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Article de revue

« Li ville est mal gouvernee »

Les registres du conseil de la ville de Mons, la crise politique de 1424-1428 et son impact sur l’audition des comptes communaux

Pages 137 à 166

Notes

  • [1]
    Archives de l’État à Mons, Archives de la ville de Mons (désormais : AEM, AVM), (no) 1295, 126r.
  • [2]
    Recherches faites à l’université de Namur et l’université de Louvain (KU Leuven) dans le cadre du projet « City and Society in the Low Countries (ca. 1200-ca. 1850) » (PAI, VII, 32), financé par l’État belge. Les auteurs tiennent à remercier Jean-Marie Cauchies et Marie Van Eeckenrode pour leurs suggestions.
  • [3]
    « Les registres municipaux sont le produit d’un art subtil où les clercs-secrétaires, maîtres de la simplification et de l’escamotage, assourdissent singulièrement l’écho des oppositions sociales. C’est pourquoi rien n’est dit – ou fort allusivement – des violences collectives qui déchirent la cité : elles sont tenues pour scandaleuses, la mémoire urbaine n’a pas à en conserver le souvenir » (Jacques Rossiaud, « Crises et consolidations, 1350-1550 », dans Jacques Le Goff (sous la direction de), La ville en France au Moyen Âge, Paris, Seuil, 1998, p. 563). Voir aussi Lynn Gaudreault, Pouvoir, mémoire et identité. Le premier registre de délibérations communales de Brignoles (1387- 1391), édition et analyse, Montpellier, PUM, 2014 ; Florent Garnier, « Tenir conseil dans les villes du Rouergue d’après les registres de délibérations et de comptes (XIVe-XVe siècles) », dans Martine Charageat et Corinne Leveleux-Teixeira (sous la direction de), Consulter, délibérer, décider. Donner son avis au Moyen Âge (France-Espagne, VIIe-XVIe siècles), Toulouse, Framespa, 2010, p. 281-298.
  • [4]
    Lynn Gaudreault, « Le registre de délibérations. Outil de représentation de l’identité consulaire et lieu de dialogue entre autorité communale et pouvoir royal (Brignoles, 1387-1391) », Histoire Urbaine, no 35, 2012, p. 66.
  • [5]
    Marie Van Eeckenrode, « Rituals of unanimity and balance. Deliberation in Hainaut, 15th- 16th centuries : a fool’s game », in Mario Damen, Jelle Haemers and Alastair Mann (eds), Estates in late medieval and early modern Europe, Leiden, Brill, 2017, sous presse.
  • [6]
    Caroline Fargeix, Les élites lyonnaises du XVe siècle au miroir de leur langage : pratiques et représentations culturelles des conseillers de Lyon, d’après les registres de délibérations consulaires, Paris, De Boccard, 2007.
  • [7]
    À Dijon, par exemple, le clerc de la ville notait parfois un désaccord entre les membres du conseil, voir Thierry Dutour, Une société de l’honneur. Les notables et leur monde à Dijon à la fin du Moyen Âge, Paris, Champion, 1998, p. 137. Des mentions de conflits peuvent être trouvées dans les registres de Toulouse et de Montpellier : Pierre Chastang, « ‘‘Et je vous enlisterai.’’ Conflit politique et pouvoir de l’écrit à Montpellier au début du XIVe siècle », dans Pierre Chastang, Patrick Henriet et Claire Soussen (sous la direction de), Figures de l’autorité médiévale. Mélanges offerts à Michel Zimmermann, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, p. 275-282 ; Vincent Challet, « Nemine discrepante. Discordancias y communicacion politica en el seno del consulado montpellerino a fines de la Edad Media », Edad Media. Revista de Historia, no 13, 2012, p. 143-161 ; Xavier Nadrigny, Information et opinion publique à Toulouse à la fin du Moyen Âge, Paris, École des Chartes, 2013, p. 199-219.
  • [8]
    Il n’existe pas de monographie récente consacrée à Mons ; en attendant, voir Gilles-Joseph de Boussu, Histoire de la ville de Mons, ancienne et nouvelle, Mons, 1725, ou Georges Jouret, Histoire de Mons et du pays de Mons, Charleroi, La province, 1926. Ces informations sont empruntées à Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’. La législation communale de Mons (Hainaut) dans son contexte régional (XIIIe-début XVIe siècle). Sources, objets et acteurs », dans Jean-Marie Cauchies et Éric Bousmar (sous la direction de), « Faire banz, edictz et statutz ». Légiférer dans la ville médiévale. Sources, objets et acteurs de l’activité législative communale en Occident, ca. 1200- 1550, Bruxelles, PFUSL, 2001, p. 153.
  • [9]
    Antheun Janse, Een pion voor een dame. Jacoba van Beieren (1401-1436), Amsterdam, Balans, 2009, p. 192.
  • [10]
    Selon le privilège du 14 avril, voir Jean-Marie Cauchies, Ordonnances de Philippe le Bon pour le comté de Hainaut, 1425-1467, Bruxelles, SPF Justice, 2010, p. 44. Voir aussi, du même auteur, « Un avortement à Mons en 1428... ou un essai manqué de bourgeoisie foraine », Annales du Cercle archéologique de Mons, no 74, 1990, p. 89-103. 11.Il n’existe pas d’étude socio-économique de la population montoise ou de l’élite politique de la ville. Cependant, dans l’index de sa publication Les plus anciens comptes de la ville de Mons, 1278-1356 (Bruxelles, CRH, 1973), Christiane Piérard fournit quelques indications sur les professions des échevins de la fin du XIIIe siècle et de la première moitié du XIVe siècle. Ainsi, parmi les 77 noms pour lesquels on dispose d’informations, la grande majorité est qualifiée de « vinier » – c’est-à-dire marchand de vin – (48 ou 62 %), quelques-uns de « drapier » (8 ou 10 %), rares sont les changeurs (3 ou 4 %), tandis qu’une minorité significative est aussi active dans le secteur des travaux publics ou du transport lié aux travaux des remparts (13 ou 17 %). On note aussi leurs activités comme créanciers de la ville, fermiers de la maltôte et « maltôteurs » (32 ou 42 %), ce qui est la preuve d’une certaine richesse.
  • [12]
    Gabriel Wymans, « Origine et croissance des connétablies de métiers à Mons (XIIIe-xve siècle) », Archives et Bibliothèques de Belgique, no 36, 1965, p. 15-34 ; Jean-Marie Cauchies et Jean-Paul Hoyois, « Les métiers », dans Florian Mariage (sous la direction de), Les institutions publiques régionales et locales en Hainaut et Tournai/Tournaisis sous l’Ancien Régime, Bruxelles, AGR, 2009, p. 353-3611.our les institutions politiques de Mons, voir le chapitre de Christiane Piérard, « Mons (Moyen Âge) », ibidem, p. 247-258.
  • [13]
    Gabriel Wymans, « Origine et croissance... », op. cit., p. 17, p. 19.
  • [14]
    Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit., p. 165 et p. 174-175.
  • [15]
    Par exemple en janvier 1425 le conseil de la ville stipule « que tout homme a present tenant maisnage en le dicte ville de Mons et faisant sen kief soit maries, vesves ou a marier qui point ne soit es connestablies de le dicte ville y soient entret dededens tierch jour enssuivant ce present ban fait » (AEM, AVM, 1246, 335v). Une liste des connétablies montoises figure dans un document fiscal de 1417 : il s’agit des « boulenghiers, taverniers, bouchiers, merchiers, corduaniers et corbisier, sielliers, casneurs, candillons, drapiers, pellethiers, cousturiers, peskeurs, cambiers, fevres, carpentiers, vieswariers, teliers et cureurs, chavetiers, arballetiers dou grans sermens, arballestiers de Saint Anthoine, archiers de Saint Sebastiien, archiers de le sayette » (AEM, AVM, 1247, 88r-v).
  • [16]
    Gabriel Wymans, « Origine et croissance... », op. cit., p. 32.
  • [17]
    Un aperçu pour la France : Graeme Small, « Municipal registers of deliberations in the late Middle Ages : cross-Channel comparisons », dans Jean-Philippe Genet (sous la direction de), Les idées passent-elles la Manche ?, Paris, PUPS, 2007, p. 37-66. Pour les villes mentionnées des Pays-Bas, voir Ben Eersels, « Tous les chemins mènent au conseil. L’influence des corps de métiers sur le processus décisionnel politique à Saint-Trond à la fin du Moyen Âge (ca. 1400-1500) », Publications du Centre Européen des Études Bourguignonnes, no 57, 2017, sous presse ; M. A. Van der Eerden-Vonk, Raadsverdragen van Maastricht, 1367-1428, La Haye, ING, 1992 ; Jelle Haemers, For the common good. State power and urban revolts in the reign of Mary of Burgundy (1477-1482), Turnhout, Brepols, 2009, passim.
  • [18]
    Registres analysés par Henri Vandenbroeck, Extraits analytiques des anciens registres des consaux de la ville de Tournai (1431-1476), Tournai, Malo et Levasseur, 1863.
  • [19]
    Le livre le plus ancien couvre la période entre 1409 et 1425 (AEM, AVM, 1295), le deuxième s’étend de 1425 à 1467 (no 1269), le troisième de 1467 à 1485 (1297) et le quatrième de 1485 à 1509 (1298). À l’exception du premier livre, il ne semble pas y avoir eu de raison particulière motivant cette répartition, si ce n’est l’épaisseur des volumes (respectivement 489, 527 et 434 feuillets).
  • [20]
    La troisième et dernière grande série documentaire consiste en des registres des bans de police, étudiés par Éric Bousmar, « La diplomatique urbaine montoise et la spécificité des textes législatifs : bans de police et ordonnance (fin XIIIe-début XVIe siècles). Une mutation, des permanences », dans Walter Prevenier et Thérèse de Hemptinne (sous la direction de), La diplomatique urbaine en Europe au Moyen Âge, Louvain, Garant, 2000, p. 45-79.
  • [21]
    AEM, AVM, 1296, 1r. Le titre du quatrième livre, lequel est seul à figurer sur la feuille de garde, a été ajouté par une main du seizième siècle après que le volume ait été complété. Dans les comptes de la massarderie, on réfère parfois au « pappier dou Conseil » ; c’est le cas en 1458-1459 (AEM, AVM, 1546, 21v et 22r) et en 1467-1468 (AEM, AVM, 1455, 18v).
  • [22]
    AEM, AVM, 1295, 1r.
  • [23]
    Éric Bousmar, « La diplomatique urbaine... », op. cit., p. 63-78.
  • [24]
    AEM, AVM, 1295, 12r. Une erreur similaire sur le f. 126v, où le clerc écrit que lors de la réunion du 3 juin 1424 fut traitée une requête datée du « XXVIIIe jour de juing l’an XXIIII », et où il nous faut sans doute lire « may » à la place de « juing ».
  • [25]
    Par exemple AEM, AVM, 1296, 271r : « Item, et le nuit de le dite Pasque soient pareillement tenues closes lesdittes baurieres et empriés ycelles lesdittes baurieres [sic] les dis avant portiers comme dessus ».
  • [26]
    Expression empruntée à Albert Rigaudière, Saint-Flour, ville d’Auvergne au bas Moyen Âge : étude d’histoire administrative et financière, Paris, PUF, 1982, t. I, p. 159. Voir aussi Graeme Small, « Municipal registers... », op. cit., p. 57.
  • [27]
    Ne citons que deux études récentes sur Londres qui montrent comment la figure du clerc peut peser lourd sur le discours et le contenu des sources urbaines comme les chroniques, les cartulaires et les registres : Mary Erler, « The guildhall library, Robert Bale, and the writing of London history », Historical Research, no 89, 2015, p. 176-186 ; Jennifer Bishop, « The clerk’s tale : civic writing in sixteenth-century London », in Liesbeth Corens, Kate Peters and Alexandra Walsham (eds), The social history of the archive : record-keeping in early-modern Europe, Oxford, OUP, 2016, p. 112-130.
  • [28]
    Ainsi, le premier registre du conseil se termine en 1425, avec le décès de l’unique clerc du moment, Jean Deslers, qui fut engagé par la ville en 1400 (AEM, AVM, 1488 et 1513). Jean Deslers eut deux clercs pour successeurs : Guillaume Mahieu et maître Jean Druelin, beau-fils du défunt, dont on conserve un acte notarié (AEM, AVM, 266). Pour le lien de famille, voir Jean Dupont, « Gilles Druelin. Trésorier des Chartes du Hainaut (1439-1513). Histoire d’une famille de robins montois à l’époque bourguignonne », Annales du Cercle archéologique de Mons, no 71, 1978-1981, p. 67. En extrapolant, les mentions « Druelin et my » parmi les personnes présentes au Conseil laissent supposer que ce fut l’autre clerc, Guillaume Mahieu, qui écrivit ces passages dans le registre. Voir aussi la preuve plus explicite figurant dans le rapport du 7 décembre 1450 : « W(illaume) Mahieu et my Gembleux » (AEM, AVM, 1296, 217r), pour Colard de Gembloux. Ainsi, on peut déterminer, sans trop d’hésitations, l’identité des scribes.
  • [29]
    Les carrières des clercs du XIVe et XVe siècle, ainsi que leurs tâches, sont décrites par Valeria Van Camp, « Les clercs de la ville de Mons en Hainaut et la production des comptes de la massarderie, vers 1300-1500 », Comptabilité (S). Revue d’histoire des comptabilités, no 9, 2017, en ligne : https://comptabilites.revues.org/2168.
  • [30]
    Jean Dupont, « Gilles Druelin... », op. cit., p. 63-136. 31.Pour l’ensemble des tâches des clercs de la ville, voir Valeria Van Camp, « Les clercs... », op. cit., p. 7-10.
  • [32]
    Valeria Van Camp, « La diplomatique des comptes : méthode, limites et possibilités. L’exemple de Mons, XIVe–XVe siècles », Archiv fϋr Diplomatik, Siegel- und Wappenkunde, no 61, 2015, p. 237-270.
  • [33]
    Voir les remarques et cas d’études d’Andrew Butcher, « The functions of script in the speech community of a late medieval town, c. 1300-1550 », in Julia Crick and Alexandra Walsham (eds.), The uses of script and print, 1300-1700, Cambridge, CUP, 2004, p. 161-162 ; Deborah O’Brien, The veray registre of all trouthe’ : the content, function, and character of the civic registers of London and York, c. 1274-c. 1 482 (PhD thesis, University of York, 1999) ; Laurence Buchholzer, « Une affaire municipale à Rothenbourg/Tauber (1396-1404) », dans Patrick Boucheron et Jacques Chiffoleau (sous la direction de), Religion et société urbaine au Moyen Âge. Études offertes à Jean-Louis Biget par ses anciens élèves, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000, p. 201-224.
  • [34]
    Lynn Gaudreault, Pouvoir, mémoire et identité..., op. cit., p. 181-182.
  • [35]
    Remarquons qu’Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit. p. 71, a caractérisé toute la série des registres comme « de simples aide-mémoires sur papier ».
  • [36]
    AEM, AVM, 1295, par ex. aux feuillets 128r, 132r, 139r. Également au feuillet 135r : « Memore de parler ou conseil de le sallepietre que elle fust mise ailleurs que en le tour leur elle est et en quel liu », écrit après le 21 octobre 1424. En effet, lors de la réunion suivante (4 novembre), « fu il portet d’acort a transporter le sallepetre de le ville, u une partie, de le tour ou elle estoit » (136r).
  • [37]
    « De monstrer les lettres aportees par Colart de le Porte » (AEM, AVM, 1295, 134v).
  • [38]
    AEM, AVM, 1554, 18v et idem, 1297, 2r-v.
  • [39]
    AEM, AVM, 1295, 271r. Renvoi similaire : idem, 1296, 396r.
  • [40]
    Voir Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit., p. 172-180 pour une analyse des activités de ces différents groupes, afin d’obtenir un ban de police. 41.Il est impossible de le vérifier, car la mention dans le registre est notre seule source.
  • [42]
    Sur la criminalité montoise : Marie-Amélie Bourguignon, « Bans de police et comptes urbains à Mons : regards croisés sur l’ordre public et moralité », dans Dirk Heirbaut, Xavier Rousseaux et Alain Wijffels (sous la direction de), Histoire du droit et de la justice : une nouvelle génération de recherches, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires, 2010, p. 255-272.
  • [43]
    Patrick Lantschner, « Voices of the people in a city without revolts : Lille in the later Middle Ages », in Jan Dumolyn et alii (eds.), The voices of the people in late medieval Europe. Communication and popular politics, Turnhout, Brepols, 2014, p. 73-88.
  • [44]
    Archives générales du Royaume (Belgique), Chambre des Comptes, no 15122, 25v. Trois complices subirent des mutilations et furent condamnés à l’exil (Archives départementales du Nord, série B, no 10379, 55r).
  • [45]
    Cette année-là, les corporations des métiers tournaisiens obtinrent un véritable pouvoir corporatif indépendant du magistrat, la « Chambre des arts et métiers ». Bénéficiaire d’une charte royale en 1424, elle fut investie de la charge de police manufacturière et commerciale urbaine (Jean-Marie Cauchies, « Normes, conflits, résolutions : princes, villes et métiers dans les anciens Pays-Bas », dans Serge Dauchy et alii (sous la direction de), Histoire, justice et travail, Lille, CHJ, 2005, p. 12). Sur la révolte tournaisienne : Patrick Lantschner, The logic of political conflict in medieval cities. Italy and the Southern Low Countries, Oxford, OUP, 2015, p. 152-168.
  • [46]
    Jelle Haemers, « Révolte et requête. Les gens de métiers et les conflits sociaux dans les villes de Flandre (XIIIe-XVe siècle) », Revue Historique, no 677, 2016, p. 27-56. Sur la procédure de requêter en Hainaut, voir Jean-Marie Cauchies, La législation princière pour le Hainaut, ducs de Bourgogne et premiers Habsbourg (1427-1506), Bruxelles, FUSL, 1982, passim.
  • [47]
    AEM, AVM, 1295, 127r.
  • [48]
    Caroline Fargeix, « La querelle des artisans et des consuls : mémoire, pouvoir et conflit à Lyon au début du XVIe siècle », dans Philippe Hamon et Catherine Laurent (sous la direction de), Le pouvoir municipal de la fin du Moyen Âge à 1789, Rennes, PUR, 2012, p. 253-264.
  • [49]
    Walter Prevenier, « Les sources de la pratique judiciaire en Flandre du XIIe au XVe siècle et leur mise en œuvre par les historiens », dans Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (sous la direction de), Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2007, p. 108 ; Marc Boone, « L’influence des pratiques et du savoir-faire ‘‘étatiques’’ dans les comptes des villes flamandes et des principautés des anciens Pays-Bas aux XIVe-XVe siècles », dans Olivier Mattéoni et Patrice Beck (sous la direction de), Classer, dire, compter. Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge, Paris, IGPDE, 2015, p. 199-215.
  • [50]
    La revendication politique principale du peuple dans les villes du Midi et du Massif central n’était pas de participer activement à la gestion des deniers urbains, mais de voir les trésoriers rendre compte de leur gestion en communiquant l’état des finances urbaines, voir Xavier Nadrigny, Information et opinion publique..., op. cit., p. 282, et Albert Rigaudière, « Le contrôle des comptes dans les villes auvergnates et vellaves aux XIVe et XVe siècles », dans Philippe Contamine et Olivier Mattéoni (sous la direction de), La France des principautés. Les chambres des comptes, XIVe et XVe siècles, Paris, IGPDE, 1996, p. 211. 51.AEM, AVM, 1295, 127r. Aussi pour ce qui suit.
  • [52]
    AEM, AVM, 1295, 127v.
  • [53]
    Léopold Devillers, Cartulaire des comtes de Hainaut, de l’avènement de Guillaume II à la mort de Jacqueline de Bavière, Bruxelles, Hayez, 1896, t. VI, p. 91.1.
  • [54]
    En cette qualité, il bénéficia d’un don annuel de 25 s. et ce jusqu’à l’année comptable 1446- 1447 (AEM, AVM, 1516, 34v etc.).
  • [55]
    Amable de Barante, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, 1364-1477, Paris, 1825, Ladvocat, p. 7-8.
  • [56]
    AEM, AVM, 1295, 124v.
  • [57]
    Antheun Janse, Een pion voor een dame..., op. cit., p. 216.
  • [58]
    AEM, AVM, 1295, 133r.
  • [59]
    AEM, AVM, 1295, 134v, 135r, 136r. Voir aussi Léopold Devillers, Particularités curieuses sur Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, et sur le comté de Hainaut, Mons, Hoyois, 1838, p. 106. Sur la participation des députés montois aux réunions des États hainuyers : Marie Van Eeckenrode, Les États de Hainaut sous le règne de Philippe le Bon, 1427-1467, Courtrai, UGA, 2011, p. 140-145.
  • [60]
    AEM, AVM, 1295, 141r, 147v, 150r. La promulgation de l’ordonnance de janvier 1425 (citée dans la note 13), obligeant chaque citoyen à faire partie d’une connétablie, doit évidemment être vue dans ce contexte.
  • [61]
    AEM, AVM, 1295, 143r.
  • [62]
    Marc Boone, Gent en de Bourgondische hertogen, ca. 1384 – ca. 1453 : een sociaal-politieke studie van een staatsvormingsproces, Bruxelles, KVAB, 1990, pp. 28 et 31 ; Jan Dumolyn, De Brugse opstand, 1436-38, Courtrai, UGA, 1997, p. 164.
  • [63]
    AEM, AVM, 1295, 143v-144r.
  • [64]
    AEM, AVM, 1296, 47r (voir annexe 2). L’accent mis sur le fait de « warder et entretenir les previlleiges et franchises de le ditte ville » peut aussi être lié à une altercation entre le bailli du Hainaut et la ville en 1428. Le bailli reprocha alors à Mons de l’avoir lésé dans ses privilèges en ce qui concerne la promulgation de « bans de police » (Voir Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit., p. 169).
  • [65]
    Philippe Guignet, « Mons (temps modernes) », dans Florian Mariage (sous la direction de), Les institutions publiques..., op. cit., p. 262.
  • [66]
    AEM, AVM, 1563, 64r (mention de l’année 1477) : « Ces presents comptes furent ouys, clos et affinis en la maison de la paix de la ditte ville de Mons ».
  • [67]
    AEM, AVM, 1296, 50r. Sur cette affaire, voir Jean-Marie Cauchies, « Mons et Valenciennes devant le Grand Conseil du duc de Bourgogne : un conflit de longue durée (1394-1446) », Bulletin de la Commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances de Belgique, no 38, 1997, p. 99-171.
  • [68]
    Maurice Arnould, « Les lendemains de Nancy dans les ‘‘pays de par deça’’ (janvier-avril 1477) », dans Wim Blockmans (sous la direction de), 1477. Le privilège général et les privilèges régionaux de Marie de Bourgogne pour les Pays-Bas, Courtrai, UGA, 1985, p. 25-26.
  • [69]
    Voir par exemple AEM, AVM, 1296, 401v : séance ordinaire des échevins et le conseil de la ville de Mons, élargi avec quelques invités qui sont qualifiés comme « retenut » pour élire un nouveau massard (3 octobre 1461).
  • [70]
    Xavier Nadrigny, Information et opinion publique..., op. cit., p. 282.
  • [71]
    Albert Rigaudière, « Conclusions autour de certaines manières d’aviser », dans Martine Charageat et Corinne Leveleux-Teixeira (sous la direction de), Consulter, délibérer, décider..., op. cit., p. 355.
  • [72]
    Paul Bertrand, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire (entre royaume de France et empire, 1250-1350), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, p. 372- 379 ; Alexandra Walsham, « The social history of the archive : record-keeping in early-modern Europe », in Liesbeth Corens, Kate Peters and Alexandra Walsham (eds.), The social history of the archive. Record-keeping in Early Modern Europe, 2016, p. 9-48.
  • [73]
    Pierre Chastang, La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier (XIIe-XIVe siècle). Essai d’histoire sociale, Montpellier, Publications de la Sorbonne, 2013, p. 277. Voir aussi les remarques stimulantes de Joseph Morsel, « Sociogenèse d’un patriciat. La culture de l’écrit et la construction du social à Nuremberg vers 1500 », Histoire Urbaine, no 35, 2012, p. 105-106.
  • [74]
    Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit., p. 162.
  • [75]
    Caroline Fargeix, « Mémoire urbaine et opinions politiques : réflexions méthodologiques à partir des registres consulaires de la ville de Lyon », in Hipolito Oliva Herrer et alii (ed), La comunidad medieval como esfera publica, Sevilla, SUP, 2014, p. 138.

