Notes
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Pascal Descamps, Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE),
UMR 8028 CNRS, Observatoire de Paris, 77, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris.
E-mail : descamps@imcce.fr -
[1]
Urbain J. J. Le Verrier, Sur la planète qui produit les anomalies observées dans le mouvement d’Uranus : Détermination de sa masse, de son orbite et de sa position actuelle, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 23 (1846), 428-438. Mémoire lu à la séance du lundi 31 août 1846 de l’Académie des sciences.
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[2]
Une lunette équatoriale est une lunette montée sur deux axes, dont l’un est parallèle à l’axe du monde, et qui peut tourner librement dans tous les sens. Conduite par un mouvement d’horlogerie, la lunette équatoriale peut suivre l’étoile, qui reste alors immobile dans le champ.
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[3]
Bruno Morando, The golden age of celestial mechanics, in The General history of astronomy, vol. 2B : René Taton et Curtis Wilson (éd.), Planetary astronomy from the Renaissance to the rise of astrophysics : The eighteenth and nineteenth centuries (Cambridge : Cambridge University Press, 1995), 211-239.
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[4]
John L. E. Dreyer, Historical note concerning the discovery of Neptune, Copernicus, II (1882), 63-64.
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[5]
James Challis, Lettre au journal du 15 octobre, The Atheneum, 17 octobre 1846.
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[6]
Nick Kollerstrom, An hiatus in history : The British claim for Neptune’s prediction, 1845-1846, History of science, 44 (2006), 1-28 et 349-371.
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[7]
Voir l’excellent dossier de Nick Kollerstrom consacré à la découverte de Neptune www.dioi.org/kn/neptune/index.htm. Il est notablement enrichi des pièces disparues du Neptune file, « empruntées » par Olin Eggen en 1965 et retrouvées à sa mort en 1998 dans ses effets personnels, dans son appartement à l’Institut chilien d’astronomie.
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[8]
Il en releva la position une seconde fois, le 12 août.
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[9]
Letter from Mr Encke to J. F. W. Herschel, Berlin, May 19, 1826, The Philosophical magazine and journal, 68 (1826), 50-55.
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[10]
Cité par François Arago, Astronomie populaire, 4 (1857), 522-523.
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[11]
En fait, Johann Titius (1729-1796) remarqua le premier, en 1766, cette progression dans les distances planétaires.
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[12]
Les astéroïdes sont si petits qu’ils ne présentent pas de surface apparente au télescope et qu’ils apparaissent de la même façon qu’une étoile sous la forme d’une vague tache lumineuse. Cette analogie d’aspect suggéra à Herschel cette appellation de petit astre. On les dénommait également les planètes télescopiques car visibles uniquement au télescope.
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[13]
À ne pas confondre avec Encke.
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[14]
Jérôme Lamy, Le Bureau des longitudes : La gestion des instruments et les régimes de savoir au xixe siècle, Revue d’anthropologie des connaissances, 2 (2007), 167-188.
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[15]
Astronome danois qui séjourna à l’Observatoire de Paris de 1673 à 1683.
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[16]
Ainsi Félix Savary (1797-1841) avait publié une note en date de 1827 dans la Connaissance des temps pour 1830, dans laquelle il indiquait triomphalement que l’Observatoire de Paris disposerait maintenant d’un instrument lui permettant de « multiplier et de rendre plus précises les mesures relatives aux étoiles doubles ». C’est en 1827 que Savary parvint à calculer pour la première fois l’orbite d’une étoile double, ζ Ursae majoris. Il démontra que son orbite était une ellipse décrite en 58 ans ¼ et donna en même temps une méthode pour en déterminer la courbe à partir de seulement quatre observations relatives de position. Ce résultat était l’aboutissement de 40 ans de recherches initiées par William Herschel. Enfin on avait confirmation que la loi de gravitation était universelle et s’appliquait partout.
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[17]
Lettre de Struve à Le Verrier, 7 décembre / 25 novembre 1847 (Archives de l’Observatoire de Paris, Ms. 1072-12).
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[18]
Philippe Véron, L’équatorial de la tour de l’est de l’Observatoire de Paris, Revue d’histoire des sciences, 56 (2003), 191-220.
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[19]
Guillaume Bigourdan, Le Bureau des longitudes, Annuaire du Bureau des longitudes (1928), A1-A151.
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[20]
Pour obtenir plus de précision, on place dans le réticule un certain nombre de fils équidistants, parallèles à celui du milieu ; on observe le passage de l’étoile à chacun d’eux et on prend la moyenne de ces résultats. L’erreur est ainsi divisée par
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[21]
Son nom est bien Yvon Villarceau et non Villarceau seul.
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[22]
Claude-Louis Mathieu épousera la sœur d’Arago en 1824 et l’une des filles issues de ce mariage, Lucie, épousera Ernest Laugier en 1843.
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[23]
Mémorial encyclopédique et progressif des connaissances humaines, 143 (1842), 639.
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[24]
Registres manuscrits des procès-verbaux du Bureau des longitudes, séance du 6 janvier 1847 (Archives du Bureau des longitudes).
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[25]
François Arago, Planète de M. Le Verrier, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 23 (1846), 659-663.
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[26]
Observations à la lunette méridienne de 1840 à 1865 (Archives de l’Observatoire de Paris, I 10.1 à 27).
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[27]
L’ascension droite d’un astre est obtenue par la valeur du temps sidéral lorsque cet astre passe au méridien du lieu.
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[28]
Les deux planètes étaient séparées d’à peine 1 degré dans le ciel.
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[29]
Ce service consistait à relever les positions d’étoiles jusqu’à la magnitude 6 déjà cataloguées par leur nombre de Flamsteed ou leur lettre de Bayer.
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[30]
À la déclinaison de Neptune, le passage d’un fil à l’autre se faisait environ en 17,2 s, soit une durée totale de 71,2 s pour aller du premier au dernier fil. Comme la vitesse de l’astre est alors de 15".cosδ par seconde de temps, où δ est la déclinaison de l’astre, soit de 14,56 "/s, cela donne un champ total parcouru par l’astre de 17,28’. Le champ total de l’oculaire devait donc être celui donné par l’oculaire de Cauchoix plus grande focale, soit celui donnant un grossissement de x 86 et un champ de 21’ sur le ciel.
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[31]
La lunette méridienne de Gambey avait une focale de 2,43 mètres. Elle était donc ouverte à f/16. Les oculaires de Cauchoix étaient du type Ramsden avec un champ apparent de 30°.
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[32]
Un objectif de 15 centimètres possède une tache de diffraction de diamètre 2a = 1,9" qui correspondra à la taille apparente des étoiles ponctuelles. Cependant l’image d’un objet étendu comme Neptune apparaîtra plus étalée qu’il n’est en réalité, en raison précisément des effets de diffraction. En l’occurrence, il se présentera à l’oculaire sous un diamètre apparent d’environ 4a = 3,8" et non de 2,4", qui est sa taille apparente réelle. La mesure de sa taille angulaire sera donc nécessairement surestimée. Pour que l’image de l’astre ne soit pas étalée par la diffraction, il est nécessaire que l’ouverture soit au moins de 23 centimètres, ce qui était le cas de la lunette de Berlin. Néanmoins, en dépit ou grâce à cet effet d’étalement de l’astre dû à la diffraction, celui-ci se distingue des étoiles par un diamètre apparent double bien que non réel (voir André Danjon et André Couderc, Lunettes et télescopes (Paris : Libr. scientifique et technique Albert Blanchard, 1979), 41-45).
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[33]
Cela représente la taille angulaire apparente d’une pièce de 2 euros vue à une distance de 1,8 kilomètre. Par comparaison, la Lune nous apparaît comme une pièce de 2 euros vue à 3 mètres.
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[34]
Goujon observa des astres non répertoriés les 20 et 23 juillet et le 26 août 1846.
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[35]
On peut discerner à l’œil nu, dans un ciel parfaitement sombre, des objets pouvant aller jusqu’à la magnitude 6. Par conséquent, un astre comme Neptune, de magnitude 7,8, plus de cinq fois moins lumineux que l’éclat limite admis par l’œil humain, ne pourra être vu que par un instrument pouvant capter 5 fois plus de lumière. Il devra donc avoir au minimum un diamètre 2,3 fois plus grand que celui de l’œil, soit une ouverture d’au moins 1,4 centimètre.
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[36]
Danjon et Couderc, op. cit. in n. 32.
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[37]
Lettre du Neptune file, op. cit. in n. 7.
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[38]
Une quinzaine de jours plus tard, Hind confirma la découverte auprès de Challis, par une observation faite à Londres le 30 septembre 1846, sur une lunette de Dollond de 18 centimètres, à l’observatoire du mécène George Bishop, dans Regent’s Park.
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[39]
Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 23 (1846), 428.
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[40]
La réduction des observations consiste à les expurger d’effets faibles dus à des causes extérieures comme, par exemple, le mouvement de la Terre, le déplacement le long de son orbite, la lente variation dans le temps de l’orientation de son axe de rotation, etc.
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[41]
Brouillon d’une lettre de Le Verrier à Struve, 29 novembre 1846 (Archives de l’Observatoire de Paris, Ms. 1072-14).
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[42]
Lettre de Struve à Le Verrier, 7 décembre / 25 novembre 1847 (Archives de l’Observatoire de Paris, Ms. 1072-12).
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[43]
Jean-Baptiste Biot, Description de l’observatoire astronomique central de Poulkova par F. G. W. Struve […], Journal des savants (sept. 1847), 513-533 et (oct. 1847), 610-620.
-
[44]
Urbain Le Verrier, Présentation d’une note d’Yvon Villarceau sur un équatorial récemment établi à l’Observatoire de Paris, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 39 (1854), 949-961, ici 950.
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[45]
Robert W. Smith, A national observatory transformed : Greenwich in the nineteenth century, History of astronomy, 22 (1991), 5-20.
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[46]
Le Verrier, peu après sa nomination à l’Académie des sciences, s’exprime ainsi sur ce point : « On ne doit pas livrer à la publicité les noms des aides-astronomes qui font des découvertes, dont tout le mérite revient exclusivement au directeur sous les ordres duquel ils sont placés. Du reste, ces jeunes astronomes reçoivent une gratification et une médaille pour chaque découverte. » (Cité par Arsène Thévenot dans son ouvrage : Biographie de Charles-Eugène Delaunay (Troyes, 1878).)
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[47]
Lettre d’Émile Plantamour à Ernest Laugier, du 4 mars 1854 (citée dans : Guillaume Bigourdan, Le Bureau des longitudes, Annuaire du Bureau des longitudes (1928), A91).
