Notes
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[1]
Docteur en droit, LL.M (Lausanne/Chicago-Kent), Senior research fellow, Max Planck Institute for Intellectual Property and Competition Law, Munich, Allemagne. E-mail : mor.bakhoum@ip.mpg.de.
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[2]
A. Cissé, « L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA à l’épreuve de sa première décennie », RIDE, n°2-2004, p. 198.
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[3]
Ibid.
-
[4]
Sur la problématique de l’intégration économique et du droit de la concurrence dans les pays en développement, J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, Edward Elgar, 2012, à paraître.
-
[5]
Voir, sur les objectifs d’une politique régionale de la concurrence, M. Bakhoum, « Perspectives africaines d’une politique de la concurrence dans l’espace OHADA », RIDE, ce numéro. Voir également, sur les objectifs de l’intégration économique dans les pays en développement, J. Drexl, op. cit. (note 4).
-
[6]
J. Drexl, ibid. L’auteur soutient que, du point de vue des pays en développement, les objectifs de l’intégration économique doivent être redéfinis dans le contexte de la globalisation économique. Il soutient : « Hence, the role of economic integration may well have to be redefined in times of globalization. Whereas, traditionally, economic integration was mostly justified by the economic benefits that accrue from intensifying intra-regional trade, regional integration may nowadays seem much more important as a response to economic globalisation. »
-
[7]
Voir sur cet aspect : E. Fox, « Competition, Development and Regional Integration : In Search of a Competition Law Fit for Developing Countries », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4).
-
[8]
M. Gal discute, dans un article à paraître, les obstacles à l’effectivité des politiques régionales de la concurrence. Voir M. Gal et I. Faibish Wassmer, « Regional Agreements of Developing Jurisdictions : Unleashing the Potential », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4). Disponible également sur le lien suivant : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1920290. Ces obstacles sont entre autres liés à la conception des institutions et à la problématique des rapports entre le niveau régional et le niveau national.
-
[9]
Ibid.
-
[10]
Le traité de l’UEMOA est disponible à l’adresse suivante : http://www.uemoa.int/Documents/TraitReviseUEMOA.pdf.
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[11]
– Règlement n° 2/2002/CM/UEMOA du 23.5.2002 relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de l’Union ;
– Règlement n° 3/2002/CM/UEMOA du 23.5.2002 relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine ;
– Règlement n° 4/2002/CM/UEMOA du 23.5.2002 relatif aux aides d’État à l’intérieur de l’Union Économique et monétaire Ouest-Africaine et aux modalités d’application de l’article 88 (C) du traité ;
– Directive n° 02/2002/CM/UEMOA du 23.5.2002 relative à la coopération entre la Commission et les structures nationales de concurrence des États membres pour l’application des articles 88, 89 et 90 du traité de l’UEMOA ;
– Directive n° 1/2002/UEMOA du 23.5.2002 relative à la transparence des relations financières entre d’une part les États membres et les entreprises publiques, et d’autre part entre les États membres et les organisations internationales ou étrangères.
Ces textes sont disponibles sur : http://www.uemoa.int. -
[12]
Voir en général sur la politique de la concurrence de l’UEMOA : M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), Berne, Bruxelles, Stampfli, Bruylant, 2007.
-
[13]
Tous les pays membres de l’UEMOA sont dotés d’un droit national de la concurrence à l’exception de la Guinée-Bissau. Sénégal : loi 1994/63 du 22 août 1994 sur lesprix, la concurrence et le contentieux économique ; Burkina Faso : loi n°15/94 du 15 mai 1994 relative à la concurrence ; Mali : Ordonnance n° 07-025 du 18 juillet 2007 portant organisation de la concurrence ; Togo : Loi n° 99-011 du 28 décembre 1999 portant organisation de la concurrence au Togo ; Bénin : Ordonnance n° 20/ PR/MFAEP du 5 juillet 1967 portant réglementation des prix et des stocks ; Niger : Ordonnance n° 92-025 du 7 juillet 1992 portant réglementation des prix et de la concurrence ; Côte d’Ivoire, Loi n° 91-999 du 27 décembre 1991 relative à la concurrence. Ces différentes législations ont la caractéristique commune, en plus de l’affirmation de la liberté de commerce et de concurrence, de donner à l’État, dans des circonstances exceptionnelles, une réserve d’intervention dans la détermination des prix.
-
[14]
Les modalités de l’obligation de réforme sont définies par la Directive 2/2002/UEMOA, op. cit. (note 11).
-
[15]
Avis de 3/2000/CJ/UEMOA, inédit.
-
[16]
Rapport 2002-2003 de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal qui a rendu des Avis sur l’approche communautaire. La Commission nationale de la concurrence du Sénégal n’était pas favorable à une centralisation du pouvoir de décision.
-
[17]
On pense aux développements du professeur Abdoulaye Sakho, ancien vice-président de la Commission nationale de la concurrence, sur la question. Nous avions aussi émis des réserves sur la centralisation du pouvoir de décision. Voir M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), op. cit. (note 12), pp. 228-243.
-
[18]
Voir Décision n° 0157/2007/PCOM/UEMOA portant création et organisation des services de la Commission de l’UEMOA, inédit.
-
[19]
Voir Décision n° 345/2008/PCOM/UEMOA portant organisation du département du marché régional, du commerce, de la concurrence et de la coopération, inédit.
-
[20]
On pense aux affaires CIBA contre FFSA et SARL Micro Doses technologies. Ces affaires sont disponibles dans le rapport 2002-2003 de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal.
-
[21]
Ibid.
-
[22]
Voir D.P. Weick, « Competition Law and Policy in Senegal : A Cautionary Tale for Regional Integration ? », World Competition, 33, 2010, p. 521.
-
[23]
Ces contraintes sont liées à la disponibilité des ressources aussi bien matérielles qu’humaines. Voir sur ces aspects le rapport 2002-2003 de la Commission nationale de la concurrence. La Commission n’a pas de locaux propres et son personnel n’est pas permanent.
-
[24]
Voir les différents rapports produits en 1994, 1998 et 2001 par la Commission nationale de la concurrence de la Côte d’Ivoire. Disponible auprès de l’auteur.
-
[25]
Voir sur cet aspect, J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4).
-
[26]
Voir article 1, Ordonnance n° 99-043 du 30 septembre 1999 régissant les télécommunications en république du Mali. « La présente Ordonnance régit toutes les activités de télécommunications exercées sur le territoire de la République du Mali y compris l’attribution ou l’assignation de fréquences, peu importe que celles-ci soient à des fins de services de télécommunications ou autres. Elle s’applique sans préjudice de l’application des dispositions générales relatives au droit de la concurrence (souligné par nous) ».
-
[27]
Voir article 5 du Code des télécommunications qui interdit les ententes et les abus de position dominante. Le Code des télécommunications est disponible sur le lien suivant : http://www.gouv. sn/IMG/pdf/document_Telechargez_le_code_des_Telecoms_6.pdf.
-
[28]
Voir article 5 infine du Code des télécommunications.
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[29]
Voir M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), op. cit. (note 12), p. 229 et suiv.
-
[30]
C’est le cas de la collaboration de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal avec la Commission de l’UEMOA. C’est plutôt avec la Direction du Commerce Intérieur (DCI) que la Commission travaille lors de ses enquêtes sur le terrain.
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[31]
Voir, sur les législations de la concurrence des différents États membres, supra (note 13).
-
[32]
Disponible dans le site de l’UEMOA à l’adresse suivante : www.uemoa.int.
-
[33]
Ibid.
-
[34]
Ibid.
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[35]
Ces affaires en cours ne sont pas encore publiées.
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[36]
Voir J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4).
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[37]
Voir G. Mamhare, « Southern African Development Community (SADC) Regional Competition Policy », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4). Également, K. Moodaliyar, « Competition Policy in SADC : A South African Perspective », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4).
-
[38]
Voir Gerber sur cet aspect : D. Gerber, « Regionalization, Development and Competition Law : Exploring the Political Dimension », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4).
-
[39]
Ibid.
-
[40]
Voir J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4).
-
[41]
Ibid.
-
[42]
Ces exemptions et exceptions sont contenues dans les législations de la concurrence des différents pays membres de l’UEMOA.
-
[43]
J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4).
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[44]
Pour dire Ouagadougou, capitale du Burkina Faso où la Commission a son siège.
-
[45]
Voir M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), op. cit. (note 12), p. 248 et suiv.
-
[46]
Cette approche est soutenue dans la doctrine. J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4). L’auteur souligne : « Centralization of the standards of competition law should not exclude decentralization of enforcement. »
-
[47]
Ibid.
1 INTRODUCTION
1 Le processus d’intégration économique dans les pays en développement s’est accompagné d’un mouvement parallèle et concomitant de régionalisation de leurs politiques de la concurrence. Le foisonnement d’organisations d’intégration économique liant le national au global est une réalité de la structuration des économies dans un contexte de globalisation. En effet, avec le processus de « recomposition de l’environnement juridique mondial sous les auspices des lois du marché » [2], on assiste à une émergence de nouveaux paysages normatifs qui « semble[nt] s’orienter vers une gestion communautaire des intérêts nationaux » [3].
2 La création d’un marché commun, d’une union douanière ou d’un espace de libre-échange, du fait de son effet d’ouverture des frontières économiques nationales, va de pair avec la nécessité de protéger la libre concurrence dans les « espaces économiques communs » nouvellement créés [4]. En effet, si la concurrence sur le marché transcende les espaces économiques nationaux pour s’opérer au niveau régional, l’approche législative doit suivre avec la régulation transversale de la concurrence au niveau régional. Aussi, dans les pays en développement, la création d’espaces économiques régionaux est-elle allée de pair avec la régionalisation des politiques de la concurrence.
3 Différents objectifs sont assignables à une politique régionale de la concurrence : la protection contre les cartels internationaux, l’objectif d’intégration économique, l’utilisation efficiente des ressources limitées, la promotion de l’investissement, etc. [5] Au-delà de ces objectifs, pour les pays en développement, il est apparu que l’intégration économique et son corollaire la régionalisation des politiques de la concurrence pourraient leur garantir une entrée dans l’économie globale. Plus qu’un outil de régulation d’un marché commun, une politique régionale de la concurrence et plus généralement l’intégration économique pourraient leur permettre de jouer leur partition dans l’économie globalisée [6].
4 Si l’intégration économique et le contrôle de la libre concurrence au niveau régional ont le potentiel de catalyser le développement économique [7], l’expérience a fini de démontrer que, pour différentes raisons, leur mise en œuvre pose encore des défis [8]. En effet, les expériences d’intégration économique et de régionalisation des politiques de la concurrence ont connu des fortunes diverses. Les résultats attendus en termes d’ouverture des marchés nationaux, de promotion du commerce entre États membres et de protection de la libre concurrence aussi bien dans les marchés nationaux que dans le marché commun n’ont pas toujours été au rendez-vous. Divers facteurs peuvent expliquer ces résultats mitigés [9]. Au nombre de ceux-ci, l’orientation institutionnelle de mise en œuvre de la politique régionale de la concurrence occupe une place centrale. Concevoir un cadre institutionnel de mise en ouvre d’une politique de la concurrence au niveau national ne pose relativement pas de grands défis. Souvent la mise en œuvre est confiée à une Autorité Administrative Indépendante (AAI) avec l’aménagement d’un droit de regard du pouvoir judiciaire sous forme d’un recours en appel. Un démembrement de l’administration peut également être en charge de la mise en œuvre, comme c’ est le cas dans beaucoup de pays d’Afrique de l’Ouest. Au niveau régional par contre, souvent se pose le défi de la conciliation ou d’un équilibrage des compétences et du partage du pouvoir de contrôle entre le niveau communautaire et les niveaux nationaux. En d’autres termes, le cadre institutionnel doit être conçu de manière à permettre un contrôle efficace tant des marchés nationaux que du marché commun, tout en garantissant une certaine harmonisation dans la mise en œuvre afin d’éviter les risques de renationalisation.
5 Cet article analyse l’architecture institutionnelle de mise en œuvre de la politique régionale de la concurrence de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA). L’UEMOA a enclenché son processus d’intégration avec une union monétaire dans le cadre de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA). C’est en 1994, avec la signature du traité de Dakar [10], qu’est créé un marché commun avec la transformation de l’union monétaire en union économique et monétaire. Naturellement, le traité constitutif a également posé les jalons de la politique communautaire de la concurrence. Les articles 88 et 89 posent les principes d’interdiction des ententes et des abus de position dominante tandis que l’article 90 reconnaît à la Commission la compétence pour mettre en œuvre le droit communautaire. Un certain nombre de règlements et de directives précisent le droit primaire [11].
6 L’UEMOA a adopté une approche centraliste de sa politique de la concurrence [12]. La réglementation des pratiques anticoncurrentielles (ententes, abus de position dominante et aides d’État) relève de la compétence exclusive de l’Union, et la Commission bénéficie d’une compétence exclusive pour la mise en œuvre du droit communautaire. Les États membres ont ainsi vu leurs compétences limitées à la réglementation de ce que l’on pourrait appeler le droit secondaire de la concurrence, à savoir les pratiques restrictives de concurrence et la concurrence déloyale. Il faut noter que dans la plupart des pays membres de l’UEMOA, les législations de la concurrence combinent pratiques anticoncurrentielles, pratiques restrictives de concurrence, concurrence déloyale et, dans certains pays, des aspects de protection des consommateurs [13].
7 Il est certes reconnu à la Commission une compétence exclusive pour la mise en œuvre du droit communautaire. Toutefois, les structures nationales de la concurrence sont mobilisées lors des enquêtes. En effet, la Directive n° 2/2002/UEMOA qui détermine les modalités de la collaboration entre la Commission et les structures nationales de la concurrence a mis en place un mécanisme de coopération qui revêt deux aspects. D’abord, la Commission doit informer les structures nationales de la concurrence des enquêtes envisagées dans les États membres. Il est ensuite demandé à ces structures d’appuyer la Commission lors des enquêtes et vérifications dans les États membres. Les structures nationales de la concurrence sont également impliquées dans le processus décisionnel à travers le Comité Consultatif de la Concurrence (CCC) qui est à l’image du CCC dans le cadre de l’UE. Le CCC a compétence pour donner un avis sur les affaires pendantes. L’Avis du CCC ne lie toutefois pas la Commission. Pour maintenir l’harmonie entre le niveau communautaire et les niveaux nationaux, et rendre effectif ce transfert de compétence au niveau communautaire, il est fait obligation aux États membres de réformer leurs droits nationaux et de limiter les compétences des structures nationales de la concurrence aux nouvelles fonctions qui leur sont assignées [14].
8 Cette approche centraliste, qui a fortement limité les compétences des structures nationales de la concurrence, n’est pas allée de soi. En effet, il ne ressort pas clairement du traité de Dakar une volonté du législateur communautaire de centraliser les compétences en droit de la concurrence. Aussi, des divergences ont vu le jour au moment de l’élaboration de la législation communautaire entre la Commission qui soutenait une compétence exclusive de l’Union et les experts des États membres qui défendaient le droit des États membres de légiférer en matière de pratiques anticoncurrentielles. Finalement, c’est un Avis de la Cour de justice [15] qui a clos le débat en concluant à une compétence exclusive de l’Union.
9 Cette approche institutionnelle, plutôt originale, pour des États qui d’habitude prennent l’UE comme référence, n’a pas manqué de susciter des réserves quant à son adaptabilité dans le contexte de l’UEMOA. En effet, dès l’origine, des résistances sont apparues au niveau des États membres [16]. La doctrine, qui a aussi commencé à explorer la question, a également été très critique sur la forte centralisation des compétences au niveau de l’UEMOA [17]. Presque huit ans après l’entrée en vigueur du droit communautaire, l’approche centraliste de l’UEMOA a montré ses limites. Les réformes attendues des États membres ne sont pas encore matérialisées, la collaboration des structures nationales de la concurrence n’est pas effective, et le niveau communautaire qui était supposé constituer une structure forte fait face à des contraintes qui limitent l’effectivité de son action. Par voie de conséquence, en termes d’effectivité du droit communautaire de la concurrence, les fruits n’ont pas toujours tenu la promesse des fleurs. Nous le verrons, la jurisprudence communautaire est encore limitée.
10 Cette contribution vise à analyser la cohérence de l’approche institutionnelle de l’UEMOA et son impact sur l’effectivité de la politique communautaire de la concurrence. Elle se fonde sur les huit années de mise en œuvre de cette politique afin de déceler les incohérences de l’approche institutionnelle qui ont conduit à une effectivité limitée (2). Ensuite, nous identifierons un certain nombre de critères que nous avons appelés « contraintes concurrentielles » et qui entrent en ligne de compte dans la définition d’une approche institutionnelle dans un cadre communautaire, avec un accent particulier sur la répartition des compétences entre le niveau communautaire et les États membres (3). De cette analyse théorique, nous dégagerons un certain nombre d’orientations en termes de répartition des compétences entre l’Union et les États membres dans une organisation d’intégration économique (4) avant de l’appliquer au cas de l’UEMOA (5).
2 COHÉRENCE INSTITUTIONNELLE ET EFFECTIVITÉ DE LA POLITIQUE DE LA CONCURRENCE DE L’UEMOA : LES LIMITES D’UN SYSTÈME CENTRALISÉ
11 Certaines incohérences institutionnelles sont observables aussi bien au niveau communautaire (2.1) qu’au niveau national (2.2).
2.1 Les incohérences au niveau communautaire
12 La Commission de l’UEMOA a-t-elle les moyens de sa politique ? En d’autres termes, est-ce que la Commission de l’UEMOA a les capacités, les ressources matérielles et humaines et la flexibilité nécessaires pour mettre en œuvre efficacement le droit communautaire de la concurrence ? Les procédures communautaires garantissent-elles une intervention efficace de la Commission sur le marché ? Nous allons essayer de répondre à ces questions.
13 Les services de la Commission de l’UEMOA sont organisés en départements [18] qui s’articulent autour de la présidence de la Commission. Chaque département est dirigé par un commissaire. À leur tour, les départements sont éclatés en directions. C’est le département du marché régional, du commerce, de la concurrence et de la coopération [19] qui coiffe la Direction de la concurrence en charge de la mise en œuvre de la politique communautaire de la concurrence. C’est seulement en 2007 que la Direction de la concurrence a été créée. Avant cette date, le contentieux concurrentiel était traité au sein du département du marché régional, du commerce, de la concurrence et de la coopération. Aucune particularité n’était accordée au contentieux concurrentiel. Le département de la concurrence manquait de visibilité.
