Notes
-
[1]
Bibliothèque de Genève [désormais BGE], Journal d’A. A. A. Dunant-Martin, Ms fr. 901, 21 octobre 1782.
-
[2]
Pierre Bourdieu, Sur l’État. Cours au collège de France, 1989-1992, Paris, Seuil / Raisons d’agir, 2012 ; Daniel Roche, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1997.
-
[3]
Anton Tantner, Die Hausnummer. Eine Geschichte von Ordung und Unordnung, Marburg, Jonas Verlag, 2007 ; Id., « Addressing the Houses. The Introduction of House Numbering in Europe », Histoire & Mesure, XXIV-2, 2009, p. 7-30 ; Reuben Rose-Redwood, « Indexing the great ledger of the community : urban house numbering, city directories, and the production of spatial legibility », Journal of Historical Geography, 34, 2008, p. 286-310 ; Jeanne Pronteau, Les numérotages des maisons de Paris du XVe siècle à nos jours, Paris, Service historique de la ville de Paris, 1966.
-
[4]
Anton Tantner, « Addressing the Houses », op. cit., p. 16-17.
-
[5]
Philippe Robert, « Les territoires du contrôle social, quels changements ? », Déviance et Société, 24/3, 2000, p. 215-235 ; David Garrioch, « House names, shop signs and social organization in Western European cities, 1500-1900 », Urban history, 21 /1, 1994, p. 20-48.
-
[6]
Catherine Denys, Police et sécurité au XVIIIe siècle dans les villes de la frontière franco-belge, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 362-365 ; Ead., La police de Bruxelles entre réformes et révolutions (1748-1814). Police urbaine et modernité, Turnhout, Brepols, 2014, p. 67 ; Reuben Rose-Redwood, « Indexing the great ledger... », op. cit., p. 291-292.
-
[7]
Anton Tantner, Die Hausnummer, op. cit., p. 27-34.
-
[8]
Jeanne Pronteau, Les numérotages..., op. cit., p. 82-85. Vincent Denis montre l’attitude ambiguë du lieutenant général de police de Paris, Lenoir, qui finit par interdire le numérotage privé, tout en y adhérant sur le fond : Vincent Denis, Une histoire de l’identité. France, 1715-1815, Seyssel, Champ Vallon, 2008, p. 287.
-
[9]
Reuben Rose-Redwood, « ‘‘A regular state of beautiful confusion’’ : governing by numbers and the contradictions of calculable space in New York City », Urban History, 39/4, 2012, p. 627- 628.
-
[10]
Vincent Denis, Une histoire de l’identité, op. cit., p. 286.
-
[11]
Reuben Rose-Redwood, « Indexing the great ledger... », op. cit. ; Anton Tantner, « Addressing the Houses », op. cit.
-
[12]
Pierre Lascoumes, « La Gouvernementalité : de la critique de l’État aux technologies du pouvoir », Le Portique, 13-14, 2004, p. 169-189 ; Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, 1977-1978, Paris, Seuil / Gallimard, 2004 ; Id., « Omnes et singulatim. Vers une critique de la raison politique », Dits et écrits. II, Paris, Gallimard, 2001, p. 953-980.
-
[13]
Jean Seznec (édité par), Mémoire sur la réformation de la police de France, soumis au roi par M. Guillaute en 1749, Paris, Herman, 1974 ; Daniel Roche, Le peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au XVIIIe siècle, Paris, Aubier, 1981, p. 278-279 ; Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, op. cit., p. 348.
-
[14]
Vincent Denis, Vincent Milliot, « Police et identification dans la France des Lumières », Genèses, 54, 2004, p. 7-8 ; Vincent Denis, Pierre-Yves Lacour, « La logistique des savoirs. Surabondance d’informations et technologies de papier au XVIIIe siècle », Genèses, 102, 2016, p. 107-122 ; Marco Cicchini, « Police », dans Bronislaw Baczko, Michel Porret, François Rosset (sous la direction de), Dictionnaire critique de l’utopie au temps des Lumières, Genève, Georg, 2016, p. 1005- 1024.
-
[15]
Nicolas Delamare (continuation par Anne Leclerc du Brillet), Traité de la police, t. IV, Paris, Chez Jean-François Hérissant, 1738, p. 457.
-
[16]
Pierre Bourdieu, Sur l’État, op. cit., p. 81 .
-
[17]
Par exemple Johann Heinrich Gottlob von Justi, Die Grundfeste zu der Macht und Glϋckseeligkeit der Staaten oder ausfϋhrliche Vorstellung der gesamten Policey-Wissenschaft, Königsberg / Leipzig, Hartung, vol. I, 1761, p. 181-203 ; Paolo Napoli, « Le discours de la police et de l’arithmétique politique (XVIe-XVIIIe siècle) », dans Alain Caillé, Christian Lazzeri et Michel Sennelart (sous la direction de), Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique, Paris, La Découverte, 2001, p. 281-292.
-
[18]
Marco Cicchini, « Être magistrat de police en République, ou apprendre à gouverner. L’exemple de Genève au XVIIIe siècle », dans Jean-Marc Berlière et al. (sous la direction de), Métiers de police. Être policier en Europe, XVIIIe-XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 45-59.
-
[19]
Archives d’État de Genève [désormais AEG], Jur. Pen. I2 10, 22 octobre 1758, p. 13.
-
[20]
AEG, Jur. Pén. I2 10, 8 janvier 1759, p. 24 ; idem, 20 novembre 1759, p. 60 ; idem, 21 septembre 1765, p. 353-354 ; 24 janvier 1769, p. 522.
-
[21]
AEG, 13 mars 1769, Placard 196.
-
[22]
AEG, Jur. Pén. I2 19, 26 mai 1769, p. 553. Bien que les autorités renoncent à imposer le port ostensible de la marque de fer sur les habits des coupeurs de bois, elles exigent qu’ils en soient pourvus au moins dans leur poche.
-
[23]
AEG, Jur. Pén. I2 10, 22 août 1761, p. 164.
-
[24]
En 1781, l’auditeur Bourdillon indique, dans son journal personnel, que 25 chariots en service au port sont « numérotés au derrière, sur une plaque de fer blanc » : BGE, Ms suppl. 1116, fol. 24 r.
-
[25]
AEG, Jur. Pén. I2 10, 10 juin 1763, p. 261 .
-
[26]
AEG, Jur. Pén. I2 11, 27 juin 1780 , annexe p. 401 . La mesure ne semble pas avoir été effective dans l’immédiat, mais elle l’est avant décembre 1783 : Jur. Pén. I2 12, 29 novembre 1783 p. 114.
-
[27]
AEG, R.C. cop. 292, 20 juin 1788, p. 509-510.
-
[28]
AEG, Jur. Pén. I2 13, 23 septembre 1788, p. 137-139 ; ibidem, 17 avril 1789, p. 191-193.
-
[29]
Sur cet épisode au retentissement européen : Jean-Daniel Candaux, « La révolution genevoise de 1782 : un état de la question », L’Europe et les révolutions (1770-1800), Études sur le XVIIIe siècle, Bruxelles, Éditions de l’Université libre de Bruxelles, 1980, p. 77-93 ; Franco Venturi, « ‘‘Ubi libertas, ibi patria’’ : la rivoluzione ginevrina del 1782 », dans Manuela Albertone (sous la direction de), Pagine repubblicane, Turin, Einaudi, 2004, p. 111-128 ; Marc Neuenschwander, « Les troubles de 1782 à Genève et le temps de l’immigration : en marge du bicentenaire de la naissance du général Guillaume-Henri Dufour », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, 19, 1989, p. 127-188.
-
[30]
Édouard Chapuisat, La prise d’arme de 1782 à Genève, Genève, Jullien, 1932, p. 154.
-
[31]
AEG, R.C. 283, 17 septembre 1782, p. 367.
-
[32]
Ce corpus réglementaire de la monarchie française inspire les ordonnances militaires genevoises de 1783 et de 1787 : Marco Cicchini, La police de la République. L’ordre public à Genève au XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 205.
-
[33]
Ordonnance pour régler le service dans les places et dans les quartiers du premier mars 1768, titre V, art. 3.