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[48]
Le Verrier, art. cit. in n. 44, respectivement 949 et 950.
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[49]
Rapport de la Commission nommée le 17 août […] Faye rapporteur, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 79 (1874), 1022.
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[50]
Félix Tisserand (1845-1896) fut directeur de l’Observatoire de Paris de 1892 à 1896.
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[51]
À la méthode relative de Bessel – mesure par rapport à d’autres étoiles –, il préféra une méthode directe, celle de la mesure de la variation de la distance zénithale sur l’année.
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[52]
Parfois encore appelée l’astronomie des invisibles.
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[53]
Le compagnon de Sirius fut découvert le 31 janvier 1862 par Alvan Clark, au moyen d’une lunette de 46 centimètres d’ouverture.
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[54]
Bruno Morando, Two hundred years of celestial mechanics, in Sylvio Ferraz-Mello, Bruno Morando et Jean-Eudes Arlot (éd.), Dynamics, ephemerides, and astrometry of the solar system : Proceedings of the 172nd Symposium of the IAU, held in Paris, France, 3-8 July, 1995 (Dordrecht-Boston : Kluwer Academic Publishers, 1996), 3-16.
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[55]
Urbain-J. Le Verrier, Rapport sur l’Observatoire impérial de Paris et projet d’organisation, Annales de l’Observatoire impérial de Paris, t. I (1855), 6.
Introduction
« La planète dont vous avez signalé la position réellement existe ! »
2Ainsi commençait la lettre que Johann Gottfried Galle (1812-1910), astronome à l’Observatoire de Berlin, écrivit le 25 septembre 1846 à Urbain Le Verrier (1811-1877), jeune mathématicien de l’Observatoire de Paris. La huitième planète, qui un peu plus tard prendrait le nom de Neptune, venait d’être découverte au foyer de la lunette de 23 centimètres d’ouverture, à partir des indications fournies par Le Verrier. François Arago (1786-1853), alors directeur de l’Observatoire de Paris, dira plus tard de façon enthousiaste et quelque peu exaltée que Le Verrier avait vu le premier la nouvelle planète « au bout de sa plume ». Neptune ne fut donc pas découverte par le fait du hasard mais par « la seule puissance du calcul ». Ce fut le triomphe de la mécanique céleste, la science du mouvement des corps célestes issue de la loi universelle de la gravitation de Newton. Urbain Le Verrier, fêté comme un héros national et dont la statue triomphante trône maintenant à l’entrée du bâtiment plus que tricentenaire de l’Observatoire de Paris, parvint à résoudre le problème de l’hypothétique « planète troublante » qui aurait été responsable des incohérences relevées dans le mouvement d’Uranus depuis sa découverte en 1781 par William Herschel (1738-1822).
3Le 12 juillet 2011, Neptune a effectué son premier tour complet autour du Soleil pour revenir non loin de la position où elle fut découverte. Il ne s’agit pas ici de revenir sur le retentissant écho de cette découverte ni sur l’épopée qui l’a précédée mais plutôt de tenter d’éclairer certains aspects des conditions de la découverte ainsi que les conséquences qui en découlèrent pour l’Observatoire de Paris et pour l’astronomie française en général.
La découverte de Neptune à l’Observatoire de Berlin
4Après avoir déjà soutenu deux mémoires consacrés aux questions soulevées par le comportement inexpliqué du mouvement d’Uranus, le 10 novembre 1845 et le 1er juin 1846, Le Verrier lance, le 31 août 1846, du haut de la tribune de l’Académie des sciences, un vibrant appel aux astronomes de France [1]. Il les exhorte à braquer leurs lunettes vers un lieu précis du ciel où devrait se trouver l’hypothétique planète responsable des troubles constatés dans l’orbite d’Uranus. Le Verrier se montre impatient et sûr de lui. Le nouvel astre serait déjà passé à l’opposition le 19 août et Le Verrier de préciser que « l’avantage qui résulte de sa grande distance angulaire au Soleil ira en diminuant sans cesse ; mais, comme la longueur des jours décroît maintenant très rapidement dans nos climats, nous nous trouverons longtemps encore dans une situation favorable aux recherches physiques qu’on voudra tenter ». Malgré toute la force et la solennité données par Le Verrier, cet appel reste lettre morte. Pourtant le mathématicien a pris soin d’y faire état de ses recherches des caractéristiques physiques de l’astre, masse et taille, afin d’en produire des données propres à parler à des astronomes-observateurs expérimentés. Il annonce en effet que le nouvel astre, avec un éclat de magnitude 9, peut être vu dans une lunette et distingué des étoiles environnantes par son seul disque apparent large d’environ 3,3 secondes d’angle.
5Rien n’y fait, les astronomes français semblent rester sourds et les lunettes demeurent absorbées dans leurs observations routinières. Le 18 septembre 1846, Le Verrier décide alors de s’adresser à Galle, de l’Observatoire de Berlin. Il se souvient avoir reçu, un an auparavant, un exemplaire de la thèse soutenue par ce jeune astronome allemand à qui il n’avait pas répondu. Ce qui l’attire chez lui, ce sont avant tout ses compétences d’astronome-observateur. Le Verrier ne connaît pas le directeur de l’Observatoire de Berlin, Johann Encke (1791-1865), et ne choisit pas de s’adresser à lui en personne. Attitude risquée car Galle devra aller demander l’autorisation de son directeur pour utiliser la grande lunette équatoriale [2] de 23 centimètres, dans un but aussi incertain que celui de vérifier les allégations d’un jeune mathématicien de Paris. Le nouvel Observatoire de Berlin est un jeune observatoire, créé en 1832 ; il est entré en activité en 1835, sous la direction d’Encke. Il fut immédiatement doté d’une lunette équatoriale de Fraunhofer, ce qui en fait tout l’attrait.
6Dès réception du courrier de Le Verrier, le 23 septembre 1846, Galle se met en chasse du nouvel astre avec l’aide de son jeune assistant, Heinrich d’Arrest (1822-1875). Il se fie à l’indication essentielle fournie par Le Verrier, permettant de distinguer un astre proche du reste des étoiles lointaines, celle de son disque apparent sensible. Ses premières investigations de la zone du ciel circonscrite par Le Verrier sont vaines. D’Arrest suggère alors d’utiliser une carte du ciel de cette zone réalisée par Carl Bremiker (1804-1877) et imprimée fin 1845 par l’Observatoire de Berlin mais non encore distribuée en Europe. Il leur faut ensuite peu de temps pour se rendre compte qu’un nouvel objet, vu à l’oculaire non loin de l’endroit indiqué par Le Verrier, ne figure pas sur la carte de Bremiker, qui rassemble pourtant toutes les étoiles jusqu’à la neuvième grandeur. Les observations sont renouvelées les nuits suivantes en présence d’Encke, le directeur de l’Observatoire de Berlin. Elles permettent de mettre en évidence le léger déplacement de ce nouvel objet, confirmant ainsi sa proximité et donc sa nature non-stellaire. Au soir du 25 septembre, Galle s’empresse d’écrire à Le Verrier pour lui faire part de la découverte.
7En utilisant ensuite un grossissement de x 320, Galle et ses collègues purent également mesurer la taille du disque apparent, dont ils estimèrent la valeur comprise entre 2,5 et 3 secondes d’angle, très proche de la valeur théorique annoncée par Le Verrier. À l’époque, le rôle et la présence même de d’Arrest furent totalement passés sous silence par Galle comme par Encke [3]. Le récit complet et exact du déroulement des observations de Berlin ne fut fait que bien plus tard par d’Arrest lui-même, devenu directeur de l’Observatoire de Copenhague, à Johan Ludvig Dreyer (1852-1926), dans la nuit du 14 juin 1874, alors qu’ils observaient ensemble la comète Coggia. Bien après le décès de d’Arrest, Galle reconnut son rôle en 1877 et Dreyer en fit définitivement état publiquement en 1882 [4]. Dont acte.
8Par ailleurs, à Greenwich, l’astronome royal, George Airy (1801-1892), avait, dès le 9 juillet 1846, chargé James Challis (1803-1882) de mener des observations systématiques avec la lunette équatoriale Northumberland de 30 centimètres de l’université de Cambridge. En dépit des efforts répétés, depuis l’automne 1845, d’un jeune mathématicien anglais, John Couch Adams (1819-1892), qui s’était attaqué au même problème que Le Verrier, efforts pour tenter de rencontrer et convaincre Airy de commencer la recherche télescopique de la nouvelle planète, celui-ci se rendit plutôt aux arguments de Le Verrier. Adams, à la différence de Le Verrier, n’avait rien publié sur le sujet. Le 28 juillet, Challis s’engage dans la recherche de la planète par un balayage systématique d’une bande zodiacale de 30° d’extension en longitude et de 10° de largeur. La réalisation de ce plan aurait demandé plus de 300 heures d’observation. Challis n’aura connaissance du dernier mémoire de Le Verrier qu’à la date du 29 septembre. Le soir-même, alors que l’annonce de la découverte ne lui est pas encore parvenue, il repérera un astre ayant un disque apparent notable, sans pour autant pousser l’investigation outre mesure.
9Après la découverte, les questions se firent pressantes sur cette incroyable incapacité de l’Observatoire de Paris à procéder à la recherche fructueuse de la planète « Leverrier ». Arago la justifiera par l’absence de cartes du ciel suffisamment détaillées au sein de l’Observatoire de Paris. Quant à Challis, il arguera [5] de la même manière que
« la seule raison qu’il puisse donner de n’avoir pas fait usage de la XXIe heure de la carte céleste de Berlin, c’est qu’il ignorait son existence, attendu que cette heure ne se trouvait pas à la Bibliothèque de l’Université et qu’il croyait qu’elle n’était pas publiée. S’il avait eu cette carte, une première revue n’eût pas été nécessaire ; il aurait comparé à l’instant son champ de vision avec la carte ».
11En réalité, dans la première quinzaine d’août, Neptune se trouvait dans la carte de la XXIIe heure, réalisée par Friedrich Wilhelm Argelander (1799-1875), qui, quant à elle, était bien disponible à la bibliothèque de l’université de Cambridge [6]. Ceci lui avait pourtant été suggéré par Airy dans une lettre du 21 juillet [7]. Selon toute vraisemblance, Challis n’en avait jamais fait usage sinon il aurait pu découvrir la planète dès le 4 août, date à laquelle il releva pour la première fois la position d’un astre dont il ne savait pas encore que c’était la planète en question [8].