14 Par ailleurs, une certaine lourdeur administrative limite l’effectivité de l’action de la Direction de la concurrence. Comme dans une administration classique, toutes les actions de cette dernière doivent au préalable recevoir l’aval de la hiérarchie. En guise d’exemple, toutes les enquêtes et vérifications au niveau des États membres doivent préalablement être autorisées par le président de la Commission. Avant toute vérification dans un État membre ou une entreprise, la Direction de la concurrence doit introduire une demande auprès du président qui juge de l’opportunité du déplacement avant de signer un ordre de mission. Ces contraintes procédurales internes limitent considérablement la flexibilité de la Commission dans la conduite des enquêtes. C’est également le président de la Commission qui signe tous les actes de procédure (demandes de renseignements, communications avec les parties, etc.).
15 En termes de personnel, la Direction de la concurrence fait face aux mêmes difficultés qu’une structure nationale de la concurrence. Seules trois personnes s’occupent de l’ensemble du contentieux communautaire ; cette Direction n’étant étoffée que de trois agents. Il faut rappeler que la Commission est également compétente pour connaître des pratiques anticoncurrentielles dans les États membres. Certes, il est demandé à ceux-ci de collaborer avec la Commission et de lui fournir du personnel si nécessaire lors des enquêtes dans les États membres. Cet appui national, qui du reste est limité, ne comble pas le déficit en personnel de la Commission.
16 Créer une structure forte et dotée de moyens suffisants au niveau régional en lieu en place de structures nationales de la concurrence faibles et sans moyens est un argument souvent avancé à l’appui de la régionalisation des politiques de la concurrence dans les pays en développement. Dans le cas de l’UEMOA, on retrouve au niveau communautaire les mêmes contraintes auxquelles les structures nationales de la concurrence font face.
17 En termes de ressources financières, la Commission est en principe dotée de suffisamment de moyens. Toutefois, la Direction de la concurrence n’a pas la flexibilité nécessaire dans leur utilisation.
2.2 Les incohérences au niveau national : la problématique de la collaboration des structures nationales de la concurrence
18 Dans la conception du cadre institutionnel de mise en œuvre de la politique de la concurrence de l’UEMOA, il est attendu des réformes au niveau national et une collaboration effective des structures nationales de la concurrence. Dans les États membres, les réformes ne sont pas encore effectives (2.2.1) et la collaboration des structures nationales de la concurrence avec la Commission n’est pas au rendez-vous (2.2.2).
2.2.1 L’ineffectivité des réformes institutionnelles au niveau des États membres
19 Une certaine léthargie dans le fonctionnement des structures nationales de la concurrence et un ralentissement de la dynamique législative nationale ont suivi l’entrée en vigueur du droit communautaire de la concurrence.
2.2.1.1 Centralisation des compétences et recul de l’initiative nationale ?
20 Avant l’entrée en vigueur du droit communautaire de la concurrence, certaines structures nationales de la concurrence ont tant bien que mal essayé d’être actives dans le contrôle des marchés internes. Souvent, le cas de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal est cité comme référence du dynamisme dont les structures nationales de la concurrence peuvent faire preuve dans le contrôle du marché. La structure a rendu quelques décisions [20] dont la plus médiatisée fut l’affaire Air France [21] dans laquelle la compagnie aérienne a été condamnée pour abus de dépendance économique. On a même soutenu dans la doctrine que l’entrée en vigueur du droit communautaire a entraîné un recul de la compétence nationale [22]. Il est certes vrai que le droit communautaire a fortement limité les activités des structures nationales de la concurrence. Toutefois, le cas du Sénégal, à lui seul, ne devrait pas conduire à une généralisation de l’impact négatif de l’entrée en vigueur du droit communautaire sur le fonctionnement de ces structures. En réalité, la léthargie des structures nationales de la concurrence est endémique et congénitale. En effet, avant l’entrée en vigueur du droit communautaire, elles avaient toute la latitude de mettre en œuvre leur politique nationale de concurrence. Toutefois, aucune d’entre elles n’a effectivement mis en œuvre son droit de la concurrence. Même dans le cas de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal, il y a une certaine exagération de son dynamisme dans le contrôle des marchés nationaux. En effet, à l’instar des autres structures nationales de la concurrence des pays membres de l’UEMOA, la Commission nationale de la concurrence du Sénégal fait face à des contraintes qui limitent son action [23].
21 Le cas de la Commission nationale de la concurrence de la Côte d’Ivoire est très intéressant à ce propos. Créée en 1992 avec la Loi sur la concurrence, la Commission a été opérationnelle jusqu’en 2002. Des moyens conséquents ont été mis à sa disposition et elle a eu à rendre pas moins de 30 Avis [24]. C’est suite à une crise sociopolitique que son activité a été ralentie.
22 Il faut noter qu’en général les structures nationales de la concurrence se sont conformées à leur obligation d’abstention : celle de ne pas connaître du contentieux concurrentiel suite à l’entrée en vigueur du droit communautaire. Certes, on peut soutenir que le droit communautaire a eu un impact négatif sur la culture de la concurrence dans les États membres et le développement potentiel d’une expertise nationale pour les structures nationales de la concurrence. Toutefois, il est douteux de soutenir que l’entrée en vigueur du droit communautaire a entraîné un recul de l’expertise nationale. À part le Sénégal et la Côte d’Ivoire, cette expertise était déjà limitée dans la plupart des États membres.
2.2.1.2 Centralisation des compétences et réformes des droits nationaux de la concurrence
23 Les droits nationaux de la concurrence ne sont pas encore mis en conformité avec le droit communautaire malgré l’obligation faite aux États membres de réformer leurs législations suite à l’entrée en vigueur de ce droit. En effet, aucun pays membre de l’UEMOA n’a à ce jour mis en conformité son droit national avec le droit communautaire. Au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Niger, au Burkina Faso et au Bénin, des projets de réforme des droits nationaux de la concurrence sont en cours. Toutefois, elles ne sont pas encore effectives. L’ineffectivité des réformes résulte d’un certain désintérêt des États membres de poursuivre l’œuvre législative et de doter les structures nationales de la concurrence de moyens. En effet, dépossédés de toute compétence pour la réglementation des pratiques anticoncurrentielles, les États membres ne voient pas nécessairement l’opportunité d’investir dans les réformes des législations nationales de la concurrence. Pour les États qui n’avaient pas de structures nationales de la concurrence, le besoin ne s’est pas fait sentir de légiférer en droit de la concurrence. C’est le cas de la Guinée-Bissau qui n’a à ce jour pas de droit de la concurrence. Ce recul de la dynamique législative interne a des conséquences sur la culture de la concurrence des États membres. Comme on l’a souligné dans la doctrine, une forte centralisation du droit matériel comme c’est le cas de l’UEMOA, par la léthargie qu’elle crée sur l’activité des structures nationales de la concurrence et le recul de la dynamique législative qu’elle engendre, a un impact négatif sur la culture de la concurrence dans les pays membres [25].
24 L’obligation de réforme s’étend également aux législations sectorielles qui, elles aussi, doivent s’abstenir de réglementer les pratiques anticoncurrentielles ou de donner compétence aux autorités de régulation pour connaître du contentieux. Dans le domaine des télécommunications, par exemple, où il est plus fréquent de voir les législations nationales réglementer les pratiques anticoncurrentielles dans la loi sectorielle, les approches diffèrent d’un État à un autre. Si certains États, comme le Mali, renvoient à la législation nationale de la concurrence générale et reconnaît une compétence exclusive à l’autorité de la concurrence (ou les tribunaux) pour connaître du contentieux concurrentiel dans ledit secteur [26], d’autres réglementent spécifiquement les pratiques anticoncurrentielles dans la loi sectorielle et donnent expressément compétence à l’autorité de régulation pour connaître du contentieux. C’est le cas du Sénégal où les pratiques anticoncurrentielles sont expressément réglementées dans le Code des télécommunications [27]. Il est reconnu à l’Agence de Régulation des Télécommunications et des Postes (ARTP), en dérogation à la loi de 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique, la compétence pour connaître des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des télécoms [28]. Cette approche n’est pas conforme au droit communautaire qui reconnaît une compétence exclusive à la Commission.
25 Au Togo, bien que les pratiques anticoncurrentielles soient réglementées dans la loi sur les télécommunications, leur mise en œuvre est portée devant les juridictions compétentes (article 35, Loi sur les télécommunications).
26 Au Bénin également, la loi sur les télécommunications réglemente les pratiques anticoncurrentielles ; toutefois, leur mise en œuvre est portée devant les juridictions compétentes. L’autorité de régulation ne connaît pas de litiges. La même approche est adoptée au Niger. Les pratiques anticoncurrentielles sont réglementées dans la loi sur les télécommunications ; toutefois, leur mise en œuvre est portée devant les juridictions compétentes. En Côte d’Ivoire par contre, la loi sur les télécommunications ne réglemente pas spécifiquement les pratiques anticoncurrentielles et l’Agence des Télécommunications de Côte d’Ivoire (ATCI) ne connaît pas du contentieux concurrentiel.
2.2.2 L’ineffectivité de la collaboration des structures nationales de la concurrence
27 Il y a quelques années, nous évoquions un risque d’ineffectivité de la collaboration des structures nationales de la concurrence à la mise en œuvre du droit communautaire [29]. Dépourvues de toute compétence de prise de décision, nous soutenions que les autorités nationales de la concurrence ne seraient pas enclines à collaborer effectivement avec la Commission. En d’autres termes, elles n’accepteraient pas d’être des structures au service de la Commission lors de ses enquêtes dans les États membres et de ne constituer qu’un relais de transmission des plaintes. Nos « prévisions », fondées en son temps sur l’analyse du cadre institutionnel communautaire, se sont avérées justes. Pour différentes raisons que nous allons explorer, la collaboration des structures nationales de la concurrence avec la Commission n’est pas effective. Les raisons tiennent à une certaine résistance de celles-ci à la centralisation et, sur le plan pratique, à une faiblesse de ces institutions.
