Notes
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[1]
Chateaubriand, Le Génie du christianisme, IIIe partie, livre V, chap. III (éd. Gallimard, 1978, p. 881).
-
[2]
Selon Salvatore Settis (dans son article « La ville est en ruines », dans Salvatore Settis et Monica Preti (sous la direction de), Villes en ruines : images, mémoires, métamorphoses, Paris, Hazan, 2015, p. 23-24), l’intérêt pour les ruines provient de « la fracture brusque et traumatique » que constitue la chute de l’empire romain dans l’histoire et la mémoire culturelle de l’Europe.
-
[3]
L’apparition d’un intérêt historique pour les ruines antiques à la Renaissance a été étudiée par Sabine Forero-Mendoza, Le temps des ruines. Le goût des ruines et les formes de la conscience historique à la Renaissance, Paris, Champ Vallon, 2002 ; sur le xviiie siècle, voir Sophie Lacroix, Ce que nous disent les ruines. La fonction critique des ruines, Paris, L’Harmattan, 2007.
-
[4]
La création du service français des monuments historiques est intimement liée à l’intérêt pour les ruines antiques et médiévales, selon François Golven, « Ruines et vestiges : la politique du service français des monuments historiques », dans Chantal Liaroutzos (sous la direction de), Que faire avec les ruines ? Poétique et politique des vestiges, Rennes, P.U.R., 2015, p. 19-22.
-
[5]
Depuis l’article pionnier de Silvia Azzarà (« Osservazioni sul senso delle rovine nella cultura antica », dans Walter Cupperi (sous la direction de), Senso delle rovine e reuso dell’antico. Annali della Scuola Normale di Pisa, Quaderni, no 2, Pisa, Scuola Normale Superiore, 2002, p. 1-12), voir désormais les travaux d’Alain Schnapp (notamment son essai Ruines. Essai de perspective comparée, Lyon, PUL/Les presses du réel, 2015) et la monographie fondamentale de Massimiliano Papini, Città sepolte e rovine nel mondo greco e romano, Roma, Editori Laterza, 2011.
-
[6]
Il faut signaler sur ce sujet le bref article d’Andreas Grüner, « Ruinen ohne Romantik. Zerstörste Gebäude als urbanistisches Problem der frühen Kaiserzeit », dans Paul Zanker et Richard Neudecker (hg.), Lebenswelten. Bilder und Raüme in der römischen Stadt der Kaiserzeit, Wiesbaden, D. Ludwig Reichert Verlag, 2005, p. 39-50.
-
[7]
Le présent article synthétise certaines conclusions de notre thèse d’histoire soutenue en 2015 et qui sera publiée prochainement : Charles Davoine, La ville défigurée. Gestion et perception des ruines dans le monde romain (ier s. av. J.-C. – ive s. ap. J.-C.), Bordeaux, Ausonius Éditions (Scripta Antiqua 142), à paraître en 2020.
-
[8]
Rutilius Namatianus, Sur son retour, I, 414 : « oppida posse mori ».
-
[9]
Rut. Namat., respectivement I, 411-412 ; I, 228 ; I, 284-285 (traduction Étienne Wolf, éd. Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 2007).
-
[10]
La lettre de Sulpicius Rufus est connue par la correspondance de Cicéron (Ad Familiares, IV, 5, 4, traduction Jean Beaujeu, éd. Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 1983).
-
[11]
Les préjugés de Sulpicius Rufus sont soulignés par Susan Alcock, Graecia Capta. The landscapes of Roman Greece, Cambridge, CUP, 1993, p. 30-31 et William Hutton, Describing Greece. Landscape and Litterature in the Periegis of Pausanias, Cambridge, CUP, 2005, p. 46.
-
[12]
La destruction d’Athènes et du Pirée est rapportée par Plutarque, Sylla, 14, 7 ; celle d’Égine par Dion Cassius, Histoire romaine, XLII, 14, 3. Sur l’état matériel de Corinthe entre sa destruction et la reconstruction césarienne, voir Elizabeth R. Gebhard et Matthew W. Dickie, « The View from the Isthmus, ca. 200 t. 44 B.C. », Corinth (Corinth, The Centenary : 1896-1996), no 20, 2003, p. 261-278.
-
[13]
Ambroise de Milan, Lettres, VIII, 3.
-
[14]
Le possible déclin économique et matériel des villes de la vallée du Pô au ive siècle est discuté par Gian Pietro Brogiolo, « Ideas of the town in Italy during the transition from Antiquity to the Middle Ages », dans Gian Pietro Brogiolo et Bryan Ward-Perkins (ed.), The idea and ideal of the town between Late Antiquity and the Early Middle Ages, Leiden – Boston – Köln, Brill, 1999, p. 99-126, ainsi que par Federico Marazzi, « Cadavera urbium, nuove capitale e Roma aeterna : l’identità urbana in Italia fra crisi, rinascita e propaganda (secoli III-V) », dans Jens-Uwe Krause et Christian Witschel (hg.), Die Stadt in der Spätantike Niedergang oder Wandel ? Akten des internationalen Kolloquiums in München am 30. und 31. Mai 2003, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2006, p. 33-55.
-
[15]
Sénèque, Lettres à Lucilius, XIV, 91, 7 ; Marc Aurèle, Pensées, IV, 48.
-
[16]
Ménandre le Rhéteur, Traité I, 332, 8-10.
-
[17]
Laurent Pernot, La rhétorique de l’éloge dans le monde romain, Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 1993, p. 190-200. Dans le cas de Rome, Catharine Edwards, Writing Rome : textual approaches to the city, Cambridge, CUP, 1996, p. 27-43, a montré que les descriptions littéraires de l’Vrbs tiennent toujours compte de l’épaisseur historique dont le paysage urbain témoigne.
-
[18]
Massimiliano Papini, Città sepolte..., op. cit., p. 160.
-
[19]
Digeste XLIII, 8, 7 (Iul. 48 dig.).
-
[20]
Digeste XLIII, 8, 2, 17 (Ulp. 68 ad ed.).
-
[21]
Code Justinien VIII, 10, 2 (l’imperator Alexandre Auguste à Diogène).
-
[22]
Cette interdiction était contenue dans deux sénatus-consultes communément appelés « hosidien » et « volusien », datant respectivement de 47 et 56 ap. J.-C (édition FIRA I, p. 288- 290, n. 45). Voir Charles Davoine, « Encadrer le remploi. Destruction des édifices et réutilisation des matériaux dans les textes juridiques romains (Ier – IIIe s. ap. J.-C.) », Aedificare, no 4, 2018/2, p. 255-276.
-
[23]
Selon l’interprétation de Yan Thomas, « Les ornements, la cité, le patrimoine », dans Clara Auvray-Assayas (sous la direction de), Images romaines. Actes de la table ronde organisée à l’ENS (24-26/10/1996), Paris, P.E.N.S., 1998, p. 263-284, suivie par Julien Dubouloz, La propriété immobilière à Rome et en Italie. ier – ve siècles, Rome, École française de Rome (BEFAR, 343), 2011, p. 68-75.
-
[24]
Pseudo-César, Guerre d’Alexandrie, 24 : patriae quae turpibus incendiis et ruinis esset deformata ; Pline le Jeune, Lettres, X, 70 : locus... nunc deformis ruinis ; Suétone, Vespasien, 8, 8 : deformis urbs ueteribus incendiis ac ruinis erat (sur ces deux derniers textes, voir infra).
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[25]
Voir Pierre Monteil, Beau et laid en latin. Étude de vocabulaire, Paris, Klincksieck, 1964, qui cite de nombreux exemples.
-
[26]
Claudia Moatti, Archives et partage de la terre dans le monde romain (iie siècle avant – ier siècle après J.-C.), Rome, École française de Rome (Coll. EFR 173), 1993, p. 43-48. Sur les nombreux sens du mot latin forma, voir Danielle Conso, Forma. Étude sémantique et étymologique, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté (ISTA), 2005.
-
[27]
Tite-Live, Histoire romaine, V, 55. Plutarque, Camille, 31, et Tacite, Annales, XV, 43, partagent l’opinion selon laquelle l’irrégularité du plan de Rome est issue de la reconstruction après l’incendie gaulois. Sur l’opposition entre l’occupatio et la diuisio, et leur rapport avec la forma, voir Catherine Saliou, « Entre le droit, l’histoire et la mémoire : le statut du sol de Rome dans l’Histoire Romaine de Tite-Live », dans Clément Chillet, Marie-Claire Ferriès et Yann Rivière (sous la direction de), Les confiscations, le pouvoir et Rome, de la fin de la République à la mort de Néron, Bordeaux, Ausonius, 2016, p. 53-66.
-
[28]
Suétone, Néron, 38, 3.
-
[29]
Suétone, Vespasien, 8, 8.
-
[30]
Sur le sort d’Autun à la fin du iiie siècle, voir Anthony Hostein, La cité et l’empereur. Les Éduens dans l’Empire romain d’après les Panégyriques latins, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012, particulièrement p. 152 pour les circonstances de sa destruction.
-
[31]
Panégyriques latins V, 9, 3-4 (traduction Édouard Galletier, éd. Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 1949, modifiée).
-
[32]
L’image des temples comme « yeux de la cité » se retrouve un siècle plus tard dans le Pro templis de Libanios (Or. XXX, 42).
-
[33]
Panégyriques latins V, 3, 2 (traduction É. Galletier, cf. supra).
-
[34]
La reconstruction des enceintes urbaines sous la Tétrarchie et l’idéologie qui l’accompagne sont étudiées par René Rebuffat, « Comme les moissons à la chaleur du soleil », dans Attilio Mastino (a cura di), L’Africa romana. Atti del VI convegno di studio, Sassari, 16-18 dicembre 1988, Sassari, Edizioni Gallizzi, 1989, p. 113-133.
-
[35]
CIL VI, 1728. La nuditas marmorum doit être comprise comme l’absence de marbres, peut-être en raison de la disparition du décor, plutôt que comme une caractéristique des marbres dont on verrait mal le sens.
-
[36]
CIL X, 6656.
-
[37]
À une exception près : dans sa correspondance avec Trajan, Pline le Jeune associe déjà l’insalubrité d’un égout d’Amastris avec la laideur de la ville, mais il n’est pas question d’édifices en ruines (Pline le Jeune, Lettres, X, 98).
-
[38]
Par exemple Tite-Live, Histoire romaine II, 23, 3-5 et Sénèque, Consolation à Polybe, XVII, 6.
-
[39]
Voir l’étude menée par Michel Blonski, Se nettoyer à Rome (iie siècle av. J.-C.-iie siècle ap. J.-C.). Pratiques et enjeux, Paris, Les Belles Lettres, 2014.
-
[40]
Sénèque, Lettres à Lucilius, XIV, 91, 13 (traduction Henri Noblot, éd. Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 1962).
-
[41]
Ce sujet a été abondamment traité par les historiens : voir, entre autres, Fergus Millar, The emperor in the Roman World, 31 BC - AD 337, London, Duckworth, 1977, p. 422-425 ; Marietta Horster, Bauinschriften römischer Kaiser, Stuttgart, F. Steiner, 2001 ; Alfredina Storchi Marino, « Munificentia principis e calamità naturali », dans Alfredina Storchi Marino e Giovanna Daniela Merola (a cura di), Interventi imperiali in campo economico e sociale, da Augusto al Tardoantico, Bari, Epiduglia, 2009, p.183-224.
-
[42]
Pline le Jeune, Lettres, X, 70, témoigne du cas d’une maison en ruines à Pruse qui, auparavant, fournissait un revenu à la cité (voir infra). Deux constitutions datées de 378 et 398 imposent la restauration ou la vente de domus appartenant à la res privata et qui ne produisent plus de revenus en raison de la négligence des procurateurs (Cod. Theod. X, 2, 1 et 2).
-
[43]
Ainsi, une constitution impériale de 377 oblige les propriétaires, et en particulier les curiales, à restaurer leurs demeures urbaines pour qu’ils ne fuient pas leurs charges civiques (Cod. Iust. VIII, 10, 8).
-
[44]
Par exemple CIL X, 6656 (Antium) : des thermes sont rénovés « pour une meilleure image de la cité » (in meliorem ciuitatis effigiem) ; AE 1987, 1082 (Mascula) : restauration de thermes « pour la splendeur tant de la patrie que de la province » (ad splendorem tam patriae quam provinciae) ; AE 1991, 1641 (Abthugnos) : reconstruction de rostres « pour l’ornementation de la patrie » (ad ornatum patriae).
-
[45]
Le Code Théodosien rassemble des constitutions impériales datant des ive et ve siècles et fut promulgué en 438. Celles contenues dans le titre 1 du livre XV, consacré aux ouvrages publics, sont traduites et commentées dans Yves Janvier, La législation du Bas-Empire romain sur les édifices publics, Aix-en-Provence, La pensée universitaire, 1969.
-
[46]
Un rescrit d’Antonin le Pieux permettait déjà aux cités d’affecter à l’entretien des édifices publics existants de l’argent légué pour un ouvrage neuf (Digeste X, 10, 7), mais ce n’est qu’une possibilité, non une obligation. Par ailleurs, depuis le règne de Trajan, les curateurs de cités avaient pour mission de veiller au bon emploi des finances municipales, mais on n’a pas de trace d’une incitation à la reconstruction plutôt qu’à la construction : voir François Jacques, Le privilège de liberté. Politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’Occident romain (161-244), Rome, École Française de Rome, 1984 (Coll. EFR, 76), p. 282-301 et 687-786.
-
[47]
Cod. Theod. XV, 1, 16 (traduction Yves Janvier, La législation..., op. cit., p. 149-151).
-
[48]
Par exemple Angelika Geyer, « ‘‘Ne ruinis urbs deformetur’’. Äesthetische Kriterien in der spätantiken Bauforschung », Boreas, no 16, 1993, p. 63-77.
-
[49]
Ce sont les constitutions Cod. Theod. XV, 1, 11 ; XV, 1, 14 ; XV, 1, 15 ; XV, 1, 16 ; XV, 1, 17.
-
[50]
Réagissant, entre autres, contre l’article d’A. Geyer, Ralf Behrwald, Die Stadt als Museum ? Die Wahrnehmung der Monumente Roms in der Spätantike, Berlin, Akademie Verlag, 2009, p. 60- 63 et p. 99-127, montre qu’on ne peut pas parler de « monuments historiques » pour l’Antiquité tardive.
-
[51]
Voir à ce sujet l’analyse de Yan Thomas, « Les ornements... », op. cit.
-
[52]
Digeste XXXIX, 1, 20, 10 (Ulpien ad. ed. 71) : « ne pas abandonner les édifices est important pour le décor des villes » (etenim pertinet ad decus urbium aedificia non derelinqui) ; Valentinien Ier (Cod. Theod. XIII, 6, 7) mentionne des maisons, qui contribuent « par leur parure au décor des villes » (cultu decus urbium). Selon une constitution de Constantin (Cod. Iust. VIII, 10, 6), en 321, le décor des maisons urbaines participe au decus publicum.
-
[53]
La nature et le nombre des constructions réalisées par Dion à Pruse sont difficiles à établir précisément : voir Giovanni Salmeri, « Dio, Rome, and the Civic Life of Asia Minor », dans Simon Swain (ed.), Dio Chrysostom. Politics, Letters, and Philosophy, Oxford, O.U.P., 2000, p. 53-92.