1 « Pluiseurs memores dont boin seroit que parlet fust » [1] : telle fut l’inhabituelle formule introduisant le compte rendu de la réunion du conseil communal de Mons du 2 juin 1424 [2]. Ce jour-là, une requête émanant de quelques citoyens provoqua en effet de fortes émotions à l’hôtel de ville (appelée Maison de la Paix). Cette requête critiquait en termes forts la politique des échevins. La requête énumérait une longue liste de plaintes : les impôts étaient perçus de manière malhonnête, les plaintes précédentes relatives à la gestion de la ville n’avaient pas été entendues et les administrateurs communaux ne se soumettaient pas à leur propre législation. Bref, « li ville est mal gouvernee » concluait la requête. Le conseil communal s’empressa de réagir de la façon qui était habituellement celle des administrateurs médiévaux dans ces cas-là. Les auteurs de la requête (Simon Bustin, Colart de le Bare, « et pluiseurs leur compliches » selon le compte rendu) furent mis en prison et les plaintes portant sur la mauvaise administration de la cité furent presque totalement ignorées. Il est ici utile de rappeler que Mons était alors bousculée par une profonde crise liée à une lutte de succession faisant rage dans le comté. Toute l’attention était par conséquent cristallisée sur la guerre imminente entre le duc Jean de Brabant et son épouse Jacqueline de Bavière, lesquels époux se disputaient le gouvernement du comté de Hainaut dans une lutte matrimoniale.

