent contraignant pour l’ensemble des État membres, un État qui ne désire pas obtenir un tel précédent peut alors choisir d’initier un différend dans un forum régional plutôt que dans le forum multilatéral de l’OMC. M.L. Busch analyse la décision du Mexique d’initier le différend relatif aux mesures de sauvegarde américaines prises relativement aux balais en paille de sorgho dans le contexte de l’Alena plutôt que dans le contexte de l’OMC (Rapport du Groupe spécial de l’Alena, Alena Doc. USA-97-2008-01, 30 janvier 1998). Ce choix semble curieux en considérant que l’argumentation du Mexique était principalement basée sur le droit de l’OMC (article XIX du GATT et Accord sur les sauvegardes). Par ailleurs, la Colombie a initié un différend au sujet des mêmes mesures américaines à l’OMC, parallèlement à la plainte du Mexique à l’Alena. Le Mexique aurait ainsi pu bénéficier de l’appui d’un allié dans le cadre d’une plainte éventuelle à l’OMC. L’auteur explique de façon convaincante le choix du Mexique d’opter pour le forum de l’Alena plutôt que celui de l’OMC comme une volonté de la part du Mexique de ne pas établir un précédent multilatéral sur la question, le Mexique ayant lui-même recours couramment aux mesures de sauvegarde. Voir M.L. Busch, « Overlapping Institutions, Forum Shopping, and Dispute Settlement in International Trade », op. cit., note 80 ; voir également D.A. Gantz, « Dispute Settlement Under the NAFTA and the WTO : Choice of Forum Opportunities and Risks for the NAFTA Parties », American University International Law Review, vol. 15 (1999), p. 1071.
  • [91]
    K.J. Pelc, « The Politics of Precedent in International Law : A Social Network Application », op. cit., note 16, p. 547.
  • [92]
    Organe d’appel, Corée – Mesure de sauvegarde définitive appliquée aux importations de certains produits laitiers, OMC Doc. WT/DS98/AB/R, 14 décembre 1999.
  • [93]
    Organe d’appel, Argentine – Mesures de sauvegarde à l’importation de chaussures, OMC Doc. WT/DS121/AB/R, 14 décembre 1999.
  • [94]
    K.J. Pelc, « The Politics of Precedent in International Law : A Social Network Application », op. cit., note 16.
  • [95]
    Idem.
  • [96]
    A. Porges, « Settling WTO Disputes : What do Litigation Models Tell us ? », op. cit., note 78.
  • [97]
    K.J. Pelc, « The Politics of Precedent in International Law : A Social Network Application », op. cit., note 16.
  • [98]
    Idem.
  • [99]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures de sauvegarde définitives à l’importation de certains produits en acier, OMC Doc. WT/DS248/AB/R WT/DS249/AB/R WT/DS251/AB/R WT/DS252/AB/R WT/DS253/AB/R WT/DS254/AB/R WT/DS258/AB/R WT/DS259/AB/R, 10 novembre 2003.
  • [100]
    Ibid., p. 317 : « Les décisions que nous avons rendues dans le cadre des affaires Argentine – Chaussures (CE) et Corée – Produits laitiers étaient également cette conclusion. Dans ces appels, nous avons dit que les termes “par suite de” impliquaient qu’il devait y avoir un “lien logique” entre l’“évolution imprévue des circonstances” et les conditions énoncées dans la deuxième clause de l’article XIX:1 a) ».
  • [101]
    Convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969, Recueil des Traités, vol. 1155, p. 33.
  • [102]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », op. cit., note 9.
  • [103]
    Organe d’appel, États-Unis – Droits compensateurs sur certains produits plats en acier au carbone traité contre la corrosion en provenance d’Allemagne, OMC Doc. WT/DS213/AB/R, 28 novembre 2002, pp. 61-62.
  • [104]
    Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques II, OMC Doc. WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R, 4 octobre 1996, p. 14.
  • [105]
    Organe d’appel, Communautés européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (hormones), op. cit., note 58, p. 181.
  • [106]
    A. Hamann, Le contentieux de la mise en conformité dans le règlement des différends de l’OMC, Leiden/Boston, Brill/Nijhoff, 2013, p. 91.
  • [107]
    Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, Secrétariat du GATT, Genève, 1994, pp. 11-24.
  • [108]
    F. David, « The Role of Precedent in the WTO - New Horizons ? », Maastricht Faculty of Law Working, vol. 12 (2009).
  • [109]
    Organe d’appel, États-Unis – Traitement fiscal des “sociétés de ventes à l’étranger”, OMC Doc. WT/DS108/AB/R, 24 février 2000.
  • [110]
    Ibid., p. 127.
  • [111]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », op. cit., note 9.
  • [112]
    Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, op. cit., note 14, art. 17 :14.
  • [113]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », op. cit., note 9.
  • [114]
    Organe de règlement des différends, réunion ordinaire du 23 mai 2016, compte rendu de la réunion, OMC Doc. WT/DSB/M/379, 29 août 2016, § 6.4.
  • [115]
    J. Pauwelyn, « Sources of International Trade Law : Mantras and Controversies at the World Trade Organization » (September 5, 2016). Forthcoming in S. Besson & J. d’Aspremont (eds.), Oxford Handbook on the Sources of International Law, 2016.
  • [116]
    T. Broude, Judicial Boundedness, Political Capitulation : The Dialectic of. International Governance in the World Trade Organization, Londres, Cameron, May 2004, p. 341.
  • [117]
    Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, op. cit., note 14, art. 11.
  • [118]
    H.S. Gao, « Dictum on Dicta : Obiter Dicta in WTO disputes », World Trade Review, vol. 17 (2018), pp. 509-533.
  • [119]
    Idem.
  • [120]
    J. Pauwelyn, « Sources of International Trade Law : Mantras and Controversies at the World Trade Organization », op. cit., note 115.
  • [121]
    J.H. Jackson, Sovereignty, The WTO, and Changing Fundamentals of International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 177.
  • [122]
    Idem.
  • [123]
    Convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969, op. cit., note 101, art. 31(3) (b).
  • [124]
    J.H. Jackson, Sovereignty, The WTO, and Changing Fundamentals of International Law, op. cit., note 121.
  • [125]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures antidumping finales visant l’acier inoxydable en provenance du Mexique, OMC Doc. WT/DS344/AB/R, 30 avril 2008, p. 158.
  • [126]
    Groupe spécial, États-Unis – Utilisation de la réduction à zéro dans les mesures antidumping concernant des produits en provenance de Corée, OMC Doc. WT/DS402/R, 18 janvier 2011, § 7.31.
  • [127]
    Groupe spécial, Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture, op. cit., note 24, § 7.30.
  • [128]
    Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques II, op. cit., note 104, p. 17.
  • [129]
    Ibid., p. 16.
  • [130]
    Ibid., § 6.18.
  • [131]
    H.S. Gao, « Dictum on Dicta : Obiter Dicta in WTO disputes », op. cit., note 118.
  • [132]
    Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques II, op. cit., note 128, p. 17.
  • [133]
    Idem.
  • [134]
    Idem.
  • [135]
    D. Palmeter et P.C. Mavroidis, « The WTO Legal System : Sources of Law », American Journal of International Law, vol. 92 (1998), pp. 398-413.
  • [136]
    Idem.
  • [137]
    Groupe spécial, États-Unis — Mesures compensatoires et mesures antidumping, OMC Doc. WT/DS449/R, 27 mars 2014, § 7.317.
  • [138]
    Idem.
  • [139]
    F. Montanaro, « The Three Dimensions of Judicial Precedent in the WTO System », Michigan International Lawyer, vol. 26 (Fall 2014), pp. 17 et s.
  • [140]
    Modules préparatoires aux études supérieures, Module 3 : Bijuridisme canadien, Faculté de droit de l’Université Laval, op. cit., note 3.
  • [141]
    Idem.
  • [142]
    Organe d’appel, Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, op. cit., note 75, p. 36. L’Organe d’appel qualifie un passage de la décision du Groupe spécial dans l’affaire CEE – Oléagineux comme étant « une opinion incidente ». Il est à noter que la version anglaise de la décision parle de dicta. Voir Organe d’appel, États-Unis – Crevettes (Recours de la Malaisie à l’article 21 :5), OMC Doc. WT/DS58/AB/RW, 22 octobre 2001, p. 107. L’Organe d’appel indique que le raisonnement qu’il a suivi dans son rapport initial « ne constituait pas des opinions incidentes ». Là encore, la version anglaise parle de dicta.
  • [143]
    H.S. Gao, « Dictum on Dicta : Obiter Dicta in WTO disputes », op. cit., note 118.

Introduction

1Depuis bien longtemps, il est admis que le droit judiciaire international ne connaît pas la règle du précédent au sens du droit anglo-saxon, même si les énonciations contenues dans une décision rendue par une juridiction internationale emportent plus que l’opinion des publicistes les plus qualifiés une force de conviction et une autorité qui va au-delà du cas décidé [1]. Juge national ou international, système de droit anglo-saxon ou de droit civil, « Any system of law requires a minimum of certainty and any dispute settlement system a minimum of foreseeability » [2]. Si tant est que le juge appelé à se prononcer sur une affaire dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en tant que juge international, est attaché à la relativité de la chose jugée. Faut-il en déduire que la portée de ses décisions se limite rigoureusement au cas décidé et que celui-ci ne peut ni reprendre une décision antérieure ni motiver une décision subséquente ? Autrement dit, la relation qu’entretient le juge de l’OMC avec les décisions antérieures relève-t-elle d’une conception civiliste de la règle du précédent ou plutôt d’une approche de Common Law ?

2Il apparaît d’autant plus intéressant de se pencher sur la question que le statut des précédents judiciaires en droit de l’OMC est toujours demeuré quelque peu ambigu. Dans les pays de Common Law, régis par le principe du Stare decisis, un tribunal se doit de « suivre les enseignements dégagés des décisions antérieures nées de trames factuelles similaires » [3]. Ce principe qui constitue « l’une des règles fondamentales régissant les systèmes de Common Law prévoit que, sous réserve de certaines exceptions, les juridictions confrontées à un problème de droit sont liées par les décisions précédemment rendues sur la question » [4]. Le juge d’une juridiction hiérarchiquement supérieure en Common Law, en allant « à la découverte » du droit applicable, peut éventuellement être amené à créer la loi et celle-ci doit être respectée par la juridiction inférieure dans un jugement subséquent. À l’opposé, dans les traditions civilistes, le juge ne peut créer le droit. Celui-ci adopte une pratique généralement qualifiée de « jurisprudence constante » selon laquelle « c’est par leur répétition constante que les précédents exercent (…) une certaine influence sur les décisions postérieures » [5]. Cette influence n’a pas un poids équivalent à celle exercée sur les juges de Common Law. Dans un système de droit civil, une décision antérieure « se présente (…) comme un modèle proposé » [6]. Le précédent a dans cette perspective « une autorité persuasive ». Il « ne commande pas, il recommande qu’on le suive » [7]. La doctrine s’accorde donc pour reconnaître l’absence d’effet obligatoire des précédents judiciaires dans les systèmes civilistes en comparaison à ceux de Common Law[8]. En droit international dans lequel la règle du précédent n’a pas d’autorité formelle [9], l’article 59 du statut de la Cour internationale de Justice [10] précise que « la décision de la Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé ». Cet article a été interprété comme ayant pour but « d’éviter que des principes juridiques admis par la Cour, dans une affaire déterminée, soient obligatoires pour d’autres États ou d’autres litiges » [11]. Plus intéressant encore, l’article 38 (1) (d) du statut de la Cour internationale de Justice dispose que les décisions judiciaires ne constituent que des moyens « auxiliaire[s] de détermination des règles de droit ».

3Au cours des derniers mois, les difficultés entourant la nomination des juges [12] à l’Organe d’appel de l’OMC ont relancé le débat sur la portée des décisions rendues par cet organe. En toile de fond, la question qui se pose est celle de la nature de la relation qu’entretient le juge de l’OMC avec les décisions antérieures de l’ORD. Selon les États-Unis d’Amérique, les juges de l’OMC ont tendance à « ajout[er] ou diminu[er] » les droits et obligations des membres [13], contrairement à l’obligation expresse du Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends [14] (ci-après MARD ou Mémorandum d’accord) qui n’impose que des effets inter partes aux décisions de l’ORD. En élargissant la portée de celles-ci à des procédures postérieures, estiment les États-Unis, les juges de l’OMC consacrent la règle de Stare decisis dans le mécanisme juridictionnel de l’OMC [15].

4L’objectif de cette étude n’est pas de focaliser l’attention sur le volet « polémique » de la position américaine. Il vise plutôt à observer de manière concrète l’attitude du juge de l’OMC par rapport aux décisions antérieures, afin de déterminer si la pratique en cours à l’ORD s’apparente véritablement au Stare decisis au sens du droit anglo-saxon. D’ores et déjà, il n’est pas excessif de penser que l’absence en droit de l’OMC d’une base juridique fondant la règle du Stare decisis et le statut ambigu des décisions judiciaires, en tant que source principale de droit à l’OMC, ne militent pas en faveur de l’affirmation américaine, nonobstant une tendance observable des groupes spéciaux à trancher les différends dans le sens des décisions antérieures (1.). Ne faudrait-il pas voir dans cette attitude, la tentation du juge de l’OMC d’inscrire son action dans une conception civiliste de la règle du précédent ? (2.).

