Notes
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[1]
M. Daumas (sous la direction de), Analyse historique de l’évolution des transports en commun dans la région parisienne de 1855 à 1939, Paris, Centre de Documentation d’Histoire des Techniques, CNAM, EHESS, 1977 ; C. Fontanon, Mobilité de la population et transformations de l’espace urbain : le rôle des transports en commun dans la région parisienne 1855-1939, thèse de 3e cycle, EHESS, 1980; et D. Larroque, Les transports en commun dans la région parisienne; enjeux politiques et financiers (1855-1939), thèse de 3e cycle, EHESS, 1980.
-
[2]
Jean Bastié, La croissance de la banlieue parisienne, Paris, PUF, 1964, p. 105.
-
[3]
D. Larroque, M. Margairaz, P. Zembri, Paris et ses transports, XIXe - XXe siècle. Deux siècles de décisions pour la ville et sa région, Paris, É ditions Recherches, 2002, p. 21.
-
[4]
J.R. Kellett, The Impact of Railways on Victorian Cities, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1969.
-
[5]
S. Bass Warner Jr., Streetcar Suburbs. The Process of Growth in Boston, 1870-1900, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1962.
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[6]
Pour une vue générale, voir les ouvrages cités dans les notes 1 et 2.
-
[7]
J.-L. Varlet, Houilles : du monde rural à la banlieue, 1820-1914, mémoire de maîtrise, Université de Paris X, 1977, p. 39-40.
-
[8]
A. Faure, « À l’aube des transports de masse. L’exemple des ‘‘trains ouvriers’’ de la banlieue de Paris (1883-1914) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 40-2, avril-juin 1993, p. 228-255.
-
[9]
Voir notamment notre article « Les Parisiens « aux champs ». Banlieue et loisir au XIXe siècle », Villes, histoire et culture, URA CNRS 1010, no 2/3, juin 1997.
-
[10]
E. Zola, « Aux champs. La banlieue », paru en 1878 dans Le Messager de l’Europe.
-
[11]
B. Simonin, Du chemin de fer de Vincennes au métro express régional, mémoire de maîtrise, Faculté des Sciences humaines de Dijon, 1972, p. 22-24.
-
[12]
Ainsi le Voyage pittoresque sur le chemin de fer de Paris à Saint-Cloud et Versailles, Versailles, imp. de M. Fossone, 1839.
-
[13]
Voir notre article « Le lotissement du Parc de Saint-Maur (1859-1911 ) », dans A. Fourcaut (sous la direction de), La ville divisée. Les ségrégations urbaines en question, France XVIIIe - XXe siècles, Grâne, Créaphis, 1996.
-
[14]
F. Beaucire, « Les transports collectifs devant l’extension des banlieues et l’essor de la mobilité citadine », dans A. Fourcaut (sous la direction de), Un Siècle de banlieue parisienne (1859-1964). Guide de recherches, Paris, L’Harmattan, 1988, p. 86.
-
[15]
M. Daumas (sous la direction de), op. cit., p. 297-302.
-
[16]
F. Beaucire, op. cit., p. 87.
-
[17]
Album de statistiques graphiques, Paris, 1882. Lignes de Saint-Cloud-Louvres, Sèvres-Louvres et Boulogne-gare d’Auteuil exclues du comptage.
-
[18]
Préfecture de la Seine, Monographies des services départementaux, Paris, 1906, p. 466-469.
-
[19]
Annuaire statistique de la Ville de Paris..., pour l’année 1913. Le calcul exclut les lignes dont on ne précise pas le trafic extra-muros.
-
[20]
Il manque le trafic détaillé des lignes de Sceaux/Limours et de la section banlieue du Paris-Orléans et du Paris-Lyon. Pour la Compagnie des chemins de fer de l’Est, Rapport présenté par le Conseil d’administration; rapport de la commission de vérification des comptes, résolutions de l’assemblée, Paris, année x + 1. Pour la Compagnie des chemins de fer du Nord, Rapports du Conseil d’administration à l’Assemblée générale des actionnaires, la série cesse de détailler le trafic des lignes à partir de 1904.
-
[21]
Paris – Versailles RD et RG, Paris – Argenteuil, Paris – Saint-Germain, Paris – Brie-Comte-Robert, Paris – Creil, Paris – Sceaux et Limours, É tang-la-Ville – Saint-Cloud et Bondy – Aulnay. Les données proviennent des Statistiques des chemins de fer français... Documents divers; première partie France intérêt général, Publication du Ministère des Travaux Publics.
-
[22]
Le trafic de la ligne Paris – Saint-Germain augmente ainsi de 176 % entre 1905 et 1913, celui de Paris – Versailles RG de 140 %.
-
[23]
A. Joanne, Les environs de Paris illustrés. Itinéraire descriptif et historique, Paris, Hachette, 1856, p. 315.
-
[24]
A. Martin, Les É tapes d’un touriste en France. Tout autour de Paris, Paris, Hennuyer éditeur, 1890, p. 37.
-
[25]
Nous avons utilisé le nombre des voyageurs expédiés par chaque gare de banlieue disponible dans certains rapports aux assemblées générales des actionnaires des compagnies ferroviaires. Cf. note 20 pour les sources précises.
-
[26]
Pour 1900, seules les communes desservies par les compagnies des chemins de fer du Nord et de l’Est sont considérées, et pour 1910, par la compagnie des chemins de fer de l’Est.
-
[27]
Entre 1880 et 1910.
-
[28]
D’après l’É tat du montant des rôles pour l’année 1881, Archives départementales des Yvelines (AD Yvelines). Sur l’utilisation des sources fiscales, nous renvoyons à l’annexe méthodologique 1 de notre thèse, Aux origines de la banlieue résidentielle : la villégiature parisienne au XIXe siècle, Université de Tours, 1998, p. 530. Rappelons que la contribution mobilière était due pour toute habitation meublée et la taxe personnelle au domicile principal seulement. Schématiquement, une cote mobilière non couplée à une cote personnelle correspondait à une résidence secondaire. La part des cotes mobilières seules (non couplées) dans le total des cotes mobilières d’une commune permet donc de mesurer l’importance des logements ou résidences secondaires.
-
[29]
Trafic journalier / population totale.
-
[30]
J.-P. Brunet, « Constitution d’un espace urbain : Paris et sa banlieue de la fin du XIXe siècle à 1940 », Annales ESC, mai-juin 1985, no 3, p. 642-643.
-
[31]
Résultats statistiques du recensement..., 1901, t. 1, p. XIV, 1906, t. 2, p. 5.
-
[32]
La Préfecture de Police estime en 1909 à 305 269 le nombre de personnes entrant chaque matin (avant 10 heures) dans la capitale (cité par A. Faure, « Les déplacements de travail entre Paris et sa banlieue (1880-1914) : première approche », Villes en Parallèle, La ville fragmentée, no 14, juin 1989, p. 43.
-
[33]
J.-P. Brunet évoque 571 000 migrants journaliers pour 1931.
-
[34]
Qui embrasse largement la zone susceptible d’héberger des migrants quotidiens.
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[35]
C. Fontanon, op. cit., tableau 1 : « Mouvement des voyageurs entre Paris et les gares de proche banlieue », p. 82-83, d’après les données de A. Martin, op. cit., p. 409.
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[36]
Nous utilisons les chiffres d’A. Martin fournis par C. Fontanon.
-
[37]
Nous considérons les effectifs réels d’actifs issus du recensement de 1891.
-
[38]
Monographie communale de Neuilly-Plaisance, AD Yvelines, 2 Mi 124 T.
-
[39]
Ces actifs transhumants représentent 11 % de la population totale.
-
[40]
Monographie de 1899, cité par J.-L. Varlet, Houilles : du monde rural à la banlieue, 1820-1914, mémoire de maîtrise, Université de Paris X, 1977, p. 47.
-
[41]
J.-M. Rivière, Fontenay-sous-Bois de 1870 à 1900, mémoire de maîtrise, Université de Paris IV, 1977, p. 30.
-
[42]
H. C. Binford, The First Suburbs : Residential Communities on the Boston Periphery, 1815 to 1860, Chicago, Chicago University Press, 1985, p. 136.
-
[43]
R. F. Crandell, This is Westchester. A Study of Suburban Living, New York, Sterling Publishing Co., 1954, p. 51.
-
[44]
Nous allons prendre ici en compte la part des ouvriers, des employés et des « patrons » (industrie, commerce, « rentiers », professions libérales) dans l’ensemble des actifs (force publique exclue).
-
[45]
Nous considérons pour 1891 la part des cotes mobilières seules et pour 1901 la répartition des valeurs locatives entre commerce et habitation.
-
[46]
Pour une analyse des critères utilisés dans cette classification, voir notre thèse, op. cit., p. 248-252.
-
[47]
A. Faure, « Villégiature populaire et peuplement des banlieues à la fin du XIXe siècle », La terre et la cité. Mélanges offerts à Philippe Vigier, Grâne, Créaphis, 1995, p. 167-194.
-
[48]
A. Faure, « Paris, le peuple, la banlieue », dans Les premiers banlieusards. Aux origines des banlieues de Paris (1860-1940), Paris, Créaphis, 1991, p. 104.
-
[49]
Au contraire, la corrélation est de – 0,75 entre les valeurs locatives économiques et la part des « patrons ». On a bien là séparation entre le domicile et le lieu de travail.
-
[50]
F. Caron, Histoire de l’exploitation d’un grand réseau. La Compagnie du chemin de fer du Nord 1846-1937, Paris, La Haye, Mouton, 1973, p. 418.
-
[51]
B. Simonin, op. cit., document 13.
-
[52]
Voir les « Souvenirs d’enfance, Maisons-Laffitte 1891-1892 », de Roger Martin du Gard.
-
[53]
Archives municipales de Maisons-Laffitte, délibérations du conseil municipal, 19 novembre 1878.
-
[54]
Le tramway relie aussi la commune à Neuilly.
1Pour le Parisien désireux de s’installer en banlieue, la qualité des transports en commun est aujourd’hui un critère décisif. Il suffit d’être tassé chaque matin parmi les voyageurs dans un train à destination de Paris, ou au cœur de la file désespérante des voitures sur les grands axes routiers pour se rendre compte que s’installer en banlieue n’est possible que si l’on peut commodément travailler ailleurs. Il n’en a pas toujours été ainsi. Longtemps lieu de travail et lieu de résidence se sont superposés, et les nouvelles opportunités offertes à partir des années 1840 par le développement des chemins de fer de banlieue furent loin d’être évidentes.
2À l’échelle séculaire, le développement des réseaux de transport et la croissance suburbaine semblent être allés de concert [1]. Jean Bastié affirme même que le chemin de fer « est à l’origine du phénomène moderne de banlieue » [2], acceptant le « postulat implicite selon lequel l’expansion démographique trouve une traduction directe en termes de demande et d’offre de transport » [3]. Or, en Angleterre, les historiens ont montré que les premiers « suburbs » étaient déjà implantés autour des plus grandes villes un demi-siècle avant l’arrivée des chemins de fer et l’instauration d’un système de transport de masse [4]. En fin de compte, le rôle du chemin de fer dans la croissance suburbaine a été décisif surtout à Londres, et seulement à partir des années 1860, le développement des tramways permettant par la suite de démocratiser la vie de banlieue. Aux É tats-Unis, les transports jouèrent en revanche dès les origines un rôle fondamental. À partir des années 1860 apparurent les « railroad suburbs », élitistes, puis, dans les années 1870-1880, les « streetcar suburbs » ouverts à l’homme du commun [5]. Entre ces deux types de développement, où se situe l’exemple parisien ?
3L’objet de cet article est de s’interroger sur la place des transports collectifs, et en particulier du chemin de fer, dans la banlieue parisienne naissante. Après avoir examiné le rôle du chemin de fer dans l’extension périphérique des banlieues, nous testerons les liens entre mobilité et croissance démographique, ce qui nous conduira à examiner les migrations quotidiennes à l’aube des transports de masse.
Les chemins de fer et l’extension des banlieues : un développement laborieux...
4Le problème qui se pose en premier lieu consiste à savoir dans quelle mesure les cheminsde fer ont permis aux banlieues de s’étendre. Autour de Paris, la chronologie de l’histoire des transports collectifs [6] fournit un premier élément de réflexion. Premiers transports publics, les omnibus, nés à Nantes en 1827, n’étaient pas destinés à la banlieue. La Compagnie Générale des Omnibus de Paris qui avait reçu en 1855 le monopole des lignes parisiennes ne voyait guère au-delà des fortifications. L’histoire des transports de banlieue commence donc véritablement avec l’inauguration en 1837 de la première voie ferrée locale : Paris-Le Pecq. Mais ce sont d’abord de véritables centres urbains (Versailles en 1839-1840, Corbeil en 1840, Poissy en 1843, Saint-Germain-en-Laye en 1847 ou Melun en 1849) qui furent desservis. Par ailleurs, à l’exception des lignes de Versailles, Saint-Germain et Robinson, il s’agissait de grandes lignes et les arrêts en banlieue étaient parcimonieux. Enfin, l’ouest était privilégié, et l’est de la capitale restait encore au milieu du siècle un désert ferroviaire que ne comblèrent que progressivement les lignes de Paris-Nogent-sur-Marne (1856), Paris-La Varenne (1859) ou Paris-Aulnay-sous-Bois (1860). Malgré sa densification progressive, le réseau ferroviaire suburbain était insuffisant. À l’exception de la ligne de Vincennes, les lignes orientales, par exemple, n’avaient pas pour finalité la desserte locale de la banlieue, les compagnies cherchant à minimiser le nombre des stations proches de Paris.
5Les tramways eurent pour fonction de compléter ce réseau ferroviaire à partir de 1873 mais lenteur et insuffisance caractérisent aussi leur développement. Privilégiant également le nord-ouest, le réseau était encore au début des années 1880 relativement lâche. C’est seulement à partir des années 1890-1900, avec la traction mécanique puis l’électrification, que les tramways commencèrent à desservir dans de meilleures conditions la proche banlieue de Paris.
6Pendant les deux premiers tiers du XIXe siècle, l’extension du chemin de fer autour de Paris fut pour ainsi dire indifférente à la croissance suburbaine. Contrairement aux compagnies américaines qui avaient rapidement compris la clientèle potentielle que formaient les banlieusards, les compagnies ferroviaires ne cherchaient pas à améliorer la desserte locale pour attirer de nouveaux passagers. Elles s’adaptèrent avec lenteur et réticence aux évolutions démographiques, se contentant d’intensifier le service sur les lignes ouvertes et d’ouvrir quelques stations supplémentaires pour répondre aux réclamations des communes. Ainsi, la gare de Houilles sur la ligne de Saint-Germain, ouverte en 1843, fut-elle rapidement fermée en raison de sa faible rentabilité. Alors que le conseil municipal commença à réclamer sa réouverture en 1861, il fallut attendre huit ans pour que les demandes conjointes de Houilles et de Sartrouville finissent par aboutir [7].
7La gestion des tarifs montre de même que les compagnies ne comprenaient pas l’intérêt qu’elles pouvaient avoir à démocratiser l’usage du rail. Jusqu’aux années 1880, emprunter les trains n’était pas à la portée de tous. Les tarifs prohibitifs des différentes compagnies expliquent ainsi que les trains servirent d’abord les Parisiens aisés. Sous l’effet des pressions des municipalités d’une part et de l’É tat d’autre part, la tarification commença cependant à évoluer dans les années 1880, dans un sens plus favorable aux catégories modestes et en particulier aux ouvriers. Les abonnements hebdomadaires permirent aux catégories moyennes d’emprunter les chemins de fer, et des tarifs ouvriers valables sur certains trains furent créés à partir de 1883 [8]. La démocratisation du rail fut cependant très lente. La résistance de la Compagnie de l’Ouest, qui se refusait à abaisser ses tarifs, ne fut ainsi vaincue qu’une fois le réseau racheté par l’É tat en 1908. Dans les tramways, la « révolution » tarifaire ne débuta qu’en 1891 par la création de tarifs ouvriers sur quelques réseaux, tarifs appelés à se généraliser.
... mais un rôle pionnier
8Si les compagnies ne cherchaient pas de nouveaux clients en banlieue, elles s’intéressaient aux Parisiens en mal de campagne. Le chemin de fer permit en effet aux citadins de se familiariser avec les environs de Paris. Avant d’être lieu de résidence, la banlieue fut une destination prisée par des Parisiens qui découvraient les loisirs [9]. Pour leur « partie de campagne » au bord de la Marne ou dans la forêt de Montmorency, les citadins empruntaient les transports collectifs. « Le dimanche, c’est un écrasement », affirme Zola; « par certains dimanches de soleil, on a calculé que près d’un quart de la population, cinq cent mille personnes, prenaient d’assaut les voitures et les wagons, et se répandaient dans la campagne » [10]. Les trains sont d’abord « trains de plaisir » : leur trafic enregistre ainsi une pointe les jours fériés. En 1841, samedis et dimanches représentent le tiers du trafic hebdomadaire de la ligne de Saint-Germain dont le trafic mensuel double d’ailleurs entre mai et septembre. Toujours en 1841, le Paris-Corbeil réalise aussi les deux tiers de son trafic entre mai et octobre. En 1864, alors que la moyenne journalière est de 11 145 voyageurs sur la ligne de Vincennes, le trafic quintuple les lundi de Pâques, dimanche et lundi de Pentecôte. Le service doit être renforcé les dimanches et jours de fête [11]. Les compagnies profitent d’ailleurs de cet engouement pour la banlieue du dimanche pour majorer les tarifs ces jours là.
9En permettant aux citadins de se rendre en banlieue, le chemin de fer contribua donc à la découverte des environs de Paris. Et pour mieux guider le Parisien apparaissent très tôt des guides touristiques qui décrivent le paysage vu de la fenêtre du wagon [12] et consacrent quelques lignes à chaque station et aux localités environnantes. Grâce aux trains et aux guides qui les renseignaient sur les plaisirs qui les attendaient, les Parisiens pouvaient partir en excursion dans les bois ou se rendre au bord de la Seine ou de la Marne.
10En établissant des liaisons plus faciles avec les alentours de Paris, le chemin de fer favorisa aussi l’essor des maisons de campagne et stimula la « villégiature » autour de Paris. On connaît l’ancienneté de cette pratique d’origine aristocratique remise au goût du jour dans les années 1820. Le chemin de fer donna une ampleur nouvelle au phénomène en facilitant l’accès de régions plus éloignées et en permettant le lotissement de grandes propriétés. Certes, les premiers lotissements de villégiature étaient anté-rieurs au chemin de fer – Bellevue à Meudon en 1824 ou le Parc Laffitte en 1834 – mais ils connurent un dynamisme accru après l’ouverture de la gare. Les lotissements se multiplient et la proximité de la gare devient un argument publicitaire déterminant. À Saint-Maur-des-Fossés, c’est même la Compagnie des Chemins de fer de l’Est qui lotit le Grand Parc dès l’ouverture de la ligne de Vincennes [13].
Mobilité et croissance démographique : des liens élastiques
11Si le chemin de fer joua sans conteste un rôle dans l’extension des banlieues, il est plus difficile d’évaluer sa responsabilité dans le peuplement des espaces suburbains.
UNE MOBILITÉ CROISSANTE MAIS INÉGALE
12Examinons en premier lieu les statistiques du trafic. L’extension et l’amélioration du réseau de transports ont pour effet la progression considérable du trafic et de la mobilité des hommes au cours du siècle. On estime ainsi que vers 1875, pour Paris et sa banlieue, bateaux, omnibus et chemins de fer transportaient environ 170 millions de voyageurs par an [14]. En 1914, 489 millions de personnes empruntèrent les tramways, 467 millions le métro, et 120 millions les trains de banlieue [15]. La mobilité citadine passa ainsi de 65 voyages par habitant et par an en 1875 à 276 en 1914 [16].
13Ces chiffres nous donnent une idée de l’accroissement de la mobilité à l’intérieur de l’agglomération, mais il convient de distinguer les divers modes de transport, autant que les sources le permettent. S’agissant des tramways et des omnibus, le trafic extra-muros aurait été de 25 797 000 voyageurs en 1880 [17], estimation qui surestime le trafic réel : extra-muros, les compagnies de tramways comptaient autant de fois un voyageur qu’il franchissait de sections successives. En 1892, le nombre de places occupées hors Paris aurait été, selon une autre source, de 32 558 235 [18]. Enfin, plus de cent millions de voyageurs auraient parcouru les sections de banlieue en 1913 [19]. En trente ans, le trafic des tramways en banlieue aurait donc plus que quadruplé, résultat de l’augmentation du nombre de lignes et de l’intensification du trafic.
14Sur l’ensemble de la période, le trafic ferroviaire connaît une même progression. Les sources synthétiques font défaut mais des indicateurs ponctuels mettent nettement en évidence le fort gonflement du mouvement de voyageurs. En utilisant les renseignements publiés sur le trafic des gares de banlieue, nous avons pu estimer la progression du trafic. Entre 1860 et 1890, le nombre de voyageurs expédiés par l’ensemble des gares de banlieue [20] a progressé de 211 %. Entre 1885 et 1905, le trafic journalier de dix lignes de banlieue [21] augmente de 86%, et leur progression s’accélère à la veille de la guerre [22].
15Tant pour les tramways que pour les chemins de fer, la géographie des flux de voyageurs était loin d’être équilibrée. Reflet de l’avance prise par l’ouest dans le domaine des transports en commun, l’intensité du mouvement de voyageurs était là nettement supérieure au reste de la banlieue. Pourtant, on assiste à la fin du siècle à un rééquilibrage tant pour les tramways que pour les chemins de fer. À dire vrai, le phénomène était antérieur à 1890 mais il s’accélère par la suite. Entre 1885 et 1905, les lignes de la Compagnie de l’Ouest n’ont progressé que de 70 % alors que la croissance a été de 135 % dans le reste de la banlieue. Au début du XXe siècle, la géographie des flux de voyageurs témoigne donc de l’avance prise par l’ouest de la région parisienne mais aussi des progrès notables du sud-est et du nord-est.
CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE ET TRAFIC FERROVIAIRE
16À l’échelle régionale, la géographie et l’évolution du trafic ferroviaire reflètent l’évolution démographique de la région. La prééminence du nord-ouest ainsi que le progrès du nord-est en fin de période caractérisent aussi la géographie démographique de la banlieue parisienne. La région d’Asnières, où le trafic ferroviaire est considérable, est l’une des plus peuplées. Par ailleurs, entre 1876 et 1911, l’un des principaux pôles de la croissance démographique est situé entre Aulnay-sous-Bois et Bondy, là où précisé-ment le trafic ferroviaire est en pleine expansion.
17À lire les analyses et descriptions des contemporains, les chemins de fer sont responsables du peuplement de la banlieue. Le chemin de fer contribue au succès touristique d’Asnières sous le Second Empire et exerce aussi un rôle peuplant : « Cette facilité des communication a plus que quadruplé la population d’Asnières [23]. » « Depuis que le chemin de fer a créé pour ce pays des communications fréquentes et rapides avec la capitale, il est devenu une sorte de faubourg parisien » [24] peut-on ainsi lire en 1890.
18L’essor des tramways, plus tardif, ne fit que s’inscrire dans un processus déjà bien entamé et ne constitua pas un changement radical aux yeux des contemporains; il permit seulement de diffuser et d’accélérer la mobilité dans l’agglomération. Nous allons donc nous concentrer sur le rôle du chemin de fer, d’autant que les données indispensables à la méthode mise en œuvre ne sont pas disponibles pour les tramways.
19Nous avons en effet utilisé le nombre des voyageurs quotidiens expédiés par les gares de banlieue pour les années 1860-1910 [25]. Les cartes 1 et 2 mettent en évidence les stations les plus actives et témoignent des évolutions évoquées. On regrettera certes les lacunes chronologiques de la documentation mais elles ne nuisent pas à notre démarche. Nous avons en effet assigné à chaque commune le nombre de ses voyageurs quotidiens. L’opération est en elle-même délicate et comporte une certaine part d’arbitraire. L’aire d’attraction d’une gare ne dépend pas des limites de la commune dans laquelle elle est située, bon nombre de stations desservant une zone qui s’étend sur plusieurs communes. Tout est fonction de la taille de la commune et de l’éloignement de la gare, son périmètre d’attraction dépendant de son accessibilité. Il faudrait donc étudier minutieusement, pour chaque gare, les limites de sa zone d’attraction et la population qui l’habite, étude impossible à cette échelle. Nous avons donc considéré, par hypothèse, que la gare située dans le territoire d’une commune donnée avait pour clientèle habituelle la population de cette commune. Par ailleurs, le trafic annuel de chaque gare ne permet pas de distinguer les « résidants » des « visiteurs », souvent très nombreux dans les villégiatures et centres de plaisir.
Nombre de voyageurs journaliers en partance des gares de banlieue – 1860
Nombre de voyageurs journaliers en partance des gares de banlieue – 1860
Nombre de voyageurs journaliers en partance des gares de banlieue – 1890
Nombre de voyageurs journaliers en partance des gares de banlieue – 1890
20Le tableau 1 montre les coefficients de corrélation linéaire entre le trafic journalier et la population municipale pour l’ensemble des communes desservies par le chemin de fer [26].
Trafic ferroviaire et population municipale (1860-1910)
Trafic ferroviaire et population municipale (1860-1910)
21Pour l’ensemble des communes, la corrélation entre l’importance du trafic journalier et la taille de la commune est fortement positive : il y a bien un lien entre trafic ferroviaire et population. Cela dit, la corrélation est nettement plus accusée pour la Seine-et-Oise. En 1880, le coefficient est de 0,95, et même s’il semble diminuer par la suite, il reste fortement positif. La corrélation est en revanche moins forte dans le département de la Seine. Certaines communes semblent avoir un trafic très en deçà de l’importance de leur population, ainsi Courbevoie, Puteaux, Clichy, Levallois, Pantin, Aubervilliers et Saint-Ouen, mais en négligeant les nombreux tramways qui les desservent, nous sous-estimons fortement l’importance des migrations.
22S’il existe un rapport évident entre la population d’une commune et le mouvement des voyageurs dans la gare qui la dessert, surtout lorsque le chemin de fer est le seul moyen de transport public, peut-on pour autant déceler une corrélation entre la croissance du trafic et celle de la population ?
23Les coefficients de corrélation proches de zéro vont à l’encontre de cette hypothèse, tant pour la Seine que pour la Seine-et-Oise. Mai si croissance de la population et croissance du trafic ferroviaire ne sont pas corrélées linéairement, elles ne sont pas totalement indépendantes l’une de l’autre. En classant les communes en fonction de leur croissance démographique et de leur croissance ferroviaire, on s’aperçoit que si une forte croissance du trafic ferroviaire traduit, dans l’ensemble, une forte croissance démographique, une forte croissance démographique n’a pas nécessairement pour conséquence une augmentation du trafic de même ampleur.
24Un premier paramètre est à prendre en compte. Pour les communes de moins de 3 000 habitants, le coefficient de corrélation entre croissance ferroviaire et croissance démographique [27] est de 0,77, alors qu’au-delà de ce seuil, il est de 0,15 seulement. La taille de la commune explique donc pour partie les résultats obtenus pour le département de la Seine, où se trouvent les plus fortes concentrations démographiques et où se trouvent également de nombreuses lignes de tramways.
25Cependant, ce degré de liberté somme toute assez important, et plus important encore pour les communes de la Seine, renvoie à la pluralité des facteurs de peuplement et des modes de fonctionnement des banlieues. Centres importants de villégiature et de migrations de loisir, JoinvillelePont et Nogent/Perreux ont par exemple un trafic très supérieur à l’importance de leur population. Déterminante est ainsi l’orientation socio-économique des communes.
MOBILITÉ ET ORIENTATION SOCIO-ÉCONOMIQUE
26Pour ne pas se contenter d’exemples monographiques, il faut mettre en rapport des sources hétérogènes qui ne sont pas toujours disponibles. Pour 1880/1881, nous connaissons non seulement les effectifs journaliers des voyageurs au départ des gares ainsi que la population des communes correspondantes, mais aussi le montant des loyers d’habitation et la part des cotes mobilières non couplées à une cote personnelle [28], pour 95 communes desservies par le chemin de fer. De la confrontation de ces données plusieurs éléments apparaissent.
27D’une part, le trafic de voyageurs dépend pour partie de l’importance des maisons de campagne de la commune. Le coefficient de corrélation entre le poids des voyageurs dans la population totale [29] et la part des cotes mobilières seules est positif (0,64). Par ailleurs, lorsque l’effectif journalier de voyageurs représente plus de 15 % de la population communale, la part des cotes mobilières seules est en moyenne de 15,6 %. En revanche, quand il est inférieur à 15 %, la part des cotes mobilières tombe à 6 % seulement. Quand les cotes mobilières sont supérieures à 10 %, la part des voyageurs est de 20 % en moyenne; en-dessous, elle n’est que de 9%. Tous ces chiffres convergent. Une bonne partie des mobilités est ainsi liée aux loisirs et à la villégiature bourgeoise.
28D’autre part, il existe un rapport entre le trafic journalier et le loyer moyen par habitant. Si l’on exclut des calculs Le Vésinet, Chatou et Versailles qui faussent quelque peu les données, le coefficient de corrélation entre ces variables est de 0,63. Autrement dit, l’importance du trafic journalier et la valeur du parc immobilier sont liées, valeur qui reflète les maisons de campagnes bourgeoises ou le caractère privilégié de la commune.
29Il y a des déterminants socio-économiques dans la mobilité de banlieue. Pour vingt communes de Seine-et-Oise, nous disposons des données issues du recensement de 1881. Le calcul du coefficient de corrélation entre la part des voyageurs journaliers dans la population et le poids des catégories professionnelles est à nouveau intéressant : s’il est nul pour les ouvriers, les patrons du commerce ou les rentiers, et peu significatif pour les employés, sans être très fort il est positif pour les professions libérales (0,52) et les domestiques (0,62). À côté de la villégiature, les caractères socio-écono-miques de la population expliquent donc pour partie l’importance de la mobilité. Ainsi, les communes aisées où les catégories supérieures actives sont nombreuses ont-elles des habitants qui empruntent davantage les transports collectifs. À l’inverse, lorsque les ouvriers ou les inactifs sont importants, le trafic journalier l’est moins.