2 Mais pourquoi le clerc de la ville voulut-il conserver la mémoire de cette requête ? Pourquoi la consigna-t-il par écrit et se fendit-il même, dès la phrase d’introduction du compte rendu, d’un éloquent « boin seroit que parlet fut » ? Aux yeux du médiéviste, cette mention, doublée de la présence d’une copie de la requête dans les registres, a de quoi étonner. Dans les villes du Bas Moyen Âge, il était en effet habituel que les registres contenant les rapports d’un conseil communal dissimulent, voire ignorent toute mise en cause de la municipalité. Les recherches portant sur ces rapports révèlent qu’ils servaient d’outils politiques, utilisés par les administrateurs de la ville, et qu’ils ne reflètent donc pas, en tant que tels, les débats ayant eu lieu lors des réunions [3]. Puisque sa fonction était d’assurer la légitimité des décisions prises et d’empêcher la critique, ce type de document met l’accent sur le consensus parmi les administrateurs, sur la qualité de leur gouvernement sur leur ardeur dans la défense des privilèges et sur le caractère unanime des décisions. Ceci en ferait plutôt un écrit mémoriel tourné vers l’avenir, évoquant l’image d’un manifeste de bon gouvernement [4]. Précisons que Mons ne constituait aucunement une exception dans ce domaine [5]. L’histoire de « li peuple » est en effet à peine abordée dans ces registres et, si tel est le cas, « l’homme de la rue » y figure comme l’objet passif de décisions politiques et pénales. Les comptes rendus des décisions du conseil communal révèlent donc peu de choses sur l’histoire du peuple, et encore moins sur les plaintes relatives à la gestion de la ville.

3 Dans son étude portant sur les registres de délibérations à Lyon, Caroline Fargeix conclut néanmoins que ces documents peuvent malgré tout contenir des traces de désaccords entre les administrateurs, ou de débats approfondis sur la politique menée [6]. D’autres auteurs ont eux aussi montré que ce type de registre mentionne parfois des désaccords entre les membres du conseil, ou l’existence de conflits sociaux dans la ville [7]. Toutefois, ils ne proposent jamais de développements détaillés dans ce domaine. Dès lors, cet article se propose d’examiner les raisons qui ont présidé à la conservation des plaintes du peuple montois. Existe-t-il d’autres exemples d’une semblable intervention du peuple dans le gouvernement de la ville ? En quoi consistait, d’ailleurs, la procédure « normale » menant à une décision des échevins et du conseil de la ville de Mons et qui furent les initiateurs de ces décisions ? Quelle fut la réaction politique et administrative du gouvernement urbain face aux plaintes des habitants de la ville ? De telles recherches montreront que la consignation par écrit de récits de crise pouvait également avoir son importance, quand il s’agissait de justifier la politique urbaine. De plus, cette étude montre que si les registres sont certes des sources intéressantes pour documenter l’histoire des élites urbaines – ils sont d’ailleurs fréquemment étudiés dans cette optique par les historiens – ils peuvent également l’être pour documenter l’histoire des citadins. Il arrive en effet qu’on entende résonner la voix du peuple dans les registres, et quand tel est le cas (comme à Mons en 1424), ces passages dévoilent des aspects méconnus de l’histoire : les idées politiques de « li peuple » et l’impact potentiel de la population sur la gestion urbaine. Dans le cas de Mons, un changement institutionnel, à savoir la création en 1428 du « conseil des LX », peut être considéré comme la conséquence indirecte de la requête présentée quatre ans plus tôt. De plus, nous soutenons que le rapport avec les comptes communaux de la ville fut modifié après cette contestation du pouvoir. Ces remarques suggèrent que l’histoire des documents administratifs est non seulement colorée par les stratégies politiques de l’élite urbaine qui les a composés, mais aussi les revendications sociales du peuple. Dans ce qui suit, nous proposons d’abord une brève description du contexte de création de ces registres en particulier et une rapide analyse de cette source, avant de nous intéresser de plus près à la requête déjà citée et au rapport des citadins avec les comptes communaux.

Mons et la crise des années 1420

4 Au début du XVe siècle, la ville de Mons, située aujourd’hui à la frontière franco-belge, était devenue la capitale politique du comté de Hainaut. Cette ville de 6 000 à 8 000 habitants tirait ses principales ressources de sa position de transit dans le réseau économique plus large du comté, de sa fonction de centre religieux (les chapitres de Sainte-Waudru et de Saint-Germain), et de la présence d’une résidence comtale. C’est la raison pour laquelle l’histoire de la ville est étroitement liée à l’histoire du comté [8]. Dans le premier tiers du XVe siècle, et en particulier dans les années 1420, cette histoire est fort animée : la princesse Jacqueline de Bavière, ayant fait déclarer nul son mariage avec le duc de Brabant Jean IV, s’était remariée en 1422 avec le duc anglais de Gloucester [9]. Fidèle à l’autorité de sa comtesse, Mons accueillit l’Anglais comme prince, alors que le Brabançon, se considérant encore et toujours comme étant le comte légitime de Hainaut, de Hollande et de Zélande, envahit militairement le comté en 1424. Les efforts pour arrêter l’avancée de l’armée brabançonne furent vains et la ville hainuyère dut payer sa fidélité à la comtesse en endurant un siège de courte durée en mai 1425. Les échevins et le conseil communal finirent, contraints et forcés, par choisir le camp de Jean de Brabant et négocièrent la reddition. Quand le duc de Brabant fit son entrée triomphale dans la ville, la duchesse Jacqueline la quitta pour se rendre en exil à Gand, auprès de Philippe le Bon, duc de Bourgogne et comte de Flandre, lequel était intimement lié aussi bien au duc Jean IV de Brabant qu’à la duchesse Jacqueline.

Figure 1

L’hôtel de ville de Mons, « la Maison de la Paix » (milieu du XVe siècle). Sur l’hôtel de ville, voir Christiane Piérard, « Mons. L’hôtel de ville », dans Julien Maquet (sous la direction de), Le patrimoine médiéval de la Wallonie, Namur, 2005, p. 494-496).

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L’hôtel de ville de Mons, « la Maison de la Paix » (milieu du XVe siècle). Sur l’hôtel de ville, voir Christiane Piérard, « Mons. L’hôtel de ville », dans Julien Maquet (sous la direction de), Le patrimoine médiéval de la Wallonie, Namur, 2005, p. 494-496).

5 En 1427, après quelques années d’incertitude, le comté finit par retrouver la paix, quand Philippe le Bon en prit les rênes en tant que gouverneur après la mort de Jean de Brabant. Le nouvel homme fort était apparemment soucieux de s’assurer la loyauté de la capitale du Hainaut : le 14 avril et le 17 octobre 1428, il donna suite aux demandes de la ville, en lui accordant deux privilèges synonymes d’un important pouvoir de juridiction. Selon la justification officielle, la ville était à cette époque « pou peuplee » et « petitement fondee en fait de marchandise », et les échevins n’étaient pas en mesure de pénaliser « pluiseurs malfaiteurs » [10]. S’il est vrai que la ville avait subi de graves préjudices financiers et économiques en raison des événements des années précédentes, il est clair que l’élite montoise profita de l’alliance avec Philippe le Bon pour obtenir des privilèges intéressants. Dès 1433, Philippe fut reconnu en qualité de comte de Hainaut, et Mons, en tant que partenaire loyal, put à nouveau envisager un avenir favorable. Une période agitée prit alors fin.

6 La ville était régie par sept échevins – dix à partir de 1406 –, lesquels étaient en majorité originaires des familles les plus riches et les plus importantes11 . Le reste de la population était divisé en « connétablies », soit des associations d’artisans dirigées par un connétable. Celles-ci n’étaient toutefois pas impliquées en tant que groupes dans le gouvernement de la ville [12]. À son origine, le terme connétablie évoque le service militaire dû à titre féodal au comte de Hainaut par les premiers habitants de la villa. Dans le courant du XIIIe siècle, le sentiment communautaire professionnel prit graduellement le pas sur le sens de la confraternité militaire, et de ce fait, le concept de « connétablie-milice » s’effaça au profit du concept de « connétablie-métier » [13]. S’il est vrai qu’un connétable pouvait être consulté par les échevins à titre individuel et que les artisans pouvaient faire approuver des règlements internes par le biais de requêtes, on est loin d’une participation politique de grande envergure comme celle acquise par les métiers de Flandre et de Brabant au cours du XIVe siècle. Bien au contraire, la ville déterminait les statuts des connétablies et, même si ces textes pouvaient être accordés suite à une requête, c’était le conseil de ville qui avait le dernier mot [14]. De cette façon, l’oligarchie avait acquis une forte emprise sur les échanges commerciaux, soit une conséquence directe de l’obligation d’adhésion aux connétablies par tous les membres actifs de la population urbaine [15]. Seuls deux membres appartenant aux confréries de tir (les arbalétriers) participaient aux réunions du conseil à la Maison de la Paix, et ce depuis 1419 [16]. Mais il s’agissait là bien évidemment de confréries peuplées par des familles aisées. Qu’une telle oligarchie suscitât des protestations n’avait pas de quoi étonner, notamment dans les périodes d’instabilité politique, comme ce fut le cas dans les années 1420. Avant de nous intéresser aux plaintes précises émises par la population montoise, un regard sur la source nous renseignant sur cet épisode et sur les auteurs s’impose.

Les registres du conseil montois et leurs auteurs

7 Mons conserve les comptes rendus des décisions de son conseil communal depuis 1409. Dans ce qui suit, nous nous interrogerons sur l’origine de cette source exceptionnelle et éclairerons brièvement son contenu, ses auteurs, sa réalisation ainsi que son utilité pour l’historien. Il s’agit en effet d’une source exceptionnelle car peu de registres de ce type ont été conservés dans les anciens Pays-Bas. À la différence des villes françaises, dont nombre rédigèrent de similaires comptes rendus des réunions de leurs conseils communaux, les villes des Pays-Bas (par exemple Bruges, Maastricht, Saint-Trond...) possèdent principalement des rapports qui se limitent à mentionner les décisions prises par les échevins [17]. Rares sont les documents qui énumèrent la liste des points abordés ou qui mentionnent des discussions ayant eu lieu durant les réunions. Le conseil communal de Tournai tenait, il est vrai, des registres de ce type, mais force est de constater que Tournai fut aux Pays-Bas une enclave qui relevait de l’autorité royale française [18]. Il se pourrait bien évidemment que l’exemple de Tournai eût inspiré les Montois, mais aucun élément allant dans ce sens ne figure dans les registres montois. Quoi qu’il en soit, Mons a conservé quatre livres, couvrant l’ensemble du quinzième et le début du seizième siècle en ce qui concerne les discussions de son conseil communal [19]. Contrairement à l’autre grande série de sources couvrant les XIVe et XVe siècles, c’est-à-dire les comptes du massard (le receveur communal), lesquels sont tous inscrits sur du parchemin, les volumes se composent ici de cahiers de papier protégés devant et derrière par des feuilles de carton et insérés dans une enveloppe en parchemin [20]. À l’exception du registre le plus ancien, l’encre de la partie inférieure des feuillets s’est souvent plus ou moins éclaircie, même jusqu’à devenir quasiment illisible. En raison du caractère exceptionnel de ce document, une description détaillée est de mise. Cette approche diplomatique pourra en outre nous aider à mieux cerner le contenu.

8 Les livres ou registres du conseil n’ont pas de titre. Seul le deuxième livre donne à lire « C’est li papiers de memores de ce que li esk (evi) ns de Mons ont besongniés des le XXIIIIe jour d’octobre jusques (sic) l’an CCCCXXV jusques au jour sainte Luce mil IIIIc & LXVI. » [21] À ce moment-là, les livres suivaient déjà un canevas fixe. Cependant, au début du premier livre, il est clair que l’approche n’avait pas encore été clairement définie. Le tout premier compte rendu commence et finit au premier folio. Il mentionne d’abord la date et le lieu de la réunion des échevins et conseillers (le 25 juin 1409), avant d’énumérer un ensemble de points abordés et de conclure avec une liste des personnes présentes [22]. La suite du registre propose une énumération de points isolés mentionnés en l’absence d’un agenda complet ou d’une date. À première vue, un canevas fixe semble s’être graduellement imposé dans le premier livre. Celui-ci consiste à énumérer pour chaque réunion la date, le lieu et les personnes présentes (d’abord les échevins, puis les membres du conseil), puis les points abordés lors de la réunion en question. Les volumes suivants suivent ce canevas logique, mais dans le premier volume, cette structure est loin d’être fixe. Ceci peut indiquer que l’auteur ne partait pas d’un plan préétabli, mais que le canevas que l’on trouve dans les livres ultérieurs s’est développé au fur et à mesure. Il y a peu de témoins écrits de la capacité délibérative du conseil de ville, avant la tenue de ces registres – quelques indications peuvent cependant être trouvées dans les bans de police [23], qui constitue en quelque sorte le ‘produit fini’ des délibérations. Ce constat renforce l’hypothèse d’une entreprise nouvelle dans l’administration montoise.