1 – L’adoption d’une approche civiliste de jurisprudence constante par le juge de l’OMC

5Il semble que le droit de l’OMC porte en lui-même les germes d’une conception civiliste de la règle du précédent [16]. D’une part, parce que l’objectif poursuivi par le MARD d’assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral la lui commande. D’autre part, parce que la règle du consensus négatif qui permet l’adoption automatique des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel en facilite l’approche, lequel Organe d’appel est institué pour réexaminer les interprétations de droit formulées par les groupes spéciaux. En Common Law, le concept de précédent contraignant revêt généralement deux dimensions : l’une, verticale, qui veut que les tribunaux inférieurs soient liés par les décisions antérieures du tribunal hiérarchiquement supérieur et l’autre, horizontale, qui laisse la possibilité de passer outre ou de déroger aux décisions du même tribunal [17]. Le parallèle avec la structure verticale des mécanismes de règlement des différends de l’OMC est susceptible de semer le doute quant à l’approche des juges de l’OMC. En réalité, si le juge de l’OMC se réfère aux précédents judiciaires (1.2.), c’est en raison à la fois de l’objectif de prévisibilité qui lui est confié et du carcan institutionnel dans lequel il agit (1.1.).

1.1 – Conditions favorables au développement d’une jurisprudence constante

6À y regarder de plus près, le cadre institutionnel et juridique de l’OMC se prête bien à la mise en œuvre de la règle du précédent dans le contentieux de l’OMC. Ce cadre offre des conditions de fond (1.1.1.) et des structurelles favorables au développement du précédent judiciaire (1.1.2.).

1.1.1 – La réunion des conditions de fond pour le développement de la règle du précédent

7En instituant à l’OMC un organe de règlement des différends, les États n’ont pas accordé de pouvoir prétorien au juge de l’OMC. Celui-ci n’a pas vocation à créer le droit. L’article 3 du MARD dispose clairement que « les recommandations et décisions de l’ORD ne peuvent pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés » [18]. Dans l’affaire, États-Unis – Chemises et blouses de laine, l’Organe d’appel a eu l’occasion de se prononcer sur cette disposition :

8

« […] Étant donné le but explicite du règlement des différends qui transparaît dans tout le Mémorandum d’accord, nous ne considérons pas que l’article 3 :2 du Mémorandum d’accord est censé encourager ni les groupes spéciaux ni l’Organe d’appel à “légiférer” en clarifiant les dispositions existantes de l’Accord sur l’OMC hors du contexte du règlement d’un différend particulier. Un groupe spécial ne doit traiter que les allégations qui doivent l’être pour résoudre la question en cause dans le différend » [19].

9Ainsi donc, le juge de l’OMC, contrairement au juge de la Common Law, n’a pas vocation à aller à la découverte d’un droit et la décision de l’Organe d’appel ne s’impose pas au groupe spécial institué dans une affaire subséquente. Le principe de la relativité des décisions impose au juge de l’OMC de s’en tenir au cas qui lui est soumis en application de la règle de droit. L’Organe d’appel l’a ainsi rappelé dans l’affaire États-Unis – Mesures à l’importation de certains produits des Communautés européennes, lorsqu’il a jugé que le rôle des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel dans le système de règlement des différends de l’OMC est « de préserver les droits et les obligations résultant pour les Membres des accords visés, et de clarifier les dispositions existantes de ces accords conformément aux règles coutumières d’interprétation du droit international public » [20]. Il apparaît donc, pour l’Organe d’appel, que le rôle du juge de l’OMC n’est pas de déterminer ce que devraient être les règles et procédures du Mémorandum d’accord. C’est de la seule responsabilité des États membres de le faire [21].

10Toutefois, le même article 3.2 du MARD précise que « le système de règlement des différends de l’OMC est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral. C’est dans l’exercice de cette mission confiée à l’ORD qu’apparaissent insidieusement les conditions de fond permettant le développement de la règle du précédent. La règle du précédent favorise une forme de cohérence judiciaire en ce qu’elle est intimement liée à la notion de prévisibilité du droit : « it offers evenhanded, predictable, and consistent development of legal principles, fosters reliance on judicial decisions, and contributes to the actual and perceived integrity of the judicial process » [22]. Par définition donc, elle uniformise le contenu des jugements et limite la discrétion judiciaire. Afin de « créer un minimum de certitude et d’éviter d’avoir à juger toujours le même cas, la technique du précédent s’est imposée presque d’elle-même, même si les membres des groupes spéciaux n’étaient pas obligés de justifier leurs décisions par des références aux cas passés » [23].

11Pour justifier sa décision de « [tenir]compte des conclusions et du raisonnement figurant dans les rapports du groupe spécial et de l’Organe d’appel concernant » un différend pertinent, un groupe spécial a rappelé la nécessité d’« accorder beaucoup d’importance à la fois à l’article 3 :2 du Mémorandum d’accord, qui souligne le rôle du système de règlement des différends de l’OMC d’assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral, et à la nécessité d’éviter des décisions incohérentes » [24].

12Souvenons-nous qu’à l’occasion de l’élection à l’Organe d’appel d’un membre du groupe spécial qui avait constaté que certains types de réduction à zéro étaient admissibles en vertu de l’Accord antidumping [25], l’Organe d’appel, par souci de cohérence judiciaire, avait préféré suivre les précédents jurisprudentiels de l’Organe d’appel condamnant la pratique de réduction à zéro plutôt que d’accommoder les intérêts américains en jeu. Il a en conséquence émis une opinion concordante dans l’affaire États-Unis – Réduction à zéro (CE) en tant que membre de l’Organe d’appel, notant que, en ce qui concerne la pratique de réduction à zéro, il souscrira désormais aux précédents jurisprudentiels qui condamnent cette pratique :

13

« The interpretative endeavour has ranged far and wide … There is little point in further rehearsing the fine points of these interpretations. In my view, there is every reason to survey this debate with humility. There are arguments of substance made on both sides ; but one issue is unavoidable. In matters of adjudication, there must be an end to every great debate. The Appellate Body exists to clarify the meaning of the covered agreements. On the question of zeroing it has spoken definitively … For these reasons, I concur in the decision reached » [26].

14Le maintien de la cohérence judiciaire demeure donc un objectif central pour les groupes spéciaux et l’Organe d’appel. « A court must attempt to maintain legal consistency in its rulings and avoid the appearance of succumbing to political pressure » [27]. La présence de précédents jurisprudentiels et le souci de cohérence avec les décisions antérieures de l’Organe d’appel ont prévalu dans la décision de ce membre.

15Par ailleurs, le recours aux précédents judiciaires offre des apparences d’impartialité aux décisions rendues. Ainsi, certains ont pu interpréter cette technique consistant à recourir aux précédents judiciaires dans le droit de l’OMC par le fait que « les groupes spéciaux ne souhaitent pas apparaître comme des preneurs de décisions favorisant une partie au détriment d’une autre. Le fait de suivre un “précédent” donne alors l’apparence d’un choix neutre » [28]. À défaut d’avoir été imposé par le cadre normatif de l’OMC, le recours aux précédents juridictionnels s’est ainsi imposé comme un moyen d’assurer non seulement sécurité et prévisibilité, mais surtout une manière d’affirmer l’impartialité du juge de l’OMC. Ainsi, la création d’un Organe d’appel, chargé d’examiner les interprétations de droit formulées par les groupes spéciaux, plante le décor institutionnel hiérarchique qui amplifie le développement de la règle du précédent dans le contentieux de l’OMC.

1.1.2 – Le développement de la règle du précédent facilité par la structure hiérarchique du mécanisme de règlement des différends de l’OMC

16La règle du précédent, voire celle du Stare decisis, prospère naturellement dans un système juridictionnel hiérarchique, dans la mesure où les tribunaux inférieurs n’ont pas d’autres choix que de suivre les décisions des tribunaux supérieurs. Cette idée remonte à une décision anglaise dans laquelle la Chambre des Lords avait indiqué que « (t)he fact is… that in the hierarchical system of courts that exists in this country it is necessary for each lower tier, including the Court of Appeal, to accept loyally the decisions of the higher tier » [29].

17L’ancien système du GATT ne répondait pas aux exigences verticales de la règle du précédent. Et c’est en référence à cette absence de structure institutionnelle hiérarchisée du mécanisme de règlement des différends sous le GATT de 1947 que l’Union européenne (UE) a rappelé, dans l’affaire États-Unis – Thon, qu’on ne pouvait appliquer la règle du Stare decisis, considérant que : « there was no stare decisis in the GATT, if only because there was no hierarchy between courts or arbitral bodies in the GATT » [30]. En d’autres termes, là où il n’y a pas de système juridictionnel hiérarchisé, il ne peut y avoir de système de Stare decisis[31]. Suivant cette même logique, l’UE va pourfendre, dans l’affaire États-Unis – Acier inoxydable (Mexique), la décision du groupe spécial de ne pas suivre les constatations antérieures de l’Organe d’appel sur les mêmes questions de droit en cause dans le différend. Ainsi, le mécanisme juridictionnel de l’OMC ayant désormais une structure hiérarchique, celle-ci permet l’application de la règle du précédent. Dans un tel contexte, l’UE a considéré qu’on devrait suivre les constatations faites par l’Organe d’appel dans une affaire précédente. Agir autrement serait, selon l’UE, « bouleverse[r] la structure hiérarchique prévue dans le Mémorandum d’accord selon laquelle l’Organe d’appel a le “dernier mot” sur les questions de droit et interprétations de droit données par un groupe spécial » [32]. Pour l’UE, « non seulement “on attend” des groupes spéciaux qu’ils suivent les conclusions de l’Organe d’appel dans des différends antérieurs, “en particulier dans les cas où les questions sont les mêmes”, mais les groupes spéciaux sont aussi de jure obligés de suivre les constatations de l’Organe d’appel dans les cas où l’Organe d’appel a interprété les mêmes questions juridiques » [33]. L’UE est d’avis que permettre aux groupes spéciaux de s’écarter des décisions antérieures de l’Organe d’appel prive « le mécanisme d’appel […] de son objet et de son but, parce que les groupes spéciaux seraient en droit d’examiner toutes les questions juridiques “en repartant à zéro” dans chaque différend » [34]. Ainsi, en s’acquittant de sa tâche d’interprétation des traités en vertu du Mémorandum d’accord, l’Organe d’appel cherche à établir l’intention commune de tous les membres de l’OMC en ce qui concerne les dispositions des accords visés. Pour cette raison, l’interprétation de l’Organe d’appel « transcende nécessairement les faits particuliers d’une cause, et ne se limite pas aux Membres qui sont parties à un différend particulier » [35]. À cette fin, l’UE a demandé à l’Organe d’appel d’établir une règle claire obligeant les groupes spéciaux à suivre les constatations de l’Organe d’appel sur les questions juridiques à moins qu’il y ait des « raisons impérieuses » justifiant le contraire. L’Organe d’appel a d’ailleurs adhéré à ce point de vue, rappelant « la structure hiérarchique envisagée dans le Mémorandum d’accord » tout en soulignant les rôles distincts joués par l’Organe d’appel et les groupes spéciaux.

18Il apparaît donc que la création de l’Organe d’appel par les membres de l’OMC, pour réexaminer les interprétations du droit données par les groupes spéciaux, milite en faveur de l’uniformité et de la stabilité dans l’interprétation de leurs droits et obligations au titre des accords visés. De cette manière, l’Organe d’appel se donne une mission qui va au-delà d’une interprétation littérale des dispositions du MARD. D’ailleurs, l’Organe d’appel n’a pas manqué de rappeler que « si l’application d’une disposition peut être considérée comme limitée au contexte dans lequel elle a lieu, la pertinence de la clarification figurant dans des rapports de l’Organe d’appel adoptés n’est pas limitée à l’application d’une disposition particulière dans une affaire donnée » [36]. C’est peut-être aussi cela le prix à payer pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système de règlement des différends de l’OMC. Si les groupes spéciaux peuvent se donner la liberté de s’écarter des orientations précédemment fixées par l’Organe d’appel, cela compromet la constitution d’une jurisprudence cohérente et prévisible. La structure hiérarchique du mécanisme a offert en ce sens la condition institutionnelle nécessaire pour le développement d’une règle du précédent.

1.2 – Tentatives jurisprudentielles et étatiques pour instituer la règle du précédent judiciaire en droit de l’OMC

19Un examen approfondi de la jurisprudence de l’OMC révèle que les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel sont souvent invoqués par les juges dans les différends ultérieurs. Il n’est donc pas excessif d’affirmer que l’interprétation du droit consignée dans les rapports adoptés devient partie intégrante de « l’acquis » [37] du système de règlement des différends de l’OMC (1.2.1.). De plus, les États membres ne manquent pas de se référer aux décisions antérieures pour soutenir leur argumentation. Non seulement les États citent les décisions antérieures à l’appui de leur argumentation juridique, ils ont également reconnu l’importance des précédents judiciaires en initiant des différends pour des fins d’interprétation juridique plutôt que commerciale (1.2.2.).