-
[34]
Anton Tantner, Ordnung der Häuser, Beschreibung der Seelen. Hausnummerierung und Seelenkonskription in der Habsburgermonarchie, Innsbruck, StudienVerlag, 2007, p. 65.
-
[35]
Marco Cicchini, « Milices bourgeoises et garde soldée à Genève au XVIIIe siècle. Le républicanisme classique à l’épreuve du maintien de l’ordre », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 62/2, 2014, p. 120-149.
-
[36]
Jeanne Pronteau, Les numérotages..., op. cit., p. 81 .
-
[37]
AEG, Finances W 122, parcelle no 41, 4-10 octobre 1782, comptes de Voirin et de Champod.
-
[38]
AEG, Finances W 122, parcelle no 46 (8-14 novembre 1782), comptes de Luxembourg et consorts ; AEG, Recensement A 10.
-
[39]
AEG, Recensement A 10. Les archives conservent, sous cette cote, quatre listes numériques datées de 1782 pour chacun des quartiers. Elles indiquent, rue par rue, le numéro et le propriétaire de chaque maison. On ne sait si ces listes ont servi à numéroter les maisons ou si elles ne sont que la mémoire du numérotage déjà réalisé.
-
[40]
Rocher Chartier, Inscrire et effacer. Culture écrite et littérature (XIe-XVIIIe siècle), Paris, Seuil / Gallimard, 2005.
-
[41]
Anton Tantner évoque le conte d’Ali Baba que popularise Antoine Galland dès le début du XVIIIe siècle : « Addressing the Houses », op. cit., p. 11-12.
-
[42]
BGE, Archives Tronchin 335, fol. 38 r-v.
-
[43]
AEG, R. publ. 6, 21 octobre 1782, p. 273.
-
[44]
AEG, R. publ. 6, 24 octobre 1782, p. 273. Michel Porret, Le crime et ses circonstances. De l’esprit de l’arbitraire au siècle des Lumières selon les réquisitoires des procureurs généraux de Genève, Genève, Droz, 1995 ; Jean Nicolas, La rébellion francaise : mouvements populaires et conscience sociale (1661-1789), Paris, Seuil, 2002.
-
[45]
BGE, Journal d’A. A. A. Dunant-Martin, Ms fr. 901, 21 octobre 1782.
-
[46]
Marc Neuenschwander, « Les troubles de 1782 à Genève », op. cit.
-
[47]
AEG, Finances W 122, parcelle no 46 (8-14 novembre 1782), comptes de Luxembourg et consorts.
-
[48]
AEG, R.C. 283, 23 octobre 1782, p. 416.
-
[49]
AEG, P.C. 13966, 22-25 octobre 1782.
-
[50]
AEG, P.C. 13967, « Réponses personnelles » de Françoise Jouard, 23 octobre 1782.
-
[51]
AEG, P.C. 13970, 23-25 octobre 1782.
-
[52]
AEG, R.C. 283, 23 octobre 1782, p. 416.
-
[53]
AEG, R.C. 283, 21 et 24 octobre 1782, p. 412 et 420.
-
[54]
AEG, P.C. 13964, « Déposition », François Victor, 22 octobre 1782.
-
[55]
AEG, P.C. 13967, « Réponses personnelles » de Françoise Jouard, 24 octobre 1782.
-
[56]
Vincent Denis, Une histoire de l’identité, op. cit., p. 287 et 392.
-
[57]
Anton Tantner, Ordnung der Häuser..., op. cit.
-
[58]
Sur « l’air d’égalité » qu’instaure le numéro des maisons contre la distinction aristocratique, voir Louis Sébastien Mercier, Tableau de Paris, t. 2, Amsterdam, 1782, « Les écriteaux des rues », p. 202-204.
-
[59]
Gabriella Silvestrini, « Le républicanisme de Rousseau mis en contexte : le cas de Genève », Les études philosophiques, 2007/4, no 83, p. 519-541
-
[60]
AEG, Militaire A1, 4 juin 1783, p. 144.
-
[61]
Feuille d’avis de Genève, 4 janvier 1783, no 1 (22 adresses numérotées contre 80 non numérotées) ; 13 décembre 1783, no 50 (41 contre 103) ; 6 décembre 1788, no 98 (53 contre 106).
-
[62]
Programme. Extrait des registres de l’Assemblée Nationale, du mercredi 29 janvier 1794, l’an 3 de l’Égalité. Projet de lois politiques, secondaires à la constitution, Genève, 1794. Je dois cette information à Vincent Fontana que je remercie pour sa bienveillance.
-
[63]
Nouveau numérotage des maisons de la ville de Genève, suivant le Règlement adopté le 23 octobre 1860 , Genève, 1862.
-
[64]
Mona Ozouf, « Architecture et urbanisme : l’image de la ville chez Claude- Nicolas Ledoux », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 21 /6, 1966, p. 1273-1304 ; Bronislaw Baczko, Lumières de l’utopie, Paris, Payot, 2001 [1978].
-
[65]
Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, op. cit. ; Jean-Claude Perrot, Genèse d’une ville moderne. Caen au XVIIIe siècle, Paris / La Haye, Mouton, 1975, p. 665.
-
[66]
AEG, Finances W 122, no 41 et no 46.
-
[67]
Catherine Denys, Brigitte Marin, Vincent Milliot (sous la direction de), Réformer la police. Les mémoires policiers en Europe au XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.
-
[68]
Marco Cicchini, « Gouverner la nuit au siècle des Lumières. Entre tyrannie des heures noires et plaisirs noctambules », xviii.ch. Annales de la Société suisse pour l’étude du XVIIIe siècle, no 2, 2011, p. 39-65 ; Corinne Walker, « Du plaisir à la nécessité. L’apparition de la lumière dans les rues de Genève à la fin du XVIIIe siècle », dans François Walter (sous la direction de), Vivre et imaginer la ville au XVIIIe siècle, Genève, Zoé, 1988, p. 97-124.
-
[69]
Jacques-Guy Petit, « Les régulations sociales et l’histoire », dans Jean-Marie Fecteau, Janice Harvey (sous la direction de), La régulation sociale entre l’acteur et l’institution. Pour une problématique historique de l’interaction, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2007, p. 37.
-
[70]
Richard Sennett, La chair et la pierre : le corps et la ville dans la civilisation occidentale, Paris, Verdier, 2002.
« Le Conseil fit publier que par son ordre on avait commencé à numéroter toutes les maisons et que l’on continuerait pour des raisons de police, défendant à qui que se soit d’effacer les numéros. Dans la nuit du lundi au mardi, et le mardi, on en effaça beaucoup à Saint-Gervais et derrière le Rhône. On fit alors beaucoup de patrouilles jour et nuit. On conduisit en prison trois ou quatre personnes convaincues d’en avoir effacé. Celle qui fut jugée la plus sévèrement fut condamnée à deux mois de prison et à 100 florins d’amende » [1] .
1 Objet anodin inscrit dans la routine quotidienne de notre temps, la numérotation des maisons constitue pourtant un observatoire fécond pour penser la genèse de l’État et sa consolidation au cours de l’époque moderne. La banalité des numéros des maisons comme principe de régulation collective de l’espace urbain ne doit pas faire oublier qu’ils sont historiquement liés à l’affirmation des structures étatiques [2]. Leur invention est relativement récente. Dispositif numérique qui désigne publiquement le domicile particulier ou l’activité commerciale, la numérotation des maisons s’implante un peu partout en Europe à partir du siècle des Lumières. Elle apparaît de manière pérenne et systématique vers le mitan du XVIIIe siècle, aussi bien dans les villes de province que dans les capitales, comme en Prusse dès 1737 (1799 à Berlin), à Madrid en 1750, à Trieste en 1754, à Londres au début des années 1760, à Lille en 1765, à Copenhague en 1771, à Paris en 1779, à Genève en 1782, à Milan en 1786, à Philadelphie en 1785-1791 ou à New York en 1793 [3]. La chronologie et la géographie des premiers numérotages systématiques des maisons dépassent le cadre politique de l’absolutisme ou du despotisme éclairé. À partir des années 1790, les guerres révolutionnaires exportent le dispositif aux villes d’Allemagne, de Suisse et des Pays-Bas [4]. En rompant avec la connaissance intime du territoire urbain, avec les repères de voisinage et l’interconnaissance des habitants, la localisation numérique instaure de nouvelles catégories administratives de perception de l’espace dans les villes dès l’Ancien Régime [5].