9 Il est tentant de considérer que les comptes rendus figurant dans les registres du conseil ont été rédigés le jour même de la réunion du conseil communal dont ils rendent compte, ou en tout cas peu de temps après. Quoiqu’il soit impossible de constater quand les comptes rendus ont précisément été rédigés, les nombreuses rectifications que l’on peut observer dans les dates citées peuvent nous fournir une indication. En voici un exemple. Les dates du 10, du 17 et du 24 janvier 1411 se suivent en bon ordre. Pour la date suivante, le 31 janvier, l’auteur avait d’abord noté le 31 février, ce qu’il a ensuite rayé et corrigé [24]. Cette rectification pourrait suggérer que le compte rendu de la réunion du 31 janvier 1411 n’a pas été rédigé le jour même, mais au plus tôt le jour suivant, le 1er février. Il est peu probable que les clercs de la ville aient rédigé les comptes rendus à partir de leurs souvenirs. Il est logique de supposer que des notes éparses ont été prises durant les réunions et que celles-ci ont constitué ensuite la base pour le compte rendu figurant dans les livres du conseil. C’est en tout cas ce que suggèrent certains lapsus comme les répétitions de séquences de mots déjà cités et qui ont été rayés par la suite [25]. De plus, parmi les personnes citées comme étant présentes, on ne trouve pas toujours le(s) nom(s) du/des clerc(s) de la ville. Ce qui pose certains problèmes, surtout pour le premier livre, puisque la ville ne comptait alors qu’un seul clerc. La donne change à partir du deuxième livre, car deux clercs étaient à ce moment aux gages de la ville, et l’un des deux était cité parmi les personnes présentes.

10 Les clercs d’une ville médiévale peuvent être considérés comme leur « mémoire vivante » [26]. Leurs pratiques, idées et profil modelaient d’une façon importante les lunettes avec lesquelles un historien regarde aujourd’hui l’histoire urbaine [27]. Le rôle joué par les clercs montois, dans l’établissement des comptes rendus des séances du conseil de ville, requiert donc une analyse de leur statut et de leur profil socioprofessionnel. Le fait qu’ils aient tenu les registres du Conseil eux-mêmes est rendu évident par l’étude des différentes mains, en croisant notamment les données avec les changements de clerc et en comparant ces mains avec d’autres écrits dont la paternité ne fait aucun doute [28]. Hommes de l’écrit, avec une carrière antérieure administrative comme clerc subalterne ou notaire public, les clercs de la ville de Mons des XIVe et XVe siècles sont pourtant intimement liés à l’élite politique de la ville : Jean Le Candillon (clerc 1310-1324 ?), Colard de Gembloux (clerc 1439-1464) et son neveu Mathieu l’Oste (clerc 1464-1474) comptent très probablement des échevins dans leurs familles, tandis que les anciens clercs Pierre de Bermeraing (clerc 1345-1352), Jean de le Porte (clerc 1360 ?-1372) et Henri Restiaul (clerc 1438-1439) sont devenus eux-mêmes échevins [29]. Parmi les échevins de la deuxième moitié du XVe siècle, on note aussi la présence de Gilles Druelin, fils et petit-fils des clercs montois Jean Druelin et Jean Deslers, qui a échoué à suivre leurs pas pour enfin devenir trésorier de Hainaut avant d’être anobli par Charles le Téméraire [30]. Si les autres clercs n’ont pas atteint la plus haute marche de la politique urbaine, la longévité de leur office de clerc (45 ans, de 1425 à 1470, pour Guillaume Mahieu !), leur présence dans les coulisses du pouvoir et leur implication dans les démarches diplomatiques leur ont sûrement procuré une grande influence au conseil31 . Bref, il est clair que, par leurs contacts quotidiens avec les élites de la ville ainsi qu’avec l’administration centrale/comtale (la cour comtale, le bailli de Hainaut et le conseil princier), les clercs de la ville de Mons appartenaient sans doute à l’élite sociopolitique de Mons, tout autant que les échevins et conseillers. En outre, à la même époque, les clercs de la ville confièrent à des clercs subalternes, engagé à leur service, la mise par écrit des comptes de la massarderie, dont la responsabilité leur incombait [32]. Cela montre d’une part l’importance relative des registres du conseil au sein de l’administration urbaine et d’autre part le poids politique du clerc lui-même.

11 Même si les quatre livres constituent encore aujourd’hui un ensemble de données utiles, et ce afin de nous permettre une entrée virtuelle au sein des réunions des échevins et du conseil communal montois, les notes proposées ne fournissent toutefois pas de description détaillée de ces rencontres de travail. Seule y figure une description (parfois vague) du sujet, accompagnée souvent d’une conclusion (« Portet d’acort », « point d’acort », « fu conclud » etc.). Parallèlement aux registres d’autres villes, l’expression d’opinions individuelles fait ici aussi défaut. Soit l’accord semble avoir été unanime (quoique cela ne soit pas explicitement dit), soit on n’obtint pas d’accord. Évidemment, l’absence de la mention de désaccord ne signifie pas que la décision avait été unanime. Elle insinue seulement que le groupe qui s’est opposé à la maior pars n’est pas perceptible dans l’enregistrement de la séance. L’absence de décision est pratiquement le seul moment où l’historien peut ressentir que l’harmonie est rompue et que le groupe ne parvient pas à tomber d’accord. Pas un mot sur les éventuels points de dissension ou le nombre de personnes ayant une opinion divergente. Comme l’ont montré d’autres études déjà citées, portant sur des registres similaires, ces documents avaient visiblement pour tâche de contribuer à la cohésion au sein du conseil et se devaient donc de répandre une image d’unanimité, d’unité et de stabilité [33]. La conclusion de Lynn Gaudreault en ce qui concerne les registres de Brignoles vaut donc également pour ceux de Mons : « le registre semble écrit pour narrer – et prouver par le fait même, puisque la narration porte en soi une forte valeur probatoire – au bénéfice des contemporains, mais surtout des hommes du futur, la qualité de leur gouvernement [...]. Il s’agit donc d’un écrit mémoriel tourné vers l’avenir... Non pas un outil de propagande politique, puisqu’il ne circule pas hors du cercle du conseil, mais plutôt un manifeste prouvant leur bonne administration. » [34]

12 Peut-on trouver des traces suggérant une quelconque utilisation de ces registres ? Le premier registre donne l’impression d’avoir eu aussi une fonction pratique dans l’administration quotidienne de la ville [35]. Premièrement, dans la marge gauche des premiers feuillets, à la hauteur des points les plus débattus, figure une lettre F., que l’on peut sans doute lire comme étant l’abréviation pour « Fait » ou « Facta ». Deuxièmement, lorsque la structure dans le premier livre s’est un peu raffermie, les notes commencent parfois par le terme « Memore » [36]. Troisièmement, on voit apparaître sporadiquement la mention spécifique « Il fu fait », par exemple auprès d’une note relative à la réunion du 21 octobre 1424, dont la formulation renvoie très clairement à un rappel [37]. Quatrièmement, les notes commencent quelquefois par les mots « De parler », comme partie intégrante du texte et non comme note marginale, là où on se serait attendu plutôt à « Fu parlet » au cas où la note aurait renvoyé à des éléments déjà abordés ; « de parler » réfère en effet à des points encore à aborder. Toutefois, ce caractère pratique qu’on trouve dans le premier registre, l’énumération de tel ou tel point à faire, est absent dans les autres registres, où les traces d’utilisation sont clairsemées. D’une part, une seule mention figure dans les comptes du massard, d’autre part, on relève même ci et là des renvois au sein des registres. En ce qui concerne la mention dans les comptes du massard, il s’agit d’un passage datant de 1466-1467 qui renvoie à une décision figurant dans le registre du conseil [38]. Quant aux renvois internes, nous lisons dans le deuxième registre, à la date du 17 avril 1451 : « Item, pourtant que au deseure d’iceulx chinkantaines par le conseil de le ditte ville fu ordonné en march l’an IIIIC et LXL apparant au CLXXIIe folio du registre du dit conseil que...» [39]. Tout ceci suggère que l’accès au registre était réservé aux échevins, aux membres du conseil communal, aux avocats et aux clercs de la ville, sans aucune trace de contrôle princier.

Le contenu de la requête de 1424

13 Les connétables, et encore davantage les membres des métiers, peuvent être écartés de la liste des lecteurs potentiels des registres. Ils étaient en effet largement exclus de la gestion de la ville, comme nous l’avons déjà mentionné. C’est d’ailleurs précisément cette situation que les requérants du 2 juin 1424 voulaient voir changer. Le chaos politique provoqué par la crise de succession dans le comté leur fournit l’occasion de critiquer les échevins et de tenter d’obtenir plus d’accès au gouvernement de la ville. En effet, malgré l’absence d’une étude systématique, le recensement des initiateurs d’action publique de l’année 1451 (année choisie au hasard) révèle qu’à peu près la moitié des points de discussions au conseil furent initiés par une requête émanant d’individus, de groupes de pression, de connétablies, d’autres villes, d’institutions ecclésiastiques ou encore du gouvernement central [40]. Le fait même que le Conseil avait reçu, le 2 juin 1424, une requête n’a donc rien d’extraordinaire. Par contre, le fait que son contenu soit mentionné dans le registre, et même très probablement que celui-ci soit repris dans son intégralité41 , la rend unique : il s’agit donc d’un hapax. Il est également possible que l’énonciation de plaintes se fit plutôt oralement, car le registre évoque des « paroles ». Quoi qu’il en soit, la liste des plaintes de 1424 (dont l’édition figure en annexe) constitue un témoin remarquable des protestations politiques à Mons. La ville est généralement décrite par les historiens comme une ville loyale envers l’autorité. Elle demeura ainsi quasiment exempte de conflits politiques internes, et certainement de violences collectives. Il existait bien à Mons différentes formes de criminalité, mais la ville n’a pas connu de révoltes violentes des métiers comme celles qui marquèrent les villes de Flandre et du Brabant [42]. Sur ce point, Mons peut être rapprochée de Lille, également connue dans le comté de Flandre pour sa grande loyauté envers le pouvoir. En ce qui concerne Lille, Patrick Lantschner démontra que l’absence de violences politiques collectives dans cette ville ne signifie pas nécessairement une absence de désaccord des Lillois avec les pratiques de leurs administrateurs. La non-violence s’explique plutôt par un manque de moyens pour mettre en œuvre des actions de résistance. Le mécontentement lié à certains aspects de la gestion ne s’exprima pas par le truchement de grandes mobilisations d’hommes de métiers et de moyens militaires, comme ce fut habituellement le cas lors des révoltes à Gand ou à Bruxelles, mais plutôt par le biais de pamphlets et de requêtes [43]. De ce point de vue, l’histoire politique de Mons apparaît donc comme très similaire à celle de Lille.

14 Mais il arrivait parfois que la population montoise se tournât contre la municipalité. Ainsi, des individus ou des groupuscules contestaient de temps à autre une mesure prise par celle-ci. C’est ce que fit le fripier Jakemart Halet, lequel fut par la suite, en juillet 1421, condamné par le prévôt de Mons et le bailli de Hainaut, avant d’être exécuté en public « pour avoir volut faire commension de peuple en la dicte ville a cause des blés » [44]. Il semblerait donc que, dans ce cas, les prix élevés du blé aient incité certains individus à ameuter le peuple. Les protestations de 1424 étaient cependant de nature clairement collective. Elles étaient aussi de plus grande envergure et mieux organisées. N’oublions pas toutefois que cette année-là vit éclater à Tournai, non loin donc, une violente révolte des métiers dirigée contre la municipalité, et qu’il est tout à fait possible que ces protestations aient incité les métiers montois à également exprimer leur griefs [45]. Cela se fit par le biais d’une requête (orale), selon une procédure courante au Moyen Âge [46]. Les revendications qui figurent dans la requête suggèrent en tout cas qu’elle fut soutenue par un large front de métiers. Les registres citent entre autres comme requérants Simon Bustin et Colart de le Bare, lesquels sont désignés respectivement comme étant tailleur et marchand [47]. Il est probable que ces personnes bénéficiaient d’un soutien plus large vu que la requête n’exprime aucunement des désirs individuels mais plutôt une insatisfaction collective envers la politique municipale et ses irrégularités. Mais quand il s’agit de juguler la résistance, le risque est réel pour l’historien d’interpréter les textes protestataires comme l’expression de désirs individuels et non pas comme une proposition émanant d’une couche plus large de la population et soutenue par celle-ci. En ce sens, la réaction de la municipalité montoise fut classique : la même tendance à minimaliser les protestations afin de préserver l’unité s’observe dans les registres d’autres villes [48]. Vu que les registres avaient précisément pour objectif de consolider la municipalité, nous ne pouvons nous fier à eux pour en extraire plus d’informations concernant le contexte de la requête. Dans ce qui suit, nous nous proposons d’analyser son contenu, avant de revenir plus loin sur le sort des requérants, et ce lorsque nous commenterons l’issue de cette affaire.