1.2.1 – La contrainte de facto générée par les décisions antérieures

20Il suffit de jeter un coup d’œil à l’argumentaire des États dans les toutes premières affaires portées devant le mécanisme de règlement des différends pour constater qu’elles étaient en grande partie fondées sur des décisions antérieures du GATT de 1947. À titre d’illustration, dans l’affaire États-Unis – Essence[38], les États-Unis s’étaient appuyés sur l’interprétation précédemment faite par un groupe spécial du GATT [39] relativement à la notion de « traitement moins favorable » [40] pour soutenir leur argumentation. Il en est de même pour le Venezuela qui a invoqué le raisonnement suivi dans les rapports de deux groupes spéciaux antérieurs [41] au sujet de la perte de possibilités de concurrence subie par les produits importés [42]. Le Brésil, codemandeur avec le Venezuela, avait fait de même lorsqu’il a relevé deux décisions d’un groupe spécial du GATT [43] au sujet de la notion de traitement moins favorable accordé aux produits importés [44].

21Le rapport de l’Organe d’appel dans l’affaire États-Unis – Acier inoxydable (Mexique) illustre un peu plus l’adhésion de l’ORD à la règle du précédent judiciaire. Dans cette affaire, après avoir rappelé que, conformément à l’article 17 :6 du Mémorandum d’accord, l’Organe d’appel est investi du pouvoir de réexaminer les « questions de droit couvertes par le rapport du groupe spécial et [les] interprétations du droit données par celui-ci », l’Organe d’appel a fortement critiqué « le fait que le groupe spécial n’ait pas suivi des rapports de l’Organe d’appel adoptés précédemment qui traitaient des mêmes questions » [45]. L’Organe d’appel a ainsi considéré qu’un tel comportement du groupe spécial « compromet la constitution d’une jurisprudence cohérente et prévisible clarifiant les droits et les obligations des Membres au titre des accords visés ainsi qu’il est prévu par le Mémorandum d’accord » [46]. Par ailleurs, l’Organe d’appel s’est dit « profondément préoccupé par la décision du groupe spécial de s’écarter de la jurisprudence bien établie de l’Organe d’appel clarifiant l’interprétation des mêmes questions juridiques » [47]. L’Organe d’appel a finalement invalidé l’interprétation « peu judicieuse » du groupe spécial en considérant que celle-ci « a de graves implications pour le bon fonctionnement du système de règlement des différends de l’OMC » [48]. Plus précisément, l’Organe d’appel se prononçait en ces termes :

22

« La pratique de règlement des différends montre que les Membres de l’OMC attachent de l’importance au raisonnement exposé dans les rapports antérieurs de groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. (…) En outre, lorsqu’ils adoptent ou modifient des lois et réglementations nationales touchant à des questions de commerce international, les Membres de l’OMC tiennent compte de l’interprétation juridique des accords visés donnée dans les rapports de groupes spéciaux et de l’Organe d’appel adoptés. (…) Assurer “la sécurité et la prévisibilité” du système de règlement des différends, comme il est prévu à l’article 3 :2 du Mémorandum d’accord, suppose que, en l’absence de raisons impérieuses, un organisme juridictionnel tranchera la même question juridique de la même façon dans une affaire ultérieure (…) » [49].

23Si l’on se fie à cette interprétation de l’Organe d’appel, on est en droit de penser qu’« en l’absence de raisons impérieuses », les précédents jurisprudentiels doivent être respectés. Il est clair que la pratique de l’ORD a adopté cette posture. En effet, il n’est pas rare de constater la conformité des rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel à ceux adoptés subséquemment par les groupes spéciaux et l’Organe d’appel dans des différends ultérieurs. À cette fin, il sera question d’identifier certaines interprétations établies par le mécanisme dans ses premières décisions et de vérifier si ces interprétations ont été suivies dans la jurisprudence subséquente. Pour ce faire, nous distinguerons les interprétations touchant à des questions procédurales des interprétations touchant à des questions de fond [50].

24En 1996, l’Inde avait initié un différend concernant des restrictions aux importations des chemises et blouses de laine imposées par les États-Unis conformément au mécanisme de sauvegarde transitoire prévu dans l’Accord sur les textiles et les vêtements (ATV). L’argumentation de l’Inde a prévalu dans la mesure où les États-Unis n’avaient pas démontré, comme l’accord le requiert, que les producteurs américains avaient subi un préjudice grave, ou une menace réelle de préjudice grave, qui leur aurait été causé par l’augmentation des importations indiennes. Les interprétations retenues par l’Organe d’appel dans son rapport, datant d’avril 1997, sur plusieurs questions de nature procédurale, constituent aujourd’hui des précédents largement cités dans la jurisprudence subséquente. Deux questions importantes ont été invoquées dans cette affaire : celle de la charge de la preuve et celle de la possibilité pour un groupe spécial de recourir à l’économie jurisprudentielle. Le Mémorandum d’accord est silencieux sur ces deux points.

25En ce qui concerne la charge de la preuve, la question était de savoir qui devait entre le plaignant et le défendeur la supporter dans le cadre des procédures de l’OMC. Face au silence du droit de l’OMC, l’occasion s’est présentée dans l’affaire États-Unis – Chemises et blouses de laine de clarifier la position du mécanisme sur la question, dans le contexte de l’article 6 :2 de l’ATV. Cet article établit le droit d’un membre importateur d’adopter des mesures de sauvegarde lorsque ses producteurs de textiles ou de vêtements subissent des dommages résultant des quantités accrues d’importation. L’Inde a soutenu que le fait qu’elle avait engagé la procédure de règlement des différends ne l’obligeait pas à établir que les États-Unis avaient contrevenu à leurs obligations. Selon l’Inde, l’ATV constitue une exception au système du GATT de 1994 parce qu’il autorise l’application temporaire de mesures qui sont incompatibles avec les articles XI et XIII du GATT de 1994. En conséquence, le mécanisme de sauvegarde transitoire spécifique qu’il met en place « devrait être appliqué avec la plus grande modération possible » [51]. Il revenait donc à l’État qui impose les mesures de sauvegarde, dans ce cas les États-Unis, de les justifier. L’Organe d’appel a partagé l’avis des États-Unis sur la question. Il s’est référé aux « divers tribunaux internationaux, y compris la Cour internationale de Justice, [qui ont] systématiquement accepté et appliqué la règle selon laquelle il appartient à la partie qui affirme un fait (demanderesse ou défenderesse) d’en apporter la preuve » [52]. De plus, selon l’Organe d’appel, il existe un critère de la preuve « généralement admis en régime “code civil”, en régime “Common Law” et, en fait, dans la plupart des systèmes juridiques, [à l’effet] que la charge de la preuve incombe à la partie (demanderesse ou défenderesse) qui établit, par voie d’affirmation, une allégation ou un moyen de défense particulier » [53]. Dans ce cas, l’Inde invoquait la violation de l’article 6 de l’AVT, elle avait en conséquence la charge de prouver cette violation.

26Outre la question de la charge de la preuve, l’Inde a également reproché au groupe spécial de ne pas avoir établi de constatation dans son rapport concernant deux des quatre points qu’elle lui avait soumis pour examen. Sur ce point, l’Organe d’appel était d’avis que les groupes spéciaux pouvaient s’abstenir de traiter certaines allégations et arguments s’ils estimaient que ceux-ci ne sont pas nécessaires pour résoudre le différend en cours. L’Organe d’appel a constaté que « rien dans [l’article 11 du Mémorandum d’accord] ni dans la pratique antérieure du GATT n’exige qu’un groupe spécial examine toutes les allégations formulées par la partie plaignante » [54]. Celui-ci a même fait remarquer que « dans la pratique récente de l’OMC, les groupes spéciaux se sont de même abstenus d’examiner chacune des allégations formulées par la partie plaignante et n’ont rendu des constatations que sur les allégations qu’ils jugeaient nécessaires pour résoudre la question à l’étude » [55]. Les juges de l’OMC ont en effet la possibilité de recourir à la technique de l’économie jurisprudentielle qui leur octroie le pouvoir discrétionnaire de refuser de se prononcer sur certaines allégations à condition que ce pouvoir soit « appliqué d’une manière compatible avec le but du système de règlement des différends d’arriver à une solution positive des différends », tel que prescrit par l’article 3 :7 du Mémorandum d’accord.

27Force est donc de constater qu’aujourd’hui la décision de l’Organe d’appel sur ces deux questions procédurales constitue un précédent de facto faisant autorité. En effet, les conclusions de l’Organe d’appel dans États-Unis – Chemises et blouses de laine sur ces questions demeurent aujourd’hui inchangées et ont été largement citées dans la jurisprudence subséquente qui y a adhéré de manière assez uniforme. Ainsi, en ce qui concerne la charge de la preuve, l’Organe d’appel s’est fondé sur sa décision États-Unis – Chemises et blouses de laine ainsi que sur celle prise dans l’affaire Inde – Brevets[56] en indiquant qu’il « [suivrait], pour ce qui est de la charge de la preuve, [son] approche établie (…) dans l’affaire Chemises, chemisiers et blouses » [57]. Ce fut également le cas dans CE – Hormones[58] et dans Brésil – Aéronefs[59]. Dans Brésil – Aéronefs par exemple, l’Organe d’appel a rappelé « ce qu’il avait dit » dans États-Unis – Chemises et blouses de laine sur la question, octroyant par le fait même à cette décision le statut de précédent contraignant.

28Dans l’affaire États-Unis – Mesure affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tissés, en provenance d’Inde, nous avons dit ce qui suit : « Il est tout simplement normal qu’il incombe d’établir [un] moyen de défense [affirmatif] à la partie qui s’en prévaut ». Étant donné que c’est le Brésil qui se prévaut de ce « moyen de défense » en utilisant le point k) dans la présente procédure, nous partageons l’avis du groupe spécial au titre de l’article 21 :5 selon lequel il incombe au Brésil de prouver que le Proex révisé est justifié en vertu du premier paragraphe du point k), y compris de prouver que les versements au titre du Proex révisé ne « servent [pas] à assurer un avantage important sur le plan des conditions du crédit à l’exportation » [60].

29En ce qui concerne l’économie jurisprudentielle, le raisonnement de l’Organe d’appel dans États-Unis – Chemises et blouses de laine a également été repris dans CE – Hormones[61], Inde – Brevets (États-Unis) [62] et États-Unis – Coton upland[63] pour ne citer que ces affaires. Des constatations similaires peuvent être établies en ce qui concerne les interprétations du mécanisme juridictionnel touchant à des questions de fond.

30Pour ce qui est des questions de fond, deux interprétations du mécanisme établies dans ses premières décisions seront retenues : l’une touchant à l’article XX du GATT et l’autre touchant à l’article III :2 du même accord. Comme nous tâcherons de le démontrer, ces interprétations ont acquis un statut d’autorité établissant de la sorte un précédent de facto.

31C’est la décision de l’Organe d’appel relative à l’article XX du GATT, dans l’un de ses premiers rapports, qui retient notre attention. L’affaire États-Unis – Essence a fourni à l’Organe d’appel l’occasion d’établir clairement les circonstances dans lesquelles des exceptions du GATT au titre de l’article XX pouvaient être invoquées. Le Venezuela et le Brésil avaient contesté le Clean Air Act (CAA) américain, législation visant à réduire les émissions de polluants atmosphériques toxiques, au motif qu’elle était incompatible avec le principe de traitement national du GATT énoncé à l’article III :4 du GATT. Les États-Unis ont défendu leurs mesures au titre de l’article XX :b), d) et g) du GATT. Le groupe spécial a confirmé le caractère discriminatoire de ces mesures et a jugé qu’elles ne pouvaient pas être justifiées au titre des exceptions de l’article XX. Les États-Unis ont alors contesté devant l’Organe d’appel l’interprétation faite par le groupe spécial de l’article XX dans son ensemble. Plus précisément, les États-Unis ont contesté la décision du groupe spécial de ne pas se prononcer sur la question de savoir si la législation américaine entrait dans le champ d’application du texte introductif de l’article XX de l’Accord général. L’Organe d’appel a, à cet égard, confirmé le caractère discriminatoire des mesures américaines tout en reconnaissant que le groupe spécial avait commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article XX. C’est dans cette perspective qu’il a établi que l’analyse en vertu de l’article XX du GATT devait être entreprise en deux étapes :

32

« Pour que la protection conférée par l’article XX puisse s’appliquer à elle afin de la justifier, la mesure en cause ne doit pas seulement relever de l’une ou l’autre des exceptions particulières – paragraphes a) à j) – énumérées à l’article XX ; elle doit aussi satisfaire aux prescriptions établies dans les clauses introductives de l’article XX. En d’autres termes, l’analyse est double : premièrement, justification provisoire de la mesure au motif qu’elle relève de l’article XX g) ; deuxièmement, nouvelle évaluation de la même mesure au regard des clauses introductives de l’article XX » [64].