2 Le numérotage des maisons essaime à grande échelle en l’espace de quelques décennies. Dans bien des cas, l’origine du numérotage est militaire. L’ordre numérique facilite le logement des troupes de guerre de passage dans une ville ou en cas d’occupation, comme dans les villes frontières du nord de la France ou en Amérique du Nord [6]. Dès 1770, dans les possessions des Habsbourg (Bohême, Autriche), le recrutement militaire s’appuie sur la numérotation des maisons. À des fins de recensement, le numérotage est également utilisé dès le début du XVIIIe siècle à Vienne et à Prague pour identifier les populations juives ou à Philadelphie en 1790, lors du premier recensement fédéral [7]. Le rôle de l’État ou de l’armée est primordial, mais le marquage numérique rencontre aussi l’intérêt des éditeurs d’almanachs ou d’annuaires désireux de proposer des « livres d’adresse ». Nouvelles formes de lisibilité sociale, bottins, directories, Adressbϋcher se diffusent un peu partout en Europe. C’est, par exemple, à l’initiative d’un éditeur privé que le premier numérotage parisien de 1779 est inauguré [8]. De même que les finalités du numérotage sont multiples, les systèmes adoptés varient fortement (numérotation par quartiers, par blocs de maisons, par rues, etc.), avant que ne s’affirme la préférence générale pour la numérotation par rue, selon une répartition des nombres pairs d’un côté et impairs de l’autre, inaugurée à Philadelphie en 1790, à New York (1793), puis à Paris (1805) [9].
3 L’identification numérique des maisons relève d’une rationalité pratique certes nourrie de besoins divers, mais qui n’oblitèrent pas pour autant l’unité du phénomène. Elle repose sur un ordre potentiellement lisible et compréhensible pour tous les usagers de l’espace urbain, même les moins familiers du lieu. En ce sens, les coordonnées numériques reconfigurent le territoire des villes en désignant et en assignant une place aux hommes et aux choses, jusqu’à devenir, à l’instar du passeport, un support de l’identité des personnes [10]. Comme l’ont montré plusieurs travaux récents inscrits dans le sillage de l’œuvre de Michel Foucault, la numérotation des maisons est une « technologie politique » ou une « procédure technique » qui facilite l’exercice du pouvoir [11] . Au sein de la gouvernementalité qui se constitue au cours du XVIIIe siècle et qui articule le gouvernement des individus à la gestion des populations, elle constitue un outil aussi bien pour la connaissance de l’espace urbain que pour l’essor d’appareils spécifiques de gouvernement [12].
4 Bien connu des lecteurs de Foucault et des historiens de la police, le Mémoire pour servir à la réformation de la police de Paris rédigé au milieu du XVIIIe siècle par l’officier de la maréchaussée Guillotte préconise une division de l’espace urbain et surtout un système complet de signalétique urbaine – numérotation des quartiers, des rues, des maisons, des étages, des appartements et des voitures [13]. « Projet d’anticipation » ou « utopie policière », ce texte est souvent convoqué pour signaler un horizon d’attente des policiers des Lumières en matière de techniques de surveillance [14]. Pourtant, sur le point précis de la numérotation des maisons, Guillotte est très laconique. Il décrit volontiers des dispositifs déjà en usage à Paris, comme l’inscription des noms des rues sur les murs de la capitale, fixée en 1728, ou le numérotage des voitures, obligatoire par ordonnance de police depuis 1734 [15]. Ces deux techniques du marquage urbain sont présentées par Guillotte avec minutie et il en précise les modalités d’application (pas de nom de rue en double ; endroit exact où placer les numéros des voitures). Au contraire, les modalités d’application du numérotage des maisons qu’il projette ne sont jamais définies et le lecteur de son « mémoire » ne sait pas bien sur quelles bases (la rue, l’îlot de maisons, le quartier, voire la ville tout entière) la chaîne numérique devrait être instaurée. Or, entre l’idée de la numérotation des maisons et sa réalisation concrète, il y a un fossé qui ne se laisse pas combler facilement.
5 Cette contribution voudrait revenir sur les premiers moments de l’instauration du numérotage des maisons à partir du cas de la cité-État de Genève au XVIIIe siècle. Ce retour à une situation d’origine n’a pas pour vocation de célébrer l’acte de naissance du dispositif. En étudiant dans le détail les acteurs et les enjeux qui lui sont associés, il s’agit plutôt de montrer les mécanismes de son implantation, dans ce moment particulier du commencement où « ce qui va devenir du cela-va-de-soi, avant de s’anéantir dans l’invisibilité du cela-va-de-soi, est encore conscient, encore visible » [16]. Comme le signale le témoignage cité en exergue du pasteur genevois Dunant-Martin en octobre 1782, qui relate des résistances à la première numérotation des maisons à Genève, le succès d’une telle entreprise n’était pas acquis d’avance : on y découvre au contraire beaucoup d’incertitudes, d’oppositions, et une bonne dose de bricolage dans l’instauration d’un dispositif appelé à s’installer durablement dans le paysage urbain. En premier lieu, on voudrait ici restituer le contexte administratif et policier qui, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, favorise l’instauration de la numérotation des maisons « pour des raisons de police » : sans pour autant constituer une évidence, la mesure fait écho à des pratiques policières qui lui son antérieures et qui facilitent son adoption édilitaire. Dans un deuxième temps, on s’attachera aux résistances et aux oppositions auxquelles se confronte le nouvel outil de l’administration urbaine : sur lui pèsent les soupçons d’un contrôle intrusif des autorités qui court-circuitent des formes plus anciennes d’autorégulation, dans un contexte de défiance politique à l’égard du gouvernement. Enfin, on fournira quelques éléments d’interprétation pour comprendre, malgré tout, son adoption et la rapide routinisation du numérotage genevois. Passés les premiers émois de la numérotation des maisons, celle-ci apparaît suffisamment inoffensive pour être adoptée par une grande partie de la population qui l’érige en élément de l’identité individuelle : la variabilité des usages qu’elle génère dissout la critique et accélère son acceptation.
La numérotation comme outil de police
6 État souverain dont le territoire réduit et morcelé a pour centre la ville fortifiée, la République de Genève illustre aussi bien les attentes que les difficultés que le numérotage a pu susciter au sein des communautés urbaines au moment de son apparition. Introduit à Genève en 1782 – la ville compte environ 25 000 personnes –, le numérotage des maisons ne s’impose qu’à la faveur d’un contexte exceptionnel d’occupation militaire. Il répond toutefois à un horizon d’attente des administrateurs de la cité qui expérimentent depuis quelques décennies déjà l’organisation numérique de l’espace. Il ne s’agit pas encore de fonder l’action policière sur « l’arithmétique politique » comme le préconise le caméralisme allemand qui se montre favorable à l’application du calcul et de la statistique à des fins gouvernementale, mais d’utiliser le pouvoir ordonnateur et identificateur des nombres pour exercer le contrôle sur des espaces et des populations spécifiques [17].
7 À partir des années 1750, les magistrats de police de la République, les auditeurs, membres du Tribunal du lieutenant [18], intègrent la numérotation à leur boîte à outils du gouvernement de la cité, mais sans qu’une application aux maisons ne s’instaure pour autant. Dès 1758, le Tribunal du lieutenant s’inquiète de l’afflux des coupeurs de bois étrangers, « forains » : les magistrats craignent qu’à la faveur de leur métier, qui leur permet d’entrer dans les maisons, ils fassent des repérages et dérobent ceux qui les embauchent occasionnellement. Afin d’identifier les coupeurs de bois dignes de confiance, un auditeur zélé propose alors de faire porter à chacun d’eux une « marque publique » dotée d’un numéro et d’enregistrer celui-ci sur un livre de contrôle, sous la responsabilité des magistrats [19]. Écartée à plusieurs reprises, la proposition finit pas s’imposer dix ans plus tard [20]. À partir de 1769, les coupeurs de bois sont identifiés par un numéro et enregistrés (avec nom et âge). Pour permettre leur identification rapide, les magistrats de police souhaitent de plus que chaque coupeur porte « une marque de fer blanc contenant le numéro... sur son habit, sans qu’il lui soit loisible de l’échanger ou de la remettre à un autre » [21] . Trouvant vexatoire de devoir exhiber publiquement un numéro pour lever les soupçons de fraude qui pèsent sur eux, les coupeurs de bois s’en plaignent et obtiennent que la marque numérique ne soit apposée que sur leurs chevalets [22].