12Au 31 août 1846, l’utilisation de cartes stellaires pour la recherche de nouveaux « astres errants » ne fait pourtant pas encore partie des méthodes routinières d’observation. Le Verrier indique même la marche à suivre :
« Si l’astre qu’il s’agit de découvrir peut être confondu, quant à l’aspect, avec les étoiles, il faudra, pour le distinguer parmi elles, observer toutes les petites étoiles situées dans la région du ciel qu’on doit explorer, et constater dans l’une d’entre elles un mouvement propre. Ce travail sera long et pénible. »
14Les astronomes de Berlin eux-mêmes se sont efforcés en premier lieu de rechercher la planète par le biais de son apparence non-stellaire soulignée avec insistance par Le Verrier. Il est cependant vrai que l’équatorial de l’Observatoire de Berlin, avec sa longue focale de 4,27 mètres, offrait un champ très petit sur le ciel, d’à peine une dizaine de minutes d’arc, en supposant l’usage d’un oculaire classique de type Ramsden ayant une focale de 28 millimètres et un champ apparent de 30°. Le grossissement de x 152 était suffisant pour résoudre la planète mais le très faible champ disponible compliquait considérablement la tâche.
15En définitive, l’autorité d’Arago suffit à faire taire les interrogations et ceci est encore très largement le cas de nos jours. Pour tenter d’y voir plus clair, il est nécessaire de se replonger dans les transformations profondes qui sont en cours au sein des astronomies européennes. En effet, il apparaît qu’en cette moitié du xixe siècle, les astronomes européens ne pratiquent pas tous la même astronomie. Ils diffèrent tant dans leurs méthodes que dans leurs programmes de recherche.
L’astrométrie nouvelle de l’Académie de Berlin
16Vingt ans avant la découverte de Neptune, l’Académie royale des sciences de Prusse, dite Académie de Berlin, sous l’impulsion notamment de Friedrich Wilhelm Bessel (1784-1846) et de Johann Encke, avait pris toute la mesure des nouveaux défis posés à l’astronomie.
17Dans un courrier adressé à John Herschel (1792-1871), Encke indique que l’on ne peut plus se contenter des catalogues d’étoiles existants et qu’il est maintenant nécessaire de disposer de cartes célestes sur lesquelles doivent être dessinées toutes les étoiles jusqu’à la neuvième magnitude [9]. Il propose pour cela de construire un vaste atlas céleste à partir des zones de Bessel (Königsberg, 1843) et des trois principaux catalogues d’étoiles publiés à cette époque, celui de James Bradley (Observatoire de Greenwich, 1798), celui de Giuseppe Piazzi (Palerme, 1814) et l’Histoire céleste française de Jérôme Lalande (Paris, 1801), en rapportant à une même époque de référence les positions de chacune des étoiles. Dans son éloge funèbre de Bessel, Encke rappela [10] que c’était là le plan de Bessel :
« Il fallait rendre ces cartes assez complètes pour qu’en comparant plus tard avec le ciel, il fût possible de reconnaître immédiatement les planètes les plus faibles, et de les distinguer au milieu des étoiles fixes, sans avoir besoin d’attendre un changement de position, toujours long et difficile à constater. »
19Le projet fut adopté par l’Académie de Berlin en 1826. Il consistait en un atlas de 24 feuilles, une pour chaque heure en ascension droite, restituant une cartographie précise et complète du ciel sur une bande large de 15° de part et d’autre de l’équateur, en descendant jusqu’aux étoiles de dixième magnitude. Cet atlas commencé en 1829 fut achevé en 1859.
20Ce projet s’accompagne également de la création de nouveaux grands observatoires. Outre celui de Berlin, dont nous avons déjà parlé, le grand observatoire de Poulkovo, petit village situé non loin de Saint-Pétersbourg, voit le jour en 1835. Il est doté très rapidement, en 1839, d’une lunette équatoriale de 38 centimètres de diamètre de Georg Merz et Joseph Mahler, les successeurs de Joseph Fraunhofer (1787-1826) à la fabrique de Munich. Son directeur, Friedrich Wilhelm Struve (1786-1864), avait déjà pu mesurer la parallaxe stellaire de l’étoile Véga de la Lyre, dans les années 1835 à 1838, sur une autre lunette de Fraunhofer, de 24 centimètres d’ouverture, installée en 1824 à l’observatoire de Dorpat (Tartu, en Estonie). C’est cependant à Bessel que revient le mérite d’avoir déterminé la première parallaxe stellaire, celle de 61 du Cygne, en 1838, à l’observatoire de Königsberg (Kaliningrad, en Russie) avec le grand héliomètre de Fraunhofer.
21La décision de constituer un atlas stellaire est l’aboutissement naturel des problématiques astronomiques occupant les astronomes allemands depuis la fin du siècle précédent. Johann Bode (1747-1826) avait formulé dès 1772 la loi empirique des distances planétaires [11]. Elle peut s’énoncer ainsi : en retranchant de la distance de chaque planète au Soleil la distance de Mercure (qui est la plus rapprochée de cet astre), on obtient une série de nombres dont chacun est double du précédent à mesure que l’on s’éloigne du Soleil. La découverte de la planète Uranus en 1781 apporta une première validation de cette loi et fit naître, dans le même temps, l’idée qu’une planète non encore observée devait exister dans la lacune située entre Mars et Jupiter. Le 21 septembre 1800, l’astronome hongrois Franz von Zach fonda à Lilienthal, avec cinq autres astronomes allemands, dont Heinrich Wilhelm Olbers (1758-1840), une « police du ciel », dénommée les détectives de Lilienthal, chargée de scruter méthodiquement la zone zodiacale du ciel afin de découvrir cette planète prescrite par la loi de Bode. Le groupe fut ensuite étendu à d’autres astronomes européens, chacun ayant en charge l’un des 24 secteurs du zodiaque. Ce fut en définitive un astronome italien, ne faisant pas partie de cette « police du ciel », Giuseppe Piazzi (1746-1826), qui, le 1er janvier 1801, découvrit Cérès, la première des petites planètes. Trois autres planètes furent ensuite découvertes jusqu’en 1807, Pallas, Juno et Vesta. Olbers osa, après la découverte des deux premières petites planètes, l’hypothèse hardie d’une grosse planète primitive, aujourd’hui disparue, mais existant sous forme de fragments. Dans les décennies suivantes, plus aucune petite planète, baptisée du nom d’astéroïde [12] par William Herschel en 1802, ne fut découverte. Cette absence de toute nouvelle détection motiva en grande partie la décision de l’Académie de Berlin.
22La première confirmation de la pertinence des choix opérés par Bessel et Encke survient le 8 décembre 1845, moins d’un an à peine avant la découverte de Neptune. La cinquième petite planète, Astrée, est découverte par un astronome amateur, Hencke [13], à Driesen, avec l’aide de l’une des cartes stellaires publiées par l’Académie de Berlin. L’élan des découvertes, interrompu quarante ans durant, peut reprendre son cours. Toutefois, c’est la découverte de Neptune, moins d’un an après, qui sacre de façon éclatante la nouvelle astrométrie impulsée par les astronomes allemands. Encke écrit ainsi fièrement à Le Verrier, le 28 septembre 1846 :
« Il y a eu beaucoup de bonheur dans notre recherche : la carte académique de Mr Bremiker, qui, peut-être, n’est pas encore arrivée à Paris, mais que je ferai expédier tout à l’heure, comprend justement, près de sa limite inférieure, le lieu que vous avez désigné. Sans cette circonstance infiniment favorable, sans une carte où l’on pût être sûr de trouver les étoiles fixes jusqu’à la dixième grandeur, je ne crois pas qu’on eût trouvé la planète. Vous verrez vous-même, en observant cet astre, que le diamètre est beaucoup trop faible pour attirer l’attention, même quand on l’examine avec un grossissement assez fort. Je vous suis donc personnellement très-obligé d’avoir démontré le prix qu’une telle carte peut avoir dans des recherches scientifiques. »
24Il s’agit là d’une évolution majeure, pour ne pas dire une révolution, dans les méthodes de recherche et d’investigation d’astres nouveaux. Par ailleurs, étrange retour des choses, la loi de Bode, qui fut à l’origine de la recherche de petits corps et surtout qui fournit l’hypothèse initiale sur la distance au Soleil de la planète troublante, se révélera erronée après la découverte de Neptune. L’orbite véritable de Neptune sera déterminée précisément pour la première fois au début de 1847, par Sears Walker, de l’observatoire de Washington. La distance de Neptune au Soleil calculée par Walker est égale à 30,2 fois la distance Terre-Soleil, tandis que la loi de Bode lui assignait une valeur de 38,8 fois celle-ci !
L’astronomie d’observation à l’Observatoire de Paris sous Arago
25La révolution discrète qui s’opère à l’est, sous l’impulsion notamment des astronomes allemands tels que Bessel, Bode, Olbers, Encke, ne suscite pas le même engouement à Paris, ni d’ailleurs à Greenwich, autre grand pôle historique de l’astronomie fondamentale.
26En France, c’est le Bureau des longitudes, créé par la Convention le 25 juin 1795, qui est l’organe central de l’astronomie française. L’Observatoire de Paris est sous sa tutelle. Le Bureau dispose à ce titre de très larges prérogatives dans la gestion des instruments d’astronomie [14]. Il désigne en 1834 Arago comme responsable des observations à l’Observatoire de Paris. Arago va dès lors être pratiquement seul à décider de l’équipement instrumental de l’Observatoire. Bien entendu, il lui reste ensuite à convaincre le ministère des Travaux publics ainsi que la Chambre des députés pour obtenir les crédits nécessaires. Sitôt nommé à ce poste, Arago a pour souci principal le remplacement des instruments anciens, datant de la fin du siècle précédent, non pas seulement parce qu’ils sont anciens mais aussi et surtout parce qu’ils sont l’œuvre de constructeurs anglais tels que Jesse Ramsden, John Dollond, ou James Short, alors que la France peut désormais compter sur ses propres artistes tels que Henri-Prudence Gambey, Nicolas Fortin, Nicolas Lerebours.
27En 1831, la Chambre des députés alloue à l’Observatoire une subvention permettant de reconstruire complètement les cabinets d’observation destinés aux observations méridiennes. Un cercle mural de Gambey équipé d’une lunette de 12,5 centimètres de diamètre viendra s’adjoindre en 1843 à la lunette méridienne de Gambey de 15 centimètres de diamètre et de 2,4 mètres de focale installée en 1835 (fig. 1 ci-après). Arago reste fortement attaché à une longue tradition d’observation dans le plan du méridien, qui remonte aux premières idées d’Ole Rømer [15] (1644-1710). Le cercle méridien et la lunette méridienne constituent les instruments de référence par excellence de l’astronomie de position au xixe siècle. Ils sont l’épine dorsale de l’activité routinière de tout observatoire de cette époque. Le but est de constituer des catalogues d’étoiles qui vont servir de points de repère pour les observations extra-méridiennes de comètes ou de petites planètes. Il y a donc une certaine inconséquence à ne pas équiper un observatoire d’instruments extra-méridiens tels que des lunettes équatoriales aussi puissantes que les lunettes méridiennes.