33En vertu de cette analyse entreprise en deux étapes, l’Organe d’appel est arrivé à la conclusion que les mesures américaines en cause ne répondaient pas aux prescriptions établies dans le texte introductif de l’article XX de l’Accord général et n’étaient donc pas justifiées au regard de l’article XX de l’Accord général. Ce test, à deux niveaux, a depuis été suivi dans l’ensemble des rapports ultérieurs de l’Organe d’appel qui ont traité de l’article XX. Ce fut notamment le cas dans l’affaire États-Unis – Crevettes[65] dans laquelle l’Organe d’appel a spécifiquement indiqué : « Dans l’affaire États-Unis – Essence, nous avons énoncé la méthode appropriée pour appliquer l’article XX du GATT de 1994 » [66]. Cela lui a permis, par la suite, de procéder à l’interprétation de l’article XX selon les deux étapes consacrées dans États-Unis – Essence et d’invalider les mesures américaines en cause [67]. Une analyse similaire fut entreprise dans l’affaire Corée – Viande de bœuf[68] dans laquelle l’Organe d’appel a noté « que lorsqu’il a examiné le double système de vente au détail de la Corée au titre de l’article XX, le Groupe spécial a suivi dans l’ordre voulu les étapes que nous avions indiquées dans notre rapport sur l’affaire États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules » [69]. L’Organe d’appel a validé cette décision du Groupe spécial avant d’entreprendre sa propre analyse en deux étapes de la justification des mesures coréennes en vertu de l’article XX.

34La décision de l’Organe d’appel dans Japon – Taxes sur les boissons alcooliques[70], en ce qui concerne l’interprétation de l’article III :2 du GATT, a également créé un précédent de facto. Ainsi, afin de décider d’une violation de cet article, l’Organe d’appel a élaboré un test en trois étapes consistant à déterminer : 1) si les produits importés et les produits nationaux sont « des produits directement concurrents ou des produits directement substituables » qui sont en concurrence les uns avec les autres [71] ; 2) si les produits importés et les produits nationaux directement concurrents ou directement substituables « sont frappés ou non d’une taxe semblable » ; et 3) si cette différence d’imposition des produits importés et des produits nationaux directement concurrents ou directement substituables est « appliquée… de manière à protéger la production nationale ».

35Concernant le dernier critère, l’Organe d’appel a défini l’approche suivante pour déterminer si la taxation différente de produits directement concurrents ou directement substituables est appliquée de manière à protéger la production : « … nous pensons que pour examiner, dans n’importe quelle affaire, si une taxation différente est appliquée de manière à protéger la production, il est nécessaire de procéder à une analyse globale et objective de la structure de la mesure en question et de la manière dont elle est appliquée aux produits nationaux par rapport aux produits importés » [72]. De la sorte, l’Organe d’appel a invalidé une jurisprudence établie dans le cadre du GATT de 1947 [73] qui évaluait si une mesure était appliquée « de manière à protéger » les produits nationaux au sens de l’article III :2 du GATT selon une approche baptisée « buts et effets ». Selon cette jurisprudence, on pouvait dire qu’une mesure était appliquée « de manière à protéger » les produits nationaux seulement lorsqu’une analyse des circonstances, dans lesquelles elle était adoptée, démontrait qu’une modification des possibilités de concurrence en faveur de produits nationaux était un résultat désiré, et non une simple conséquence fortuite de la poursuite d’un objectif légitime [74].

36Les conclusions de l’Organe d’appel dans l’affaire Japon – Alcool ont depuis été suivies dans les affaires ultérieures. Pour n’en nommer que quelques-unes, on peut évoquer l’interprétation faite de l’article III :2 du GATT qui a été acceptée et reprise en totalité par l’Organe d’appel dans l’affaire Canada – Périodiques[75] qui ne cite pas moins de quatorze fois l’affaire Japon – Alcool. Ce fut également le cas dans l’affaire Corée – Boissons alcooliques[76] dans laquelle l’Organe d’appel a validé la décision du groupe spécial d’« analys[er] le caractère protectionniste des mesures d’une manière compatible avec les indications données par l’Organe d’appel dans l’affaire Japon – Boissons alcooliques » [77] avant de reprendre lui-même son analyse consacrée en trois étapes, tel que mentionné précédemment.

1.2.2 – Le recours à la règle du précédent validé par l’attitude des États membres de l’OMC

37Ce ne sont pas seulement les juges qui adhèrent à la règle du précédent. Les différends initiés par les États, qui ne visent pas à la satisfaction d’un gain commercial, mais qui ont simplement un objectif interprétatif, mettent en relief le poids que reconnaissent les États aux décisions antérieures. Deux types de différends sont généralement portés devant les organes juridictionnels de l’OMC : les « stakeholder cases and Policy cases » [78]. Amelia Porges explique que les stakeholders cases sont les affaires qui portent sur des produits particuliers et qui mettent en jeu des intérêts principalement axés sur les résultats commerciaux, tandis que les Policy cases sont présentées pour des raisons principalement juridiques. Ces différends suscitent une faible implication des parties prenantes, impliquent des intérêts commerciaux relativement bas et sont menés sous une direction gouvernementale extrêmement forte. En initiant les Policy cases, l’État plaignant cherche à obtenir une décision sur un point de droit qui pourra être utilisé dans les différends futurs qui touchent à ses intérêts.

38L’affaire Canada – Périodiques[79] opposant le Canada aux États-Unis constitue un exemple de différend initié à des fins juridiques. Les intérêts commerciaux des États-Unis dans ce différend, principalement générés par des recettes publicitaires, totalisaient à peine quelques centaines de milliers de dollars canadiens [80]. Le cadre juridique applicable aux relations économiques entre les parties dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain[81] (Alena) accordait au Canada une exemption concernant les industries culturelles [82]. En échange, l’Alena préservait le droit des États-Unis d’imposer des sanctions « ayant un effet commercial équivalent » à toute exemption culturelle prise par le Canada [83]. Le règlement du différend dans le cadre de l’Alena aurait permis au plaignant de demander plus facilement des dommages-intérêts [84]. La perspective d’obtenir des sanctions commerciales à l’Alena, par opposition à l’OMC, aurait pu encourager les États-Unis à se présenter devant le forum régional. Le choix des États-Unis d’initier le différend dans le cadre de l’OMC peut sembler curieux à premier abord. Ce choix devient toutefois compréhensible face à l’importance qu’attachent les États-Unis à la libéralisation du secteur culturel. Cette position est opposable à celle soutenue par le Canada et l’Europe et a mené à la formation d’un clivage entre les défenseurs de l’exception culturelle et les partisans de la libéralisation de ce secteur. C’est dans la perspective de créer un précédent sur la question qu’il faut donc comprendre le choix américain de porter l’affaire devant l’OMC : « [b]y placing the dispute before the WTO, the United States was able to test its views on cultural policies in a forum where, if it won, it could use the precedent as a lever to alter similar policies of both Canada and other countries, such as France and Australia » [85]. Ce point de vue concorde avec la déclaration faite par l’administration américaine antérieurement à l’affaire dans laquelle elle avait indiqué son engagement à décourager non seulement le Canada, mais l’ensemble des États membres de l’OMC, de recourir à des mesures protectionnistes dans le secteur culturel [86].

39Un point particulièrement important dans l’affaire, et élément central de l’argumentation du Canada, était la qualification des mesures en cause, à savoir si elles visent des services exclus du champ de libéralisation du Canada ou des biens relevant du GATT de 1994. Pour conclure à une violation de l’article III :2, tel que le prétendaient les États-Unis, il fallait avant tout établir une discrimination entre « produits similaires » exigeant une comparaison entre un produit importé et un produit national. Or le Canada a fait valoir, aussi bien devant le groupe spécial que devant l’Organe d’appel, que même si les magazines, périodiques et autres se présentaient sur un support tangible, ils ne constituaient pas pour autant des produits au sens de l’article III :2 du GATT de 1994. Le Canada a soutenu que les biens en question généraient avant tout de la publicité. Cette publicité ne constituait un coût ni dans la production, la distribution ou encore l’utilisation des biens. Par conséquent, l’imposition des services de publicité dans les magazines ne constituait pas une imposition indirecte des magazines en tant que marchandises au sens de l’article III :2. L’Organe d’appel tout comme le groupe spécial ont souscrit au point de vue contraire en considérant que la présence d’un « contenu rédactionnel et (…) d’un contenu publicitaire » n’empêchait pas de qualifier les biens en question de « produits » [87].

40La stratégie américaine consistant à provoquer sur les questions culturelles un précédent judiciaire s’est ici révélée payante, puisque, quelques années plus tard, lorsque les États-Unis ont contesté une série de mesures chinoises qui imposaient des restrictions sur les importations américaines de produits audiovisuels incluant des matériels de lecture, livres, périodiques et journaux [88], ils n’ont pas manqué de rappeler aux juges leur décision antérieure dans l’affaire Canada – Périodiques. Ainsi, quand la Chine a tenté d’exclure ses mesures du champ de ses engagements commerciaux en considérant qu’elles relevaient de l’AGCS et non du GATT de 1994, même lorsqu’elles affectent à la fois le commerce des marchandises et celui des services, les États-Unis se sont référés au rapport de l’Organe d’appel dans Canada – Périodiques. Les États-Unis ont rappelé que l’Organe d’appel avait statué qu’un périodique pouvait comprendre des éléments ayant les caractéristiques d’un service, à savoir un contenu rédactionnel et un contenu publicitaire, mais qu’« ensemble, ils form[aient] un bien matériel » [89] soumis au GATT de 1994. L’Organe d’appel a donné raison aux États-Unis et il est désormais établi que les produits de nature culturelle, susceptibles des caractéristiques de services, peuvent tout de même être considérés comme des marchandises relevant des dispositions du GATT. Cela n’aurait pas été possible si le différend opposant les États-Unis au Canada avait été réglé au sein du forum régional de l’Alena quelques années auparavant [90].

41Une analyse similaire peut être entreprise en ce qui concerne une série de différends initiés par l’Union européenne relativement aux mesures de sauvegarde. Ces mesures permettent à un membre de déroger à ses obligations commerciales internationales dans certaines circonstances exceptionnelles. Jusqu’en 1995, l’exercice des sauvegardes était régi par l’article XIX du GATT. Les dispositions de cet article ont par la suite été précisées par l’Accord sur les sauvegardes lors de la création de l’OMC en 1995. L’UE s’est longtemps distinguée parmi les membres de l’OMC par son rare recours aux mesures de sauvegarde [91]. Jusqu’en 2001, l’UE n’avait pas encore engagé d’enquête en matière de sauvegarde au nom de ses industries. Face à ce qui était, de son point de vue, une augmentation coûteuse du recours aux sauvegardes par ses partenaires commerciaux, l’Europe a réglé le problème au niveau du mécanisme de règlement des différends, et là encore sans tenter de défier les pays ayant un intérêt direct sur la question. L’Union européenne a plutôt axé sa stratégie sur le marché coréen qui ne représentait qu’un petit marché pour ses exportations en contestant les sauvegardes coréennes sur le lait écrémé en poudre [92]. Parallèlement à la plainte contre la Corée, l’UE a initié un autre différend relatif aux sauvegardes, cette fois contre l’Argentine, concernant les chaussures [93]. La valeur commerciale de cette affaire pour l’Europe, mesurée en termes de flux commerciaux bilatéraux, était même inférieure à celle du marché coréen du lait en poudre. L’approche de l’Europe n’est toutefois pas passée inaperçue pour la doctrine [94]. Krzysztof J. Pelc va même jusqu’à qualifier les marchés coréens et argentins de « marchés minuscules » pour les exportations européennes [95]. Pour Amelia Porges, « the disputes concerned export markets of little or no commercial concern to European exporters […] » [96].

42Ces différends initiés par l’Union européenne peuvent donc susciter des questionnements à première vue. Une analyse plus approfondie révèle toutefois d’importantes considérations juridiques motivant la démarche européenne. Ainsi, sans mentionner l’Accord sur les sauvegardes, l’Union européenne n’a pas hésité à faire référence au critère d’« imprévisibilité des circonstances » mentionné à l’article XIX du GATT. Elle a soutenu que les mesures de sauvegarde ne sont justifiées que lorsque les circonstances ayant mené à leur imposition sont « imprévues ». Krzysztof J. Pelc qualifiera la stratégie européenne d’« audacieuse » [97]. Les mesures de sauvegarde en cause furent condamnées dans deux décisions parallèles de l’Organe d’appel. Pour Krzysztof J. Pelc :

43

« Europe obtained the language it was seeking, and with it, the precedent was set. Every single subsequent safeguards case has cited these two rulings, net of appeal, to justify the continued relevance of the “unforeseen developments” clause, despite its absence in the Agreement on Safeguards. What some have described as judicial activism on the part of the AB was, by 1999, a fait accompli : since then, there exists a shared, WTO-wide understanding that safeguards flout the rules unless the domestic circumstances leading to their use are unforeseen » [98].

