Notes
-
[1]
Camillo Sitte, L’Art de bâtir les villes. L’urbanisme selon ses fondements artistiques, Paris, Seuil, 1996 [1re éd., Vienne, 1889], p. 55-87.
-
[2]
Jean-Charles Moreux, « Les places de cathédrales et leurs abords », L’Architecture Française, no 21-22, juillet-août 1942, p. 3-50. Michel Chevalier, La France des cathédrales du IVe au XXe siècles, Rennes, Ouest-France, 1997.
-
[3]
Marcel Poëte, Une Vie de cité. Paris de sa naissance à nos jours. Album..., Paris, Picard, 1925, p. 467,474,489.
-
[4]
Romain Roussel, La Cathédrale dans la cité, Paris, A. Bonne, 1967. Sur la vie religieuse des quartiers bordelais : Marie Andrieu, Les Paroisses et la vie religieuse à Bordeaux de 1680 à 1789, thèse de l’Université de Bordeaux III, 1973. Sur la chrétienté bordelaise au XIXe siècle : Louis Desgraves et Georges Dupeux (sous la direction de), Bordeaux au XIXe siècle, Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest, 1969, p. 109-145, (t. VI de l’Histoire de Bordeaux sous la direction de Charles Higounet).
-
[5]
Bruno Fayolle-Lussac, « La cathédrale dans la cité, histoire d’une mise à l’écart », dans Philippe Araguas, Jean-Pierre Duplantier, Bruno Fayolle-Lussac, Jacques Palard, La Cathédrale inachevée : Saint-André de Bordeaux, Bordeaux, Confluences, 1998, p. 16-33. Jacques d’Welles, Le Palais Rohan, Hôtel de ville de Bordeaux, Bordeaux, Delmas, 1954.
-
[6]
Robert Coustet, Marc Saboya, Bordeaux : Le temps de l’histoire : Architecture et urbanisme au XIXe siècle (1800-1914), Bordeaux, Mollat, 1999, p. 135,144,233.
-
[7]
Ibid., p. 175-187 (églises Sainte-Croix, Saint-Michel, Saint-Pierre et Saint-Seurin); p. 178-179 (sacristies de Saint-André); p. 79-96, (sur les prémices du goût néo-médiéval, avec les architectes Combes et Poitevin).
-
[8]
Les « pèlerinages » architecturaux de Durtal, à Chartres, en sont une illustration tardive. Joris Karl Huysmans, La Cathédrale, Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, 1986 [1re éd., Stock, 1898].
-
[9]
Paul Abadie est une figure marquante de cette vogue, à Bordeaux et dans le Sud-Ouest. Voir Claude Laroche, Paul Abadie Architecte (1812-1884), Unité Pédagogique d’Architecture de Bordeaux, 1979; La Cathédrale Saint-André de Bordeaux, du cloître aux nouvelles sacristies, Paul Abadie, architecte (1812-1884), Paris, 1988, p. 150-159. Sur les relations de cet architecte avec le Culte et le cardinal Donnet : Jean-Michel Leniaud, Les Cathédrales du XIXe siècle. É tude du service des édifices diocésains, Paris, Economica, 1993.
-
[10]
Paul Léon, La Vie des monuments français, destruction, restauration, Paris, Picard, 1951.
-
[11]
Abbé Sabatier, Quelques considérations sur la construction, la réparation et l’ameublement des églises, Bordeaux, J. Dupuy, 1868, p. 35-36, extrait de l’Almanach de l’archéologue français.
-
[12]
Ibid., p. 35.
-
[13]
Ibid., p. 37.
-
[14]
Louis Réau, Histoire du vandalisme. Les monuments détruits de l’art français, Paris, R. Laffont, 1994, [1re éd. 1958]. L’auteur insiste sur la défiguration du portail de Sainte-Croix sous le Second Empire, p. 765, et sur les mutilations de Saint-André, dès l’Ancien Régime, p. 155, 466,590. Voir aussi Montalembert, Du Vandalisme en France. Lettre à M. Victor Hugo dans Œuvres de M. le comte de Montalembert, Art et Littérature, t. 6,1861, p. 7-77.
-
[15]
On nomme « cours », à Bordeaux, les boulevards qui ceignent le territoire urbain depuis le XVIIIe siècle. Cette dénomination est conservée pour certaines percées bordelaises du XIXe siècle. Avant 1871, le cours d’Alsace-et-Lorraine s’appelait rue de la Vallée-du-Peugue, puis rue du Peugue, du nom du ruisseau situé sur son passage.
-
[16]
Bulletin des lois, 4e série, t. 7, Paris, imprimerie Impériale, 1808, p. 126-141, loi relative au dessèchement des marais.
-
[17]
Archives Municipales de Bordeaux (AMB), 11 O 4, arrêté municipal du 25 janvier 1809.
-
[18]
[Pierre Emmanuel] Pierrugues, Mémoire explicatif des projets d’alignement et d’embellissement proposés pour la ville de Bordeaux en exécution de la loi du 11 [sic] Septembre 1807, avec quelques vues générales sur l’art de bâtir les villes..., Bordeaux, Racle, 1815, p. 23,91,93,96-97.
-
[19]
AMB, 89 O 1, lettre de [Vernuy] au maire, 5 mai 1860 : « L’Empereur Napoléon 1er regrettait de ne pouvoir, du seuil du Palais Municipal, apercevoir la Garonne apportant au cœur de Bordeaux le commerce et la richesse. »
-
[20]
AMB, 11 O 4, rapport manuscrit de la commission d’examen du plan de la ville, 7 avril 1813.
-
[21]
AMB, 11 O 5, Délibérations de la commission des travaux publics chargée par le conseil municipal de l’examen du plan général proposé pour la ville de Bordeaux, Bordeaux, Racle, 1822.
-
[22]
Rapport du préfet au conseil général, 1822, cité par l’abbé Jacques Moulard, Le Comte Camille de Tournon, Préfet de la Gironde 1815-1822, Paris, É douard Champion, 1914, p. 347-348.
-
[23]
C’est la personne chargée d’étudier et de vérifier l’alignement des constructions nouvelles.
-
[24]
AMB, 12 D 18, délibérations du conseil municipal, séance du 26 avril 1837.
-
[25]
Camille Jullian, Histoire de Bordeaux depuis ses origines jusqu’en 1895, Bordeaux, De la Tour de Gile, 1992, [1re éd. 1895], p. 759 et suivantes, note justement que Bordeaux n’avait pas besoin de grands boulevards et n’engagea pas d’importantes réformes de voirie, à cette époque, car la ville ne craignait pas les émeutes ouvrières.
-
[26]
AMB, 12 D 15, séance du 26 mars 1833,12 D 17, séance du 26 septembre 1836. Lors de la publication du plan, É lie Miailhe (propriétaire) s’y opposa à nouveau.
-
[27]
Archives Départementales de la Gironde, 3 O 21, ministre de l’Intérieur au préfet de la Gironde, 5 mars 1844.
-
[28]
ADG, 3 O 21, rapports des enquêtes publiques des 23-25 mars et 22-24 mai 1843 ; affaire De Rieunègre; décret du président de la République du 23 janvier 1851 relatif au plan général d’alignement de la ville de Bordeaux, article 3.
-
[29]
AMB, 12 D 30, séance du 4 juin 1849.
-
[30]
ADG, 3 O 21, Rabanis (président de la commission des monuments historiques) à la ville de Bordeaux, 8 avril 1843 et non daté; Danjoy, architecte diocésain, au ministre de l’Instruction publique et des Cultes, 11 novembre 1856 (destruction du cloître) et délibération du conseil municipal du 19 août 1856 (isolement du clocher).