8 Les chariots, voitures et autres attelages qui encombrent les rues font également l’objet d’un numérotage. En 1761, l’auditeur Perrinet des Franches propose en effet de numéroter les chariots « pour reconnaître à qui appartiennent les chariots de ceux qui causent quelque dommage ou contreviennent en quelque autre manière à la police qui s’observe au port du bois » [23]. Adoptée, la mesure du numérotage s’accompagne de l’enregistrement de chacun des chariots habilités au transport du bois [24]. Deux ans plus tard, afin de reconnaître ceux qui conduisent leur attelage trop vite, en infraction avec les règles de la circulation urbaine, les cochers reçoivent l’ordre de placer leur numéro non seulement sur les chariots, mais encore au collet des chevaux [25].
9 Pourvu de propriétés identificatoires des choses et des hommes, le numérotage a aussi une vertu ordonnatrice de l’espace. Distinguer les points de vente et assigner des emplacements aux marchands en les numérotant devient un dispositif administratif propre à la réalisation de la « bonne police » urbaine. Dès 1780, le Tribunal du lieutenant cherche à remédier à la confusion qui règne dans le port au bois de Longemalle. Les magistrats déplorent que « les places dans lesquelles le bois est exposé ne sont point distinguées les unes des autres », ajoutant que « tout est mêlé et confondu sur le port dans un espace nu et uniforme ». Désireux d’introduire rapidement « un ordre et une police » qui remédient aux désordres portuaires, le Tribunal du lieutenant cloisonne les espaces de ventes par des pieux et les numérote, consignant les places de chacun dans un registre spécifique [26]. En 1788, le dispositif est étendu au marché des légumes. Afin d’éviter l’obstruction de l’artère principale du bas de la ville et de « libérer les passages », les maraîchers sont installés aux places de la Fusterie et du Molard [27]. Les places sont attribuées à chacun par un auditeur qui numérote les espaces (1 à 54 et 1 à 34) et les inscrit sur des permis de ventes. Au sol, les numéros sont reportés sur des pavés et l’ordre numérique est consigné dans un registre spécifique [28].
10 Dès 1750 environ, la numérotation de portions du territoire urbain et de catégories de travailleurs placés directement sous l’œil de la police, car non affiliés à des corporations, fait partie de la panoplie des dispositifs policiers selon les priorités gouvernementales du moment. Pourtant, la numérotation des maisons n’est, jusqu’à l’orée des années 1780, jamais évoquée par les magistrats du Tribunal du lieutenant. La mesure paraît-elle inutile ou est-elle jugée trop invasive, voire onéreuse ?
11 Quoi qu’il en soit, le dispositif est imposé de l’extérieur en septembre 1782 par Charles Léopold de Jaucourt, maréchal de camp de l’armée royale française. Au cœur de l’été, Jaucourt et son régiment pénètrent dans la ville conjointement aux troupes bernoises et piémontaises, pour restaurer l’oligarchie conservatrice renversée au mois d’avril précédent par l’opposition bourgeoise. Désireuses d’éviter que le ferment séditieux ne s’étende au-delà de Genève, les puissances garantes de la souveraineté genevoise interviennent militairement pour « pacifier » les troubles politiques et remettre en selle l’ancien gouvernement conservateur [29].
12 C’est dans ce contexte d’occupation militaire que Jaucourt, ministre plénipotentiaire, formule le souhait que les autorités genevoises restaurées numérotent les maisons de la ville. Le logement des troupes ne semble pas motiver la décision, car le millier de soldats qui stationne dans la cité intra muros est rapidement installé dans des casernes de fortune, au temple de la Fusterie, au grenier à blé de Chantepoulet, au collège et au temple luthérien [30]. Jaucourt invoque en revanche le « maintien de la police » et la tranquillité publique, temporairement et partiellement assurés par les soldats des puissances garantes. Bien qu’il ne le mentionne pas explicitement, la numérotation des maisons doit permettre aux soldats étrangers, qui ne sont pas familiers de la ville et qui ne peuvent pas compter sur l’aide des citadins, de se repérer dans l’espace urbain à défaut d’en maîtriser intimement la topographie. Accédant au vœu de l’officier français, le Petit Conseil, autorité suprême de la cité-État, confie la réalisation du numérotage au magistrat genevois en charge des affaires militaires, le syndic de la garde. Le Conseil s’en remet, laconiquement, à la sagacité de ce dernier « sur la manière dont ce travail devra être exécuté » [31] . Adoptée sans débats au sein des conseils de la république urbaine, la mesure est exécutée dans les semaines qui suivent sous les ordres de Claude-Philippe Claparède, syndic de la garde en exercice.
13 Par où commencer la numérotation, selon quelle logique et à partir de quel découpage de l’espace urbain ? Bien qu’aucune trace écrite ne l’explicite, le magistrat genevois semble s’inspirer de la logique de la numérotation continue par quartier, telle qu’elle est prescrite au sein des armées françaises par l’Ordonnance pour régler le service dans les places de 1768 [32]. Débutant à l’une des extrémités du quartier, les numéros sont distribués dans leur suite naturelle en longeant le côté des rues, dessinant une longue chaîne numérique qui sillonne une portion du territoire urbain [33]. Loin d’être universelle au XVIIIe siècle, cette manière de numéroter les maisons, à la différence du numérotage par unité de rue (Vienne) ou par îlots de maisons (Madrid, Mannheim), signale non seulement l’importance du quartier, mais aussi valorise tel découpage urbain, plutôt qu’un autre [34]. Parmi les divisions de la ville existantes, le syndic de la garde ne choisit ni les quartiers de police à l’usage du Tribunal du lieutenant (au nombre de six), ni les paroisses (au nombre de cinq), ni les dizaines utiles à la police des mœurs et des étrangers (une vingtaine). Il choisit de diviser la ville en quatre quartiers qui rappellent la subdivision urbaine en quatre régiments de milices bourgeoises, au moment même où, paradoxalement, celles-ci sont sur le point d’être dissoutes par l’édit du 21 novembre 1782 [35].
Les quatre quartiers établis en 1782.
Les quatre quartiers établis en 1782.
14 Dans un premier temps, le syndic de la garde ordonne l’inscription des noms des rues et des places sur les façades des bâtiments. Il ne s’agit pas d’innover en créant une odonymie inédite, car les rues possèdent déjà un nom connu des citadins, mais d’inscrire ostensiblement cette nomenclature de manière à permettre à quiconque, et en particulier à ceux qui n’appartiennent pas à la communauté urbaine, de se repérer [36]. Les noms sont donc peints méticuleusement par deux peintres professionnels qui n’hésitent pas à les écrire plusieurs fois si la longueur de la rue ou la taille de la place le nécessite : le nom de la rue est généralement signalé deux fois, mais parfois jusqu’à six fois. En tout, 222 nouvelles inscriptions parsèment la ville [37]. Ceci fait, les peintres passent au numérotage proprement dit : ils commencent par peindre un cartouche blanc dans lequel, une fois sec, ils inscrivent les numéros en noir. Avec les numéros bis, le quartier de la Maison de ville est composé de 277 numéros (de 1 à 271), celui de Saint-Gervais de 257 (de 1 à 252), celui des Rues Basses de 188 (de 1 à 187) et le quartier du Bourg-de-Four en compte 295 (de 1 à 292) [38]. Hormis l’Arsenal, dûment numéroté, les bâtiments publics échappent au marquage numérique. Rien par ailleurs n’est prévu pour distinguer la suite numérique d’un quartier de celle d’un autre quartier.