-
[54]
Dion Chrysostome, Discours XL, Sur la concorde avec Apamée, 8-9 (Dion de Pruse. Discours bithyniens (discours 38-51), traduction avec introduction, notes et commentaire par Marcel Cuvigny, Paris, Les Belles Lettres, 1994 ; traduction modifiée).
-
[55]
William Kendrick Pritchett, Pausanias Periegetes, II, Amsterdam, J. C. Gieben Publisher, 1999, p. 215-216, propose une liste des édifices en ruines dans l’œuvre de Pausanias.
-
[56]
Dion Chrysostome, Discours, XXXI, 160.
-
[57]
Dion Chrysostome, Discours, XLVII, 15 (traduction M. Cuvigny modifiée). Les habitants des cités d’Asie Mineure, à l’époque romaine, accordent une grande importance à l’embellissement de leur ville, d’après Anne-Valérie Pont, Orner la cité : enjeux culturels et politiques du paysage urbain dans l’Asie gréco-romaine, Pessac, Ausonius, 2010.
-
[58]
Sur l’activité édilitaire de Pline en Bithynie, voir Anne Daguet-Gagey, « Les opera publica dans la correspondance de Pline le Jeune avec Trajan », dans Janine Desmulliez, Christine Hoëtvan Cauwenberghe et Jean-Christophe Jolivet (sous la direction de), L’étude des correspondances dans le monde romain de l’Antiquité classique à l’Antiquité tardive : permanences et mutations, Lille, Presses de l’Université Charles de Gaulle-Lille 3, 2010, p. 247-272.
-
[59]
Il me semble que l’adjectif deformis porte bien sur locus, non sur domus, car l’argumentation de Pline repose sur l’assimilation de cet endroit à un terrain, certes encombré de ruines, mais constructible.
-
[60]
Pline le Jeune, Lettres, X, 70 (traduction personnelle).
-
[61]
Pierre Gros, « La ville comme symbole. Le modèle central et ses limites », dans Hervé Inglebert (sous la direction de), Histoire de la civilisation romaine, Paris, PUF (coll. Nouvelle Clio), 2005, p. 155.
1N’en déplaise à Chateaubriand, pour qui « tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines » [1], l’intérêt porté aux vestiges de civilisations anciennes semble une spécificité de l’histoire européenne [2]. Tandis qu’à la Renaissance, les monuments antiques encore visibles suscitent la curiosité des premiers humanistes, la contemplation esthétique des ruines naît véritablement au xviiie siècle, comme en témoignent les écrits de Diderot et les peintures d’Hubert Robert [3]. Enfin, c’est au xixe siècle que se développe une politique de conservation des vestiges architecturaux [4]. Rien de tel dans l’Antiquité romaine. Pour les poètes et philosophes latins, les villes détruites et les maisons qui s’écroulent sont une preuve de l’instabilité du monde et de la précarité de nos vies humaines – images toujours négatives et qui ne donnent jamais naissance à un sentiment de sublime. Cette littérature a jusqu’à présent été étudiée pour comprendre le rapport des Anciens à leur propre passé [5]. Un aspect a moins retenu l’attention : dans ces textes, les ruines apparaissent comme la négation de la ville et de la vie civique [6]. Les discours des rhéteurs et des philosophes rejoignent par bien des aspects ceux des juristes ou des élites locales dans les inscriptions : laids et sales, les ouvrages délabrés ou détruits défigurent le paysage urbain et remettent en question le bel ordonnancement de l’espace bâti. Les ruines posent ainsi le problème de la pérennité matérielle et symbolique des cités, sur lesquelles est fondé l’empire romain. C’est ce contre-modèle urbain que nous nous proposons d’examiner ici [7].
Les ruines, image de la mort des villes
Villes détruites et mort des individus
2« Les villes peuvent mourir » [8] : ainsi s’exprime Rutilius Namatianus depuis le bateau le menant de Rome vers la Gaule, lorsqu’il contemple, en 417/418 ap. J.-C., les villes en ruines sur la côte de l’Étrurie. À Populonia, dit-il, « il ne reste que des vestiges, des remparts effondrés ; les toits gisent ensevelis sous de vastes décombres » ; Castrum est « une localité à moitié détruite » et, plus loin, « nous distinguons d’antiques ruines que personne ne garde et les murailles délabrées de Cosa déserte » [9]. Le spectacle des ruines inspire donc au poète une comparaison entre la destruction des édifices et la mort d’un être. Ce fonctionnaire impérial, ancien préfet de la Ville, s’inscrit dans une longue tradition rhétorique grecque et romaine, qui fait de la disparition des cités une preuve parmi d’autres de l’incertitude des choses terrestres et de la mort inéluctable de toutes les composantes du monde. On trouve déjà ce topos en 45 av. J.-C., dans la célèbre lettre que Sulpicius Rufus envoie à son ami Cicéron, pour le consoler de la mort de sa fille Tullia :
« Revenant d’Asie, je naviguais d’Égine vers Mégare, quand je me mis à regarder circulairement l’horizon : derrière moi se trouvait Égine, devant moi Mégare, à droite Le Pirée, à gauche Corinthe ; or ces villes, qui furent jadis très florissantes, gisent aujourd’hui devant nos yeux écroulées et ruinées. Je me livrai alors à cette méditation : ‘‘Eh quoi ! Nous nous indignons, chétifs humains, si l’un d’entre nous, dont la vie doit être relativement courte, a péri ou a été tué, quand les cadavres de tant de villes gisent abattus en un seul et même lieu ?’’ » [10]
4Le parcours de cet aristocrate romain, juriste réputé, dans la province qu’il administre, l’Achaïe, est l’occasion d’une méditation sur le cycle de vie des cités. Autrefois florissantes, les plus célèbres cités grecques sont désormais des « cadavres de villes » (oppidum cadauera). Sulpicius Rufus exprime ici un lieu commun partagé par les élites romaines du ier siècle av. J.-C., selon lequel la Grèce de leur temps, désormais soumise, n’a plus le lustre de la Grèce d’autrefois [11]. Néanmoins, son propos n’est pas uniquement convenu : Corinthe et le Pirée avaient été rasés par les Romains, respectivement en 146 et 88 av. J.-C., mais il en restait des ruines bien visibles ; quant à Égine et Mégare, elles avaient souffert de pillages, sans être intégralement détruites [12]. Quatre cents ans plus tard, l’évêque de Milan, Ambroise, copie presque mot à mot la célèbre lettre de Sulpicius Rufus pour consoler son ami Faustinus de la mort de sa sœur, mais il la transpose dans le cadre qui lui est familier : la vallée du Pô et la via Aemilia, au nord de l’Italie [13]. Comme son modèle, Ambroise n’utilise pas d’exemples historiques célèbres : la consolation fonctionne d’autant mieux que l’auteur a une expérience directe de la destruction des cités et non une connaissance théorique. L’évêque de Milan et le gouverneur d’Achaïe ont tous deux vu des ruines, et ils savent que leurs interlocuteurs ont également pu les contempler. À la différence de Sulpicius Rufus cependant, les villes que cite Ambroise n’ont pas été détruites par des événements violents, mais se sont lentement dépeuplées [14] ; c’est aussi ce qu’il ressort de la description de Rutilius Namatianus quelques décennies plus tard quand il décrit la côte étrusque depuis son bateau. Les ruines n’attestent pas uniquement la mémoire d’une destruction ; la présence de bâtiments effondrés ou dégradés dans le paysage suffit à donner l’image de charogne.
Une conception organique de la cité
5Les philosophes romains utilisent aussi l’image de la destruction des villes comme métaphore du pouvoir de la fortune. Dans ce cas, les exemples qu’ils utilisent ne sont pas issus de leur expérience personnelle, mais d’événements historiques célèbres. Lorsque Sénèque apprend l’incendie qui aurait ravagé intégralement Lyon en 64 ap. J.-C., il écrit que « les destins des hommes roulent comme ceux des villes », et Marc Aurèle propose de se préparer à la mort en considérant « combien de villes sont, si l’on peut dire, mortes tout entières : Hélikê, Pompéi, Herculanum, d’autres innombrables » [15]. La comparaison entre la mort des êtres et la destruction des villes est courante, car, dans la rhétorique grecque et latine, les cités sont souvent comparées à des êtres biologiques. Ménandre le Rhéteur, auteur d’un manuel de rhétorique à la fin du iiie siècle ap. J.-C., dans lequel il codifie des genres déjà anciens, range l’éloge des cités et l’éloge des créatures parmi la catégorie générale de l’éloge des objets mortels, qu’il distingue de l’éloge des dieux immortels [16]. Laurent Pernot a montré que les discours qui font l’éloge des cités, courants dans le monde ancien, fonctionnent comme des biographies, où se succèdent la naissance (en l’occurrence l’acte de fondation de la ville), puis la croissance et éventuellement la décrépitude et la mort [17]. Dès lors, si Rutilius Namatianus accorde une telle importance à la description de villes en ruines, c’est parce qu’il écrit peu après le sac de Rome par Alaric en 410 ap. J.-C. et qu’il considère que la cité est entrée dans sa phase de vieillesse et de déclin [18].
6Le caractère mortel des villes est donc un thème de la littérature poétique, philosophique et morale de l’époque impériale. Parce qu’elles manifestent la disparition des cités, les ruines sont la négation même de la ville. Pour cette raison, elles sont combattues par les autorités, locales comme centrales, dans l’empire romain. Cependant, dans les textes émanant du pouvoir ou des élites civiques, ainsi que dans les textes littéraires plus concrets (récits historiques, correspondances), les ruines ne sont pas matière à une réflexion morale : elles sont présentées comme une source de laideur et une marque de dégradation de la ville.
Une menace pour l’intégrité de la ville
Le paysage urbain défiguré
7Pour le législateur et les juristes romains, les ruines représentent une menace, non par leur dimension symbolique, mais parce qu’elles introduisent très concrètement une difformité dans le paysage et une discontinuité dans le tissu urbain. Le juriste Salvius Julianus, actif au milieu du iie siècle ap. J.-C., déconseille ainsi la démolition des édifices illégalement bâtis sur l’espace public :
« Au cas où un individu a bâti sur un terrain public, sans que personne l’en empêche, il ne faut pas le contraindre à démolir cet édifice, pour éviter que la ville ne soit défigurée par des ruines (ne ruinis urbs deformetur). » [19]
9Dans cet extrait, le juriste commente l’édit du préteur, qui prévoit que le magistrat puisse s’opposer à la construction sur terrain public. La crainte des ruines conduit donc à tolérer des édifices illégaux plutôt qu’à imposer une démolition. Au début du iiie siècle, Ulpien reprend la même formule mot pour mot et ajoute qu’il est préférable d’imposer une redevance (uectigal) à l’édifice en question [20]. D’après les deux juristes, les démolitions risquent donc de laisser des ruines dans le paysage et, par conséquent, d’entraîner une difformité pour la ville. La conséquence néfaste de destructions sur l’espace urbain est aussi une préoccupation impériale, comme le montre une constitution de l’empereur Sévère Alexandre en 222 :
« Il a été interdit, par un édit du divin Vespasien et par un sénatus-consulte, de détruire un édifice et d’en détacher les marbres dans l’intention d’en faire commerce. Il est toutefois permis d’en transférer certains d’une maison à une autre, mais ce transfert n’est pas permis aux propriétaires si l’aspect public est défiguré par les édifices intégralement mis à terre (ut integris aedificiis depositis publicus deformetur adspectus). » [21]
11Le rescrit de Sévère Alexandre fait suite à une série de mesures remontant au ier siècle ap. J.-C., qui interdisent de démolir une maison ou une villa pour en revendre les matériaux au détail [22]. Jusque-là, cette interdiction ne s’appliquait pas aux propriétaires qui faisaient démolir l’une de leurs propriétés pour réutiliser les matériaux dans une autre [23]. L’empereur introduit une exception en invoquant le paysage environnant : un propriétaire peut remployer les matériaux et éléments de décor (le texte emploie la catégorie générique des « marbres », c’est-à-dire tous les décors pariétaux) à condition que la maison qu’il dépouille ne soit pas détruite au point de défigurer l’aspect public. Le critère déterminant la possibilité pour un propriétaire de disposer de sa maison est à première vue esthétique, puisqu’il s’agit de préserver « l’aspect public ». Une étude lexicale permet cependant de montrer que le problème n’est pas uniquement l’apparence extérieure des bâtiments.
12Les textes des juristes Salvius Julianus et Ulpien, comme la loi de Sévère Alexandre, utilisent le verbe deformare : les édifices détruits « déforment » la ville ou l’aspect public. L’association de ce verbe ou de l’adjectif deformis à la notion de ruines est ancienne dans la littérature latine : on la trouve chez César, Pline le Jeune et Suétone [24]. Deformis a bien un sens esthétique, puisque l’adjectif s’applique souvent aux corps difformes, handicapés ou seulement laids [25], mais la deformitas est aussi la privation de la forma, la configuration propre d’une chose et, dans le cas d’une ville, son plan [26]. Les destructions bouleversent en effet les limites de propriété et le réseau viaire. Selon Tite-Live, l’aspect tortueux des rues de Rome remonterait à la reconstruction hâtive menée après l’incendie causé par les Gaulois en 390 av. J.-C. : la forma urbis, dit-il, donne l’impression d’une occupation plutôt que d’une division régulière [27]. En 64 de notre ère, Néron aurait encore été « offensé par la deformitas des anciens édifices et par l’étroitesse et la sinuosité des rues » [28] et c’est la raison pour laquelle, selon Suétone, il aurait mis le feu à la Ville. Six ans plus tard, après les affrontements violents de décembre 69 et l’incendie du Capitole, Vespasien trouva lui aussi « la ville défigurée par les ruines et les vieux incendies » (deformis urbs ueteribus incendiis ac ruinis) [29]. Tous ces exemples montrent comment une catastrophe perturbe la forma urbis et rend donc cette ville deformis, non seulement laide, mais désordonnée, presque méconnaissable.
13Les ruines, même celles d’un bâtiment privé, comme l’attestent les textes d’Ulpien ou de Sévère Alexandre, sont donc pour l’espace urbain une défiguration. Cette image continue d’être utilisée dans l’Antiquité tardive. En 297 ap. J.-C., trente ans après la destruction d’Autun par les troupes de l’usurpateur Victorin [30], un notable éduen, Eumène, prononce un discours devant le gouverneur de la province dans lequel il remercie les empereurs d’avoir remis en état la cité et appelle en même temps à restaurer les scholae Maenianae, toujours en ruines. Parmi les arguments invoqués, le rhéteur cite la défiguration du paysage environnant :
« J’ajoute, Excellence, qu’une chose met ce bâtiment plus en vue et attire sur lui davantage les regards des Césars et de tous les citoyens, c’est qu’il se dresse dans un des principaux quartiers, pour ainsi dire entre les yeux de la cité, entre le temple d’Apollon et le Capitole. Raison de plus pour que ce siège sacrosaint, rendu vénérable par le voisin qu’il a de chaque côté, soit restauré par respect pour l’une et l’autre divinité, afin que ces ruines au milieu ne défigurent pas les temples qui sont de beaucoup les plus beaux de ceux de notre ville (ne fana longe omnium in hac urbe pulcherrima labes media deformet). » [31]
15Les temples d’Apollon et de Jupiter Capitolin sont ici une métonymie de la ville. Parce qu’ils sont les plus beaux d’Autun et également les plus centraux, ils ne peuvent admettre des ruines dans leur voisinage. Les deux temples sont qualifiés d’« yeux de la cité », ce qui met en avant leur centralité et leur préciosité, et fait ressortir l’image d’une défiguration [32]. Pour Eumène, les ruines sont incompatibles avec la dignité de sa cité et avec la renaissance urbaine que connaîtrait la Gaule, selon lui, sous le règne des Tétrarques.
Négligence et sauvagerie contre civilisation
16En effet, pour mieux convaincre le gouverneur et recevoir des subsides, le rhéteur insiste sur le contraste entre ces écoles encore ruinées et l’entreprise de restauration généralisée menée par les empereurs. Ses contemporains peuvent voir « tout ce qui s’était écroulé dans les ruines du passé se redresser dans la félicité du siècle présent, tant de villes longtemps envahies par les forêts et habitées par les bêtes sauvages se relever avec leurs murailles et se peupler de nouveau » [33]. Les villes détruites sont revenues à la nature sauvage : les arbres remplacent les murs et les habitants sont désormais des bêtes. À l’opposé, dit-il un peu plus loin, la restauration menée par les empereurs fait fleurir les murailles comme des moissons : les enceintes urbaines, symboles d’une renaissance des cités, sont comparables à des épis de blé, donc à une nature maîtrisée [34]. Les ruines, en renvoyant l’urbain du côté du sauvage, constituent donc une menace pour la civilisation.
17L’opposition entre les ruines et la civilisation est renforcée, à partir du ive siècle, quand les discours sur les édifices détruits ajoutent à l’idée de défiguration celle de saleté et de négligence. Une inscription de Rome, datée de 390, commémore la restauration, par le préfet de la Ville, d’un nymphée « enlaidi par la saleté des ordures et défiguré par la nudité des marbres [35] » (sordium squalore foedatum et marmorum nuditate deformem) ; à Antium, à la même période, on restaure des thermes à « l’aspect sali par la difformité de la ruine » (speciem ruinae deformitate {m} sordentem) [36]. Dans l’Antiquité tardive, les discours gravés dans la pierre par les autorités ou les notables appliquent aux bâtiments détruits l’association rhétorique déjà ancienne entre laideur et saleté, qui jusqu’ici ne portait que sur les corps [37]. Dans la littérature classique, en effet, les corps sales deviennent laids et méconnaissables [38]. Or la saleté est une conséquence directe de la négligence, tandis que l’homme civilisé, celui qui vit en cité, a le devoir d’être propre [39]. De même que le citoyen doit se nettoyer, les édifices publics comme privés des cités doivent être entretenus. La saleté et la difformité des ruines sont donc encore une forme de négation de la ville, en tant que lieu primordial de la civilisation romaine.
Rétablir les villes en ruines
Restaurer la parure urbaine et la dignité des cités
18Images de la mort des villes, symboles d’une défiguration de l’espace urbain et de l’irruption de forces contraires à la civilisation, les ruines sont donc combattues par les autorités civiques comme par les pouvoirs publics. Si les villes détruites sont souvent comparées à des cadavres, leur mort, contrairement à celle des hommes, n’est cependant pas irréversible. Ainsi Sénèque console son ami lyonnais Libéralis en lui montrant que sa cité, détruite par un incendie, peut toujours renaître :
« Bien des choses ne sont tombées que pour se dresser plus haut encore. Timagène, cet ennemi de la prospérité de notre ville, disait que, si les incendies de Rome lui faisaient de la peine, c’était uniquement parce qu’il savait que de plus beaux édifices sortiraient de leur brasier. À l’égard de la ville de Lyon, on peut de même présumer que tous seront piqués d’émulation pour la rétablir plus grande et mieux garantie qu’avant le désastre. » [40]
20De fait, dans les textes littéraires, les bâtiments ou les villes en ruines n’apparaissent souvent que lorsque l’auteur fait mention de leur restauration. Après une catastrophe naturelle qui ravage une ville entière, l’empereur verse des subsides pour la reconstruction [41] et ce fait est rapporté par les historiens et les biographes. À l’échelle locale également, de nombreuses inscriptions commémorent la restauration d’un ouvrage public par un bienfaiteur, par les autorités civiques ou par le gouverneur. La reconstruction des édifices et des villes est donc un acte souvent célébré dans le monde romain.
21La remise en état des bâtiments publics comme privés a certes des implications fiscales et économiques pour les cités, car des demeures en ruines immobilisent des terrains qui pourraient être mis en valeur [42] et reflètent parfois le dépeuplement de la ville [43]. Néanmoins, la valeur la plus souvent invoquée dans les inscriptions comme dans les textes juridiques est le rétablissement de la parure urbaine. Certaines dédicaces de restauration insistent sur l’ornementation de la patrie ou de l’image de la cité [44]. La parure urbaine est aussi une préoccupation impériale : à partir du ive siècle, d’après les constitutions impériales du titre De operibus publicis du Code Théodosien [45], les empereurs cherchent à orienter les dépenses des gouverneurs vers la restauration des édifices publics mal entretenus plutôt que vers des constructions neuves [46]. Cette politique ne vise pas à la préservation de bâtiments historiques, même si certains textes prêtent à confusion, comme cette constitution de Valentinien Ier en 365 :
« Votre Vigilance a totalement retiré aux gouverneurs la liberté d’entreprendre tout nouvel ouvrage (nouellum opus) s’ils négligent la réparation d’illustres bâtiments anciens (ueterum illustrium). En tout cas, il leur sera accordé une liberté tout à fait large et bienveillante pour restaurer à leur aspect antérieur et à un usage convenable les ornements des villes et les décors de marbres (ornamenta urbium ac decora marmorum), qui éprouvent en quelque mesure la vieillesse du temps. » [47]
23L’expression ueterum illustrium appliquée à des bâtiments a pu laisser croire que l’ancienneté des bâtiments était un critère valorisé par les empereurs [48]. Toutefois, cette constitution doit être replacée dans son contexte : la même année, Valentinien Ier envoie cinq constitutions contenant toutes la même prescription à des destinataires distincts [49], mais avec un vocabulaire qui varie – une pratique courante de la chancellerie impériale. Ces mesures imposent aux gouverneurs de restaurer avant de construire sur fonds publics, sans jamais donner la priorité aux ouvrages les plus anciens. Elles établissent une opposition entre l’existant et le nouveau, pas entre l’ancien et le récent [50]. Les termes les plus importants dans la constitution citée sont plutôt ornamenta urbium : les bâtiments publics, dans leur ensemble, forment la parure d’une ville. Les inscriptions civiques comme les normes émises par la chancellerie impériale expriment la même conception : chaque bâtiment public restauré participe d’un ensemble plus important, le décor civique, conçu comme un tout [51]. Les édifices privés contribuent également à la dignité urbaine, ce que les juristes appellent le decus urbium ou decus publicum [52], le decus étant à la fois le décor, mais aussi l’honorabilité. La restauration et la préservation des bâtiments, publics comme privés, révèlent donc un certain idéal civique : la parure d’une ville contribue à la dignité de la cité et doit être maintenue dans sa totalité. La ruine de chaque édifice entame le patrimoine monumental de la cité et menace la cité entière.
Ruines et recomposition urbaine : l’exemple de Pruse
24Enfin, la mention de bâtiments en ruines sert de repoussoir pour justifier des actions de remodelage du paysage urbain. Nous nous intéresserons au cas de Pruse, une cité de Bithynie, au début du iie siècle après J.-C., à travers le discours d’un notable local hellénophone, le sophiste Dion Chrysostome, et la correspondance d’un administrateur romain, le sénateur et gouverneur de Pont-Bithynie Pline le Jeune. Le premier a en effet entrepris, au début du règne de Trajan, d’embellir sa ville en faisant construire un ou plusieurs portiques [53]. Les travaux ont nécessité le réaménagement d’un quartier de la ville et des dépenses importantes ; mis en cause par des opposants à son projet, Dion répond aux critiques, dans plusieurs discours que nous avons conservés :
« Cette entreprise provoquait de la part de gens, peu nombreux certes, nombre de commentaires fort déplaisants : je rasais la ville, je l’avais anéantie en en expulsant pratiquement les citoyens, tout était détruit, sens dessus dessous, il ne restait rien. Ces gens gémissaient bien fort sur la forge d’un tel, mécontents de voir disparaître ces souvenirs du bon vieux temps, comme si on touchait aux Propylées, au Parthénon, ou bien comme si nous abattions l’Héraion de Samos, le Didyméion de Milet ou le temple d’Artémis à Éphèse, et non pas d’affreuses et ridicules ruines (ἐρείπια) beaucoup plus basses que les cabanes où se coulent les moutons et où aucun pâtre, aucun chien de race ne pourrait pénétrer. » [54]
26La construction nouvelle suscite l’hostilité de Prusiens attachés aux « souvenirs du bon vieux temps ». Néanmoins, ces réactions ne sont probablement pas la manifestation d’un attachement patrimonial, mais plutôt la crainte d’une disparition ou d’une relocalisation de certaines activités, manifestement artisanales. L’argumentation de Dion consiste donc à disqualifier le quartier démoli pour faire place à son portique. Pour cela, il qualifie les forges et les autres établissements ou logements qui s’y trouvaient d’ἐρείπια. Dans la littérature grecque, le terme désigne assurément des ruines ou les vestiges de monuments abandonnés : il est très fréquent chez un autre auteur de l’époque antonine, le périégète Pausanias qui décrit une Grèce souvent dépeuplée [55] ; c’est aussi dans ce sens que l’utilise Dion dans un autre discours [56]. Les ἐρείπια sont ici un terme dépréciatif, qui permet de justifier la disparition de bâtiments qui devaient pourtant être encore en usage : en l’utilisant, Dion espère discréditer l’argumentation de ses adversaires, preuve que les ruines ne sont pas porteuses d’une conscience historique. Les bâtiments délabrés ne correspondent pas à l’idéal que Dion se fait d’une cité, comme il le répète dans un autre discours prononcé à Pruse, dans lequel il justifie encore une fois les travaux qu’il a menés : « Mais on a besoin d’une ville de belle apparence, plus aérée, dotée de larges espaces, offrant de l’ombre l’été et des abris ensoleillés l’hiver et possédant, au lieu de ruines basses et misérables (φαύλων καὶ ταπεινῶν ἐρειπίων), des édifices élevés dignes d’une grande cité [57]. »
27À la même époque, vers 111-113, Pline le Jeune supervise la construction d’un bain à Pruse. Le gouverneur de la province de Pont-Bithynie n’est pas l’initiateur du projet, mais, conformément à ses fonctions, veille au bon usage des dépenses publiques par les autorités locales [58]. À ce titre, il est amené à chercher le meilleur emplacement pour le nouvel établissement et demande à Trajan la permission d’utiliser un terrain appartenant au patrimoine impérial : s’y trouve en effet une maison autrefois léguée à l’empereur Claude et destinée à devenir un temple en son honneur, mais depuis négligée et tombée en ruines. Pline met en avant l’intérêt pour la cité d’établir le bain à la place des ruines :
« Comme je cherchais, maître, un emplacement, à Pruse, où l’on pût construire le bain que tu m’as autorisé à faire, j’ai choisi un endroit (locus), où jadis, à ce qu’on me dit, se trouvait une belle maison, mais maintenant défiguré [59] par des ruines (nunc deformis ruinis). Cela nous permettra que cet aspect très laid de la ville soit orné (foedissima facies ciuitatis ornetur) et aussi que cette même ville soit augmentée, cela sans abattre aucun édifice, mais en développant en mieux ceux qui se sont effondrés sous l’effet de la vétusté. » [60]
29L’argumentation de Pline le Jeune est en apparence fallacieuse : il prétend ne démolir aucun édifice, mais au contraire rétablir des édifices effondrés. Son projet consiste pourtant bien à raser la maison qui occupait le terrain afin de construire à la place un édifice totalement différent. Il le justifie cependant par l’amélioration de l’ornementation urbaine : les ruines défigurent le terrain (locus... deformis) et donnent un visage très laid (foedissima facies) à la cité ; par cette construction, la cité se trouvera non seulement embellie, mais bien augmentée (amplietur) dans son patrimoine monumental. La disparition des ruines transforme donc plus que l’aspect de la ville, elle lui donne en quelque sorte un supplément d’être.
30La référence aux ruines dans les discours administratifs, juridiques ou littéraires fonctionne donc comme un contre-modèle, qui révèle par contraste un idéal de la ville antique, incompatible avec la présence de bâtiments détruits ou délabrés dans l’espace urbain. Les ruines constituent l’antithèse de la ville, elle-même fondement d’une « civilisation qui pendant plus de six siècles ne s’est pas conçue autrement qu’urbaine » pour reprendre la formule évocatrice de Pierre Gros [61]. Un paysage urbain harmonieux, non seulement beau par la multitude de ses édifices publics et de leurs ornements, mais aussi propre et ordonné, apparaît, pour les autorités et les élites du monde romain, comme le cadre nécessaire et optimal de la vie en cité.
Notes
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[1]
Chateaubriand, Le Génie du christianisme, IIIe partie, livre V, chap. III (éd. Gallimard, 1978, p. 881).
-
[2]
Selon Salvatore Settis (dans son article « La ville est en ruines », dans Salvatore Settis et Monica Preti (sous la direction de), Villes en ruines : images, mémoires, métamorphoses, Paris, Hazan, 2015, p. 23-24), l’intérêt pour les ruines provient de « la fracture brusque et traumatique » que constitue la chute de l’empire romain dans l’histoire et la mémoire culturelle de l’Europe.
-
[3]
L’apparition d’un intérêt historique pour les ruines antiques à la Renaissance a été étudiée par Sabine Forero-Mendoza, Le temps des ruines. Le goût des ruines et les formes de la conscience historique à la Renaissance, Paris, Champ Vallon, 2002 ; sur le xviiie siècle, voir Sophie Lacroix, Ce que nous disent les ruines. La fonction critique des ruines, Paris, L’Harmattan, 2007.
-
[4]
La création du service français des monuments historiques est intimement liée à l’intérêt pour les ruines antiques et médiévales, selon François Golven, « Ruines et vestiges : la politique du service français des monuments historiques », dans Chantal Liaroutzos (sous la direction de), Que faire avec les ruines ? Poétique et politique des vestiges, Rennes, P.U.R., 2015, p. 19-22.
-
[5]
Depuis l’article pionnier de Silvia Azzarà (« Osservazioni sul senso delle rovine nella cultura antica », dans Walter Cupperi (sous la direction de), Senso delle rovine e reuso dell’antico. Annali della Scuola Normale di Pisa, Quaderni, no 2, Pisa, Scuola Normale Superiore, 2002, p. 1-12), voir désormais les travaux d’Alain Schnapp (notamment son essai Ruines. Essai de perspective comparée, Lyon, PUL/Les presses du réel, 2015) et la monographie fondamentale de Massimiliano Papini, Città sepolte e rovine nel mondo greco e romano, Roma, Editori Laterza, 2011.
-
[6]
Il faut signaler sur ce sujet le bref article d’Andreas Grüner, « Ruinen ohne Romantik. Zerstörste Gebäude als urbanistisches Problem der frühen Kaiserzeit », dans Paul Zanker et Richard Neudecker (hg.), Lebenswelten. Bilder und Raüme in der römischen Stadt der Kaiserzeit, Wiesbaden, D. Ludwig Reichert Verlag, 2005, p. 39-50.
-
[7]
Le présent article synthétise certaines conclusions de notre thèse d’histoire soutenue en 2015 et qui sera publiée prochainement : Charles Davoine, La ville défigurée. Gestion et perception des ruines dans le monde romain (ier s. av. J.-C. – ive s. ap. J.-C.), Bordeaux, Ausonius Éditions (Scripta Antiqua 142), à paraître en 2020.
-
[8]
Rutilius Namatianus, Sur son retour, I, 414 : « oppida posse mori ».
-
[9]
Rut. Namat., respectivement I, 411-412 ; I, 228 ; I, 284-285 (traduction Étienne Wolf, éd. Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 2007).
-
[10]
La lettre de Sulpicius Rufus est connue par la correspondance de Cicéron (Ad Familiares, IV, 5, 4, traduction Jean Beaujeu, éd. Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 1983).
-
[11]
Les préjugés de Sulpicius Rufus sont soulignés par Susan Alcock, Graecia Capta. The landscapes of Roman Greece, Cambridge, CUP, 1993, p. 30-31 et William Hutton, Describing Greece. Landscape and Litterature in the Periegis of Pausanias, Cambridge, CUP, 2005, p. 46.
-
[12]
La destruction d’Athènes et du Pirée est rapportée par Plutarque, Sylla, 14, 7 ; celle d’Égine par Dion Cassius, Histoire romaine, XLII, 14, 3. Sur l’état matériel de Corinthe entre sa destruction et la reconstruction césarienne, voir Elizabeth R. Gebhard et Matthew W. Dickie, « The View from the Isthmus, ca. 200 t. 44 B.C. », Corinth (Corinth, The Centenary : 1896-1996), no 20, 2003, p. 261-278.
-
[13]
Ambroise de Milan, Lettres, VIII, 3.
-
[14]
Le possible déclin économique et matériel des villes de la vallée du Pô au ive siècle est discuté par Gian Pietro Brogiolo, « Ideas of the town in Italy during the transition from Antiquity to the Middle Ages », dans Gian Pietro Brogiolo et Bryan Ward-Perkins (ed.), The idea and ideal of the town between Late Antiquity and the Early Middle Ages, Leiden – Boston – Köln, Brill, 1999, p. 99-126, ainsi que par Federico Marazzi, « Cadavera urbium, nuove capitale e Roma aeterna : l’identità urbana in Italia fra crisi, rinascita e propaganda (secoli III-V) », dans Jens-Uwe Krause et Christian Witschel (hg.), Die Stadt in der Spätantike Niedergang oder Wandel ? Akten des internationalen Kolloquiums in München am 30. und 31. Mai 2003, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2006, p. 33-55.
-
[15]
Sénèque, Lettres à Lucilius, XIV, 91, 7 ; Marc Aurèle, Pensées, IV, 48.
-
[16]
Ménandre le Rhéteur, Traité I, 332, 8-10.
-
[17]
Laurent Pernot, La rhétorique de l’éloge dans le monde romain, Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 1993, p. 190-200. Dans le cas de Rome, Catharine Edwards, Writing Rome : textual approaches to the city, Cambridge, CUP, 1996, p. 27-43, a montré que les descriptions littéraires de l’Vrbs tiennent toujours compte de l’épaisseur historique dont le paysage urbain témoigne.
-
[18]
Massimiliano Papini, Città sepolte..., op. cit., p. 160.
-
[19]
Digeste XLIII, 8, 7 (Iul. 48 dig.).
-
[20]
Digeste XLIII, 8, 2, 17 (Ulp. 68 ad ed.).
-
[21]
Code Justinien VIII, 10, 2 (l’imperator Alexandre Auguste à Diogène).
-
[22]
Cette interdiction était contenue dans deux sénatus-consultes communément appelés « hosidien » et « volusien », datant respectivement de 47 et 56 ap. J.-C (édition FIRA I, p. 288- 290, n. 45). Voir Charles Davoine, « Encadrer le remploi. Destruction des édifices et réutilisation des matériaux dans les textes juridiques romains (Ier – IIIe s. ap. J.-C.) », Aedificare, no 4, 2018/2, p. 255-276.
-
[23]
Selon l’interprétation de Yan Thomas, « Les ornements, la cité, le patrimoine », dans Clara Auvray-Assayas (sous la direction de), Images romaines. Actes de la table ronde organisée à l’ENS (24-26/10/1996), Paris, P.E.N.S., 1998, p. 263-284, suivie par Julien Dubouloz, La propriété immobilière à Rome et en Italie. ier – ve siècles, Rome, École française de Rome (BEFAR, 343), 2011, p. 68-75.
-
[24]
Pseudo-César, Guerre d’Alexandrie, 24 : patriae quae turpibus incendiis et ruinis esset deformata ; Pline le Jeune, Lettres, X, 70 : locus... nunc deformis ruinis ; Suétone, Vespasien, 8, 8 : deformis urbs ueteribus incendiis ac ruinis erat (sur ces deux derniers textes, voir infra).
-
[25]
Voir Pierre Monteil, Beau et laid en latin. Étude de vocabulaire, Paris, Klincksieck, 1964, qui cite de nombreux exemples.
-
[26]
Claudia Moatti, Archives et partage de la terre dans le monde romain (iie siècle avant – ier siècle après J.-C.), Rome, École française de Rome (Coll. EFR 173), 1993, p. 43-48. Sur les nombreux sens du mot latin forma, voir Danielle Conso, Forma. Étude sémantique et étymologique, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté (ISTA), 2005.
-
[27]
Tite-Live, Histoire romaine, V, 55. Plutarque, Camille, 31, et Tacite, Annales, XV, 43, partagent l’opinion selon laquelle l’irrégularité du plan de Rome est issue de la reconstruction après l’incendie gaulois. Sur l’opposition entre l’occupatio et la diuisio, et leur rapport avec la forma, voir Catherine Saliou, « Entre le droit, l’histoire et la mémoire : le statut du sol de Rome dans l’Histoire Romaine de Tite-Live », dans Clément Chillet, Marie-Claire Ferriès et Yann Rivière (sous la direction de), Les confiscations, le pouvoir et Rome, de la fin de la République à la mort de Néron, Bordeaux, Ausonius, 2016, p. 53-66.
-
[28]
Suétone, Néron, 38, 3.
-
[29]
Suétone, Vespasien, 8, 8.
-
[30]
Sur le sort d’Autun à la fin du iiie siècle, voir Anthony Hostein, La cité et l’empereur. Les Éduens dans l’Empire romain d’après les Panégyriques latins, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012, particulièrement p. 152 pour les circonstances de sa destruction.
-
[31]
Panégyriques latins V, 9, 3-4 (traduction Édouard Galletier, éd. Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 1949, modifiée).
-
[32]
L’image des temples comme « yeux de la cité » se retrouve un siècle plus tard dans le Pro templis de Libanios (Or. XXX, 42).
-
[33]
Panégyriques latins V, 3, 2 (traduction É. Galletier, cf. supra).
-
[34]
La reconstruction des enceintes urbaines sous la Tétrarchie et l’idéologie qui l’accompagne sont étudiées par René Rebuffat, « Comme les moissons à la chaleur du soleil », dans Attilio Mastino (a cura di), L’Africa romana. Atti del VI convegno di studio, Sassari, 16-18 dicembre 1988, Sassari, Edizioni Gallizzi, 1989, p. 113-133.
-
[35]
CIL VI, 1728. La nuditas marmorum doit être comprise comme l’absence de marbres, peut-être en raison de la disparition du décor, plutôt que comme une caractéristique des marbres dont on verrait mal le sens.
-
[36]
CIL X, 6656.
-
[37]
À une exception près : dans sa correspondance avec Trajan, Pline le Jeune associe déjà l’insalubrité d’un égout d’Amastris avec la laideur de la ville, mais il n’est pas question d’édifices en ruines (Pline le Jeune, Lettres, X, 98).
-
[38]
Par exemple Tite-Live, Histoire romaine II, 23, 3-5 et Sénèque, Consolation à Polybe, XVII, 6.
-
[39]
Voir l’étude menée par Michel Blonski, Se nettoyer à Rome (iie siècle av. J.-C.-iie siècle ap. J.-C.). Pratiques et enjeux, Paris, Les Belles Lettres, 2014.
-
[40]
Sénèque, Lettres à Lucilius, XIV, 91, 13 (traduction Henri Noblot, éd. Les Belles Lettres, Collection des Universités de France, 1962).
-
[41]
Ce sujet a été abondamment traité par les historiens : voir, entre autres, Fergus Millar, The emperor in the Roman World, 31 BC - AD 337, London, Duckworth, 1977, p. 422-425 ; Marietta Horster, Bauinschriften römischer Kaiser, Stuttgart, F. Steiner, 2001 ; Alfredina Storchi Marino, « Munificentia principis e calamità naturali », dans Alfredina Storchi Marino e Giovanna Daniela Merola (a cura di), Interventi imperiali in campo economico e sociale, da Augusto al Tardoantico, Bari, Epiduglia, 2009, p.183-224.
-
[42]
Pline le Jeune, Lettres, X, 70, témoigne du cas d’une maison en ruines à Pruse qui, auparavant, fournissait un revenu à la cité (voir infra). Deux constitutions datées de 378 et 398 imposent la restauration ou la vente de domus appartenant à la res privata et qui ne produisent plus de revenus en raison de la négligence des procurateurs (Cod. Theod. X, 2, 1 et 2).
-
[43]
Ainsi, une constitution impériale de 377 oblige les propriétaires, et en particulier les curiales, à restaurer leurs demeures urbaines pour qu’ils ne fuient pas leurs charges civiques (Cod. Iust. VIII, 10, 8).
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[44]
Par exemple CIL X, 6656 (Antium) : des thermes sont rénovés « pour une meilleure image de la cité » (in meliorem ciuitatis effigiem) ; AE 1987, 1082 (Mascula) : restauration de thermes « pour la splendeur tant de la patrie que de la province » (ad splendorem tam patriae quam provinciae) ; AE 1991, 1641 (Abthugnos) : reconstruction de rostres « pour l’ornementation de la patrie » (ad ornatum patriae).
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[45]
Le Code Théodosien rassemble des constitutions impériales datant des ive et ve siècles et fut promulgué en 438. Celles contenues dans le titre 1 du livre XV, consacré aux ouvrages publics, sont traduites et commentées dans Yves Janvier, La législation du Bas-Empire romain sur les édifices publics, Aix-en-Provence, La pensée universitaire, 1969.
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[46]
Un rescrit d’Antonin le Pieux permettait déjà aux cités d’affecter à l’entretien des édifices publics existants de l’argent légué pour un ouvrage neuf (Digeste X, 10, 7), mais ce n’est qu’une possibilité, non une obligation. Par ailleurs, depuis le règne de Trajan, les curateurs de cités avaient pour mission de veiller au bon emploi des finances municipales, mais on n’a pas de trace d’une incitation à la reconstruction plutôt qu’à la construction : voir François Jacques, Le privilège de liberté. Politique impériale et autonomie municipale dans les cités de l’Occident romain (161-244), Rome, École Française de Rome, 1984 (Coll. EFR, 76), p. 282-301 et 687-786.
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[47]
Cod. Theod. XV, 1, 16 (traduction Yves Janvier, La législation..., op. cit., p. 149-151).
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[48]
Par exemple Angelika Geyer, « ‘‘Ne ruinis urbs deformetur’’. Äesthetische Kriterien in der spätantiken Bauforschung », Boreas, no 16, 1993, p. 63-77.
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[49]
Ce sont les constitutions Cod. Theod. XV, 1, 11 ; XV, 1, 14 ; XV, 1, 15 ; XV, 1, 16 ; XV, 1, 17.
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[50]
Réagissant, entre autres, contre l’article d’A. Geyer, Ralf Behrwald, Die Stadt als Museum ? Die Wahrnehmung der Monumente Roms in der Spätantike, Berlin, Akademie Verlag, 2009, p. 60- 63 et p. 99-127, montre qu’on ne peut pas parler de « monuments historiques » pour l’Antiquité tardive.
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[51]
Voir à ce sujet l’analyse de Yan Thomas, « Les ornements... », op. cit.
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[52]
Digeste XXXIX, 1, 20, 10 (Ulpien ad. ed. 71) : « ne pas abandonner les édifices est important pour le décor des villes » (etenim pertinet ad decus urbium aedificia non derelinqui) ; Valentinien Ier (Cod. Theod. XIII, 6, 7) mentionne des maisons, qui contribuent « par leur parure au décor des villes » (cultu decus urbium). Selon une constitution de Constantin (Cod. Iust. VIII, 10, 6), en 321, le décor des maisons urbaines participe au decus publicum.
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[53]
La nature et le nombre des constructions réalisées par Dion à Pruse sont difficiles à établir précisément : voir Giovanni Salmeri, « Dio, Rome, and the Civic Life of Asia Minor », dans Simon Swain (ed.), Dio Chrysostom. Politics, Letters, and Philosophy, Oxford, O.U.P., 2000, p. 53-92.
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[54]
Dion Chrysostome, Discours XL, Sur la concorde avec Apamée, 8-9 (Dion de Pruse. Discours bithyniens (discours 38-51), traduction avec introduction, notes et commentaire par Marcel Cuvigny, Paris, Les Belles Lettres, 1994 ; traduction modifiée).
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[55]
William Kendrick Pritchett, Pausanias Periegetes, II, Amsterdam, J. C. Gieben Publisher, 1999, p. 215-216, propose une liste des édifices en ruines dans l’œuvre de Pausanias.
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[56]
Dion Chrysostome, Discours, XXXI, 160.
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[57]
Dion Chrysostome, Discours, XLVII, 15 (traduction M. Cuvigny modifiée). Les habitants des cités d’Asie Mineure, à l’époque romaine, accordent une grande importance à l’embellissement de leur ville, d’après Anne-Valérie Pont, Orner la cité : enjeux culturels et politiques du paysage urbain dans l’Asie gréco-romaine, Pessac, Ausonius, 2010.
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[58]
Sur l’activité édilitaire de Pline en Bithynie, voir Anne Daguet-Gagey, « Les opera publica dans la correspondance de Pline le Jeune avec Trajan », dans Janine Desmulliez, Christine Hoëtvan Cauwenberghe et Jean-Christophe Jolivet (sous la direction de), L’étude des correspondances dans le monde romain de l’Antiquité classique à l’Antiquité tardive : permanences et mutations, Lille, Presses de l’Université Charles de Gaulle-Lille 3, 2010, p. 247-272.
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[59]
Il me semble que l’adjectif deformis porte bien sur locus, non sur domus, car l’argumentation de Pline repose sur l’assimilation de cet endroit à un terrain, certes encombré de ruines, mais constructible.
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[60]
Pline le Jeune, Lettres, X, 70 (traduction personnelle).
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[61]
Pierre Gros, « La ville comme symbole. Le modèle central et ses limites », dans Hervé Inglebert (sous la direction de), Histoire de la civilisation romaine, Paris, PUF (coll. Nouvelle Clio), 2005, p. 155.