2.2.2.1 La résistance des structures nationales de la concurrence à la centralisation dupouvoir de décision
28 Les structures nationales de la concurrence se sont toujours opposées à la centralisation de la prise de décision. On se rappelle les divergences entre les experts des États membres et la Commission lors de l’adoption des textes. En pratique, ces divergences sur l’approche institutionnelle se sont traduites par une résistance de certaines structures nationales de la concurrence qui encore refusent de collaborer avec la Commission. Cette résistance s’est traduite non seulement par une passivité dans la collaboration avec la Commission, mais également par une certaine mise en œuvre orientée du droit national de la concurrence de manière à, intelligemment, éviter le domaine de compétence communautaire. Il est fréquent dans les États membres que les agents de contrôle requalifient certains faits de sorte à échapper au domaine de compétence exclusive de l’Union. Un certain flou dans la répartition des compétences matérielles donne aux structures nationales de la concurrence cette possibilité de mise en œuvre orientée. On sait par exemple que la notion d’abus de position dominante qui relève de la compétence communautaire est très proche de la notion d’abus de dépendance économique qui est de la compétence des États membres.
29 Cette résistance était prévisible. Les structures nationales de la concurrence n’exercent pas leur rôle de veille concurrentielle des marchés nationaux ; les cas de transmission des plaintes à la Commission de l’UEMOA sont limités ; et dans certains cas, il y a une absence totale de collaboration lors des enquêtes [30]. À part l’autorité de la concurrence du Burkina Faso qui s’est montrée très coopérante avec celle-ci, les structures nationales de la concurrence ne sont en général pas enclines à collaborer avec la Commission.
2.2.2.2 La faiblesse institutionnelle des structures nationales de la concurrence
30 Le système institutionnel communautaire s’appuie, pour son effectivité, sur les institutions nationales. Certes, les structures nationales de la concurrence sont dépourvues de pouvoir de décision. Toutefois, elles sont mobilisées en tant que relais dans la surveillance des marchés nationaux. Cet appui sur les institutions nationales suppose que les structures nationales de la concurrence existent et qu’elles disposent de moyens conséquents. La Guinée-Bissau n’a pas de structure nationale de la concurrence, encore moins de droit de la concurrence. Théoriquement, cet appui sur les institutions nationales n’existe pas dans cet État. Dans les États où elles existent, les structures nationales de la concurrence n’ont pas les ressources nécessaires pour jouer leur rôle.
31 À l’instar des pays en développement, c’est à la faveur de l’ouverture au marché que les pays membres de l’UEMOA ont commencé à adopter des politiques de la concurrence ou à mettre à jour leurs législations. Toutefois, ces législations n’ont pas eu les moyens nécessaires pour leur mise en œuvre. Les contingences structurelles limitant l’effectivité de l’action des structures nationales de la concurrence sont partagées par tous les pays membres de l’UEMOA. Nous allons donner dans cette partie un aperçu des difficultés auxquelles celles-ci sont confrontées.
a. La problématique de l’indépendance des structures nationales de la concurrence
32 Certaines structures nationales de la concurrence sont organisées sous forme d’Autorité Administrative Indépendante (AAI) alors que d’autres sont directement rattachées à l’administration. Dans les deux approches, on note une forte influence de l’administration dans leur fonctionnement.
33 Au Bénin, au Mali, au Niger et au Togo, les structures en charge de la mise en œuvre des droits nationaux de la concurrence sont directement rattachées à l’administration dont elles dépendent. Elles constituent souvent des directions dans les ministères du Commerce qui cumulent contrôle de la législation sur les prix, protection des consommateurs et application de la législation sur la concurrence stricto sensu. Il faut noter que ces différents pays ont des législations de la concurrence [31]. Le rattachement des structures de contrôle à l’administration réduit considérablement leur indépendance.
34 Les États comme le Sénégal, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ont pris l’option de créer des structures nationales de la concurrence « indépendantes » sous forme d’AAI. Le détachement de celles-ci de l’appareillage administratif est supposé être un gage d’indépendance. Est-ce le cas en pratique ? Le cadre opérationnel de ces structures commande de nuancer cette indépendance supposée. En effet, malgré leur indépendance structurelle affirmée, celles-ci dépendent encore fortement de l’administration. Cette dernière est souvent représentée dans la structure par un commissaire du gouvernement qui est en réalité l’œil de l’Exécutif. Elle lui fournit du personnel et lui garantit, à sa discrétion, ses moyens de fonctionnement en termes de dotation budgétaire. Ces caractéristiques sont visibles au Sénégal, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Dans les cas du Sénégal, du Bénin et du Mali, les enquêteurs des Commissions de la concurrence sont des agents de la Direction du Commerce Intérieur (DCI). Dans le cas de la Côte d’Ivoire, la Commission de la concurrence n’a pas en réalité de pouvoir de décision. Elle ne peut que rendre des Avis contentieux qui sont ensuite confirmés ou infirmés, à sa guise, par le ministre du Commerce.
b. La problématique de la disponibilité des ressources
35 La disponibilité des ressources humaines et matérielles est une contrainte partagée par toutes les structures nationales de la concurrence de l’UEMOA. Celles-ci ne sont pas dotées de moyens suffisants et leur personnel manque souvent de qualification en droit de la concurrence.
2.2 Architecture institutionnelle et effectivité de la politique communautaire de la concurrence de l’UEMOA : aperçu de la jurisprudence communautaire
36 Huit années après l’entrée en vigueur du droit communautaire de la concurrence de l’UEMOA, les résultats en termes d’effectivité n’ont pas été à la hauteur des attentes. Si la Commission a eu des résultats encourageants dans le domaine des aides d’État et des pratiques anticoncurrentielles imputables aux États membres, le noyau dur de la politique communautaire de la concurrence, à savoir les ententes et les abus de position dominante, attend encore d’être appliqué. En effet, aucune décision n’a encore été rendue en matière d’entente et d’abus de position dominante. Ce ne sont certainement pas des cas qui manquent. Toutefois, des affaires relatives à un abus de position dominante sont en cours de procédure.
37 Dans l’affaire SOCOCIM contre État du Sénégal et Ciments du Sahel [32], la Commission de l’UEMOA a conclu à la distorsion de la concurrence par l’exonération des droits et taxes accordée à la société des Ciments du Sahel sur les importations de clinker. Aussi, a-t-elle invité l’État du Sénégal à cesser les exonérations.
38 Dans l’affaire relative aux exonérations accordées sur les importations d’emballages en papier kraft [33], la Commission de l’UEMOA a également invité l’État du Sénégal à lever les exonérations qui sont appliquées sur les importations de sacs en papier kraft et qui désavantagent les sacs en papier kraft fabriqués localement et soumis à un traitement fiscal moins favorable.
39 Par une récente décision de 2010, la Décision invitant l’État du Sénégal à retirer la norme NS 03-072 [34], la Commission a invité l’État du Sénégal à retirer une norme sur l’huile de palme qui avait pour conséquence de bloquer l’entrée sur le marché sénégalais de quantités importantes d’huile d’origine communautaire, affectant ainsi le commerce entre États membres.
40 Ces trois affaires qui impliquent directement un État membre montrent que les États membres sont encore actifs sur le marché soit par leur œuvre législative, soit par les aides qu’ils accordent en violation du droit communautaire. Elles démontrent également qu’une action au niveau communautaire est plus efficace pour amener un État à se conformer à ses obligations qu’une action d’une structure nationale de la concurrence.
41 Les affaires en cours devant la Commission confirment cette tendance de la focalisation du contentieux concurrentiel sur les restrictions de concurrence initiées par les États membres.
42 Une affaire concernant des exonérations de TVA appliquées par le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Mali sur les intrants et emballages destinés à la fabrication et au conditionnement de produits phytosanitaires est en cours devant la Commission de l’UEMOA.
43 Dans l’affaire ACIECO, également en cours devant la Commission, l’Association des importateurs de cola du Sénégal (ACIECO) s’est plainte de l’application non uniforme de la TVA et des droits d’accises sur les importations de cola en provenance de la Côte d’Ivoire et de la Guinée Conakry, créant des distorsions de concurrence.
44 Dans l’affaire de la Farine au Mali, il est reproché à l’État malien d’opérer des restrictions à l’importation de farine provenant du Sénégal avec notamment l’exigence, comme condition d’importation de farine dans le pays, de la commercialisation préalable d’une quantité équivalente de la production de l’industrie locale. La plainte a été déposée par l’État du Sénégal.
45 Dans l’affaire du Textile, l’État du Mali est encore en cause. Dans cette affaire, la Société Africaine de Transformation de la Ouate de Cellulose Industrielle de la Côte d’Ivoire (SATOCI-CI) dénonce des restrictions opérées sur ses produits textiles vers le Mali du fait de l’application d’un protocole relatif à la production et à la distribution des produits textiles à base de coton signé entre les opérateurs en activité au Mali.
46 Dans l’affaire Asky, le Sénégal a saisi la Commission pour dénoncer l’accord signé entre l’État du Togo et la Compagnie de transport aérien Asky qu’il estime contraire aux règles communautaires de la concurrence. L’affaire est pendante devant la Commission.