Sens de la numérotation des maisons du quartier de la Maison de Ville, du no 1 au no 27 1 .
15 Face à la réalité du territoire urbain, les prescriptions de l’Ordonnance royale française de 1768 ne sont pas appliquées à la lettre. À vrai dire, les quatre suites numériques qui serpentent à travers la ville soulignent le dédale viaire plutôt qu’elles ne le résorbent ou ne l’atténuent. Ainsi, l’ordre numérique adopté à Genève ne commence pas toujours par le côté droit de la première rue, contrairement aux instructions de l’ordonnance militaire. Pour le quartier de la Maison de Ville par exemple, les premiers numéros sont assignés au côté gauche de la Grand rue, dite de la Boulangerie [39]. En outre, le dernier numéro du quartier ne se retrouve pas, sauf dans le cas du Bourg-de-Four, en face du premier numéro dans la première rue, alors que l’ordonnance le préconise. À vrai dire, même l’idée d’une chaîne numérique continue par quartier, qui suivrait la contiguïté des rues et des maisons, n’est pas respectée. Le numérotage du quartier de la Maison de ville (figure 2), qui démarre en haut de la ville à la rue de la Boulangerie, relie les maisons de proche en proche jusqu’au bas de la cité au numéro 195, au lieu-dit du Fort de l’Écluse.
16 Puis, la suite numérique reprend avec le numéro 196 sur le côté droit de la rue de la Boulangerie, à son point de départ au haut de la ville donc, pour serpenter cette fois-ci non plus sur le versant intérieur de la cité, mais sur son versant sud. Parmi d’autres exemples d’un véritable labyrinthe numérique, il arrive que la limite d’un quartier passe au milieu d’une voie, si bien que la numérotation d’un côté et de l’autre de la rue n’appartient pas à la même chaîne de numéros. C’est le cas de la rue du Perron, qui sur son côté droit « en montant » appartient au quartier de la Maison de ville (numéros 145 à 156), alors que son côté droit « en descendant » appartient au quartier du Bourg-de-Four (numéros 112 à 122). Il est du reste remarquable que les quatre listes qui inventorient le numérotage des maisons à Genève, pour désigner la droite ou la gauche d’une rue, s’appuient sur des notions de déclivité (« en montant », « en descendant ») : ces listes suggèrent que le numérotage est avant tout pensé in situ, en connaissance de la réalité du terrain, et non à partir d’une projection cartographique ou d’un cadastre qui gommerait précisément la pente des rues.
17 L’examen attentif du numérotage réalisé à Genève le montre bien : derrière la simplicité du principe, l’opération de numéroter des maisons s’avère en réalité assez complexe. Le dispositif mis en place ici est d’autant plus discontinu et irrégulier que la décision de numéroter les maisons n’a pas été accompagnée d’une concertation au sein du gouvernement, ni d’un cadre réglementaire précis sur la manière de procéder, laissant aux acteurs sur le terrain une grande marge de manœuvre. Réalisée dans la précipitation, l’opération du numérotage se heurte par ailleurs, écueil non négligeable, à l’hostilité d’un grand nombre de citadins.
Inscrire/effacer : entre résistance et accommodement
18 Au siècle des Lumières, le jeu de l’inscription et de l’effacement de l’écriture, à l’instar des anciennes tablettes de cire, se donne à voir d’une manière singulière sur les murs des maisons des villes où la numérotation suscite l’hostilité manifeste [40]. Avec la distance, alors que le numéro du domicile est aujourd’hui constitutif de l’identité, voire de la fierté individuelle, la difficile acceptation du nouveau dispositif peut interpeller. Une marque sur une maison pour faciliter sa reconnaissance n’a cependant rien d’immédiatement rassurant pour ceux qui l’occupent au quotidien. La résistance à la numérotation des maisons est une réaction à une forme de capture du territoire de l’intime dont les finalités sont mal circonscrites ou mal perçues. Au-delà des contes populaires qui mettent en scène des voleurs pratiquant le marquage secret des maisons avant de les attaquer ou de les piller [41], rumeurs et récits de brigandages dans la ville et les campagnes du XVIIIe siècle véhiculent de telles représentations d’un modus operandi qui accroît le sentiment de vulnérabilité des populations. En 1766, trois magistrats genevois chargés d’établir de nouvelles dispositions pour lutter contre le vagabondage et la mendicité notent, parmi des mesures de « bonne police » qu’ils recopient des États voisins, que les patrouilles militaires doivent « effacer soigneusement les marques et chiffres qu’elles trouveront sur les portes des maisons et possessions par lesquelles les voleurs se donnent des routes ou des avis » [42]. Entre les signes que les larrons déposent sur les maisons et ceux que les autorités des villes commencent à expérimenter, les finalités sont certainement différentes, mais toujours est-il que, dans les deux cas, il s’agit de maîtriser un espace à partir d’une signalétique imposée secrètement ou publiquement aux communautés urbaines directement concernées.
19 Réalisée à Genève dans un contexte politique tendu, l’opération de numérotation rencontre immédiatement des résistances manifestes qui obligent les autorités à justifier leur démarche. Aux premiers signes de mécontentement, et alors que les peintres parcourent la ville, les autorités républicaines publient une ordonnance de police qui justifie les raisons du numérotage [43]. Cherchant à établir une relation de confiance autour d’un nouveau dispositif qui suscite la méfiance, le gouvernement genevois commence par s’attribuer l’initiative du numérotage de manière à affirmer son autorité politique retrouvée. Ensuite, il formule sommairement trois arguments pour convaincre de son utilité : le dispositif est commode et avantageux aussi bien « à l’exercice ordinaire de la police » de la cité, qu’aux « particuliers » ; la numérotation a été réalisée dans d’autres villes et, pour convaincre les sceptiques, il est précisé que l’opération est à la charge financière de l’État. La rumeur urbaine ne désenfle pas pour autant et les actes de résistance se multiplient. Entre le 21 et le 22 octobre 1782, une partie des numéros déjà inscrits sur les maisons sont effacés, obligeant les peintres à en repeindre 92. Les autorités genevoises engagent alors des poursuites pénales contre les fauteurs de trouble et édictent le 24 octobre 1782 une nouvelle ordonnance de police qui promet des peines sévères contre les opposants à la numérotation, les qualifiant par avance de « séditieux », terme largement à charge dans la langue juridique de l’Ancien Régime [44].
20 L’opposition au numérotage des maisons est non seulement immédiate, mais aussi de grande ampleur. Une centaine de numéros sont effacés, généralement de nuit, peu de temps après leur inscription, malgré le renforcement des patrouilles nocturnes ordonné précisément pour en empêcher le sabotage [45]. Concentrée sur deux secteurs, la topographie de la résistance recoupe l’implantation urbaine de l’opposition bourgeoise à la politique de la classe dominante [46]. Les peintres sont obligés de refaire en entier 62 numéros dans le quartier de Saint-Gervais, ainsi que 30 dans les rues populaires du bas de la cité, à cheval sur le quartier de Rive et celui du Bourg-de-Four, sans compter quelques retouches qu’ils doivent apporter à une cinquantaine de cartouches [47]. Face à la fronde et au discrédit qui le menacent, le Petit Conseil cherche à affirmer son autorité, étant persuadé qu’il a affaire à un mouvement organisé qu’il n’hésite pas à qualifier de « complot » [48]. Or, les quatre justiciables poursuivis en justice, deux femmes et deux hommes, sont des acteurs isolés dont les actes n’ont pas dépassé leur cadre de vie immédiat. Les diverses raisons de leur geste de défiance et les différents modes d’action qu’ils adoptent ne laissent nullement deviner une action concertée. Ainsi, une veuve de 58 ans, résidant dans le quartier de Saint-Gervais, est accusée d’avoir ratissé le numéro de la maison où elle loge et celui d’une maison contiguë. Tout au long de l’information judiciaire, elle nie fermement sa responsabilité, même lorsqu’elle est confrontée aux témoignages à charge de trois de ses voisins [49]. De son côté, une marchande de 61 ans, domiciliée au bas de la cité à la rue du Boule, n’hésite pas à assumer son geste : elle efface en plein jour le cartouche blanc apposé sur sa maison. Lors de son interrogatoire, elle se justifie en se plaignant d’avoir « déjà le nom de la rue » sur sa maison et que s’il lui est imposé un numéro, « il lui semblera être dans une inquisition » [50]. Entre la négation absolue et la reconnaissance des faits imputés, les positions peuvent être plus nuancées. Alors qu’il a effacé le numéro de la maison de son père dans le quartier de Saint-Gervais, un faiseur de ressort de 40 ans reconnaît son geste tout en se justifiant d’avoir cru au bruit public selon lequel les autorités seraient sur le point de renoncer au numérotage [51] . Un horloger de 50 ans qui commence à effacer le numéro de son domicile à Saint-Gervais – il escamote le dernier chiffre de 140 –, s’interrompt lorsqu’il est alerté par un voisin qui lui signale la publication d’une ordonnance de police à ce sujet. Durant son interrogatoire, l’horloger se justifie en disant n’avoir fait que suivre l’exemple de tous ses voisins.