15 En résumé, la requête contient sept plaintes. Premièrement, le peuple désirait « oyir les comptes de le ville ». Il s’agit là d’une revendication qui apparaît souvent dans le contexte des révoltes aux Pays-Bas : les sujets espéraient augmenter le contrôle sur la municipalité en soumettant à un examen critique les comptes de la ville. Depuis le début du quatorzième siècle (vers 1308), les comptes de la massarderie n’étaient plus soumis au contrôle princier. En d’autres termes, les échevins et le conseil communal étaient seuls à contrôler le travail du massard, lequel était un des leurs... Comme ce fut le cas dans de nombreuses autres villes, les Montois voulurent donc voir les trésoriers rendre compte de leur gestion en communiquant l’état des recettes et dépenses à la communauté. Dès le début du XIVe siècle, les gens de métiers flamands avaient déjà réussi à mettre en place de tels mécanismes de contrôle dans leurs villes [49]. La requête montoise avait donc pour but d’effacer un certain retard institutionnel en demandant que les dirigeants soient amenés à s’expliquer sur leur politique et à présenter leurs comptes devant le public : les auteurs de la requête désiraient « oyir » les comptes, terme typique pour décrire une telle procédure. Comme le reste de la population urbaine dans le monde méditerranéen, par exemple, le peuple montois tenait donc pour impérieux d’obtenir accès aux documents comptables, et d’en user comme un instrument de contrôle livrant la gestion urbaine à la publicité et faisant barrage aux procédures occultes [50].

16 Contrairement aux habitants des villes du Midi de la France, les Montois ne se contentèrent pas d’un rôle de spectateur dans une telle réunion. Car, deuxièmement, les auteurs de la requête voulurent aussi obtenir une participation politique : elle exprime le désir de voir le conseil communal accueillir en son sein un ou deux représentants délégués par les connétablies. Cette revendication montre que la requête ne se réduisait pas à une action émanant des quelques requérants mentionnés, vu qu’elle visait une forme de participation profitant à l’ensemble des métiers. La troisième plainte poursuit dans la même voie. Elle a pour objet une claire dénonciation des abus de pouvoir et du népotisme ambiant. Par le passé, lit-on, les échevins avaient attribué des fonctions à des « gens de leur faveur » et ce « pour yaulx avanchir, qui est prejudisces a le ville ». Dans ce cadre, rappelons les liens étroits entre les clercs et les familles échevinales... La quatrième plainte touche à la politique fiscale : les requérants critiquent en effet en détail la manière dont fut utilisé l’argent issu des impôts. D’après la requête, les receveurs auraient réalisé des gains substantiels, et certains impôts indirects (la dite « malletote ») seraient trop élevés. Plutôt que d’attaquer la fiscalité communale de manière structurelle, on suit ici une tendance générale qui caractérise également les révoltes dans d’autres villes. « Li peuple » dénonce, d’une part, la manière dont étaient levés les impôts et, d’autre part, la gestion de la recette fiscale, et non l’impôt lui-même – constat observé également ailleurs. Les cinquième et sixième revendications mettent le doigt sur la transgression des interdits municipaux (comme ceux concernant la vente de drap), ou critiquent le contrôle insuffisant relatif au poids du pain. En dernier lieu, on critique aussi la façon dont étaient traitées les requêtes. Les connétables avaient par le passé déposé plusieurs requêtes (ce qui était la procédure normale comme souligné ci-dessus), mais celles-ci n’avaient pas été traitées de manière correcte par le conseil, et l’on pouvait donc légitimement se demander si la requête du 2 juin n’allait pas subir le même sort.

17 La requête provoqua-t-elle une forte secousse ? Ce qui est certain, c’est que durant les jours qui suivirent, elle s’imposa comme sujet de discussion. Le 2 juin déjà, le conseil donna ordre de peser les pains et il demanda aux receveurs des impôts d’examiner la plainte sur la surcharge fiscale pesant sur la bière. Le jour suivant, les échevins se réunirent afin de sermonner Simon Bustin et Colart de le Barre, après que ces derniers eurent pu exprimer une nouvelle fois leurs inquiétudes. Ils donnèrent ainsi une nouvelle fois à comprendre « qu’il leur sambloit que li ville estoit mal gouvernee », vu que les impôts étaient trop élevés et que l’argent qu’ils rapportaient était mal géré51 . Suite à cela, le conseil décida que les deux hommes étaient à l’origine d’« une commension et assamblee de peuple » ayant pour but de semer « trouble et different entre le loy et le commun ». Vu qu’il s’agissait là d’un fait délictueux, les deux protestataires furent aussitôt emprisonnés, dans l’attente d’un procès. Le compte rendu mentionne encore que Bustin ne s’inclina pas devant le fait accompli et qu’à la hâte, il réunit à l’hôtel de ville un certain nombre de représentants de sa connétablie, sans toutefois obtenir de résultat concret. L’affaire ne fut reprise qu’à la date du 1er juillet (d’après les registres), où une commission d’enquête arriva à la conclusion que Bustin devait être condamné à payer une amende [52]. Les registres contiennent toutefois peu d’informations concernant l’issue de l’affaire. Malheureusement, car de nombreuses zones d’ombre demeurent. Ainsi, en septembre 1426, le duc de Brabant ayant pris les rênes de la ville, Simon Bustin et Colart de le Barre se virent accorder par lui le droit de recevoir chaque année trois sacs de blé. Il s’agissait d’une récompense légitimée par les « bons portements en le garde d’icelle nostre ville de Mons a l’encontre du duc de Glocestre, nostre adversaire »[53]. Ceci suggère que Bustin et les siens choisirent le parti du duc de Brabant, soit le rival de la comtesse et de la municipalité, ce qui s’explique sans doute par leurs démêlés avec la municipalité de 1424. Quoi qu’il en soit, à plus long terme, Bustin regagna les bonnes grâces de la municipalité, car les comptes du massard mentionnent qu’il fut engagé comme sergent de la ville en l’année comptable 1427-1428 [54]. En outre, en février 1438, il fut porte-drapeau de l’armée urbaine de Mons [55]. En définitive, Bustin et la municipalité se sont réconciliés. Mais indépendamment du véritable rôle personnel que Bustin joua dans cette affaire, il est clair que les circonstances exceptionnelles de la crise des années 1420 créèrent pour les deux partis de nouvelles opportunités. C’est pourquoi l’histoire de cette requête ne peut être appréhendée séparément de cette crise. Et cela vaut également pour le dénouement politique de cette affaire.

18 Il reste bien sûr à déterminer pourquoi la requête a été copiée dans le registre, et pourquoi les protestations de Bustin et les siens y ont été mentionnées. Avant tout parce qu’elles firent l’objet d’une délibération, et peut-être parce que le conseil voulut donner l’impression qu’il faisait ce qu’il fallait pour régler un problème dont tout le monde parlait. Si l’affaire avait fait grand bruit en ville, le conseil ne pouvait pas l’ignorer et les registres ne pouvaient faire l’impasse, au risque de voir le magistrat accusé de laxisme. On peut d’ailleurs remarquer que, déjà à la date du 10 mai de l’année 1424, les requérants avaient été reçus par le conseil à la demande de l’échevin Jean de Rolenghien, et ce afin d’y discuter « le bien de le ville » [56]. Il se pourrait qu’à cette occasion l’on ait consulté les futurs requérants au sujet de la situation financière déplorable de la ville, voire au sujet de sa défense militaire, dans le contexte des troubles dont le comté était le théâtre. Si tel a été le cas, Bustin et les siens ont renvoyé la balle au conseil. Ceci peut expliquer pourquoi leurs plaintes sont citées en long et en large dans le registre : la municipalité avait elle-même demandé une enquête et il était donc logique que les résultats en fussent consignés par écrit dans les documents administratifs prévus à cet effet. Une autre hypothèse est que les protestations rencontrèrent un accueil réceptif. L’on peut supposer que le clerc ou qu’une partie des échevins aient été dans une certaine mesure d’accord avec les plaintes et que c’est pour cette raison que la requête fut couchée par écrit, comme trace d’un avertissement à retenir pour les administrateurs ultérieurs. De plus, d’importants changements institutionnels se préparaient...

La création du conseil des LX

19 Si les registres dévoilent peu d’éléments sur les circonstances exactes ayant permis le retour en grâce des requérants, ils nous fournissent toutefois quantité d’informations liées à l’issue institutionnelle de la crise des années 1420. Il est en effet significatif qu’à partir de la seconde moitié de 1424, les connétables furent de plus en plus impliqués dans la gestion urbaine. L’élite politique n’alla pas, il est vrai, jusqu’à leur accorder un accès officiel au conseil communal et ne donna donc pas suite à la revendication d’obtenir une représentation permanente. Mais la consultation et la participation figurent bien parmi les droits acquis en 1424. Une fois encore, les tenants et aboutissants de l’affaire restent obscurs : difficile de savoir si les échevins donnèrent immédiatement suite aux plaintes des métiers ou s’ils y furent plutôt forcés par les circonstances ? Une combinaison des deux facteurs cadre sans doute le mieux avec la réalité, car au fur et à mesure que la situation politique du comté s’aggrava, et surtout après la confrontation militaire entre, d’un côté, la comtesse Jacqueline, le duc de Gloucester et la ville de Mons et, de l’autre, le duc de Brabant, les connétables se virent de plus en plus associés à l’administration de la ville. Plus même ; dans les mois et les années qui suivirent, le conseil communal réalisa un certain nombre de réformes institutionnelles qui conduisirent à la création d’une nouvelle forme de conseil, élargi : ce fut le conseil des LX, créé en 1428. Il serait excessif d’attribuer la création de ce nouvel organe à la requête de 1424, mais ce qui suit montrera que ce furent les nombreux problèmes internes qui incitèrent le conseil communal à fonder le conseil des LX. Ces problèmes n’étaient pas uniquement d’ordre militaire et financier, mais aussi d’ordre politique : au cours de la crise, la base du conseil communal devint trop faible pour que celui-ci puisse continuer à gouverner seul la ville. Dans cette optique, la requête de 1424 prit la forme d’un prélude à ce qui allait suivre.

20 En automne 1424, la crise politique à Mons atteignit un point culminant lorsqu’il devint clair que le duc de Gloucester, qui avait épousé Jacqueline, deviendrait le nouveau comte de Hainaut. Il prêta en effet serment dans la ville à la date du 5 décembre [57]. Les mois précédents avaient été particulièrement stressants pour le conseil communal, car la défense de la ville laissait à désirer. C’est la raison pour laquelle les échevins cherchèrent dès octobre à trouver des appuis auprès des citadins. Il est clair que les besoins financiers et militaires avaient créé une situation où la municipalité se vit forcée d’associer au gouvernement de la ville des groupes plus larges, et en particulier un groupe qui était indispensable pour la défense : celui des connétablies. En effet, comme le laisse supposer déjà l’origine des métiers, tant pour le financement de la défense que pour la main-d’œuvre, les métiers montois étaient indispensables. Ainsi, le 4 octobre, les échevins invitèrent les connétables afin de discuter des événements [58]. Des courriers importants émanant des États de Hainaut et de la comtesse y furent lus en leur présence [59]. Et finalement, au printemps 1425, les métiers se virent attribuer la défense de la ville : on leur confia la surveillance des portes, l’armement de la ville et le paiement des milices urbaines [60]. Bref, les métiers acquirent un rôle important dans la militarisation de la ville, ce qui eut pour corollaire que leur impact politique augmenta.

21 Les métiers ne furent pas le seul groupe auprès duquel la municipalité chercha du soutien : elle s’adressa également à l’élite fortunée de la ville. Le 31 janvier 1425, six personnes furent mandatées pour rédiger une liste de 60 individus. Deux tiers de ceux-ci seraient élus par les échevins « pour y estre dou consel de le ville comme dou grant conseil » [61] . Il est probable que les villes de Valenciennes ou de Tournai servirent ici d’exemple : dans les deux cas, la municipalité s’y fit assister d’un similaire conseil élargi. Il est d’ailleurs également frappant qu’un conseil élargi réunissant des représentants de la population fut également convoqué dans les villes flamandes (comme Gand ou Bruges) lorsqu’il s’agissait de prendre des décisions financières ou militaires difficiles [62]. De tels conseils y avaient pour but d’élargir la base pour des décisions qui concernaient la population entière, comme l’augmentation d’un impôt indirect, la défense de la ville, etc. La décision conduisant à un élargissement de la base à Mons en 1425 n’est donc certainement pas le fruit du hasard. Il est du reste tout à fait éloquent que les premières affaires sur lesquelles le nouveau conseil eut à statuer furent le versement d’un impôt au nouveau comte, l’augmentation de la taxe sur le vin et la création d’une garde militaire dans la ville [63]. Les connétables étaient exclus de ce conseil ; seuls les « boines gens de le ville » étaient admis dans la liste des personnes à élire.

22 L’élargissement de la base politique allait finir par déboucher sur la création de ce qu’on appelle le « conseil des LX » ou « LX hommes », à la date du 21 juin 1428. Le comté avait depuis quelque temps retrouvé le calme, et Mons s’était vu confier, en échange d’une forte redevance, la juridiction supérieure de la ville (voir supra). Mais l’institution des « XL boines gens », qui remontait à l’agitation de la période précédente, ne fut pas pour autant abolie. Bien au contraire, les échevins l’étendirent encore en l’augmentant d’un tiers. Dorénavant, comme en témoignent les registres, ce « grand conseil » de 60 personnes était responsable de la défense de la ville, du respect des privilèges et du contrôle du compte de la ville (en la présence du massard) [64]. L’historiographie des institutions montoises ne s’était jusqu’ici pas encore intéressée à la création de ce conseil. Il y eut seulement le constat, pour le début de la période moderne, que les échevins consultèrent ce conseil, non pas systématiquement, mais en tout cas régulièrement, lorsqu’il s’agissait d’importantes affaires gouvernementales [65]. Quelles étaient les compétences concrètes de ce grand conseil ? Nous ne pouvons répondre à cette question en détail dans le cadre de cet article, mais remarquons au moins au moins que sa première tâche était de « faire un massart et a oyr ses comptes pour savoir l’estat de le ville ». La première revendication de la requête de 1424 se retrouve donc presque littéralement dans la liste des compétences du conseil des LX. Pendant la crise financière de 1428, la municipalité institue ainsi un organisme de contrôle des comptes, mais en même temps limite la portée de cette décision en peuplant le conseil d’individus proches du pouvoir parce que les connétables n’en faisaient pas partie. Dans les années suivantes, les comptes mentionnent effectivement la présence des « messires eschevins et pluiseurs du conseil de la ditte ville » [66] pendant les séances organisées pour l’audition des comptes – le conseil des LX n’assistait donc pas intégralement à cette réunion. Néanmoins, la norme et la pratique des vérifications des comptes avait pour but d’assurer la légitimité de la gestion urbaine aux yeux de la population.

23 En outre, il est à noter que le conseil des LX pouvait être réuni par un sergent de la ville lorsque celui-ci le jugeait nécessaire. Au moment de la création du conseil, on trouve parmi ces sergents un certain... Simon Bustin. Celui-ci se servit d’ailleurs sans tarder de son droit : début juillet 1428, il convoqua les échevins et le conseil pour une affaire jugée importante. Mons était à l’époque impliquée dans un conflit de longue durée qui l’opposait à Valenciennes. Deux citoyens de cette ville étaient prisonniers à Mons, ce qui déplut fortement aux échevins de leur ville natale [67]. En tant que responsable de la prison dans laquelle lui-même avait jadis séjourné, Bustin s’associa à la municipalité pour trouver une solution dans cette affaire. Indépendamment de l’issue de celle-ci, il est frappant de constater que le requérant Bustin finit par obtenir ce qu’il voulait, ne fût-ce que partiellement. Simon Bustin n’obtint peut-être pas de rôle important dans la municipalité en tant que représentant des métiers, mais en sa qualité de sergent il faisait dorénavant partie de l’establishment. De plus, le nouveau conseil était à même de demander des justifications aux échevins en ce qui concerne les comptes, et il était associé à la politique fiscale de la ville. Tout est bien qui finit bien ? Tel est peut-être le cas pour Simon Bustin, qui fit une belle carrière personnelle. Mais il serait erroné de se fonder sur l’issue de cette affaire pour argumenter que la requête de juin 1424 relevait d’une initiative personnelle afin de s’approprier quelque pouvoir. Dans le contexte de la requête, Bustin et les siens furent clairement soutenus par une large base ; ce n’est que plus tard que les circonstances créèrent de nouvelles opportunités pour Bustin. Mais la récolte pour les connétablies était toute autre : la nouvelle structure institutionnelle de la ville ne leur accordait toujours pas de rôle à jouer. Elles n’ont donc pas réussi à consolider l’influence acquise durant la période tumultueuse des années 1420. Il est en tout cas certain que les connétablies se manifestèrent une nouvelle fois dès la crise suivante [68].

24 Quoi qu’il en soit, Mons a subi après la crise des années 1420 des changements substantiels, mais il est légitime de se demander si ces changements ont également modifié la culture politique sur le long terme, en premier lieu lorsque l’on voit que la création du conseil des LX n’a eu aucun impact sur les écrits des clercs montois. Ainsi, la création du Conseil des LX n’a pas eu de (grandes) conséquences administratives. Les clercs ont simplement inséré les comptes rendus des réunions du conseil des LX dans les registres de la ville sous le nom du « Grand Conseil », le traitant ainsi de la même façon que le conseil communal. Vu le caractère secret des registres du conseil, ou en tout cas son accès restreint, une telle constatation ne surprend pas l’historien. La contestation populaire des années 1420 n’a donc pas modifié fondamentalement le paysage documentaire de la ville. Les procédures comptables, mais aussi le rapport aux documents, subirent, par contre, un changement net. Dorénavant, les comptes de la massarderie seraient « ouy » par une plus large partie de la population durant une séance du conseil communal élargi à quelques invités (probablement des membres du conseil des LX) [69]. Bien que le poids « démocratique » du conseil des LX fût minimal, parce que seuls des représentants de la sanior pars de la ville pouvaient y siéger, son installation en 1428 peut être considérée comme une modification importante des institutions urbaines et du rapport aux documents comptables qu’elles produisaient. Comme l’a remarqué Xavier Nadrigny autour de l’installation d’un mécanisme de contrôle similaire à Toulouse quelques années auparavant, le moindre soupçon pouvait en effet ruiner tout l’intérêt d’une institution de ce type, dont la raison d’être était de protéger le pouvoir municipal contre les revendications portant sur les dépenses et les recettes urbaines [70]. L’accès aux documents comptables formait donc une certaine garantie de paix sociale entre les élites dirigeantes et tous ceux qui souhaitaient en faire partie. On pourrait remarquer que l’instauration d’une procédure d’audition des comptes servait peut-être davantage à créer l’illusion d’une plus grande ouverture des structures de pouvoir ; mais comme Albert Rigaudière l’évalue correctement, participer à la gestion urbaine d’une telle façon était à tout le moins avoir le sentiment de participer à son exercice [71] .

25 Cette étude s’inscrit dans le plaidoyer des historiens pour écrire « une histoire sociale » des archives. Elle se focalise donc davantage sur le rapport des hommes avec les documents, leur usage et le lien avec le milieu social dans lesquels ils circulaient, que sur les aspects diplomatiques et codicologiques [72]. Certes, les registres du conseil et les comptes de la ville de Mons ont une histoire documentaire intéressante, mais la reconstruction de ces usages sociaux nous a aidé à expliquer leur importance. Il convient donc de tâcher de comprendre précisément ce que l’écrit, comme médium du savoir et comme pourvoyeur de formes réifiées de qualification sociale, modifie dans l’exercice du pouvoir politique et de la domination sociale [73]. Notre étude montre elle aussi que les clercs de Mons utilisèrent l’écrit comme un instrument pratique de gouvernement, permettant de conserver le pouvoir politique et de créer une mémoire collective sous forme de registres contenant les comptes rendus des délibérations du conseil communal. La remarque d’Éric Bousmar concernant l’enregistrement des « bans de police » montois vaut également pour ces documents-ci : s’ils n’avaient pas de fonction juridique, ils n’en jouaient pas moins « un rôle d’aide-mémoire doté d’une certaine valeur probante » [74]. Mais ce qui fut conservé par les échevins de Mons ne s’apparente pas à des « souvenirs neutres ». Il s’agit donc d’une « mémoire partielle voire partiale qui valorise l’unité, la cohérence de l’action politique » [75]. Force est toutefois de constater que la place accordée à la résistance politique dans les registres urbains montois dépasse celle que suggéraient les études jusqu’à maintenant réalisées. Il est vrai que la ville n’a pas connu de grandes révoltes, mais les protestations collectives du peuple et des artisans se trouvent consignées dans les registres, comme le montre l’histoire de la requête du 2 juin 1424. Ceci nous invite à conclure que plus encore que ne le suggéraient jusqu’à maintenant les études portant sur des registres similaires dans d’autres villes, des sources de ce genre s’avèrent utiles pour la reconstruction de l’histoire sociale et politique du citadin lambda.

26 Il est en tout cas remarquable que les registres montois se sont intéressés aux désirs émanant de la base et, plus encore, que le conseil communal fut intimidé par une figure comme Simon Bustin, lorsque celui-ci agit en tant que porte-parole de plus larges groupes. La citation d’une requête du peuple et la fondation d’un conseil communal élargi (le conseil des LX), au bout d’un certain nombre d’années d’agitation et de crise, suggèrent que l’élite urbaine avait besoin d’un appui plus large pour pouvoir gouverner. Cette donnée témoigne bien entendu de la faiblesse des administrateurs de cette ville hainuyère dans une période de crise, mais met surtout en exergue une certaine force collective des Montois. Bien que l’ingérence politique des habitants de la ville restât relative après la contestation du pouvoir dans les années 1420, les gouverneurs urbains modifièrent quand même quelques pratiques politiques et même leur rapport avec les comptes communaux, documents essentiels pour la gestion de la ville. La poussée populaire n’a pas changé le paysage documentaire de la ville, mais l’installation d’un nouveau conseil autour de l’événement que constitue l’audition des comptes montre que le rapport politique avec ces documents a été modifié. Bien qu’il s’agisse d’une certaine inertie administrative de la part de la ville hainuyère, puisque les centres urbains majeurs dans les principautés voisines du Brabant et de la Flandre – et d’ailleurs – connaissaient déjà pareille procédure, ces modifications n’auraient jamais eu lieu sans une contestation populaire. Cette conclusion sur l’histoire sociale et politique des archives montoises montre que les historiens peuvent encore faire beaucoup de recherches fructueuses sur la relation entre les modalités de contestation d’un pouvoir communal établi, les formes officielles d’écriture urbaine et le rapport aux documents administratifs.

Figure 2

La serrure de la porte de l’hôtel de ville de Mons (datant du milieu du XVe siècle) représente les armes de Mons, avec un chien sous la herse, comme emblème de la fidélité des habitants à leurs souverains. Sur le marteau figure la bretèche de la ville, le balcon de l’hôtel sur lequel les nouvelles ordonnances urbaines sont proclamées par le crieur de la ville. Surtout le marteau peut donc être considéré comme un symbole du rapport entre les échevins et les citadins de la ville hainuyère (photo de Jelle Haemers ; le dessin est issu de R. Chalon, « L’hôtel-de-ville de Mons », Messager des Sciences Historiques, 1843, p. 42-43 ; sur la bretèche, voir Jean-Marie Cauchies, « Le cri et l’espace urbain : bretèches et publication dans les villes des anciens Pays-Bas », Revue belge de Philologie et d’Histoire, no 89, 2011 , p. 167-189).

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La serrure de la porte de l’hôtel de ville de Mons (datant du milieu du XVe siècle) représente les armes de Mons, avec un chien sous la herse, comme emblème de la fidélité des habitants à leurs souverains. Sur le marteau figure la bretèche de la ville, le balcon de l’hôtel sur lequel les nouvelles ordonnances urbaines sont proclamées par le crieur de la ville. Surtout le marteau peut donc être considéré comme un symbole du rapport entre les échevins et les citadins de la ville hainuyère (photo de Jelle Haemers ; le dessin est issu de R. Chalon, « L’hôtel-de-ville de Mons », Messager des Sciences Historiques, 1843, p. 42-43 ; sur la bretèche, voir Jean-Marie Cauchies, « Le cri et l’espace urbain : bretèches et publication dans les villes des anciens Pays-Bas », Revue belge de Philologie et d’Histoire, no 89, 2011 , p. 167-189).

Figure 3

Première page du plus ancien registre aux résolutions conservé aux archives de la ville de Mons

figure im4

Première page du plus ancien registre aux résolutions conservé aux archives de la ville de Mons

photo de Valeria Van Camp ; AEM, AVM, 1295, 1r

ANNEXE

Document 1 : La requête du 2 juin 1424 AEM, AVM, 1295, 126r

27

Pluiseurs memores dont boin seroit que parlet fut.
De ce que li peuples se complaint que li pains que on fait est trop petis pour I d. Les pains furent adont levés et visetés le second jour de juing l’an XXIIII.
De ce ossi que li chervoise est a trop hault pris. Les afforeurs et li ghangeur furent ledit jour mandés.
De ce que li peuples dist que les eskevins et li consauls sont de le partie les censeurs des maletotes et par especial de le chervoise et leur ont fait et font grant profit en avoir hauchiet le ghaige.
De ce que li peuples parolle que li malletote soit ramenné.
De ce qu’il dist que li ville est mal gouvernee et que il volroit oyir les comptes de le ville.
De ce que li peuples dist que les eskevins et li consauls mettent es offisces de le ville leur proismes et gens de leur faveur pour yaulx avanchir, qui est preiudisces a le ville.
De le complainte que font les gens de dehors qui en li ville amainent a vendage leur laines par ban et par constrainte, de ce qu’il n’y a point de halle, et que a celi cause leur laines quant point ne les ont vendues et qu’il les laissent en le maison de le pais de l’un venredi a l’autre, elles leur sont wastees, et leur sas deskaiés, et ne les seuent recongnoistre pour le fait des gens qui y veillent de nuit.
De ce que aucun metent avant et volroient que en cascune des congnestablies de le ville, il euist I u deus des hommes dou conseil de le maison de le pais u de ceuls de leur congestables, asquels chil de leur congnestablies se peuissent retraire et avoir conseil de leur besongnes.
De ce que li pluiseurs des congnestables de le ville se complaindent fort de ce que point ne sont expedijet de leur suplications et remonstrances quant faites les ont, ainchois leur faut tant poursuiwir qu’il en sont tout tanet.

Document 2 : L’installation du conseil des LX AEM, AVM, 1296, 47r

28

Li quel, sour ce que li pluiseurs ont de loncqtamps remonstré que pour le bien et augmentation de le ville, li eskevins et conseil se ordonnassent de eslire I grant conseil ensi que pluiseurs boines villes ont, tant Vallenchiennes comme aultrez, pour eux et les affaires de le ville conforter, assister et poissamment soustenir, et adfin que li dessusdit aient congnissance dou gouvernement le ditte ville es cas chi après declarés et aultrez qui eskeir pouront touchans le ditte ville, ont par ledit conseil si que dit est estet eslieu et conclus a prendre par les devises qui sensuient ; c’est que li dessus nommés deveront y estre present :
A faire I massart et a oyr ses comptes pour savoir l’estat de le ville.
Item, et a oyr l’estat des bonnes maisons avoecq le consaux de le ville cascun an.
Item, pour choses touchans le warde de le ville, il deveront venir et obeyr a le maison de le ville toute fois que on les en requerra et scemonra par I sergant de le ville.
Item, deveront il pareillement obeyr et venir au mandement de le loy toutefois que on leur segnefiera pour aidier a warder et entretenir les previlleiges et franchises de le ditte ville.
Item, avoecq ce deveront il venir a tous et quelconques autrez affaires touchans le ditte ville se requis en sont.
Item, deveront li dessus dis y estre sermentet par les eschevins et renouvellés u est au gret a l’ordonnance des eskevins et dou conseil.

Notes

  • [1]
    Archives de l’État à Mons, Archives de la ville de Mons (désormais : AEM, AVM), (no) 1295, 126r.
  • [2]
    Recherches faites à l’université de Namur et l’université de Louvain (KU Leuven) dans le cadre du projet « City and Society in the Low Countries (ca. 1200-ca. 1850) » (PAI, VII, 32), financé par l’État belge. Les auteurs tiennent à remercier Jean-Marie Cauchies et Marie Van Eeckenrode pour leurs suggestions.
  • [3]
    « Les registres municipaux sont le produit d’un art subtil où les clercs-secrétaires, maîtres de la simplification et de l’escamotage, assourdissent singulièrement l’écho des oppositions sociales. C’est pourquoi rien n’est dit – ou fort allusivement – des violences collectives qui déchirent la cité : elles sont tenues pour scandaleuses, la mémoire urbaine n’a pas à en conserver le souvenir » (Jacques Rossiaud, « Crises et consolidations, 1350-1550 », dans Jacques Le Goff (sous la direction de), La ville en France au Moyen Âge, Paris, Seuil, 1998, p. 563). Voir aussi Lynn Gaudreault, Pouvoir, mémoire et identité. Le premier registre de délibérations communales de Brignoles (1387- 1391), édition et analyse, Montpellier, PUM, 2014 ; Florent Garnier, « Tenir conseil dans les villes du Rouergue d’après les registres de délibérations et de comptes (XIVe-XVe siècles) », dans Martine Charageat et Corinne Leveleux-Teixeira (sous la direction de), Consulter, délibérer, décider. Donner son avis au Moyen Âge (France-Espagne, VIIe-XVIe siècles), Toulouse, Framespa, 2010, p. 281-298.
  • [4]
    Lynn Gaudreault, « Le registre de délibérations. Outil de représentation de l’identité consulaire et lieu de dialogue entre autorité communale et pouvoir royal (Brignoles, 1387-1391) », Histoire Urbaine, no 35, 2012, p. 66.
  • [5]
    Marie Van Eeckenrode, « Rituals of unanimity and balance. Deliberation in Hainaut, 15th- 16th centuries : a fool’s game », in Mario Damen, Jelle Haemers and Alastair Mann (eds), Estates in late medieval and early modern Europe, Leiden, Brill, 2017, sous presse.
  • [6]
    Caroline Fargeix, Les élites lyonnaises du XVe siècle au miroir de leur langage : pratiques et représentations culturelles des conseillers de Lyon, d’après les registres de délibérations consulaires, Paris, De Boccard, 2007.
  • [7]
    À Dijon, par exemple, le clerc de la ville notait parfois un désaccord entre les membres du conseil, voir Thierry Dutour, Une société de l’honneur. Les notables et leur monde à Dijon à la fin du Moyen Âge, Paris, Champion, 1998, p. 137. Des mentions de conflits peuvent être trouvées dans les registres de Toulouse et de Montpellier : Pierre Chastang, « ‘‘Et je vous enlisterai.’’ Conflit politique et pouvoir de l’écrit à Montpellier au début du XIVe siècle », dans Pierre Chastang, Patrick Henriet et Claire Soussen (sous la direction de), Figures de l’autorité médiévale. Mélanges offerts à Michel Zimmermann, Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, p. 275-282 ; Vincent Challet, « Nemine discrepante. Discordancias y communicacion politica en el seno del consulado montpellerino a fines de la Edad Media », Edad Media. Revista de Historia, no 13, 2012, p. 143-161 ; Xavier Nadrigny, Information et opinion publique à Toulouse à la fin du Moyen Âge, Paris, École des Chartes, 2013, p. 199-219.
  • [8]
    Il n’existe pas de monographie récente consacrée à Mons ; en attendant, voir Gilles-Joseph de Boussu, Histoire de la ville de Mons, ancienne et nouvelle, Mons, 1725, ou Georges Jouret, Histoire de Mons et du pays de Mons, Charleroi, La province, 1926. Ces informations sont empruntées à Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’. La législation communale de Mons (Hainaut) dans son contexte régional (XIIIe-début XVIe siècle). Sources, objets et acteurs », dans Jean-Marie Cauchies et Éric Bousmar (sous la direction de), « Faire banz, edictz et statutz ». Légiférer dans la ville médiévale. Sources, objets et acteurs de l’activité législative communale en Occident, ca. 1200- 1550, Bruxelles, PFUSL, 2001, p. 153.
  • [9]
    Antheun Janse, Een pion voor een dame. Jacoba van Beieren (1401-1436), Amsterdam, Balans, 2009, p. 192.
  • [10]
    Selon le privilège du 14 avril, voir Jean-Marie Cauchies, Ordonnances de Philippe le Bon pour le comté de Hainaut, 1425-1467, Bruxelles, SPF Justice, 2010, p. 44. Voir aussi, du même auteur, « Un avortement à Mons en 1428... ou un essai manqué de bourgeoisie foraine », Annales du Cercle archéologique de Mons, no 74, 1990, p. 89-103. 11.Il n’existe pas d’étude socio-économique de la population montoise ou de l’élite politique de la ville. Cependant, dans l’index de sa publication Les plus anciens comptes de la ville de Mons, 1278-1356 (Bruxelles, CRH, 1973), Christiane Piérard fournit quelques indications sur les professions des échevins de la fin du XIIIe siècle et de la première moitié du XIVe siècle. Ainsi, parmi les 77 noms pour lesquels on dispose d’informations, la grande majorité est qualifiée de « vinier » – c’est-à-dire marchand de vin – (48 ou 62 %), quelques-uns de « drapier » (8 ou 10 %), rares sont les changeurs (3 ou 4 %), tandis qu’une minorité significative est aussi active dans le secteur des travaux publics ou du transport lié aux travaux des remparts (13 ou 17 %). On note aussi leurs activités comme créanciers de la ville, fermiers de la maltôte et « maltôteurs » (32 ou 42 %), ce qui est la preuve d’une certaine richesse.
  • [12]
    Gabriel Wymans, « Origine et croissance des connétablies de métiers à Mons (XIIIe-xve siècle) », Archives et Bibliothèques de Belgique, no 36, 1965, p. 15-34 ; Jean-Marie Cauchies et Jean-Paul Hoyois, « Les métiers », dans Florian Mariage (sous la direction de), Les institutions publiques régionales et locales en Hainaut et Tournai/Tournaisis sous l’Ancien Régime, Bruxelles, AGR, 2009, p. 353-3611.our les institutions politiques de Mons, voir le chapitre de Christiane Piérard, « Mons (Moyen Âge) », ibidem, p. 247-258.
  • [13]
    Gabriel Wymans, « Origine et croissance... », op. cit., p. 17, p. 19.
  • [14]
    Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit., p. 165 et p. 174-175.
  • [15]
    Par exemple en janvier 1425 le conseil de la ville stipule « que tout homme a present tenant maisnage en le dicte ville de Mons et faisant sen kief soit maries, vesves ou a marier qui point ne soit es connestablies de le dicte ville y soient entret dededens tierch jour enssuivant ce present ban fait » (AEM, AVM, 1246, 335v). Une liste des connétablies montoises figure dans un document fiscal de 1417 : il s’agit des « boulenghiers, taverniers, bouchiers, merchiers, corduaniers et corbisier, sielliers, casneurs, candillons, drapiers, pellethiers, cousturiers, peskeurs, cambiers, fevres, carpentiers, vieswariers, teliers et cureurs, chavetiers, arballetiers dou grans sermens, arballestiers de Saint Anthoine, archiers de Saint Sebastiien, archiers de le sayette » (AEM, AVM, 1247, 88r-v).
  • [16]
    Gabriel Wymans, « Origine et croissance... », op. cit., p. 32.
  • [17]
    Un aperçu pour la France : Graeme Small, « Municipal registers of deliberations in the late Middle Ages : cross-Channel comparisons », dans Jean-Philippe Genet (sous la direction de), Les idées passent-elles la Manche ?, Paris, PUPS, 2007, p. 37-66. Pour les villes mentionnées des Pays-Bas, voir Ben Eersels, « Tous les chemins mènent au conseil. L’influence des corps de métiers sur le processus décisionnel politique à Saint-Trond à la fin du Moyen Âge (ca. 1400-1500) », Publications du Centre Européen des Études Bourguignonnes, no 57, 2017, sous presse ; M. A. Van der Eerden-Vonk, Raadsverdragen van Maastricht, 1367-1428, La Haye, ING, 1992 ; Jelle Haemers, For the common good. State power and urban revolts in the reign of Mary of Burgundy (1477-1482), Turnhout, Brepols, 2009, passim.
  • [18]
    Registres analysés par Henri Vandenbroeck, Extraits analytiques des anciens registres des consaux de la ville de Tournai (1431-1476), Tournai, Malo et Levasseur, 1863.
  • [19]
    Le livre le plus ancien couvre la période entre 1409 et 1425 (AEM, AVM, 1295), le deuxième s’étend de 1425 à 1467 (no 1269), le troisième de 1467 à 1485 (1297) et le quatrième de 1485 à 1509 (1298). À l’exception du premier livre, il ne semble pas y avoir eu de raison particulière motivant cette répartition, si ce n’est l’épaisseur des volumes (respectivement 489, 527 et 434 feuillets).
  • [20]
    La troisième et dernière grande série documentaire consiste en des registres des bans de police, étudiés par Éric Bousmar, « La diplomatique urbaine montoise et la spécificité des textes législatifs : bans de police et ordonnance (fin XIIIe-début XVIe siècles). Une mutation, des permanences », dans Walter Prevenier et Thérèse de Hemptinne (sous la direction de), La diplomatique urbaine en Europe au Moyen Âge, Louvain, Garant, 2000, p. 45-79.
  • [21]
    AEM, AVM, 1296, 1r. Le titre du quatrième livre, lequel est seul à figurer sur la feuille de garde, a été ajouté par une main du seizième siècle après que le volume ait été complété. Dans les comptes de la massarderie, on réfère parfois au « pappier dou Conseil » ; c’est le cas en 1458-1459 (AEM, AVM, 1546, 21v et 22r) et en 1467-1468 (AEM, AVM, 1455, 18v).
  • [22]
    AEM, AVM, 1295, 1r.
  • [23]
    Éric Bousmar, « La diplomatique urbaine... », op. cit., p. 63-78.
  • [24]
    AEM, AVM, 1295, 12r. Une erreur similaire sur le f. 126v, où le clerc écrit que lors de la réunion du 3 juin 1424 fut traitée une requête datée du « XXVIIIe jour de juing l’an XXIIII », et où il nous faut sans doute lire « may » à la place de « juing ».
  • [25]
    Par exemple AEM, AVM, 1296, 271r : « Item, et le nuit de le dite Pasque soient pareillement tenues closes lesdittes baurieres et empriés ycelles lesdittes baurieres [sic] les dis avant portiers comme dessus ».
  • [26]
    Expression empruntée à Albert Rigaudière, Saint-Flour, ville d’Auvergne au bas Moyen Âge : étude d’histoire administrative et financière, Paris, PUF, 1982, t. I, p. 159. Voir aussi Graeme Small, « Municipal registers... », op. cit., p. 57.
  • [27]
    Ne citons que deux études récentes sur Londres qui montrent comment la figure du clerc peut peser lourd sur le discours et le contenu des sources urbaines comme les chroniques, les cartulaires et les registres : Mary Erler, « The guildhall library, Robert Bale, and the writing of London history », Historical Research, no 89, 2015, p. 176-186 ; Jennifer Bishop, « The clerk’s tale : civic writing in sixteenth-century London », in Liesbeth Corens, Kate Peters and Alexandra Walsham (eds), The social history of the archive : record-keeping in early-modern Europe, Oxford, OUP, 2016, p. 112-130.
  • [28]
    Ainsi, le premier registre du conseil se termine en 1425, avec le décès de l’unique clerc du moment, Jean Deslers, qui fut engagé par la ville en 1400 (AEM, AVM, 1488 et 1513). Jean Deslers eut deux clercs pour successeurs : Guillaume Mahieu et maître Jean Druelin, beau-fils du défunt, dont on conserve un acte notarié (AEM, AVM, 266). Pour le lien de famille, voir Jean Dupont, « Gilles Druelin. Trésorier des Chartes du Hainaut (1439-1513). Histoire d’une famille de robins montois à l’époque bourguignonne », Annales du Cercle archéologique de Mons, no 71, 1978-1981, p. 67. En extrapolant, les mentions « Druelin et my » parmi les personnes présentes au Conseil laissent supposer que ce fut l’autre clerc, Guillaume Mahieu, qui écrivit ces passages dans le registre. Voir aussi la preuve plus explicite figurant dans le rapport du 7 décembre 1450 : « W(illaume) Mahieu et my Gembleux » (AEM, AVM, 1296, 217r), pour Colard de Gembloux. Ainsi, on peut déterminer, sans trop d’hésitations, l’identité des scribes.
  • [29]
    Les carrières des clercs du XIVe et XVe siècle, ainsi que leurs tâches, sont décrites par Valeria Van Camp, « Les clercs de la ville de Mons en Hainaut et la production des comptes de la massarderie, vers 1300-1500 », Comptabilité (S). Revue d’histoire des comptabilités, no 9, 2017, en ligne : https://comptabilites.revues.org/2168.
  • [30]
    Jean Dupont, « Gilles Druelin... », op. cit., p. 63-136. 31.Pour l’ensemble des tâches des clercs de la ville, voir Valeria Van Camp, « Les clercs... », op. cit., p. 7-10.
  • [32]
    Valeria Van Camp, « La diplomatique des comptes : méthode, limites et possibilités. L’exemple de Mons, XIVe–XVe siècles », Archiv fϋr Diplomatik, Siegel- und Wappenkunde, no 61, 2015, p. 237-270.
  • [33]
    Voir les remarques et cas d’études d’Andrew Butcher, « The functions of script in the speech community of a late medieval town, c. 1300-1550 », in Julia Crick and Alexandra Walsham (eds.), The uses of script and print, 1300-1700, Cambridge, CUP, 2004, p. 161-162 ; Deborah O’Brien, The veray registre of all trouthe’ : the content, function, and character of the civic registers of London and York, c. 1274-c. 1 482 (PhD thesis, University of York, 1999) ; Laurence Buchholzer, « Une affaire municipale à Rothenbourg/Tauber (1396-1404) », dans Patrick Boucheron et Jacques Chiffoleau (sous la direction de), Religion et société urbaine au Moyen Âge. Études offertes à Jean-Louis Biget par ses anciens élèves, Paris, Publications de la Sorbonne, 2000, p. 201-224.
  • [34]
    Lynn Gaudreault, Pouvoir, mémoire et identité..., op. cit., p. 181-182.
  • [35]
    Remarquons qu’Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit. p. 71, a caractérisé toute la série des registres comme « de simples aide-mémoires sur papier ».
  • [36]
    AEM, AVM, 1295, par ex. aux feuillets 128r, 132r, 139r. Également au feuillet 135r : « Memore de parler ou conseil de le sallepietre que elle fust mise ailleurs que en le tour leur elle est et en quel liu », écrit après le 21 octobre 1424. En effet, lors de la réunion suivante (4 novembre), « fu il portet d’acort a transporter le sallepetre de le ville, u une partie, de le tour ou elle estoit » (136r).
  • [37]
    « De monstrer les lettres aportees par Colart de le Porte » (AEM, AVM, 1295, 134v).
  • [38]
    AEM, AVM, 1554, 18v et idem, 1297, 2r-v.
  • [39]
    AEM, AVM, 1295, 271r. Renvoi similaire : idem, 1296, 396r.
  • [40]
    Voir Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit., p. 172-180 pour une analyse des activités de ces différents groupes, afin d’obtenir un ban de police. 41.Il est impossible de le vérifier, car la mention dans le registre est notre seule source.
  • [42]
    Sur la criminalité montoise : Marie-Amélie Bourguignon, « Bans de police et comptes urbains à Mons : regards croisés sur l’ordre public et moralité », dans Dirk Heirbaut, Xavier Rousseaux et Alain Wijffels (sous la direction de), Histoire du droit et de la justice : une nouvelle génération de recherches, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires, 2010, p. 255-272.
  • [43]
    Patrick Lantschner, « Voices of the people in a city without revolts : Lille in the later Middle Ages », in Jan Dumolyn et alii (eds.), The voices of the people in late medieval Europe. Communication and popular politics, Turnhout, Brepols, 2014, p. 73-88.
  • [44]
    Archives générales du Royaume (Belgique), Chambre des Comptes, no 15122, 25v. Trois complices subirent des mutilations et furent condamnés à l’exil (Archives départementales du Nord, série B, no 10379, 55r).
  • [45]
    Cette année-là, les corporations des métiers tournaisiens obtinrent un véritable pouvoir corporatif indépendant du magistrat, la « Chambre des arts et métiers ». Bénéficiaire d’une charte royale en 1424, elle fut investie de la charge de police manufacturière et commerciale urbaine (Jean-Marie Cauchies, « Normes, conflits, résolutions : princes, villes et métiers dans les anciens Pays-Bas », dans Serge Dauchy et alii (sous la direction de), Histoire, justice et travail, Lille, CHJ, 2005, p. 12). Sur la révolte tournaisienne : Patrick Lantschner, The logic of political conflict in medieval cities. Italy and the Southern Low Countries, Oxford, OUP, 2015, p. 152-168.
  • [46]
    Jelle Haemers, « Révolte et requête. Les gens de métiers et les conflits sociaux dans les villes de Flandre (XIIIe-XVe siècle) », Revue Historique, no 677, 2016, p. 27-56. Sur la procédure de requêter en Hainaut, voir Jean-Marie Cauchies, La législation princière pour le Hainaut, ducs de Bourgogne et premiers Habsbourg (1427-1506), Bruxelles, FUSL, 1982, passim.
  • [47]
    AEM, AVM, 1295, 127r.
  • [48]
    Caroline Fargeix, « La querelle des artisans et des consuls : mémoire, pouvoir et conflit à Lyon au début du XVIe siècle », dans Philippe Hamon et Catherine Laurent (sous la direction de), Le pouvoir municipal de la fin du Moyen Âge à 1789, Rennes, PUR, 2012, p. 253-264.
  • [49]
    Walter Prevenier, « Les sources de la pratique judiciaire en Flandre du XIIe au XVe siècle et leur mise en œuvre par les historiens », dans Jacques Chiffoleau, Claude Gauvard et Andrea Zorzi (sous la direction de), Pratiques sociales et politiques judiciaires dans les villes de l’Occident à la fin du Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2007, p. 108 ; Marc Boone, « L’influence des pratiques et du savoir-faire ‘‘étatiques’’ dans les comptes des villes flamandes et des principautés des anciens Pays-Bas aux XIVe-XVe siècles », dans Olivier Mattéoni et Patrice Beck (sous la direction de), Classer, dire, compter. Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge, Paris, IGPDE, 2015, p. 199-215.
  • [50]
    La revendication politique principale du peuple dans les villes du Midi et du Massif central n’était pas de participer activement à la gestion des deniers urbains, mais de voir les trésoriers rendre compte de leur gestion en communiquant l’état des finances urbaines, voir Xavier Nadrigny, Information et opinion publique..., op. cit., p. 282, et Albert Rigaudière, « Le contrôle des comptes dans les villes auvergnates et vellaves aux XIVe et XVe siècles », dans Philippe Contamine et Olivier Mattéoni (sous la direction de), La France des principautés. Les chambres des comptes, XIVe et XVe siècles, Paris, IGPDE, 1996, p. 211. 51.AEM, AVM, 1295, 127r. Aussi pour ce qui suit.
  • [52]
    AEM, AVM, 1295, 127v.
  • [53]
    Léopold Devillers, Cartulaire des comtes de Hainaut, de l’avènement de Guillaume II à la mort de Jacqueline de Bavière, Bruxelles, Hayez, 1896, t. VI, p. 91.1.
  • [54]
    En cette qualité, il bénéficia d’un don annuel de 25 s. et ce jusqu’à l’année comptable 1446- 1447 (AEM, AVM, 1516, 34v etc.).
  • [55]
    Amable de Barante, Histoire des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, 1364-1477, Paris, 1825, Ladvocat, p. 7-8.
  • [56]
    AEM, AVM, 1295, 124v.
  • [57]
    Antheun Janse, Een pion voor een dame..., op. cit., p. 216.
  • [58]
    AEM, AVM, 1295, 133r.
  • [59]
    AEM, AVM, 1295, 134v, 135r, 136r. Voir aussi Léopold Devillers, Particularités curieuses sur Jacqueline de Bavière, comtesse de Hainaut, et sur le comté de Hainaut, Mons, Hoyois, 1838, p. 106. Sur la participation des députés montois aux réunions des États hainuyers : Marie Van Eeckenrode, Les États de Hainaut sous le règne de Philippe le Bon, 1427-1467, Courtrai, UGA, 2011, p. 140-145.
  • [60]
    AEM, AVM, 1295, 141r, 147v, 150r. La promulgation de l’ordonnance de janvier 1425 (citée dans la note 13), obligeant chaque citoyen à faire partie d’une connétablie, doit évidemment être vue dans ce contexte.
  • [61]
    AEM, AVM, 1295, 143r.
  • [62]
    Marc Boone, Gent en de Bourgondische hertogen, ca. 1384 – ca. 1453 : een sociaal-politieke studie van een staatsvormingsproces, Bruxelles, KVAB, 1990, pp. 28 et 31 ; Jan Dumolyn, De Brugse opstand, 1436-38, Courtrai, UGA, 1997, p. 164.
  • [63]
    AEM, AVM, 1295, 143v-144r.
  • [64]
    AEM, AVM, 1296, 47r (voir annexe 2). L’accent mis sur le fait de « warder et entretenir les previlleiges et franchises de le ditte ville » peut aussi être lié à une altercation entre le bailli du Hainaut et la ville en 1428. Le bailli reprocha alors à Mons de l’avoir lésé dans ses privilèges en ce qui concerne la promulgation de « bans de police » (Voir Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit., p. 169).
  • [65]
    Philippe Guignet, « Mons (temps modernes) », dans Florian Mariage (sous la direction de), Les institutions publiques..., op. cit., p. 262.
  • [66]
    AEM, AVM, 1563, 64r (mention de l’année 1477) : « Ces presents comptes furent ouys, clos et affinis en la maison de la paix de la ditte ville de Mons ».
  • [67]
    AEM, AVM, 1296, 50r. Sur cette affaire, voir Jean-Marie Cauchies, « Mons et Valenciennes devant le Grand Conseil du duc de Bourgogne : un conflit de longue durée (1394-1446) », Bulletin de la Commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances de Belgique, no 38, 1997, p. 99-171.
  • [68]
    Maurice Arnould, « Les lendemains de Nancy dans les ‘‘pays de par deça’’ (janvier-avril 1477) », dans Wim Blockmans (sous la direction de), 1477. Le privilège général et les privilèges régionaux de Marie de Bourgogne pour les Pays-Bas, Courtrai, UGA, 1985, p. 25-26.
  • [69]
    Voir par exemple AEM, AVM, 1296, 401v : séance ordinaire des échevins et le conseil de la ville de Mons, élargi avec quelques invités qui sont qualifiés comme « retenut » pour élire un nouveau massard (3 octobre 1461).
  • [70]
    Xavier Nadrigny, Information et opinion publique..., op. cit., p. 282.
  • [71]
    Albert Rigaudière, « Conclusions autour de certaines manières d’aviser », dans Martine Charageat et Corinne Leveleux-Teixeira (sous la direction de), Consulter, délibérer, décider..., op. cit., p. 355.
  • [72]
    Paul Bertrand, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire (entre royaume de France et empire, 1250-1350), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, p. 372- 379 ; Alexandra Walsham, « The social history of the archive : record-keeping in early-modern Europe », in Liesbeth Corens, Kate Peters and Alexandra Walsham (eds.), The social history of the archive. Record-keeping in Early Modern Europe, 2016, p. 9-48.
  • [73]
    Pierre Chastang, La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier (XIIe-XIVe siècle). Essai d’histoire sociale, Montpellier, Publications de la Sorbonne, 2013, p. 277. Voir aussi les remarques stimulantes de Joseph Morsel, « Sociogenèse d’un patriciat. La culture de l’écrit et la construction du social à Nuremberg vers 1500 », Histoire Urbaine, no 35, 2012, p. 105-106.
  • [74]
    Éric Bousmar, « ‘‘Si se garde cascun de méfaire’’... », op. cit., p. 162.
  • [75]
    Caroline Fargeix, « Mémoire urbaine et opinions politiques : réflexions méthodologiques à partir des registres consulaires de la ville de Lyon », in Hipolito Oliva Herrer et alii (ed), La comunidad medieval como esfera publica, Sevilla, SUP, 2014, p. 138.
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