44Malgré l’absence de précédent contraignant formel, l’Europe a obtenu un changement de règle par le biais d’un litige qu’elle n’aurait peut-être pas initié s’il n’y avait pas eu, derrière sa démarche, une volonté d’influencer le raisonnement des juges de l’OMC pour l’avenir. Le but de l’initiative européenne, à travers ces différends, était bel et bien celui d’établir un précédent en la matière. Le critère de l’imprévisibilité des circonstances a été retenu depuis comme critère nécessaire pour justifier des mesures de sauvegarde. Pourtant, l’Accord sur les mesures de sauvegarde ne fait aucunement mention de ce critère. L’Europe a donc réussi à façonner le droit régissant l’imposition des mesures de sauvegarde selon ses intérêts moyennant la mise en place de précédents judiciaires sur les questions des sauvegardes. De cette manière, les mesures de sauvegarde américaines sur l’acier ont été condamnées en 2003 sur la base des affaires Argentine – Chaussures (CE) et Corée – Produits laitiers précitées. Dans États-Unis – Sauvegardes concernant l’acier[99], l’Organe d’appel n’a pas hésité à citer spécifiquement les décisions antérieures rendues en faveur de l’UE et à réaffirmer le critère de l’imprévisibilité des circonstances tel que retenu dans ces décisions pour statuer contre les États-Unis [100]. Cette condamnation des États-Unis aurait par ailleurs mené à une réduction générale d’un recours de leur part aux mesures de sauvegarde dans les années qui ont suivi la décision. L’Europe a ainsi réussi à affecter le comportement subséquent des États-Unis grâce aux précédents judiciaires qu’elle a provoqués quelques années plus tôt.

45Aujourd’hui, force est de constater que l’approche civiliste de jurisprudence constance influence fortement l’ORD. Si la pratique du règlement des différends à l’OMC n’a pas consacré la règle du Stare decisis, qui répond à des caractéristiques particulières propres aux systèmes de Common Law, elle a, de notre point de vue, au moins de manière empirique, confirmé son attachement à une jurisprudence constante. Dans un contexte où même les États membres de l’OMC sont eux-mêmes attachés à cette pratique, que peuvent alors espérer les États-Unis dans leur remise en cause de la règle du précédent à l’OMC ?

2 – De la réfutation de la règle du Stare decisis à la consécration de la jurisprudence constante de facto

46Nous avons jusque-là démontré que le mécanisme juridictionnel de l’OMC adhère à une forme de règle du précédent dans les faits. Le comportement des juges et des États dénote un respect marqué envers les décisions antérieures dont les interprétations semblent revêtir une forme d’autorité. Cette constatation a mené certains États, notamment les États-Unis, à accuser le mécanisme d’avoir consacré la règle du Stare decisis dans la jurisprudence de l’OMC, malgré l’absence de fondement juridique pour ce faire. Nous rappelons que le Stare decisis, tirant ses origines de la Common Law anglaise, impose au juge inférieur de respecter les décisions antérieures des juridictions supérieures lorsque des faits similaires surgissent. En est-il réellement ainsi à l’ORD ? Peut-on affirmer que le poids accordé aux précédents judiciaires dans le cadre de l’OMC équivaut à la consécration d’une règle du Stare decisis qui rend désormais les décisions antérieures obligatoires ? Nous considérons qu’un tel propos doit être nuancé. Il subsiste plusieurs obstacles à la reconnaissance formelle du Stare decisis (2.1.). Il serait plus judicieux de parler de jurisprudence constante de facto (2.2.).

2.1 – Les obstacles à la reconnaissance d’une règle formelle du Stare decisis à l’ORD

47L’hypothèse de la consécration à l’ORD de la règle du précédent, telle qu’entendue en Common Law, doit être de notre point de vue réfutée. D’une part, parce qu’il n’existe pas à l’OMC de fondement juridique pour appliquer une telle règle (2.1.1.). D’autre part, parce qu’en droit de l’OMC, la jurisprudence demeure une source subsidiaire (2.1.2.). Dans l’interprétation des règles commerciales, le juge de l’OMC, à l’instar des juridictions internationales, se réfère à la Convention de Vienne sur le droit des traités [101] et fonde son jugement sur les textes applicables en droit de l’OMC [102]. Rien dans la Convention de Vienne sur le droit des traités ni dans les accords multilatéraux ou plurilatéraux de l’OMC ne contraint le juge de l’OMC à se lier par des décisions antérieures pour statuer sur une affaire portée devant lui.

2.1.1 – Le Stare decisis à l’épreuve du cadre juridique du commerce multilatéral

48Comme la plupart des tribunaux internationaux, les États membres de l’OMC ont mis en place un mécanisme de règlement des différends qui ne consacre pas le précédent judiciaire contraignant. La règle générale d’interprétation en droit international comme en droit de l’OMC demeure celle énoncée aux articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Dans l’affaire États-Unis – Acier au carbone, l’Organe d’appel l’avait rappelé, déclarant que « l’article 3 :2 du Mémorandum d’accord reconnaît que les questions d’interprétation qui se posent dans le cadre du règlement des différends de l’OMC doivent être résolues par l’application des règles coutumières d’interprétation du droit international public. […] La tâche qui consiste à interpréter une disposition d’un traité doit commencer par ses termes spécifiques… » [103]. Ainsi, l’interprétation doit résulter d’abord du texte du traité lui-même [104] et l’interprète doit s’en tenir à la lettre du texte en interprétant les mots qui ont effectivement été utilisés dans l’accord et non pas ceux qui auraient dû être utilisés à son avis [105]. La Convention de Vienne pas plus que le droit de l’OMC ne reconnaissent donc de pouvoir prétorien au juge international. Le principe du Stare decisis lui est étranger et ce, depuis le GATT de 1947 [106]. À y regarder de plus près, le cadre juridique de l’OMC a lui-même délimité la marge de manœuvre dont disposent les différents acteurs susceptibles d’interpréter ce droit.

49En vertu de l’article IX :2 de l’Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce [107] (Accord sur l’OMC), la « Conférence ministérielle et le Conseil général auront le pouvoir exclusif d’adopter des interprétations du présent accord et des accords commerciaux multilatéraux ». Les membres de l’OMC se sont donc réservé le droit d’adopter des interprétations finales en ce qui concerne les accords de l’OMC [108]. L’article 3 :9 du Mémorandum d’accord confirme à son tour que « les dispositions du (…) mémorandum d’accord sont sans préjudice du droit des membres de demander une interprétation faisant autorité des dispositions d’un accord visé, par la prise de décisions au titre de l’Accord sur l’OMC ou d’un accord visé qui est un accord commercial plurilatéral ». L’article 3 :2 du Mémorandum d’accord, tout en reconnaissant que « le système de règlement des différends de l’OMC est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral », prévoit que « les recommandations et décisions de l’ORD ne peuvent pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés ». Parallèlement, l’article 11 du Mémorandum d’accord nous apprend que la fonction des groupes spéciaux consiste simplement à « aider l’ORD à s’acquitter de ses responsabilités au titre du (…) mémorandum d’accord et des accords visés » de manière à « aider l’ORD à faire des recommandations ou à statuer ainsi qu’il est prévu dans les accords visés ».

50Face au rôle limité assigné aux juges de l’OMC dans l’interprétation et l’application de la règle de droit, comment peuvent-ils s’acquitter de la fonction d’assurer la prévisibilité des relations commerciales prévue à l’article 3 :2 du Mémorandum d’accord ? L’Organe d’appel a eu l’occasion de se prononcer sur la question dans l’affaire États-Unis – FSC[109] en distinguant le rôle assigné aux juges de l’OMC d’interpréter le droit de l’OMC du monopole donné aux États d’adopter des interprétations du droit de l’OMC faisant autorité :

51

« La distinction entre une interprétation faisant autorité et une interprétation donnée dans une procédure de règlement d’un différend est clairement énoncée dans l’Accord sur l’OMC. En vertu de l’Accord sur l’OMC, une interprétation faisant autorité donnée par les Membres de l’OMC, au titre de l’article IX :2 de cet accord, doit être distinguée des décisions et recommandations de l’ORD, fondées sur les rapports de Groupes spéciaux et de l’Organe d’appel. Aux termes de l’article 3 :2 du Mémorandum d’accord, les décisions et recommandations de l’ORD ont uniquement pour objet “de clarifier les dispositions existantes de ces accords” et “ne peuvent pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés” » [110].

52L’Organe d’appel a distingué les interprétations faisant autorité, qui relèvent de la Conférence ministérielle ou du Conseil général, des interprétations menant à la clarification des textes juridiques qui relèvent du mécanisme juridictionnel. L’Organe d’appel semble par ailleurs établir un lien entre les « interprétations faisant autorité » et l’« accroissement ou la diminution des droits et obligations énoncés dans les accords visés ». Ce raisonnement laisse ainsi sous-entendre que ce sont les interprétations faisant autorité qui mènent à l’ajout ou à la diminution des droits et obligations et non pas les clarifications des accords telles que formulées par les juges. Les pays membres de l’OMC se sont ainsi protégés contre la possibilité de se voir imposer des obligations qu’ils n’auraient jamais négociées. Le Mémorandum d’accord reflète ces préoccupations et cette méfiance vis-à-vis d’une fonction juridictionnelle activiste [111]. Bien que les rapports adoptés par l’ORD soient acceptés sans condition par les parties au différend [112], ceux-ci ne lient pas formellement les autres membres de l’OMC et ne lient a fortiori pas les groupes spéciaux et l’Organe d’appel. Comme l’ont déclaré plusieurs auteurs, il n’existe pas de système de précédent formel dans le mécanisme de règlement des différends de l’OMC [113].

53C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la réfutation de la règle du Stare decisis à l’ORD. Adhérer à la règle du Stare decisis reviendrait à reconnaître notamment que le système de règlement des différends de l’OMC permet de rendre les décisions du mécanisme contraignantes non seulement pour les parties au différend, mais aussi pour l’ensemble des États membres. Cela consisterait à reconnaître un certain pouvoir normatif au juge de l’OMC. Or, tel que consacré par le Mémorandum d’accord, le rôle des membres des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel ne consiste pas à « légiférer » [114]. Le rôle des membres des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel se limite plutôt à trancher les litiges de manière à parvenir à une solution positive des différends comme le prévoit l’article 3 :7 du Mémorandum d’accord. Et une fois cette solution connue, elle ne vaut que pour les parties et ne peut constituer une source principale de droit de l’OMC.

2.1.2 – Le statut subsidiaire des décisions jurisprudentielles dans la hiérarchie des sources du droit de l’OMC

54Contrairement à différentes organisations internationales munies d’un conseil d’administration ayant la charge de prendre des décisions exécutives, l’OMC est une organisation « dirigée par ses membres ». En tant qu’institution, l’OMC n’a pas le pouvoir autonome de prendre des décisions sans le consensus de ses États membres. En ce sens, le droit de l’OMC s’apparente à un contrat synallagmatique dans lequel les parties s’obligent mutuellement. Le fondement des droits et obligations des États repose sur les concessions mutuelles. En conséquence, à l’OMC, les traités multilatéraux sont généralement considérés comme les principales sources de ce droit, puisqu’ayant été adoptés par l’ensemble des États membres [115]. C’est à travers les traités multilatéraux qu’ils déterminent les droits et obligations de chacun des membres. Dans cette perspective, la place accordée à la jurisprudence de l’OMC dans la hiérarchie des normes applicables au contentieux de l’OMC n’est pas anodine. Plus précisément, il s’agit de savoir si, en droit de l’OMC, la jurisprudence est considérée comme une source formelle de droit et peut, de ce fait, influencer le rôle du juge dans l’interprétation des normes OMC et avoir un impact sur les droits et obligations reconnus aux États membres dans les accords de l’OMC ?

55Il faut le dire clairement, au niveau de la conception formelle de l’OMC, la « source fondamentale » [116] du droit de l’OMC, aux fins de règlement des différends, est le texte des accords visés. Selon l’article 3 :2 du Mémorandum d’accord, le mécanisme a pour objet de préserver les droits et les obligations résultant pour les membres des accords visés. En ce sens, les droits et obligations découlant des accords sont le seul pilier normatif que le système de règlement des différends doit préserver. L’article 7 :1 du Mémorandum d’accord clarifie à son tour le mandat des groupes spéciaux comme étant celui d’examiner la question portée devant l’ORD, « à la lumière des dispositions pertinentes [des accords visés cités] par les parties au différend ». À cette fin, il doit procéder à une évaluation objective « de l’applicabilité des dispositions des accords visés pertinents et de la conformité des faits avec ces dispositions » [117]. En aucun cas, le Mémorandum d’accord ne cite les décisions du mécanisme comme étant sources de droit. Le système juridictionnel de l’OMC s’apparente davantage aux systèmes de droit civil [118] dans lesquels le rôle du pouvoir judiciaire est réduit à interpréter la loi écrite préexistante [119].

56À la lecture des articles pertinents du Mémorandum d’accord et de l’Accord de Marrakech, il semblerait que les juges de l’OMC aient pour seule fonction d’appliquer les accords visés et de déterminer la conformité de la mesure contestée en conséquence. C’est par ailleurs dans cette mesure que les juges de l’OMC se basent avant tout sur une interprétation textuelle de ces accords [120]. De ce point de vue, et en raison de la place primordiale accordée au texte de la loi, les sources du droit de l’OMC doivent être abordées, du moins formellement, dans une perspective fortement positiviste. Les décisions judiciaires rendues ne sont tout simplement pas reconnues comme une source de droit à l’OMC. Le statut subsidiaire qu’elles revêtent dans la hiérarchie des sources de droit de l’OMC contraste fortement avec le rôle de premier plan accordé aux décisions judiciaires dans les systèmes de Common Law qui adhèrent à la règle du Stare decisis.