47 Dans l’affaire CAMEG, les Sociétés de distribution pharmaceutique du Burkina Faso et la Société Multi M. se plaignent de distorsions de concurrence sur le marché des produits pharmaceutiques dues au traitement préférentiel que l’État du Burkina Faso accorderait à la Centrale d’Achat de Médicaments Essentiels Génériques (CAMEG).
48 Certaines affaires en cours devant la Commission concernent le noyau dur du droit communautaire de la concurrence, à savoir les ententes et les abus de position dominante. Dans l’affaire Sotelma-Malitel contre Orange Mali, était en cause l’exclusion de Sotelma-Malitel de la gratuité du rooming que s’accordent certaines entreprises de téléphonie mobile. Les compagnies de téléphonie mobile du réseau unique s’accordent une gratuité réciproque du rooming entre le Sénégal et le Mali (réseau unique), et Sotelma-Malitel s’est vu refuser cette faveur, n’étant pas membre du réseau. La Commission a été saisie par Malitel pour entente illicite.
49 L’affaire CANAL Overseas concerne un abus de position dominante dans le secteur de l’audiovisuel. Dans cette affaire, CANAL Overseas, entreprise française de production et de distribution de films, refuse de mettre à la disposition de ses clients distributeurs MMDS de la Région l’ensemble de son bouquet de chaînes de télévision. Suite à ce refus, la Commission a été saisie pour abus de position dominante.
50 Est en cause dans l’affaire Staf contre Sonapost au Burkina Faso, un abus de position dominante né d’un monopole administratif accordé par l’État du Burkina Faso à Sonapost Burkina. La Société Sonapost, se prévalant d’un monopole accordé en 1988, a opéré des saisies et infligé une amende à Staf, sa concurrente, à qui elle reproche l’exercice illicite de transport et de distribution de courriers. L’affaire est en cours devant la Commission [35].
51 On peut tirer un certain nombre d’enseignements de la jurisprudence de la Commission. Comme nous l’avons déjà souligné, les États prennent une part active dans les distorsions de concurrence. Ils n’hésitent pas également à invoquer la législation communautaire en cas de violation de la réglementation communautaire par un autre État. C’est un signe qu’ils sont conscients de leurs obligations en droit de la concurrence.
52 Les dispositions sur les ententes et les abus de position dominante n’ont pas encore reçu application. Seules deux affaires en cours concernent les ententes et les abus de position dominante.
53 Certes, le nombre d’affaires que la Commission a traitées reste encore minime. Toutefois, il faut se rappeler que le droit communautaire est encore jeune. Il est toujours en processus d’introduction dans les pays membres. L’augmentation du nombre d’affaires est un signe qu’aussi bien les acteurs économiques que les États prennent davantage conscience du droit communautaire et l’invoquent de plus en plus.
3 ESQUISSE D’UNE APPROCHE POUR UNE COHÉRENCE INSTITUTIONNELLE D’UNE POLITIQUE RÉGIONALE DE LA CONCURRENCE
54 La création d’un marché commun, ouvert et concurrentiel, s’accompagne d’une transposition des questions de concurrence du niveau national au niveau communautaire. Sur le plan théorique, un marché commun est un espace « régional » ouvert et concurrentiel qui met en interaction les marchés des différents États membres. Ainsi, il est nécessaire dans ce processus de créer aussi un cadre communautaire capable de lutter efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Toutefois, dans cette dynamique, il ne faut pas perdre de vue la dimension nationale des pratiques anticoncurrentielles. Celles-ci sont encore présentes et plus pernicieuses dans les marchés de faible dimension. La lutte efficace contre ces pratiques anticoncurrentielles nationales est, également, une préoccupation qu’il faut prendre en compte.
55 Cette partie de l’étude identifie un certain nombre de critères que nous appelons « contraintes concurrentielles », à prendre en considération dans la définition des orientations du cadre institutionnel de mise en œuvre d’une politique régionale de la concurrence. Après avoir identifié ces éléments, nous allons définir un certain nombre d’orientations possibles en fonction des spécificités de chaque organisation d’intégration économique.
3.1 Les « contraintes concurrentielles » à prendre en compte dans la définition de l’approche institutionnelle
56 Six critères qui entrent en ligne de compte dans la détermination de l’approche institutionnelle d’une politique régionale de la concurrence seront successivement étudiés.
3.1.1 Le nombre d’États et le degré d’intégration du marché commun
57 La dimension géographique de l’organisation d’intégration économique est un critère essentiel dans la répartition des compétences entre le niveau communautaire et le niveau national. Dans un marché commun relativement étroit avec un nombre limité d’États, il est concevable d’avoir une politique de la concurrence centralisée. Si par contre l’organisation d’intégration économique est très large, avec des États membres aux caractéristiques et contraintes économiques diverses, une politique de la concurrence centralisée avec une unification du droit matériel et de la prise de décision, comme c’est le cas de l’UEMOA, remettrait en cause les spécificités nationales et la promotion de la culture de la concurrence dans les pays membres [36]. Dans le cas de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui regroupe quinze États membres avec le Nigeria comme locomotive économique, une politique concurrentielle centralisée qui remettrait en cause toute dynamisme législative nationale et limiterait le pouvoir de décision des structures nationales de la concurrence serait néfaste non seulement à l’effectivité du droit de la concurrence, mais aussi au développement d’une culture de la concurrence dans les États membres. Dans une organisation d’intégration économique aussi large que le Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA) avec des États membres aux caractéristiques diverses, il serait beaucoup plus réaliste et efficace d’encourager l’initiative législative au niveau national et d’opérer le premier niveau de contrôle par les structures nationales de la concurrence. L’expérience de l’UEMOA a montré qu’une forte centralisation peut, dans une organisation d’intégration économique large, limiter l’effectivité du droit communautaire.
58 Le degré d’intégration du marché commun est également un critère déterminant dans la définition de l’orientation institutionnelle. En effet, partager un marché commun, une même monnaie, une même langue de travail peut faciliter l’acceptation d’une approche centralisée. Dans le cadre de la Southern African Development Community (SADC) [37] par exemple, la situation de leadership économique de l’Afrique du Sud qui a une politique de la concurrence nationale fonctionnelle, comparé aux autres pays membres, réduit sa volonté politique d’être partie à une politique régionale de la concurrence, encore moins de confier des pouvoirs de décision importants aux autorités régionales de la concurrence.
3.1.2 La fluidité des échanges entre États membres
59 Un marché commun ne se construit pas seulement sur le plan législatif. Garantir la liberté de circulation des personnes, des biens, des capitaux ainsi que la liberté d’établissement est certes un préalable à la réalisation d’un marché commun. Toutefois, en pratique, la plupart des expériences d’intégration dans les pays en développement ont montré que la création d’un marché commun dans les textes n’est pas une garantie que la fluidité des échanges entre États membres va suivre. Si dans le cadre d’un marché commun, la concurrence met aux prises des entreprises à dimension communautaire, capables de s’établir et d’exercer leurs activités économiques dans deux ou plusieurs États membres, et que le commerce interétatique n’est pas entravé par des mesures unilatérales émanant de ces États et susceptibles d’interférer avec la libre concurrence, on peut présumer d’une fluidité des échanges entre États membres. Si par contre la configuration économique ainsi que la taille moyenne des entreprises actives sur le marché limitent leurs capacités à exercer leurs activités économiques en dehors de la sphère nationale, on peut présumer que les échanges entre États membres seront également limités. Par voie de conséquence, les pratiques anticoncurrentielles seraient plus fréquentes dans les États membres.
60 Dans la plupart des expériences d’intégration économique dans les pays en développement, la création théorique d’un marché commun n’est pas une garantie de la fluidité des échanges entre États membres. En Afrique de l’Ouest par exemple, pour des raisons historiques, le commerce avec le Nord est plus développé que le commerce entre États de la sous-région.
61 Si les échanges sont fluides dans le cadre d’une organisation d’intégration économique, il faut privilégier le contrôle communautaire. Si par contre l’essentiel de l’activité économique est limité aux marchés nationaux, un contrôle de proximité par les structures nationales de la concurrence serait plus adéquat. Le caractère limité des échanges entre États membres est également lié à un aspect temporel. En effet, dans le processus de construction du marché commun, il est essentiel de faire en sorte que la dynamique communautaire ne soit pas limitée par les actions des États membres dans le marché. On a vu dans le cadre de l’UEMOA qu’il est essentiel d’aménager l’approche institutionnelle de manière à garantir un contrôle efficace de l’intervention des États dans le marché. Ce contrôle n’est possible qu’avec une intervention communautaire en cas de distorsion de la concurrence de la part d’un État membre.
3.1.3 L’identification des acteurs et la localisation des pratiques anticoncurrentielles
62 On sait que les règles de la concurrence ont pour objectif premier de réglementer le comportement des entreprises sur le marché. Toutefois, les entreprises ne sont pas les seuls acteurs susceptibles de fausser le jeu de la libre concurrence. Dans le cadre de la construction d’un marché commun, surtout dans les pays en développement, les pratiques anticoncurrentielles originaires des États sont aussi pernicieuses que celles initiées par les entreprises. Dans ces conditions, il est important, dans la conception des règles d’application d’une politique communautaire de la concurrence, de faire en sorte que les actions des États membres ne portent pas atteinte à la libre concurrence dans l’Union. C’est dans cette perspective que le contrôle des actions des États dans le marché est confié de manière exclusive à l’autorité communautaire. Dans le cadre de l’UEMOA par exemple, la Commission a une compétence exclusive pour connaître des Aides d’État. Dans la législation de l’UEMOA, une catégorie spécifique de pratiques anticoncurrentielles imputables aux États membres est prévue.