21 Les actes poursuivis sont tous antérieurs à la seconde publication de police du 24 octobre qui promet des peines sévères. Ainsi, les procès se terminent par des condamnations à des amendes, jusqu’à 100 florins (approximativement l’équivalent de deux salaires mensuels d’un ouvrier), assorties d’une incarcération dont la durée effective la plus longue est de 15 jours. Bien que les gestes des contestataires partagent une même temporalité, ils relèvent d’une pluralité de motifs. Le sabotage des numéros est d’abord le produit d’une fragilité et d’une crise de l’autorité légitime dans la République. Pour les citoyens qui déclarent ouvertement leur mécontentement au premier syndic, la numérotation est mal vue car non seulement elle porte atteinte à « l’indépendance de l’État », étant une exigence d’un ministre plénipotentiaire, mais elle touche en plus au « droit de propriété des particuliers » [52]. Que le ministre plénipotentiaire français soit à l’origine du numérotage n’est donc un mystère pour personne : les troupes de Louis XVI soutiennent ostensiblement le travail des peintres et, chez un particulier tenu pour responsable de la résistance populaire, Jaucourt fait loger de force 30 fusiliers français, sans que les autorités de la République ne puissent véritablement l’en empêcher [53]. À Saint-Gervais, le jour de la publication de police du 21 octobre, un mot d’ordre semble circuler parmi la population : les numéros sont à respecter s’ils sont prescrits par les ministres plénipotentiaires, mais pas si le numérotage se fait au nom du Petit Conseil [54]. Devant la justice, la marchande de la rue du Boule livre un propos qui confirme l’état de confusion qui règne dans les esprits durant cette période de retour au pouvoir du gouvernement oligarchique : elle affirme ne pas savoir de quelle autorité émane la décision de numéroter la ville. Rappelée à son devoir d’obéissance aux ordonnances de police du gouvernement genevois, l’inculpée invoque la situation particulière de l’occupation militaire [55]. À cet enjeu politique circonscrit à l’automne 1782, s’ajoutent des oppositions au marquage des maisons qui relèvent d’une fronde que l’on peut qualifier d’anti-étatique. La numérotation soulève le mécontentement dès lors qu’il est considéré comme l’instrument d’une contrainte extérieure à la communauté urbaine. Comme à Strasbourg, où les bourgeois considèrent le numérotage comme une intrusion du pouvoir militaire dans la ville [56], ou dans l’empire habsbourgeois, où le numérotage est la cible des rébellions à la conscription [57], la population genevoise bien installée (artisanat, commerce) se méfie d’une mesure qui favorise une connaissance exogène au territoire de la communauté urbaine. La topographie de la résistance populaire est localisée dans les quartiers qui voient d’un mauvais œil le retour au pouvoir du gouvernement oligarchique. Mais les actions, du moins celles dont la justice a connaissance, révèlent plus généralement une sensibilité aiguë à l’égard d’un dispositif perçu par le citadin ordinaire comme intrusif, et donc illégitime. En revanche, nulle trace ici d’une opposition des élites urbaines contre une mesure qui aurait tendance à égaliser les conditions sociales (comme à Paris, notamment) [58]. Non seulement une telle opposition serait contraire à l’idéal égalitaire républicain revendiqué comme une caractéristique de la cité-État, mais il apparaît encore que c’est cette catégorie-là de la population qui bénéficie du régime politique conservateur de 1782 à l’origine du numérotage des maisons [59].
Repenser les régulations sociales
22 Passé l’épisode de l’automne 1782, la numérotation des maisons ne fait plus l’objet d’une contestation ouverte. En juin 1783, à la demande de la Chambre des comptes, vraisemblablement pour faciliter la perception de l’impôt foncier, les autorités étendent la numérotation des maisons au territoire de la campagne. De peur que cette décision ne provoque des « rumeurs », les autorités militaires envoient un détachement de quelques soldats pour assurer la réussite de l’opération, mais celle-ci se déroule sans difficulté [60]. Signe d’une acceptation diffuse et progressive du nouveau marquage du territoire urbain, les annonceurs privés de la Feuille d’avis de Genève de l’imprimeur Jean-Pierre Bonnant y recourent sans trop de scrupule. En janvier 1783, parmi les annonces qui contiennent une indication d’adresse en ville, 28 % sont libellées avec un numéro de maison. La feuille hebdomadaire en contient 39 % en décembre de la même année et 50 % en décembre 1788 [61] . À l’identification patronymique et approximative des fonds et des appartements à louer ou à vendre (« maison Pallard », « maison Claparède », « vis-à-vis de la résidence de France »), succèdent des désignations numériques (« au no 131 à la Pelliserie »), voire mixtes (« maison Girod, au bout des Étuves, no 128 »).
23 Introduit dans un contexte de répression politique et imposé de force à la population concernée, le numérotage des maisons, d’abord combattu, est finalement accepté et pérennisé. Au cours de la période de la Révolution genevoise (1792-1798), le principe de la numérotation rencontre même une franche adhésion. La constitution de 1794, qui proclame l’égalité politique et la séparation des pouvoirs, adopte une division politique de la ville en huit arrondissements et celle de la campagne en cinq districts. La loi stipule alors que « les maisons de chaque arrondissement de la ville et de chaque district de la campagne seront numérotées, et chaque arrondissement et district aura sa suite de numéro » [62]. Dans la pratique, le renouvellement du numérotage des maisons prévu par les textes révolutionnaires n’a vraisemblablement pas été réalisé. En revanche, la suite numérique de 1782 entre suffisamment en profondeur dans les habitudes citadines pour survivre non seulement aux bouleversements politiques de la fin du siècle, mais encore au rattachement de Genève à la France (1798- 1813), à la Restauration genevoise de 1814 et à la révolution radicale du milieu du XIXe siècle. Le plan de Robert Céard, réalisé entre 1837 et 1840, porte les traces de la numérotation des maisons du siècle précédent. C’est finalement en 1860 que l’ordre numérique inauguré en 1782, dans la précipitation et, en bonne part, dans l’improvisation, est modifié [63].
24 Suffisamment souple pour s’adapter à des objets et à des finalités variables, la technique du numérotage peut s’appliquer aussi bien aux chariots, aux voitures, aux chevaux, aux ouvriers qu’aux maisons. En reconfigurant les formes de l’identification et de la reconnaissance dans l’espace à travers une signalétique universelle, la numérotation fournit une grammaire de la ville qui concourt à l’idéal de transparence promu par les élites urbaines [64]. Elle est gage d’une nouvelle rationalité politique. Le numérotage accroît le potentiel fonctionnel de la ville des Lumières : il aménage et fluidifie l’échange et la circulation, des biens comme des hommes [65]. Son efficacité est d’autant plus redoutable qu’il est dépourvu de raffinement technique et mobilisable à moindre coût. L’entreprise du numérotage à Genève ne prend que quelques semaines et ne coûte à l’État que 520 florins, soit à peu près l’équivalent du salaire annuel de deux soldats [66].