2.2 – L’adhésion de l’ORD à l’approche civiliste de jurisprudence constante

57L’examen du cadre juridique de l’OMC révèle la difficulté de conclure à une consécration d’une règle du Stare decisis à l’OMC. Que ce soit à travers le monopole octroyé aux États d’avoir le dernier mot sur l’interprétation autoritaire du droit de l’OMC ou à travers la reconnaissance des accords visés comme seule source du droit à l’OMC, on ne peut que prétendre à l’existence d’un système de précédent de facto à l’OMC, « but it is certainly not stare decisis » [121]. L’effet du précédent dans la jurisprudence de l’OMC n’est pas assez puissant pour exiger que des juges examinant de nouvelles affaires suivent systématiquement les décisions antérieures [122]. Cette absence d’effet obligatoire systématique a d’ailleurs été reconnue par le mécanisme de règlement des différends (2.2.1.). Certes, une décision antérieure, qui a été acceptée par tous les membres de l’OMC, acquiert de l’autorité au fil du temps. Son statut peut être assimilé à une « une pratique ultérieurement suivie dans l’application du traité par laquelle est établi l’accord des parties à l’égard de l’interprétation du traité » [123] au sens de la Convention de Vienne sur le droit des traités [124]. En ce sens, le système de précédent à l’OMC semble davantage correspondre à l’approche civiliste de « jurisprudence constante » en comparaison avec la règle du Stare decisis reconnue en droit anglais. Plutôt qu’un effet obligatoire, les décisions ont un poids persuasif que les juges ne peuvent ignorer (2.2.2.).

2.2.1 – L’absence d’effet obligatoire systématique pour les décisions antérieures

58Dans la jurisprudence de l’OMC, il est clairement établi que les décisions antérieures de l’Organe d’appel ne s’imposent pas aux groupes spéciaux subséquents. Force est de constater que « les rapports de l’Organe d’appel n’ont aucune force obligatoire, sauf pour ce qui est du règlement du différend entre les parties » [125]. Dans l’affaire États-Unis – Utilisation de la réduction à zéro dans les mesures antidumping concernant des produits en provenance de Corée, il a été reconnu que « le système de règlement des différends de l’OMC ne comporte pas un système de précédents et les groupes spéciaux ne sont pas liés par les raisonnements de l’Organe d’appel » [126]. Une déclaration en ce sens a également été formulée lorsque les juges ont conclu que « les groupes spéciaux ne sont pas liés par les décisions antérieures de groupes spéciaux ou de l’Organe d’appel même si la question traitée est la même » [127] ou encore que « les rapports de groupes spéciaux adoptés (…) n’ont aucune force obligatoire, sauf pour ce qui est du règlement du différend entre les parties en cause » [128]. Le raisonnement des juges de l’Organe d’appel dans l’affaire Japon – Boissons alcooliques II est particulièrement évocateur à cet égard :

59

« Lorsque les Parties contractantes décidaient d’adopter le rapport d’un groupe spécial, leur objectif n’était pas, à notre avis, que cette décision constitue une interprétation définitive des dispositions pertinentes du GATT de 1947. Cela n’est pas envisagé non plus dans le cadre du GATT de 1994, comme nous le montrent certains éléments de l’Accord sur l’OMC. L’article IX:2 de l’Accord sur l’OMC dispose ce qui suit : “La Conférence ministérielle et le Conseil général auront le pouvoir exclusif d’adopter des interprétations du présent accord et des Accords commerciaux multilatéraux”. Il prévoit en outre que de telles décisions seront prises “à une majorité des trois quarts des Membres”. Le fait que ce “pouvoir exclusif” d’interpréter le traité a été établi de façon si précise dans l’Accord sur l’OMC est un motif suffisant pour conclure que ce pouvoir n’est conféré nulle part ailleurs de façon implicite ou fortuite » [129].

60Les exemples sont nombreux dans la jurisprudence de l’OMC, où il a été rappelé de manière explicite l’absence de volonté des États membres d’instaurer à l’OMC une quelconque règle du Stare decisis. Il en était ainsi dans l’affaire Japon – Boissons alcooliques II précitée lorsque le groupe spécial a refusé de suivre deux décisions antérieures, car il « n’était pas convaincu par le raisonnement figurant dans [ces] rapport[s] » [130].

61L’examen de la jurisprudence permet de conclure « in a straightforward and unequivocal manner » [131] qu’il n’existe pas de système de Stare decisis à l’OMC. Et même s’il existe de facto une tendance du juge de l’OMC à reconnaître aux décisions antérieures de l’Organe d’appel une certaine autorité, celle-ci doit être relativisée. Mieux, les précédents judiciaires, tels que mis en œuvre à l’ORD, doivent être rangés dans la catégorie de la soft law.

2.2.2 – Le poids persuasif des décisions antérieures : les précédents judiciaires en tant que soft law

62S’ils n’ont pas d’effet erga omnes, les rapports adoptés à l’OMC ont tout de même un fort pouvoir persuasif et peuvent être considérés comme une forme de précédent non contraignant, dont le rôle est comparable à celui joué par la jurisprudence constante dans les systèmes de droit civil. Les juges de l’OMC traitent les décisions antérieures comme une source subsidiaire de droit qui doit être prise en considération, car « elles suscitent chez les Membres de l’OMC des attentes légitimes » [132]. En conséquence, elles « devraient donc être prises en compte lorsqu’ elles ont un rapport avec un autre différend » [133], et ce même si « elles n’ont aucune force obligatoire, sauf pour ce qui est du règlement du différend entre les parties en cause » [134]. Parce qu’un précédent a un caractère persuasif sans être contraignant, la partie qui demande à un groupe spécial de ne pas suivre un précédent applicable doit démontrer qu’un tel écart est justifié dans les circonstances [135].

63Dans la mesure où les rapports adoptés « créent des attentes légitimes », persuader un groupe spécial de s’écarter des précédents peut être difficile [136]. Tel qu’indiqué précédemment, cela nécessite de démontrer qu’il existe des « raisons impérieuses », lesquelles ont été interprétées comme englobant entre autres choses :

64

i) une interprétation multilatérale d’une disposition des accords visés au titre de l’article IX:2 de l’Accord sur l’OMC qui s’écarte d’une interprétation antérieure de l’Organe d’appel ; ii) la démonstration qu’une interprétation antérieure de l’Organe d’appel s’est avérée irréalisable dans une série particulière de circonstances entrant dans le champ de l’obligation pertinente en question ; iii) la démonstration que l’interprétation antérieure de l’Organe d’appel aboutit à un conflit avec une autre disposition d’un accord visé qui n’a pas été invoquée devant l’Organe d’appel ; ou iv) la démonstration que l’interprétation de l’Organe d’appel reposait sur une hypothèse inexacte d’un point de vue factuel [137].

65La difficulté de s’acquitter de la charge de la preuve ne rend pas pour autant le précédent obligatoire ni ne permet de conclure à l’existence d’une règle du Stare decisis à l’OMC. Les décisions antérieures « appuient » une interprétation particulière d’un traité de l’OMC, mais ne l’« imposent » pas [138]. En ce sens, les précédents judiciaires à l’OMC fonctionnent comme de la soft law.

66En d’autres termes, les décisions antérieures servent de règles de conduite qui, en principe, n’ont pas de force juridiquement contraignante, mais peuvent néanmoins avoir des effets pratiques [139]. Leur statut peut être comparable à celui des nombreuses sources de droit auxquelles le mécanisme juridictionnel fait référence sans pour autant qu’elles soient reconnues comme source formelle de droit de l’OMC. Les sources formelles sont les accords multilatéraux de l’OMC, les accords plurilatéraux pour ceux qui les ont ratifiés, les Déclarations issues des conférences ministérielles (celles-ci ne sont pas contraignantes) ainsi que les standards de droit international général qui ont été à maintes reprises cités et pris en considération par les juges dans de nombreux différends.

Conclusion

67Il résulte de la démonstration menée plus haut que le reproche fait au mécanisme de règlement des différends d’instaurer la règle du précédent, telle qu’entendue en Common Law, est infondé. Il n’y a pas lieu de soupçonner le juge de l’OMC d’activisme judiciaire. L’ORD a rappelé à maintes reprises qu’il n’existe pas un système de Stare decisis à l’OMC. L’attitude des juges de l’OMC face aux précédents judiciaires s’apparente davantage à l’approche civiliste de « jurisprudence constante » dans la mesure où le juge de l’OMC a tendance à donner aux décisions antérieures de l’Organe d’appel un effet persuasif. Mais l’effet d’une décision en droit de l’OMC demeure relatif. Il faut toutefois reconnaître que la confusion à l’égard du statut des décisions antérieures et de la reconnaissance ou non de l’existence de la règle du Stare decisis à l’OMC a notamment été générée par le recours des juges de l’OMC à des terminologies propres aux systèmes de Common Law. Ainsi, les juges de l’OMC n’ont pas hésité à utiliser des expressions telles que obiter dictum ou « opinion dissidente ». En Common Law, le juge est uniquement lié par la ratio decidendi d’une décision antérieure, à savoir « le motif déterminant du jugement » [140]. L’obiter dictum fait référence à « une observation faite par le tribunal dans le cours de ses motifs, mais qui n’est pas essentielle au raisonnement justifiant le dispositif » [141] et, dans cette perspective, force est de constater qu’elle ne donne pas lieu à l’application de la règle du précédent. Pourtant, et malgré l’absence de tout fondement formel à cet effet, l’Organe d’appel n’a pas hésité à qualifier certaines parties des jugements antérieurs comme étant des « obiter dictum » [142] ou des « opinions incidentes ». Certes, le recours de l’Organe d’appel à l’expression obiter dictum peut être simplement « sémantique » [143] ou peut refléter la culture juridique des membres de l’Organe d’appel issus de régime de Common Law. Henry Gao qualifie toutefois cette approche de « dangereuse » non seulement parce qu’elle n’a pas de base juridique dans les accords visés, mais aussi parce qu’elle pourrait être utilisée contre l’Organe d’appel en tant que preuve que celui-ci se livre à de l’activisme judiciaire et excède le mandat qui lui a été assigné par les États, comme l’ont fait précisément les États-Unis. Pour être cohérent, l’Organe d’appel devrait alors cesser d’utiliser des termes tels que ratio et dicta, tous deux propres au système de Common Law. Le recours à des termes propres à la doctrine de « jurisprudence constante » serait plus approprié et refléterait plus adéquatement le rôle des décisions antérieures au sein du mécanisme. Finalement, la crise actuelle que traverse le mécanisme et la polémique générée par le statut des décisions antérieures rappellent la nécessité de s’éloigner de la pratique du consensus et de réfléchir à des mécanismes qui rendent l’adoption des interprétations faisant autorité plus accessible.


Mots-clés éditeurs : OMC, règle du précédent, Stare decisis, droit civil, règlement des différends, Common Law

