Couverture de RIDE_283

Article de revue

Repenser la propriété – Introduction

Pages 269 à 270

Notes

  • [1]
    Directrice de recherche au CNRS en philosophie et sociologie.
  • [2]
    Maître de conférences en droit privé à l’Université de Nice Sophia Antipolis (GREDEG - CREDECO)
  • [3]
    Nous tenons à remercier le GREDEG, l’INRA, la MSHS Sud-Est et l’Université de Nice Sophia Antipolis pour leur soutien.

1Le modèle propriétaire dont nous héritons historiquement et juridiquement, qui identifie le propriétaire à un souverain et institue un lien exclusif du sujet sur l’objet, est aujourd’hui mis en question. Non seulement il coexiste avec maintes autres formes de propriété, mais esquisserait surtout, dans la pensée juridique actuelle, un abandon progressif de l’idée d’un pouvoir absolu d’une personne sur une chose. On s’engagerait vers une « extinction » (Mackaay, 1991) et, peut-être, une « désintégration de la propriété » (Grey, 1980). Le dossier ici proposé explore les formes alternatives de conception du rapport de propriété, prenant leurs distances aussi bien avec les théories classiques qu’avec les théories « renouvelées » de la propriété, c’est-à-dire avec des interprétations jusnaturalistes, voire essentialistes, du lien propriétaire. Fruits d’un colloque qui s’est tenu les 2 et 3 juin 2014 à la Faculté de droit de l’Université de Nice Sophia Antipolis [3], les textes rassemblés dans ce dossier trouveront leur complément dans un ouvrage également intitulé Repenser la propriété à paraître en 2015, aux Presses universitaires d’Aix-Marseille (PUAM), dans la collection « Droits de l’environnement ». Ce dernier ouvrage réunira les contributions illustrant le renouvellement du concept de propriété via le droit de l’environnement.

2Précédé d’une exposition par Caroline Guibet Lafaye des principaux arguments ayant contribué à disqualifier, dans le champ économique, toute alternative à l’appropriation exclusive, le présent dossier s’articulera en deux parties, l’une consacrée à la présentation de trois modèles conceptuels permettant de repenser la propriété. Le premier, par Thomas Boccon-Gibod s’inspirant de L. Duguit, analyse la réinscription de la notion de propriété privée dans un cadre social ainsi que sa fonction politique, à partir de laquelle peut être déployée une critique des relations de pouvoir propres à la société de marché. Cette dimension politique de la propriété nourrit la lecture, par Ali Douai, de la théorie d’Elinor Ostrom faisant de la propriété et des marchés des constructions sociales et politiques, mais dont l’appréhension des processus politiques, qui déterminent la sélection et l’évolution des régimes de propriété et des systèmes de règles, constitutifs des dynamiques marchandes et de la gouvernance des ressources naturelles, présente certaines lacunes. La question de la fonction sociale et politique de la propriété est reprise par Pierre Crétois qui envisage le droit de propriété comme un droit d’administrer les accès aux ressources, considérées comme des supports de biens dématérialisés : expériences ou fonctionnalités notamment.

3La seconde partie du dossier donne toute son ampleur à l’appréhension d’une propriété extraite du lien exclusif entre l’objet et son propriétaire. Aurore Chaigneau se propose de réfléchir à l’articulation des droits du propriétaire avec les tiers à partir de la technique des droits réels, du contrat et de l’affectation. Elle ouvre un examen du patrimoine d’affectation, traduisant une volonté récente d’instituer et de formaliser la recherche de communs, dont les propriétaires sont des parties prenantes aux côtés d’autres détenteurs de droits. Dans le même registre, Judith Rochfeld analyse l’une des formes selon lesquelles le droit s’ouvre aux communs, en l’occurrence l’accès de tiers à la ressource, dans lequel le droit articule propriété privée et accès, permettant que se constituent des communautés diffuses autour de certains biens « destinés ». Fabienne Orsi s’engage ensuite dans une discussion de la place prise par la notion de propriété dans la théorie du bundle of rights visant à montrer que la contribution d’Elinor Ostrom constitue un renouveau de la conception originelle de la propriété comme faisceau de droits plutôt qu’une simple annihilation de la propriété en tant que telle. Enfin, Fabrice Siiriainen observe que le droit d’auteur peut se trouver littéralement démultiplié par le jeu de la technique contractuelle. Serait-ce que nous assistions à l’expérimentation d’un nouvel modèle propriétaire : celui de l’accès, mais d’un accès payant ? C’est dire que l’émergence de nouvelles formes de propriété, pour stimulante qu’elle soit, doit être accueillie avec vigilance.


Date de mise en ligne : 19/02/2015

https://doi.org/10.3917/ride.283.0269

Notes

  • [1]
    Directrice de recherche au CNRS en philosophie et sociologie.
  • [2]
    Maître de conférences en droit privé à l’Université de Nice Sophia Antipolis (GREDEG - CREDECO)
  • [3]
    Nous tenons à remercier le GREDEG, l’INRA, la MSHS Sud-Est et l’Université de Nice Sophia Antipolis pour leur soutien.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

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