Couverture de RHU_017

Article de revue

Grands ensembles et villes nouvelles : représentations sociologiques croisées

Pages 67 à 84

Notes

  • [1]
    On fait ici référence aux seules vraies villes nouvelles, au sens administratif du terme, c’est-à-dire Évry, Cergy-Pontoise, Saint-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée, Melun-Sénart, ValdeReuil, Villeneuve-d’Ascq, L’Isle-d’Abeau et les Rives de l’Étang de Berre.
  • [2]
    Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne, 1965, p. 62 et suivantes.
  • [3]
    Bernard Hirsch, Oublier Cergy. L’invention d’une ville nouvelle. Cergy-Pontoise. 1965-1975, Paris, Presses de l’École nationale des Ponts-et-Chaussées, 2000 (1re édition, 1990), p. 62.
  • [4]
    Henri Lefebvre, « Les nouveaux ensembles urbains. Un cas concret : Lacq-Mourenx et les problèmes urbains de la nouvelle classe ouvrière », Revue Française de Sociologie, I, 1960, p. 197 et 201.
  • [5]
    Annie Fourcaut, « Trois discours, une politique ?», dans Annie Fourcaut et Thierry Paquot (sous la direction de), « Le grand ensemble, histoire et devenir », Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 42.
  • [6]
    Trois corpus ont été utilisés pour la rédaction de cet article. Tout d’abord, le dépouillement de 4 grandes revues de sociologie de l’époque (L’Année sociologique, la Revue française de Sociologie, Sociologie du Travail et Espaces et Sociétés) auxquelles on a ajouté certains numéros des Cahiers de l’IAURP, d’Urbanisme, d’Architecture et Construction et d’Économie et Politique. Ensuite, l’utilisation des grandes études de sociologie urbaine qui paraissent à cette époque, dont on trouvera les références dans le corps du texte. Enfin, le recours à la littérature grise concernant les villes nouvelles et déposée au centre de documentation de l’urbanisme (CDU) à La Défense.
  • [7]
    Michèle Huguet, Les femmes dans les grands ensembles. De la représentation à la mise en scène, Paris, Éditions du CNRS, 1971.
  • [8]
    Voir le chapitre 1, « Le phénomène grand ensemble vu à travers la presse », qui pourrait rendre encore aujourd’hui de grands services aux historiens.
  • [9]
    L’histoire de l’utilisation du vocable « ville nouvelle », fait aujourd’hui l’objet d’une recherche collective, dirigée à l’université de Versailles-Saint-Quentin par Monique Sassier et François Leimdorfer. Voir François Leimdorfer, « Saint-Quentin (en-Yvelines) ou ‘‘ville nouvelle’’? Le choix de nom comme choix de ville », Langage et Société, no 96, juin 2001, p. 71-103.
  • [10]
    PaulClerc, Grandsensembles, banlieuesnouvelles, Paris, PressesuniversitairesdeFrance,1967.
  • [11]
    Pierre George, « Présent et avenir des grands ensembles. Un appel à l’étude », Cahiers internationaux de Sociologie, XXXV, 1963, p. 25-43.
  • [12]
    Dominique Mehl, « Les luttes de résidents dans les grands ensembles », Sociologie du Travail, 4, octobre-décembre 1975, p. 351-371.
  • [13]
    Jean-Claude Chamboredon, Madeleine Lemaire, « Proximité spatiale et distance sociale : les grands ensembles et leur peuplement », Revue française de Sociologie, XI, 1970, p. 3-33.
  • [14]
    Michèle Huguet, « Les femmes dans les grands ensembles », Revue française de Sociologie, VI, 1965, p. 217.
  • [15]
    Paul Clerc, Grands ensembles, banlieues nouvelles..., op. cit., p. 29,31.
  • [16]
    Jean-Claude Chamboredon, « Proximité spatiale et distance sociale... », op. cit., p. 5,6,7,16.
  • [17]
    Ebenezer Howard, Les cités jardins de demain, Paris, Dunod, 1969, traduction de Tomorrow : A Peaceful Path to Real Reform, London, 1898.
  • [18]
    Pierre Merlin. Les villes nouvelles en France, Paris, PUF, 1991.
  • [19]
    Dominique Mehl, « Les luttes de résidents... », op. cit. La Société Centrale de construction immobilière (SCIC) est une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations. Elle a aussi construit Mourenx.
  • [20]
    Monique Dagnaud, L’aménageur et le politique : le cas des villes nouvelles, Paris, Fondation des villes, 1979, dactyl.
  • [21]
    Sylvia Ostrowetsky, L’Imaginaire bâtisseur. Les villes nouvelles en France. Paris, Librairie des Méridiens (coll. Sociologie des Formes), 1983.
  • [22]
    Vito Ahtik, « La création des villes nouvelles », Sociologie du Travail, no 4, octobre-décembre 1969; Marina Melendres-Subirats, Françoise Lentin, « La planification urbaine face au marché du logement : trois projets de villes nouvelles en France », Sociologie du Travail, no 4, octobredécembre 1970, p. 427-448.
  • [23]
    Alain Touraine, Jean Lojkine, Marina Melendres, La création des villes nouvelles, rapport de recherches du Laboratoire de sociologie industrielle de l’EPHE, IAURP, 1968, dactyl.
  • [24]
    Maurice Imbert, « Villes nouvelles et stratégies de développement urbain », Techniques et Architectures, janvier 1975.
  • [25]
    Alain Touraine, Jean Lojkine, Marina Melendres, La création des villes nouvelles..., op. cit., p. IV.
  • [26]
    Vito Ahtik, « La création des villes nouvelles... », op. cit., p. 385.
  • [27]
    Marina Melendres-Subirats, Françoise Lentin, « La planification urbaine... », op. cit., p. 431.
  • [28]
    Ibidem, p. 432.
  • [29]
    Maurice Imbert, « Villes nouvelles et stratégies... », op. cit., p. 1.
  • [30]
    L’Année sociologique, 1965, p. 253.
  • [31]
    Manuel Castells, « Y a-t-il une sociologie urbaine ?», Sociologie du Travail, no 1, janviermars 1968, p. 72-80.
  • [32]
    Henri Lefebvre, « Réflexions sur la politique de l’espace », Espaces et Sociétés, no 1, novembre 1970, p. 3-12.
  • [33]
    Jean Lojkine, Edmond Prétéceille, « Politique urbaine et stratégie de classe », Espaces et Sociétés, no 1, novembre 1970, p. 79-84.
  • [34]
    Danielle Bleitrach, Alain Chenu, « Le rôle idéologique des actions régionales d’aménagement du territoire. L’exemple de l’aire métropolitaine marseillaise », Espaces et Sociétés, no 4, 1971, p. 43-55.
  • [35]
    Éva Radwan, Jean-François Parent, « Le quartier de l’Arlequin à Grenoble. Objectifs, bilan provisoire et questions », Espaces et Sociétés, no 16,1975, p. 104.
  • [36]
    L’Institut de Sociologie Urbaine est dirigé par Henri Lefebvre.
  • [37]
    Henri et Marie-Geneviève Raymond, Bernard et Nicole Haumont, L’habitat pavillonnaire, Centre de Recherche d’Urbanisme, 1966; Nicole Haumont, Les pavillonnaires. Étude psycho-sociologique d’un mode d’habitat, CNRS, 1966; Marie-Geneviève Raymond, La politique pavillonnaire, Paris, Centre de Recherche d’Urbanisme, 1966.
  • [38]
    Joffre Dumazedier, Maurice Imbert (sous la direction de), Espace et loisir dans la société française d’hier et de demain, Centre de Recherche d’Urbanisme, 1967,2 tomes.
  • [39]
    Pierre Merlin, Les villes nouvelles. Urbanisme régional et aménagement, Paris, PUF, 1969.
  • [40]
    Monique Coornaert, L’Année sociologique (« Actualité de la recherche »), 1968, p. 351.
  • [41]
    Urbanisme, 114,5,1969, no spécial « Villes nouvelles françaises ».
  • [42]
    Yves Brissy, Les villes nouvelles. Le rôle de l’État et des collectivités locales, Paris, Berger-Levrault, 1974.
  • [43]
    Pierre Gremion, La structuration du pouvoir au niveau départemental, Paris, CNRS, 1968; François d’Arcy, Structures administratives et urbanisation : La SCET, Paris, Berger-Levrault, 1968; Jean-Claude Thoenig, Ehrard Friedberg, La création des DDE, Paris, CSU, 1970.
  • [44]
    Voir Pierre Fournier, Sylvie Mazella, Marseille, entre ville et ports. Les destins de la rue de la République, Paris, La Découverte, 2004.
  • [45]
    Gérard Héliot, Anne Hublin, « Recherche d’une méthode de localisation d’équipements dans un germe de ville », L’Architecture d’aujourd’hui, octobre-novembre 1969, p. 24.
  • [46]
    René Kaes, Vivre dans les grands ensembles, Paris, Éditions ouvrières, 1963.
  • [47]
    L’esprit pionnier ou l’aventure des premiers habitants de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, catalogue de l’exposition « L’esprit pionnier », Musée de la Ville, 1999.
  • [48]
    Alain Touraine, Jean Lojkine, Marina Melendres, La création des villes nouvelles..., op. cit., III, p. 22-50.
  • [49]
    Jean Lojkine, « Villes nouvelles et capitalisme monopoliste d’État », Économie et Politique, 1969, p. 27.
  • [50]
    Alain Touraine, Jean Lojkine, Marina Melendres, La création des villes nouvelles..., op. cit., III, p. 31.
  • [51]
    Pierre Riboulet, « Éléments pour une critique de l’architecture », Espaces et Sociétés, no 1, novembre 1970, p. 33-42.
  • [52]
    Pierre Riboulet, « De quelques mots creux employés par la commission des villes : la préparation du VIe Plan », Espaces et Sociétés, 2, mars 1971, p. 61-74 (citation p. 65).
  • [53]
    Jean Lojkine, « Villes nouvelles et capitalisme... », op. cit., p. 54.
  • [54]
    Marina Melendres, Françoise Lentin, « La planification urbaine face au marché du logement : trois projets de villes nouvelles en France », Sociologie du Travail, no 4, octobredécembre 1970, p. 448.
  • [55]
    Jacotte Bobroff-Gutkin, Fabia Novatin-Lative, « La politique d’Albin Chalandon : nécessité tactique et stratégie de classe », Espaces et Sociétés, no 2, mars 1971, p. 9-28.
  • [56]
    Christian Topalov, Les promoteurs immobiliers, Paris, CSU, 1970.
  • [57]
    Bernard Hirsch, Oublier Cergy..., op. cit., p. 146-149.
  • [58]
    Roselyne Chenu, Paul Delouvrier ou la passion d’agir, Paris, Éditions du Seuil (coll. L’Histoire immédiate), 1994, p. 227 et suivantes.
  • [59]
    Michel Amiot. Contre l’État, les sociologues. Éléments pour une histoire de la sociologie urbaine en France (1900-1980), Paris, EHESS, 1986.
  • [60]
    DGRST-DAFU, Réflexions et Questions. Les aménageurs s’adressent aux chercheurs, Programme pour le VIIe Plan de la recherche urbaine, Paris, 1977.
  • [61]
    Manuel Castells, La question urbaine, Paris, Maspéro, 1972.
  • [62]
    Urbanisme, 114,5,1969, no spécial « Villes nouvelles françaises », « Memento », p. 2-3.
  • [63]
    Gérard Thurnauer, Vaudreuil Images de la Ville, dactyl., octobre 1968 (Institut régional d’Études démographiques de l’Université de Rouen, cote 711 Vaudreuil, THU). Pour une analyse des conceptions du germe de ville du Vaudreuil, voir Catherine Blain, L’Atelier de Montrouge (1958-1981) : prolégomènes à une autre modernité, thèse de Doctorat d’urbanisme, sous la direction de Jean-Louis Cohen, Université de Paris VIII, 2001, dactyl.
  • [64]
    Jean-Paul Lacaze, « Le témoignage d’un père fondateur », Études normandes, no 2,2004, no spécial « Val-de-Reuil : jeunesse d’une ville nouvelle », p. 19-32.
  • [65]
    Claire Brossaud, Le Vaudreuil Ville Nouvelle (Val-de-Reuil) et son imaginaire bâtisseur. Identification d’un champ autour d’une ville, Paris, L’Harmattan, 2003.
  • [66]
    Raymond Ledrut, L’espace social de la ville, Paris, Anthropos, 1968, cité dans Gérard Héliot, Anne Hublin, L’Architecture d’aujourd’hui, op. cit., p. 24-29.
  • [67]
    Anne Meistersheim, Villagexpo, Paris, Dunod, 1971.
  • [68]
    Respectivement : Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne, Secrétariat du Groupe central des villes nouvelles, établissements publics d’aménagement.
  • [69]
    Paul-Henry Chombart de Lauwe et l’histoire des études urbaines en France, Paris, L’Harmattan, 2001.
  • [70]
    Joffre Dumazedier, Maurice Imbert (sous la direction de), Espace et loisir..., op. cit., tome 2, p. 150-158.
  • [71]
    Henri Lefebvre, La révolution urbaine, Paris, Gallimard (coll. Idées), 1970.
  • [72]
    AlainTouraine, JeanLojkine, MarinaMelendres, Lacréationdesvillesnouvelles..., op.cit., p.71.