63 Par ailleurs, dans un contexte de globalisation économique, les cartels internationaux sont au nombre des pratiques anticoncurrentielles susceptibles d’affecter les marchés communs nouvellement ouverts à la concurrence. Cet aspect doit être pris en compte dans la répartition des compétences. Qui de l’autorité communautaire ou de l’autorité nationale est la mieux placée pour lutter contre un cartel international ?
3.1.4 La problématique des capacités institutionnelles au niveau communautaire et au niveau national : qui peut faire quoi efficacement ?
64 Les capacités institutionnelles respectives des États membres et de l’autorité régionale doivent être prises en compte dans la répartition des compétences entre le niveau communautaire et les États membres. L’efficacité aussi bien de l’action de l’organisation régionale que des structures nationales de la concurrence dépend de leurs capacités institutionnelles et des moyens dont elles disposent. Dans le débat sur la régionalisation des politiques de la concurrence dans les pays en développement, l’argument est souvent soutenu qu’une structure régionale de la concurrence forte avec une expertise avérée et des moyens suffisants est plus à même d’intervenir efficacement dans le marché que les structures nationales de la concurrence. Le cas de l’UEMOA a montré qu’une autorité régionale de la concurrence n’est pas à l’abri de contraintes structurelles. Des compétences larges sont reconnues à l’autorité de la concurrence alors que ses moyens d’intervention sont limités. La Commission n’a pas le personnel nécessaire pour effectuer les enquêtes dans les pays membres.
65 L’existant sur le plan institutionnel au niveau des États membres entre également en jeu dans la répartition des compétences entre la Commission et les structures nationales de la concurrence. Que peuvent faire efficacement lesdites structures ? La réponse à cette question requiert une analyse préalable des capacités institutionnelles des États. De solides capacités institutionnelles avec l’existence d’une autorité de la concurrence indépendante dotée de ressources suffisantes ainsi que d’une expertise avérée en matière de concurrence pourraient justifier la reconnaissance de plus de pouvoir de décision aux structures nationales de la concurrence. Par contre, la faiblesse institutionnelle au niveau des États membres peut, de prime abord, justifier la reconnaissance de plus de pouvoir de décision à l’autorité communautaire. Toutefois, cette distinction générale ne doit être que le point de départ de l’analyse. La question est plus complexe et les objectifs visés vont au-delà de la simple mise en œuvre des règles de la concurrence. Introduire une culture de la concurrence est également un objectif du droit de la concurrence, surtout dans les pays en développement. Dès lors, même si une centralisation du pouvoir de décision est reconnue au stade initial de la mise en œuvre du droit communautaire, le besoin de créer au niveau national les institutions capables de mettre en œuvre un droit de la concurrence, dans le long terme, constitue également un objectif à prendre en compte. Cet impératif justifie un encouragement de la dynamique législative nationale et l’implication des structures nationales de la concurrence dans la prise de décision.
3.1.5 Existe-t-il une culture de la concurrence dans les États membres ?
66 L’existence ou non d’une culture de la concurrence dans les États membres est un déterminant essentiel dans la définition des modalités de coopération entre les nationaux et le niveau communautaire. Si une solide culture de la concurrence existe dans les États membres avec des institutions fortes, capables de mettre en œuvre une politique de la concurrence, il est concevable de reconnaître des pouvoirs étendus aux autorités nationales dans la mise en œuvre du droit communautaire de la concurrence. Par contre, une culture de la concurrence limitée ou absente dans les États membres peut constituer une entrave, potentielle, à une application efficiente du droit régional de la concurrence. Également, l’inexistence d’une culture de la concurrence dans les États justifie, dans une certaine mesure, l’interventionnisme des États dans le marché, susceptible de fausser le jeu de la concurrence.
67 Certes, une culture de la concurrence peut être absente au début du processus de mise en place d’une politique de la concurrence dans les États membres. Toutefois, cela ne doit pas conduire au dessaisissement total des États de la compétence d’adopter des législations nationales de la concurrence et à ôter toute compétence de prise de décision aux structures nationales de la concurrence. Les expériences différenciées des structures nationales de la concurrence doivent être prises en considération. L’apprentissage dans le contentieux concurrentiel est un moyen d’introduire une culture de la concurrence.
3.1.6 Existe-t-il une volonté politique de céder les compétences en matière de concurrence au profit de l’Union ?
68 Une politique régionale de la concurrence, surtout dans les pays en développement, a besoin d’un soutien politique solide pour éclore, prospérer et devenir une réalité [38]. Ce soutien est d’autant plus nécessaire dans le cadre d’un processus d’intégration qu’une politique régionale de la concurrence vise, entre autres objectifs, à limiter l’intervention des États dans le marché. La réglementation des aides d’État et la régulation des rapports entre les États et les entreprises publiques reflètent cette volonté de faire reculer l’État et de libérer les forces du marché dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel. L’existence d’une volonté politique de mettre en place une politique communautaire de la concurrence est un préalable au succès de l’implantation d’une politique de la concurrence. Pour que ce soutien existe, les États doivent « gagner » dans le processus. Comme le souligne le professeur David Gerber [39], les États sont plus enclins à soutenir une politique régionale de la concurrence s’ils sont en mesure de gagner dans le processus ou au moins convaincus des avantages de mettre en place une politique régionale de la concurrence.
69 Cet aspect politique doit être pris en compte dans la répartition des compétences entre l’Union et les États membres. Toutefois, l’absence de volonté politique au stade initial de la mise en œuvre du droit communautaire de la concurrence ne doit pas conduire à une renonciation aux processus de mise en place d’un droit régional de la concurrence. Il faut avoir à l’esprit que le droit de la concurrence, et sa réglementation au niveau communautaire, est encore nouveau dans la plupart des pays en développement. La volonté politique de soutenir son émergence ainsi que son développement est un processus qui se construit. C’est la raison pour laquelle la diffusion d’une culture de la concurrence doit aussi s’adresser aux États membres. Ce sera seulement quand une « culture de la concurrence étatique » sera bien assise, que le droit régional de la concurrence bénéficiera de ce soutien politique, préalable au développement des institutions au niveau national.
3.1.7 L’aspect temporel : temps et partage des compétences
70 L’élément temporel est également important dans la définition de l’orientation d’une politique communautaire de la concurrence, surtout pour des pays en développement. Dans un marché commun en construction, où la culture de la concurrence n’est pas encore bien assise dans les États membres, il faut adopter une approche qui consiste à déléguer ce qui peut être efficacement fait par les États tout en « éduquant », c’est-à-dire en promouvant une culture de la concurrence. Il faut se rappeler que dans le cadre de l’UE, au début de la mise en œuvre de sa politique communautaire de la concurrence, la Commission avait centralisé un certain nombre de compétences, notamment les exemptions, dans le dessein d’éviter une application éclatée du droit communautaire. La décentralisation de la mise en œuvre du droit communautaire dans l’UE, intervenue en 2004, a été opérée seulement après que la culture de la concurrence soit devenue une réalité dans les États membres.
71 La question des domaines à centraliser et à décentraliser obéit à une logique temporelle qui, elle aussi, est en relation avec la culture de la concurrence. Celle-ci se construit dans le temps. Les expériences d’intégration économique et de mise en œuvre d’une politique régionale de la concurrence sont encore relativement jeunes dans les pays en développement. Le droit de la concurrence est mal connu, la culture de la concurrence est encore limitée dans les États et les capacités institutionnelles de ceux-ci sont faibles. Dans ce contexte, il est concevable de centraliser certaines compétences pour ne laisser aux États que les compétences qu’ils peuvent exercer sans risque de remettre en cause la dynamique communautaire.
72 Le contrôle des actions des États dans le marché et les exemptions sont, par exemple, des domaines qui demandent une attention communautaire particulière.
73 Certes, l’expérience d’intégration dans le cadre de l’UEMOA n’est pas récente. Toutefois, sa politique de la concurrence est jeune. Elle est jeune par ses règles, par ses institutions, et sa jurisprudence est en train de se construire. Cette jeunesse de la politique communautaire de la concurrence, qui nécessite la définition d’une orientation communautaire dans le cadre de sa mise en œuvre, est un facteur qu’il faut prendre en compte dans le cadre de la détermination des compétences entre la Commission et les États membres.
3.2 « Contraintes concurrentielles » et orientation institutionnelle : définition des grandes orientations
74 Dans la répartition des compétences entre le niveau communautaire et les États membres, il est possible de dégager un certain nombre de principes en prenant en compte « les contraintes concurrentielles » auxquelles l’organisation d’intégration économique est confrontée. Dans un récent article, le professeur Josef Drexl [40] a identifié quelques orientations dans la définition de l’approche d’une politique régionale de la concurrence dans les pays en développement. Certaines de nos conclusions vont dans le sens de ses observations. Nous avons identifié deux approches – des pistes de réflexions – qui peuvent être adaptées aux différents contextes.
