Couverture de RHU_061

Article de revue

Roberto López Vela (ed.), Ciudades, gentes e intercambios en la monarquía hispánica en la Edad Moderna, Santander, Ediciones Universidad de Cantabria, 2019

Pages 1 à 2

English version

1Le dernier ouvrage collectif dirigé par Roberto López Vela sur les relations entre les villes, la société et les échanges économiques à l’Époque moderne s’inscrit dans la suite des séminaires, travaux et recherches effectuées par les historiens de l’université de Cantabrie sur l’histoire urbaine espagnole depuis 1991. Il réunit les travaux présentés en avril 2016 à Santander, s’inscrivant plus largement dans les programmes de recherche sur l’histoire urbaine menés ces dernières années à l’université de Saint-Jacques de Compostelle et à l’université Autonome de Madrid, avec la démarche d’interdisciplinarité qui les caractérise. Les auteurs de ce travail collectif qui cherchent à analyser les populations, les marchés, les groupes de pouvoir au sein de la ville s’intéressent tout autant à l’action des élites urbaines et leurs représentations qu’à l’exercice de la justice et à la diffusion des modèles culturels dans la société urbaine. Roberto Lopez Vela présente cet ouvrage à la fois comme un état des lieux de la recherche espagnole sur ces thématiques et une réflexion plurielle sur la méthodologie et l’interdisciplinarité pratiquée par ses collègues. Rajoutons qu’il offre aussi un regard historiographique très intéressant sur les travaux d’histoire urbaine de l’Espagne d’Ancien Régime.

2L’ouvrage est divisé en trois parties : la première aborde le gouvernement de la ville et ses élites à partir d’études de cas sur l’ensemble de la période moderne, la seconde les cultures et les représentations urbaines à l’Époque moderne, et la troisième les relations fiscales entre la monarchie espagnole et les villes aux XVIIe et XVIIIe siècles.

3Dans un premier temps, José Ignacio Pérez revient sur la vente des offices municipaux par Charles Quint en 1543 et ses conséquences sur la consolidation et la fermeture des oligarchies urbaines en s’appuyant sur plusieurs tableaux et cartes issues de la riche documentation des Archives Générales de Simancas. En dépit de l’opposition de certaines villes attachées à leurs fors, l’opération rencontra un grand succès et rapporta entre 1543 et 1546 près de 400 000 ducats. Maria Barcina Abad reconstitue l’originalité de la tutelle des corregidors militaires à l’époque de Philippe IV (1621-1665) sur le gouvernement des quatre villes de la côte cantabrique (San Vicente de la Barquera, Santander, Laredo, Castro Urdiales), en particulier pendant la guerre contre la France (1635-1659), faisant de la défense du littoral, du recrutement des soldats et des marins, de leur logement leur principale priorité. Et Hector F. Sánchez Diego décrit les rapports entre les élites traditionnelles de Santander et les nouveaux groupes de marchands enrichis par la politique commerciale des Bourbons, à partir du parrainage des baptêmes (parrains et marraines) de Santander au XVIIIe siècle, véritables témoignages des nouveaux rapports de clientèle et de leurs conséquences sur les relations entre la municipalité et le monde de la marchandise.

4La deuxième partie de l’ouvrage, plus axée sur l’histoire culturelle urbaine s’ouvre sur le travail que Roberto Lopez Vela consacre à l’héritage lettré qui identifiait Tolède à la capitale de la monarchie wisigothique christianisée et au siège de l’archevêché, primat de l’Espagne chrétienne, fondant son prestige et sa suprématie sur les autres villes dans la littérature des histoires urbaines et ecclésiastiques du XVIe siècle. Les humanistes en reformulant cette mémoire à partir du lignage de ses archevêques et de ses saints, purent la renouveler pour faire de Tolède une seconde Rome. Ensuite, Fernando Suárez Golán propose de porter le regard sur les carrières ecclésiastiques qui se déploient entre la Galice et l’Amérique espagnole aux XVIIe et XVIIIe siècle, à partir de la comparaison entre le parcours du frère Antonio de Monroy et celui de Francisco de Aguiar y Seixas, qui met en avant la persistance du modèle de sainteté épiscopale fondée sur l’ascétisme, la charité et la réforme de l’Eglise. Ana Maria Sixto Barcia étudie les fondations pieuses pour le mariage des jeunes filles tel que celle d’Alvarez de Castro (1677) pour tracer l’évolution des difficultés rencontrées (comme la corruption) par ces institutions entre la fin du XVIe et le XVIIIe siècle à La Corogne et dans ses alentours. Ruben Castro Redondo part de la diversité de la métrologie en Galice pour étudier la tutelle administrative et économique qu’exercent les municipalités sur leurs campagnes et seigneuries au XVIIIe siècle, complétant le tableau des représentations sociales de cette deuxième partie de l’ouvrage.

5La dernière partie est plus classique et reprend la thématique très étudiée par la recherche espagnole des rapports entre fiscalité royale et fiscalité urbaine. Elle imbrique des analyses générales à l’échelle de la Castille comme celles de Ramon Lanza Garcia sur l’économie morale, la citadinité et la charge tributaire, et le travail de José Ignacio Andres Ucendo consacré à la place de la Media annata de juros (contribution d’une demi annuité levée chaque année sur les juros ou rentes royales depuis 1635) dans le système fiscal et financier castillan du XVIIe siècle, avec des études de cas sur le crédit hypothécaire à Saint-Jacques de Compostelle à la fin de l’Ancien Régime (Francisco Cebreiro Ares), ou sur les risques financiers que prennent les marchands de Saint-Jacques de Compostelle et de son diocèse en investissant dans l’affermage du produit de la vente des bulles de la croisade (accordée par le pape depuis 1509) aux XVIIe et XVIIIe siècles, notamment du fait de l’inflation (Monica F. Arnesto). Enfin, Juan Eloy Gelabert, élargit l’horizon de la réflexion en s’interrogeant sur les circuits économiques alternatifs qui permirent le maintien des échanges en Europe occidentale dans le contexte de guerre atlantique du tournant de l’entre deux siècles (1595-1609).

6La diversité des travaux ainsi réunis permet une meilleure compréhension des rapports entre la monarchie espagnole, l’Eglise, les pouvoirs municipaux et la société urbaine sur le temps long (XVIe-XVIIIe siècle). L’effort fiscal exigé par la Couronne à ses villes pour répondre à ses propres obligations financières et politiques n’est pas sans conséquences sur le contrôle social du monde urbain, mais entraine dans le même temps la permanence des négociations entre le roi et ses villes. Les auteurs de cet ouvrage montrent enfin qu’en dépit des contraintes fiscales et des difficultés financières de la monarchie autant que des municipalités, le gouvernement urbain conserve un certain dynamisme, notamment en matière de vie culturelle et économique.


Date de mise en ligne : 14/10/2021

https://doi.org/10.3917/rhu.061.0191

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.173

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions