Notes
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[1]
Il faut toutefois attendre l’état des paroisses et des feux de 1328 pour pouvoir proposer une estimation chiffrée, d’ailleurs très disputée, de la population parisienne, de l’ordre de 80 000 à 200 000 habitants, voire davantage : Raymond Cazelles, Nouvelle Histoire de Paris. De la fin du règne de Philippe Auguste à la mort de Charles V, 1223-1380, Paris, Hachette (Nouvelle Histoire de Paris), 1972, p. 383. Il est toutefois probable que Paris connut une croissance continue de sa population, depuis la fin du XIe siècle au plus tard.
-
[2]
René de Lespinasse et François Bonnardot (édition par), Les métiers et corporations de la ville de Paris. XIIIe siècle. Le Livre des métiers d’Étienne Boileau, Paris, Imprimerie Nationale (Histoire générale de Paris), 1879 (par la suite Le Livre des métiers). Pour la croissance des activités parisiennes, voir également Paris, fonctions d’une capitale, Paris, Hachette, 1962, p. 117-124.
-
[3]
Par exemple dans Alfred Franklin, Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle, Paris, H. Welter, 1906.
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[4]
Le Dictionarius a été édité à plusieurs reprises : Hercule Géraud, Paris sous Philippe le Bel d’après des documents originaux, Crapelet, Collection de documents inédits sur l’histoire de France, Paris, 1837, p. 580-612; Thomas Wright (ed.), A Volume of Vocabularies Illustrating the Condition and Manners of our Forefathers... from the Tenth Century to the Fifteenth, 2 volumes, London, 1857-1873, I, p. 120-138; Auguste Scheler, « Lexicographie latine du XIIe et du XIIIe siècle », Jahrbuch für romanische und englische Literatur, VI, 1865, p. 43-49,142-162, 287-321,370-379 (repris dans Auguste Scheler, Lexicographie latine du XIIe et du XIIIe siècle. Trois traités de Jean de Garlande, Alexandre Neckam et Adam du Petit-Pont, Leipzig, F. A. Brockhaus, 1867); Tony Hunt, Teaching and Learning Latin in Thirteenth-Century England, 3 volumes, Cambridge, D. S. Brewer, 1991, I, p. 191-203. C’est la leçon du manuscrit de Dublin, Trinity College 270, qui est suivie ici, les alinéas renvoyant aux alinéas de l’édition du texte par Tony Hunt. L’ouvrage a également été traduit en anglais : Barbara Blatt Rubin, The Dictionarius of John de Garlande and the Author’s Commentary, Lawrence, Kansas, The Coronado Press, 1981.
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[5]
On lui attribue aussi, mais sans certitude, un dictionnaire en vers, également connu par ses deux premiers mots, Olla patella. Richard Sharpe, A Handlist of Latin Writers of Great Britain and Ireland before 1540, Turnhout, Brepols, 1997, p. 253-257, fournit toutes les références essentielles. Pour une présentation récente de la carrière et de l’œuvre de Jean de Garlande, voir Anne Grondeux et Elsa Marguin, « L’œuvre grammaticale de Jean de Garlande (ca 1195-1272 ?) auteur, réviseur et glosateur. Un bilan », Histoire Épistémologie Langage, XXI, 1999, p. 133-163.
-
[6]
C’est ce que suggère l’explicit du manuscrit de Dublin : Explicit Dictionarius Magistri Iohannis de Garlandie. Textum huius fecit Parisius, glosas vero Tholose. Par ailleurs, le choix de la prose pour le Dictionarius semble correspondre à la première phase de la production de Jean de Garlande. Pour ces questions, voir Anne Grondeux et Elsa Marguin, « L’œuvre grammaticale de Jean de Garlande... », op. cit., p. 148-150.
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[7]
Par exemple Richard Sharpe, « Latin in everyday life », dans Franck Antony Carl Mantello et Arthur George Rigg (ed.), Medieval Latin. An Introduction and Bibliographical Guide, Washington DC, The Catholic University of America Press, 1996, p. 315-341, à la p. 316.
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[8]
Anne Grondeux et Elsa Marguin, « L’œuvre grammaticale de Jean de Garlande... », op. cit., p. 153-155.
-
[9]
La liste des manuscrits est donnée dans G. L. Bursill-Hall, A Census of Medieval Latin Grammatical Manuscripts, Stuttgart-Bad Cannstatt, Frommann-Holzboog (Grammatica speculativa, 4), 1981.
-
[10]
Le texte de l’accessus est édité dans Tony Hunt, Teaching and Learning Latin..., op. cit., I, p. 193-194.
-
[11]
Pour l’utilisation du terme promptuarium dans un contexte lexicographique, voir A. L. Mayhew, The Promptorium Parvulorum. The First English-Latin Dictionary, London, Early English Text Society, extra series, CII, 1908, p. XIII, cité par Claude Buridant, « Lexicographie et glossographie médiévales. Esquisse de bilan et perspectives de recherche », Lexique 4. La lexicographie au Moyen Âge, coordonné par Claude Buridant, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1986, p. 40, note 67.
-
[12]
Sur le séjour de Jean de Garlande à Toulouse, voir Yves Dossat, « Les premiers maîtres à l’université de Toulouse : Jean de Garlande, Hélinand », Les Universités du Languedoc au XIIIe siècle, Cahiers de Fanjeaux, V, 1970, p. 180-203, en particulier p. 180-184.
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[13]
Charles Homer Haskins, Studies in Medieval Culture, Oxford, Clarendon Press, 1929, p. 82-83.
-
[14]
L’organisation de recueils de vocables sous la forme de petits dialogues remonte à la tradition de l’enseignement du grec à Rome, mais elle se rencontre à nouveau à la fin de la période anglo-saxonne en Angleterre. Pour une présentation générale de ces ouvrages, voir George Norman Garmonsway, « The development of the colloquy », dans Peter Clemoes (ed.), The Anglo-Saxons : Studies in Some Aspects of Their History and Culture Presented to Bruce Dickins, London, Bowes and Bowes, 1959, p. 248-251 et Pierre Riché, « L’étude du vocabulaire latin dans les écoles anglo-saxonnes au début du Xe siècle », dans La lexicographie du latin médiéval et ses rapports avec les recherches actuelles sur la civilisation du Moyen Âge. Paris, 18-21 octobre 1978, Paris, Éditions du CNRS, 1981, p. 115-124.
-
[15]
Le principe de la description ambulatoire se retrouve ensuite dans certains poèmes relatifs à Paris, comme le Dit des rues de Paris de Guillot de Paris.
-
[16]
Par exemple, le traité connu sous le titre de De disciplina scolarium, placé sous le patronage de Boèce, et sans doute composé entre 1230 et 1240, évoque de manière précise les difficultés matérielles du monde scolaire, en particulier la question des serviteurs et du prêt d’argent : Olga Weijers (édition par), Pseudo-Boèce, De disciplina scolarium, Leyde-Cologne, E. J. Brill (Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters, XII), 1976, p. 110 et suivantes.
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[17]
Ainsi, dans deux manuscrits du XIIIe siècle conservés à la Bibliothèque nationale de France, le texte du Dictionarius est écrit sur deux colonnes : la glose suit immédiatement chaque section (latin 8447, fol. 48r-57r et latin 11282, fol. 1-29v). Le commentaire est très certainement dû à Jean de Garlande lui-même (Jean Barthélemy Hauréau, « Notice sur les œuvres authentiques ou supposées de Jean de Garlande », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres bibliothèques, XXVII, 2e partie, 1879, p. 1-86, en particulier p. 39-41), ou bien à des clercs œuvrant sous sa direction. Voir également la note 6. L’accessus présente l’ouvrage comme étant à la fois un sermocinarius, une collection de mots, et un hermeneuticus, ou interpretativus, dans lequel Hauréau suggérait de voir le commentaire qui accompagne le texte (ibid., p. 40). Toutefois, le terme hermeneuticus rappelle celui d’hermeneumata, qui désignait les glossaires latin-grec de l’Antiquité, dont certains parvinrent dans les îles Britanniques : Pierre Riché, « L’étude du vocabulaire latin dans les écoles anglo-saxonnes... », op. cit., p. 119.
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[18]
Olga Weijers, Le maniement du savoir. Pratiques intellectuelles à l’époque des premières universités (XIIIe -XIVe siècles), Turnhout, Brepols, 1996, p. 164; ead., « Lexicography in the Middle Ages », Viator, XX, 1989, p. 139-153 ; Jacques Fontaine, « Aux sources de la lexicographie médié-vale : Isidore de Séville médiateur de l’étymologie antique », op. cit., p. 97-103, en particulier p. 97-98.
-
[19]
Auguste Scheler, « Lexicographie latine du XIIe et du XIIIe siècle », op. cit., p. 298.
-
[20]
Sur la définition de ce terme, voir Le Livre des métiers, p. XLVIII-XLIX, note 3.
-
[21]
Adhuc tamen crescit cotidie festivitas lingue Romane et nascuntur vocabula que ceciderunt ab usu : Tony Hunt, Teaching and learning Latin..., op. cit., I, p. 193.
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[22]
Pour Scheler, Jean de Garlande fut peut-être le premier à utiliser le terme dictionarius pour traduire le grec lexikon (Auguste Scheler, « Lexicographie latine du XIIe et du XIIIe siècle », op. cit., p. 287). Olga Weijers estime simplement probable que le terme dictionarius date du XIIIe siècle (Olga Weijers, « Lexicography in the Middle Ages », op. cit., p. 152).
-
[23]
Pour d’autres néologismes créés par Jean de Garlande, voir Richard Sharpe, « Latin in everyday life », op. cit., p. 317.
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[24]
Le terme utensilia renvoie cependant à l’idée de sujets utiles. Voir par exemple Richard Sharpe, « Latin in everyday life », op. cit., p. 316. Cette question semble avoir fait l’objet d’un réel débat, et plusieurs traités concernant les arts pratiques font allusion à la difficulté de recourir à un vocabulaire adéquat pour décrire leur matière. Voir par exemple le prologue du traité sur les coutumes anglaises appelé Glanvill: « J’ai décidé de mettre par écrit au moins une partie de ces choses, usant délibérément d’un style vulgaire et de mots curiaux pour les porter à l’attention de ceux qui sont moins exercés dans ce genre de choses communes. » (G. D. G. Hall (ed.), Tractatus de legibus et consuetudinibus regni Anglie qui Glanvilla vocatur. The Treatise on the Laws and Customs of the Realm of England Commonly Called Glanvill, Oxford, Clarendon Press, 1994, p. 3). Le Dialogus de scaccario composé vers 1179 par Richard FitzNeal reprend les mêmes considérations : FitzNeal souligne le fait que la matière de l’Échiquier ne peut être exprimée « que dans une langue rustique, avec des mots communs », et s’adonne à une critique virulente des auteurs qui rendent plus difficile la connaissance de leur art en l’habillant de mots inconnus. Et son interlocuteur fictif de lui dire : « Tu n’entreprends pas d’écrire un ouvrage d’art, mais sur les coutumes et les lois de l’Échiquier, et parce qu’il s’agit de choses communes, il est nécessaire d’utiliser des termes communs de manière à ce que l’on comprenne de quoi nous parlons. De plus, bien qu’il soit généralement permis d’inventer de nouveaux termes, je te demande pourtant de ne pas avoir honte d’employer les termes en usage, qui respectent les conventions, pour les objets décrits, afin qu’aucune difficulté additionnelle ne soit créée par l’usage de mots insolites. » (Charles Johnson (ed.), Dialogus de scaccario. The Course of the Exchequer by Richard, son of Nigel, London, Thomas Nelson (Nelson’s Medieval Classics), 1950, p. 6).
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[25]
Ces deux ouvrages figurent souvent dans les manuscrits aux côtés du Dictionarius et du Commentarius de Jean de Garlande, et on les étudiait sans doute ensemble.
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[26]
Hugues de Saint-Victor divise la mécanique en sept arts : lanificium, armatura, navigationis, agricultura, venationis, medicina, theatrica (Hugues de Saint-Victor, Didascalicon, II, 21, Patrologia latina, tome 176, col. 760). La liste des sept arts mécaniques donnée par Godefroy de Saint-Victor est très proche de la précédente, mais il abandonne le théâtre en faveur de la construction (Godefroy de Saint-Victor, Microcosmus, I, 57, texte établi et présenté par Philippe Delhaye, Lille-Gembloux, Mémoires et travaux publiés par des professeurs des facultés catholiques de Lille, fascicule 56,1951, p. 74). Cette division est exposée et critiquée par Robert Kildwarby, De ortu scientiarum, XXXIX et XL, Albert G. Judy (ed.), The British Academy et The Pontifical Institute of Mediaeval Studies, Toronto (Auctores Britannici Medii Aevi, IV), 1976, p. 129-133.
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[27]
Sur la nécessité d’une organisation cohérente d’une collection de noms pour désigner le monde, voir Mark Amsler, Etymology and Grammatical Discourse in Late Antiquity and the Early Middle Ages, Amsterdam-Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, 1989, p. 136. Les limitations de cette entreprise sont soulignées par Guy H. Allard, « Les arts mécaniques aux yeux de l’idéologie médiévale », dans Guy H. Allard et Serge Lusignan (sous la direction de), Les arts mécaniques au Moyen Âge, Institut d’études médiévales, Université de Montréal (Cahiers d’études médiévales, VII), 1982, p. 13-31.
-
[28]
Sur le hiatus entre discours philosophique et pratique des arts, voir Serge Lusignan, Parler vulgairement. Les intellectuels et la langue française aux XIIIe et XIVe siècles, Paris et Montréal, J. Vrin et les Presses de l’Université de Montréal, 1986, p. 89-90.
-
[29]
Parvenant à la description de la partie des Halles des Champeaux où l’on vendait draps et fourrures, Jean de Jandun est pris au dépourvu au sujet d’étoffes « composées de matières délicates et étrangères, dont j’avoue ne pas connaître les noms latins » (quarum propria nomina latini ydiomatis michi fateor esse ignota). Il se dit plus loin incapable de citer certaines choses « plutôt à cause de la pénurie des mots latins que faute de les avoir bien vues » (ceteraque talia de quibus nominum latinorum penuria, magis quam visive cognitionis defectus, me tacere compellit). Antoine-Jean-Victor Le Roux de Lincy et Lazare-Maurice Tisserand, Paris et ses historiens aux XIVe et XVe siècles. Documents et écrits originaux, Paris, Imprimerie impériale (Histoire générale de Paris), 1867, p. 32-79, en particulier p. 50 pour le texte latin, p. 51 pour la traduction. Sur cette œuvre, voir Jacques Verger, « Thèmes majeurs, lieux communs et oublis dans le Tractatus de laudibus Parisius de Jean de Jandun (1323) », dans Retour aux sources. Textes, études et documents d’histoire médiévale offerts à Michel Parisse, Paris, Picard, 2004, p. 851-857.
-
[30]
On trouve également un écho de cette préoccupation dans le prologue du traité de Frédéric II sur l’art de chasser avec les oiseaux : « Nous demandons aussi à tout noble qui, par raison de sa seule noblesse, souhaiterait lire ce livre, qu’il le fasse lire et expliquer par une personne exercée dans les sciences, tout en faisant preuve d’indulgence pour ce qui est moins bien dit. En effet, comme cet art a ses propres mots, tout comme les autres arts, et que nous n’avons pas trouvé dans la grammaire des Latins les mots adéquats pour toutes les choses, nous avons appliqué les termes qui semblaient les plus proches, par lesquels notre intention peut être comprise. » Texte latin dans De arte venandi cum avibus, ed. Anna Laura Trombetti Budriesi, Roma-Bari, Laterza, 2000, p. 4.
-
[31]
Étienne Boileau indique que « li regratier de Paris puent avoir tant de vallès et de aprentis comme il leur plaira » (Le livre des métiers, première partie, titre IX, art. 4, p. 28). Au sujet du métier des poulaillers, il statue que celui qui fait partie du métier « puet vendre toutes denrées fors cire ouvrée et poisson de eaue douce, et toute maniere de regraterie, par paiant la coustume que chascune chose doit. » (Le Livre des métiers, première partie, titre LXX, art. 3, p. 147). Pour le regrat à Paris, voir Raymond Cazelles, Nouvelle Histoire de Paris..., op. cit., p. 387.
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[32]
Pour les crieurs de vin, voir Le Livre des métiers, première partie, titre V, p. 21 note 2 : « Le crieur s’accordait avec le tavernier pour publier et crier la qualité et le prix de ses vins; comme garantie de leur engagement réciproque, le tavernier remettait au crieur un pot rempli de vin et un hanap pour le faire goûter. »
-
[33]
L’activité des différents crieurs est régulée par Étienne Boileau, qui tente de lutter contre la fraude en interdisant à certains métiers, comme les gantiers et les chaussiers, de recourir au colportage : Le Livre des métiers, première partie, titre LV, art. 7 (p. 113-116) et titre LXXXVIII, art. 11 (p. 195).
-
[34]
Cette expression se retrouve par exemple, en français, dans le Livre vert de Saint-Denis (1411) : « Chascun mercier vendant mercerie, qui tient estal ou qui met a terre ou tablette portant devant lui... », dans Michaël Wyss (sous la direction de), Atlas historique de Saint-Denis. Des origines au XVIIIe siècle, Documents d’archéologie française, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1996, p. 260.
-
[35]
L’exposition des marchandises à la fenêtre des échoppes est mentionnée à plusieurs reprises par Étienne Boileau, par exemple au sujet des boulangers : il peut ainsi y avoir « a une fenestre pluseur maniere de pains » (Le Livre des Métiers, première partie, titre I, art. 38, p. 10).
-
[36]
Ce rôle du produit dans la publicité qu’il donne au métier est d’ailleurs noté dans un passage du De signis de Roger Bacon, qui classe parmi les signes institués par l’intellect « l’enseigne circulaire devant la taverne, les choses exposées que l’on place comme signe qu’elles sont vendues aux fenêtres des échoppes; elles n’y sont pas seulement pour représenter d’autres choses, mais aussi pour se représenter elles-mêmes, comme le pain à la fenêtre ou autres choses comestibles, ou, de la même manière, les armes, les courroies, les selles ou autres choses de ce genre qui sont exposées en signe de vente selon toute la diversité des techniques et des arts mécaniques. » Voir Karin Margareta Fredborg, Laure Nielsen et Jan Pinbord, « An unedited part of Roger Bacon’s ‘‘Opus maius’’: ‘‘De signis’’», Traditio. Studies in Ancient and Medieval History, Thought, and Religion, XXXIV, 1978, p. 75-136, en particulier p. 83. Traduction par Irène Rosier, La parole comme acte. Sur la grammaire et la sémantique au XIIIe siècle, Paris, J. Vrin, Sic et Non, 1994, p. 326. Le thème de l’enseigne circulaire de la taverne est repris un peu plus loin dans le De signis : Karin Margareta Fredborg, Laure Nielsen et Jan Pinbord, « An unedited part of Roger Bacon’s ‘‘Opus maius’’... », op. cit., p. 127.
-
[37]
Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris. La genèse de la rive droite jusqu’en 1223, Paris, Centre Régional de Publication de Paris, CNRS, 1985 p. 95.
-
[38]
Pour la localisation des métiers, voir Raymond Cazelles, Nouvelle Histoire de Paris..., op. cit., p. 91.
-
[39]
Pour la culture des fruits et des légumes dans les marais autour de Paris, voir Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris..., op. cit., p. 94.
-
[40]
La pêche se pratiquait d’ailleurs à Paris : l’activité de la pêche dans « l’eau du roi » est réglementée par Étienne Boileau (Le Livre des métiers, première partie, titre XCIX, p. 212-214); puis le prévot de Paris s’intéresse au métier des poissonniers d’eau douce à Paris (titre XC) et au métier des poissonniers d’eau de mer (titre XCI). Le poisson d’eau douce était vendu à la Porte de Paris, à la Porte Baudoyer et dans la Cité près du Petit-Pont : Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris..., op. cit., p. 91. Pour l’approvisionnement de Paris en poisson de mer, voir Caroline Bourlet, « L’approvisionnement de Paris en poisson de mer aux XIVe et XVe siècles, d’après les sources normatives », Structures d’approvisionnement à Paris et à Londres au Moyen Âge, Franco-British Studies : Journal of the British Institute in Paris, XX, automne 1995, p. 5-22.
-
[41]
L’évocation des conditions de travail de ces ouvrières par Jean de Garlande rappelle bien entendu le sort des 300 pucelles du château de Pesme Aventure décrit par Chrétien de Troyes dans Yvain. Les ouvrières tissent des draps de soie et des orfrois avec des fils d’or et de soie, mais vivent dans le plus grand dénuement, vêtues de guenilles, et ne mangent pas à leur faim : Daniel Poirion (sous la direction de), Chrétien de Troyes, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1994, p. 464-468, vv. 5196-5207,5228-5235,5300-5314. Pour Jean-Guy Gouttebroze, il s’agit bien là d’une évocation du prolétariat urbain : « L’image de la ville dans l’œuvre romanesque de Chrétien de Troyes », L’image de la ville dans la littérature et l’histoire médiévales, Razo, I, Cahiers du Centre d’Études Médiévales de Nice, 1979, p. 38-46, en particulier p. 43.
-
[42]
Barbara Blatt Rubin (ed.), The Dictionarius of John of Garlande..., op. cit., p. 28.
-
[43]
Il s’agit probablement de tissage aux cartons, étant donné les dimensions des pièces mentionnées : ceintures, couvrechefs pour les femmes, et étoles des prêtres.
-
[44]
Les « vallès ou aidans à talemelier, c’est a savoir vaneres, buleteres, pestriseur » sont également évoqués par Étienne Boileau, Le Livre des métiers, première partie, titre I, art. 44, p. 11.
-
[45]
Étienne Boileau mentionne, pour les métiers relatifs à la fabrication du vêtement et de ses accessoires : les crépiniers de fil et de soie, les fabricants de braies, les chaussiers, les tailleurs de robes, les « linniers », qui contrôlent la fabrication et la vente du fil de lin, les marchands de chanvre et de fil, les « channevaciers », qui détaillent la toile, les épingliers, les merciers, les fripiers, les fabricants de bourses et de braies, les fabricants de courroies, les chapeliers de fleurs et les fabricantes de chapels d’orfroi. Pour les objets de la vie quotidienne, il énumère les potiers d’étain, les cordiers, les couteliers et les couteliers faiseurs de manches, les serruriers et les serruriers à boîtes, les batteurs d’archal, les « traifiliers » de fer et d’archal, les batteurs d’étain, les lampiers, les huiliers, les chandeliers de suif, les fabricants de peignes et de lanternes de corne et d’ivoire, les fabricants de tables à écrire, les poulailliers, les fabricants de dés, les fabricants de boutons et de dés et les potiers de terre. Finalement, un certain nombre d’activités entrent dans le secteur de ce que l’on pourrait décrire comme étant la consommation de luxe : patenôtriers, ouvriers de cristal et d’autres pierres, batteurs d’or et d’argent à filer, batteurs d’or et d’argent en feuilles, fabricants de « tapis sarrasinois », de « tapis nostrez », « ymagiers... ce est a savoir tailleres de crucefiz, de manches a coutiaus et de toute autre maniere de taille, quele qe ele soit, que on face d’os, d’yvoire, de fust et de toute autre maniere d’estoffe », peintres et tailleurs d’images.
-
[46]
Le Livre des métiers, première partie, titre XIV, art. 1, p. 37.
-
[47]
Ibid., première partie, titre XXXIV, article 1, p. 66.
-
[48]
Sur l’histoire du genre, voir J. K. Hyde, « Medieval description of cities », Bulletin of the John Rylands Library, XLVIII, 1965-1966, p. 308-340 et Carl Joachim Classen, Die Stadt im Spiegel der Descriptiones und Laudes urbium in der antiken und mittelalterlichen Literatur bis zum Ende des zwölften Jahrhunderts, Hildesheim-New York, Georg Olms Verlag, 1980.
-
[49]
L’éloge de Paris par Guy de Bazoches, par exemple, reprend ces thèmes traditionnels : le site de Paris, son étendue, ses ponts, le palais du roi. Puis il évoque l’étude des arts libéraux à Paris : Herbert Adolfsson (édition par), Liber epistularum Guidonis de Basochis, Stockholm (Studia Latina Stockholmiensa, XVIII), 1969, p. 14-15. Alexandre Nequam consacre quelques vers à Paris dans son poème De laudibus divinae sapientiae, mais il s’agit d’un éloge de l’étude des arts à Paris : Thomas Wright (ed.), Alexander Nequam, De naturis rerum libri duo. With the Poem of the Same Author, De laudibus divinae sapientiae, London (Rolls Series, 34), 1863, p. 453, vv. 563-570. Quant à Rigord, il évoque avant tout la politique édilitaire de Philippe Auguste : H. François Delaborde (édition par), Œuvres de Rigord et de Guillaume le Breton, historiens de Philippe Auguste, I, Chroniques de Rigord et de Guillaume le Breton, Paris, Société de l’Histoire de France, 1882, p. 70-71.
-
[50]
Vita sancti Thomae, Cantuariensis archiepiscopi et martyris, dans, James C. Robertson (ed.), Materials for the History of Thomas Becket, 7 volumes, London (Rolls Series, 87), 1875-1885, III, p. 2. L’excellence du caractère des Londoniens est toutefois démentie par un texte contemporain, la description de plusieurs villes d’Angleterre reproduite dans la chronique de Richard de Devizes pour le règne de Richard Cœur de Lion : J.T. Appleby (ed.), The Chronicle of Richard of Devizes of the time of King Richard the First, London, Nelson’s Medieval Texts, 1963, p. 65-67, reproduit dans Susan Reynolds, Wietse de Boer et Gearóid MacNiocail (édition par), Elenchus fontium historiae urbanae, Leyde, Brill (Acta collegii historiae urbanae), II, 2e partie, 1988, p. 93-94.
-
[51]
Vita sancti Thomae..., op. cit., p. 5 : Singulorum officiorum exercitores, singularum rerum venditores, singularum operarum suarum locatores, quotidiano mane per se sunt locis distincti omnes, ut officiis.
-
[52]
Traugott Lawler (ed.), The Parisiana poetria of John of Garland, New Haven et London, Yale University Press, 1974, p. 10.
-
[53]
Ibid., p. 62 et 148.
-
[54]
Ad Herennium, III, 32.
-
[55]
Traugott Lawler (ed.), The Parisiana poetria of John of Garland, op. cit., p. 36.
-
[56]
Il est probable que c’est ainsi qu’il faut interpréter ce passage, qui est assez allusif. Les malversations des gantiers apparaissent dans le Livre des métiers, première partie, titre LXXXVIII, art. 5 et 6, p. 194-196.
-
[57]
Les mauvaises pratiques des cuisiniers ou rôtisseurs sont évoquées à plusieurs reprises dans le Livre des métiers, première partie, titre LXIX, p. 145-147.
-
[58]
BnF latin 11282, fol. 23r.
-
[59]
Cette notation n’apparaît pas dans tous les manuscrits. Il s’agit ici de la leçon du manuscrit de Dublin.
-
[60]
C’est par exemple le cas de l’ouvrage d’Adam du Petit-Pont, De utensilibus (Tony Hunt, Teaching and Learning..., op. cit., p. 165). Je ne pense pas que l’on puisse traduire consuetudines par « coutumes »: la dimension juridique semble en fait totalement absente du Dictionarius. Il est en revanche possible que les termes officia et mores possèdent une dimension technique et renvoient au savoir-faire des artisans et commerçants.
-
[61]
Dans le colloque d’Ælfric, le laboureur, le berger, le bouvier, le chasseur, le pêcheur, l’oiseleur, le marchand, le pelletier, le saunier, le boulanger et le cuisinier exposent chacun leur métier : George Norman Garmonsway (ed.), Ælfric’s colloquy, London, Methuen, 1939,2e édition, 1947, p. 20. Le colloque tourne plus loin à la dispute entre les métiers.
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[62]
Godefroy de Saint-Victor, Microcosmus, op. cit., livre I, ch. 57, p. 74.
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[63]
F. Broomfield (édition par), Thomas de Chobham, Summa confessorum, Louvain-Paris, 1968 (Analecta Mediaevalia Namurcensia, XXV), art. VI, quaest. XIIa, p. 308. Cette position fut plus tard attaquée par Thomas d’Aquin dans sa Summa theologiae, où il promeut l’idée que les métiers ne sont ni bons ni mauvais en eux-mêmes, mais uniquement dans l’usage que l’on fait de leurs produits : Thomas d’Aquin, Summa theologiae, Secunda secundae, quaest. CLXIX, art. II, dans Opera omnia, Roma, depuis 1882, tome X, p. 359. Pour cette question, voir Frédérique Lachaud, « La critique du vêtement et du soin des apparences dans quelques œuvres religieuses, morales et politiques, XIIe -XIVe siècle », Micrologus (à paraître).
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[64]
Dans la Parisiana poetria, Jean de Garlande classe les maîtres et écoliers dans la catégorie des curiales et non des cives : Traugott Lawler (ed.), The Parisiana poetria of John of Garland, op. cit., p. 10.
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[65]
Voir Carl Joachim Classen, Die Stadt im Spiegel der Descriptiones und Laudes urbium, op. cit., p. 67.
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[66]
Cette activité se voit régulée dans le Livre des métiers, première partie, titre LXXVIII (p. 168-174), avant celle des « chapuiseurs de sieles et d’archons et d’auves » (titre LXXIX, p. 174-176), des « blasonniers, c’est a savoir de ceus qui quirent seles, archons et blasons » (titre LXXX, p. 176-177) et des bourreliers (titre LXXXI, p. 178-179). Pour Étienne Boileau, l’activité des selliers et celle des fabricants d’écus ne font pas l’objet de métiers séparés, alors qu’elles sont bien distinguées chez Jean de Garlande.
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[67]
Étienne Boileau mentionne les « boucliers de fer » (Le Livre des métiers, première partie, titre XXI, p. 48-50) et les « boucliers d’archal, de quoivre et de laiton » (ibid., première partie, titre XXII, p. 50-52). Ces derniers font « boucles et toutes manieres de ferreures a corroies ». Il cite aussi les « atachiers a Paris, c’est a savoir feseres de clos pour cloer boucles, mordans et menbres seur corroie » (ibid., première partie, titre XXV, p. 54-56). Au titre XLI, ce sont les « fonderes et moleres... c’est a savoir de boucles et de mordans, de fremaus, d’aniaux, de seaus et d’autre menue oevre que on fait de coivre, d’archal » dont le travail est réglementé (ibid., p. 79); au titre XLII, les « fremaillers de laton... c’est a savoir feisires de aniauz, de fremaus et de fremoirs a livres » (ibid., p. 79). Sont aussi passés en revue les patenôtriers qui fabriquent « toutes manieres de patrenostres et de boucletes a saulers que on fait de laiton, de archal et de quoivre nuef et viès, et de noiaus a robe que on fait de os, de cor et de yvoire » (ibid., première partie, titre XLIII, art. 1, p. 81-82).
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[68]
Pour les épingliers de Paris, voir Le Livre des métiers, première partie, titre LX (p. 124-127).
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[69]
Cette activité est définie dans le Livre des métiers, première partie, titre LXXXII, art. 1 : « c’est a savoir faiseurs de frains et de lorains dorés, seruargentés, estamés et blans » (p. 179).
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[70]
Étienne Boileau mentionne les « fevres couteliers de Paris » (Le Livre des métiers, première partie, titre XVI, p. 40-41) et les « feseeurs de manches a coutiaux d’os et de fust et d’yvoire, et faisierres de pignes d’yvoire, et enmancheeurs de coutiaus » (ibid., première partie, titre XVII, p. 41-42).
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[71]
Pour l’activité des fourbisseurs, voir Le Livre des métiers, première partie, titre XCVII, p. 210-211.
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[72]
Étienne Boileau intervient dans l’activité des « gaaigniers de fouriaux » (Le Livre des métiers, première partie, titre LXV, p. 134-136), ainsi que dans celle des « fesieres de viroles, de heus et de poumiaus, et garnissières a espées et a coutiaus, de laiton et d’archal » (ibid., première partie, titre LXVI, p. 136-138).
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[73]
On peut rapprocher leur métier de celui des baudriers, fabricants de courroies : Le Livre des métiers, première partie, titre LXXXII, art. 1 (p. 180), mentionne le « conreeur de quir por fere courroiees a ceindre et por fere semeles a souliers... ».
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[74]
L’activité des chapeliers de feutre est régulée dans le Livre des métiers, première partie, titre XCI (p. 201-203), celle des chapeliers de coton au titre XCII (p. 203-205), celle des chapeliers de plumes de paon au titre XCIII (p. 205), celle des fourreurs de chapels au titre (p. 206-207). Jean de Garlande n’évoque pas les chapels de fleurs, pourtant souvent décriés dans la littérature pastorale, par exemple, et auquel Étienne Boileau s’intéresse.
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[75]
Le Livre des métiers, première partie, titre XCVIII, p. 211-212 : les archiers fabriquent des arcs, des flèches et des arbalètes. Tout archier (art. 3) peut faire « ars, quarriaus et fleiches de tel fust come il li plaist ou de cor, ou de pluseurs pieces ou d’une... ».
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[76]
Pour quelques règlements concernant le métier des savetiers, voir Le Livre des métiers, première partie, titre LXXXVI, p. 187-188.
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[77]
L’activité des cordonniers est régulée par Étienne Boileau, Le Livre des métiers, première partie, titre LXXXIV, p. 183-185, ainsi que celle des « çavetonniers de petiz soulers de basenne » (titre LXXXV, p. 186-187), qui est plus proche de celle des cordonniers que des savetiers.
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[78]
Il est difficile de savoir ce que ce terme recouvre précisément : une protection de cuir pour l’épaule, une courroie ?
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[79]
On peut rapprocher ce métier de celui des « esculliers » mentionné par Étienne Boileau, « c’est a savoir venderres d’esqueles, de hanas de fust et de madre, de auges, fourches, peles, beesches, pesteuz et toute autre fustaille » (Le Livre des métiers, première partie, titre XLIX, p. 92).
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[80]
La fabrication des barils relève chez Étienne Boileau du métier des barilliers (Le Livre des métiers, première partie, titre XLVI, p. 85-86). Le prévôt de Paris classe parmi les métiers qui relèvent de la charpenterie les « charpentiers, huichiers, huissiers, tonneliers, charrons, couvreurs de mesons, et toutes manieres d’autres ouvriers qui euvrent du trenchant en merrien » (ibid., première partie, titre XLVII, p. 86-88).
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[81]
Pour certains aspects de ce métier, voir Le Livre des métiers, première partie, titre LIII, p. 107-111.
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[82]
Les métiers de la draperie nécessitaient des espaces considérables. Pour l’espace nécessaire au ramage des draps par les tondeurs parisiens, par exemple, voir Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris..., op. cit., p. 99.
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[83]
Le métier des teinturiers, « de guesde et de toutes autres coleurs des queles l’en taint dras », est régulé dans le Livre des métiers, première partie, titre LIV, p. 111-113.
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[84]
Le Livre des métiers, première partie, titre XV, art. 1, p. 38 : « Nus ne puet estre fevre a Paris, c’est a savoir marischax, greifiers, hiaumiers, veilliers, grossiers, que il n’achate le mestier du roy. » Il existait à Paris, aux Champeaux, un lieu-dit de la Ferronnerie et un lieu-dit de la Charronnerie : Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris..., op. cit., p. 98-99 et note 691.
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[85]
Le métier des « toisserans de lange » fait l’objet de règlements détaillés et complexes dans Le Livre des métiers, première partie, titre L, p. 93-101.
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[86]
Étienne Boileau mentionne les ouvrières « de tissuz de soie » (Le Livre des métiers, première partie, titre XXXVIII, p. 74-75). Il faut distinguer cette activité de celle des « ouvriers de draps de soye... et de veluyaus et de bourserie en lice », qui apparaît aussi en 1268 (ibid., première partie, titre XL, p. 76-78). Par contre, ce que Jean de Garlande désigne semble également recouvrir l’activité des tisserandes de couvrechefs de soie (ibid., première partie, titre XLIV, p. 83-84).
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[87]
Étienne Boileau mentionne les «filleresses de soye a grans fuiseaus », dont le métier est de « desvudier, filer, doubler et retordre » la soie, ainsi que les «fileresses de soie a petiz fuizeaux » (Le Livre des métiers, première partie, titres XXXV et XXXVI, p. 68-72)
1Tous les indicateurs concourent à faire du Paris de Saint Louis l’une des principales villes d’Occident [1], et le Livre des métiers compilé vers 1268 à l’initiative d’Étienne Boileau, prévôt de Paris, nous donne une idée de la diversité des activités alors pratiquées dans la capitale [2]. Ces dernières demeurent cependant assez mal connues pour le XIIe siècle et pour une bonne partie du siècle suivant, période où la ville dut connaître sa plus grande croissance. Les descriptions de Paris sont succinctes, les actes qui ont survécu nous renseignent davantage sur la politique de la royauté à l’égard de la ville ou sur les transferts de propriétés. Il existe toutefois un précédent au Livre des métiers, un ouvrage dû à la plume du maître parisien Jean de Garlande. Dans ce traité lexicographique, qu’il baptise Dictionarius, l’auteur entreprend de passer en revue un certain nombre d’activités, dont celles qu’il a pu observer dans Paris, afin d’enseigner le vocabulaire de la vie quotidienne à ses élèves. Les historiens de Paris au Moyen Âge ont souvent exploité ce texte, mais de manière ponctuelle [3], et les pages qui suivent tenteront de donner une idée de son organisation générale ainsi que de l’apport qu’il représente à la connaissance des activités parisiennes dans le second quart du XIIIe siècle.
Le Dictionarius et la tradition lexicographique [4]
2Né vers 1195 en Angleterre, Jean de Garlande aurait étudié à Oxford vers 1210-1213, avant de commencer sa carrière parisienne quelques années plus tard, au « clos de Garlande ». Il devint rapidement l’une des principales figures dans le domaine des études de grammaire à Paris, sans que l’on puisse être certain de la nature précise de ses liens avec l’Université naissante. Auteur prolifique, Garlande a laissé des traités moraux ainsi qu’une œuvre grammaticale qui fait une large place aux compilations de nominalia : un Commentarius, qui est un recueil des noms d’objets que la noblesse, laïque comme ecclésiastique, utilise dans sa vie quotidienne, l’Unus omnium, un dictionnaire qui utilise le principe de dérivation, et le Dictionarius [5].
3Le Dictionarius fut sans doute écrit assez tôt au cours de la carrière parisienne de Jean de Garlande, mais repris lors de son séjour à Toulouse de 1229 à 1232 [6]. La simplicité du style et des procédés utilisés par l’auteur suggère que l’ouvrage n’était pas destiné aux étudiants parisiens [7], mais à des « classes préparatoires » pour les futurs étudiants [8]. En tout cas, il connut un vif succès, et il est aujourd’hui préservé dans une trentaine de manuscrits, au côté d’autres ouvrages grammaticaux, de courts commentaires bibliques ou de traités didactiques [9]. Après un accessus que l’on ne trouve que dans quelques manuscrits, mais dont Tony Hunt estime qu’il est bien l’œuvre de Jean de Garlande [10], une courte introduction explique que l’auteur a voulu compiler un promptuarium, ou magasin, des « mots les plus nécessaires », en commençant par les vulgaria [11].
4À première vue, le corps même du texte ne respecte pas un principe bien précis d’organisation, même si l’on peut repérer des familles de mots qu’il devait être assez facile de mémoriser. Une première section est consacrée à la description du corps humain, et elle est immédiatement suivie d’un court paragraphe où Garlande explique qu’il va se tourner vers le vocabulaire des « instruments » urbains et ruraux. Mais, auparavant, nous dit-il, il souhaite mener le lecteur par les différentes étapes d’une description de ce qu’il a vu en se promenant dans les rues de Paris : il s’agit ici de la partie la plus connue du Dictionarius. L’auteur commence sa promenade en suivant l’un de ses voisins qui vend des chaussures et des bottes pendues à une perche. Il dépeint les éventaires qu’il a vus dans les rues, puis évoque l’activité d’un autre voisin qui vend ses marchandises au marché (in foro), peut-être une allusion aux Champeaux, ou à l’un des marchés de Paris, comme celui de la Porte de Paris ou celui de la Porte Baudoyer. Cela le conduit à donner la description d’autres étals qui étaient peut-être aussi situés sur un marché. Il mentionne ensuite les marchands installés sur le Grand-Pont, puis se rend jusqu’à la Porte Saint-Lazare. L’emplacement des autres commerces et métiers est plus flou, mais Garlande fait intervenir de manière vivante les différents colporteurs qui arpentent la ville, parfois la nuit, à la recherche de clients, avant de nous ramener au Grand-Pont.
5Cette description ambulatoire est alors brutalement abandonnée en faveur d’une évocation de l’aspect des murs de Toulouse, et des armes et instruments de guerre que Garlande a pu observer au cours de son séjour dans cette ville [12]. Ce qui suit a l’allure d’un pot-pourri lexicographique : plusieurs sections sont consacrées à des activités qui n’étaient pas spécifiquement urbaines, puis on trouve la liste des objets contenus dans la demeure d’un homme riche, avant de passer aux « instruments » dont usent les clercs, un sujet interrompu par des considérations assez curieuses sur l’astronomie et la danse. Les écuries et le soin des chevaux, les occupations féminines, et la vente des oiseaux sur le parvis de Notre-Dame constituent le contenu des sections suivantes. Par association d’idées, les oiseaux forment le lien avec un exposé sur le vocabulaire des oiseaux, des poissons et des animaux, dont ceux que l’on peut rencontrer dans les forêts royales : toutes sortes de cervidés, mais aussi, à suivre l’auteur, des lions, des léopards et des tigres. Plusieurs paragraphes sont dédiés aux plantes, aux herbes et aux arbres qui poussent dans le jardin de Jean de Garlande, qui entreprend ensuite de détailler les éléments architecturaux de sa maison, un prélude au thème de la navigation : il explique alors que inter naufragia – une expression que Scheler suggérait de traduire par « au cours de mes navigations » – il a pu considérer les différents instruments du martyre, dont il donne la liste. Le lien logique avec la section suivante, sur les instruments de musique et les divertissements des riches, est peu clair. L’ouvrage se clot sur des considérations sur le Ciel et sur les créatures de l’abyme.
6Le désordre apparent du Dictionarius est peut-être la conséquence d’interpolations plus tardives ou, tout simplement, le résultat de la décision de Jean de Garlande de rassembler en un texte continu des exercices lexicographiques divers. On peut toutefois reconnaître, à l’œuvre dans cet ouvrage, plusieurs principes d’organisation qui relèvent de traditions pédagogiques différentes. C’est le principe de la description organique qui ouvre le Dictionarius, et qui sert d’introduction à la description des « instruments » urbains et ruraux qui sont nécessaires au corps humain. Il est ensuite abandonné en faveur de ce que l’on pourrait appeler une description péripatétique. Des indications du genre « aujourd’hui », « aujourd’hui j’ai vu », « aujourd’hui j’ai marché » donnent un sentiment d’immédiateté à ce qui aurait pu être une description forcée et répétitive. C’est ce qui justifie que l’on ait comparé cette promenade dans Paris au genre du colloquium développé en Angleterre au cours de la période anglo-saxonne tardive dans le cadre de l’enseignement scolaire du latin [13]. Les colloques d’Ælfric d’Eynsham (vers 950-vers 1010) et d’Ælfric Bata (XIe siècle) recourent, en effet, au dialogue, de manière à encourager les écoliers à assumer des rôles et à apprendre le latin comme on apprend la langue maternelle, par mimétisme [14]. La description ambulatoire semble encourager la même activité chez l’écolier du XIIIe siècle [15].
7Ce qui donne, toutefois, une impression de confusion, est que la promenade parisienne de Jean de Garlande est fréquemment interrompue lorsqu’il recourt au principe des champs lexicaux, dans la tradition des Étymologies d’Isidore de Séville : le corps humain, les métiers, les parements et les objets que l’on trouve dans les maisons des riches ou qui sont nécessaires au culte, les armes, les plantes, les oiseaux, les poissons et les animaux, l’architecture, la navigation... Le dernier principe descriptif apparent dans le Dictionarius est le thème des difficultés matérielles de l’écolier, qui est souvent prétexte, dans les ouvrages de ce genre, à passer en revue certains champs lexicaux, et que l’auteur évoque au sujet des fraudes dont les écoliers sont victimes [16].
8Dans la plupart des manuscrits, le texte du Dictionarius est accompagné d’une glose substantielle, qui donne l’étymologie de certains termes et leur équivalent vernaculaire [17]. Les étymologies révèlent une conception du langage où les noms sont supposés indiquer la véritable nature des objets qu’ils signifient [18] : ainsi, dans la section sur les fourrures (§26), le commentaire précise que la fourrure du renard, vulpinis, vient de vulpes, « renard », composé de volpo, « ruse », et de pes, « pied », car le renard a des pieds rapides de manière à faire le mal [19]. Quant à la terminologie utilisée dans le corps du texte, elle est souvent décalquée du vernaculaire. Toutefois, certains termes proviennent des auteurs classiques : par exemple, comme de nombreux auteurs scolastiques, Jean de Garlande utilise le terme oricalcus (§12) pour désigner une sorte d’alliage de cuivre (fr. archal), alors qu’oricalcus n’apparaît pas dans la documentation pratique [20]. Ou bien il donne une signification nouvelle à des termes anciens : le mot tholos, qui désigne le pommeau de l’épée dans le Dictionarius (§17), provient du latin tholus, qui veut dire « coupole », ou peut-être du grec tholos. Ces glissements semblent délibérés, ce que suggère la préface du Dictionarius : « la langue latine devient plus riche chaque jour, et des termes qui avaient été abandonnés reviennent en usage [21]. » Par ailleurs, un certain nombre de noms trouvent leur première occurrence écrite dans l’ouvrage, y compris, peut-être, dictionarius [22]. On ne peut exclure la possibilité qu’ils aient déjà fait partie d’un lexique latin transmis par l’enseignement scolaire : Jean de Garlande n’aurait fait que les rassembler. Mais d’autres noms sont peut-être des créations de l’auteur du Dictionarius, comme artocrea, glosé par le mot français « rusoles », et dont le commentaire explique qu’il provient du mot latin artos, qui veut dire « pain », et creas, qui signifie « viande », parce que les « rusoles », probablement une forme de plat rissolé, sont faits de pain et de viande [23].
9La compilation voire la création de termes latins pour désigner le monde des objets, les realia, ne sont pas une initiative isolée de Jean de Garlande. Deux autres maîtres parisiens rédigèrent des ouvrages analogues. Vers 1150, Adam de Balsham, ou Parvipontanus, du Petit-Pont, écrivit un court traité lexicographique, De utensilibus, qui mène son lecteur autour d’un domaine rural, des champs cultivés à la maison seigneuriale et à ses dépendances. Rejetant un style vulgaire – peut-être une référence à l’entreprise de latinisation de termes vernaculaires – Adam de Balsham recourut, de manière délibérée, à des termes exotiques ou tombés hors d’usage [24]. Plus tard, vers 1180, Alexandre Nequam rédigea le De nominibus utensilium, qui obéit à des principes similaires, et qui se présente comme une compilation des termes désignant les ustensiles domestiques et les préparations culinaires [25].
10Adam de Balsham, Alexandre Nequam et Jean de Garlande étaient tous les trois d’origine insulaire, et leur enseignement était peut-être tributaire de la tradition anglaise des colloques. On doit cependant souligner les liens qui existent entre l’entreprise de ces lexicographes et celle d’Hugues de Saint-Victor et de Godefroy de Saint-Victor [26]. Celle-ci visait, dans la tradition encyclopédique d’Isidore de Séville, à construire les bases d’un discours sur les arts mécaniques [27], mais un tel discours exigeait, précisé-ment, une terminologie des realia qui n’était pas disponible dans les écoles [28]. Cette situation ne fut pas sensiblement modifiée par la suite : la difficulté à donner une description précise des objets en ayant recours au latin scolastique est bien mise en évidence, par exemple, dans l’éloge de Paris écrit par Jean de Jandun en 1323 [29].
11Il s’agit peut-être d’un topos rhétorique, mais ce que Jean de Jandun évoque au sujet de la pauvreté du latin dans le champ des realia reflète un souci plus général concernant le besoin d’un vocabulaire latin riche et adéquat pour désigner les objets [30]. Il n’est pas inconcevable que les travaux des lexicographes parisiens aient eu pour objet de pallier cette insuffisance. Si l’entreprise ne fut peut-être pas pleinement couronnée de succès, elle révèle en tout cas la fascination exercée par Paris sur les maîtres qui y enseignaient, et c’est grâce à leur travail descriptif que les activités artisanales et commerciales de Paris apparaissent, pour la première fois, à part entière, dans la littérature.
Les activités urbaines dans le Dictionarius
12Sous son apparente simplicité, le texte du Dictionarius est en effet riche d’enseignements sur les activités parisiennes et sur l’important marché de consommation que représentait Paris dans le second quart du XIIIe siècle. Un certain nombre d’indications, par exemple, nous informent sur les techniques du commerce. La division entre fabricants et commerçants est loin d’être la règle; mais elle apparaît bien dans le Dictionarius, par exemple dans le cas des fabricants et des revendeurs de chaussures et de bottes. Il existe aussi un commerce de détail, contrôlé par les regrattiers (aucionarii), dont les serviteurs, hommes et femmes, parcourent la ville pour vendre des fruits et des légumes au détail (§31) [31]. Il est possible, toutefois, que certains commerces n’aient concerné que la vente de produits de seconde main, un marché mal connu par ailleurs, mais dont on devine l’importance, notamment grâce aux interdictions prononcées plus tard par la prévôté de Paris. Quant à la vente, elle est fixe, mais aussi ambulante : on a vu que le voisin de Garlande parcourait les rues avec une perche sur les épaules, où chaussures et bottes étaient suspendues (§9). Certains produits, comme les oublies, les gauffres et les rissoles, étaient transportés par les marchands ambulants dans des corbeilles recouvertes d’un linge blanc (§30); ces marchands exerçaient leur activité avant tout la nuit, et leur occupation était liée aux jeux de hasard. Les crieurs de vin allaient remplir leurs pots à la taverne et faisaient goûter le vin en le versant dans des coupes (§29) [32]. D’autres métiers ambulants, comme les raccommodeurs de pelleteries ou les réparateurs de coupes, sont aussi mentionnés (§27 et 28) [33].
13L’expression « ils ont devant eux » (habent ante se) est utilisée par l’auteur pour désigner la disposition de certains étalages : les fabricants de ceintures, par exemple, ont leurs produits exposés « devant eux » (§10). William, un voisin – sans doute d’origine anglaise –, de Jean de Garlande, expose de petits accessoires de toilette au marché « devant lui » (§14). Un marchand (institor) de couteaux et de stylets expose aussi sa marchandise « devant lui » (§16), tout comme les fabricants de fermoirs, de colliers et de clochettes (§22). Cette expression ne renvoie peut-être pas uniquement à l’étal, pour lequel l’auteur aurait d’ailleurs pu utiliser le terme latin estallum, mais à d’autres manières d’exposer la marchandise, comme des tablettes portatives [34]. On voit aussi que certains produits étaient disposés à la devanture des échoppes, comme les gâteaux, les flamiches et les fouaches que les regrattiers plaçaient à leurs fenêtres (ante fenestras) (§32) [35]. Les pâtissiers exposaient aussi leurs tartes et leurs flans (§34) [36]. Quant aux cuisiniers, ils opéraient dans des espaces partiellement ouverts. On note aussi des références aux boucheries (in macellis) (§35) [37] et à l’apotheca où les apothicaires ont leurs officines (§44).
14Quelques activités sont précisément localisées. Sur le Grand-Pont habitent des marchands qui vendent des accessoires de cuir (§18); les changeurs y pratiquent aussi leur art, utilisant des tables montées sur des tréteaux (§36). Les orfèvres, enfin, y ont leurs fourneaux et leurs tables. La Porte Saint-Lazare est le lieu où demeurent les fabricants d’arcs (§21). La volaille et les oiseaux sont vendus sur la place neuve devant le Parvis de Notre-Dame (§70) [38]. Plusieurs des occupations mentionnées de l’alinéa 50 à l’alinéa 54 se caractérisent par leurs besoins en eau et il est probable qu’à Paris elles se trouvaient toutes à proximité de la Seine : les foulons, dont les cuves voisinent avec des espaces ouverts pour faire sécher les draps (§50), les teinturiers (§51), les tanneurs (§52) et les cuisiniers qui lavent dans l’eau chaude les récipients qu’ils utilisent dans leur activité (§54). Tous étaient de gros consommateurs d’eau.
15Quant aux charpentiers – une catégorie qui recouvre les fabricants d’objets divers de bois et de fer, dont les tonneliers (§45) –, aux fabricants de charrettes et de chariots (§46), aux carucarii, qui réparent les charrues et les instruments de la ferme (§47), et aux meuliers, qui fabriquent les roues de moulin ou construisent les écluses (§48), il est difficile de déterminer si leur activité est encore située par l’auteur dans le cadre parisien. Les producteurs de la campagne se rendaient en ville pour y écouler leurs produits, mais une partie des fruits et des légumes vendus dans Paris devaient provenir de jardins et de vergers urbains ou suburbains semblables à ceux que Jean de Garlande évoque aux alinéas 75 à 78 [39]. Deux autres occupations peuvent aussi être reliées au milieu urbain, dans la mesure où le produit de leur activité finissait sur le marché parisien : il s’agit des oiseleurs (§71) et des poissonniers (§72) [40]. Si l’on tient compte de l’évocation indirecte des métiers du bâtiment, avec les parties de la maison (§79), c’est en fait à un tour d’horizon assez large des activités urbaines que se livre Jean de Garlande, et dont on peut tenter de résumer les données dans le tableau donné en annexe.
16Jean de Garlande fait allusion aux conditions de travail difficiles de certains artisans. Les foulons sont nus et essoufflés, les teinturiers ont les ongles teints en permance, les cardeuses de laine, vêtues de guenilles, travaillent dans des conditions insalubres, et semblent constituer la caté-gorie inférieure des ouvrières [41]. Garlande donne aussi des indications sur les outils nécessaires aux différents métiers et sur les techniques utilisées. Il décrit par exemple le travail de réparation, par le savetier, des chaussures usées : le savetier rénove les talons, les pièces de cuir placées entre la semelle externe et la semelle interne, les semelles et les empeignes (§24). Les cordonniers utilisent du cuir de alluta, c’est-à-dire du cuir préparé à la manière de Cordoue, comme l’indique la glose du texte [42], et découpent le cuir noirci, qu’ils cousent ensuite avec un fer long et pointu, du fil enduit de poix et de la soie de porc (§25). On répare les hanaps avec du fil d’airain et d’argent (§28). L’écouvillon est utilisé par les boulangers pour nettoyer leur four, le râble pour nettoyer le pétrin (§33). Le travail de l’orfèvre est également décrit de manière circonstanciée : celui-ci martèle sur l’enclume, avec un maillet léger, des lames d’or et d’argent, et il sertit de pierres précieuses les chatons des anneaux (§39). Une section particulière est consacrée au travail féminin : y sont indiqués les instruments nécessaires au travail domestique des femmes, à la couture, ainsi qu’à l’entretien de la maison (§65), les outils des cardeuses de laine (§68), et des tisserandes de draps de laine (§66) et de soie (§67) [43] et, finalement, ceux des fileuses de soie (§69). L’organisation de certains métiers apparaît aussi : par exemple, ce sont les serviteurs et les servantes des boulangers qui tamisent la grosse farine, mêlent le levain à la pâte, nettoient les pétrins [44].
17Jean de Garlande donne un éventail assez large de la diversité des produits disponibles sur le marché parisien, que la glose en vernaculaire aide à identifier. Son voisin vend des chaussures à lacets à bout pointu, des chaussures à boucles, différents types de bottes et des sandales (§9). Les selliers exposent des selles plaines et peintes, des couvertures de selle, des bâts, des couvertures de cheval, des troussequins et des étriers (§11). Le décor de certains objets apparaît bien : les écus sont couverts de toile, de cuir ou de laiton, et peints de lions et de feuilles (pour fleurs ?) de lis (§12). Les fermoirs sont de différentes tailles, et faits de plomb, d’étain, de fer et de cuivre. Mais c’est sans doute dans le domaine de l’alimentation que la diversité paraît la plus grande : l’auteur énumère les pains de froment, de seigle, d’orge, d’avoine, de méteil pour les plus modestes, mais aussi les gâteaux à la fleur de farine, les flamiches, les fouaches, les oublies, les gauffres, les rissoles, les pâtés de viande de porc, de volaille, d’anguille, assaisonnés au poivre, les tartes et les flans farcis au fromage et aux œufs, les oies, les colombes et les chapons rôtis, les andouilles, les saucisses, les boudins et les tripes, une énumération qui donne une idée des tentations qui assaillent le chaland.
18Le Dictionarius offre-t-il un panorama complet des activités parisiennes vers 1230 ? Le point de comparaison le plus proche est le Livre des métiers d’Étienne Boileau, et on remarque d’emblée que de nombreux métiers mentionnés par le prévôt de Paris ne sont pas cités par Jean de Garlande : toutes les activités relatives à l’approvisionnement de la ville en fourrage et en grains (vendeurs de grains, mesureurs de grains, meuniers), celles qui concernent le débit des boissons, si l’on excepte les crieurs de vin (jaugeurs, taverniers, qui ne sont qu’indirectement mentionnés par Jean de Garlande, cervoisiers), les activités du bâtiment (maçons, tailleurs de pierre, plâtriers et « morteliers »), et finalement une foule de métiers relatifs à la fabrication du vêtement et de ses accessoires et à celle des objets de la vie quotidienne, sans compter les métiers pourvoyant à la consommation de luxe. À cette liste on peut ajouter les propriétaires d’étuves, les chirurgiens et les fabricants de hauberts [45].
19Ce décompte mérite cependant d’être revu, dans la mesure où les occupations régulées par Étienne Boileau n’étaient peut-être pas toujours des métiers différents, mais des activités qui pouvaient être pratiquées par les mêmes artisans ou commerçants, à condition d’acquitter les droits requis. De plus, le prévôt de Paris s’intéressait avant tout à la réglementation d’aspects spécifiques de certains métiers, sans envisager de manière systé-matique l’organisation générale du commerce à Paris. Finalement, Jean de Garlande décrit surtout les activités liées au commerce, alors que le Livre des métiers vise à contrôler certains aspects de la fabrication comme de la vente. Par exemple, les « ouvriers de toutes menues ouevres que on fait d’estaim ou de plom » sont responsables selon Étienne Boileau de la fabrication « de miroirs d’estain, de fremaus d’estain, de sonneites, de anelès d’estain, de maillès de plon, de mereaus de toutes manieres, et de toutes autres menues choseites apartenans a plom et a estain » [46]. Or, chez Jean de Garlande, des objets de ce type sont vendus par des commerçants qui vendent aussi des objets faits d’autres métaux. De la même manière, on relève chez Étienne Boileau la mention du « laceur de fil et de soie et de laz, et feseres de trouses a seles et de rubans » [47], alors que chez Jean de Garlande, ces produits sont distribués entre plusieurs commerçants.
Description ou éloge de la ville [48] ?
20La diversité des métiers mentionnés par Jean de Garlande et le large éventail des produits disponibles, d’après lui, à Paris, témoignent de la fascination de l’auteur pour le marché de la ville : à certains égards, le Dictionarius n’est pas sans rappeler le genre de l’éloge urbain. Toutefois, pendant longtemps, le laus urbis, héritier du genre des descriptions des cités antiques, évoque avant tout les avantages naturels de la ville, ses principaux bâtiments, ses aménités, le caractère général de ses habitants, ou encore l’excellence de son gouvernement, et fait peu de place aux activités commerciales et artisanales [49]. Il est d’ailleurs révélateur qu’une des évocations les plus vibrantes des activités urbaines figure dans un roman, Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes, et non dans un texte faisant l’éloge d’une ville.
21On trouve toutefois une rapide évocation des activités commerciales et artisanales dans l’éloge de la ville de Londres écrit par William FitzStephen entre 1173 et 1175. L’auteur commence par louer le caractère unique de Londres, regni Anglorum sedes, qui diffuse plus largement sa réputation que les autres villes, qui transmet ses richesses et ses marchandises plus loin, et qui hausse la tête plus haut. Ses habitants sont reconnus et considérés partout comme supérieurs à ceux des autres villes par l’ornement de leurs mœurs et de leurs vêtements, et par le raffinement de leur table. Les habitants des autres villes sont appelés cives, eux sont dits barones [50]. Lorsqu’il en vient à la description de l’organisation de la ville, de dispositione urbis, l’auteur insiste sur le fait qu’à chaque occupation et à chaque marchandise revient sa place : « ceux qui fournissent leurs différents métiers, les vendeurs de chaque chose différente, ceux qui louent leur travail spécifique peuvent être trouvés tous les matins dans leurs différents quartiers, chacun s’adonnant à sa tâche particulière [51]. »
22Chez FitzStephen, l’excellence morale des Londoniens trouve un écho dans l’agencement harmonieux de leurs occupations. Jean de Garlande semble également avoir été sensible à la dimension morale des activités urbaines, comme le suggèrent plusieurs passages de sa Parisiana poetria. Dans ce traité sur la versification et le style, il distingue les hommes des cours des ruraux et des civiles persone, c’est-à-dire le consul, le prévôt et les autres personnes qui habitent la cité. Ceux-ci traitent des affaires de la ville, augmentent ou dissipent la chose publique [52]. L’auteur donne aussi des exemples d’adresse pour des lettres envoyées à des habitants des villes, par exemple discreto proposito, ou encore dilecto mercatori. Il présente même un modèle de charte pour une concession de propriété immobilière à Paris, dans le lieu dit la « Verrerie » [53]. Mais le passage le plus révélateur figure dans la section du traité qui porte sur la mémoire : s’inspirant d’une œuvre attribuée à Cicéron [54], Garlande explique qu’il faut réserver une partie de l’esprit au travail de mémorisation, dans un lieu qui n’est ni trop obscur, ni trop exposé à la lumière. Ce lieu doit être divisé en trois grandes parties ou colonnes : dans la première partie, nous trouvons la tripartition déjà mentionnée entre curiales, civiles et rurales, chaque catégorie disposant de ses propres armes et instruments, s’adonnant à ses affaires et occupations propres [55]. Ce que Jean de Garlande propose ici est, en fait, une adéquation, conçue en termes moraux, entre les personnes, leurs activités, et ce que l’on pourrait dénommer leur culture matérielle.
23Ce thème transparaît déjà dans le Dictionarius, rédigé antérieurement à la Parisiana poetria, mais de manière négative. En premier lieu, Garlande considère que toutes les activités ne sont pas moralement égales. Les fabricants d’écus (§12), les lormiers (§15) et les orfèvres (§39) sont supé-rieurs aux autres artisans, avant tout parce que leur clientèle est noble. Les cordonniers, qui fabriquent des chaussures de cuir (§25), ont une occupation particulièrement acceptable, à l’inverse des savetiers, qui ne font que réparer les vieilles chaussures, un métier vil par définition (§24). Par ailleurs, le thème du profit et de l’âpreté au gain occupe une place importante dans le Dictionarius : de nombreux commerçants et artisans travaillent causa lucri et certains, comme les regrattiers, opèrent des profits excessifs. On trouve à deux reprises l’adjectif comparatif vendibilior pour désigner un produit que l’on tente de rendre particulièrement attractif pour la clientèle : les hanapiers font tout pour que leurs hanaps soient vendibiliores (§40), les foulons finissent les draps avec un passage aux chardons ut sint vendibiliores (§50).
24Plus précisément, Jean de Garlande s’en prend à un certain nombre de pratiques criminelles. Les changeurs d’argent installés sur le Grand-Pont sont accusés de pratiquer l’usure (§36). Les drapiers utilisent de fausses mesures et tentent de vendre des produits défectueux (§41), les gantiers trompent leur clientèle en lui vendant des gants fabriqués avec des peaux usagées (§19) [56], les pâtissiers utilisent des œufs pourris dans leurs préparations (§34), les cuisiniers déguisent le goût des viandes grossières en les relevant de sauces à l’ail (§35) [57], et les bouchers sont eux-mêmes débités en morceaux par les pauvres écoliers à qui ils vendent des boudins, des saucisses ou des tripes fabriqués avec des produits avariés (§35) !
25De plus, la prostitution et la vénalité des femmes caractérisent la vie parisienne. Les femmes belles méprisent les teinturiers, aux ongles noirs, bleus ou rouges, et elles n’acceptent de les aimer que pour leur argent (§51). Les fileuses de soie dévident la soie, et les femmes « coupeuses d’or » (lat. aurisece, fr. « trencheresses de or » [58] ) dévident et coupent les corps par des relations sexuelles fréquentes, alors même qu’elles dévident et coupent les bourses des écoliers de Paris (§69). De plus, au lieu de se contenter des instruments propres à leur activité, comme les ciseaux, les aiguilles et les bobines, toutes les femmes plus diligunt instrumenta viri pendentia grossa et rigida (§65) [59], une notation qui ne doit pas nous étonner : les textes pédagogiques des XIIe et XIIIe siècles sont souvent émaillés de traits satiriques, voire scabreux. D’autres critiques apparaissent en filigrane : les jeux de hasard auxquels s’adonnent les clercs (§30), ou l’inversion des sexes dont se rendent responsables les hommes qui vendent du linge (§42). Les prêtres sont également admonestés : ils doivent vivre et enseigner de manière sainte, et cela doit leur suffire (§61). Quant aux maisons des riches, elles sont décrites comme peuplées de ménestrels, de prostituées et d’acrobates (§82).
26Ces jugements moraux sont éclairés par la préface du Dictionarius. On y lit que l’ouvrage a pour but de montrer les « devoirs » (officia) et les « mœurs » (mores) des différents artisans et commerçants, non pas tant pour transmettre la connaissance des mots eux-mêmes, que celle de la moralité. Il est, en effet, utile de connaître les noms des choses, les habitudes (consuetudines) des artisans et un certain nombre de moralia et de naturalia : le livre relève en partie de l’éthique, en partie de la physique et, en partie, de la grammaire. Cette dimension morale est un lieu commun des ouvrages grammaticaux [60], et s’accorde avec le travail étymologique à l’œuvre dans la glose du Dictionarius. Elle reflète aussi les traditions de la lexicographie latine médiévale. La rivalité entre les occupations prend déjà une place centrale dans les colloques anglo-saxons [61]; elle apparaît également chez un auteur comme Godefroy de Saint-Victor, lorsqu’il examine les mérites respectifs des arts mécaniques [62]. Mais un lien plus immédiat peut être établi avec la pensée des prédicateurs et théologiens contemporains sur la question de la moralité individuelle des activités urbaines. Thomas de Chobham, par exemple, dans sa Summa confessorum écrite vers 1215, condamne en termes assez vifs les fabricants de couronnes de fleurs comme pratiquant un métier inutile et même nuisible, puisque les femmes qui s’ornent de ces accessoires le font pour conduire les hommes au péché [63].
27William FitzStephen et Jean de Jandun proposent tous deux un éloge de la ville où la répartition harmonieuse des activités rend compte de la place de chacun dans la société, et accompagne la supériorité morale des Londoniens et des Parisiens. La position de Jean de Garlande est beaucoup plus ambiguë : fasciné, semble-t-il, par la diversité du marché urbain, il semble toutefois partiellement la condamner ou, du moins, il souligne le fait qu’elle repose sur l’esprit de lucre.
28Jean de Garlande ne se considérait pas comme un civis, mais comme un curialis [64], et il est sans doute révélateur de la place des écoles à Paris que la première description des métiers parisiens soit due à la plume d’un maître de grammaire et non d’un membre de l’élite civique. Le Dictionarius est tributaire de la tradition lexicographique, tout en étant limité par les considérations morales traditionnellement mises en avant dans le cadre de l’enseignement grammatical : mais son auteur quitte le cadre domestique qui était celui d’un Adam de Balsham ou d’un Alexandre Nequam pour s’intéresser aux activités du monde urbain, traduisant la croissance rapide de la ville et en particulier de Paris dans les dernières décennies du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle. Il est également représentatif de la nouvelle approche du monde urbain qui se fait jour dans les textes litté-raires à partir du dernier quart du XIIe siècle, et qui délaisse les canons du genre du laus urbis pour rendre compte de la réalité de la vie urbaine [65]. En effet, la rue et les activités urbaines occupent ici une place nouvelle; la description que Jean de Garlande offre des activités parisiennes rompt avec les thèmes traditionnels des éloges urbains – la fondation de la ville, sa situation, son architecture – et nous donne, en passant, en quelque sorte, la première description des métiers de Paris.
Annexe : les activités parisiennes et leur localisation dans le Dictionarius
Notes
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[1]
Il faut toutefois attendre l’état des paroisses et des feux de 1328 pour pouvoir proposer une estimation chiffrée, d’ailleurs très disputée, de la population parisienne, de l’ordre de 80 000 à 200 000 habitants, voire davantage : Raymond Cazelles, Nouvelle Histoire de Paris. De la fin du règne de Philippe Auguste à la mort de Charles V, 1223-1380, Paris, Hachette (Nouvelle Histoire de Paris), 1972, p. 383. Il est toutefois probable que Paris connut une croissance continue de sa population, depuis la fin du XIe siècle au plus tard.
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[2]
René de Lespinasse et François Bonnardot (édition par), Les métiers et corporations de la ville de Paris. XIIIe siècle. Le Livre des métiers d’Étienne Boileau, Paris, Imprimerie Nationale (Histoire générale de Paris), 1879 (par la suite Le Livre des métiers). Pour la croissance des activités parisiennes, voir également Paris, fonctions d’une capitale, Paris, Hachette, 1962, p. 117-124.
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[3]
Par exemple dans Alfred Franklin, Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle, Paris, H. Welter, 1906.
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[4]
Le Dictionarius a été édité à plusieurs reprises : Hercule Géraud, Paris sous Philippe le Bel d’après des documents originaux, Crapelet, Collection de documents inédits sur l’histoire de France, Paris, 1837, p. 580-612; Thomas Wright (ed.), A Volume of Vocabularies Illustrating the Condition and Manners of our Forefathers... from the Tenth Century to the Fifteenth, 2 volumes, London, 1857-1873, I, p. 120-138; Auguste Scheler, « Lexicographie latine du XIIe et du XIIIe siècle », Jahrbuch für romanische und englische Literatur, VI, 1865, p. 43-49,142-162, 287-321,370-379 (repris dans Auguste Scheler, Lexicographie latine du XIIe et du XIIIe siècle. Trois traités de Jean de Garlande, Alexandre Neckam et Adam du Petit-Pont, Leipzig, F. A. Brockhaus, 1867); Tony Hunt, Teaching and Learning Latin in Thirteenth-Century England, 3 volumes, Cambridge, D. S. Brewer, 1991, I, p. 191-203. C’est la leçon du manuscrit de Dublin, Trinity College 270, qui est suivie ici, les alinéas renvoyant aux alinéas de l’édition du texte par Tony Hunt. L’ouvrage a également été traduit en anglais : Barbara Blatt Rubin, The Dictionarius of John de Garlande and the Author’s Commentary, Lawrence, Kansas, The Coronado Press, 1981.
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[5]
On lui attribue aussi, mais sans certitude, un dictionnaire en vers, également connu par ses deux premiers mots, Olla patella. Richard Sharpe, A Handlist of Latin Writers of Great Britain and Ireland before 1540, Turnhout, Brepols, 1997, p. 253-257, fournit toutes les références essentielles. Pour une présentation récente de la carrière et de l’œuvre de Jean de Garlande, voir Anne Grondeux et Elsa Marguin, « L’œuvre grammaticale de Jean de Garlande (ca 1195-1272 ?) auteur, réviseur et glosateur. Un bilan », Histoire Épistémologie Langage, XXI, 1999, p. 133-163.
-
[6]
C’est ce que suggère l’explicit du manuscrit de Dublin : Explicit Dictionarius Magistri Iohannis de Garlandie. Textum huius fecit Parisius, glosas vero Tholose. Par ailleurs, le choix de la prose pour le Dictionarius semble correspondre à la première phase de la production de Jean de Garlande. Pour ces questions, voir Anne Grondeux et Elsa Marguin, « L’œuvre grammaticale de Jean de Garlande... », op. cit., p. 148-150.
-
[7]
Par exemple Richard Sharpe, « Latin in everyday life », dans Franck Antony Carl Mantello et Arthur George Rigg (ed.), Medieval Latin. An Introduction and Bibliographical Guide, Washington DC, The Catholic University of America Press, 1996, p. 315-341, à la p. 316.
-
[8]
Anne Grondeux et Elsa Marguin, « L’œuvre grammaticale de Jean de Garlande... », op. cit., p. 153-155.
-
[9]
La liste des manuscrits est donnée dans G. L. Bursill-Hall, A Census of Medieval Latin Grammatical Manuscripts, Stuttgart-Bad Cannstatt, Frommann-Holzboog (Grammatica speculativa, 4), 1981.
-
[10]
Le texte de l’accessus est édité dans Tony Hunt, Teaching and Learning Latin..., op. cit., I, p. 193-194.
-
[11]
Pour l’utilisation du terme promptuarium dans un contexte lexicographique, voir A. L. Mayhew, The Promptorium Parvulorum. The First English-Latin Dictionary, London, Early English Text Society, extra series, CII, 1908, p. XIII, cité par Claude Buridant, « Lexicographie et glossographie médiévales. Esquisse de bilan et perspectives de recherche », Lexique 4. La lexicographie au Moyen Âge, coordonné par Claude Buridant, Lille, Presses Universitaires de Lille, 1986, p. 40, note 67.
-
[12]
Sur le séjour de Jean de Garlande à Toulouse, voir Yves Dossat, « Les premiers maîtres à l’université de Toulouse : Jean de Garlande, Hélinand », Les Universités du Languedoc au XIIIe siècle, Cahiers de Fanjeaux, V, 1970, p. 180-203, en particulier p. 180-184.
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[13]
Charles Homer Haskins, Studies in Medieval Culture, Oxford, Clarendon Press, 1929, p. 82-83.
-
[14]
L’organisation de recueils de vocables sous la forme de petits dialogues remonte à la tradition de l’enseignement du grec à Rome, mais elle se rencontre à nouveau à la fin de la période anglo-saxonne en Angleterre. Pour une présentation générale de ces ouvrages, voir George Norman Garmonsway, « The development of the colloquy », dans Peter Clemoes (ed.), The Anglo-Saxons : Studies in Some Aspects of Their History and Culture Presented to Bruce Dickins, London, Bowes and Bowes, 1959, p. 248-251 et Pierre Riché, « L’étude du vocabulaire latin dans les écoles anglo-saxonnes au début du Xe siècle », dans La lexicographie du latin médiéval et ses rapports avec les recherches actuelles sur la civilisation du Moyen Âge. Paris, 18-21 octobre 1978, Paris, Éditions du CNRS, 1981, p. 115-124.
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[15]
Le principe de la description ambulatoire se retrouve ensuite dans certains poèmes relatifs à Paris, comme le Dit des rues de Paris de Guillot de Paris.
-
[16]
Par exemple, le traité connu sous le titre de De disciplina scolarium, placé sous le patronage de Boèce, et sans doute composé entre 1230 et 1240, évoque de manière précise les difficultés matérielles du monde scolaire, en particulier la question des serviteurs et du prêt d’argent : Olga Weijers (édition par), Pseudo-Boèce, De disciplina scolarium, Leyde-Cologne, E. J. Brill (Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters, XII), 1976, p. 110 et suivantes.
-
[17]
Ainsi, dans deux manuscrits du XIIIe siècle conservés à la Bibliothèque nationale de France, le texte du Dictionarius est écrit sur deux colonnes : la glose suit immédiatement chaque section (latin 8447, fol. 48r-57r et latin 11282, fol. 1-29v). Le commentaire est très certainement dû à Jean de Garlande lui-même (Jean Barthélemy Hauréau, « Notice sur les œuvres authentiques ou supposées de Jean de Garlande », Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et autres bibliothèques, XXVII, 2e partie, 1879, p. 1-86, en particulier p. 39-41), ou bien à des clercs œuvrant sous sa direction. Voir également la note 6. L’accessus présente l’ouvrage comme étant à la fois un sermocinarius, une collection de mots, et un hermeneuticus, ou interpretativus, dans lequel Hauréau suggérait de voir le commentaire qui accompagne le texte (ibid., p. 40). Toutefois, le terme hermeneuticus rappelle celui d’hermeneumata, qui désignait les glossaires latin-grec de l’Antiquité, dont certains parvinrent dans les îles Britanniques : Pierre Riché, « L’étude du vocabulaire latin dans les écoles anglo-saxonnes... », op. cit., p. 119.
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[18]
Olga Weijers, Le maniement du savoir. Pratiques intellectuelles à l’époque des premières universités (XIIIe -XIVe siècles), Turnhout, Brepols, 1996, p. 164; ead., « Lexicography in the Middle Ages », Viator, XX, 1989, p. 139-153 ; Jacques Fontaine, « Aux sources de la lexicographie médié-vale : Isidore de Séville médiateur de l’étymologie antique », op. cit., p. 97-103, en particulier p. 97-98.
-
[19]
Auguste Scheler, « Lexicographie latine du XIIe et du XIIIe siècle », op. cit., p. 298.
-
[20]
Sur la définition de ce terme, voir Le Livre des métiers, p. XLVIII-XLIX, note 3.
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[21]
Adhuc tamen crescit cotidie festivitas lingue Romane et nascuntur vocabula que ceciderunt ab usu : Tony Hunt, Teaching and learning Latin..., op. cit., I, p. 193.
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[22]
Pour Scheler, Jean de Garlande fut peut-être le premier à utiliser le terme dictionarius pour traduire le grec lexikon (Auguste Scheler, « Lexicographie latine du XIIe et du XIIIe siècle », op. cit., p. 287). Olga Weijers estime simplement probable que le terme dictionarius date du XIIIe siècle (Olga Weijers, « Lexicography in the Middle Ages », op. cit., p. 152).
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[23]
Pour d’autres néologismes créés par Jean de Garlande, voir Richard Sharpe, « Latin in everyday life », op. cit., p. 317.
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[24]
Le terme utensilia renvoie cependant à l’idée de sujets utiles. Voir par exemple Richard Sharpe, « Latin in everyday life », op. cit., p. 316. Cette question semble avoir fait l’objet d’un réel débat, et plusieurs traités concernant les arts pratiques font allusion à la difficulté de recourir à un vocabulaire adéquat pour décrire leur matière. Voir par exemple le prologue du traité sur les coutumes anglaises appelé Glanvill: « J’ai décidé de mettre par écrit au moins une partie de ces choses, usant délibérément d’un style vulgaire et de mots curiaux pour les porter à l’attention de ceux qui sont moins exercés dans ce genre de choses communes. » (G. D. G. Hall (ed.), Tractatus de legibus et consuetudinibus regni Anglie qui Glanvilla vocatur. The Treatise on the Laws and Customs of the Realm of England Commonly Called Glanvill, Oxford, Clarendon Press, 1994, p. 3). Le Dialogus de scaccario composé vers 1179 par Richard FitzNeal reprend les mêmes considérations : FitzNeal souligne le fait que la matière de l’Échiquier ne peut être exprimée « que dans une langue rustique, avec des mots communs », et s’adonne à une critique virulente des auteurs qui rendent plus difficile la connaissance de leur art en l’habillant de mots inconnus. Et son interlocuteur fictif de lui dire : « Tu n’entreprends pas d’écrire un ouvrage d’art, mais sur les coutumes et les lois de l’Échiquier, et parce qu’il s’agit de choses communes, il est nécessaire d’utiliser des termes communs de manière à ce que l’on comprenne de quoi nous parlons. De plus, bien qu’il soit généralement permis d’inventer de nouveaux termes, je te demande pourtant de ne pas avoir honte d’employer les termes en usage, qui respectent les conventions, pour les objets décrits, afin qu’aucune difficulté additionnelle ne soit créée par l’usage de mots insolites. » (Charles Johnson (ed.), Dialogus de scaccario. The Course of the Exchequer by Richard, son of Nigel, London, Thomas Nelson (Nelson’s Medieval Classics), 1950, p. 6).
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[25]
Ces deux ouvrages figurent souvent dans les manuscrits aux côtés du Dictionarius et du Commentarius de Jean de Garlande, et on les étudiait sans doute ensemble.
-
[26]
Hugues de Saint-Victor divise la mécanique en sept arts : lanificium, armatura, navigationis, agricultura, venationis, medicina, theatrica (Hugues de Saint-Victor, Didascalicon, II, 21, Patrologia latina, tome 176, col. 760). La liste des sept arts mécaniques donnée par Godefroy de Saint-Victor est très proche de la précédente, mais il abandonne le théâtre en faveur de la construction (Godefroy de Saint-Victor, Microcosmus, I, 57, texte établi et présenté par Philippe Delhaye, Lille-Gembloux, Mémoires et travaux publiés par des professeurs des facultés catholiques de Lille, fascicule 56,1951, p. 74). Cette division est exposée et critiquée par Robert Kildwarby, De ortu scientiarum, XXXIX et XL, Albert G. Judy (ed.), The British Academy et The Pontifical Institute of Mediaeval Studies, Toronto (Auctores Britannici Medii Aevi, IV), 1976, p. 129-133.
-
[27]
Sur la nécessité d’une organisation cohérente d’une collection de noms pour désigner le monde, voir Mark Amsler, Etymology and Grammatical Discourse in Late Antiquity and the Early Middle Ages, Amsterdam-Philadelphia, John Benjamins Publishing Company, 1989, p. 136. Les limitations de cette entreprise sont soulignées par Guy H. Allard, « Les arts mécaniques aux yeux de l’idéologie médiévale », dans Guy H. Allard et Serge Lusignan (sous la direction de), Les arts mécaniques au Moyen Âge, Institut d’études médiévales, Université de Montréal (Cahiers d’études médiévales, VII), 1982, p. 13-31.
-
[28]
Sur le hiatus entre discours philosophique et pratique des arts, voir Serge Lusignan, Parler vulgairement. Les intellectuels et la langue française aux XIIIe et XIVe siècles, Paris et Montréal, J. Vrin et les Presses de l’Université de Montréal, 1986, p. 89-90.
-
[29]
Parvenant à la description de la partie des Halles des Champeaux où l’on vendait draps et fourrures, Jean de Jandun est pris au dépourvu au sujet d’étoffes « composées de matières délicates et étrangères, dont j’avoue ne pas connaître les noms latins » (quarum propria nomina latini ydiomatis michi fateor esse ignota). Il se dit plus loin incapable de citer certaines choses « plutôt à cause de la pénurie des mots latins que faute de les avoir bien vues » (ceteraque talia de quibus nominum latinorum penuria, magis quam visive cognitionis defectus, me tacere compellit). Antoine-Jean-Victor Le Roux de Lincy et Lazare-Maurice Tisserand, Paris et ses historiens aux XIVe et XVe siècles. Documents et écrits originaux, Paris, Imprimerie impériale (Histoire générale de Paris), 1867, p. 32-79, en particulier p. 50 pour le texte latin, p. 51 pour la traduction. Sur cette œuvre, voir Jacques Verger, « Thèmes majeurs, lieux communs et oublis dans le Tractatus de laudibus Parisius de Jean de Jandun (1323) », dans Retour aux sources. Textes, études et documents d’histoire médiévale offerts à Michel Parisse, Paris, Picard, 2004, p. 851-857.
-
[30]
On trouve également un écho de cette préoccupation dans le prologue du traité de Frédéric II sur l’art de chasser avec les oiseaux : « Nous demandons aussi à tout noble qui, par raison de sa seule noblesse, souhaiterait lire ce livre, qu’il le fasse lire et expliquer par une personne exercée dans les sciences, tout en faisant preuve d’indulgence pour ce qui est moins bien dit. En effet, comme cet art a ses propres mots, tout comme les autres arts, et que nous n’avons pas trouvé dans la grammaire des Latins les mots adéquats pour toutes les choses, nous avons appliqué les termes qui semblaient les plus proches, par lesquels notre intention peut être comprise. » Texte latin dans De arte venandi cum avibus, ed. Anna Laura Trombetti Budriesi, Roma-Bari, Laterza, 2000, p. 4.
-
[31]
Étienne Boileau indique que « li regratier de Paris puent avoir tant de vallès et de aprentis comme il leur plaira » (Le livre des métiers, première partie, titre IX, art. 4, p. 28). Au sujet du métier des poulaillers, il statue que celui qui fait partie du métier « puet vendre toutes denrées fors cire ouvrée et poisson de eaue douce, et toute maniere de regraterie, par paiant la coustume que chascune chose doit. » (Le Livre des métiers, première partie, titre LXX, art. 3, p. 147). Pour le regrat à Paris, voir Raymond Cazelles, Nouvelle Histoire de Paris..., op. cit., p. 387.
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[32]
Pour les crieurs de vin, voir Le Livre des métiers, première partie, titre V, p. 21 note 2 : « Le crieur s’accordait avec le tavernier pour publier et crier la qualité et le prix de ses vins; comme garantie de leur engagement réciproque, le tavernier remettait au crieur un pot rempli de vin et un hanap pour le faire goûter. »
-
[33]
L’activité des différents crieurs est régulée par Étienne Boileau, qui tente de lutter contre la fraude en interdisant à certains métiers, comme les gantiers et les chaussiers, de recourir au colportage : Le Livre des métiers, première partie, titre LV, art. 7 (p. 113-116) et titre LXXXVIII, art. 11 (p. 195).
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[34]
Cette expression se retrouve par exemple, en français, dans le Livre vert de Saint-Denis (1411) : « Chascun mercier vendant mercerie, qui tient estal ou qui met a terre ou tablette portant devant lui... », dans Michaël Wyss (sous la direction de), Atlas historique de Saint-Denis. Des origines au XVIIIe siècle, Documents d’archéologie française, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1996, p. 260.
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[35]
L’exposition des marchandises à la fenêtre des échoppes est mentionnée à plusieurs reprises par Étienne Boileau, par exemple au sujet des boulangers : il peut ainsi y avoir « a une fenestre pluseur maniere de pains » (Le Livre des Métiers, première partie, titre I, art. 38, p. 10).
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[36]
Ce rôle du produit dans la publicité qu’il donne au métier est d’ailleurs noté dans un passage du De signis de Roger Bacon, qui classe parmi les signes institués par l’intellect « l’enseigne circulaire devant la taverne, les choses exposées que l’on place comme signe qu’elles sont vendues aux fenêtres des échoppes; elles n’y sont pas seulement pour représenter d’autres choses, mais aussi pour se représenter elles-mêmes, comme le pain à la fenêtre ou autres choses comestibles, ou, de la même manière, les armes, les courroies, les selles ou autres choses de ce genre qui sont exposées en signe de vente selon toute la diversité des techniques et des arts mécaniques. » Voir Karin Margareta Fredborg, Laure Nielsen et Jan Pinbord, « An unedited part of Roger Bacon’s ‘‘Opus maius’’: ‘‘De signis’’», Traditio. Studies in Ancient and Medieval History, Thought, and Religion, XXXIV, 1978, p. 75-136, en particulier p. 83. Traduction par Irène Rosier, La parole comme acte. Sur la grammaire et la sémantique au XIIIe siècle, Paris, J. Vrin, Sic et Non, 1994, p. 326. Le thème de l’enseigne circulaire de la taverne est repris un peu plus loin dans le De signis : Karin Margareta Fredborg, Laure Nielsen et Jan Pinbord, « An unedited part of Roger Bacon’s ‘‘Opus maius’’... », op. cit., p. 127.
-
[37]
Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris. La genèse de la rive droite jusqu’en 1223, Paris, Centre Régional de Publication de Paris, CNRS, 1985 p. 95.
-
[38]
Pour la localisation des métiers, voir Raymond Cazelles, Nouvelle Histoire de Paris..., op. cit., p. 91.
-
[39]
Pour la culture des fruits et des légumes dans les marais autour de Paris, voir Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris..., op. cit., p. 94.
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[40]
La pêche se pratiquait d’ailleurs à Paris : l’activité de la pêche dans « l’eau du roi » est réglementée par Étienne Boileau (Le Livre des métiers, première partie, titre XCIX, p. 212-214); puis le prévot de Paris s’intéresse au métier des poissonniers d’eau douce à Paris (titre XC) et au métier des poissonniers d’eau de mer (titre XCI). Le poisson d’eau douce était vendu à la Porte de Paris, à la Porte Baudoyer et dans la Cité près du Petit-Pont : Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris..., op. cit., p. 91. Pour l’approvisionnement de Paris en poisson de mer, voir Caroline Bourlet, « L’approvisionnement de Paris en poisson de mer aux XIVe et XVe siècles, d’après les sources normatives », Structures d’approvisionnement à Paris et à Londres au Moyen Âge, Franco-British Studies : Journal of the British Institute in Paris, XX, automne 1995, p. 5-22.
-
[41]
L’évocation des conditions de travail de ces ouvrières par Jean de Garlande rappelle bien entendu le sort des 300 pucelles du château de Pesme Aventure décrit par Chrétien de Troyes dans Yvain. Les ouvrières tissent des draps de soie et des orfrois avec des fils d’or et de soie, mais vivent dans le plus grand dénuement, vêtues de guenilles, et ne mangent pas à leur faim : Daniel Poirion (sous la direction de), Chrétien de Troyes, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1994, p. 464-468, vv. 5196-5207,5228-5235,5300-5314. Pour Jean-Guy Gouttebroze, il s’agit bien là d’une évocation du prolétariat urbain : « L’image de la ville dans l’œuvre romanesque de Chrétien de Troyes », L’image de la ville dans la littérature et l’histoire médiévales, Razo, I, Cahiers du Centre d’Études Médiévales de Nice, 1979, p. 38-46, en particulier p. 43.
-
[42]
Barbara Blatt Rubin (ed.), The Dictionarius of John of Garlande..., op. cit., p. 28.
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[43]
Il s’agit probablement de tissage aux cartons, étant donné les dimensions des pièces mentionnées : ceintures, couvrechefs pour les femmes, et étoles des prêtres.
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[44]
Les « vallès ou aidans à talemelier, c’est a savoir vaneres, buleteres, pestriseur » sont également évoqués par Étienne Boileau, Le Livre des métiers, première partie, titre I, art. 44, p. 11.
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[45]
Étienne Boileau mentionne, pour les métiers relatifs à la fabrication du vêtement et de ses accessoires : les crépiniers de fil et de soie, les fabricants de braies, les chaussiers, les tailleurs de robes, les « linniers », qui contrôlent la fabrication et la vente du fil de lin, les marchands de chanvre et de fil, les « channevaciers », qui détaillent la toile, les épingliers, les merciers, les fripiers, les fabricants de bourses et de braies, les fabricants de courroies, les chapeliers de fleurs et les fabricantes de chapels d’orfroi. Pour les objets de la vie quotidienne, il énumère les potiers d’étain, les cordiers, les couteliers et les couteliers faiseurs de manches, les serruriers et les serruriers à boîtes, les batteurs d’archal, les « traifiliers » de fer et d’archal, les batteurs d’étain, les lampiers, les huiliers, les chandeliers de suif, les fabricants de peignes et de lanternes de corne et d’ivoire, les fabricants de tables à écrire, les poulailliers, les fabricants de dés, les fabricants de boutons et de dés et les potiers de terre. Finalement, un certain nombre d’activités entrent dans le secteur de ce que l’on pourrait décrire comme étant la consommation de luxe : patenôtriers, ouvriers de cristal et d’autres pierres, batteurs d’or et d’argent à filer, batteurs d’or et d’argent en feuilles, fabricants de « tapis sarrasinois », de « tapis nostrez », « ymagiers... ce est a savoir tailleres de crucefiz, de manches a coutiaus et de toute autre maniere de taille, quele qe ele soit, que on face d’os, d’yvoire, de fust et de toute autre maniere d’estoffe », peintres et tailleurs d’images.
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[46]
Le Livre des métiers, première partie, titre XIV, art. 1, p. 37.
-
[47]
Ibid., première partie, titre XXXIV, article 1, p. 66.
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[48]
Sur l’histoire du genre, voir J. K. Hyde, « Medieval description of cities », Bulletin of the John Rylands Library, XLVIII, 1965-1966, p. 308-340 et Carl Joachim Classen, Die Stadt im Spiegel der Descriptiones und Laudes urbium in der antiken und mittelalterlichen Literatur bis zum Ende des zwölften Jahrhunderts, Hildesheim-New York, Georg Olms Verlag, 1980.
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[49]
L’éloge de Paris par Guy de Bazoches, par exemple, reprend ces thèmes traditionnels : le site de Paris, son étendue, ses ponts, le palais du roi. Puis il évoque l’étude des arts libéraux à Paris : Herbert Adolfsson (édition par), Liber epistularum Guidonis de Basochis, Stockholm (Studia Latina Stockholmiensa, XVIII), 1969, p. 14-15. Alexandre Nequam consacre quelques vers à Paris dans son poème De laudibus divinae sapientiae, mais il s’agit d’un éloge de l’étude des arts à Paris : Thomas Wright (ed.), Alexander Nequam, De naturis rerum libri duo. With the Poem of the Same Author, De laudibus divinae sapientiae, London (Rolls Series, 34), 1863, p. 453, vv. 563-570. Quant à Rigord, il évoque avant tout la politique édilitaire de Philippe Auguste : H. François Delaborde (édition par), Œuvres de Rigord et de Guillaume le Breton, historiens de Philippe Auguste, I, Chroniques de Rigord et de Guillaume le Breton, Paris, Société de l’Histoire de France, 1882, p. 70-71.
-
[50]
Vita sancti Thomae, Cantuariensis archiepiscopi et martyris, dans, James C. Robertson (ed.), Materials for the History of Thomas Becket, 7 volumes, London (Rolls Series, 87), 1875-1885, III, p. 2. L’excellence du caractère des Londoniens est toutefois démentie par un texte contemporain, la description de plusieurs villes d’Angleterre reproduite dans la chronique de Richard de Devizes pour le règne de Richard Cœur de Lion : J.T. Appleby (ed.), The Chronicle of Richard of Devizes of the time of King Richard the First, London, Nelson’s Medieval Texts, 1963, p. 65-67, reproduit dans Susan Reynolds, Wietse de Boer et Gearóid MacNiocail (édition par), Elenchus fontium historiae urbanae, Leyde, Brill (Acta collegii historiae urbanae), II, 2e partie, 1988, p. 93-94.
-
[51]
Vita sancti Thomae..., op. cit., p. 5 : Singulorum officiorum exercitores, singularum rerum venditores, singularum operarum suarum locatores, quotidiano mane per se sunt locis distincti omnes, ut officiis.
-
[52]
Traugott Lawler (ed.), The Parisiana poetria of John of Garland, New Haven et London, Yale University Press, 1974, p. 10.
-
[53]
Ibid., p. 62 et 148.
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[54]
Ad Herennium, III, 32.
-
[55]
Traugott Lawler (ed.), The Parisiana poetria of John of Garland, op. cit., p. 36.
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[56]
Il est probable que c’est ainsi qu’il faut interpréter ce passage, qui est assez allusif. Les malversations des gantiers apparaissent dans le Livre des métiers, première partie, titre LXXXVIII, art. 5 et 6, p. 194-196.
-
[57]
Les mauvaises pratiques des cuisiniers ou rôtisseurs sont évoquées à plusieurs reprises dans le Livre des métiers, première partie, titre LXIX, p. 145-147.
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[58]
BnF latin 11282, fol. 23r.
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[59]
Cette notation n’apparaît pas dans tous les manuscrits. Il s’agit ici de la leçon du manuscrit de Dublin.
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[60]
C’est par exemple le cas de l’ouvrage d’Adam du Petit-Pont, De utensilibus (Tony Hunt, Teaching and Learning..., op. cit., p. 165). Je ne pense pas que l’on puisse traduire consuetudines par « coutumes »: la dimension juridique semble en fait totalement absente du Dictionarius. Il est en revanche possible que les termes officia et mores possèdent une dimension technique et renvoient au savoir-faire des artisans et commerçants.
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[61]
Dans le colloque d’Ælfric, le laboureur, le berger, le bouvier, le chasseur, le pêcheur, l’oiseleur, le marchand, le pelletier, le saunier, le boulanger et le cuisinier exposent chacun leur métier : George Norman Garmonsway (ed.), Ælfric’s colloquy, London, Methuen, 1939,2e édition, 1947, p. 20. Le colloque tourne plus loin à la dispute entre les métiers.
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[62]
Godefroy de Saint-Victor, Microcosmus, op. cit., livre I, ch. 57, p. 74.
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[63]
F. Broomfield (édition par), Thomas de Chobham, Summa confessorum, Louvain-Paris, 1968 (Analecta Mediaevalia Namurcensia, XXV), art. VI, quaest. XIIa, p. 308. Cette position fut plus tard attaquée par Thomas d’Aquin dans sa Summa theologiae, où il promeut l’idée que les métiers ne sont ni bons ni mauvais en eux-mêmes, mais uniquement dans l’usage que l’on fait de leurs produits : Thomas d’Aquin, Summa theologiae, Secunda secundae, quaest. CLXIX, art. II, dans Opera omnia, Roma, depuis 1882, tome X, p. 359. Pour cette question, voir Frédérique Lachaud, « La critique du vêtement et du soin des apparences dans quelques œuvres religieuses, morales et politiques, XIIe -XIVe siècle », Micrologus (à paraître).
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[64]
Dans la Parisiana poetria, Jean de Garlande classe les maîtres et écoliers dans la catégorie des curiales et non des cives : Traugott Lawler (ed.), The Parisiana poetria of John of Garland, op. cit., p. 10.
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[65]
Voir Carl Joachim Classen, Die Stadt im Spiegel der Descriptiones und Laudes urbium, op. cit., p. 67.
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[66]
Cette activité se voit régulée dans le Livre des métiers, première partie, titre LXXVIII (p. 168-174), avant celle des « chapuiseurs de sieles et d’archons et d’auves » (titre LXXIX, p. 174-176), des « blasonniers, c’est a savoir de ceus qui quirent seles, archons et blasons » (titre LXXX, p. 176-177) et des bourreliers (titre LXXXI, p. 178-179). Pour Étienne Boileau, l’activité des selliers et celle des fabricants d’écus ne font pas l’objet de métiers séparés, alors qu’elles sont bien distinguées chez Jean de Garlande.
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[67]
Étienne Boileau mentionne les « boucliers de fer » (Le Livre des métiers, première partie, titre XXI, p. 48-50) et les « boucliers d’archal, de quoivre et de laiton » (ibid., première partie, titre XXII, p. 50-52). Ces derniers font « boucles et toutes manieres de ferreures a corroies ». Il cite aussi les « atachiers a Paris, c’est a savoir feseres de clos pour cloer boucles, mordans et menbres seur corroie » (ibid., première partie, titre XXV, p. 54-56). Au titre XLI, ce sont les « fonderes et moleres... c’est a savoir de boucles et de mordans, de fremaus, d’aniaux, de seaus et d’autre menue oevre que on fait de coivre, d’archal » dont le travail est réglementé (ibid., p. 79); au titre XLII, les « fremaillers de laton... c’est a savoir feisires de aniauz, de fremaus et de fremoirs a livres » (ibid., p. 79). Sont aussi passés en revue les patenôtriers qui fabriquent « toutes manieres de patrenostres et de boucletes a saulers que on fait de laiton, de archal et de quoivre nuef et viès, et de noiaus a robe que on fait de os, de cor et de yvoire » (ibid., première partie, titre XLIII, art. 1, p. 81-82).
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[68]
Pour les épingliers de Paris, voir Le Livre des métiers, première partie, titre LX (p. 124-127).
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[69]
Cette activité est définie dans le Livre des métiers, première partie, titre LXXXII, art. 1 : « c’est a savoir faiseurs de frains et de lorains dorés, seruargentés, estamés et blans » (p. 179).
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[70]
Étienne Boileau mentionne les « fevres couteliers de Paris » (Le Livre des métiers, première partie, titre XVI, p. 40-41) et les « feseeurs de manches a coutiaux d’os et de fust et d’yvoire, et faisierres de pignes d’yvoire, et enmancheeurs de coutiaus » (ibid., première partie, titre XVII, p. 41-42).
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[71]
Pour l’activité des fourbisseurs, voir Le Livre des métiers, première partie, titre XCVII, p. 210-211.
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[72]
Étienne Boileau intervient dans l’activité des « gaaigniers de fouriaux » (Le Livre des métiers, première partie, titre LXV, p. 134-136), ainsi que dans celle des « fesieres de viroles, de heus et de poumiaus, et garnissières a espées et a coutiaus, de laiton et d’archal » (ibid., première partie, titre LXVI, p. 136-138).
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[73]
On peut rapprocher leur métier de celui des baudriers, fabricants de courroies : Le Livre des métiers, première partie, titre LXXXII, art. 1 (p. 180), mentionne le « conreeur de quir por fere courroiees a ceindre et por fere semeles a souliers... ».
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[74]
L’activité des chapeliers de feutre est régulée dans le Livre des métiers, première partie, titre XCI (p. 201-203), celle des chapeliers de coton au titre XCII (p. 203-205), celle des chapeliers de plumes de paon au titre XCIII (p. 205), celle des fourreurs de chapels au titre (p. 206-207). Jean de Garlande n’évoque pas les chapels de fleurs, pourtant souvent décriés dans la littérature pastorale, par exemple, et auquel Étienne Boileau s’intéresse.
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[75]
Le Livre des métiers, première partie, titre XCVIII, p. 211-212 : les archiers fabriquent des arcs, des flèches et des arbalètes. Tout archier (art. 3) peut faire « ars, quarriaus et fleiches de tel fust come il li plaist ou de cor, ou de pluseurs pieces ou d’une... ».
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[76]
Pour quelques règlements concernant le métier des savetiers, voir Le Livre des métiers, première partie, titre LXXXVI, p. 187-188.
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[77]
L’activité des cordonniers est régulée par Étienne Boileau, Le Livre des métiers, première partie, titre LXXXIV, p. 183-185, ainsi que celle des « çavetonniers de petiz soulers de basenne » (titre LXXXV, p. 186-187), qui est plus proche de celle des cordonniers que des savetiers.
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[78]
Il est difficile de savoir ce que ce terme recouvre précisément : une protection de cuir pour l’épaule, une courroie ?
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[79]
On peut rapprocher ce métier de celui des « esculliers » mentionné par Étienne Boileau, « c’est a savoir venderres d’esqueles, de hanas de fust et de madre, de auges, fourches, peles, beesches, pesteuz et toute autre fustaille » (Le Livre des métiers, première partie, titre XLIX, p. 92).
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[80]
La fabrication des barils relève chez Étienne Boileau du métier des barilliers (Le Livre des métiers, première partie, titre XLVI, p. 85-86). Le prévôt de Paris classe parmi les métiers qui relèvent de la charpenterie les « charpentiers, huichiers, huissiers, tonneliers, charrons, couvreurs de mesons, et toutes manieres d’autres ouvriers qui euvrent du trenchant en merrien » (ibid., première partie, titre XLVII, p. 86-88).
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[81]
Pour certains aspects de ce métier, voir Le Livre des métiers, première partie, titre LIII, p. 107-111.
-
[82]
Les métiers de la draperie nécessitaient des espaces considérables. Pour l’espace nécessaire au ramage des draps par les tondeurs parisiens, par exemple, voir Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris..., op. cit., p. 99.
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[83]
Le métier des teinturiers, « de guesde et de toutes autres coleurs des queles l’en taint dras », est régulé dans le Livre des métiers, première partie, titre LIV, p. 111-113.
-
[84]
Le Livre des métiers, première partie, titre XV, art. 1, p. 38 : « Nus ne puet estre fevre a Paris, c’est a savoir marischax, greifiers, hiaumiers, veilliers, grossiers, que il n’achate le mestier du roy. » Il existait à Paris, aux Champeaux, un lieu-dit de la Ferronnerie et un lieu-dit de la Charronnerie : Anne Lombard-Jourdan, Aux origines de Paris..., op. cit., p. 98-99 et note 691.
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[85]
Le métier des « toisserans de lange » fait l’objet de règlements détaillés et complexes dans Le Livre des métiers, première partie, titre L, p. 93-101.
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[86]
Étienne Boileau mentionne les ouvrières « de tissuz de soie » (Le Livre des métiers, première partie, titre XXXVIII, p. 74-75). Il faut distinguer cette activité de celle des « ouvriers de draps de soye... et de veluyaus et de bourserie en lice », qui apparaît aussi en 1268 (ibid., première partie, titre XL, p. 76-78). Par contre, ce que Jean de Garlande désigne semble également recouvrir l’activité des tisserandes de couvrechefs de soie (ibid., première partie, titre XLIV, p. 83-84).
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[87]
Étienne Boileau mentionne les «filleresses de soye a grans fuiseaus », dont le métier est de « desvudier, filer, doubler et retordre » la soie, ainsi que les «fileresses de soie a petiz fuizeaux » (Le Livre des métiers, première partie, titres XXXV et XXXVI, p. 68-72)