3.2.1 Le droit applicable
75 La problématique du droit applicable stricto sensu ne relève pas de la question des institutions. Toutefois, elle est liée à l’exercice de la compétence. Différentes approches sont identifiables quant au droit matériel. Il est concevable dans une organisation d’intégration économique d’avoir un droit matériel centralisé avec une législation unique applicable de manière uniforme dans tous les États membres, comme c’est le cas de l’UEMOA. Il est possible également d’harmoniser les droits nationaux de la concurrence avec des standards du droit matériel définis par le droit communautaire. La possibilité d’appliquer directement le droit communautaire comme droit national, plus connue dans la Communauté andine sous le terme « downloading », est également une option possible. Ces trois approches sont identifiées par J. Drexl qui recommande les options de l’harmonisation et de l’application directe (downloading), du droit communautaire comme droit national [41] pour les pays en développement.
76 Dans une organisation d’intégration économique qui comporte un nombre limité d’États, avec des échanges intra-communautaires fluides, une volonté politique de déléguer des compétences en droit de la concurrence au niveau communautaire, une institution régionale forte et dotée de moyens suffisants, il est concevable d’unifier le droit matériel avec une législation unique comme c’est le cas dans l’UEMOA. Ce processus devrait cependant aller de pair avec une certaine implication des structures nationales de la concurrence dans la prise de décision. Toutefois, unifier le droit matériel et centraliser la prise de décision comme c’est le cas dans l’UEMOA remet en cause toute initiative de développement d’une culture de la concurrence au niveau national. On a vu dans le cas de l’UEMOA que la centralisation aussi bien du droit matériel que de la prise de décision réduit la dynamique législative interne.
77 Si l’organisation d’intégration économique est relativement large, comme c’est le cas de la CEDEAO et du COMESA, l’approche d’harmonisation du droit matériel serait plus adaptée aux expériences différenciées des États membres. L’harmonisation passe par l’exigence de certains principes directeurs que les droits nationaux de la concurrence doivent inclure dans leurs législations. Ces principes pourraient concerner l’obligation d’interdire les pratiques anticoncurrentielles, de ne pas opérer de discriminations entre les entreprises publiques et les autres entreprises dans l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles et l’octroi d’exemption. Le droit communautaire peut également limiter les exemptions contenues dans les législations nationales et limiter les interventions étatiques dans le marché. On a constaté que, dans l’UEMOA, les États membres ont aménagé dans leurs législations nationales de la concurrence des réserves d’intervention qui leur permettent de fixer unilatéralement les prix de certains biens et services et d’accorder des exemptions à certains secteurs [42]. Cette intervention étatique dans le marché doit être régulée par des principes fixés au niveau communautaire. Comme on l’a soutenu dans la doctrine, contrairement au droit de l’UE, dans les pays en développement, le droit communautaire devrait se préoccuper de la qualité du droit matériel appliqué dans les États membres [43].
78 Contrairement à l’option d’unification des compétences matérielles, la reconnaissance aux États membres d’une compétence pour adopter des législations nationales participe de la diffusion d’une culture de la concurrence au niveau national. Cet aspect est important.
79 L’option du downloading appliquée dans la Communauté andine est surtout adaptée pour les États qui n’ont pas de législation nationale de la concurrence. Dans le cadre de l’UEMOA par exemple, il serait concevable de reconnaître à la Guinée-Bissau la possibilité d’appliquer directement le droit communautaire comme droit national aux pratiques anticoncurrentielles purement nationales en attendant le développement d’un droit national de la concurrence.
3.2.2 L’organisation du partage des compétences
80 Le partage des compétences entre l’autorité régionale et les structures nationales de la concurrence nécessite des arbitrages qui doivent prendre en compte les contraintes concurrentielles. Le professeur Drexl a identifié un certain nombre de principes à cet égard :
81 Cet auteur soutient que les pratiques anticoncurrentielles qui affectent le commerce entre États membres doivent recevoir une application uniforme par une autorité régionale de la concurrence. Dans les pays en développement, soutient-il, une décentralisation de la mise en œuvre du droit communautaire peut mettre en danger l’application uniforme du droit communautaire. L’approche actuelle de l’UE qui a opté depuis 2004 pour une mise en œuvre décentralisée n’est pas adaptée à la situation de certains pays en développement. L’apparition de forces centripètes et les risques de renationalisation remettent en cause la pertinence de cette option. Dans l’UEMOA par exemple, les structures nationales de la concurrence ne sont pas bien outillées pour connaître des pratiques anticoncurrentielles affectant le commerce entre États membres. En outre, leur accorder une compétence pour connaître de telles pratiques revêt un danger d’application orientée vers les intérêts de leurs États.
82 Les exemptions sont au nombre des compétences qui doivent être également retenues au niveau communautaire et appliquées de manière uniforme par une autorité régionale. Décentraliser l’application des exemptions conduit à un risque d’application différenciée par les structures nationales de la concurrence.
83 Malgré la faiblesse des capacités institutionnelles au niveau des États membres et le manque de moyens des structures nationales de la concurrence, on doit reconnaître à celles-ci une compétence pour appliquer leurs droits nationaux ou un droit communautaire unifié aux pratiques anticoncurrentielles dans les États membres.
84 Des canaux de coopération entre l’autorité régionale et les structures nationales de la concurrence doivent être aménagés dans l’optique d’une application sans heurts du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence. Dans le cadre de l’UEMOA par exemple, malgré la compétence exclusive de la Commission, une coopération est aménagée entre la Commission et les structures nationales de la concurrence. Les mécanismes de coopération entre la Commission européenne et les autorités de la concurrence des États membres dans l’application du droit communautaire peuvent être une référence utile pour les pays en développement.
4 REDÉFINIR L’ORIENTATION INSTITUTIONNELLE DE L’UEMOA POUR PLUS D’EFFECTIVITÉ ?
85 Dans le cadre de l’UEMOA, la réflexion est déjà engagée sur une possible réforme du cadre institutionnel de mise en œuvre des règles communautaires de la concurrence. Une étude est commanditée dans ce sens par la Commission de l’UEMOA. Les autorités communautaires, après huit années de mise en œuvre du droit communautaire, se sont rendu compte des blocages du système centralisé. La coopération des structures nationales de la concurrence avec la Commission n’est pas effective, ce qui limite considérablement l’effectivité du droit communautaire. La centralisation excessive a mis en léthargie les structures nationales de la concurrence, bloqué le processus législatif interne et réduit la culture de la concurrence dans les États membres. Ces derniers, n’ayant jamais accepté la compétence exclusive de la Commission, ont toujours réclamé une redéfinition des compétences entre la Commission et les structures nationales de la concurrence. La formule « tout ne peut pas se faire à Ouaga » [44] est devenue familière. Plus qu’un simple slogan, elle constitue un cri de résistance et exprime le besoin de réformer un système qui a montré ses limites. Mais dans quelle direction réformer ? Nous avons soutenu la thèse d’une décentralisation contrôlée [45] de la mise en œuvre du droit communautaire de la concurrence dans le cadre de l’UEMOA.
86 La redéfinition des compétences entre l’Union et les États membres dans le cadre de l’UEMOA peut s’opérer suivant deux principes : la centralisation des standards du droit matériel et la décentralisation de la prise de décision [46].
87 Il est utile de préciser que la centralisation des standards du droit substantiel ne doit pas nécessairement conduire à une disparition totale des législations nationales de la concurrence. En effet, il est crucial dans ce processus de reconnaître aux États membres la possibilité d’avoir des droits nationaux qui peuvent couvrir des domaines allant au-delà des pratiques anticoncurrentielles stricto sensu comme la concurrence déloyale et les pratiques restrictives de concurrence, qui, dans l’UEMOA, relèvent de la compétence des États membres. Reconnaître aux États la possibilité d’avoir des droits nationaux de la concurrence et encourager un certain dynamisme législatif au niveau national participent de la promotion de la culture de la concurrence dans les États membres [47]. L’harmonisation des standards, comme nous le verrons, peut s’opérer par une obligation des États de prendre en compte un certain nombre de principes dans leurs droits nationaux ou d’intégrer par référence les principes posés par le droit communautaire.
4.1 Le droit matériel
88 Il est concevable dans le cadre de l’UEMOA de maintenir la réglementation unifiée des pratiques anticoncurrentielles tout en continuant les réformes visant à mettre en conformité les droits nationaux avec le droit communautaire de la concurrence. Toutefois, il est important que les États membres développent leurs droits nationaux de la concurrence en droite ligne avec les standards communautaires. Les standards communautaires concernant l’interdiction des ententes et des abus de position dominante doivent figurer dans les législations nationales. Il est également utile de limiter, par des principes définis dans le droit communautaire, les réserves d’intervention dans le marché que les États membres se sont aménagés dans les législations nationales respectives.
89 Dans cette approche, une distinction doit être opérée. Pour les États qui ont des législations nationales de la concurrence, il s’agira d’intégrer l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles telle que réglementée par le droit communautaire. Dans les États qui n’ont pas de droit de la concurrence, comme la Guinée-Bissau, le droit communautaire devrait s’appliquer directement sans passer par un droit national, en attendant l’adoption d’une législation nationale. C’est l’approche dite « downloading ».
4.2 Le partage des compétences entre la Commission et les structures nationales de la concurrence
90 Certaines compétences, du fait de leur nature ou des enjeux qu’elles impliquent, doivent être du ressort exclusif de la Commission alors que d’autres peuvent être décentralisées. Il est important dans le processus d’établir une collaboration entre la structure communautaire et les États membres.
91 Les principes suivants pourraient guider le partage des compétences entre la Commission et les structures nationales de la concurrence :
- Une compétence exclusive pourrait être reconnue à la Commission pour les pratiques anticoncurrentielles affectant le commerce entre États membres, les exemptions et les aides d’État.