Photographie de la lunette méridienne de Gambey installée par Arago en 1834. La pendule à gauche donne le temps sidéral. Avec son diamètre de 15 centimètres, elle constituait l’instrument le plus puissant dont disposait l’Observatoire de Paris en 1846. Elle a néanmoins permis de mesurer le passage de Neptune au méridien à 18 reprises après sa découverte, entre le 29 septembre et le 3 décembre 1846
Photographie de la lunette méridienne de Gambey installée par Arago en 1834. La pendule à gauche donne le temps sidéral. Avec son diamètre de 15 centimètres, elle constituait l’instrument le plus puissant dont disposait l’Observatoire de Paris en 1846. Elle a néanmoins permis de mesurer le passage de Neptune au méridien à 18 reprises après sa découverte, entre le 29 septembre et le 3 décembre 1846
28La seule lunette équatoriale dont dispose l’Observatoire de Paris, capable d’observer en tout point du ciel, est le petit équatorial de Gambey de 10 centimètres d’ouverture. Elle avait été installée en 1826, sous la coupole du « petit observatoire » que Cassini IV (1748-1845) avait fait ériger lors des travaux de restauration de 1786-1791 sur la plateforme du bâtiment monumental. C’est la seule lunette à poste fixe. Cet équatorial avait été établi pour l’observation des étoiles doubles afin d’en déterminer les orbites [16]. En définitive, l’Observatoire de Paris ne possédera pas de lunette équatoriale capable de rivaliser avec celles des grands observatoires européens avant 1854 !
29En 1844, Arago présente cependant fièrement au Bureau des longitudes le résultat de ce vaste effort :
« Aujourd’hui, tous les grands instruments de l’Observatoire de Paris sont français ; aujourd’hui, sans qu’on ait sacrifié l’exactitude à l’amour-propre national (un tel sacrifice aurait été une grande duperie), on ne voit plus figurer le long des faces des murs orientés, ou sur les piliers des salles basses et hautes, que de magnifiques cercles divisés, que des lunettes méridiennes et des équatoriaux de Fortin, de M. Gambey ; aujourd’hui, chacun peut reconnaître que les grandes lunettes achromatiques, abritées sous les voûtes de l’ancien édifice, ont été travaillées par les mains habiles de Lerebours et de Cauchoix. »
31D’autre part, également à partir de 1834, plusieurs postes d’élèves astronomes sont créés à l’Observatoire de Paris. Au niveau national, le nombre d’astronomes rétribués par l’État n’excède pas douze. Ils se répartissent entre les deux seuls observatoires de Paris et de Marseille. À ce propos, treize ans plus tard, en 1847, Wilhelm Struve fera auprès de Le Verrier le triste et sévère constat [17] suivant :
« Si les observatoires provinciaux de France existent peut-être encore, ils végètent plutôt qu’ils ne sont de quelque utilité réelle pour la science. Il faut cependant excepter en quelque sorte l’observatoire de Marseille car c’est là que Pons et Gambart ont fait la découverte d’un grand nombre de comètes, mais malheureusement sans se trouver en possession de moyens suffisants pour suivre la marche des corps célestes. »
33En 1839, Arago prend néanmoins conscience du retard pris par la France, réduite quasiment au seul Observatoire de Paris, dans les instruments de grande ouverture dédiés aux observations extra-méridiennes. Il décide alors de lancer son projet de grand dôme hémisphérique sur la tour de l’est du bâtiment de l’Observatoire. Arago veut que l’Observatoire puisse abriter, sous cette gigantesque coupole de 13 mètres de diamètre, une lunette de 38 centimètres de diamètre [18], rivalisant en taille avec ce qu’il y avait déjà de mieux au monde, à Poulkovo et au Harvard College de Cambridge (Massachussets). Cette entreprise n’aboutira pas du vivant d’Arago et fut un gigantesque fiasco financier et astronomique car la grande lunette de l’Observatoire, aujourd’hui appelée lunette Arago, ne fut réellement en état de fonctionner que vers la fin du xixe siècle, au moment où les lunettes mondiales atteignaient déjà des tailles d’objectifs deux à trois fois supérieures.
Le programme d’observation du Bureau des longitudes
34L’autre aspect déterminant des études d’astronomie menées à l’Observatoire de Paris est son programme d’observation énoncé en 1834 par le Bureau des longitudes [19]. Il est d’un parfait classicisme et ne concerne que les observations méridiennes de position des étoiles, de la Lune, du Soleil, des planètes et comètes ainsi que la constitution d’un nouveau catalogue d’étoiles en remplacement de celui de Lalande de 1801. Seul l’équatorial de Gambey de 10 centimètres ne rentre pas dans ce programme et reste disponible pour tout autre type d’observation.
35Arago entend pourtant engager les recherches dans un domaine encore très peu exploré à l’Observatoire de Paris, celui de l’astronomie physique. C’est l’application principale de la grande lunette qu’il a en perspective. Elle doit servir à l’étude de la nature des nébuleuses, à la détermination des parallaxes stellaires, des orbites des étoiles doubles, à la compréhension de la nature physique des planètes et comètes. Lui-même, en collaboration avec Claude-Louis Mathieu (1783-1875), avait tenté sans succès à deux reprises, en 1812 puis en 1825, de mesurer la parallaxe de la 61e du Cygne, par une mesure de distance zénithale toute différente de la méthode adoptée par Bessel en 1838. Arago est également tout particulièrement intéressé par l’observation des comètes. Leur aspect chevelu si caractéristique ne nécessite pas l’usage de cartes du ciel. Il explique très bien dans ses Leçons d’astronomie (1849) la nature et l’origine de l’engouement pour les comètes à cette époque :
« On s’est demandé si l’espace était tout-à-fait vide de matière : la marche des comètes pourra nous permettre de résoudre cette question et de constater dans les cieux la présence d’une substance gazeuse très-rare, qu’on est convenu d’appeler éther, et qui oppose une certaine résistance aux déplacements des corps qui la traversent, ainsi que l’a montré l’étude du mouvement de la comète à courte période, lors de son apparition en 1829. Cette résistance ne produit pas d’effet appréciable sur les planètes, parce qu’elles ont une assez forte densité ; mais les comètes n’étant, pour la plupart, que de simples amas de légères vapeurs à travers lesquels on peut voir les étoiles, elles peuvent être, au contraire, notablement retardées dans leur marche. »
37La chasse aux comètes est donc une priorité pour Arago qui cherche à mieux connaître la nature de l’éther, cette substance supposée emplir l’univers ! Le petit équatorial de Gambey trouve là une application tout indiquée.
38Cependant les mesures précises de position sont effectuées à la lunette méridienne de Gambey (fig. 1). Ces observations sont exclusivement l’apanage des élèves astronomes. Ils forment une cohorte de jeunes observateurs âgés de 25 à 30 ans. Eux seuls sont capables de supporter régulièrement de longues nuits d’observation dans des conditions pénibles, l’œil toujours rivé à l’oculaire, l’ouïe attentive à chaque battement du pendule de l’horloge sidérale, dans des salles glacées, engrangeant quotidiennement, de jour comme de nuit, les mesures méridiennes des astres consistant à noter le temps de passage des astres aux cinq fils verticaux du réticule placé dans le plan focal [20].
39Ce réseau d’observateurs, scrutant chaque nuit minutieusement et infatigablement le ciel, est alors constitué d’Ernest Laugier (1812-1872), de Victor Mauvais (1809-1854), d’Hervé Faye (1814-1902), d’Eugène Bouvard (1812-1879), d’Émile Goujon (1823-1856), d’Émile Plantamour (1815-1882), d’Ernest Liouville (1812-1880), d’Antoine Yvon Villarceau [21] (1813-1883) et de Butillon (dates non connues). Le « réseau » Arago se met ainsi peu à peu en place [22].
40Le 28 octobre 1842, la première comète est découverte à l’Observatoire de Paris, par Laugier. Arago, heureux de ce premier succès, s’empresse de faire connaître la nouvelle à l’Académie où, « grâce au système d’espionnage vigilant de tous les points du ciel qui est organisé à l’Observatoire, un astre nouveau, même d’un très-faible éclat, ne peut guère apparaître sur la voûte céleste sans être pris sur le fait [23] ».
La non-observation de Neptune à l’Observatoire de Paris
41Dès l’annonce de la découverte de la planète de Le Verrier, le journal satirique Le Charivari, dans un article du 28 septembre 1846 intitulé « Nous avons une planète », relève ironiquement l’incapacité des astronomes de l’Observatoire de Paris à observer la planète. Le 6 janvier 1847, s’adressant à une délégation du Bureau des longitudes, le ministre de l’Instruction publique, Narcisse Salvandy, fera également état de ses critiques à cet égard [24].
42Son directeur, Arago, doit très rapidement s’en expliquer. Pour cela, il met en avant le rôle joué par la carte de Bremiker, que l’Observatoire de Paris ne possédait pas, dans la découverte faite par les astronomes de Berlin. Cependant, sa propre explication est paradoxale. En effet, il déclare présomptueusement devant l’Académie des sciences, en sa séance du 5 octobre 1846 que [25] :
« Sans la carte de M. Bremiker, l’astronome de Berlin se fût trouvé dans les conditions défavorables des observateurs de France, d’Angleterre, d’Italie, et la constatation de la découverte de notre compatriote eût été retardée de une à deux semaines. »
44En d’autres termes, il eût été possible aux astronomes de découvrir la planète de Le Verrier dans un délai relativement bref avec ou sans carte ! Pourquoi alors n’avoir engagé aucune recherche en ce sens ?
45On peut remarquer également qu’Arago ne fait pas allusion au diamètre de la lunette de l’Observatoire de Berlin, tout simplement parce que la planète aurait pu être vue à travers la lunette méridienne de Gambey de 15 centimètres de diamètre. Ce sera d’ailleurs le cas, dans la nuit du 29 septembre 1846, quand, après réception du courrier de Galle par Le Verrier, Ernest Laugier observera, pour la première fois à l’Observatoire de Paris, la nouvelle planète. Cette observation résulte vraisemblablement d’une sollicitation directe de Le Verrier, avec l’accord d’Arago, car Laugier mentionne dans le registre d’observation le nom de Neptune, assorti du symbole du trident, que Le Verrier avait immédiatement choisi. Arago tenta bien de lui faire attribuer le nom de son découvreur, Le Verrier, mais sans succès. La planète est résolue à l’oculaire car le temps de passage au méridien est calculé pour son centre (fig. 2).
Extrait du registre d’observation à la lunette méridienne. Les instants de passage de l’astre aux cinq fils du réticule sont reportés ainsi que le temps sidéral moyen conclu au méridien. Dans la dernière colonne, figurent les initiales de l’observateur. On obtenait ainsi une mesure absolue de l’ascension droite de l’astre. Après la proposition d’Arago, le 5 octobre, de nommer la nouvelle planète du nom de son découvreur, « Leverrier », les observateurs la mentionneront alors sous cette appellation. La planète leur apparaissait résolue puisque la mention centre est précisée
Extrait du registre d’observation à la lunette méridienne. Les instants de passage de l’astre aux cinq fils du réticule sont reportés ainsi que le temps sidéral moyen conclu au méridien. Dans la dernière colonne, figurent les initiales de l’observateur. On obtenait ainsi une mesure absolue de l’ascension droite de l’astre. Après la proposition d’Arago, le 5 octobre, de nommer la nouvelle planète du nom de son découvreur, « Leverrier », les observateurs la mentionneront alors sous cette appellation. La planète leur apparaissait résolue puisque la mention centre est précisée
46L’observation de Neptune sera poursuivie à Paris jusqu’à la fin de l’année 1846 par Butillon (le 30 septembre, les 10 et 23 octobre, les 11 et 12 novembre et le 3 décembre), Mauvais (le 3 octobre), Goujon (les 3 et 11 novembre), et Yvon Villarceau (les 1er et 18 octobre, 2 et 9 novembre). La nouvelle planète sera donc observée à quatorze reprises à la lunette méridienne.
Neptune aurait pu être découverte à la lunette méridienne de Gambey grâce à… Saturne
47La lecture du registre des observations à la lunette méridienne [26] de Gambey dans la période qui précède la découverte montre que la nouvelle planète annoncée par Le Verrier aurait pu être découverte grâce à une autre planète, Saturne. Il se trouve qu’en cette période de juillet-septembre 1846, les passages méridiens [27] de Saturne et de Neptune étaient très proches [28]. La planète Saturne était bien évidemment observée à chaque passage. En outre, les élèves astronomes avaient pris l’habitude d’insérer au milieu de leur service [29] des observations d’astres non encore répertoriés, de sorte qu’en cherchant à amener la lunette méridienne à la déclinaison de Saturne, l’observateur pouvait de temps à autre faire la mesure d’une étoile de huitième ou neuvième magnitude (fig. 3). L’étoile n’étant pas cataloguée, l’habitude avait été prise de noter également la valeur approchée de sa hauteur par lecture au cercle méridien de Fortin situé dans la même salle. Le relevé des instants de passage [30] aux différents fils du réticule montre que l’oculaire utilisé devait être l’oculaire de Cauchoix de 28 millimètres de focale donnant un grossissement de x 86 et un champ sur le ciel de 21 minutes de degré [31]. Bien que le champ soit étroit, le grossissement était suffisant pour rendre discernable [32] le disque apparent de Neptune qui était à cette époque de 2,4 secondes de degré [33]. Émile Goujon, le plus jeune des élèves astronomes, était aussi celui qui mesurait le plus fréquemment des astres jusqu’à la 9e grandeur (pour reprendre la terminologie du xixe siècle). De façon assez troublante, ces observations se regroupent aux mois de juillet et août 1846 [34], dans une zone de ciel centrée sur la prédiction en longitude de Le Verrier mais cependant systématiquement à des déclinaisons trop élevées par rapport à l’écliptique supposé contenir la planète. Il serait hasardeux et hâtif d’en conclure que Goujon menait sa propre recherche de la planète de Le Verrier. Cependant, on ne peut s’empêcher de remarquer qu’il sera le seul des élèves astronomes à être nommé astronome-adjoint dès le 2 février 1854, par arrêté ministériel, sur proposition de Le Verrier, tout juste devenu directeur de l’Observatoire impérial, le 30 janvier 1854.
Extraits du registre d’observation à la lunette méridienne. À l’approche de Saturne, les observateurs, Yvon Villarceau et Émile Goujon, mesurent des étoiles faibles, de 8e ou 9e grandeur, non encore cataloguées. Saturne est identifiée par son symbole caractéristique. À cette époque, Saturne passait au méridien quelques minutes après Neptune
Extraits du registre d’observation à la lunette méridienne. À l’approche de Saturne, les observateurs, Yvon Villarceau et Émile Goujon, mesurent des étoiles faibles, de 8e ou 9e grandeur, non encore cataloguées. Saturne est identifiée par son symbole caractéristique. À cette époque, Saturne passait au méridien quelques minutes après Neptune
48Jusqu’à la fin du mois d’août 1846, Neptune précédait Saturne d’à peine quelques minutes lors du passage au méridien mais Le Verrier n’avait pas encore fourni aux astronomes les indices observationnels nécessaires à sa détection directe. Si une recherche avait été initiée ensuite, à partir du mois de septembre, les élèves astronomes auraient pu passer en revue les quelques étoiles de 8e ou de 9e grandeur passant au méridien juste avant Saturne. Il aurait suffi d’y consacrer quotidiennement au moins 30 minutes correspondant à l’incertitude angulaire sur la position de la planète selon Le Verrier. Dans ce cas, comme le soulignait Arago, une quinzaine de jours aurait sans doute suffi à sa découverte, ce qui correspond à peu près au temps écoulé entre le dernier mémoire de Le Verrier et son courrier à Galle. Malheureusement, il était déjà trop tard car Neptune passait alors au méridien pratiquement en même temps que Saturne. Il aurait fallu pour cela qu’ils se détournent également de la mesure de Saturne, qui était un astre rédhibitoire pour le service des observations méridiennes.
49Suite à l’annonce de la découverte le 25 septembre 1846, l’un des élèves astronomes est revenu sur les observations méridiennes effectuées dans les semaines précédentes, sans doute afin d’y vérifier si la planète aurait éventuellement été observée. Des annotations faites au crayon de bois apparaissent ainsi à l’occasion de la mesure d’une étoile faite le 12 septembre par Yvon Villarceau. L’une de ces annotations est sans ambiguïté la graphie du mot neptune, superposée à la valeur de la hauteur mesurée de l’étoile (fig. 4). Elles sont donc nécessairement postérieures à la découverte de Neptune. La valeur de la déclinaison y figure également. Ce 12 septembre 1846, Yvon Villarceau, à sa prise de service, avait donc décidé de mesurer une étoile inconnue, deux minutes avant de suivre le passage de Saturne au méridien. Cette étoile, dont nous savons maintenant qu’elle était de magnitude 7,8, n’était en définitive qu’à 32 minutes de degré de la planète Neptune, qui avait alors une magnitude tout à fait comparable de 7,3. À peine un demi-degré de distance, c’est très peu mais c’est en même temps une séparation angulaire énorme au regard du champ disponible de l’oculaire (21 minutes de degré). Il se peut que cette étoile ait été prise pour Neptune avant que davantage de mesures ne soient collectées pour pouvoir écarter cette possibilité.
Extrait du registre d’observation à la lunette méridienne en date du 12 septembre 1846. L’observation est d’Yvon Villarceau. Les mesures sont reportées au stylo à encre. Une annotation postérieure, faite au crayon de bois, indique la déclinaison de l’objet ainsi que la graphie du mot neptune. À cette date, Neptune avait une ascension droite apparente de 21 h 54 min 15,8 s et une déclinaison de – 13° 19’
Extrait du registre d’observation à la lunette méridienne en date du 12 septembre 1846. L’observation est d’Yvon Villarceau. Les mesures sont reportées au stylo à encre. Une annotation postérieure, faite au crayon de bois, indique la déclinaison de l’objet ainsi que la graphie du mot neptune. À cette date, Neptune avait une ascension droite apparente de 21 h 54 min 15,8 s et une déclinaison de – 13° 19’
50Dans le cadre d’une recherche systématique à l’aide d’une lunette méridienne, une carte du ciel est de peu d’utilité, de par l’impossibilité de maintenir un champ fixe du ciel dans l’oculaire de la lunette. On peut cependant relever qu’en dépit de cet inconvénient majeur, la lunette de Gambey possédait un champ de vision plus large que celui offert par l’équatorial de Berlin. Celui-ci avait en effet une focale de 4,27 mètres qui lui conférait un champ près de deux fois plus petit à oculaire équivalent. En revanche, cet instrument se prête parfaitement à une recherche méthodique selon des tranches de déclinaison.
Et le petit équatorial de Gambey ?
51Quant au petit équatorial de 10 centimètres de Gambey, la difficulté ne tient pas au faible éclat supposé de l’objet recherché ; une lunette de petite ouverture suffit à révéler un objet de magnitude 8 ou 9, là où l’œil humain [35] demeure impuissant à le faire (voir la caricature de Daumier à ce sujet, fig. 5, p. 71 ci-après). La difficulté réelle est posée plutôt par la taille apparente de l’astre que Le Verrier a estimé sous-tendre un angle au sommet à partir de l’œil d’environ 3 secondes de degré. Pour résoudre ce disque apparent, il est nécessaire d’avoir une lunette dont le diamètre de l’ouverture soit au moins de 14 centimètres [36]. C’est sans doute cela qui a mené à ce qu’aucune observation ne soit tentée sur l’équatorial de Gambey.
« Recherche infructueuse de la planète Leverrier » (lithographie d’Honoré Daumier parue dans Le Charivari, le 4 décembre 1846). Les « bons bourgeois » lèvent la tête vers le ciel nocturne en espérant y voir la planète Le Verrier
« Recherche infructueuse de la planète Leverrier » (lithographie d’Honoré Daumier parue dans Le Charivari, le 4 décembre 1846). Les « bons bourgeois » lèvent la tête vers le ciel nocturne en espérant y voir la planète Le Verrier
52Lorsque Hervé Faye, l’un des élèves astronomes, dans son courrier du 16 septembre 1846 [37] à John Russell Hind (1823-1895) [38], souligne que « jusqu’ici je ne me suis pas livré à cette recherche, nos instruments ne me paraissant pas assez puissants pour cela », il fait de toute évidence allusion au pouvoir de résolution des instruments et non à leur luminosité. Plus précisément encore, il ne peut que parler de l’équatorial de Gambey et non de la lunette de méridienne de Gambey qui possède, quant à elle, l’ouverture suffisante. En d’autres termes, le petit et seul équatorial de l’Observatoire ne pouvait être utilisé pour la recherche de la planète de Le Verrier par le biais de son diamètre apparent.
53Faye ne fait en outre nullement mention d’un quelconque défaut de carte du ciel pour la zone appropriée. Une investigation aurait pu effectivement y être menée à partir de la comparaison avec une carte du ciel, seul moyen restant pour identifier un nouvel objet mobile au milieu d’un champ d’étoiles fixes. Ceci prouve que la taille apparente du disque fut, pour les astronomes parisiens, l’unique critère de recherche du nouvel astre et, en même temps, l’obstacle insurmontable.
54Dans son dernier mémoire, du 31 août 1846, Le Verrier annonçait qu’il avait « reçu l’assurance » que dans les trois mois qui suivraient, durant lesquels il serait encore possible d’observer la planète inconnue, « ce temps sera[it] employé utilement » par les astronomes pour découvrir le nouvel astre [39]. Avait-il reçu cette assurance d’Arago ? Toujours est-il que dans les premières semaines de septembre, les registres d’observation de l’Observatoire de Paris ne font mention d’aucune recherche particulière. Le service d’observation à la lunette méridienne est scrupuleusement respecté même si ce sera en définitive Le Verrier qui, à partir de 1854, réduira [40] et publiera, dans les Annales de l’Observatoire de Paris qu’il créera, toutes les observations qui y auront été faites.
55Atermoiements ou mauvaise volonté d’Arago, on ne peut le savoir. Devant l’urgence, Le Verrier se résoudra finalement à s’adresser à des observatoires pourvus d’équatoriaux suffisamment puissants, les seuls instruments non nécessairement assujettis à un service de mesure, comme le sont à cette époque les instruments méridiens. Il n’écrira qu’à deux observatoires, ceux de Berlin et de Poulkovo. Le courrier de Berlin arrivera bien plus tôt que celui de Poulkovo. Néanmoins, Struve, directeur de l’observatoire de Poulkovo, sera reconnaissant à Le Verrier de cette attention et regrettera de ne pas avoir été le premier à annoncer la découverte de la nouvelle planète. Le 29 novembre 1846, Le Verrier lui adressera un chaleureux courrier de remerciement [41] :
« Je vous suis bien obligé de toutes les choses gracieuses que vous m’avez envoyées sur ma planète. Il m’eût été particulièrement agréable qu’elle eût été vue pour la première fois dans votre lunette et vous avez pu juger, par la date des lettres que je vous avais écrit en même temps qu’à M. Galle. »
57Au lendemain de la découverte, le régime de Louis-Philippe décernera tous les honneurs à Le Verrier ; il est fait chevalier puis officier de la Légion d’honneur, un poste de professeur de mécanique céleste est spécialement créé pour lui à la Sorbonne, il entre au Bureau des longitudes. Peu à peu, il va devenir la figure emblématique de l’astronomie française. Ceci ne fait pas de doutes quand Wilhelm Struve lui confie [42], en 1847, que :
« La France, ce pays auquel la science doit les immenses progrès que l’astronomie théorique a faits depuis près d’un siècle, est restée en arrière, pendant cette époque, dans la participation aux travaux d’observation, en partie par les concours de circonstances défavorables que M. Biot a si bien exposées dans un article inséré au journal des savants. »
59Struve fait ici référence à un article [43] de Jean-Baptiste Biot (1774-1847) mettant pour la première fois l’accent sur la situation géographique de l’Observatoire de Paris, de plus en plus préjudiciable aux observations astronomiques de position :
61Le Verrier suivra de très près les recommandations de Struve lorsqu’il dirigera l’Observatoire de Paris, à partir de 1854, à l’exception de celle relative à la délocalisation de l’Observatoire.
Les conséquences en France
62Cette découverte dut sans aucun doute laisser un arrière-goût amer et persistant à la fois chez Arago et Le Verrier. Cela renforça la détermination du premier à poursuivre et accélérer ses efforts pour l’érection de cette grande lunette tant attendue, sans pour autant occasionner des bouleversements majeurs dans les méthodes, les instruments et les thématiques. La recherche de petites planètes ne fait pas partie des priorités d’Arago, davantage intéressé par la nature des comètes ou des questions de physique fondamentale, notamment celles concernant la nature de la lumière.
63Il faut plutôt se tourner du côté de l’observatoire de Marseille pour percevoir les premiers effets de cette découverte en France. Benjamin Valz (1787-1867), son directeur, propose dès 1847 à l’Académie des sciences un plan d’observation selon lequel il serait possible de découvrir toutes les petites planètes en seulement quatre années, avec l’aide de douze astronomes dont chacun s’occuperait d’une zone particulière du ciel, à partir de la constitution d’un atlas écliptique. Ce nouvel atlas visait à figurer toutes les étoiles jusqu’à la magnitude 11 et situées à moins de 3 degrés de l’écliptique car les limites de déclinaison des cartes de Berlin ne couvraient pas une large étendue de la zone de l’écliptique où la probabilité était grande de trouver de nouvelles petites planètes. Cette proposition est appuyée par Le Verrier. Un jeune astronome, Jean Chacornac (1823-1873), est engagé en 1852 pour aider Valz dans ce travail. Il achèvera cet atlas seul, à l’Observatoire de Paris, auquel il sera rattaché en mars 1854. Le même empressement est également constaté en Grande-Bretagne, mais dans l’observatoire privé de George Bishop (1785-1861). Ce riche mécène entreprend dès novembre 1846 la constitution d’un atlas écliptique qui permettra à l’astronome John Russell Hind de découvrir dix nouvelles planètes avant 1855.
64Quant à Le Verrier, nommé directeur de l’Observatoire impérial de Paris le 30 janvier 1854, après le décès d’Arago survenu le 2 octobre 1853, en dépit de son statut de théoricien, il va s’empresser de réorganiser l’Observatoire, à commencer par son équipement d’observation. Sa rancœur devait être encore si présente et si tenace que dès sa nomination à la tête de l’Observatoire, il renvoya la plupart des astronomes du « clan » Arago,dont Laugier. Victor Mauvais choisira, quant à lui, le suicide. Les motivations thématiques de Le Verrier sont clairement différentes de celles d’Arago. Il a manifestement été frappé par l’impuissance française à découvrir non seulement sa planète mais aussi une quelconque petite planète. Ainsi il déclare à l’Académie des sciences, en 1854 :
« La prompte réalisation du plan que nous avons adopté pour la recherche des petites planètes ne nous permettait pas d’attendre que la construction du grand équatorial fût terminée : et d’ailleurs c’eût été détourner cet instrument de sa destination […] Un tel état de choses, si nous n’avions pris le parti de le changer, eût eu pour nous cette singulière conséquence, que nous eussions dû nous résigner à abandonner à d’autres le soin d’observer les planètes découvertes à l’Observatoire. Puisque nous venons de parler des observatoires particuliers établis à l’étranger, nous devons rappeler que c’est dans ces observatoires qu’ont été découvertes la plupart des nouvelles petites planètes, un satellite de Neptune, un satellite de Saturne, la transparence de l’anneau obscur de cette dernière planète […] [44]. »
66Le jour même de sa nomination, un décret impérial, inspiré par Le Verrier lui-même, dépossède le Bureau des longitudes de sa tutelle sur l’Observatoire de Paris. Le Verrier a alors les coudées franches pour réorganiser complètement l’établissement dans son fonctionnement et ses attributions. L’observation est remise au service du calcul. Il s’inspire pour cela du modèle anglais, initié par Airy en 1835, lors de sa nomination comme astronome royal [45]. Les tâches sont parcellisées, codifiées, au sein d’un vaste processus de production de données astronomiques. Tous les efforts sont tendus vers la recherche de la précision, dans les instruments, les méthodes, les observateurs, les calculs. Les astronomes sont calibrés tout autant que les instruments, réduits à n’être que de simples subordonnés [46], véritables « machines à observer et à calculer [47] ». Il est convaincu que seule la maîtrise de la précision absolue peut ouvrir la voie vers d’autres découvertes encore insoupçonnées.
67C’est pourquoi, dès 1854, il fait placer un équatorial de 23 centimètres (9 pouces) dans l’une des coupoles jumelles des jardins de l’Observatoire, « uniquement pour faciliter la recherche de nouveaux astres et l’étude physique du ciel ». L’objectif est de qualité modeste mais « la possibilité de voir et même d’observer de petites planètes inobservables à nos cercles muraux compense et au-delà le défaut de pureté parfaite des images » [48].
68Le travail colossal mené par Chacornac, à qui il confie l’instrument, est récompensé dès octobre 1854 par la première découverte d’un astéroïde faite à l’Observatoire de Paris, Polymnie, qui est le 33e dans l’ordre des découvertes. En 1858, Le Verrier installe sur la tour de l’ouest un autre équatorial de Secrétan-Eichens de 31,5 centimètres de diamètre. Maurice Loewy (1833-1907) emploiera cet instrument à partir de 1860, pour fixer les positions des planètes et des comètes par rapport aux étoiles voisines, à l’aide d’un micromètre. L’astrométrie différentielle extra-méridienne fait ainsi son entrée à l’Observatoire, aux côtés des observations méridiennes. Une seconde lunette de 24 centimètres, pourvue d’un objectif de Foucault, viendra occuper la seconde des coupoles jumelles, en 1868. Par la suite, Le Verrier procédera également au changement des instruments méridiens possédant des inconvénients irrémédiables.
69Ainsi, ce fut Le Verrier, le mathématicien, qui dota l’Observatoire d’une vaste gamme d’instruments. Il est vrai néanmoins qu’il stoppa à l’Observatoire toute recherche d’astronomie physique, qui constituait l’essentiel du programme d’Arago. Il devait cependant être convaincu que ce type de recherches ne valait d’être mené qu’avec de grands instruments, sans pour autant se résoudre aux nouvelles techniques qui se faisaient jour en Angleterre, en Allemagne ou en Amérique, à savoir la spectroscopie et la polarimétrie. Comme le disait Hervé Faye en 1874 dans son rapport à l’Académie sur les nouvelles méthodes physiques de l’astronomie : « Nous autres astronomes anciens, nous avons peine à nous y reconnaître, tant les idées, les méthodes, les objets que l’on a en vue et jusqu’à l’esprit qui y règne, diffèrent des nôtres [49]. »
La naissance de « l’astronomie de l’invisible »
70L’observatoire d’Arago était un véritable établissement de recherche, dans le sens où il devait être le creuset des nouveaux savants et des découvertes nouvelles. Arago était davantage versé dans l’expérimentation physique, la physique fondamentale, que dans les calculs longs et ingrats des grands géomètres, inhérents à l’étude du mouvement des corps célestes. Pierre-Simon de Laplace ne l’avait-il pas senti en privilégiant Siméon-Denis Poisson sur Arago, lors de l’élection à l’Académie des sciences, en 1809 ? Tisserand [50] dit d’ailleurs d’Arago, en 1893, qu’il introduisit « la physique dans l’astronomie ». Arago s’occupa par exemple de la polarisation de la lumière lunaire, de la nature de la surface du Soleil, de la question de la scintillation des étoiles et de leur diamètre.
71Cependant, au sein des grands observatoires européens, c’est une tout autre astronomie qui est en train de prendre son essor, dont la figure tutélaire est incontestablement celle de Bessel. Pour celui-ci, « entre l’à-peu-près et l’exactitude il y a un abîme ». Il consacre sa vie à la recherche de toutes les causes d’erreur possibles dans les observations de précision, introduisant l’équation personnelle, qu’il ne découvre qu’en 1823. Tous les astronomes vont s’efforcer de mesurer leur équation personnelle ou de mettre en place des procédés ou instruments pour l’éliminer. Cela va conduire à une rationalisation des procédures d’observation. Grâce à cet effort ascétique vers l’absolu de la précision, Bessel avait brûlé la politesse à Arago à deux reprises en moins de dix ans. La première avec la parallaxe de la 61e du Cygne, en 1838, et la seconde, avec son projet de cartographie céleste, qui mènera à la découverte de Neptune, en 1846. La mesure de parallaxes stellaires attirait Arago en ce qu’elle pouvait nous apprendre à propos de la physique des étoiles [51]. Pour Bessel, elle constituait une fin en soi, la récompense magistrale de sa quête incessante de l’ultime précision.
72Bessel est également le précurseur et le créateur de ce que l’on nomma plus tard « l’astronomie de l’invisible [52] ». Ainsi, dès 1824, il est le premier à avancer sans ambiguïté l’hypothèse d’une planète troublante pour expliquer le mouvement d’Uranus. Entre 1834 et 1840, il prédit la présence d’un compagnon invisible autour de Sirius [53], puis autour de Procyon, à partir des irrégularités observées de son mouvement. La découverte de Neptune vient ainsi consacrer le succès de cette nouvelle astronomie qui, à partir de petites irrégularités dans le mouvement des astres, est capable de voir ce que les lunettes les plus puissantes de l’époque ne peuvent soupçonner. Cette astronomie, qui va s’occuper des corps invisibles, constitue l’un des plus beaux aboutissements des théories de Newton et de Laplace mais prouve également d’une manière éclatante la précision des observations. Elle constituera l’essentiel de l’œuvre scientifique de Le Verrier, qui se consacrera à l’édification de théories des mouvements des planètes d’une très haute précision, qui serviront à l’établissement de leurs éphémérides dans La Connaissance des temps, publiée par le Bureau des longitudes, jusqu’en 1984 [54].
73Le Verrier s’acharnera à traquer ces corps invisibles toute sa vie durant. Il prédira ainsi l’existence d’une nouvelle planète très proche du Soleil, Vulcain, pour expliquer les irrégularités du mouvement de Mercure. Cette prédiction n’eut pas le même succès que celle relative à Neptune. Cependant, ironie du sort, elle constituera beaucoup plus tard la première vérification observationnelle de la théorie de la relativité générale d’Einstein, c’est-à-dire la première mise en défaut de la gravitation newtonienne. Le Verrier était également convaincu que l’observation de sa nouvelle planète devait, au bout de 30 ou 40 ans, révéler probablement un autre corps invisible au-delà de l’orbite de Neptune. C’est ce qui guida les travaux de Percival Lowell au début du xxe siècle, qui aboutirent à la découverte de Pluton en 1930. Aux yeux des astronomes, c’est-à-dire de ceux qui s’occupent exclusivement des astres et de leurs mouvements, Arago est vaincu. L’astronomie de l’invisible va dès lors constituer le fer de lance des recherches astronomiques menées à l’Observatoire de Paris, sous la direction de Le Verrier. L’astronomie de Le Verrier n’est donc pas celle d’Arago. L’astronomie de celui-ci est physique, celle de Le Verrier est mathématique. Arago est avant tout un homme curieux de la nature tandis que Le Verrier voit celle-ci comme une mécanique mathématique parfaite et précise. Elle est consacrée par Le Verrier lui-même dans son rapport sur l’Observatoire de Paris, adressé au ministre de l’Instruction publique et des cultes en décembre 1854, dans lequel il déclare, après avoir parlé du mouvement propre du système solaire :
« Voilà, certes, d’admirables résultats tirés de l’observation des positions des étoiles, et qui laissent présager ceux qu’on a droit d’en attendre, à mesure qu’on leur donnera plus de précision ; car la science est sans bornes, et c’est lorsqu’on serait tenté de la croire arrivée à ses dernières limites, qu’elle prend tout à coup un nouvel essor. Citons, en témoignage, la dernière découverte de l’illustre astronome de Kœnigsberg, Bessel, dont la science porte encore le deuil. Si nous n’avons pas aperçu jusqu’ici ce compagnon de Sirius, c’est qu’il ne constitue pas un second soleil brillant d’une lumière propre, comme dans les systèmes d’étoiles doubles, mais bien une grosse planète du soleil Sirius, planète dont l’éclat emprunté n’a pu parvenir jusqu’à nous. Peut-être en perfectionnant nos moyens optiques, la verrons-nous un jour ; mais lors même que nous n’y parviendrions pas, nous déterminerons avec le temps l’orbite qu’elle parcourt, nous fixerons sa masse et celle de l’étoile autour de laquelle elle se meut [55]. »
75Ces paroles prophétiques prennent une résonance toute particulière de nos jours, après la découverte de la première planète extrasolaire, en 1995. Le Verrier laissait en effet percer ce qui était en puissance, à savoir la possibilité de découvrir d’autres systèmes solaires, par l’insistance qu’il marquait dans l’expression neuve « grosse planète du soleil Sirius ».
76La découverte de Neptune constitue donc bel et bien l’acte de naissance de l’astronomie de l’invisible, reposant sur la toute-puissance du dogme de l’attraction universelle.
Conclusion
77L’impuissance de l’Observatoire de Paris à découvrir la planète de Le Verrier en septembre 1846 a suscité à l’époque sarcasmes et étonnement. Ce n’est plus le cas de nos jours où l’on se réfugie le plus souvent derrière l’explication officielle avancée par Arago : l’absence de cartes stellaires adaptées à la recherche d’astres nouveaux de faible éclat. Pour autant, bien que recevable a posteriori, ce n’est vraisemblablement pas la raison principale, qui semble plutôt tenir au sous-équipement en instruments équatoriaux d’ouverture suffisante. Le programme d’observation, énoncé douze ans plus tôt par le Bureau des longitudes, apparaît comme archaïque et peu visionnaire en regard des nouvelles exigences de précision s’imposant à l’astronomie du xixe siècle. Le dénuement et le déclin que connaît l’astronomie française apparaissent brutalement au grand jour : un nombre réduit d’astronomes répartis dans tout au plus deux observatoires, Paris et Marseille, et un Observatoire de Paris qui déjà commence à subir les nuisances d’une capitale en pleine expansion géographique.
78Le Verrier, le découvreur, va alors incarner le renouveau de l’astronomie française. Bien avant son accession à la direction de l’Observatoire, en 1854, il apparaît, pour les astronomes étrangers tels que Struve ou Encke, comme le principal interlocuteur légitime, apte à restaurer l’astronomie française et à lui rendre sa place qui, par le passé, avait fait toute sa grandeur et sa renommée. L’affrontement avec Arago et son « réseau » est dès lors inévitable. Les engagements politiques d’Arago, aux antipodes de ceux de Le Verrier, ne feront que dégrader un peu plus cette situation. À la mort d’Arago, Le Verrier va en toute logique engager les grands chantiers nécessaires pour sortir de l’ornière l’Observatoire de Paris et, avec lui, toute l’astronomie française. Cela se fera dans la douleur mais cela va permettre en un temps relativement bref de remettre à niveau les équipements d’observation, de recruter et former de jeunes astronomes et de développer l’autre grand observatoire national, celui de Marseille. Le prix à payer sera l’hyperautoritarisme de Le Verrier, le rôle de subordonné auquel sera réduit chaque astronome, mais aussi le coup d’arrêt à l’astronomie physique embryonnaire d’Arago.
79La découverte de Neptune par Le Verrier aura donc agi comme un révélateur des carences graves de l’astronomie française. Elle va être le signe déclencheur de vastes bouleversements qui, peu à peu, vont radicalement affecter et transformer le paysage astronomique français, pour le demi-siècle suivant. L’inventivité créatrice de l’ère Arago, où l’Observatoire était également un établissement d’expérimentation physique, cédera la place à une rationalisation extrême des méthodes et des thèmes de recherche, consacrant la prédominance absolue d’un homme, Le Verrier, et d’une astronomie nouvelle, celle des corps invisibles.
Notes
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Pascal Descamps, Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE),
UMR 8028 CNRS, Observatoire de Paris, 77, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris.
E-mail : descamps@imcce.fr -
[1]
Urbain J. J. Le Verrier, Sur la planète qui produit les anomalies observées dans le mouvement d’Uranus : Détermination de sa masse, de son orbite et de sa position actuelle, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 23 (1846), 428-438. Mémoire lu à la séance du lundi 31 août 1846 de l’Académie des sciences.
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[2]
Une lunette équatoriale est une lunette montée sur deux axes, dont l’un est parallèle à l’axe du monde, et qui peut tourner librement dans tous les sens. Conduite par un mouvement d’horlogerie, la lunette équatoriale peut suivre l’étoile, qui reste alors immobile dans le champ.
-
[3]
Bruno Morando, The golden age of celestial mechanics, in The General history of astronomy, vol. 2B : René Taton et Curtis Wilson (éd.), Planetary astronomy from the Renaissance to the rise of astrophysics : The eighteenth and nineteenth centuries (Cambridge : Cambridge University Press, 1995), 211-239.
-
[4]
John L. E. Dreyer, Historical note concerning the discovery of Neptune, Copernicus, II (1882), 63-64.
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[5]
James Challis, Lettre au journal du 15 octobre, The Atheneum, 17 octobre 1846.
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[6]
Nick Kollerstrom, An hiatus in history : The British claim for Neptune’s prediction, 1845-1846, History of science, 44 (2006), 1-28 et 349-371.