25 L’adoption puis la banalisation du numérotage des maisons s’inscrit dans un mouvement plus large de redéfinition des formes et des modalités de la régulation sociale dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, où les pratiques et les acteurs de la police, à Genève comme ailleurs dans les villes d’Europe, tendent à l’institutionnalisation, à l’appui notamment de la croissance des écritures administratives, au détriment des régulations de voisinage ou de l’autorégulation communautaire [67]. Significativement, dans le même mouvement qui aboutit à la numérotation des maisons à Genève, l’éclairage public, jusque-là rudimentaire, est véritablement développé à partir de la fin de 1782. Sans connaître de résistance politisée et de grande ampleur, mais des actes de vandalismes isolés, l’instauration des lanternes dans la cité combine les nouvelles exigences sécuritaires avec le confort de la vie urbaine au profit des citadins [68].
26 C’est au croisement d’intérêts multiples qu’il faut comprendre l’introduction du numérotage des maisons dans la République : si l’initiative vient d’un ministre plénipotentiaire de la monarchie française, promue pour des besoins militaires, elle s’impose progressivement grâce au jeu des « internormativités » auquel participent édiles locaux et population dans la définition des régulations sociales [69]. La lisibilité urbaine que promet l’ordre numérique fédère des attentes aussi variées que celles des militaires, des autorités policières, du fisc, des éditeurs d’annonces ou des simples citadins : la labilité du dispositif lui permet d’absorber tous les espoirs et toutes les formes d’investissement. Dans l’ancienne République, contrairement aux institutions politiques qui conservent en grande partie leur rigidité originelle, les pratiques et les conceptions de la police s’adaptent, se transforment et repensent l’ordre public de manière à combler les écarts qui se creusent entre gouvernants et gouvernés. Les écarts sociaux et politiques s’accroissent tandis que le lien social se distend. À la transparence communautaire, faite d’interconnaissances et de relations essentiellement informelles, succède progressivement au XVIIIe siècle une connaissance urbaine institutionnalisée et formalisée que matérialise, sur la pierre des villes, la numérotation des maisons [70].
Notes
-
[1]
Bibliothèque de Genève [désormais BGE], Journal d’A. A. A. Dunant-Martin, Ms fr. 901, 21 octobre 1782.
-
[2]
Pierre Bourdieu, Sur l’État. Cours au collège de France, 1989-1992, Paris, Seuil / Raisons d’agir, 2012 ; Daniel Roche, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1997.
-
[3]
Anton Tantner, Die Hausnummer. Eine Geschichte von Ordung und Unordnung, Marburg, Jonas Verlag, 2007 ; Id., « Addressing the Houses. The Introduction of House Numbering in Europe », Histoire & Mesure, XXIV-2, 2009, p. 7-30 ; Reuben Rose-Redwood, « Indexing the great ledger of the community : urban house numbering, city directories, and the production of spatial legibility », Journal of Historical Geography, 34, 2008, p. 286-310 ; Jeanne Pronteau, Les numérotages des maisons de Paris du XVe siècle à nos jours, Paris, Service historique de la ville de Paris, 1966.
-
[4]
Anton Tantner, « Addressing the Houses », op. cit., p. 16-17.
-
[5]
Philippe Robert, « Les territoires du contrôle social, quels changements ? », Déviance et Société, 24/3, 2000, p. 215-235 ; David Garrioch, « House names, shop signs and social organization in Western European cities, 1500-1900 », Urban history, 21 /1, 1994, p. 20-48.
-
[6]
Catherine Denys, Police et sécurité au XVIIIe siècle dans les villes de la frontière franco-belge, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 362-365 ; Ead., La police de Bruxelles entre réformes et révolutions (1748-1814). Police urbaine et modernité, Turnhout, Brepols, 2014, p. 67 ; Reuben Rose-Redwood, « Indexing the great ledger... », op. cit., p. 291-292.
-
[7]
Anton Tantner, Die Hausnummer, op. cit., p. 27-34.
-
[8]
Jeanne Pronteau, Les numérotages..., op. cit., p. 82-85. Vincent Denis montre l’attitude ambiguë du lieutenant général de police de Paris, Lenoir, qui finit par interdire le numérotage privé, tout en y adhérant sur le fond : Vincent Denis, Une histoire de l’identité. France, 1715-1815, Seyssel, Champ Vallon, 2008, p. 287.
-
[9]
Reuben Rose-Redwood, « ‘‘A regular state of beautiful confusion’’ : governing by numbers and the contradictions of calculable space in New York City », Urban History, 39/4, 2012, p. 627- 628.
-
[10]
Vincent Denis, Une histoire de l’identité, op. cit., p. 286.
-
[11]
Reuben Rose-Redwood, « Indexing the great ledger... », op. cit. ; Anton Tantner, « Addressing the Houses », op. cit.
-
[12]
Pierre Lascoumes, « La Gouvernementalité : de la critique de l’État aux technologies du pouvoir », Le Portique, 13-14, 2004, p. 169-189 ; Michel Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, 1977-1978, Paris, Seuil / Gallimard, 2004 ; Id., « Omnes et singulatim. Vers une critique de la raison politique », Dits et écrits. II, Paris, Gallimard, 2001, p. 953-980.
-
[13]
Jean Seznec (édité par), Mémoire sur la réformation de la police de France, soumis au roi par M. Guillaute en 1749, Paris, Herman, 1974 ; Daniel Roche, Le peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au XVIIIe siècle, Paris, Aubier, 1981, p. 278-279 ; Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, op. cit., p. 348.
-
[14]
Vincent Denis, Vincent Milliot, « Police et identification dans la France des Lumières », Genèses, 54, 2004, p. 7-8 ; Vincent Denis, Pierre-Yves Lacour, « La logistique des savoirs. Surabondance d’informations et technologies de papier au XVIIIe siècle », Genèses, 102, 2016, p. 107-122 ; Marco Cicchini, « Police », dans Bronislaw Baczko, Michel Porret, François Rosset (sous la direction de), Dictionnaire critique de l’utopie au temps des Lumières, Genève, Georg, 2016, p. 1005- 1024.
-
[15]
Nicolas Delamare (continuation par Anne Leclerc du Brillet), Traité de la police, t. IV, Paris, Chez Jean-François Hérissant, 1738, p. 457.
-
[16]
Pierre Bourdieu, Sur l’État, op. cit., p. 81 .
-
[17]
Par exemple Johann Heinrich Gottlob von Justi, Die Grundfeste zu der Macht und Glϋckseeligkeit der Staaten oder ausfϋhrliche Vorstellung der gesamten Policey-Wissenschaft, Königsberg / Leipzig, Hartung, vol. I, 1761, p. 181-203 ; Paolo Napoli, « Le discours de la police et de l’arithmétique politique (XVIe-XVIIIe siècle) », dans Alain Caillé, Christian Lazzeri et Michel Sennelart (sous la direction de), Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique, Paris, La Découverte, 2001, p. 281-292.
-
[18]
Marco Cicchini, « Être magistrat de police en République, ou apprendre à gouverner. L’exemple de Genève au XVIIIe siècle », dans Jean-Marc Berlière et al. (sous la direction de), Métiers de police. Être policier en Europe, XVIIIe-XXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 45-59.
-
[19]
Archives d’État de Genève [désormais AEG], Jur. Pen. I2 10, 22 octobre 1758, p. 13.
-
[20]
AEG, Jur. Pén. I2 10, 8 janvier 1759, p. 24 ; idem, 20 novembre 1759, p. 60 ; idem, 21 septembre 1765, p. 353-354 ; 24 janvier 1769, p. 522.
-
[21]
AEG, 13 mars 1769, Placard 196.
-
[22]
AEG, Jur. Pén. I2 19, 26 mai 1769, p. 553. Bien que les autorités renoncent à imposer le port ostensible de la marque de fer sur les habits des coupeurs de bois, elles exigent qu’ils en soient pourvus au moins dans leur poche.
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[23]
AEG, Jur. Pén. I2 10, 22 août 1761, p. 164.
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[24]
En 1781, l’auditeur Bourdillon indique, dans son journal personnel, que 25 chariots en service au port sont « numérotés au derrière, sur une plaque de fer blanc » : BGE, Ms suppl. 1116, fol. 24 r.
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[25]
AEG, Jur. Pén. I2 10, 10 juin 1763, p. 261 .