1La plupart des fondateurs des villes nouvelles  [1] affirment très tôt qu’elles ont été conçues contre les grands ensembles. Le thème est déjà présent dans le fameux Schéma directeur de 1965 où l’on dénonce « l’insuffisance clairement perçue des grands ensembles » et où l’on décrit Massy et Sarcelles comme « grand ensemble uniquement résidentiel et mal desservi » [2]. De même, le directeur de la Mission d’études de Cergy-Pontoise écrit en septembre 1966 dans son journal : « notre objectif est de faire une ville nouvelle et non une ZUP ou un grand ensemble même de bonne qualité » [3].

2Cette opposition entre grand ensemble et ville nouvelle semble reprendre une critique plus ancienne, que certains sociologues ont adressé à ces mêmes grands ensembles, au tournant des années 1950 et 1960. En septembre 1959, le mensuel Science et Vie titre : « Psychiatres et sociologues dénoncent la folie des grands ensembles. » Enquêtant dans la cité nouvelle de Mourenx en 1960, Henri Lefebvre enregistre les plaintes de nouveaux habitants (« ce n’est pas une ville, c’est une cité ») et conclut : « la lutte contre l’ennui commence. Nous ne savons pas si cet ennemi public sera vaincu. De cette lutte et de cet enjeu dépendent pourtant – jusqu’à un certain point le sens et le destin de la modernité » [4]. On reconnaît ici le fameux thème de la sarcellite, dont l’histoire est aujourd’hui mieux connue [5].

3Il semble donc pertinent de s’interroger sur le rôle qu’ont tenu les sociologues dans la construction d’un repoussoir (les grands ensembles) et sa transmission, au sein des équipes chargées de concevoir les villes nouvelles, entre 1965 (date de publication du Schéma directeur) et 1975 (date d’arrivée des nouveaux habitants dans les villes nouvelles). Les sociologues qui travaillent sur la ville à cette époque font-ils la distinction entre grand ensemble et ville nouvelle ? La sociologie contribue-t-elle à la production de modèles urbains positifs (ville nouvelle) ou négatif (grand ensemble) ? Le couple grand ensemble/ville nouvelle est-il central dans la sociologie urbaine de l’époque [6] ? L’histoire des représentations urbaines qu’on propose ici révèle trois conclusions majeures qui seront déclinées successivement. En premier lieu, la distinction entre ville nouvelle et grand ensemble est loin d’être claire pour les sociologues contemporains. En second lieu, les chercheurs, qui refusent très tôt de stigmatiser les grands ensembles, instrumentalisent néanmoins le lieu commun du repoussoir, pour produire une critique globale de la société de l’époque. Enfin, une partie de la critique sociologique de la ville va nourrir la conception urbanistique des villes nouvelles.