Mise en ligne 11/12/2020

https://doi.org/10.3917/ride.341.0033

Notes

  • [1]
    Ch. De Visscher, « La chose jugée devant la Cour internationale de la Haye », Revue belge de droit international/Belgium Rev of Intl, 1965, vol. 5, n° 1.
  • [2]
    G. Guillaume, « The Use of Precedent by International Judges and Arbitrators », Journal of International Dispute Settlement, 2011, vol. 2, n° 1, pp. 5-23.
  • [3]
    Modules préparatoires aux études supérieures, Module 3 : Bijuridisme canadien, Faculté de droit de l’Université Laval, disponible en ligne sur le site de l’Université Laval <https://modules.fd.ulaval.ca/cycles_superieur/sites/modules.fd.ulaval.ca.cycles_superieur/files/module_3_-_bijuridisme.pdf >, consulté le 16 novembre 2019.
  • [4]
    H. Agbodjan Prince, « Chronique de droit international économique en 2013/Digest of International Economic Law in 2013 », Annuaire canadien de droit international 2013/Canadian Yearbook of International Law 2013, 2014, vol. 51, pp. 353-395.
  • [5]
    A. Mayrand, « L’autorité du précédent au Québec », Revue juridique Thémis, 1994, vol. 28, nos 2 et 3, pp. 773-794 ; voir également A. Perrault, Traité de droit commercial, t. 1, Montréal, Éditions A. Lévesque, 1936. Pour A. Perrault par exemple, « les tribunaux de la province de Québec, à la différence de ceux existant en pays de Common law, ne doivent point considérer une décision antérieure comme établissant une règle absolue, une règle forcée. Nos tribunaux sont toujours libres de se dresser contre une jurisprudence qui leur paraît erronée ». A. Mayrand renchérit en considérant que, « dans un système civiliste, la jurisprudence n’est pas une source primaire du droit. Le Code de l’organisation judiciaire français rappelle à cet égard que « les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif » (article 10 des lois des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire). Cela permet donc à un juge de trancher une affaire sans prendre en considération les décisions antérieures qui ont été rendues sur le même sujet. Au Québec, les juges provinciaux ont ainsi souvent exprimé qu’ils étaient libres de s’écarter des précédents judiciaires.
  • [6]
    A. Mayrand, « L’autorité du précédent au Québec », op. cit., note 5.
  • [7]
    Idem.
  • [8]
    Voir, par exemple, N. Bernier, « L’autorité du précédent judiciaire de la Cour d’appel du Québec », Revue juridique Thémis, 1971, vol. 6, pp. 550 et 559.
  • [9]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », in J. Jemielniak, L. Nielsen et H. Palmer Olsen (eds.), Establishing Judicial Authority in International Economic Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2016.
  • [10]
    Statut de la Cour internationale de Justice, 26 juin 1945, R.T. Can. 1945 n° 7.
  • [11]
    Cour permanente de Justice internationale, Affaire relative à certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, Recueil des arrêts, 1926, Série A, n° 7, p. 19.
  • [12]
    En utilisant le terme « juge » pour désigner les personnes impliquées dans le processus de règlement des différends à l’OMC (groupes spéciaux et Organe d’appel), nous n’entendons pas relancer le débat sur la juridictionnalisation du système de règlement des différends de l’OMC. Nous considérons qu’il s’agit ici d’un système juridictionnel et que le terme « juge » est justifié. Pour aller plus loin sur ce débat, voir H. Agbodjan Prince, Droit de l’OMC et l’agriculture : analyse critique et prospective du système de régulation des subventions agricoles, Montréal, Thémis, 2012 ; H. Ruiz Fabri, « Le juge de l’OMC : ombres et lumières d’une figure judiciaire singulière », RGDIP, 2006, pp. 39-83 ; H. Ruiz Fabri, « Le règlement des différends au sein de l’OMC : naissance d’une juridiction, consolidation d’un droit », in Ch. Leben, E. Loquin et M. Salem (dir.), Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20e siècle. À propos de 30 ans de recherche du CREDIMI. Mélanges en l’honneur de Philippe Kahn, Paris, Litec, 2000.
  • [13]
    United State Trade Representative, « The President’s 2018 Trade Policy Agenda », March 2018, pp. 22-24, en ligne : <https://ustr.gov/sites/default/files/files/Press/Reports/2018/AR/2018%20Annual%20Report%20FINAL.PDF>, consulté le 1er mai 2019.
  • [14]
    Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, Secrétariat du GATT, Genève, 1994, pp. 427-457.
  • [15]
    Groupe spécial, États-Unis – Mesures antidumping visant les crevettes et les lames de scie au diamant en provenance de Chine, OMC Doc. WT/DS422/R, 8 juin 2012, § 6.7 : « Les États-Unis estiment que les extraits de deux rapports de l’Organe d’appel cités au paragraphe 7.29 ne reflètent pas de manière adéquate le rôle que joue un Groupe spécial dans le processus de règlement des différends. Les États-Unis considèrent que les droits et obligations des Membres de l’OMC découlent, non pas des rapports des Groupes spéciaux ou de l’Organe d’appel, mais du texte des accords visés. Ils ajoutent que, si les rapports antérieurs jouent un rôle important dans ce processus, l’article 11 du Mémorandum d’accord dispose qu’il incombe à un Groupe spécial de procéder à sa propre évaluation objective de la question dont il est saisi, y compris de l’applicabilité des dispositions des accords visés pertinents et de la conformité des faits avec ces dispositions. (…) Les États-Unis considèrent qu’une question de compatibilité avec un rapport antérieur adopté par l’ORD ne devrait pas et ne peut pas prévaloir sur ces dispositions qui ne prescrivent pas à un Groupe spécial d’appliquer des rapports déjà adoptés ou de s’en remettre à de tels rapports ».
  • [16]
    K.J. Pelc, « The Politics of Precedent in International Law : A Social Network Application », American Political Science Review, vol. 3 (2014), p. 547 ; A. Scully-Hill et H. Mahncke, « The Emergence of the Doctrine of Stare decisis in the World Trade Organization Dispute Settlement System », Legal Issues of Economic Integration, vol. 36 (2009), pp. 133-156 ; R. Bhala, « The Precedent Setters : De Facto Stare decisis in WTO Adjudication (Part Two of a Trilogy) », Transnat’l L. & Pol’y, vol. 9 (1999), p. 1.
  • [17]
    D. Parkes, « Precedent Unbound – Contemporary Approaches to Precedent in Canada », Man LJ, vol. 32 (2006), p. 135.
  • [18]
    Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, op. cit., note 14, art. 3 :2.
  • [19]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tissés en provenance d’Inde, OMC Doc. WT/DS33/AB/R, 25 avril 1997, p. 22.
  • [20]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures à l’importation de certains produits des communautés européennes, OMC Doc. WT/DS165/AB/R, 11 décembre 2000, § 92.
  • [21]
    Idem.
  • [22]
    D.T. Blackmore, « Eradicating the Long Standing Existence of a No Precedent Rule in International Trade Law – Looking Toward Stare decisis in WTO Dispute Settlement », North Carolina Journal of International Law and Commercial Regulation, vol. 29 (2003), p. 487.
  • [23]
    M. Bénitah, Fondements juridiques du traitement des subventions dans les systèmes GATT & OMC, Genève/Paris, Librairie Droz, 1998, p. 254.
  • [24]
    Groupe spécial, Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture, OMC Doc. WT/DS79/R, 24 août 1998, § 7.30.
  • [25]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », op. cit., note 9.
  • [26]
    Organe d’appel, États-Unis – Lois, réglementations et méthode de calcul des marges de dumping (Réduction à zéro), OMC Doc. WT/DS294/AB/R, 18 avril 2006, §§ 311-313.
  • [27]
    D. Kelemen, « The Limits of Judicial Power : Trade-Environment Disputes in the GATT/WTO and the EU », Comparative Political Studies, vol. 34, (2001), pp. 622-650.
  • [28]
    M. Bénitah, Fondements juridiques du traitement des subventions dans les systèmes GATT & OMC, op. cit., note 23, p. 254. L’auteur cite à son tour J.M. Waincymer, « GATT Dispute Settlement : an Agenda for Evaluation and Reform », North Carolina Journal of International Law and Commerce Regulation, vol. 14 (1989), pp. 81-117.
  • [29]
    Cassell & Co. Ltd. c. Broome, [1972] AC 1027, 1054.
  • [30]
    Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, GATT Doc. DS29/R, 16 juin 1994 (rapport non adopté), § 3.74.
  • [31]
    A. Scully-Hill et H. Mahncke, « The Emergence of the Doctrine of Stare decisis in the World Trade Organization Dispute Settlement System », op. cit., note 16, pp. 133-156.
  • [32]
    Groupe spécial, États-Unis – Restrictions à l’importation de thon, op. cit., note 30, § 51.
  • [33]
    Idem.
  • [34]
    Idem.
  • [35]
    Idem.
  • [36]
    Ibid., § 161.
  • [37]
    Idem.
  • [38]
    Groupe spécial, États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules, OMC Doc. WT/DS2/AB/R, 29 avril 1996.
  • [39]
    Groupe spécial, États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930, GATT Doc. IBDD, S36/386, 7 novembre 1989.
  • [40]
    Ibid., § 3.17 : « Les États-Unis ont noté qu’un Groupe spécial précédent avait reconnu qu’il [pouvait] se présenter des cas où l’application de dispositions juridiques de formes identiques se traduirait en pratique par un traitement moins favorable pour les produits importés, de sorte qu’une partie contractante pourrait avoir à appliquer des dispositions juridiques différentes aux produits importés pour que le traitement qui leur [était] accordé ne soit pas en fait moins favorable ».
  • [41]
    Groupe spécial, États-Unis – Mesures affectant les boissons alcooliques et les boissons à base de malt, GATT Doc. IBDD, S39/233, 19 juin 1992 ; Groupe spécial, Canada – Importation, distribution et vente de certaines boissons alcooliques par les organismes provinciaux de commercialisation, GATT Doc. IBDD, S39/28, 18 février 1992.
  • [42]
    Ibid., § 3.23 : « De l’avis du Venezuela, le raisonnement suivi dans les rapports de deux Groupes spéciaux antérieurs au sujet de la perte de possibilités de concurrence subie par les produits importés était applicable en l’espèce et conduisait à conclure que l’essence importée aurait dû bénéficier des mêmes possibilités de distribution que celles qui étaient réservées à l’essence produite aux États-Unis, y compris la possibilité d’être vendue directement dans le commerce avec l’application d’un niveau de base individuel ».
  • [43]
    Groupe spécial, États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930, op. cit., note 39 ; voir également, Groupe spécial, CEE – Primes et subventions versées aux transformateurs et aux producteurs d’oléagineux et de protéines apparentées destinés à l’alimentation des animaux, GATT Doc. IBDD, S37/91, 25 janvier 1990.
  • [44]
    Ibid., § 3.26 : « Le Brésil a relevé qu’un Groupe spécial antérieur avait rejeté dans son rapport toute idée d’équilibrer le traitement plus favorable accordé à certains produits importés par le traitement moins favorable appliqué à d’autres produits importés. (…) De même, un autre Groupe spécial avait conclu dans son rapport que le fait qu’un produit importé donné risquait de faire l’objet d’une discrimination constituait, en soi, une forme de discrimination ».
  • [45]
    Groupe spécial, États-Unis – L’article 337 de la Loi douanière de 1930, op. cit., note 39, § 161.
  • [46]
    Ibid., § 161.
  • [47]
    Ibid., §§ 161 et 162.
  • [48]
    Ibid., § 162.
  • [49]
    Ibid., § 160.
  • [50]
    Nous reprenons la distinction établie par Raj Bhala : R. Bhala, « The Precedent Setters : De Facto Stare decisis in WTO Adjudication (Part Two of a Trilogy) », op. cit., note 16, p. 89.
  • [51]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures affectant les importations de chemises, chemisiers et blouses, de laine, tissés en provenance d’Inde, op. cit., note 19, p. 4.
  • [52]
    Ibid., pp. 15-16.
  • [53]
    Ibid., p. 4.
  • [54]
    Ibid., pp. 20-21.
  • [55]
    Idem.
  • [56]
    Groupe spécial, Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture, op. cit., note 24.
  • [57]
    Ibid., § 7.42 : « Le rapport du Groupe spécial concernant le différend WT/DS50 suit, pour ce qui est de la charge de la preuve, l’approche établie par l’Organe d’appel dans l’affaire Chemises, chemisiers et blouses. L’Inde allègue que cette approche est contraire aux principes établis régissant la charge de la preuve et le niveau de preuve. Nous notons toutefois que l’Organe d’appel a confirmé que cette approche était correcte. Nous suivrons la même approche dans l’affaire à l’étude ».
  • [58]
    Organe d’appel, Communautés européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (hormones), OMC Doc. WT/DS26/AB/R, WT/DS48/AB/R, p. 98 : « La charge de la preuve incombe initialement à la partie plaignante, qui doit fournir un commencement de preuve d’incompatibilité avec une disposition particulière de l’Accord SPS en ce qui concerne la partie défenderesse, ou plus exactement, sa (ses) mesure(s) SPS faisant l’objet de la plainte. Une fois que ce commencement de preuve a été apporté, la charge de la preuve passe à la partie défenderesse, qui doit à son tour repousser ou réfuter l’incompatibilité alléguée ».
  • [59]
    Organe d’appel, Brésil – Programme de financement des exportations pour les aéronefs civils (article 21 :5 – Canada), OMC Doc. WT/DS46/AB/RW, 21 juillet 2000.
  • [60]
    Ibid., p. 66.
  • [61]
    Organe d’appel, Communautés européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (hormones), op. cit., note 58, p.250 : « Nous approuvons l’application par le Groupe spécial de la notion d’économie jurisprudentielle. Nous avons confirmé la conclusion du Groupe spécial selon laquelle les mesures communautaires sont incompatibles avec l’article 5 :1 étant donné que les Communautés n’ont pas fourni une évaluation des risques qui étaie raisonnablement ces mesures ».