-
[26]
AEG, Jur. Pén. I2 11, 27 juin 1780 , annexe p. 401 . La mesure ne semble pas avoir été effective dans l’immédiat, mais elle l’est avant décembre 1783 : Jur. Pén. I2 12, 29 novembre 1783 p. 114.
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[27]
AEG, R.C. cop. 292, 20 juin 1788, p. 509-510.
-
[28]
AEG, Jur. Pén. I2 13, 23 septembre 1788, p. 137-139 ; ibidem, 17 avril 1789, p. 191-193.
-
[29]
Sur cet épisode au retentissement européen : Jean-Daniel Candaux, « La révolution genevoise de 1782 : un état de la question », L’Europe et les révolutions (1770-1800), Études sur le XVIIIe siècle, Bruxelles, Éditions de l’Université libre de Bruxelles, 1980, p. 77-93 ; Franco Venturi, « ‘‘Ubi libertas, ibi patria’’ : la rivoluzione ginevrina del 1782 », dans Manuela Albertone (sous la direction de), Pagine repubblicane, Turin, Einaudi, 2004, p. 111-128 ; Marc Neuenschwander, « Les troubles de 1782 à Genève et le temps de l’immigration : en marge du bicentenaire de la naissance du général Guillaume-Henri Dufour », Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de Genève, 19, 1989, p. 127-188.
-
[30]
Édouard Chapuisat, La prise d’arme de 1782 à Genève, Genève, Jullien, 1932, p. 154.
-
[31]
AEG, R.C. 283, 17 septembre 1782, p. 367.
-
[32]
Ce corpus réglementaire de la monarchie française inspire les ordonnances militaires genevoises de 1783 et de 1787 : Marco Cicchini, La police de la République. L’ordre public à Genève au XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 205.
-
[33]
Ordonnance pour régler le service dans les places et dans les quartiers du premier mars 1768, titre V, art. 3.
-
[34]
Anton Tantner, Ordnung der Häuser, Beschreibung der Seelen. Hausnummerierung und Seelenkonskription in der Habsburgermonarchie, Innsbruck, StudienVerlag, 2007, p. 65.
-
[35]
Marco Cicchini, « Milices bourgeoises et garde soldée à Genève au XVIIIe siècle. Le républicanisme classique à l’épreuve du maintien de l’ordre », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 62/2, 2014, p. 120-149.
-
[36]
Jeanne Pronteau, Les numérotages..., op. cit., p. 81 .
-
[37]
AEG, Finances W 122, parcelle no 41, 4-10 octobre 1782, comptes de Voirin et de Champod.
-
[38]
AEG, Finances W 122, parcelle no 46 (8-14 novembre 1782), comptes de Luxembourg et consorts ; AEG, Recensement A 10.
-
[39]
AEG, Recensement A 10. Les archives conservent, sous cette cote, quatre listes numériques datées de 1782 pour chacun des quartiers. Elles indiquent, rue par rue, le numéro et le propriétaire de chaque maison. On ne sait si ces listes ont servi à numéroter les maisons ou si elles ne sont que la mémoire du numérotage déjà réalisé.
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[40]
Rocher Chartier, Inscrire et effacer. Culture écrite et littérature (XIe-XVIIIe siècle), Paris, Seuil / Gallimard, 2005.
-
[41]
Anton Tantner évoque le conte d’Ali Baba que popularise Antoine Galland dès le début du XVIIIe siècle : « Addressing the Houses », op. cit., p. 11-12.
-
[42]
BGE, Archives Tronchin 335, fol. 38 r-v.
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[43]
AEG, R. publ. 6, 21 octobre 1782, p. 273.
-
[44]
AEG, R. publ. 6, 24 octobre 1782, p. 273. Michel Porret, Le crime et ses circonstances. De l’esprit de l’arbitraire au siècle des Lumières selon les réquisitoires des procureurs généraux de Genève, Genève, Droz, 1995 ; Jean Nicolas, La rébellion francaise : mouvements populaires et conscience sociale (1661-1789), Paris, Seuil, 2002.
-
[45]
BGE, Journal d’A. A. A. Dunant-Martin, Ms fr. 901, 21 octobre 1782.
-
[46]
Marc Neuenschwander, « Les troubles de 1782 à Genève », op. cit.
-
[47]
AEG, Finances W 122, parcelle no 46 (8-14 novembre 1782), comptes de Luxembourg et consorts.
-
[48]
AEG, R.C. 283, 23 octobre 1782, p. 416.
-
[49]
AEG, P.C. 13966, 22-25 octobre 1782.
-
[50]
AEG, P.C. 13967, « Réponses personnelles » de Françoise Jouard, 23 octobre 1782.
-
[51]
AEG, P.C. 13970, 23-25 octobre 1782.
-
[52]
AEG, R.C. 283, 23 octobre 1782, p. 416.
-
[53]
AEG, R.C. 283, 21 et 24 octobre 1782, p. 412 et 420.
-
[54]
AEG, P.C. 13964, « Déposition », François Victor, 22 octobre 1782.
-
[55]
AEG, P.C. 13967, « Réponses personnelles » de Françoise Jouard, 24 octobre 1782.
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[56]
Vincent Denis, Une histoire de l’identité, op. cit., p. 287 et 392.
-
[57]
Anton Tantner, Ordnung der Häuser..., op. cit.
-
[58]
Sur « l’air d’égalité » qu’instaure le numéro des maisons contre la distinction aristocratique, voir Louis Sébastien Mercier, Tableau de Paris, t. 2, Amsterdam, 1782, « Les écriteaux des rues », p. 202-204.
-
[59]
Gabriella Silvestrini, « Le républicanisme de Rousseau mis en contexte : le cas de Genève », Les études philosophiques, 2007/4, no 83, p. 519-541
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[60]
AEG, Militaire A1, 4 juin 1783, p. 144.
-
[61]
Feuille d’avis de Genève, 4 janvier 1783, no 1 (22 adresses numérotées contre 80 non numérotées) ; 13 décembre 1783, no 50 (41 contre 103) ; 6 décembre 1788, no 98 (53 contre 106).
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[62]
Programme. Extrait des registres de l’Assemblée Nationale, du mercredi 29 janvier 1794, l’an 3 de l’Égalité. Projet de lois politiques, secondaires à la constitution, Genève, 1794. Je dois cette information à Vincent Fontana que je remercie pour sa bienveillance.
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[63]
Nouveau numérotage des maisons de la ville de Genève, suivant le Règlement adopté le 23 octobre 1860 , Genève, 1862.
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[64]
Mona Ozouf, « Architecture et urbanisme : l’image de la ville chez Claude- Nicolas Ledoux », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 21 /6, 1966, p. 1273-1304 ; Bronislaw Baczko, Lumières de l’utopie, Paris, Payot, 2001 [1978].
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[65]
Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, op. cit. ; Jean-Claude Perrot, Genèse d’une ville moderne. Caen au XVIIIe siècle, Paris / La Haye, Mouton, 1975, p. 665.
-
[66]
AEG, Finances W 122, no 41 et no 46.
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[67]
Catherine Denys, Brigitte Marin, Vincent Milliot (sous la direction de), Réformer la police. Les mémoires policiers en Europe au XVIIIe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009.
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[68]
Marco Cicchini, « Gouverner la nuit au siècle des Lumières. Entre tyrannie des heures noires et plaisirs noctambules », xviii.ch. Annales de la Société suisse pour l’étude du XVIIIe siècle, no 2, 2011, p. 39-65 ; Corinne Walker, « Du plaisir à la nécessité. L’apparition de la lumière dans les rues de Genève à la fin du XVIIIe siècle », dans François Walter (sous la direction de), Vivre et imaginer la ville au XVIIIe siècle, Genève, Zoé, 1988, p. 97-124.
-
[69]
Jacques-Guy Petit, « Les régulations sociales et l’histoire », dans Jean-Marie Fecteau, Janice Harvey (sous la direction de), La régulation sociale entre l’acteur et l’institution. Pour une problématique historique de l’interaction, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2007, p. 37.
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[70]
Richard Sennett, La chair et la pierre : le corps et la ville dans la civilisation occidentale, Paris, Verdier, 2002.