- Les pratiques anticoncurrentielles purement nationales doivent être du ressort des structures nationales de la concurrence.
- Des mécanismes de collaboration dans la conduite des enquêtes doivent être aménagés comme c’est actuellement le cas.
- Il est possible d’aménager une procédure de contrôle des décisions rendues par les structures nationales de la concurrence par l’ouverture d’une procédure en appel devant la Commission.
- La Cour de justice connaît en dernier ressort des décisions de la Commission.
Notes
-
[1]
Docteur en droit, LL.M (Lausanne/Chicago-Kent), Senior research fellow, Max Planck Institute for Intellectual Property and Competition Law, Munich, Allemagne. E-mail : mor.bakhoum@ip.mpg.de.
-
[2]
A. Cissé, « L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : l’expérience de l’OHADA à l’épreuve de sa première décennie », RIDE, n°2-2004, p. 198.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Sur la problématique de l’intégration économique et du droit de la concurrence dans les pays en développement, J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, Edward Elgar, 2012, à paraître.
-
[5]
Voir, sur les objectifs d’une politique régionale de la concurrence, M. Bakhoum, « Perspectives africaines d’une politique de la concurrence dans l’espace OHADA », RIDE, ce numéro. Voir également, sur les objectifs de l’intégration économique dans les pays en développement, J. Drexl, op. cit. (note 4).
-
[6]
J. Drexl, ibid. L’auteur soutient que, du point de vue des pays en développement, les objectifs de l’intégration économique doivent être redéfinis dans le contexte de la globalisation économique. Il soutient : « Hence, the role of economic integration may well have to be redefined in times of globalization. Whereas, traditionally, economic integration was mostly justified by the economic benefits that accrue from intensifying intra-regional trade, regional integration may nowadays seem much more important as a response to economic globalisation. »
-
[7]
Voir sur cet aspect : E. Fox, « Competition, Development and Regional Integration : In Search of a Competition Law Fit for Developing Countries », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4).
-
[8]
M. Gal discute, dans un article à paraître, les obstacles à l’effectivité des politiques régionales de la concurrence. Voir M. Gal et I. Faibish Wassmer, « Regional Agreements of Developing Jurisdictions : Unleashing the Potential », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4). Disponible également sur le lien suivant : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1920290. Ces obstacles sont entre autres liés à la conception des institutions et à la problématique des rapports entre le niveau régional et le niveau national.
-
[9]
Ibid.
-
[10]
Le traité de l’UEMOA est disponible à l’adresse suivante : http://www.uemoa.int/Documents/TraitReviseUEMOA.pdf.
-
[11]
– Règlement n° 2/2002/CM/UEMOA du 23.5.2002 relatif aux pratiques anticoncurrentielles à l’intérieur de l’Union ;
– Règlement n° 3/2002/CM/UEMOA du 23.5.2002 relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine ;
– Règlement n° 4/2002/CM/UEMOA du 23.5.2002 relatif aux aides d’État à l’intérieur de l’Union Économique et monétaire Ouest-Africaine et aux modalités d’application de l’article 88 (C) du traité ;
– Directive n° 02/2002/CM/UEMOA du 23.5.2002 relative à la coopération entre la Commission et les structures nationales de concurrence des États membres pour l’application des articles 88, 89 et 90 du traité de l’UEMOA ;
– Directive n° 1/2002/UEMOA du 23.5.2002 relative à la transparence des relations financières entre d’une part les États membres et les entreprises publiques, et d’autre part entre les États membres et les organisations internationales ou étrangères.
Ces textes sont disponibles sur : http://www.uemoa.int. -
[12]
Voir en général sur la politique de la concurrence de l’UEMOA : M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), Berne, Bruxelles, Stampfli, Bruylant, 2007.
-
[13]
Tous les pays membres de l’UEMOA sont dotés d’un droit national de la concurrence à l’exception de la Guinée-Bissau. Sénégal : loi 1994/63 du 22 août 1994 sur lesprix, la concurrence et le contentieux économique ; Burkina Faso : loi n°15/94 du 15 mai 1994 relative à la concurrence ; Mali : Ordonnance n° 07-025 du 18 juillet 2007 portant organisation de la concurrence ; Togo : Loi n° 99-011 du 28 décembre 1999 portant organisation de la concurrence au Togo ; Bénin : Ordonnance n° 20/ PR/MFAEP du 5 juillet 1967 portant réglementation des prix et des stocks ; Niger : Ordonnance n° 92-025 du 7 juillet 1992 portant réglementation des prix et de la concurrence ; Côte d’Ivoire, Loi n° 91-999 du 27 décembre 1991 relative à la concurrence. Ces différentes législations ont la caractéristique commune, en plus de l’affirmation de la liberté de commerce et de concurrence, de donner à l’État, dans des circonstances exceptionnelles, une réserve d’intervention dans la détermination des prix.
-
[14]
Les modalités de l’obligation de réforme sont définies par la Directive 2/2002/UEMOA, op. cit. (note 11).
-
[15]
Avis de 3/2000/CJ/UEMOA, inédit.
-
[16]
Rapport 2002-2003 de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal qui a rendu des Avis sur l’approche communautaire. La Commission nationale de la concurrence du Sénégal n’était pas favorable à une centralisation du pouvoir de décision.
-
[17]
On pense aux développements du professeur Abdoulaye Sakho, ancien vice-président de la Commission nationale de la concurrence, sur la question. Nous avions aussi émis des réserves sur la centralisation du pouvoir de décision. Voir M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), op. cit. (note 12), pp. 228-243.
-
[18]
Voir Décision n° 0157/2007/PCOM/UEMOA portant création et organisation des services de la Commission de l’UEMOA, inédit.
-
[19]
Voir Décision n° 345/2008/PCOM/UEMOA portant organisation du département du marché régional, du commerce, de la concurrence et de la coopération, inédit.
-
[20]
On pense aux affaires CIBA contre FFSA et SARL Micro Doses technologies. Ces affaires sont disponibles dans le rapport 2002-2003 de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal.
-
[21]
Ibid.
-
[22]
Voir D.P. Weick, « Competition Law and Policy in Senegal : A Cautionary Tale for Regional Integration ? », World Competition, 33, 2010, p. 521.
-
[23]
Ces contraintes sont liées à la disponibilité des ressources aussi bien matérielles qu’humaines. Voir sur ces aspects le rapport 2002-2003 de la Commission nationale de la concurrence. La Commission n’a pas de locaux propres et son personnel n’est pas permanent.
-
[24]
Voir les différents rapports produits en 1994, 1998 et 2001 par la Commission nationale de la concurrence de la Côte d’Ivoire. Disponible auprès de l’auteur.
-
[25]
Voir sur cet aspect, J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4).
-
[26]
Voir article 1, Ordonnance n° 99-043 du 30 septembre 1999 régissant les télécommunications en république du Mali. « La présente Ordonnance régit toutes les activités de télécommunications exercées sur le territoire de la République du Mali y compris l’attribution ou l’assignation de fréquences, peu importe que celles-ci soient à des fins de services de télécommunications ou autres. Elle s’applique sans préjudice de l’application des dispositions générales relatives au droit de la concurrence (souligné par nous) ».
-
[27]
Voir article 5 du Code des télécommunications qui interdit les ententes et les abus de position dominante. Le Code des télécommunications est disponible sur le lien suivant : http://www.gouv. sn/IMG/pdf/document_Telechargez_le_code_des_Telecoms_6.pdf.
-
[28]
Voir article 5 infine du Code des télécommunications.
-
[29]
Voir M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), op. cit. (note 12), p. 229 et suiv.
-
[30]
C’est le cas de la collaboration de la Commission nationale de la concurrence du Sénégal avec la Commission de l’UEMOA. C’est plutôt avec la Direction du Commerce Intérieur (DCI) que la Commission travaille lors de ses enquêtes sur le terrain.
-
[31]
Voir, sur les législations de la concurrence des différents États membres, supra (note 13).
-
[32]
Disponible dans le site de l’UEMOA à l’adresse suivante : www.uemoa.int.
-
[33]
Ibid.
-
[34]
Ibid.
-
[35]
Ces affaires en cours ne sont pas encore publiées.
-
[36]
Voir J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4).
-
[37]
Voir G. Mamhare, « Southern African Development Community (SADC) Regional Competition Policy », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4). Également, K. Moodaliyar, « Competition Policy in SADC : A South African Perspective », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4).
-
[38]
Voir Gerber sur cet aspect : D. Gerber, « Regionalization, Development and Competition Law : Exploring the Political Dimension », in M. Bakhoum, J. Drexl, M. Gal, D. Gerber, E. Fox (eds), Regional Integration and Competition Policy in Developing Countries, op. cit. (note 4).
-
[39]
Ibid.
-
[40]
Voir J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4).
-
[41]
Ibid.
-
[42]
Ces exemptions et exceptions sont contenues dans les législations de la concurrence des différents pays membres de l’UEMOA.
-
[43]
J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4).
-
[44]
Pour dire Ouagadougou, capitale du Burkina Faso où la Commission a son siège.
-
[45]
Voir M. Bakhoum, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), op. cit. (note 12), p. 248 et suiv.
-
[46]
Cette approche est soutenue dans la doctrine. J. Drexl, « Economic Integration and Competition Policy in Developing Countries », op. cit. (note 4). L’auteur souligne : « Centralization of the standards of competition law should not exclude decentralization of enforcement. »
-
[47]
Ibid.