  • [62]
    Organe d’appel, Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture, OMC Doc. WT/DS50/AB/R, 19 décembre 1997, p. 87 : « un Groupe spécial a la faculté de déterminer quelles sont les allégations qu’il doit traiter pour régler le différend entre les parties – à condition que ces allégations rentrent dans le cadre de son mandat ».
  • [63]
    Organe d’appel, États-Unis – Subvention concernant le coton Upland, OMC Doc. WT/DS267/AB/R, 3 mars 2005, p. 717 : « Nous pensons que le Groupe spécial n’a pas outrepassé les limites de son pouvoir discrétionnaire en s’abstenant d’examiner si les produits inscrits dans la Liste autres que le riz et les produits non inscrits dans la Liste bénéficiant d’un soutien au titre des programmes étaient appliqués d’une manière qui “mena[çait] d’entraîner” un contournement ».
  • [64]
    Organe d’appel, États-Unis – Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne formules, op. cit., note 38, p. 24.
  • [65]
    Ibid., pp. 119-120.
  • [66]
    Ibid., p. 118.
  • [67]
    Ibid., pp. 119-120 : « L’ordre des étapes indiqué ci-dessus à suivre pour analyser une allégation concernant une justification au titre de l’article XX ne dénote pas un choix fortuit ou aléatoire, mais plutôt la structure et la logique fondamentales de l’article XX. (…) La tâche qui consiste à interpréter le texte introductif de façon à empêcher l’usage abusif ou impropre des exceptions spécifiques prévues à l’article XX devient très difficile, sinon tout à fait impossible, lorsque celui qui interprète (comme le Groupe spécial en l’espèce) n’a pas d’abord identifié et examiné l’exception spécifique susceptible d’abus ».
  • [68]
    Organe d’appel, Corée – mesures affectant les importations de viande de bœuf fraîche, réfrigérée et congelée, OMC Doc. WT/DS161/AB/R WT/DS169/AB/R, 11 décembre 2000.
  • [69]
    Ibid., p. 156.
  • [70]
    Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, OMC Doc. WT/DS8/AB/R WT/DS10/AB/R WT/DS11/AB/R, 4 octobre 1996.
  • [71]
    Cette question devrait être établie au cas par cas et requiert un élément de jugement personnel, voire discrétionnaire, de la part du Groupe spécial. Voir Organe d’appel, Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques, op. cit., note 70, p. 23.
  • [72]
    Ibid., p. 33.
  • [73]
    Groupe spécial du GATT, États-Unis – Taxes américaines sur les automobiles, GATT Doc. DS31/R, 11 octobre 1994.
  • [74]
    Ibid., § 5.10.
  • [75]
    Organe d’appel, Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, OMC Doc. WT/DS31/AB/R, 30 juin 1997.
  • [76]
    Organe d’appel, Corée – Taxes sur les boissons alcooliques, OMC Doc. WT/DS75/AB/R ; WT/DS84/AB/R, 18 janvier 1999.
  • [77]
    Ibid., p. 81.
  • [78]
    A. Porges, « Settling WTO Disputes : What do Litigation Models Tell us ? », Ohio State Journal on Dispute Resolution, vol. 19 (2003), p. 184.
  • [79]
    Organe d’appel, Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, op. cit., note 75.
  • [80]
    M.L. Busch, « Overlapping Institutions, Forum Shopping, and Dispute Settlement in International Trade », International Organization, vol. 61 (2007), pp. 735-761.
  • [81]
    Accord de libre-échange nord-américain, Recueil des traités du Canada, 1994/42, Ottawa, Washington et Mexico, 1er janvier 1994.
  • [82]
    Ibid., art. 2106.
  • [83]
    Voir l’article 2005 al. 2 de l’Accord de libre-échange États-Unis/Canada (l’article 2106 de l’Alena incorpore l’article 2005 de l’Accord de libre-échange États-Unis/Canada).
  • [84]
    M.L. Busch, « Overlapping Institutions, Forum Shopping, and Dispute Settlement in International Trade », op. cit., note 80.
  • [85]
    K. Acheson et Chr. Maule, « Much Ado about Culture : North American Trade Disputes, Ann Arbor », University of Michigan Press, (1999) ; voir également M. McDonald, « A Blow to Magazines », MacLean’s, vol. 27 (1997), p. 58.
  • [86]
    United States Code Congressional and Administrative News, vol. 4 (1993), p. 2649 : « The Committee supports the Administration’s commitment to use all appropriate tools at its disposal to discourage Canada and other countries from taking measures that discriminate against, or restrict market access for, the U.S. film, broadcasting, recording and publishing industries ».
  • [87]
    Organe d’appel, Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, op. cit., note 75, p. 19.
  • [88]
    Groupe spécial, Chine – Mesures affectant les droits de commercialisation et les services de distribution pour certaines publications et certains produits de divertissement audiovisuels, OMC Doc. WT/DS363/R, 12 août 2009.
  • [89]
    Ibid., §§ 5.43 et 7.158.
  • [90]
    Si, en initiant un différend à l’OMC, un État peut avoir comme objectif la mise en place d’un précédent contraignant pour l’ensemble des État membres, un État qui ne désire pas obtenir un tel précédent peut alors choisir d’initier un différend dans un forum régional plutôt que dans le forum multilatéral de l’OMC. M.L. Busch analyse la décision du Mexique d’initier le différend relatif aux mesures de sauvegarde américaines prises relativement aux balais en paille de sorgho dans le contexte de l’Alena plutôt que dans le contexte de l’OMC (Rapport du Groupe spécial de l’Alena, Alena Doc. USA-97-2008-01, 30 janvier 1998). Ce choix semble curieux en considérant que l’argumentation du Mexique était principalement basée sur le droit de l’OMC (article XIX du GATT et Accord sur les sauvegardes). Par ailleurs, la Colombie a initié un différend au sujet des mêmes mesures américaines à l’OMC, parallèlement à la plainte du Mexique à l’Alena. Le Mexique aurait ainsi pu bénéficier de l’appui d’un allié dans le cadre d’une plainte éventuelle à l’OMC. L’auteur explique de façon convaincante le choix du Mexique d’opter pour le forum de l’Alena plutôt que celui de l’OMC comme une volonté de la part du Mexique de ne pas établir un précédent multilatéral sur la question, le Mexique ayant lui-même recours couramment aux mesures de sauvegarde. Voir M.L. Busch, « Overlapping Institutions, Forum Shopping, and Dispute Settlement in International Trade », op. cit., note 80 ; voir également D.A. Gantz, « Dispute Settlement Under the NAFTA and the WTO : Choice of Forum Opportunities and Risks for the NAFTA Parties », American University International Law Review, vol. 15 (1999), p. 1071.
  • [91]
    K.J. Pelc, « The Politics of Precedent in International Law : A Social Network Application », op. cit., note 16, p. 547.
  • [92]
    Organe d’appel, Corée – Mesure de sauvegarde définitive appliquée aux importations de certains produits laitiers, OMC Doc. WT/DS98/AB/R, 14 décembre 1999.
  • [93]
    Organe d’appel, Argentine – Mesures de sauvegarde à l’importation de chaussures, OMC Doc. WT/DS121/AB/R, 14 décembre 1999.
  • [94]
    K.J. Pelc, « The Politics of Precedent in International Law : A Social Network Application », op. cit., note 16.
  • [95]
    Idem.
  • [96]
    A. Porges, « Settling WTO Disputes : What do Litigation Models Tell us ? », op. cit., note 78.
  • [97]
    K.J. Pelc, « The Politics of Precedent in International Law : A Social Network Application », op. cit., note 16.
  • [98]
    Idem.
  • [99]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures de sauvegarde définitives à l’importation de certains produits en acier, OMC Doc. WT/DS248/AB/R WT/DS249/AB/R WT/DS251/AB/R WT/DS252/AB/R WT/DS253/AB/R WT/DS254/AB/R WT/DS258/AB/R WT/DS259/AB/R, 10 novembre 2003.
  • [100]
    Ibid., p. 317 : « Les décisions que nous avons rendues dans le cadre des affaires Argentine – Chaussures (CE) et Corée – Produits laitiers étaient également cette conclusion. Dans ces appels, nous avons dit que les termes “par suite de” impliquaient qu’il devait y avoir un “lien logique” entre l’“évolution imprévue des circonstances” et les conditions énoncées dans la deuxième clause de l’article XIX:1 a) ».
  • [101]
    Convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969, Recueil des Traités, vol. 1155, p. 33.
  • [102]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », op. cit., note 9.
  • [103]
    Organe d’appel, États-Unis – Droits compensateurs sur certains produits plats en acier au carbone traité contre la corrosion en provenance d’Allemagne, OMC Doc. WT/DS213/AB/R, 28 novembre 2002, pp. 61-62.
  • [104]
    Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques II, OMC Doc. WT/DS8/AB/R, WT/DS10/AB/R, WT/DS11/AB/R, 4 octobre 1996, p. 14.
  • [105]
    Organe d’appel, Communautés européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (hormones), op. cit., note 58, p. 181.
  • [106]
    A. Hamann, Le contentieux de la mise en conformité dans le règlement des différends de l’OMC, Leiden/Boston, Brill/Nijhoff, 2013, p. 91.
  • [107]
    Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, Secrétariat du GATT, Genève, 1994, pp. 11-24.
  • [108]
    F. David, « The Role of Precedent in the WTO - New Horizons ? », Maastricht Faculty of Law Working, vol. 12 (2009).
  • [109]
    Organe d’appel, États-Unis – Traitement fiscal des “sociétés de ventes à l’étranger”, OMC Doc. WT/DS108/AB/R, 24 février 2000.
  • [110]
    Ibid., p. 127.
  • [111]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », op. cit., note 9.
  • [112]
    Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, op. cit., note 14, art. 17 :14.
  • [113]
    J. Pauwelyn, « Minority Rules : Precedent and Participation before the WTO Appellate Body », op. cit., note 9.
  • [114]
    Organe de règlement des différends, réunion ordinaire du 23 mai 2016, compte rendu de la réunion, OMC Doc. WT/DSB/M/379, 29 août 2016, § 6.4.
  • [115]
    J. Pauwelyn, « Sources of International Trade Law : Mantras and Controversies at the World Trade Organization » (September 5, 2016). Forthcoming in S. Besson & J. d’Aspremont (eds.), Oxford Handbook on the Sources of International Law, 2016.
  • [116]
    T. Broude, Judicial Boundedness, Political Capitulation : The Dialectic of. International Governance in the World Trade Organization, Londres, Cameron, May 2004, p. 341.
  • [117]
    Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, Résultats des négociations commerciales multilatérales du cycle d’Uruguay, Textes juridiques, op. cit., note 14, art. 11.
  • [118]
    H.S. Gao, « Dictum on Dicta : Obiter Dicta in WTO disputes », World Trade Review, vol. 17 (2018), pp. 509-533.
  • [119]
    Idem.
  • [120]
    J. Pauwelyn, « Sources of International Trade Law : Mantras and Controversies at the World Trade Organization », op. cit., note 115.
  • [121]
    J.H. Jackson, Sovereignty, The WTO, and Changing Fundamentals of International Law, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 177.
  • [122]
    Idem.
  • [123]
    Convention de Vienne sur le droit des traités, Vienne, 23 mai 1969, op. cit., note 101, art. 31(3) (b).
  • [124]
    J.H. Jackson, Sovereignty, The WTO, and Changing Fundamentals of International Law, op. cit., note 121.
  • [125]
    Organe d’appel, États-Unis – Mesures antidumping finales visant l’acier inoxydable en provenance du Mexique, OMC Doc. WT/DS344/AB/R, 30 avril 2008, p. 158.
  • [126]
    Groupe spécial, États-Unis – Utilisation de la réduction à zéro dans les mesures antidumping concernant des produits en provenance de Corée, OMC Doc. WT/DS402/R, 18 janvier 2011, § 7.31.
  • [127]
    Groupe spécial, Inde – Protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture, op. cit., note 24, § 7.30.
  • [128]
    Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques II, op. cit., note 104, p. 17.
  • [129]
    Ibid., p. 16.
  • [130]
    Ibid., § 6.18.
  • [131]
    H.S. Gao, « Dictum on Dicta : Obiter Dicta in WTO disputes », op. cit., note 118.
  • [132]
    Organe d’appel, Japon – Taxes sur les boissons alcooliques II, op. cit., note 128, p. 17.
  • [133]
    Idem.
  • [134]
    Idem.
  • [135]
    D. Palmeter et P.C. Mavroidis, « The WTO Legal System : Sources of Law », American Journal of International Law, vol. 92 (1998), pp. 398-413.
  • [136]
    Idem.
  • [137]
    Groupe spécial, États-Unis — Mesures compensatoires et mesures antidumping, OMC Doc. WT/DS449/R, 27 mars 2014, § 7.317.
  • [138]
    Idem.
  • [139]
    F. Montanaro, « The Three Dimensions of Judicial Precedent in the WTO System », Michigan International Lawyer, vol. 26 (Fall 2014), pp. 17 et s.
  • [140]
    Modules préparatoires aux études supérieures, Module 3 : Bijuridisme canadien, Faculté de droit de l’Université Laval, op. cit., note 3.
  • [141]
    Idem.
  • [142]
    Organe d’appel, Canada – Certaines mesures concernant les périodiques, op. cit., note 75, p. 36. L’Organe d’appel qualifie un passage de la décision du Groupe spécial dans l’affaire CEE – Oléagineux comme étant « une opinion incidente ». Il est à noter que la version anglaise de la décision parle de dicta. Voir Organe d’appel, États-Unis – Crevettes (Recours de la Malaisie à l’article 21 :5), OMC Doc. WT/DS58/AB/RW, 22 octobre 2001, p. 107. L’Organe d’appel indique que le raisonnement qu’il a suivi dans son rapport initial « ne constituait pas des opinions incidentes ». Là encore, la version anglaise parle de dicta.
  • [143]
    H.S. Gao, « Dictum on Dicta : Obiter Dicta in WTO disputes », op. cit., note 118.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.169

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions