Notes
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[1]
Hippone est ainsi présentée comme la première étape d’un partenariat entre Français et Algériens pour la mise en valeur des vestiges archéologiques : « Hippone : jardins de la Méditerranée, jardins de l’intelligence ».
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[2]
Voir Ève Gran-Aymerich, Dictionnaire biographique d’archéologie. 1798-1945, Paris, CNRS Editions, 2001 et les travaux de Monique Dondin-Payre sur la commission d’exploration scientifique de l’Algérie et son principal représentant, le capitaine Delamare.
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[3]
Hippone, p. 14; voir également Xavier Delestre, « Histoire des recherches », p. 55-65.
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[4]
Pierre Pinon, François-Xavier Amprimoz, Les envois de Rome (1778-1968). Architecture et archéologie, Rome, CEFR-110,1988; Roland Recht, Le dessin d’architecture. Origine et fonctions, Paris, Adam Biro Editions, 1995.
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[5]
Yasmina Khadra, L’écrivain, Paris, Pocket, 2001, p. 230.
1À l’heure où les sites de l’Algérie antique connaissent, en France, un certain renouveau d’intérêt du milieu scientifique comme du grand public, des publications apportent leur contribution à la diffusion des recherches en cours [1].
2Deux sites majeurs sont ainsi l’objet d’ouvrages clairs et documentés : Hippone, ancienne Hippo Regius et actuelle Annaba, Lambèse, l’actuelle Tazoult. Les fouilles anciennes ont été reprises, réévaluées, dans une volonté patrimoniale affirmée.
3Il n’est donc pas étonnant qu’une part non négligeable de ces livres soit consacrée à la genèse des recherches et aux fouilles. Ainsi dans l’avant-propos de Lambèse (p. 9-11), un hommage est rendu aux prédécesseurs : Jean-Luc Sébastien Carbuccia, commandant la subdivision militaire de Batna entre 1848 et 1851 et qui fait exécuter par les légionnaires dessins et relevés; les républicains déportés dans la région après la révolution de 1848, tel Jean Terson; plus connus, le capitaine Delamare ou Edmond Duthoit [2]. Ils fournissent nombre d’éléments indispensables, aujourd’hui encore, à la connaissance de Lambèse. La photographie aérienne n’est pas en reste avec les clichés pris par Édouard Stawski dans les années 1950-1960. Les mêmes noms – Delamare, Stawski – reviennent pour Hippone. S’y ajoute celui d’Erwan Marec, le « véritable ‘inventeur’ du site » [3]. L’ouvrage sur Lambèse est rendu original par la place accordée aux reconstitutions de monuments par les aquarelles de Jean-Marie Gassend, architecte-archéologue à l’Institut de Recherche sur l’Architecture Antique (CNRS, Aix-en-Provence). Il poursuit en cela une longue tradition, qui allie rigueur scientifique et maîtrise artistique [4]. La complémentarité des différents types de sources dans l’étude d’Hippone est également soulignée par de très nombreuses photographies et un catalogue de 24 pages.
4Ces sites représentent deux types de villes. Hippone, aux origines puniques, sert de résidence aux rois numides et connaît alors un premier essor urbain. Devenu municipe sous Auguste puis colonie honoraire romaine à l’époque flavienne, la ville s’appuie sur une vaste et riche région. À la fin de la domination romaine sur l’Afrique, Hippone reste une ville d’autant plus importante qu’elle abrite un évêché, dont le titulaire n’est autre qu’Augustin. La ville devient ensuite le siège des rois vandales, avant la reconquête byzantine. Lambèse connaît un destin différent : sans agglomération berbère d’importance précédant l’installation romaine, la ville à proprement parler, se développe dans l’ombre du camp de la IIIe légion Auguste, seule légion stationnée sur le sol africain. Le site lui-même est connu de façon inégale car Lambèse devenue Tazoult a été transformée au XIXe siècle en colonie pénitentiaire, assez réputée pour devenir proverbiale : « Ce n’est pas un palace, mais ce n’est pas non plus Lambèse » [5].
5Après avoir replacé Lambèse dans les cadres géographique et historique de la Numidie antique, les auteurs s’attachent à éclairer la structure complexe, car multipolaire, de la ville. La première installation militaire est représentée par le camp de 81, auprès duquel s’agglomère la ville haute, qui correspond au centre civil et religieux de l’ensemble; dans la plaine se trouve le grand camp légionnaire. S’y adjoignent deux vici ou agglomérations civiles, l’un dépendant de la ville haute, l’autre plus à l’est, Verecunda, disposant d’une certaine autonomie. Trois agglomérations sont ainsi identifiées, dont l’articulation se matérialise dans des arcs honorifiques, ponctuant ainsi l’espace (p. 21-22).
6Une partie est consacrée aux éléments constituant la ville haute (p. 23-47), à travers la présentation du Capitole, de l’Asclepieium et des monuments de la voie Septimienne (en particulier le Septizonium). Dans un deuxième temps (p. 49-67) le camp, son vicus et les éléments adjacents (notamment le célèbre monument d’Hadrien reproduisant le discours de l’empereur à l’armée d’Afrique, à l’été 128) sont présentés. L’ouvrage permet donc de mieux saisir, malgré le manque d’unité évident du site, en quoi Lambèse représente un exemple majeur du « rôle des camps légionnaires dans l’urbanisation des franges de l’empire » (P. Gros, Avant-propos, p. 7).
7L’approche proposée pour Hippone se veut plus globale. Différents articles retracent l’évolution de la ville des origines à l’époque arabe (Cl. Lepelley, « Hippone aux époques numide et romaine », p. 19-23, J.-P. Laporte, « Hippone vandale et byzantine (un état de la recherche », p. 37-47 ; S. Dahmani, « Hippone dans les sources arabes », p. 41-46). L’accent est mis sur l’époque augustinienne (S. Lancel, « Saint Augustin et Hippone », p. 25-31). Un article scientifiquement très dense de Philippe Leveau (« Hippone et les villes de l’Afrique romaine. Éléments d’une problématique », p. 69-78) introduit la partie consacrée à la morphologie urbaine. Franck Suméra étudie la trame urbaine (p. 79-82) puis le forum (p. 93-103), auquel il applique le concept de « forum impérial ». Xavier Delestre présente le marché (p. 113-115) ainsi que les éléments urbains liés à l’eau (les thermes, p. 117-120; les aqueducs et les fontaines, p. 121-125). David Lavergne s’intéresse au théâtre (p. 107-112) ainsi qu’au quartier des « villae du front de mer » (p. 126-138). Le lecteur trouvera également dans cette partie des éléments concernant l’architecture, que ce soient les colonnades du forum ou du marché (Jean-Marc Mignon, p. 104-105, p. 113-115) ou les pavements de mosaïque, analysés par Michèle Blanchard-Lémée (p. 139-148). La partie suivante, si elle paraît avoir une moindre unité, n’en recèle pas moins un grand intérêt. De l’aveu même de François Baratte (p. 155-163), la statuaire reste assez peu présente dans les découvertes archéologiques; elle est néanmoins exposée dans ses aspects idéologiques. Font également l’objet d’études les milliaires (p. 173-174), les céramiques (Michel Bonifay, p. 175-180) ou plus généralement tous les documents archéologiques permettant de donner une image de la vie quotidienne à Hippone (p. 165-171). La dernière partie, consacrée aux hommes, aux dieux et à la mort, s’appuie sur les sources épigraphiques et archéologiques. La modestie des enseignements, notamment dans le domaine des religions traditionnelles, laisse quelque peu le lecteur sur sa faim et souligne, si besoin était, le déséquilibre de la documentation dû à l’œuvre d’Augustin.
8Ces deux ouvrages, au-delà de leurs différences, font preuve d’une même volonté de rendre accessibles les dernières recherches sur Lambèse et Hippone et ils y réussissent fort bien.
Notes
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[1]
Hippone est ainsi présentée comme la première étape d’un partenariat entre Français et Algériens pour la mise en valeur des vestiges archéologiques : « Hippone : jardins de la Méditerranée, jardins de l’intelligence ».
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[2]
Voir Ève Gran-Aymerich, Dictionnaire biographique d’archéologie. 1798-1945, Paris, CNRS Editions, 2001 et les travaux de Monique Dondin-Payre sur la commission d’exploration scientifique de l’Algérie et son principal représentant, le capitaine Delamare.
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[3]
Hippone, p. 14; voir également Xavier Delestre, « Histoire des recherches », p. 55-65.
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[4]
Pierre Pinon, François-Xavier Amprimoz, Les envois de Rome (1778-1968). Architecture et archéologie, Rome, CEFR-110,1988; Roland Recht, Le dessin d’architecture. Origine et fonctions, Paris, Adam Biro Editions, 1995.
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[5]
Yasmina Khadra, L’écrivain, Paris, Pocket, 2001, p. 230.