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[7]
Voir l’excellent dossier de Nick Kollerstrom consacré à la découverte de Neptune www.dioi.org/kn/neptune/index.htm. Il est notablement enrichi des pièces disparues du Neptune file, « empruntées » par Olin Eggen en 1965 et retrouvées à sa mort en 1998 dans ses effets personnels, dans son appartement à l’Institut chilien d’astronomie.
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[8]
Il en releva la position une seconde fois, le 12 août.
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[9]
Letter from Mr Encke to J. F. W. Herschel, Berlin, May 19, 1826, The Philosophical magazine and journal, 68 (1826), 50-55.
-
[10]
Cité par François Arago, Astronomie populaire, 4 (1857), 522-523.
-
[11]
En fait, Johann Titius (1729-1796) remarqua le premier, en 1766, cette progression dans les distances planétaires.
-
[12]
Les astéroïdes sont si petits qu’ils ne présentent pas de surface apparente au télescope et qu’ils apparaissent de la même façon qu’une étoile sous la forme d’une vague tache lumineuse. Cette analogie d’aspect suggéra à Herschel cette appellation de petit astre. On les dénommait également les planètes télescopiques car visibles uniquement au télescope.
-
[13]
À ne pas confondre avec Encke.
-
[14]
Jérôme Lamy, Le Bureau des longitudes : La gestion des instruments et les régimes de savoir au xixe siècle, Revue d’anthropologie des connaissances, 2 (2007), 167-188.
-
[15]
Astronome danois qui séjourna à l’Observatoire de Paris de 1673 à 1683.
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[16]
Ainsi Félix Savary (1797-1841) avait publié une note en date de 1827 dans la Connaissance des temps pour 1830, dans laquelle il indiquait triomphalement que l’Observatoire de Paris disposerait maintenant d’un instrument lui permettant de « multiplier et de rendre plus précises les mesures relatives aux étoiles doubles ». C’est en 1827 que Savary parvint à calculer pour la première fois l’orbite d’une étoile double, ζ Ursae majoris. Il démontra que son orbite était une ellipse décrite en 58 ans ¼ et donna en même temps une méthode pour en déterminer la courbe à partir de seulement quatre observations relatives de position. Ce résultat était l’aboutissement de 40 ans de recherches initiées par William Herschel. Enfin on avait confirmation que la loi de gravitation était universelle et s’appliquait partout.
-
[17]
Lettre de Struve à Le Verrier, 7 décembre / 25 novembre 1847 (Archives de l’Observatoire de Paris, Ms. 1072-12).
-
[18]
Philippe Véron, L’équatorial de la tour de l’est de l’Observatoire de Paris, Revue d’histoire des sciences, 56 (2003), 191-220.
-
[19]
Guillaume Bigourdan, Le Bureau des longitudes, Annuaire du Bureau des longitudes (1928), A1-A151.
-
[20]
Pour obtenir plus de précision, on place dans le réticule un certain nombre de fils équidistants, parallèles à celui du milieu ; on observe le passage de l’étoile à chacun d’eux et on prend la moyenne de ces résultats. L’erreur est ainsi divisée par
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[21]
Son nom est bien Yvon Villarceau et non Villarceau seul.
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[22]
Claude-Louis Mathieu épousera la sœur d’Arago en 1824 et l’une des filles issues de ce mariage, Lucie, épousera Ernest Laugier en 1843.
-
[23]
Mémorial encyclopédique et progressif des connaissances humaines, 143 (1842), 639.
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[24]
Registres manuscrits des procès-verbaux du Bureau des longitudes, séance du 6 janvier 1847 (Archives du Bureau des longitudes).
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[25]
François Arago, Planète de M. Le Verrier, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 23 (1846), 659-663.
-
[26]
Observations à la lunette méridienne de 1840 à 1865 (Archives de l’Observatoire de Paris, I 10.1 à 27).
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[27]
L’ascension droite d’un astre est obtenue par la valeur du temps sidéral lorsque cet astre passe au méridien du lieu.
-
[28]
Les deux planètes étaient séparées d’à peine 1 degré dans le ciel.
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[29]
Ce service consistait à relever les positions d’étoiles jusqu’à la magnitude 6 déjà cataloguées par leur nombre de Flamsteed ou leur lettre de Bayer.
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[30]
À la déclinaison de Neptune, le passage d’un fil à l’autre se faisait environ en 17,2 s, soit une durée totale de 71,2 s pour aller du premier au dernier fil. Comme la vitesse de l’astre est alors de 15".cosδ par seconde de temps, où δ est la déclinaison de l’astre, soit de 14,56 "/s, cela donne un champ total parcouru par l’astre de 17,28’. Le champ total de l’oculaire devait donc être celui donné par l’oculaire de Cauchoix plus grande focale, soit celui donnant un grossissement de x 86 et un champ de 21’ sur le ciel.
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[31]
La lunette méridienne de Gambey avait une focale de 2,43 mètres. Elle était donc ouverte à f/16. Les oculaires de Cauchoix étaient du type Ramsden avec un champ apparent de 30°.
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[32]
Un objectif de 15 centimètres possède une tache de diffraction de diamètre 2a = 1,9" qui correspondra à la taille apparente des étoiles ponctuelles. Cependant l’image d’un objet étendu comme Neptune apparaîtra plus étalée qu’il n’est en réalité, en raison précisément des effets de diffraction. En l’occurrence, il se présentera à l’oculaire sous un diamètre apparent d’environ 4a = 3,8" et non de 2,4", qui est sa taille apparente réelle. La mesure de sa taille angulaire sera donc nécessairement surestimée. Pour que l’image de l’astre ne soit pas étalée par la diffraction, il est nécessaire que l’ouverture soit au moins de 23 centimètres, ce qui était le cas de la lunette de Berlin. Néanmoins, en dépit ou grâce à cet effet d’étalement de l’astre dû à la diffraction, celui-ci se distingue des étoiles par un diamètre apparent double bien que non réel (voir André Danjon et André Couderc, Lunettes et télescopes (Paris : Libr. scientifique et technique Albert Blanchard, 1979), 41-45).
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[33]
Cela représente la taille angulaire apparente d’une pièce de 2 euros vue à une distance de 1,8 kilomètre. Par comparaison, la Lune nous apparaît comme une pièce de 2 euros vue à 3 mètres.
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[34]
Goujon observa des astres non répertoriés les 20 et 23 juillet et le 26 août 1846.
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[35]
On peut discerner à l’œil nu, dans un ciel parfaitement sombre, des objets pouvant aller jusqu’à la magnitude 6. Par conséquent, un astre comme Neptune, de magnitude 7,8, plus de cinq fois moins lumineux que l’éclat limite admis par l’œil humain, ne pourra être vu que par un instrument pouvant capter 5 fois plus de lumière. Il devra donc avoir au minimum un diamètre 2,3 fois plus grand que celui de l’œil, soit une ouverture d’au moins 1,4 centimètre.
-
[36]
Danjon et Couderc, op. cit. in n. 32.
-
[37]
Lettre du Neptune file, op. cit. in n. 7.
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[38]
Une quinzaine de jours plus tard, Hind confirma la découverte auprès de Challis, par une observation faite à Londres le 30 septembre 1846, sur une lunette de Dollond de 18 centimètres, à l’observatoire du mécène George Bishop, dans Regent’s Park.
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[39]
Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 23 (1846), 428.
-
[40]
La réduction des observations consiste à les expurger d’effets faibles dus à des causes extérieures comme, par exemple, le mouvement de la Terre, le déplacement le long de son orbite, la lente variation dans le temps de l’orientation de son axe de rotation, etc.
-
[41]
Brouillon d’une lettre de Le Verrier à Struve, 29 novembre 1846 (Archives de l’Observatoire de Paris, Ms. 1072-14).
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[42]
Lettre de Struve à Le Verrier, 7 décembre / 25 novembre 1847 (Archives de l’Observatoire de Paris, Ms. 1072-12).
-
[43]
Jean-Baptiste Biot, Description de l’observatoire astronomique central de Poulkova par F. G. W. Struve […], Journal des savants (sept. 1847), 513-533 et (oct. 1847), 610-620.
-
[44]
Urbain Le Verrier, Présentation d’une note d’Yvon Villarceau sur un équatorial récemment établi à l’Observatoire de Paris, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 39 (1854), 949-961, ici 950.
-
[45]
Robert W. Smith, A national observatory transformed : Greenwich in the nineteenth century, History of astronomy, 22 (1991), 5-20.
-
[46]
Le Verrier, peu après sa nomination à l’Académie des sciences, s’exprime ainsi sur ce point : « On ne doit pas livrer à la publicité les noms des aides-astronomes qui font des découvertes, dont tout le mérite revient exclusivement au directeur sous les ordres duquel ils sont placés. Du reste, ces jeunes astronomes reçoivent une gratification et une médaille pour chaque découverte. » (Cité par Arsène Thévenot dans son ouvrage : Biographie de Charles-Eugène Delaunay (Troyes, 1878).)
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[47]
Lettre d’Émile Plantamour à Ernest Laugier, du 4 mars 1854 (citée dans : Guillaume Bigourdan, Le Bureau des longitudes, Annuaire du Bureau des longitudes (1928), A91).
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[48]
Le Verrier, art. cit. in n. 44, respectivement 949 et 950.
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[49]
Rapport de la Commission nommée le 17 août […] Faye rapporteur, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, 79 (1874), 1022.
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[50]
Félix Tisserand (1845-1896) fut directeur de l’Observatoire de Paris de 1892 à 1896.
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[51]
À la méthode relative de Bessel – mesure par rapport à d’autres étoiles –, il préféra une méthode directe, celle de la mesure de la variation de la distance zénithale sur l’année.
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[52]
Parfois encore appelée l’astronomie des invisibles.
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[53]
Le compagnon de Sirius fut découvert le 31 janvier 1862 par Alvan Clark, au moyen d’une lunette de 46 centimètres d’ouverture.
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[54]
Bruno Morando, Two hundred years of celestial mechanics, in Sylvio Ferraz-Mello, Bruno Morando et Jean-Eudes Arlot (éd.), Dynamics, ephemerides, and astrometry of the solar system : Proceedings of the 172nd Symposium of the IAU, held in Paris, France, 3-8 July, 1995 (Dordrecht-Boston : Kluwer Academic Publishers, 1996), 3-16.
-
[55]
Urbain-J. Le Verrier, Rapport sur l’Observatoire impérial de Paris et projet d’organisation, Annales de l’Observatoire impérial de Paris, t. I (1855), 6.