Trois corpus, une même indécision sémantique

4On sait depuis la publication en 1971 de la thèse de Michèle Huguet [7], que la confusion entre le terme de grand ensemble et celui de ville nouvelle constitue un lieu commun des Trente Glorieuses. Partant d’une analyse remarquable de la presse des années 1954-1963 [8], la sociologue signale que la plupart des grands ensembles furent qualifiés de « ville nouvelle », « nouvelle cité », « cité satellite » voire « ville neuve ». Cette terminologie floue persiste après 1960, c’est-à-dire après l’invention par la presse du vocable de « grand ensemble », fabriqué de toutes pièces pour stigmatiser les nouveaux quartiers d’habitat collectif.

5L’analyse de la littérature sociologique des années 1965-1975 confirme que la terminologie [9] n’est pas encore fixée, au moment où les neuf « vraies » villes nouvelles sont lancées. Il faut cependant distinguer au sein de la production d’ensemble, trois types de regards : celui des socio-logues qui travaillent sur les grands ensembles, celui des sociologues qui travaillent sur les villes nouvelles, celui des sociologues qui travaillent sur d’autres questions urbaines.

LE CORPUS DES GRANDS ENSEMBLES

6L’intérêt des sociologues pour les grands ensembles est évidemment bien antérieur aux années 1965-1975. Les travaux de Michèle Huguet ou de Paul Clerc sur les caractéristiques socio-démographiques [10] prolongent ici les réflexions antérieures de Pierre George [11] ou Paul-Henry Chombart de Lauwe. D’autres études en revanche, à l’instar de celles de Dominique Mehl [12] sur les mouvements sociaux urbains indiquent de nouvelles directions de recherche. Notre période est incontestablement dominée par la publication d’un article théorique essentiel, confrontant la proximité spatiale et la distance sociale des grands ensembles [13]. Cet article, qui sonne le glas d’une certaine mythologie interclassiste des nouveaux ensembles urbains, marque aussi une évolution de la sociologie urbaine.

7Dans un article de 1965, Michèle Huguet emploie alternativement les termes de « grand ensemble », de « grands ensembles », de « grands ensembles urbains » et de « nouveaux ensembles ». Elle signale que « Sarcelles et Massy-Antony » représentent plutôt des « villes nouvelles » [14]. Elle n’a pas encore à cette date pris conscience du poids des représentations urbaines. Dans son étude de 1967, Paul Clerc propose de faire la distinction entre les « banlieues nouvelles, ensembles d’habitat qui ne modifient pas la structure d’une agglomération et ensembles dont le poids numérique transforme la commune d’origine » disant de ces derniers qu’« à la limite ce sont des villes nouvelles ». Il cite pour ces « villes nouvelles »: BehrenslesForbach (Moselle), Guenange (Moselle), Farebersviller (Moselle) et Mourenx, qu’il exclut de son étude [15].

8En 1970, dans l’article de référence de Jean-Claude Chamboredon et Madeleine Lemaire, on emploie alternativement « communes suburbaines de développement récent », « grand ensemble », « ensemble nouveau » et « cités nouvelles » [16]. Les auteurs relient le mythe de la cité nouvelle qu’ils dénoncent à l’ouvrage d’Howard, Garden cities of Tomorrow, qui vient d’être traduit pour la première fois en français [17] et qui sera l’une des références des bâtisseurs des villes nouvelles [18].

9Il faut attendre 1975 et l’article de Dominique Mehl, qui porte sur l’analyse de deux grands ensembles réalisés par la SCIC, Sarcelles et le Val d’Yerres [19] pour que le terme de grand ensemble soit réellement fixé, l’auteur n’employant jamais celui de ville nouvelle.

LE CORPUS DES VILLES NOUVELLES

10La sociologie des villes nouvelles tient dans le corpus une place extrêmement limitée, les travaux les plus célèbres de Monique Dagnaud [20] ou Sylvia Ostrowtesky [21] étant postérieurs à 1975. Pourtant, la revue Sociologie du Travail, qui consacre en 1969 et 1970, deux numéros spéciaux à la sociologie urbaine revient par deux fois sur les villes nouvelles [22], tandis que le laboratoire de sociologie industrielle de l’École Pratique des Hautes Études se voit confier par l’IAURP la rédaction d’un rapport théorique sur la création des villes nouvelles [23] en 1968. À la fin de la période, les premières réflexions de Maurice Imbert sur les villes nouvelles sont également publiées dans Techniques et Architectures[24]. Aucun des chercheurs mentionnés ne confond villes nouvelles et grands ensembles, mais tous, clairement posent la question de la dialectique qui se joue où qui va se jouer entre les deux termes, incarnant selon eux, deux modèles d’urbanismes différents.

11Dans la première étude, datée de 1968, Touraine, Lojkine et Melendres partent de l’analyse de « la ville nouvelle de Mourenx » et du « grand ensemble de Sarcelles » pour démontrer que ce ne sont pas des villes nouvelles. Ils proposent même, au-delà de ces deux exemples emblématiques, une distinction entre « ville satellite » et « ville nouvelle ». La première dépendrait pour ses activités économiques d’une autre ville ou d’un centre urbain plus important, tandis qu’une « vraie ville nouvelle » devrait avoir un rôle de commandement dans l’espace environnant et une unité propre. Alain Touraine écrit clairement : « En France, l’idée de ville nouvelle s’est formée par opposition à celle de grand ensemble [...] La ville nouvelle ne veut pas être une ville-dortoir. » [25] Mais à cette date, les villes nouvelles en sont encore aux études préalables. D’où l’intérêt de voir ce qu’écrivent les sociologues au-delà de la phase de lancement.

12En 1969, Vito Ahtik précise que « la ville nouvelle française ne se veut ni satellite, ni autonome, mais une ville secondaire [...], un pôle intégré à l’ensemble de l’aire métropolitaine » [26]. En 1970, Marina Melendres et Françoise Lentin croient tenir l’originalité des villes nouvelles françaises dans le projet de centralité : « la ville nouvelle doit constituer une unité, elle doit posséder des symboles spécifiques » [27]. Du même coup, elles refusent le label à l’Isle d’Abeau, « ville plus ou moins éclatée », indiquant que « dans ces conditions, la notion classique de ville n’est plus valable : on serait tenté d’abandonner le vocable ville nouvelle et de se référer à la notion de région urbaine intégrée dans un milieu rural » [28]. En 1975 enfin, Maurice Imbert rejette nettement l’opposition, pourtant devenue lieu commun dans le discours des aménageurs à cette date, entre « grand ensemble péri-urbain » et « villes nouvelles », appelant ces dernières, « ensembles urbains générateurs d’une véritable vie citadine » [29].

LE CORPUS GÉNÉRAL

13Au-delà des études spécialisées sur les grands ensembles ou sur les villes nouvelles, de nombreux sociologues arpentent le territoire de la ville en général. Leur usage de la terminologie grand ensemble/ville nouvelle révèle combien le vocabulaire est fluctuant, surtout dans les années 1960.

14Dans la recension bibliographique de L’Année sociologique, la confusion est manifeste. En 1965 par exemple, on parle tantôt de « grand ensemble », tantôt de « ville nouvelle comme Sarcelles » [30]. Dans un de ces premiers grands articles théoriques, Manuel Castells, membre du laboratoire de sociologie industrielle de Nanterre, emploie le terme de « grand ensemble », de « ville nouvelle » mais aussi de « centres de banlieue » ou de « sous-villes » [31]. Dans l’introduction qu’il signe pour le premier numéro de sa revue Espaces et Sociétés, Henri Lefebvre évoque les « grands ensembles » qu’il oppose à la banlieue pavillonnaire, mais ne parle pas de villes nouvelles [32]. Dans la même livraison, Jean Lojkine et Edmond Préteceille évoquent la « pathologie de la ville », amalgamant « taudis, bidonvilles, banlieues mal équipées et mal desservies » [33]. Dans un article de la même revue consacré, en 1971, à l’aire métropolitaine marseillaise, Danielle Bleitrach et Alain Chenu parlent des « villes nouvelles voisines de l’Étang de Berre » – alors que la terminologie officielle est « la » ville nouvelle des Rives de l’Étang de Berre – et indiquent que ces villes nouvelles forment un « programme d’extension à partir des centres urbains existants » [34]. Quatre ans plus tard, une contribution d’Éva Radwan et Jean-François Parent, dédiée au site très célèbre de Grenoble-Échirolles, présente cette réalisation urbaine comme une « Ville-neuve » et souligne que « l’image grand ensemble avec sa population d’immigrés et de jeunes réputés marginaux est associée à toute urbanisation nouvelle » [35].