30Les combinaisons entre ces paramètres aboutissent à des situations variées qui expliquent l’inégale distribution du trafic que nous avons rencontrée. Alors que la population des gares situées dans le sud-est représentent en 1880 14 % de la population totale de notre étude, elle fournit 24% du trafic. À l’inverse, le nord-est qui fournit 20 % de la population ne compte-t-il que pour 12 % du trafic. On retrouve ici l’opposition entre le nord-est ouvrier et industriel et le sud-est des bords de Marne plus tourné vers la résidence petit-bourgeoise, les plaisirs du dimanche et les maisons de campagne.
31À côté d’une mobilité de loisirs, très importante dans les environs de Paris à cette époque, des mobilités de travail apparaissent donc. En fin de compte, c’est le poids variable de ces migrations quotidiennes qui se lit à travers ces mobilités différentielles ainsi que les modes de constitution et de fonctionnement différents en banlieue.
Du « villégiateur » au « commuter » ? Les migrations alternantes et la banlieue
MESURES
32Les historiens de la banlieue insistent en général sur la faiblesse des migrations journalières de travail dans l’agglomération parisienne avant la première guerre mondiale. Selon Jean-Paul Brunet, « les déplacements réguliers et notamment les déplacements professionnels journaliers restaient rares » [30]. À l’appui, le faible nombre d’actifs habitant dans le département de la Seine ou de la Seine-et-Oise mais travaillant à Paris. 90 000 personnes pour 1901 et 100 000 pour 1906 [31]. Mais outre qu’il s’agit peut-être d’estimations minimales [32], peut-on véritablement considérer qu’il s’agit d’effectifs dérisoires ? Certes, ils semblent faibles comparés à ceux de l’entre-deux-guerres [33], mais ils n’en indiquent pas moins un mouvement réel. En 1901, ils représentent en effet 9% de la population de la Seine-banlieue, 6,3% de l’espace que nous avons considéré [34], soit 13 % des actifs, en considérant un taux d’activité de 50 %. Leur poids est donc loin d’être négligeable.
33Pour préciser l’ampleur et la géographie du phénomène, le principal problème à résoudre est celui des instruments de mesure. On considère généralement que le nombre des abonnements, quelle que soit leur nature, est une bonne estimation du nombre de « commuters ». En 1890, pour l’ensemble des gares de proche banlieue, les abonnés représentent en moyenne le tiers des voyageurs [35]. Mais la différence est grande entre les stations. Alors que les billets d’abonnés représentent près des deux tiers des billets à Saint-Cloud ou Puteaux, 50 % à Courbevoie, 30 % à Pantin ou 40 % à Saint-Denis, leur part est inférieure à 20 % à Fontenay-aux-Roses, Sceaux, Meudon ou Sèvres. Différents facteurs comme l’importance des migrations de loisirs et la composition sociale de la population contribuent en effet à renforcer ou limiter les migrations alternantes.
34S’il est impossible d’évaluer rigoureusement, pour l’ensemble des lignes, le poids des « commuters » dans la population locale, nous pouvons mesurer la part des abonnements dans la population de quelques communes de proche banlieue en 1890 (tableau 2) [36].
Part des abonnés et de l’ensemble des voyageurs dans la population communale en 1890
Part des abonnés et de l’ensemble des voyageurs dans la population communale en 1890
35Examinons de plus près ces chiffres. Quatre communes (Asnières, Saint-Mandé, Vincennes et Saint-Cloud) comptent plus de 5% de leurs habitants qui quittent en train chaque jour la commune pour aller travailler ailleurs, soit 14,5 % des actifs de Saint-Mandé, 11 % de ceux d’Asnières et 10 % de ceux de Vincennes [37]. Nous ne disposons pas de semblables données pour les tramways, mais il est certain que les voyageurs qui les empruntent augmentent sensiblement le nombre des migrants quotidiens. En supposant qu’il soit doublé, on aurait près de 20 % de « commuters » parmi les actifs.
36Ces chiffres non négligeables confirment ce que les témoignages de l’époque et les monographies locales nous affirment. À Neuilly-Plaisance, par exemple, « à côté des travailleurs qui restent dans la commune, il ne faut pas oublier que grand nombre d’ouvriers, d’employés de commerce et d’administration se rendent chaque jour à Paris » [38]. Sur une population active de 2 027 individus, estime l’instituteur, 78 personnes travaillent dans la Seine, 6 en Seine-et-Oise, et surtout 429 à Paris. Si l’immense majorité des actifs travaille ainsi dans la commune, 21 % d’entre eux se rendent chaque jour dans la capitale, et 4% dans d’autres communes de banlieue [39] : la part des « commuters » n’est pas dérisoire. À Houilles, elle est considérable. « Chaque jour 1 000 personnes vont à Paris et en reviennent : 500 abonnés, 200 employés, et 300 voyageurs ordinaires [40]. » Autrement dit, le tiers des habitants de la commune migre chaque jour pour travailler dans la capitale. Plus près de Paris, à Fontenay-sous-Bois, près de 20 % de la population se rend à Paris les jours ouvrables en 1901 [41].
37Dès 1890, les migrations alternantes forment ainsi une composante essentielle de la vie des populations de proche et parfois moyenne banlieue. À titre de comparaison internationale, considérons l’exemple bostonien, au moment où les migrations journalières de travail deviennent constitutives du développement suburbain de la ville. Entre 1840 et 1850, la part des « commuters » parmi les chefs de ménage de deux banlieues résidentielles, Cambridge et Somerville, passe de 7 à 19 %. En 1860, on peut estimer à environ 25 % la part des chefs de ménage qui se rendent chaque jour à Boston [42]. Si le nombre des commuters augmente considérablement par la suite, leur part dans la population ne sera jamais plus élevée, explique Binford. L’exemple du Westchester County, que l’on considère comme le dortoir aisé de New York, est également significatif. En 1955,20 % seulement des salariés de la région gagnent leur vie à New York [43]. C’est dire que le pourcentage trouvé pour la banlieue parisienne n’est pas si faible...
DES MIGRATIONS SÉLECTIVES
38Pour être dès 1890 bien présentes en banlieue, les migrations alternantes ne concernent pas toutes les communes ni tous les actifs. Nous avons montré qu’en 1880, pour vingt communes de Seine-et-Oise desservies par le chemin de fer, le trafic journalier dépendait surtout du poids de la villégiature mais aussi, dans une bien moindre mesure, des caractères sociaux de la population.
39Les migrations quotidiennes varient-elles en fonction des caractéristiques socioprofessionnelles de la population et de l’orientation socio-économique de la commune ? En croisant les données du tableau 2, le recensement de 1891 [44] et les données fiscales [45], plusieurs éléments de réponse apparaissent.
40Première conclusion, aucune corrélation n’apparaît entre abonnés et employés. En revanche, part des « patrons » et part des abonnés sont corrélées positivement (0,72) alors que la corrélation avec les ouvriers de l’industrie et des transports est négative (– 0,65). Ainsi, dans les communes où la part des ouvriers est supérieure à la moyenne des dix-huit communes considérées, les abonnés ne représentent que 1,4 % de la population; en-dessous, ils en forment le double. À l’inverse, si les « patrons » sont supérieurs à la moyenne, les abonnés sont deux fois et demie plus nombreux que lorsqu’ils sont inférieurs à la moyenne. Ces chiffres reflètent le caractère élitiste, à cette date, des transports ferroviaires, les abonnements ouvriers créés en 1883 étant d’un usage encore très limité.
41Cela dit, ce facteur socio-économique se conjugue à un autre paramètre, l’éloignement de la capitale. Dans les communes limitrophes, bien desservies par les tramways, le train n’est pas le seul moyen de se rendre à Paris. De fait, pour les sept communes limitrophes, le pourcentage moyen des abonnés du chemin de fer est faible (1,9 % et même 0,9 % si l’on exclut Saint-Mandé dont les 8,12 % font très nettement augmenter la moyenne) alors qu’il est de 2,9% pour les autres. De plus, quatre des sept communes ouvrières étant limitrophes de Paris, les facteurs se cumulent, les abonnés étant encore moins nombreux dans les communes ouvrières limitrophes.
42Dans les communes limitrophes, ne pas pouvoir prendre en considération la fréquentation des tramways nous conduit à sous-estimer l’importance des migrations alternantes; l’argument joue nettement moins, en revanche, dès que l’on s’éloigne de Paris. Là, le chemin de fer est souvent le moyen de transport le plus efficace pour se rendre dans la capitale.
43Au total, les communes « ouvrières » comptent en moyenne 1,3 % d’abonnés, les communes « mixtes » 2,2%, les communes « bourgeoises » 5,3 % [46]. Si l’on prend également en compte les résultats de notre étude de 1880, on peut affirmer que les migrations quotidiennes caractérisent principalement les communes qui comptent de nombreux actifs parmi les catégories supérieures et dans une moindre mesure les catégories moyennes.
44Le rôle des transports publics, et en particulier du chemin de fer, dépend ainsi des profils communaux. Alors qu’il marque les villégiatures bourgeoises et les communes résidentielles de son empreinte, et qu’il contribue à leur peuplement, le chemin de fer est moins déterminant, à cette date, dans la banlieue ouvrière et industrielle.
45Très sensible à partir des années 1880, l’industrialisation contribue à attirer une population ouvrière qui s’installe à proximité des sources d’emploi et utilise d’autant moins les transports en commun que les tarifs, tant des tramways que des chemins de fer, lui sont inaccessibles jusqu’à la fin du siècle. L’importance du travail à domicile rend d’ailleurs souvent inutiles les déplacements de travail. On songe à l’ouvrier cordonnier de Malakoff, décrit dans une monographie de Le Play en 1878, qui a besoin d’aller chercher des fournitures pour les chaussures qu’il fabrique à son domicile, une seule fois par semaine. Ou, dès 1857, à ce tisseur en châles, chef d’atelier à Gentilly. Plus loin, dans le lotissement de Franceville, à Montfermeil, le travail à domicile des ouvriers est un moteur du peuplement [47]. Les travaux d’Alain Faure ont également montré que l’usine « fixe ou recrute son personnel dans un périmètre restreint [48] ». La longueur des journées de travail, à côté du coût des transports, n’incite pas à s’éloigner du lieu de travail ou des grands centres d’embauche. On le vérifie aisément en 1891 : la part des valeurs locatives des locaux industriels ou commerciaux sur le montant total des valeurs locatives, et la part des ouvriers parmi les actifs sont fortement corrélés (0,81 ). Là où l’activité économique est importante, la population ouvrière l’est aussi [49].
46En 1890, les migrations de travail forment donc une part importante de la mobilité au sein de l’agglomération, tout en étant limitées aux catégories aisées et aux communes résidentielles. Il s’agit là d’une époque charnière dans l’histoire des migrations de travail. Les débuts d’une tarification sociale et l’amélioration de la desserte ferroviaire et des tramways amplifient la mobilité au tournant du siècle. La difficile création des abonnements ouvriers en 1883, leur extension progressive et leur ouverture aux « employés » contribuent tardivement à démocratiser l’usage du rail, engendrant dans la décennie qui précède la guerre une forte croissance du trafic et des migrations pendulaires. Ainsi, les abonnés du réseau nord, majoritairement ouvriers, représentent-ils 7% des voyageurs en 1883 mais 37 % en 1910 [50]. Ainsi s’explique sans doute largement la croissance démographique et ferroviaire du nord-est de Paris au tournant du siècle. Sur la ligne de Vincennes, la part des abonnements stagne entre 3 et 5% entre 1860 et 1880. Les migrations alternantes commencent à augmenter sensiblement après l’introduction des abonnements ouvriers, et la croissance s’accélère à partir de 1895, avant même l’extension aux petits employés des abonnements hebdomadaires en 1899 [51]. En 1913, elles représentent 31,6 % du trafic.
APPROCHES LOCALES
47Si les migrations alternantes concernent, avant la démocratisation des transports, essentiellement les populations aisées, dans quelle mesure expliquent-elles la croissance des communes résidentielles ? Deux exemples monographiques permettront d’éclairer certains aspects du problème. Changeons donc de point de vue en nous tournant non plus vers des voyageurs mais vers deux quartiers et leurs habitants.
48Le Parc Laffitte, à Maisons-Laffitte, villégiature mondaine prisée sous le Second Empire, nous fournit l’exemple d’un espace qui se transforme très progressivement en quartier résidentiel tandis que la liaison ferroviaire avec la capitale se densifie. Aux belles heures de la villégiature, le train permet aux hommes de se rendre quotidiennement dans la capitale tandis que femmes et enfants sont confortablement installés pour l’été dans leur maison [52]. Mais la villégiature, plus que les migrations de travail, contribue au peuplement de la commune, en suscitant l’installation d’ouvriers et d’artisans du bâtiment et de l’habillement, de commerçants, de domestiques, qui trouvent du travail sur place.
49Retraite campagnarde pour riches oisifs dans les deux premiers tiers du siècle, le Parc se transforme lentement en lieu de résidence pour des « bourgeois » actifs. Les délibérations du conseil municipal témoignent de cette mutation : il faut attendre 1878 pour que le conseil mette les relations ferroviaires avec la capitale à l’ordre du jour. Ce que l’on réclame alors, c’est le maintien toute l’année du train qui part de Paris à 6 heures 05, car en hiver, après le train de 5 heures 25, il faut attendre 7 heures 10 pour rentrer dans la commune. Cela « donnerait satisfaction à un grand nombre de personnes voyageant journellement tout en étant un avantage pour la Compagnie qui retiendrait ainsi un certain nombre de personnes qui rentrent à Paris l’hiver par suite de manque de trains vers 6 heures » [53]. En dénonçant l’insuffisance de la desserte ferroviaire, cette délibération révèle l’accroissement des liens de travail entre la commune et la capitale. À partir des années 1880, le conseil se préoccupe souvent de l’intensification du service ferroviaire et de l’aménagement des horaires des trains. Il ne s’inquiète pas, en revanche, des tarifs : les actifs concernés par ces migrations quotidiennes appartiennent aux catégories supérieures. L’apparition du chemin de fer dans les délibérations est parallèle à l’intensification des relations avec la capitale [54] et à l’accélération de la croissance démographique à partir des années 1890.
50À Neuilly, limitrophe de Paris, la question du chemin de fer ne se pose pas. La commune est bien desservie d’abord par les omnibus, puis, à partir des années 1870, par plusieurs lignes de tramways. Archétype du lotissement résidentiel bourgeois, le Parc, ancien domaine des Orléans loti dans les années 1850, fournit donc un terrain d’observation privilégié des mobilités de travail. Précisons d’abord la composition socioprofessionnelle de la population en 1911, parce qu’elle peut surprendre. Très élitiste, le Parc comprend néanmoins une forte population de « travailleurs manuels ». Ouvriers, artisans et manœuvres représentent 30 % des actifs masculin, devant les catégories supérieures actives ou inactives (environ le quart des actifs) et devant les catégories intermédiaires salariées (23%). Mais ne nous trompons pas, malgré cette présence populaire, le Parc est un quartier privilégié : le quart des ménages emploient un ou plusieurs domestiques, la domesticité représentant 13 % de la population totale.
51Où cette population active trouvait-elle de quoi gagner son pain quotidien ? En d’autres termes, les actifs résidant dans le Parc de Neuilly migraient-ils vers Paris, ou bien travaillaient-ils à proximité de leur résidence ? Les éléments de réponse à cette question se trouvent dans les listes nominatives de 1911 où une ligne est consacrée au lieu de travail.
Lieu de travail des habitants du Parc de Neuilly (1911 )
Lieu de travail des habitants du Parc de Neuilly (1911 )
52Si l’on exclut des calculs les inactifs pour qui la question n’a pas de sens, 61 % des chefs de ménage travaillent à Neuilly, 28% à Paris et 11 % dans le reste de la banlieue. À supposer que les 49,6% de chefs de ménage pour qui l’étude est possible soient représentatifs de l’ensemble du groupe, la tendance est très claire. Lorsque l’on réside dans le Parc, on exerce son activité professionnelle à proximité. Ce pourcentage d’ensemble dissimule mal, cependant, la grande hétérogénéité entre les groupes. La qualité des réponses est d’une part fort variable : nous connaissons avec certitude le lieu de travail de 82 % des commerçants mais de 36,7 % seulement des « cadres » supérieurs.
53C’est le contraste entre certains groupes qui est le plus sensible. Que les jardiniers soient 85,4 % à travailler à Neuilly paraît naturel. Les commerçants, les manœuvres et journaliers, le personnel de service quittaient également peu Neuilly. Que les entrepreneurs et industriels, dont nous connaissons très bien le lieu de travail, exercent leur activité à Neuilly (82 %) peut en revanche surprendre. Certes, la liste nominative recense, par exemple, nombre d’entrepreneurs de voitures, dont la clientèle est locale, mais on aurait pu penser que parmi les fabricants, certains dirigent une entreprise parisienne. En réalité, avant la capitale vient le reste de la banlieue, et pour les trois quarts de ceux qui travaillent en banlieue, LevalloisPerret, dont l’industrie est florissante, et qui fournit du travail à bon nombre d’ouvriers de Neuilly. Les entreprises de Levallois-Perret sont très proches du Parc de Neuilly, et il est facile de gagner à pied, chaque matin, son atelier. Ainsi, dans leur grande majorité, les ouvriers travaillent près de leur domicile, sinon à leur domicile.
54L’enracinement local des négociants (95%) est un autre indice que la vocation résidentielle est compatible avec certaines activités économiques. On recensait notamment dans le Parc plusieurs manufactures de tapisserie, l’une d’entre elles, ouverte en 1865 employant une centaine d’ouvriers. Les listes de la patente mettent en évidence l’importance du travail au cœur même du lotissement : on y trouve pêle-mêle un entrepreneur de fiacres, un atelier de peintre en bâtiment, un dépôt de marchand de fleurs, un atelier de charronnage et un chantier de maçonnerie. Des photos prises pendant la première guerre mondiale montrent par ailleurs que des hangars ou des ateliers étaient fréquemment construits dans la zone non aedificandi.
55Si le travail local est prédominant, le Parc est un univers résidentiel qui a des liens avec Paris. 28% des chefs de ménage se rendent en effet chaque matin pour des motifs professionnels dans la capitale. Pour certaines catégories professionnelles, employés et « cadres » moyens en particulier, les migrations quotidiennes vers Paris sont même la règle.
56Maisons-Laffitte et Neuilly présentent ainsi deux visages différents de la place des transports et des migrations de travail dans les banlieues résidentielles. À Maisons-Laffitte, en raison de l’éloignement de la capitale, le chemin de fer a joué un rôle déterminant, d’abord pour amener les villégiateurs, puis pour permettre à une partie des actifs, catégories socio-professionnelles supérieures, de se rendre dans la capitale chaque jour. À Neuilly, la situation est plus complexe. Alors que la commune est très bien reliée à la capitale et que le métro est à sa porte dès le début du XXe siècle, moins du tiers des actifs du Parc s’y rend quotidiennement. Le Parc n’est pas un « dortoir » doré de la capitale.
57En désenclavant des zones rurales jusque-là isolées, le chemin de fer a contribué à étendre l’influence de la capitale et à favoriser non seulement les migrations de loisirs mais aussi le peuplement de communes largement rurales. D’un coût élevé, il n’est pas, pendant la majeure partie du siècle, à la portée de toutes les bourses, et les mouvements de voyageurs sont plus importants dans les communes aisées. En 1890, l’essor considérable des migrations alternantes, lié à la démocratisation des transports au tournant du siècle et à la croissance des lotissements populaires, est encore à venir. Elles sont néanmoins significatives même si elles concernent avant tout les catégories privilégiées. Alors qu’elles stimulent la croissance des communes à vocation résidentielle, elles sont très discrètes dans les communes industrielles où s’installent les ouvriers. La fonction résidentielle favorise davantage la mobilité de la population que la fonction industrielle qui fixe ses actifs. L’exemple de Neuilly a cependant montré les limites de ce modèle : la diversité du peuplement se traduit en effet par des mobilités différentielles à l’intérieur même des communes et au sein même des grands groupes socioprofessionnels.
Notes
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[1]
M. Daumas (sous la direction de), Analyse historique de l’évolution des transports en commun dans la région parisienne de 1855 à 1939, Paris, Centre de Documentation d’Histoire des Techniques, CNAM, EHESS, 1977 ; C. Fontanon, Mobilité de la population et transformations de l’espace urbain : le rôle des transports en commun dans la région parisienne 1855-1939, thèse de 3e cycle, EHESS, 1980; et D. Larroque, Les transports en commun dans la région parisienne; enjeux politiques et financiers (1855-1939), thèse de 3e cycle, EHESS, 1980.
-
[2]
Jean Bastié, La croissance de la banlieue parisienne, Paris, PUF, 1964, p. 105.
-
[3]
D. Larroque, M. Margairaz, P. Zembri, Paris et ses transports, XIXe - XXe siècle. Deux siècles de décisions pour la ville et sa région, Paris, É ditions Recherches, 2002, p. 21.
-
[4]
J.R. Kellett, The Impact of Railways on Victorian Cities, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1969.
-
[5]
S. Bass Warner Jr., Streetcar Suburbs. The Process of Growth in Boston, 1870-1900, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1962.
-
[6]
Pour une vue générale, voir les ouvrages cités dans les notes 1 et 2.
-
[7]
J.-L. Varlet, Houilles : du monde rural à la banlieue, 1820-1914, mémoire de maîtrise, Université de Paris X, 1977, p. 39-40.
-
[8]
A. Faure, « À l’aube des transports de masse. L’exemple des ‘‘trains ouvriers’’ de la banlieue de Paris (1883-1914) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 40-2, avril-juin 1993, p. 228-255.
-
[9]
Voir notamment notre article « Les Parisiens « aux champs ». Banlieue et loisir au XIXe siècle », Villes, histoire et culture, URA CNRS 1010, no 2/3, juin 1997.
-
[10]
E. Zola, « Aux champs. La banlieue », paru en 1878 dans Le Messager de l’Europe.
-
[11]
B. Simonin, Du chemin de fer de Vincennes au métro express régional, mémoire de maîtrise, Faculté des Sciences humaines de Dijon, 1972, p. 22-24.
-
[12]
Ainsi le Voyage pittoresque sur le chemin de fer de Paris à Saint-Cloud et Versailles, Versailles, imp. de M. Fossone, 1839.
-
[13]
Voir notre article « Le lotissement du Parc de Saint-Maur (1859-1911 ) », dans A. Fourcaut (sous la direction de), La ville divisée. Les ségrégations urbaines en question, France XVIIIe - XXe siècles, Grâne, Créaphis, 1996.
-
[14]
F. Beaucire, « Les transports collectifs devant l’extension des banlieues et l’essor de la mobilité citadine », dans A. Fourcaut (sous la direction de), Un Siècle de banlieue parisienne (1859-1964). Guide de recherches, Paris, L’Harmattan, 1988, p. 86.
-
[15]
M. Daumas (sous la direction de), op. cit., p. 297-302.
-
[16]
F. Beaucire, op. cit., p. 87.
-
[17]
Album de statistiques graphiques, Paris, 1882. Lignes de Saint-Cloud-Louvres, Sèvres-Louvres et Boulogne-gare d’Auteuil exclues du comptage.
-
[18]
Préfecture de la Seine, Monographies des services départementaux, Paris, 1906, p. 466-469.
-
[19]
Annuaire statistique de la Ville de Paris..., pour l’année 1913. Le calcul exclut les lignes dont on ne précise pas le trafic extra-muros.
-
[20]
Il manque le trafic détaillé des lignes de Sceaux/Limours et de la section banlieue du Paris-Orléans et du Paris-Lyon. Pour la Compagnie des chemins de fer de l’Est, Rapport présenté par le Conseil d’administration; rapport de la commission de vérification des comptes, résolutions de l’assemblée, Paris, année x + 1. Pour la Compagnie des chemins de fer du Nord, Rapports du Conseil d’administration à l’Assemblée générale des actionnaires, la série cesse de détailler le trafic des lignes à partir de 1904.
-
[21]
Paris – Versailles RD et RG, Paris – Argenteuil, Paris – Saint-Germain, Paris – Brie-Comte-Robert, Paris – Creil, Paris – Sceaux et Limours, É tang-la-Ville – Saint-Cloud et Bondy – Aulnay. Les données proviennent des Statistiques des chemins de fer français... Documents divers; première partie France intérêt général, Publication du Ministère des Travaux Publics.
-
[22]
Le trafic de la ligne Paris – Saint-Germain augmente ainsi de 176 % entre 1905 et 1913, celui de Paris – Versailles RG de 140 %.
-
[23]
A. Joanne, Les environs de Paris illustrés. Itinéraire descriptif et historique, Paris, Hachette, 1856, p. 315.
-
[24]
A. Martin, Les É tapes d’un touriste en France. Tout autour de Paris, Paris, Hennuyer éditeur, 1890, p. 37.
-
[25]
Nous avons utilisé le nombre des voyageurs expédiés par chaque gare de banlieue disponible dans certains rapports aux assemblées générales des actionnaires des compagnies ferroviaires. Cf. note 20 pour les sources précises.
-
[26]
Pour 1900, seules les communes desservies par les compagnies des chemins de fer du Nord et de l’Est sont considérées, et pour 1910, par la compagnie des chemins de fer de l’Est.
-
[27]
Entre 1880 et 1910.
-
[28]
D’après l’É tat du montant des rôles pour l’année 1881, Archives départementales des Yvelines (AD Yvelines). Sur l’utilisation des sources fiscales, nous renvoyons à l’annexe méthodologique 1 de notre thèse, Aux origines de la banlieue résidentielle : la villégiature parisienne au XIXe siècle, Université de Tours, 1998, p. 530. Rappelons que la contribution mobilière était due pour toute habitation meublée et la taxe personnelle au domicile principal seulement. Schématiquement, une cote mobilière non couplée à une cote personnelle correspondait à une résidence secondaire. La part des cotes mobilières seules (non couplées) dans le total des cotes mobilières d’une commune permet donc de mesurer l’importance des logements ou résidences secondaires.
-
[29]
Trafic journalier / population totale.
-
[30]
J.-P. Brunet, « Constitution d’un espace urbain : Paris et sa banlieue de la fin du XIXe siècle à 1940 », Annales ESC, mai-juin 1985, no 3, p. 642-643.
-
[31]
Résultats statistiques du recensement..., 1901, t. 1, p. XIV, 1906, t. 2, p. 5.
-
[32]
La Préfecture de Police estime en 1909 à 305 269 le nombre de personnes entrant chaque matin (avant 10 heures) dans la capitale (cité par A. Faure, « Les déplacements de travail entre Paris et sa banlieue (1880-1914) : première approche », Villes en Parallèle, La ville fragmentée, no 14, juin 1989, p. 43.
-
[33]
J.-P. Brunet évoque 571 000 migrants journaliers pour 1931.
-
[34]
Qui embrasse largement la zone susceptible d’héberger des migrants quotidiens.
-
[35]
C. Fontanon, op. cit., tableau 1 : « Mouvement des voyageurs entre Paris et les gares de proche banlieue », p. 82-83, d’après les données de A. Martin, op. cit., p. 409.
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[36]
Nous utilisons les chiffres d’A. Martin fournis par C. Fontanon.
-
[37]
Nous considérons les effectifs réels d’actifs issus du recensement de 1891.
-
[38]
Monographie communale de Neuilly-Plaisance, AD Yvelines, 2 Mi 124 T.
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[39]
Ces actifs transhumants représentent 11 % de la population totale.
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[40]
Monographie de 1899, cité par J.-L. Varlet, Houilles : du monde rural à la banlieue, 1820-1914, mémoire de maîtrise, Université de Paris X, 1977, p. 47.
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[41]
J.-M. Rivière, Fontenay-sous-Bois de 1870 à 1900, mémoire de maîtrise, Université de Paris IV, 1977, p. 30.
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[42]
H. C. Binford, The First Suburbs : Residential Communities on the Boston Periphery, 1815 to 1860, Chicago, Chicago University Press, 1985, p. 136.
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[43]
R. F. Crandell, This is Westchester. A Study of Suburban Living, New York, Sterling Publishing Co., 1954, p. 51.
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[44]
Nous allons prendre ici en compte la part des ouvriers, des employés et des « patrons » (industrie, commerce, « rentiers », professions libérales) dans l’ensemble des actifs (force publique exclue).
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[45]
Nous considérons pour 1891 la part des cotes mobilières seules et pour 1901 la répartition des valeurs locatives entre commerce et habitation.
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[46]
Pour une analyse des critères utilisés dans cette classification, voir notre thèse, op. cit., p. 248-252.
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[47]
A. Faure, « Villégiature populaire et peuplement des banlieues à la fin du XIXe siècle », La terre et la cité. Mélanges offerts à Philippe Vigier, Grâne, Créaphis, 1995, p. 167-194.
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[48]
A. Faure, « Paris, le peuple, la banlieue », dans Les premiers banlieusards. Aux origines des banlieues de Paris (1860-1940), Paris, Créaphis, 1991, p. 104.
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[49]
Au contraire, la corrélation est de – 0,75 entre les valeurs locatives économiques et la part des « patrons ». On a bien là séparation entre le domicile et le lieu de travail.
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[50]
F. Caron, Histoire de l’exploitation d’un grand réseau. La Compagnie du chemin de fer du Nord 1846-1937, Paris, La Haye, Mouton, 1973, p. 418.
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[51]
B. Simonin, op. cit., document 13.
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[52]
Voir les « Souvenirs d’enfance, Maisons-Laffitte 1891-1892 », de Roger Martin du Gard.
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[53]
Archives municipales de Maisons-Laffitte, délibérations du conseil municipal, 19 novembre 1878.
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[54]
Le tramway relie aussi la commune à Neuilly.