-
[31]
Louis Desgraves et Georges Dupeux (sous la direction de), Bordeaux au XIXe siècle..., op. cit., p. 226-238.
-
[32]
AMB, 89 O 1. La commission chargée par le maire Pierre Castéja d’étudier ce projet, le 14 avril 1860, était, entre autres, composée des architectes Charles Burguet, Adolphe Thiac, Henry Duphot et des ingénieurs Louis Lancelin et Paul Courau. Deux rapports furent produits, le premier le 25 août 1860, le second, du 20 avril 1861, confirmait le maintien du tracé au nord de la place.
-
[33]
AMB, 64 O 7 à 9, expropriations du cours d’Alsace-et-Lorraine, et 401 O 73, égouts, pour le récit de cette énorme affaire.
-
[34]
AMB, 174 O 1, square Pey-Berland, formation et agrandissement, Abadie, architecte des Cultes, à Lancelin, directeur des travaux publics de Bordeaux, 28 août 1865.
-
[35]
AMB, 64 O 228, expropriations place Pey-Berland. En 1865, on note treize traités amiables sur trente-et-une affaires au sud de la place; en 1869, deux sur vingt-quatre concernent l’angle nord-est.
-
[36]
Georges Talbot, « L’église Saint-André », Le Diable boiteux, no 56,4-11 juin 1865.
-
[37]
AMB, 12 D 18, séance du 26 avril 1837.
-
[38]
ADG, 3 O 21, acquisition de six maisons de la rue Montbazon entre 1845 et 1849, acquisition de deux maisons, rue de l’Archevêché, les 3 août et 25 novembre 1867. Dans la délibération du 17 août 1883, quatre maisons de cette dernière rue appartiennent à la Ville mais deux propriétaires s’obstinent à refuser les offres municipales.
-
[39]
AMB, 64 O 138, expropriations place de l’Hôtel-de-Ville, rapport A. Daney (conseiller municipal) dans la délibération du 31 août 1875.
-
[40]
AMB, 174 O 1, G.-H. Brochon, maire de Bordeaux, au cardinal Donnet, 4 septembre 1865.
-
[41]
AMB, 13 D 78, annexes à la délibération du conseil municipal du 17 mars 1873, A. Daney, adjoint aux travaux publics, au cardinal Donnet.
-
[42]
Louis Hautecoeur, « Les places de cathédrales et leurs abords », op. cit., préface, p. 2.
-
[43]
Louis Desgraves, Voyageurs à Bordeaux du dix-septième siècle à 1914, Bordeaux, Mollat, 1991, p. 123-127.
1La place qu’occupe une cathédrale dans une ville en termes de repré- sociale ou symbolique peut se mesurer à partir de l’espace public qui l’environne. Depuis le Moyen Âge, les cathédrales sont étroitement liées au tissu urbain. Dans les villes gothiques d’Europe du nord, certaines paraissaient isolées mais les maisons avançaient toujours très près d’elles et s’adossaient à la nef et à l’abside, offrant un accès humble et discret aux lieux de prière [1]. Dans les villes de la Renaissance italienne, les architectes ne construisaient jamais d’églises isolées sur des places, ils disposaient leur façade principale en fonction d’un point de vue remarquable, dans l’axe d’une rue monumentale, ou bien ils aménageaient des parvis, des placettes, dans un angle, et parfois sur un côté seulement de l’édifice. Ce souci d’une monumentalité discrète fit long feu. Dès le milieu du XIXe siècle et dans la plupart des villes françaises, les municipalités dégagèrent leur cathédrale des constructions qui les entouraient afin de les mettre en valeur [2]. Leur isolement au milieu de vastes places et de squares devint alors une mode [3]. Cette disposition, qui paraît banale aujourd’hui, a remis en cause la fonction et l’esthétique des édifices religieux dans l’espace urbain. Ce fut le cas à Bordeaux.
2Avant son dégagement, la cathédrale Saint-André était implantée dans un angle de la cité romaine, elle tournait le dos aux quartiers commerçants du fleuve. Son cloître, accolé au flanc sud, était séparé de la rue du Peugue par une bande de maisons. Son clocher, exclu du vaisseau principal à cause d’un sol marécageux, marquait un côté de la place Saint-André, bordée de maisons, d’échoppes et de tanneries. Cinq petites places entouraient l’édifice, sans effet monumental, au devant des portails, de l’abside et du palais archiépiscopal attenant. L’église, son clocher, sa fabrique, son hôpital, son petit cimetière et quelques chapelles faisaient corps avec la ville, au rythme des processions des chanoines et des fêtes religieuses [4].
3La valeur symbolique de la cathédrale dans la cité change au XIXe siècle, la religion n’y a plus la même place. É lément fédérateur et fondamental de l’organisation sociale, la religion n’est plus alors qu’une composante d’une société de plus en plus laïque et libérale. Par conséquent, sa représentation urbaine bascule. L’édifice qui en est le symbole devient un monument parmi d’autres, un objet qu’il faut mettre en valeur. À Bordeaux, la programmation du dégagement de la cathédrale remonte au premier Empire mais les travaux débutèrent au second Empire lorsque ce quartier devint le nouveau centre de la ville. Le goût pour les monuments de l’époque médiévale, survivance de la foi ancienne et manifestation d’une croyance nouvelle, favorisa bien des restaurations et des destructions, mais ce furent surtout les travaux de voirie, motivés par des logiques urbanistique, économique et foncière nouvelles, qui permirent de créer une place qui modifia profondément l’esthétique et la symbolique de cet édifice. L’espace urbain de la cathédrale devint le lieu d’une spéculation qui n’eut plus grand chose à voir avec le sentiment religieux. De plus, cet espace monumental seulement régularisé à ses alentours prit la forme d’un carrefour plutôt que d’une véritable place. Une série d’opérations ponctuelles, négociées les unes après les autres, permit en effet d’isoler la cathédrale pour en faire un objet urbain au milieu d’un vaste espace public.
Les modalités d’une mise à l’écart
4La cathédrale de Bordeaux commença à se détacher de son environnement avec les travaux de construction et d’embellissement du palais archiépiscopal, à la fin du XVIIIe siècle [5]. La mairie fut installée dans ce palais, à côté du pouvoir religieux, en 1836. L’aménagement des abords de ces deux bâtiments devint dès lors indispensable pour leur offrir un accès digne de leur importance dans la cité. Les programmes d’équipements voyant le jour, la réorganisation de la ville autour de ses institutions laïques parut nécessaire. Le déplacement de la mairie entraîna la construction d’une caserne à proximité, sur les terrains de l’ancien hôpital, déplacé à quelques pas de là, près d’un nouveau palais de justice. La prison, la gendarmerie, la caisse d’épargne, la faculté de droit et le musée municipal furent installés dans le quartier [6]. La mode néo-médiévale encouragea des travaux dans les édifices religieux. Contrairement aux apparences, le classement du clocher de Saint-André au titre des monuments historiques, en 1848, puis celui de la cathédrale, en 1862, légitima destructions et restaurations comme dans d’autres églises bordelaises [7]. Le clocher de Saint-Michel, une grande église située au bord du fleuve, fut coiffé d’une flèche monumentale, ce qui relégua le clocher de Saint-André, appelé Pey-Berland, au second plan du paysage urbain. Les façades des petites églises de Sainte-Croix et de Saint-Pierre furent reconstruites tandis que le grand portail de Saint-André resta nu. Des architectes bâtirent de nombreuses églises nouvelles et aménagèrent aussi les anciennes, pastiches des constructions du Moyen Âge, pour leur donner l’unité stylistique qui leur manquait tant, pensaient-ils.
5Les amateurs d’art étaient toutefois partagés, comme la communauté religieuse. Les avis s’opposaient, entre ceux qui redécouvraient le sens du christianisme à travers l’architecture [8], les prélats bâtisseurs, les architectes diocésains [9], les municipalités soucieuses d’embellir et d’achever les monuments, quitte à perdre entièrement leur valeur spirituelle. Les défenseurs des travaux présentaient l’achèvement des cathédrales comme une œuvre sociale, fortifiant la pratique des devoirs religieux, les liens de la famille et de la société [10]. En revanche, pour quelques écrivains, abbés, artistes ou savants obscurs, une cathédrale dépourvue des dépendances qui faisaient le sens de sa situation dans la ville pouvait rapidement devenir un symbole sans âme s’il était trop isolé. La valeur symbolique des éléments architecturaux était elle-même mise en cause. La position du clocher, en avant de l’autel, ou à l’arrière, sur le flanc sud, répondait à des prescriptions liturgiques : il était inutile de le coiffer d’une flèche gigantesque. Cette mode était dénoncée par exemple par l’abbé Sabatier : « Il n’est si petite église de campagne qu’on ne veuille doter d’une tour plus ou moins monumentale; c’est là l’idéal. Je ne vois pas, pour ma part, ce qu’en gagne la dignité du culte, encore moins le bénéfice qu’en retire l’art [11]. » L’abbé n’était pas favorable à l’aménagement d’un square autour d’une église : « Il faudrait en conclure que l’ornement le plus complet de nos églises consisterait, avec un jardin des plantes et un aquarium, en des volières, une ménagerie etc. [12] » Ce genre de jardin allait à l’encontre du silence nécessaire aux abords d’une cathédrale. De toute manière, isoler une église n’avait aucun sens :
« Non, écrivait l’abbé, les églises ne doivent pas être isolées. [...] Avant d’être des monuments de l’art, les églises sont des lieux de recueillement, de prière, de calme, à la porte desquels tout le tumulte extérieur doit mourir. [...] Mais l’art n’exige nullement l’isolement des églises, au contraire. Placez au milieu d’une vaste place la cathédrale de Paris, de Rouen, ou celle de Reims, l’effet de la perspective sera de diminuer les hauteurs, de raccourcir les lignes de fuite, de changer l’échelle des proportions; l’édifice, malgré son immensité, sera chétif, mesquin, annihilé au milieu de cet océan d’air. Qu’il soit pressé, au contraire, dans un espace restreint, il gagnera en élévation et en grandeur. Ses dépendances naturelles, quelque multipliées qu’elles soient [...] serviront de comparaison à son avantage [13]. »
7Contrairement à ces recommandations, la destruction de l’hôpital de Saint-André et surtout celle du cloître furent des actes de vandalisme municipal particulièrement importants à Bordeaux [14]. Cependant, la destruction des propriétés privées ne doit pas être négligée car elle modifia beaucoup les proportions entre l’église et son environnement. Ces destructions furent engagées sur le principe de « l’alignement » des rues et des places, donc des propriétés privées. Les travaux débutèrent avec le percement de la rue Pélegrin, ou Pellegrin (du Commandant-Arnould), dans l’axe du portail sud, à la fin de la Monarchie de Juillet. Le percement des rues Duffour-Dubergier, au sud de l’abside, et Vital-Carles, devant le portail nord, était presque achevé au début du second Empire. Le côté sud de la place Pey-Berland commença à prendre forme lors de la création du cours [15] d’Alsace-et-Lorraine, de la destruction du cloître et de l’isolement du clocher, entre 1865 et 1869. Les travaux se poursuivirent au nord-est et sur l’actuelle place Jean-Moulin, durant les mêmes années, puis entre 1870 et 1888, devant la mairie. Le collatéral sud fut flanqué de nouvelles sacristies et la cathédrale se retrouva, à la fin du siècle, fichée au milieu d’un square et d’un monumental carrefour de circulation (fig. 1 et 2).
8Pour mettre à jour l’évolution de cet espace public, il faut néanmoins observer comment, avant le commencement des travaux et dès la fin du premier Empire, les projets de voirie ont contribué à isoler la cathédrale du tissu urbain qui l’environnait.
Programmation d’une place publique (1807-1830)
9L’idée d’une place publique n’apparut pas immédiatement après la loi du 16 septembre 1807 qui prescrivait l’établissement d’un plan général d’alignement dans les moindres villes [16]. Le préfet et le maire confièrent alors cette tâche à l’ingénieur vérificateur du cadastre, Pierrugues [17]. Il n’envisagea pas de dégager la cathédrale comme il avait pu le préconiser notamment pour la basilique Saint-Michel. Plusieurs raisons expliquent ce choix. Il avait d’abord désigné la place du Hâ, proche de l’archevêché, pour les exercices militaires. Il ne souhaitait pas augmenter le nombre d’espaces publics dont la ville était déjà bien pourvue, ni confondre les places d’armes ou de marché dans la vieille ville. La difficulté de réaliser des espaces réguliers et monumentaux ne lui échappait pas non plus. Les places devaient fonctionner comme des réservoirs d’air dans le réseau des rues. Il fallait les multiplier au centre de la ville mais s’astreindre à ne pas en exagérer les dimensions ou la géométrie pour éviter de les transformer en carrefours, comme ce fut le cas plus tard [18]. Pierrugues dessina donc, à défaut d’une place régulière, de nouvelles rues pour améliorer la circulation et l’aération de ce quartier. Parmi ses projets, dès 1812, une voie monumentale de quinze mètres de large partant du portail du palais impérial, se dirigeait en ligne droite vers le port et prévoyait la destruction du côté nord de la future place. Un témoin rapporte en effet qu’en visite à Bordeaux, Napoléon Ier s’étonna de ne pas voir, à la sortie du palais, la Garonne qui faisait la richesse de la ville [19]. L’ingénieur avait peut-être répondu à ce désir. Dans l’axe de ce tracé, un fort dénivelé au niveau de la rue du Pas-Saint-Georges l’avait toutefois contraint à arrêter cette percée à quelques pas de la place Saint-Projet. Ce défaut, la commission des travaux publics réunie en 1813 ne manqua pas de l’observer. Il la guida pour refuser ce projet, d’autant que les abords du palais ne méritaient pas tant d’embellissement :
« Une percée aussi mesquine dans sa longueur, que majestueuse par sa largeur, commençant à la grille d’un palais et finissant au seuil de la porte d’un particulier offrirait trop de contrastes. [...] On chercherait inutilement à rendre ce palais digne de sa destination [...] Il est construit dans l’endroit le plus bas de la ville, entre deux ruisseaux infects, dominés par les tours du fort du Hâ qui servent de promenade aux condamnés qui y sont enfermés... [20] »
Plan de situation de la cathédrale de Bordeaux.
Plan de situation de la cathédrale de Bordeaux.
Vue aérienne de la place Pey-Berland, vers 1940.
Vue aérienne de la place Pey-Berland, vers 1940.
11Certains tracés de Pierrugues furent toutefois accueillis favorablement par les commissaires qui réduisirent cependant leur largeur ou leur longueur par souci d’économie. Les alignements étaient généralement définis à l’avance, jusqu’à ce que les propriétaires souhaitent reconstruire leurs maisons. Elles cédaient, la plupart du temps, une partie de terrain à la voie publique. Il fallait donc indiquer des alignements qui ne coûtent pas trop cher ou rien à la Ville, tout en prévoyant le développement futur des constructions sur des plans acceptables et réguliers. Le prolongement de la rue Pélegrin, qui permettait de réunir les quartiers de l’Archevêché et de Sainte-Eulalie, fut ainsi réduit de presque 12 mètres à 8,80 mètres. Les élargissements furent portés sur les côtés des rues où les maisons avaient le moins de valeur. L’élargissement à huit mètres, dans une seule ligne droite, des rues du Mû, Poitevine, des Mothes, du Peugue et des Trois-Canards, sur le passage du futur cours d’Alsace-et-Lorraine (15 mètres de largeur), fut par exemple réduit à sept mètres et brisé en deux lignes, pour mieux toucher le côté sud, le plus dégradé. En 1818, une nouvelle commission publique adopta le projet du prolongement des fossés des Tanneurs sur le passage de la petite rue Boule-du-Pétal jusqu’à la cathédrale (la future rue Duffour-Dubergier). D’une largeur exceptionnelle à Bordeaux, 28 mètres, ce projet offrait un accès facile au centre de la ville depuis le pont en construction sur la Garonne. Pour monter aux fossés (cours) de l’Intendance, sur le passage de l’ancienne rue de l’Hôpital Saint-André, le percement d’une rue nouvelle sur les terrains de cet hôpital fut programmé (ce sera la rue Vital-Carles) [21].
12La circulation semblait alors s’organiser selon trois percées principales, du nord au sud, dans l’axe des portails de la cathédrale et de la place Saint-André. L’idée d’un percement est-ouest s’avérait plus difficile à mettre en œuvre. Comme la municipalité, le préfet Camille de Tournon sentit la nécessité d’économiser les percements dans le centre de Bordeaux où les valeurs locatives se dépréciaient. Il insinua qu’un vaste plan de rénovation devait être prévu en attendant les ressources nécessaires à son exécution :
« Le plan d’alignement de la ville a été terminé par la Commission municipale, disait-il au Conseil général de 1822; il ne reste plus qu’à le soumettre à ce Corps et à l’administration supérieure. Elle ne doit pas perdre de vue, [...] que, dans la partie vieille de Bordeaux, toute modification serait destructive de propriétés déjà fort avilies; qu’il suffit, au lieu de se livrer à d’immenses détails d’élargissement de rues peu importantes, d’ouvrir quelques grandes lignes à travers cet amas confus de constructions [22]. »
14Un programme « haussmannien » avant l’heure pouvait alors toucher Bordeaux. Les commissions de travaux publics étudièrent néanmoins les alignements de chaque rue aux alentours de la cathédrale. L’idée d’une place monumentale apparut ainsi. Le géomètre Dominique Béro, après avoir travaillé avec Pierrugues au service du cadastre, fut nommé inspecteur voyer [23] de Bordeaux, vers 1817 semble-t-il. Il établit le plan d’une vaste place et d’un réseau de rues très proche de ce que nous pouvons voir aujourd’hui. Dans ce projet, la cathédrale était entièrement isolée du côté sud, à l’alignement de la rue du Peugue. Son cloître était conservé. Du côté nord, le dégagement était fixé dans l’alignement de la rue de l’Archevêché (il se reporta plus tard à la rue Pradel). À l’ouest, le fossé des Tanneurs était prolongé pour donner à la place la forme d’un trapèze. À l’est, les constructions adossées au portail de la nef étaient supprimées pour agrandir la place Rohan et celle du Palais Royal. Il restait de nombreuses rues secondaires pour lier la cathédrale et ses dépendances au tissu environnant. L’ensemble de ces travaux, financièrement irréalisables alors, s’inscrivit longtemps dans les préoccupations collectives malgré un changement de programme.
Changement de programme (1830-1851 )
15La révolution de Juillet encouragea de nouvelles études. La crainte des émeutes urbaines était l’un des arguments évoqué alors pour justifier la multiplication des percements de rues. Cette peur s’observait bien, à Bordeaux :
« N’est-il pas permis de prévoir le cas où une émeute viendrait à éclater dans la cité, que l’Hôtel de ville soit assailli par les factieux, comment déployer des forces suffisantes pour les disperser, entouré comme l’est cet édifice par des rues petites et étroites qui ne permettraient même pas de communiquer avec la caserne municipale ? Sans doute les habitants de la cité sont paisibles, amis de l’ordre et soumis aux lois : aussi n’est-ce pas contre eux que nous avons à nous garantir. Mais qui peut répondre que des hommes mal intentionnés ne se serviront pas du plus léger prétexte pour soulever cette masse d’ouvriers et de gens qui de tous lespoints de la France et même de l’étranger, viennent chercher du travail dans notre ville [24] ? »
17Cet aspect ne fut pas pour autant décisif. Les projets furent nombreux mais les travaux plutôt timides [25]. La municipalité Duffour-Dubergier modifia les plans d’aménagement en rectifiant les îlots entourant la cathé-drale, en combinant les besoins de la circulation dans une géométrie acceptable pour les propriétés privées. La période qui court des années 1830 à 1851 vit se succéder des plans différents de ceux de Béro en raison des réclamations particulières. Par exemple, une boulangerie, au no 8 de la place Saint-André, était frappée depuis 1824 d’un recul de plus de 14 pieds [4.54 m]. Cet alignement réduisait presque à néant une maison située à la fois sur le prolongement des fossés des Tanneurs et sur la place, dont les plans avaient été perdus, qui plus est, par le service des travaux publics. Le propriétaire réclamait une modification de l’alignement à 9 pieds [2.92 m]. La Ville, obligée de statuer, adopta le 26 mars 1833 un plan réintégrant les alignements anciens de la place et des rues adjacentes en rejetant cette réclamation particulière. Le propriétaire se plaignit au ministre qui renvoya le plan au préfet, ce dernier le retourna au conseil municipal qui le remit à l’examen de la commission des travaux publics. À ce jeu, les délibérations d’alignement pouvaient durer longtemps, d’autant que les propriétaires repoussaient aussi les plans lors des enquêtes publiques ou renonçaient à reconstruire leurs maisons quand elles étaient solides [26].
18Les oppositions des propriétaires réduisaient la confiance que les municipalités souhaitaient établir avec leurs administrés. Il suffisait que l’un d’entre eux insère des récriminations dans les journaux pour que l’opinion se range à ses côtés, achevant de ruiner les projets publics. Vices de forme, illégalité des procédures de publication des plans, expropriations sans indemnité dissimulées sous le principe de la mise à l’alignement des constructions nouvelles, préjudices aux particuliers... entretenaient alors un climat malsain. Conduite en procès, sur ces motifs, dans l’affaire Fabre de Rieunègre, la Ville fut déboutée de ses capacités à programmer l’amé-nagement public et condamnée aux dépens d’un propriétaire. Conformé-ment à la loi du 23 août 1835, relative aux enquêtes de commodo et incommodo (d’utilité publique), le Conseil d’É tat statua, le 29 août, qu’à défaut d’un plan général d’alignement approuvé, Bordeaux ne devait pas prévoir d’expropriations mais seulement des reconstructions, à l’appui d’un plan d’alignement qui ne se confonde pas avec un ambitieux programme d’embellissement des abords de la cathédrale.
19La Ville avait donc beau définir des plans, l’autorité supérieure n’admettait pas leur exécution. Les ordonnances approbatives des plans généraux d’alignement contenaient parfois des dispositions conformes à la jurisprudence et identiques à celles adoptées par les conseils municipaux mais il convenait aussi de réunir les indemnités nécessaires à l’expropriation des particuliers sur le passage des voies nouvelles [27]. En l’absence de ces ressources, ni le ministre ni le préfet ne pouvait approuver les plans tandis que la Ville n’avait pas les moyens d’exproprier.
20En 1842, l’ingénieur municipal Frédéric Devanne reprit un projet de l’architecte Michel-Jules Bonfin et proposa un plan d’ensemble de la place qui respectait les maisons bâties autour de la cathédrale en se contentant d’élargir les rues existantes (fig. 3). Cette solution consistait à établir deux pans coupés symétriques dans la rue Sainte-Hélène et la petite rue Saint-André. Ce plan définissait une amélioration judicieuse des communications depuis le prolongement des fossés des Tanneurs jusqu’au nouvel hôtel de ville, aux angles de l’abside où la largeur des rues était la plus étroite et la circulation la plus incommode. Les propriétaires n’y étaient pas favorables. Dans le rapport de la première enquête publique qui eut lieu en mars 1843, la question du règlement des indemnités d’expropriation fut à nouveau évoquée. Deux mois plustard, lors de la seconde enquête, dix-sept personnes se prononcèrent contre ce plan et dénoncèrent encore l’attitude publique. Pour parvenir à dégager la cathédrale à moindre coût, la Ville ne programmait toujours pas d’expropriations mais comptait sur l’alignement des constructions futures dont l’indemnité était calculée sur la valeur des terrains et non sur celle des maisons.
21Le manque de ressources de la municipalité et son obstination à ne pas programmer d’expropriations freinèrent longtemps l’adoption d’un plan définitif d’alignement des abords de la cathédrale. Le décret présidentiel du 23 janvier 1851 accueillit favorablement l’ensemble du plan de la ville mais il mit en sursis les alignements prévus en 1842 dans ce quartier. Ces amé-nagements avaient cristallisé l’opinion à tel point qu’ils furent rejetés par l’É tat. Particulièrement sévère, ce décret laissait décidément peu de marges de manœuvre à la municipalité car il préservait les intérêts privés [28]. Pour engager les destructions qui se multiplièrent au second Empire, la Ville contourna cet obstacle. Elle se conforma au décret de 1851 mais prévit plusieurs opérations de percement qui engendrèrent la place actuelle.
« Plan d’alignement pour la place, la petite place et la petite rue Saint-André », 1er août 1842.
« Plan d’alignement pour la place, la petite place et la petite rue Saint-André », 1er août 1842.
Multiplication des démolitions (1851-1870)
22Si parcimonieuses que furent les rectifications proposées par le plan de 1842, elles s’accompagnèrent de destructions massives. Le projet de prolongement de la petite rue Saint-André jusqu’à la place Rohan devait fendre le cloître de la cathédrale. Aux réclamations particulières et aux difficultés inhérentes à l’élaboration d’un plan consensuel s’ajouta donc la voix des Monuments historiques. Le Conseil général des bâtiments civils et la Commission des monuments étaient, dans un premier temps, favorables à la conservation du cloître qui présentait un grand intérêt pour les amateurs d’art, et même à la préservation des maisons qui entouraient le clocher. Jusqu’en 1851 au moins, il semble que cette démolition ait empêché de prolonger la petite rue Saint-André. Le conseil municipal envisagea d’abord de restaurer une partie du cloître comme un témoignage de l’art médiéval local :
« Le cloître restera comme aujourd’hui fermé au public, qui ne verra qu’un grand mur servant de dépôt d’immondices, au lieu d’une élégante façade de maisons d’un côté et de l’autre de la partie du cloître qui sera conservée comme échantillon et sera défendue par une grille et un parterre de fleurs et d’arbustes entre les arcs-boutants. C’est alors seulement que le cloître acquerra une valeur historique et artistique, puisque tout le public en jouira et que chacun pourra facilement dans son imagination reconstruire l’ancien cloître qui n’est qu’une cour carrée, entourée d’ogives en tout pareilles à celles qui seront conservées [29]. »
24En considérant que les Bordelais pourraient imaginer l’ancien cloître à partir de quelques-unes de ses travées conservées, on leur prêtait de singulières facultés mentales. L’intégrité du bâtiment était bafouée avec une étonnante mauvaise foi, le cloître ne fut pas classé monument historique et l’on n’en conserva même pas une partie. Dès la fin des années 1830, cette destruction était en réalité prévue, elle paraissait plus facile que l’expropriation de particuliers. En effet, la fabrique de l’archevêché avait offert de détruire le bâtiment, dans un piteux état. La municipalité et la fabrique possédaient plusieurs maisons sur la place Rohan. Sur la petite place Saint-André, les négociations pour acquérir la maison no 2, appartenant à G.-H. Brochon (futur maire), semblaient faciles. Il ne restait plus qu’à obtenir la maison no 6 de la place Rohan. En 1856, la Ville s’accorda avec l’Archevêché, et surtout le cardinal Donnet, pour passer outre les recommandations du Conseil et de la Commission. De concert avec l’architecte des cultes Danjoy, la reconstruction d’un presbytère neuf fut envisagée, tout comme l’isolement du clocher de Pey-Berland, entouré de maisons misérables. Quant au cloître, les Bordelais ne le connaissant pas, aucune protestation collective ne s’éleva pour le conserver. Il n’était plus utile au diocèse, l’archevêché l’utilisait comme débarras : il n’y avait donc aucun inconvénient à le détruire [30].
25Cependant, un plan indique que la question du cloître n’était peutêtre pas encore tranchée après 1856. En 1860, le projet de Pierrugues reparut afin d’ouvrir une large voie de l’hôtel de ville aux quais, par la porte Cailhau. Cette sorte de rue Impériale, comme il en existe à Lyon ou à Marseille, avait l’avantage de relier dans une seule ligne droite trois places importantes de la ville : la place du Palais, la place Saint-Projet et la nouvelle place de la cathédrale. Ce projet reportait au nord l’essentiel des travaux d’aménagement tandis que le plan général d’alignement les fixait au sud. Ce tracé connut un succès éphémère. Les architectes, les ingénieurs de l’administration et le maire y croyaient toutefois fermement. Tous s’entendaient sur la nécessité d’amener l’air et la lumière dans ce quartier désormais central pour y faire affluer la vie du port. Le plan montre que les propriétés du côté sud devaient être démolies, mais pas le cloître. La voie, large de 20 mètres, devait percer la vieille ville, à mi-chemin à peu près entre le cours Victor-Hugo et celui de l’Intendance. Elle dégageait considérablement la cathédrale du côté nord et s’équilibrait perpendiculairement à un projet de prolongement de la rue Duffour-Dubergier. Il s’agissait, ni plus ni moins, de dédoubler la rue Sainte-Catherine et les rues Porte-Dijeaux et Saint-Rémi dont la largeur était depuis longtemps insuffisante pour la circulation qu’elles supportaient.
26Ce programme monumental connut une suite différente et plus modeste pour plusieurs raisons. L’estimation des maisons à détruire avait été faite au prix fort, dans des conditions avantageuses pour les vendeurs. Avec un surcoût prévisible de 30 %, au cas où le passage devant un jury d’expropriation s’avèrerait nécessaire et avec une estimation assez faible des terrains à revendre, la dépense totale s’élevait à quelque 8,3 millions de francs. La commission des travaux publics ne trouvait pas ce chiffre excessif mais il fallait réduire le coût de ce percement pour engager, ailleurs, d’autres travaux urgents [31]. L’effet monumental de la percée était douteux : une rupture de pente au niveau de la rue du Pas-Saint-Georges brisait toujours la perspective vers la porte Cailhau. On n’apercevrait que le sommet du monument depuis la mairie et seulement, à travers la porte, un mince filet de Garonne. Le programme de 1860 resta un an dans les cartons municipaux. L’idée de percer une grande voie sur le lit du Peugue, un ruisseau infect qui traversait la ville au sud de la place, avait été suggérée. Mais en l’absence d’études précises, l’axe de ce boulevard demeurait défini du seuil de l’hôtel de ville à la porte Cailhau [32]. En 1862, l’administration municipale élabora un projet de percement calé sur la rampe du pont sur la Garonne, du côté sud de la future place. Les propriétaires n’y étaient pas favorables, non parce qu’ils ne souhaitaient pas être expropriés mais parce qu’ils souhaitaient voir la rue nouvelle passer chez eux, plus au sud, dans les quartiers bas de la ville, au long des rues Poitevine, du Mû, et des Trois-Canards. Le projet de 1860 fut oublié, celui de 1862 rejeté par pétition. Les propriétaires accueillirent favorablement en 1864 un nouveau tracé qui visait d’un côté le pont sur la Garonne tout en évitant, de l’autre, le clocher [33].
27Une fois le cours d’Alsace-et-Lorraine ouvert sur ce tracé définitif, à partir de 1865, la façade sud de la place prit forme et le cloître de la cathédrale fut détruit alors que cette question était restée en suspens depuis vingt ans. Il fallait obtenir l’accord du ministre pour commencer la démolition. Cette résolution passa, semble-t-il, par un accord tacite du nouvel architecte des cultes, Paul Abadie, qui avoua dans un de ses courriers au directeur des travaux municipaux :
« Si le Cardinal veut ordonner à ses frais la démolition des murs du cloître, mais surtout sans m’en avertir, il en est le maître, mais il ne faut pas que je le sache. Le ministre se fâchera peut-être mais il n’en sera rien de plus, tandis que si je me donnais pareille liberté je serais déclaré pendable et à tort ou à raison, je serai pendu [34]. »
29La destruction du cloître admise, les habitants de la rue Duffour-Duber-gier se montrèrent favorables à la démolition des masures qui entouraient le clocher, comme à celle d’une tannerie qui empestait tout le quartier à l’angle de la rue du Peugue. Les expropriations pouvaient alors avoir lieu en toute sérénité. La section de la rue du Peugue comprise entre la place Rohan et la rue Duffour-Dubergier (élargie à l’occasion du percement du cours d’Alsace-et-Lorraine) fut démolie après la décision du jury réuni en mars 1865. Quelques traités à l’amiable furent passés mais les expropriations se multiplièrent [35]. Le décret du 26 mars 1852, relatif aux rues de Paris, permettait d’exproprier la totalité des parcelles situées sur le passage des rues nouvelles et avait été adopté l’année suivante à Bordeaux. Il fut mis en application à partir de 1865.
30Les intérêts fonciers s’étaient principalement reportés au sud de la place, sur le tracé du cours d’Alsace-et-Lorraine. Du côté nord, les travaux se poursuivaient. Au bas de la rue Vital-Carles, sur le passage de l’ancienne rue de l’Hôpital, une décision du jury d’expropriation des 5 et 11 août 1864 libéra un îlot composé de deux propriétés particulières (fig. 4). L’année précédente, un traité à l’amiable prévoyait une cession partielle de ces terrains mais n’avait pas abouti. L’indemnité avait été jugée trop importante par le conseil municipal. Le jury porta cette somme à plus du double de l’offre initiale; or, il s’agissait d’une expropriation totale, qui donnait la maîtrise d’un vaste îlot au-devant du portail nord de la cathédrale. Il ne fut pas envisagé dans l’immédiat de transformer ces terrains en place publique (la future place Jean-Moulin). Parmi les projets de dégagement de l’angle nord-est de la place, cet îlot contenait encore des terrains à bâtir jusqu’en 1868. La revente des terrains délaissés semblait alors pouvoir compenser les coûts élevés d’expropriation. Perpendiculairement à la percée du sud, l’esquisse d’un prolongement de la rue Duffour-Dubergier et le dégagement de l’angle nord-est de la place furent adoptés en février 1868 (fig. 5) dans l’espoir de parvenir au cours de l’Intendance, selon une idée évoquée en 1860. Pour sa part, le vaste îlot compris entre les rues des Trois-Conils, Victor et Sainte-Hélène avançait toujours dangereusement versle chœur de Saint-André, bloquant l’accès à la mairie. La solution adoptée consista à supprimer la rue Victor, à élargir et prolonger la rue Gouvion pour faire disparaître le dernier côté de la place Saint-André afin de former un angle droit sur la nouvelle place Pey-Berland. Un décret impérial ordonna ces travaux le 10 août 1868. Une série de coûteuses expropriations autorisa les démolitions. Il restait quelques maisons à acquérir près de l’hôtel de ville pour parfaire l’opération, au nord-ouest.
Plan d’expropriation des terrains Martin-Lavergne et Salaire, 1864.
Plan d’expropriation des terrains Martin-Lavergne et Salaire, 1864.
Achèvement des opérations (1870-1888)
31Ne pas poursuivre les travaux était ressenti comme un sacrilège, la presse s’en faisait par exemple l’écho :
« [...] il y aurait à la fois impiété et sottise, cuistrerie et vandalisme à ne point dégager le plus promptement possible le côté nord de la cathédrale, et à ne la point encadrer au plus tôt d’une place fleurie où les enfants viendront jouer à l’ombre de la basilique et des lilas [36]. »
«Agrandissement de la place Pey-Berland, suppression de la rue Victor et prolongement de la rue Gouvion jusqu’à la place Pey-Berland», 1er février 1868.
«Agrandissement de la place Pey-Berland, suppression de la rue Victor et prolongement de la rue Gouvion jusqu’à la place Pey-Berland», 1er février 1868.
33Les projets de 1860 ayant été rejetés, il convenait tout de même d’embellir les abords de la mairie en détruisant deux îlots de maisons basses qui y conduisaient et en cachaient la vue, le long de la rue de l’Archevêché. Comme les autres, cette idée n’était pas neuve. La place au-devant de l’ancien palais épiscopal avait été bâtie au XVIIIe siècle malgré les désirs du cardinal de Rohan. Pour combler le déficit des dépenses de la construction du palais, son successeur, Champion de Cicé, avait vendu des parcelles de terrains réservées à cette place publique. Deux îlots cédés à condition qu’ils ne dépassent pas une hauteur de dix mètres masquaient la perspective sur le palais et empêchaient les belles maisons de la rue Pradel, bâties sur quatre étages, de s’aligner directement sur la place, comme le cardinal l’avait promis :
« Ainsi, lit-on dans une délibération municipalede 1837, par une mesquinerie qui n’a pas de nom, et pour couvrir un déficit qui était si minime comparé à l’immense revenu de l’Archevêché, la belle place tracée par l’architecte É tienne [avant que l’architecte Bonfin père n’achève la construction du palais] fut réduite à l’état d’une simple chaussée, et les deux plus beaux édifices de la cité masqués d’une manière on ne peut plus désagréable [37]. »
35Dernière étape de la régularisation de la place, ces destructions programmées depuis le début du siècle aboutirent dans les années 1880. Les interventions publiques prirent alors une tournure nouvelle. Les travaux étaient presque achevés mais les expropriations coûtaient cher. Les jurys augmentaient beaucoup les indemnités offertes aux expropriés. Pour éviter que les propriétaires ne soient indéfiniment soumis aux servitudes de voirie, à la menace permanente d’une expropriation, afin que la Ville ne soit pas conduite à exproprier chèrement, comme l’article 3 du décret du 23 janvier 1851 l’avait défini, les maisons furent d’abord achetées au gré des opportunités. Pour installer son musée des Beaux-Arts, la municipalité envisageait d’acquérir, depuis longtemps et sur ce principe, les maisons de la rue Montbazon, derrière l’hôtel-de-ville. Devant, un minuscule îlot séparant la place de l’Hôtel-de-Ville de la place Rohan commença à être détruit en 1876. Quelques maisons de la rue Pradel et de la rue de l’Archevêché furent achetées à l’amiable en 1883 mais des propriétaires récalcitrants conduisirent à exproprier les maisons restantes [38]. Le décret du 24 octobre 1885 légitima l’utilité publique de la destruction de la rue de l’Archevêché, en dehors de la rue Pradel, pour l’expropriation de sept maisons, qui eut lieu vers 1888 (fig. 6). À qualité égale, ces maisons furent achetées plus cher que les précédentes.
36Depuis plusieurs années, près d’un million avait été dépensé pour dégager les abords de la cathédrale. L’emprunt de 17 millions souscrit en 1863 pour financer en partie ces travaux de voirie et d’assainissement courait jusqu’en 1901 et suffisait à peine à couvrir les dépenses. Le conseil municipal était prêt à de nouveaux sacrifices financiers mais le ministre de l’Instruction publique limitait les subventions pour l’embellissement de la cathédrale [39]. La reconstruction dans un style néogothique du portail ouest dénudé par les expropriations semblait un embellissement essentiel pour la place, cependant ce projet ne rencontra jamais le moindre début d’exécution. Les subventions gouvernementales permirent néanmoins à l’architecte Paul Abadie de bâtir les nouvelles sacristies de l’archevêché.
37En guise de complément esthétique à la nouvelle place, un square fut aménagé. Tout décor grandiose fut exclu. Sur une idée de l’ingénieur Adolphe Alphand, conseiller général en Gironde, le projet initial prévoyait un square autour des nouvelles sacristies et un plus vaste jardin entourant le clocher, séparé du square par les parvis formés devant les portails sud et nord [40]. Selon le projet adopté, trois grilles enceignaient des plantations d’arbustes autour de l’abside et de la nef. L’accès au jardin planté autour du clocher fut laissé libre. Le square aménagé en contrebas des sacristies devint en revanche rapidement inaccessible. Les arbres de haute tige risquaient de masquer la partie la plus intéressante d’une architecture gothique. Aussi, l’idée d’une contre-allée du côté nord, comme celle plantée au sud, fut-elle rapidement oubliée [41] et remplacée par un alignement de candélabres. La cathédrale se retrouva définitivement isolée, comme un « presse-papier troubadour sur le drap vert d’un square [42] », sur une place bien trop grande pour lui donner sens. On peut maintenant s’interroger sur la forme de cette place.
Plan d’expropriation des maisons comprises entre la rue de l’Archevêché et la rue Pradel, 1885-1888.
Plan d’expropriation des maisons comprises entre la rue de l’Archevêché et la rue Pradel, 1885-1888.
De la « manie des rues bien percées »
38L’obsession des alignements nets et droits de cette époque a été rapportée par Victor Hugo après un bref séjour à Bordeaux. L’écrivain mettait en garde les habitants pour qu’ils ne répandent pas dans leur ville « la manie des rues bien percées [43] ». Cette pratique de géomètre et d’ingénieur, et non d’artiste, prit une tournure assez particulière. La cathédrale de Bordeaux fut, semble-t-il, particulièrement meurtrie par l’aménagement d’une place à ses abords. Les qualités de cette composition urbaine sont discutables.
39Le dessin de la place, vaguement rectangulaire, sans uniformité architecturale, ne répond d’abord pas à une volonté affichée. Les projets d’amé-nagement successifs ont permis de régulariser à peu près l’espace public entourant la cathédrale mais il fut opérationnellement impossible de parfaire la forme de la place puisque celle-ci n’avait jamais été clairement programmée. On est loin, à cet égard, des places uniformes du XVIIIe siècle.
40La mise en valeur des éléments architecturaux est aussi douteuse. Le percement des rues Pélegrin et Vital-Carles a mis en avant les portails nord et sud, depuis longtemps les plus utilisés, mais il n’en fut pas de même du portail ouest ni du clocher qui ne sont dans l’axe d’aucune rue. Le square des sacristies demeure inaccessible et les dimensions du jardin sont plutôt modestes comparées à celles de la place. Enfin, l’accès à la cathédrale elle-même est devenu difficile à cause de la circulation et du trafic générés sur la place.
41La place Pey-Berland paraît gigantesque, cette impression est le produit du percement de rues assez étroites et de la persistance des anciennes places qui entouraient la cathédrale. La largeur de 15 mètres du cours d’Alsace-et-Lorraine et de la rue Vital-Carles accentue cet effet de grandeur au débouché des rues. La place Jean-Moulin, qui permet de contempler le portail nord de côté et non dans un axe, rappelle, par sa position et ses dimensions, les places anciennes. De même, les parvis aménagés au devant des portails s’inspirent des anciennes placettes de l’Archevêché et de Saint-André tandis que subsiste la place Rohan, à l’ouest. En somme, la superposition des espaces anciens et nouveaux s’observe encore mais la perception de la cathédrale est profondément modifiée par les proportions de la place, le luxe des équipements publics et des maisons qui rivalisent avec elle. Il ne s’agit peut-être pas, alors, d’une mise en valeur, mais bien d’une nouvelle définition de l’espace public qui n’est pas sans rapport avec les extérieurs haussmanniens. Autrement dit, non seulement les travaux de voirie ont écarté la cathédrale de la ville en détruisant une partie de ses dépendances mais, après avoir créé une place pour l’édifice, l’édifice a lui-même servi de décoration à la place. Sous prétexte d’embellissement, les archives de la voirie bordelaise révèlent ainsi comment les pratiques d’alignement des propriétés privées l’emportèrent pour composer l’espace public autour d’un symbole chrétien isolé plus que mis en valeur.
Notes
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[1]
Camillo Sitte, L’Art de bâtir les villes. L’urbanisme selon ses fondements artistiques, Paris, Seuil, 1996 [1re éd., Vienne, 1889], p. 55-87.
-
[2]
Jean-Charles Moreux, « Les places de cathédrales et leurs abords », L’Architecture Française, no 21-22, juillet-août 1942, p. 3-50. Michel Chevalier, La France des cathédrales du IVe au XXe siècles, Rennes, Ouest-France, 1997.
-
[3]
Marcel Poëte, Une Vie de cité. Paris de sa naissance à nos jours. Album..., Paris, Picard, 1925, p. 467,474,489.
-
[4]
Romain Roussel, La Cathédrale dans la cité, Paris, A. Bonne, 1967. Sur la vie religieuse des quartiers bordelais : Marie Andrieu, Les Paroisses et la vie religieuse à Bordeaux de 1680 à 1789, thèse de l’Université de Bordeaux III, 1973. Sur la chrétienté bordelaise au XIXe siècle : Louis Desgraves et Georges Dupeux (sous la direction de), Bordeaux au XIXe siècle, Bordeaux, Fédération historique du Sud-Ouest, 1969, p. 109-145, (t. VI de l’Histoire de Bordeaux sous la direction de Charles Higounet).
-
[5]
Bruno Fayolle-Lussac, « La cathédrale dans la cité, histoire d’une mise à l’écart », dans Philippe Araguas, Jean-Pierre Duplantier, Bruno Fayolle-Lussac, Jacques Palard, La Cathédrale inachevée : Saint-André de Bordeaux, Bordeaux, Confluences, 1998, p. 16-33. Jacques d’Welles, Le Palais Rohan, Hôtel de ville de Bordeaux, Bordeaux, Delmas, 1954.
-
[6]
Robert Coustet, Marc Saboya, Bordeaux : Le temps de l’histoire : Architecture et urbanisme au XIXe siècle (1800-1914), Bordeaux, Mollat, 1999, p. 135,144,233.
-
[7]
Ibid., p. 175-187 (églises Sainte-Croix, Saint-Michel, Saint-Pierre et Saint-Seurin); p. 178-179 (sacristies de Saint-André); p. 79-96, (sur les prémices du goût néo-médiéval, avec les architectes Combes et Poitevin).
-
[8]
Les « pèlerinages » architecturaux de Durtal, à Chartres, en sont une illustration tardive. Joris Karl Huysmans, La Cathédrale, Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, 1986 [1re éd., Stock, 1898].
-
[9]
Paul Abadie est une figure marquante de cette vogue, à Bordeaux et dans le Sud-Ouest. Voir Claude Laroche, Paul Abadie Architecte (1812-1884), Unité Pédagogique d’Architecture de Bordeaux, 1979; La Cathédrale Saint-André de Bordeaux, du cloître aux nouvelles sacristies, Paul Abadie, architecte (1812-1884), Paris, 1988, p. 150-159. Sur les relations de cet architecte avec le Culte et le cardinal Donnet : Jean-Michel Leniaud, Les Cathédrales du XIXe siècle. É tude du service des édifices diocésains, Paris, Economica, 1993.
-
[10]
Paul Léon, La Vie des monuments français, destruction, restauration, Paris, Picard, 1951.
-
[11]
Abbé Sabatier, Quelques considérations sur la construction, la réparation et l’ameublement des églises, Bordeaux, J. Dupuy, 1868, p. 35-36, extrait de l’Almanach de l’archéologue français.
-
[12]
Ibid., p. 35.
-
[13]
Ibid., p. 37.
-
[14]
Louis Réau, Histoire du vandalisme. Les monuments détruits de l’art français, Paris, R. Laffont, 1994, [1re éd. 1958]. L’auteur insiste sur la défiguration du portail de Sainte-Croix sous le Second Empire, p. 765, et sur les mutilations de Saint-André, dès l’Ancien Régime, p. 155, 466,590. Voir aussi Montalembert, Du Vandalisme en France. Lettre à M. Victor Hugo dans Œuvres de M. le comte de Montalembert, Art et Littérature, t. 6,1861, p. 7-77.
-
[15]
On nomme « cours », à Bordeaux, les boulevards qui ceignent le territoire urbain depuis le XVIIIe siècle. Cette dénomination est conservée pour certaines percées bordelaises du XIXe siècle. Avant 1871, le cours d’Alsace-et-Lorraine s’appelait rue de la Vallée-du-Peugue, puis rue du Peugue, du nom du ruisseau situé sur son passage.
-
[16]
Bulletin des lois, 4e série, t. 7, Paris, imprimerie Impériale, 1808, p. 126-141, loi relative au dessèchement des marais.
-
[17]
Archives Municipales de Bordeaux (AMB), 11 O 4, arrêté municipal du 25 janvier 1809.
-
[18]
[Pierre Emmanuel] Pierrugues, Mémoire explicatif des projets d’alignement et d’embellissement proposés pour la ville de Bordeaux en exécution de la loi du 11 [sic] Septembre 1807, avec quelques vues générales sur l’art de bâtir les villes..., Bordeaux, Racle, 1815, p. 23,91,93,96-97.
-
[19]
AMB, 89 O 1, lettre de [Vernuy] au maire, 5 mai 1860 : « L’Empereur Napoléon 1er regrettait de ne pouvoir, du seuil du Palais Municipal, apercevoir la Garonne apportant au cœur de Bordeaux le commerce et la richesse. »
-
[20]
AMB, 11 O 4, rapport manuscrit de la commission d’examen du plan de la ville, 7 avril 1813.
-
[21]
AMB, 11 O 5, Délibérations de la commission des travaux publics chargée par le conseil municipal de l’examen du plan général proposé pour la ville de Bordeaux, Bordeaux, Racle, 1822.
-
[22]
Rapport du préfet au conseil général, 1822, cité par l’abbé Jacques Moulard, Le Comte Camille de Tournon, Préfet de la Gironde 1815-1822, Paris, É douard Champion, 1914, p. 347-348.
-
[23]
C’est la personne chargée d’étudier et de vérifier l’alignement des constructions nouvelles.
-
[24]
AMB, 12 D 18, délibérations du conseil municipal, séance du 26 avril 1837.
-
[25]
Camille Jullian, Histoire de Bordeaux depuis ses origines jusqu’en 1895, Bordeaux, De la Tour de Gile, 1992, [1re éd. 1895], p. 759 et suivantes, note justement que Bordeaux n’avait pas besoin de grands boulevards et n’engagea pas d’importantes réformes de voirie, à cette époque, car la ville ne craignait pas les émeutes ouvrières.
-
[26]
AMB, 12 D 15, séance du 26 mars 1833,12 D 17, séance du 26 septembre 1836. Lors de la publication du plan, É lie Miailhe (propriétaire) s’y opposa à nouveau.
-
[27]
Archives Départementales de la Gironde, 3 O 21, ministre de l’Intérieur au préfet de la Gironde, 5 mars 1844.
-
[28]
ADG, 3 O 21, rapports des enquêtes publiques des 23-25 mars et 22-24 mai 1843 ; affaire De Rieunègre; décret du président de la République du 23 janvier 1851 relatif au plan général d’alignement de la ville de Bordeaux, article 3.
-
[29]
AMB, 12 D 30, séance du 4 juin 1849.
-
[30]
ADG, 3 O 21, Rabanis (président de la commission des monuments historiques) à la ville de Bordeaux, 8 avril 1843 et non daté; Danjoy, architecte diocésain, au ministre de l’Instruction publique et des Cultes, 11 novembre 1856 (destruction du cloître) et délibération du conseil municipal du 19 août 1856 (isolement du clocher).
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[31]
Louis Desgraves et Georges Dupeux (sous la direction de), Bordeaux au XIXe siècle..., op. cit., p. 226-238.
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[32]
AMB, 89 O 1. La commission chargée par le maire Pierre Castéja d’étudier ce projet, le 14 avril 1860, était, entre autres, composée des architectes Charles Burguet, Adolphe Thiac, Henry Duphot et des ingénieurs Louis Lancelin et Paul Courau. Deux rapports furent produits, le premier le 25 août 1860, le second, du 20 avril 1861, confirmait le maintien du tracé au nord de la place.
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[33]
AMB, 64 O 7 à 9, expropriations du cours d’Alsace-et-Lorraine, et 401 O 73, égouts, pour le récit de cette énorme affaire.
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[34]
AMB, 174 O 1, square Pey-Berland, formation et agrandissement, Abadie, architecte des Cultes, à Lancelin, directeur des travaux publics de Bordeaux, 28 août 1865.
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[35]
AMB, 64 O 228, expropriations place Pey-Berland. En 1865, on note treize traités amiables sur trente-et-une affaires au sud de la place; en 1869, deux sur vingt-quatre concernent l’angle nord-est.
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[36]
Georges Talbot, « L’église Saint-André », Le Diable boiteux, no 56,4-11 juin 1865.
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[37]
AMB, 12 D 18, séance du 26 avril 1837.
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[38]
ADG, 3 O 21, acquisition de six maisons de la rue Montbazon entre 1845 et 1849, acquisition de deux maisons, rue de l’Archevêché, les 3 août et 25 novembre 1867. Dans la délibération du 17 août 1883, quatre maisons de cette dernière rue appartiennent à la Ville mais deux propriétaires s’obstinent à refuser les offres municipales.
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[39]
AMB, 64 O 138, expropriations place de l’Hôtel-de-Ville, rapport A. Daney (conseiller municipal) dans la délibération du 31 août 1875.
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[40]
AMB, 174 O 1, G.-H. Brochon, maire de Bordeaux, au cardinal Donnet, 4 septembre 1865.
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[41]
AMB, 13 D 78, annexes à la délibération du conseil municipal du 17 mars 1873, A. Daney, adjoint aux travaux publics, au cardinal Donnet.
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[42]
Louis Hautecoeur, « Les places de cathédrales et leurs abords », op. cit., préface, p. 2.
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[43]
Louis Desgraves, Voyageurs à Bordeaux du dix-septième siècle à 1914, Bordeaux, Mollat, 1991, p. 123-127.