15Parallèlement à cette confusion lexicale, on soulignera que de nombreux articles de sociologie urbaine de cette époque, n’évoquent ni les grands ensembles, ni les villes nouvelles, ignorant une problématique urbaine qui passe pour avoir été centrale, aux yeux des aménageurs tout du moins. Le numéro spécial que la Revue française de Sociologie consacre à la ville en 1968 et qui fait le point sur l’ensemble des travaux conduits par l’Institut de Sociologie urbaine [36], ne parle à aucun moment des villes nouvelles ou des grands ensembles. La plupart des contributions d’Henri Lefebvre pour Espaces et Sociétés se situent dans le registre de l’urbain et n’abordent pas la question des formes urbaines. La rareté des termes de grand ensemble et de ville nouvelle est également notable dans certains ouvrages majeurs de l’époque comme la trilogie des Pavillonnaires (1966) [37] ou l’enquête Espace et Loisir (1967) [38].

16Comment rendre compte de l’absence de terminologie claire et plus encore de la rareté de l’occurrence du débat grand ensemble/ville nouvelle dans la littérature sociologique contemporaine ? Deux explications peuvent ici être suggérées. En premier lieu, la faible circulation de l’information sur les villes nouvelles, malgré l’abondance des travaux conduits par l’IAURP entre 1965 et 1969. L’analyse de l’appareil critique des articles du corpus, montre que les travaux de Pierre Merlin sur les villes nouvelles étrangères [39], travaux qui contribuent à préciser le socle administratif et urbanistique des villes nouvelles françaises, ne sont quasiment jamais cités. Dans le bilan de l’actualité de la sociologie urbaine qu’elle dresse en 1968, Monique Coornaert mentionne les études de Pierre Merlin mais les juge trop techniques : « sans qu’on sache très bien ce qu’elles deviendront, c’était une des innovations les plus intéressantes du SDAURP que de proposer comme villes nouvelles de vraies villes, véritables pôles d’attraction » [40]. La même année, Manuel Castells, dans l’article précité, évacue les travaux conduits au sein de l’IAURP : « outils de travail indispensables mais qui ne rentrent pas dans notre propos ». La question de la spécificité administrative des villes nouvelles, en particulier le système des établissements publics d’aménagement et du Groupe central des villes nouvelles, présentée très tôt dans la revue Urbanisme[41] et qui fera l’objet d’une thèse de droit en 1974 [42], est totalement ignorée des sociologues. Cette ignorance est d’autant plus surprenante que la sociologie des organisations est alors à son apogée [43]. Notons aussi que ce qui vaut pour les villes nouvelles vaut pour les grands ensembles. La thèse de Michèle Huguet est assez peu citée. La revue Espaces et Sociétés en fait une recension psychanalytique parfaitement illisible.

17En second lieu, la problématique grand ensemble/ville nouvelle est analysée comme une problématique fonctionnelle, relevant strictement d’un urbanisme de techniciens, que précisément la sociologie de cette époque met en cause. La charnière de 1968 est ici confirmée. Dans L’Année sociologique par exemple, la rubrique « sociologie urbaine » explose littéralement après cette date. Mais ce que les chercheurs analysent désormais comme une « crise urbaine » ou une « question urbaine », est aussi le signe d’un déplacement de curseur. Les sociologues qui tiennent le haut du pavé en ce début des années 1970, via la revue Espaces et Sociétés en particulier, ne s’intéressent ni aux problèmes de logement (problématique des années 1950, via Chombart de Lauwe), ni aux problèmes des équipements (problématique des années 1960, via Joffre Dumazedier). Si on fait peu de cas de la thèse de Michèle Huguet, c’est qu’elle arrive trop tard, s’inscrivant dans une problématique que les jeunes chercheurs trouvent datée. Au contraire, les sujets neufs portent sur l’aménagement du territoire, les politiques urbaines, le rôle des collectivités locales, les mouvements sociaux urbains. L’article de Chamboredon/Lemaire, qui aujourd’hui encore fait référence [44], marque de fait une rupture dans la littérature sociologique, car il indique que les observations sur les grands ensembles ne posent pas les bonnes questions. Pour poser les bonnes questions, il faut les poser ailleurs, c’est-à-dire interroger les idéologies de classe qui, selon les chercheurs, sont les matrices des politiques urbaines. On évacue du même coup, non seulement l’école de Chombart de Lauwe (Michèle Huguet) mais aussi celle d’Henri Lefebvre.

18L’énergie dépensée par Paul Delouvrier, directeur de l’IAURP pour promouvoir des études socio-démographiques, garantes de la qualité des villes nouvelles à construire, ne touche que de manière marginale la production des sociologues français qui travaillent sur la ville entre 1965 et 1975. Comment alors expliquer l’insistance avec laquelle les équipes centrales comme les équipes de terrain qui réalisent les villes nouvelles cherchent à se différencier des grands ensembles ?

La construction du contre-modèle du grand ensemble

19Incontestablement, il existe bien un contre-modèle, un repoussoir du grand ensemble, activé par les aménageurs comme par les sociologues qui vont être associés à la construction des villes nouvelles. Gérard Héliot et Anne Hublin, sociologues attachés à la Mission d’études du Vaudreuil écrivent ainsi en 1969 : « la mise en place de missions d’études de villes nouvelles correspond à une réelle volonté de réaliser quelque chose d’essentiellement différent des grands ensembles » [45]. On s’attachera ici à démontrer que cet « essentiellement différent » est évidemment un mythe, sans aucune consistance sociologique sérieuse; que le repoussoir des grands ensembles tel qu’il est présenté à l’époque ne fonctionne pas sur les mêmes critères qu’aujourd’hui; que ce repoussoir évolue dans le temps, finissant par s’appliquer aux villes nouvelles.

UN EFFET DE REPOUSSOIR À GÉOMÉTRIE VARIABLE

20Dès 1965, les travaux de Michèle Huguet et dans une moindre mesure ceux de Paul Clerc, démontent la construction médiatique du contre-modèle du grand ensemble. Leurs travaux montrent que les problèmes rencontrés dans les grands ensembles ne sont pas différents de ceux de la société globale, qu’ils n’ont sinon rien, du moins peu à voir avec la structure de l’habitat et qu’il faut donc se méfier de l’effet de loupe porté par les médias. Exit donc, du moins sous l’angle sociologique, la « sarcellite » et la délinquance juvénile engendrée par le désespoir du béton armé.

21Des travaux postérieurs, reprenant les analyses de René Kaes parues en 1963 [46], montreront que certains grands ensembles sont susceptibles de créer une vie sociale nouvelle. Ainsi à Grenoble-Échirolles, où le quartier dit de l’Arlequin fait l’objet, entre 1971 et 1975, d’aménagements importants et d’expérimentations socio-éducatives (équipements intégrés, écoles ouvertes, maisons de quartier) qui en font un laboratoire urbain, étudié sous toutes les coutures, au même titre que certains projets des villes nouvelles comme l’Agora d’Évry. De même, Dominique Mehl montre que le Val d’Yerres est un grand ensemble différent de celui de Sarcelles. Là on joue la carte de la diversité, articulant non seulement le locatif et la copropriété, mais aussi le logement collectif et le pavillonnaire, le cadre urbain au milieu des champs, la conservation des petits villages d’origine, la restauration d’une vieille ferme, la mise en place d’une animation socioculturelle et, pour couronner le tout, un discours participatif du promoteur appelant les nouveaux habitants à « prendre la ville clefs en main ». Quelle différence donc peut-on trouver dans le discours entre ce qui se fait dans le grand ensemble du Val d’Yerres et ce qui se fait à la même époque dans le quartier des Sept Mares [47] à Saint-Quentin-en-Yvelines ? Ce qui est aujourd’hui une évidence pour l’historien, est loin de l’être entre 1965 et 1975 pour certains sociologues.

22Dans leur rapport de 1968 sur la création des villes nouvelles, Alain Touraine, Jean Lojkine et Marina Melendres s’en prennent violemment au « grand ensemble de Sarcelles », auquel ils adressent quatre types de critiques [48]. En premier lieu, Sarcelles serait sous-équipée. On n’aurait pas assez prévu d’équipements au départ et ceux qui furent installés par la suite seraient notoirement insuffisants pour les besoins du quartier. En second lieu, Sarcelles n’aurait pas fait l’objet d’une logique d’urbanisme. Il n’y aurait pas de plan d’ensemble au départ, le plan directeur réalisé par la suite serait arrivé trop tard et coûterait trop cher pour être réalisé. De surcroît rien n’aurait été fait pour penser la logique d’intégration avec le village de Sarcelles comme avec la capitale proche. En troisième lieu, l’application stricte des principes de la Charte d’Athènes, aurait transformé Sarcelles en cité-dortoir. 90% des habitants travailleraient en dehors de la commune. Le grand ensemble n’aurait pas été pensé comme un tout organique (une ville) mais comme une juxtaposition rigide de logements. Enfin, Sarcelles se révèlerait très éloignée des préoccupations de l’aménagement du territoire, portés par la jeune DATAR.

23À ces quatre critiques, qui seront reprises par les ministres de l’Équipement comme par les aménageurs, Jean Lojkine en ajoute une cinquième, en 1969. Selon lui, les grands ensembles sont le signe de la ségrégation sociale de l’espace et l’apogée de la crise urbaine du monde capitaliste. La critique débouche sur la nécessité d’inventer de nouvelles formes urbaines : « on ne peut dissocier la nécessité d’un aménagement rationnel de l’espace de la nécessité des villes nouvelles » [49].

24On aura noté l’absence de critiques sur l’architecture et la monotonie des paysages urbains, thématiques qui vont devenir récurrentes à la fin des années 1970 et vont précipiter nombre de grands ensembles dans la politique de la ville. Au contraire, le laboratoire de sociologie industrielle souligne que les logements de Sarcelles, surtout ceux issus de la dernière tranche, sont « bien équipés » [50]. Les sociologues saluent les efforts effectués pour améliorer l’aspect extérieur et aménager des espaces verts abondants, rejoignant par là même les préoccupations des premiers amé-nageurs des villes nouvelles. Significativement la critique de l’architecture des grands ensembles viendra d’un architecte, Pierre Riboulet, qui s’exprime en 1970 dans le premier numéro d’Espaces et Sociétés. Il y dénonce « l’un quelconque des ces grands ensembles d’habitation récemment construits autour des grandes villes » et parle de « la production d’un sous-habitat principalement réservé à la classe ouvrière de quelque façon qu’on le nomme : ZUP, ZAC, ville nouvelle, [...] caricature d’habitat collectif » [51]. Un an plus tard, le même architecte s’en prend aux ségrégations résidentielles et met pêle-mêle : «îlots insalubres, grands ensembles, bidonvilles et les pseudo-villes nouvelles » [52]. Derrière la violence de ce « pseudo-villes nouvelles », critique isolée – dans ce corpus du moins – d’un Pierre Riboulet, un nouveau thème pointe au début des années 1970, celui de la dénonciation de l’écart entre les intentions louables des villes nouvelles françaises et les piètres réalisations sur le terrain.

LA CRITIQUE PRÉCOCE DES VILLES NOUVELLES

25L’adhésion d’une partie des sociologues français aux intentions urbaines des pères du SDAURP de 1965, manifeste en 1968-1969, cède rapidement la place à une critique en règle des villes nouvelles. Les chercheurs qui leur retournent les critiques qu’elles mêmes avaient adressées aux grands ensembles.

26Jean Lojkine ouvre le bal en 1969, en signalant qu’il y a selon lui contradiction entre la planification dirigiste des villes nouvelles et le fonctionnement industriel et capitaliste du secteur du bâtiment. Il dénonce le manque d’articulation entre la DATAR et le District de la région parisienne et plus encore l’absence de consultation des collectivités locales et de la population. Il pense que les villes nouvelles ont été implantées trop près de Paris et qu’à terme elles seront noyées dans des grands ensembles. Ainsi, « Évry est déjà pris dans un véritable raz de marée urbain. On pourrait parler d’un encerclement de la ville nouvelle par les opérations de Boissy-Saint-Léger, Brie-Comte-Robert, Bellancourt, Sainte-Geneviève des Bois, Grigny, Arpajon, etc. » [53].

27La plupart des sociologues qui travaillent sur la ville au début des années 1970 soulignent le tournant libéral des pouvoirs publics et affirment que la politique d’Albin Chalandon, nouveau ministre de l’Équipement sera fatale aux villes nouvelles. En 1970, Marina Melendres et Françoise Lentin prétendent qu’Évry, L’Isle-d’Abeau et Le Vaudreuil échappent au contrôle des instances politiques qui les ont créées et qu’« elles se rapprochent des formes urbaines déjà existantes » [54], en faisant en particulier appel à la promotion privée et en pratiquant le refus de la concertation. Dans un article d’Espaces et Sociétés de mars 1971, sur la politique d’Albin Chalandon, deux jeunes sociologues démontrent que la nouvelle politique urbaine est soumise aux intérêts des promoteurs capitalistes et que les thèmes de la qualité de vie, de la ville à la campagne et du niveau élevé d’équipements sont de simples outils de promotion [55]. Un an plus tôt, était parue la thèse de Christian Topalov sur les promoteurs immobiliers [56], décortiquant le système de classes à l’œuvre dans ce microcosme.

28Dès lors les villes nouvelles deviennent suspectes aux yeux des chercheurs en sociologie urbaine. Elles sont soit ramenées à de simples opérations de prestige, soit au mirage de la planification urbaine, dont les sociologues prétendent alors qu’elle ne saurait être efficace en l’absence de changement radical des rapports de production.

29On le voit, au cours de la période, la critique sur les insuffisances des grands ensembles, en terme de projets urbains, s’est progressivement déplacée vers l’ensemble des politiques urbaines et donc a contribué à l’indifférenciation entre grand ensemble et ville nouvelle. Les deux termes sont simplement considérés comme deux moments de la politique capitaliste de l’État, définissant pour longtemps une chronologie de l’urbanisme que les historiens remettent aujourd’hui en cause. Inutile de dire que cette sociologie-là aura peu de place au sein des programmes des villes nouvelles. Les témoignages amusés d’un Bernard Hirsch à l’encontre de Jean Lojkine [57] ou ceux de Paul Delouvrier envers Lucien Sfez [58] indiquent combien la confrontation des disciplines (la sociologie et l’urbanisme) tourna rapidement au dialogue de sourds. Que doit-on alors retenir de ce débat sur la terminologie et sur le repoussoir du grand ensemble ? En quoi contribua-t-il à la construction symbolique des villes nouvelles ?

L’apport de la sociologie urbaine à la construction d’une représentation des villes nouvelles

30On s’est sans doute un peu trop focalisé sur l’histoire intellectuelle de la sociologie urbaine [59], en confondant cette histoire avec celle de l’apport de la réflexion sociologique à la production concrète de la ville. Il existe en effet un paradoxe évident, entre une sociologie qui est soutenue par les pouvoirs publics via la DGRST (1958) ou la politique de recherche incitative du Plan [60] et la critique virulente et de plus en plus théorique que ces mêmes chercheurs adressent à l’État au début des années 1970. La publication de la Question urbaine en 1972 [61] traduit bien ce grand écart entre la sociologie opérationnelle des bureaux d’études et des établissements publics d’aménagement et la sociologie spéculative des grands laboratoires de recherche. Comment résoudre le hiatus entre ces deux formes de recherches ?

LA CIRCULATION DES RÉFÉRENCES

31Dans un numéro de mai 1969, consacré aux villes nouvelles françaises, la revue Urbanisme donne la composition des missions d’études qui leur sont rattachées [62]. On remarque que de nombreuses équipes comportent à cette date des « sociologues ». C’est le cas à Cergy et Évry, qui en ont chacune un, mais aussi à Marne-la-Vallée, L’Isle-d’Abeau et Le Vaudreuil qui en emploient deux chacune à cette date. Les quatre autres sites n’en emploient pas encore. Parmi ces « sociologues », qui vont souvent occuper les fonctions de « programmateurs », aucun, à l’exception d’Anne Hublin et Gérard Héliot, ne publiera d’articles au cours de la période, voire même au-delà de cette période si l’on en croit la base documentaire Urbamet. C’est dire qu’on n’a pas affaire aux mêmes « sociologues » que ceux qui écrivent dans les revues contemporaines et l’exception du Vaudreuil est ici révélatrice.

32L’opération du Vaudreuil, lancée en 1967, est en effet caractérisée par un investissement théorique très important. Cette volonté de conceptualiser la ville avant de la construire, est à relier au goût de l’architecte Gérard Thurnauer – le père du Vaudreuil – pour la spéculation intellectuelle [63]. Elle peut aussi se lire comme le résultat indirect des blocages politiques locaux, qui amènent l’État à pousser plus longtemps qu’ailleurs la phase d’études préliminaires [64]. Dans ce contexte particulier, on comprend que les sociologues eurent une place de choix. Dans cette équipe-là, les réfé-rences théoriques, quoique peu nombreuses, circuleront beaucoup. On pense au « droit à la ville » d’Henri Lefebvre [65], mais aussi aux travaux de Raymond Ledrut, cités dès 1969 par Gérard Héliot et Anne Hublin [66].

33Ailleurs, circulent sans doute d’autres références. À commencer par la grande enquête sur l’habitat pavillonnaire, publiée en 1965. Les auteurs retracent l’histoire de l’idéologie de la maison individuelle et démontrent qu’elle résiste aux progrès qu’apportent, en matière de confort notamment, les grands ensembles. Si les auteurs des Pavillonnaires refusent de prendre parti dans le débat de société entre le logement collectif et le logement individuel, ils pointent néanmoins que les Français ont des besoins réels et virtuels en matière de logements, besoins que les grands ensembles ne pourront satisfaire très longtemps. Cet ouvrage capital, pourra être lu aussi bien par les tenants d’une libéralisation de l’urbanisme comme Albin Chalandon (Villagexpo) [67] que par les partisans de la mixité de l’habitat individuel, collectif et « intermédiaire », qui travailleront dans les derniers grands ensembles et les premières villes nouvelles.

34Autre référence en phase avec les discours des urbanistes des villes nouvelles, la livraison des enquêtes chapeautées par Henri Lefebvre en 1967 sur « le rôle des quartiers dans la ville », à partir de quatre monographies de communes de la région parisienne (Argenteuil, Choisy-le-Roi, Suresnes, Vitry-sur-Seine). S’il est peu probable que les aménageurs des villes nouvelles aient été sensibles aux prolégomènes théoriques d’Henri Lefebvre sur « l’idéologie du quartier », certains auront en revanche sans doute lu avec attention les analyses de Monique Coornaert et de Claude Harlaut sur l’intégration des silhouettes modernes dans le paysage urbain traditionnel de Choisy-le-Roi et les réussites, selon eux, de la ZUP de Vitry. On trouve ici, dès 1967, l’origine d’une réflexion de longue haleine sur les maisons de ville et la couture des quartiers, dont les villes nouvelles seront les fers de lance dans les années 1970.

35Autre étude probablement lue, celle sur les logements semi-collectifs en 1973, commandée par l’IAURP, le SGVN et les 9 EPA [68] des villes nouvelles. Les sociologues concluent l’étude en indiquant qu’il ne s’agit pas d’une formule miracle, mais qu’elle peut faire office d’alternative à la dissémination de l’habitat individuel. Citons enfin, les nombreux travaux de Joffre Dumazedier plaidant pour le recours à l’animation socioculturelle dans les nouveaux ensembles urbains et qui fourniront l’un des supports théoriques à la mise en place systématique des politiques de préanimation dans les villes nouvelles.

DE LA RÉFLEXION À L’AMÉNAGEMENT

36Trois apports majeurs de la réflexion sociologique des années 1960 vont être intégrés par les équipes des villes nouvelles. La première est la nécessité d’inscrire le projet local dans une dynamique régionale. Au-delà des divergences idéologiques, il existe une évidente convergence entre les analyses sociologiques des années 1965-1975 et les conceptions des pères fondateurs des villes nouvelles. À bien des égards, les travaux d’Alain Touraine ou de Jean Lojkine, voire ceux de la revue Espaces et Sociétés ne font que prolonger et préciser les pistes très générales esquissées par les chercheurs (démographes, statisticiens, géographes) de l’IAURP dans le SDAURP de 1965. La question centrale des transports, celle de la hiérarchisation des systèmes urbains, celle de la planification régionale débouchent chez les uns comme chez les autres sur l’évidence de la prise en charge par l’État de la construction des villes nouvelles. Les divergences entre chercheurs et « technocrates » viendront plus tard.

37Second apport théorique, l’importance de la question des loisirs. La période concernée (1965-1975) marque et accompagne le glissement d’une problématique centrée sur le logement (pavillon ou grand ensemble) à une problématique centrée sur la civilisation urbaine (nouveaux ensembles urbains et vie nouvelle). Le rôle de Paul-Henry Chombart de Lauwe [69] a sans doute été déterminant dans ce glissement, mais il se met lui-même hors jeu dès le début de la période. Le maître livre de Dumazedier et Imbert [70] influencera durablement les conceptions urbaines, des grands ensembles comme des villes nouvelles. Selon les sociologues, la loi programme du 28 juillet 1961, relative à l’équipement sportif et socio-éducatif signale une rupture dans l’ordre de l’urbanisme. La loi impose la construction de locaux spéciaux socio-éducatifs et culturels dans chaque ensemble d’une certaine taille. Pour les auteurs, il ne s’agit pas seulement de construire ces locaux mais de les faire vivre et de les faire durer. Dans ce livre de 1967, de nombreuses pratiques nouvelles de l’urbanisme sont proposées qui seront appliquées dans les villes nouvelles. Ainsi de l’étude préalable du cadre de vie et de la population, de l’étude de la localisation fonctionnelle des équipements à implanter, des pratiques de réserve d’espace et d’investissement, de la définition de polyvalence d’équipements en vue de l’évolution prévisible des besoins. Bref un pragmatisme de la programmation des équipements de loisirs et une souplesse de l’urbanisme s’y rattachant, qui seront comme les béquilles de la planification autoritaire nécessaire au niveau du Schéma d’aménagement régional.

38Dernier apport théorique, la question de la participation. Il s’agit d’un véritable lieu commun de l’époque et on aurait tort d’en limiter l’expression aux travaux d’Henri Lefebvre [71], même s’ils sont relativement cités. Dans leur rapport de 1968, Touraine, Lojkine et Melendres pointent très justement que là réside la principale contradiction des villes nouvelles. Elles sont impensables sans l’aide de l’État dirigiste mais elles ne pourront durer sans la participation des communes et des habitants. Les sociologues qui travaillent sur les grands ensembles montrent que les associations d’habitants entrent rapidement en conflit, aussi bien avec les promoteurs qu’avec les élus locaux. Sociologues des grands ensembles et sociologues des villes nouvelles tombent au final d’accord sur un point. Les tensions objectives entre les attentes des concepteurs et celles des usagers ne peuvent être résolues que par « une analyse objective des éléments du système urbain et de leurs rapports » [72], c’est-à-dire par le recours au travail des sociologues.

39On a tendance aujourd’hui à porter un regard assez critique sur la sociologie urbaine des années 1965-1975. Tantôt on pointe le caractère obsolète de son raffinement théorique, autour du concept – d’ailleurs importé de l’économie – de capitalisme monopoliste d’État, tantôt on pointe sa coupure progressive avec le terrain de l’aménagement urbain, c’est-à-dire avec cette fameuse question des « besoins humains » que la sociologie n’a eu de cesse d’évacuer. Il faut en finir avec ce rejet, parce qu’il conduit les historiens à des simplifications hasardeuses et les prive de sources documentaires de premier ordre.

40Les sociologues français ne sont tout d’abord pas responsables de la construction du contre-modèle du grand ensemble. Ils se sont attachés à démontrer qu’il s’agissait d’une construction médiatique et que l’enjeu était moins d’analyser les conséquences sociales d’une forme urbaine donnée que l’interaction et l’évolution entre cette forme et la société qui l’habitait. D’autre part, si certains sociologues ont pu accepter de mettre en scène sociologiquement les insuffisances du grand ensemble, c’était pour soutenir le vaste mouvement de réorganisation administrative qui traversait la France aux débuts de la Ve République. Ils avaient évidemment tout intérêt à soutenir ce mouvement dont ils seraient collectivement les premiers bénéficiaires. Dans cette logique, les villes nouvelles n’étaient qu’un aspect parmi d’autres et pour les sociologues, l’enjeu était sans doute moins la ville que la transformation des modes de vie.

41Enfin, au-delà de la rupture de 1968 et du meurtre symbolique du père, c’est-à-dire de l’État aménageur, il semble que les travaux de la sociologie urbaine ont pu nourrir la réflexion des aménageurs des derniers grands ensembles et plus encore des villes nouvelles, mais pas dans le sens où on l’entend généralement. C’est moins la marotte du « droit à la ville » qui est ici en cause que l’invention pragmatique de nouvelles combinatoires entre équipements et logements, individuel et collectif, habitat et emploi, ville et campagne, etc., soit autant de thèmes qui sont présents dans la littérature urbaine depuis le milieu du XIXe siècle mais qu’on va ressourcer à la lumière des expériences de terrain des années 1960-1970.

42Il nous reste à restituer, au cas par cas, les cheminements des idées et des méthodes au sein des nouveaux ensembles urbains, quels que soient leur statut, des années 1965-1975. C’est par l’étude des archives écrites et orales qu’on avancera sur ce terrain, mais il y a fort à parier qu’on avancera davantage si l’on ne sépare plus l’étude des grands ensembles de celle des villes nouvelles.


Date de mise en ligne : 01/12/2008

https://doi.org/10.3917/rhu.017.0067

Notes

  • [1]
    On fait ici référence aux seules vraies villes nouvelles, au sens administratif du terme, c’est-à-dire Évry, Cergy-Pontoise, Saint-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée, Melun-Sénart, ValdeReuil, Villeneuve-d’Ascq, L’Isle-d’Abeau et les Rives de l’Étang de Berre.
  • [2]
    Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne, 1965, p. 62 et suivantes.
  • [3]
    Bernard Hirsch, Oublier Cergy. L’invention d’une ville nouvelle. Cergy-Pontoise. 1965-1975, Paris, Presses de l’École nationale des Ponts-et-Chaussées, 2000 (1re édition, 1990), p. 62.
  • [4]
    Henri Lefebvre, « Les nouveaux ensembles urbains. Un cas concret : Lacq-Mourenx et les problèmes urbains de la nouvelle classe ouvrière », Revue Française de Sociologie, I, 1960, p. 197 et 201.
  • [5]
    Annie Fourcaut, « Trois discours, une politique ?», dans Annie Fourcaut et Thierry Paquot (sous la direction de), « Le grand ensemble, histoire et devenir », Urbanisme, no 322, janvier-février 2002, p. 42.
  • [6]
    Trois corpus ont été utilisés pour la rédaction de cet article. Tout d’abord, le dépouillement de 4 grandes revues de sociologie de l’époque (L’Année sociologique, la Revue française de Sociologie, Sociologie du Travail et Espaces et Sociétés) auxquelles on a ajouté certains numéros des Cahiers de l’IAURP, d’Urbanisme, d’Architecture et Construction et d’Économie et Politique. Ensuite, l’utilisation des grandes études de sociologie urbaine qui paraissent à cette époque, dont on trouvera les références dans le corps du texte. Enfin, le recours à la littérature grise concernant les villes nouvelles et déposée au centre de documentation de l’urbanisme (CDU) à La Défense.
  • [7]
    Michèle Huguet, Les femmes dans les grands ensembles. De la représentation à la mise en scène, Paris, Éditions du CNRS, 1971.
  • [8]
    Voir le chapitre 1, « Le phénomène grand ensemble vu à travers la presse », qui pourrait rendre encore aujourd’hui de grands services aux historiens.
  • [9]
    L’histoire de l’utilisation du vocable « ville nouvelle », fait aujourd’hui l’objet d’une recherche collective, dirigée à l’université de Versailles-Saint-Quentin par Monique Sassier et François Leimdorfer. Voir François Leimdorfer, « Saint-Quentin (en-Yvelines) ou ‘‘ville nouvelle’’? Le choix de nom comme choix de ville », Langage et Société, no 96, juin 2001, p. 71-103.
  • [10]
    PaulClerc, Grandsensembles, banlieuesnouvelles, Paris, PressesuniversitairesdeFrance,1967.
  • [11]
    Pierre George, « Présent et avenir des grands ensembles. Un appel à l’étude », Cahiers internationaux de Sociologie, XXXV, 1963, p. 25-43.
  • [12]
    Dominique Mehl, « Les luttes de résidents dans les grands ensembles », Sociologie du Travail, 4, octobre-décembre 1975, p. 351-371.
  • [13]
    Jean-Claude Chamboredon, Madeleine Lemaire, « Proximité spatiale et distance sociale : les grands ensembles et leur peuplement », Revue française de Sociologie, XI, 1970, p. 3-33.
  • [14]
    Michèle Huguet, « Les femmes dans les grands ensembles », Revue française de Sociologie, VI, 1965, p. 217.
  • [15]
    Paul Clerc, Grands ensembles, banlieues nouvelles..., op. cit., p. 29,31.
  • [16]
    Jean-Claude Chamboredon, « Proximité spatiale et distance sociale... », op. cit., p. 5,6,7,16.
  • [17]
    Ebenezer Howard, Les cités jardins de demain, Paris, Dunod, 1969, traduction de Tomorrow : A Peaceful Path to Real Reform, London, 1898.
  • [18]
    Pierre Merlin. Les villes nouvelles en France, Paris, PUF, 1991.
  • [19]
    Dominique Mehl, « Les luttes de résidents... », op. cit. La Société Centrale de construction immobilière (SCIC) est une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations. Elle a aussi construit Mourenx.
  • [20]
    Monique Dagnaud, L’aménageur et le politique : le cas des villes nouvelles, Paris, Fondation des villes, 1979, dactyl.
  • [21]
    Sylvia Ostrowetsky, L’Imaginaire bâtisseur. Les villes nouvelles en France. Paris, Librairie des Méridiens (coll. Sociologie des Formes), 1983.
  • [22]
    Vito Ahtik, « La création des villes nouvelles », Sociologie du Travail, no 4, octobre-décembre 1969; Marina Melendres-Subirats, Françoise Lentin, « La planification urbaine face au marché du logement : trois projets de villes nouvelles en France », Sociologie du Travail, no 4, octobredécembre 1970, p. 427-448.
  • [23]
    Alain Touraine, Jean Lojkine, Marina Melendres, La création des villes nouvelles, rapport de recherches du Laboratoire de sociologie industrielle de l’EPHE, IAURP, 1968, dactyl.
  • [24]
    Maurice Imbert, « Villes nouvelles et stratégies de développement urbain », Techniques et Architectures, janvier 1975.
  • [25]
    Alain Touraine, Jean Lojkine, Marina Melendres, La création des villes nouvelles..., op. cit., p. IV.
  • [26]
    Vito Ahtik, « La création des villes nouvelles... », op. cit., p. 385.
  • [27]
    Marina Melendres-Subirats, Françoise Lentin, « La planification urbaine... », op. cit., p. 431.
  • [28]
    Ibidem, p. 432.
  • [29]
    Maurice Imbert, « Villes nouvelles et stratégies... », op. cit., p. 1.
  • [30]
    L’Année sociologique, 1965, p. 253.
  • [31]
    Manuel Castells, « Y a-t-il une sociologie urbaine ?», Sociologie du Travail, no 1, janviermars 1968, p. 72-80.
  • [32]
    Henri Lefebvre, « Réflexions sur la politique de l’espace », Espaces et Sociétés, no 1, novembre 1970, p. 3-12.
  • [33]
    Jean Lojkine, Edmond Prétéceille, « Politique urbaine et stratégie de classe », Espaces et Sociétés, no 1, novembre 1970, p. 79-84.
  • [34]
    Danielle Bleitrach, Alain Chenu, « Le rôle idéologique des actions régionales d’aménagement du territoire. L’exemple de l’aire métropolitaine marseillaise », Espaces et Sociétés, no 4, 1971, p. 43-55.
  • [35]
    Éva Radwan, Jean-François Parent, « Le quartier de l’Arlequin à Grenoble. Objectifs, bilan provisoire et questions », Espaces et Sociétés, no 16,1975, p. 104.
  • [36]
    L’Institut de Sociologie Urbaine est dirigé par Henri Lefebvre.
  • [37]
    Henri et Marie-Geneviève Raymond, Bernard et Nicole Haumont, L’habitat pavillonnaire, Centre de Recherche d’Urbanisme, 1966; Nicole Haumont, Les pavillonnaires. Étude psycho-sociologique d’un mode d’habitat, CNRS, 1966; Marie-Geneviève Raymond, La politique pavillonnaire, Paris, Centre de Recherche d’Urbanisme, 1966.
  • [38]
    Joffre Dumazedier, Maurice Imbert (sous la direction de), Espace et loisir dans la société française d’hier et de demain, Centre de Recherche d’Urbanisme, 1967,2 tomes.
  • [39]
    Pierre Merlin, Les villes nouvelles. Urbanisme régional et aménagement, Paris, PUF, 1969.
  • [40]
    Monique Coornaert, L’Année sociologique (« Actualité de la recherche »), 1968, p. 351.
  • [41]
    Urbanisme, 114,5,1969, no spécial « Villes nouvelles françaises ».
  • [42]
    Yves Brissy, Les villes nouvelles. Le rôle de l’État et des collectivités locales, Paris, Berger-Levrault, 1974.
  • [43]
    Pierre Gremion, La structuration du pouvoir au niveau départemental, Paris, CNRS, 1968; François d’Arcy, Structures administratives et urbanisation : La SCET, Paris, Berger-Levrault, 1968; Jean-Claude Thoenig, Ehrard Friedberg, La création des DDE, Paris, CSU, 1970.
  • [44]
    Voir Pierre Fournier, Sylvie Mazella, Marseille, entre ville et ports. Les destins de la rue de la République, Paris, La Découverte, 2004.
  • [45]
    Gérard Héliot, Anne Hublin, « Recherche d’une méthode de localisation d’équipements dans un germe de ville », L’Architecture d’aujourd’hui, octobre-novembre 1969, p. 24.
  • [46]
    René Kaes, Vivre dans les grands ensembles, Paris, Éditions ouvrières, 1963.
  • [47]
    L’esprit pionnier ou l’aventure des premiers habitants de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, catalogue de l’exposition « L’esprit pionnier », Musée de la Ville, 1999.
  • [48]
    Alain Touraine, Jean Lojkine, Marina Melendres, La création des villes nouvelles..., op. cit., III, p. 22-50.
  • [49]
    Jean Lojkine, « Villes nouvelles et capitalisme monopoliste d’État », Économie et Politique, 1969, p. 27.
  • [50]
    Alain Touraine, Jean Lojkine, Marina Melendres, La création des villes nouvelles..., op. cit., III, p. 31.
  • [51]
    Pierre Riboulet, « Éléments pour une critique de l’architecture », Espaces et Sociétés, no 1, novembre 1970, p. 33-42.
  • [52]
    Pierre Riboulet, « De quelques mots creux employés par la commission des villes : la préparation du VIe Plan », Espaces et Sociétés, 2, mars 1971, p. 61-74 (citation p. 65).
  • [53]
    Jean Lojkine, « Villes nouvelles et capitalisme... », op. cit., p. 54.
  • [54]
    Marina Melendres, Françoise Lentin, « La planification urbaine face au marché du logement : trois projets de villes nouvelles en France », Sociologie du Travail, no 4, octobredécembre 1970, p. 448.
  • [55]
    Jacotte Bobroff-Gutkin, Fabia Novatin-Lative, « La politique d’Albin Chalandon : nécessité tactique et stratégie de classe », Espaces et Sociétés, no 2, mars 1971, p. 9-28.
  • [56]
    Christian Topalov, Les promoteurs immobiliers, Paris, CSU, 1970.
  • [57]
    Bernard Hirsch, Oublier Cergy..., op. cit., p. 146-149.
  • [58]
    Roselyne Chenu, Paul Delouvrier ou la passion d’agir, Paris, Éditions du Seuil (coll. L’Histoire immédiate), 1994, p. 227 et suivantes.
  • [59]
    Michel Amiot. Contre l’État, les sociologues. Éléments pour une histoire de la sociologie urbaine en France (1900-1980), Paris, EHESS, 1986.
  • [60]
    DGRST-DAFU, Réflexions et Questions. Les aménageurs s’adressent aux chercheurs, Programme pour le VIIe Plan de la recherche urbaine, Paris, 1977.
  • [61]
    Manuel Castells, La question urbaine, Paris, Maspéro, 1972.
  • [62]
    Urbanisme, 114,5,1969, no spécial « Villes nouvelles françaises », « Memento », p. 2-3.
  • [63]
    Gérard Thurnauer, Vaudreuil Images de la Ville, dactyl., octobre 1968 (Institut régional d’Études démographiques de l’Université de Rouen, cote 711 Vaudreuil, THU). Pour une analyse des conceptions du germe de ville du Vaudreuil, voir Catherine Blain, L’Atelier de Montrouge (1958-1981) : prolégomènes à une autre modernité, thèse de Doctorat d’urbanisme, sous la direction de Jean-Louis Cohen, Université de Paris VIII, 2001, dactyl.
  • [64]
    Jean-Paul Lacaze, « Le témoignage d’un père fondateur », Études normandes, no 2,2004, no spécial « Val-de-Reuil : jeunesse d’une ville nouvelle », p. 19-32.
  • [65]
    Claire Brossaud, Le Vaudreuil Ville Nouvelle (Val-de-Reuil) et son imaginaire bâtisseur. Identification d’un champ autour d’une ville, Paris, L’Harmattan, 2003.
  • [66]
    Raymond Ledrut, L’espace social de la ville, Paris, Anthropos, 1968, cité dans Gérard Héliot, Anne Hublin, L’Architecture d’aujourd’hui, op. cit., p. 24-29.
  • [67]
    Anne Meistersheim, Villagexpo, Paris, Dunod, 1971.
  • [68]
    Respectivement : Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne, Secrétariat du Groupe central des villes nouvelles, établissements publics d’aménagement.
  • [69]
    Paul-Henry Chombart de Lauwe et l’histoire des études urbaines en France, Paris, L’Harmattan, 2001.
  • [70]
    Joffre Dumazedier, Maurice Imbert (sous la direction de), Espace et loisir..., op. cit., tome 2, p. 150-158.
  • [71]
    Henri Lefebvre, La révolution urbaine, Paris, Gallimard (coll. Idées), 1970.
  • [72]
    AlainTouraine, JeanLojkine, MarinaMelendres, Lacréationdesvillesnouvelles..., op.cit., p.71.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.89

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions