Notes
-
[*]
Frédéric Leclercq, Centre d’histoire des sciences et d’épistémologie et UMR 8163 « Savoirs, textes, langage », Université des sciences et technologies de Lille-1, UFR de physique, Bât. P5 bis, Bureau 160, 59655 Villeneuve-d’Ascq Cedex.
E-mail : fjd.leclercq@orange.fr -
[1]
Jean-Baptiste Biot, « Calculs sur les anneaux de Newton », ms. E3-55 (bibliothèque de l’Observatoire de Paris).
-
[2]
Malus répond à un concours, organisé par l’Institut en 1807, qui a pour but d’une part, de confirmer la validité des mesures faites par Christiaan Huygens sur les réfractions de la calcite et contredites par celles de Newton, et d’autre part, d’affirmer l’étendue des applications de la physique laplacienne. In Procès-verbaux des séances de l’Académie des sciences, III (Hendaye : Impr. de l’observatoire d’Abbadia, 1913), 633.
-
[3]
Étienne-Louis Malus, Sur une propriété de la lumière réfléchie, Mémoires de physique et de chimie de la Société d’Arcueil, II (Paris : Mme Veuve Bernard, 1811), 149-150.
-
[4]
Il est très probable que ces nouveaux travaux – qui aboutissent à la « Théorie de la double réfraction » en 1810 – ont été influencés par le « Traité d’optique », mémoire dans lequel Malus détermine par un traitement analytique les surfaces des caustiques qui enveloppent tous les rayons réfléchis et réfractés par les systèmes optiques. De là, il déduit les lieux où se concentre la lumière, et tout cela sans faire la moindre hypothèse sur la nature de la lumière. Étienne-Louis Malus, Mémoire d’optique, Journal de l’École polytechnique, VII (1808), 17, 88. Ce mémoire présenté le 20 avril 1807 à la première classe de l’Institut sera dénommé « Traité d’optique » dans les publications ultérieures.
-
[5]
C’est-à-dire l’incidence qui sera dénommée brewstérienne.
-
[6]
Donc autre qu’un corps métallique.
-
[7]
Malus, op. cit. in n. 3, 154-155.
-
[8]
Ibid., 150. Ce plan est défini par l’axe du cristal, direction d’isotropie, et la normale à la face d’entrée.
-
[9]
Malus, op. cit. in n. 3, 151.
-
[10]
Christiaan Huygens, Traité de la lumière [1690] (Paris : Dunod, 1992), 128.
-
[11]
Malus, op. cit. in n. 3, 147-148.
-
[12]
Étienne-Louis Malus, Sur une propriété des forces répulsives qui agissent sur la lumière, in op. cit. in n. 3, 257. D’abord simple énoncé, elle trouve une formulation analytique en 1810, dans : Théorie de la double réfraction, Mémoires présentés à l’Institut par divers savants étrangers, II (1811), 413-415.
-
[13]
Étienne-Louis Malus, Sur une propriété des forces répulsives qui agissent sur la lumière, in op. cit. in n. 3, 260-261. Malus fonde sa conviction sur l’impossibilité d’expliquer par l’hypothèse de Huygens la variété des phénomènes pour une même incidence.
-
[14]
Malus, op. cit. in n. 13, 267. L’orientation d’un de ces pôles ou axes, noté C, orthogonal au mouvement, indique le plan définissant le caractère du rayon auquel appartient la molécule lumineuse.
-
[15]
Étienne-Louis Malus, Théorie de la double réfraction, Mémoires présentés à l’Institut par divers savants étrangers, II (1811), 447. L’adjectif polarisé apparaît brusquement sous la plume de Malus, sans préparation et après plus de 140 pages de rédaction.
-
[16]
Étienne-Louis Malus, Sur de nouveaux phénomènes d’optique, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XI (1811), 108-109.
-
[17]
C’est-à-dire selon des plans perpendiculaires.
-
[18]
Malus, op. cit. in n. 15, 447.
-
[19]
Dans un plan perpendiculaire au précédent.
-
[20]
Malus, op. cit. in n. 16, 108. La lumière incidente est naturelle.
-
[21]
Donc des extinctions.
-
[22]
Étienne-Louis Malus, Sur les phénomènes qui accompagnent la réflexion et la réfraction de la lumière, in op. cit. in n. 16, 115. La lumière incidente étant déjà complètement polarisée, les rayons réfléchi et réfracté par la lame gardent une polarisation complète, nous dirions rectiligne. Lorsqu’on tourne la lame de 45°, c’est-à-dire dans l’azimut NO, le plan de polarisation du rayon réfléchi reste confondu avec le nouveau plan d’incidence qui se trouve donc à 45°, tandis que le rayon réfracté a son plan de polarisation tourné d’environ 40° de plus que ce dernier. Ainsi, lorsque la lame a été tournée de 45°, le plan de polarisation du rayon réfracté par la lame est à environ 85° du plan primitif : Malus n’aperçoit, d’après ses observations, qu’un rayon extraordinaire formé par le spath, d’intensité maximale. Les résultats sont approximatifs, Malus ne donne aucune valeur numérique. Il n’est probablement pas aisé de faire une observation plus précise avec l’appareil expérimental dont dispose Malus, ne serait-ce qu’à cause de la faiblesse des intensités lumineuses des rayons.
-
[23]
Ces travaux de Malus datent de 1811, ceux de Biot sur la polarisation chromatique de 1812. Biot retrace ceux-là dans son ouvrage Recherches expérimentales et mathématiques sur les mouvements des molécules de la lumière autour de leur centre de gravité (Paris : Didot, 1814), puis dans son Traité de physique expérimentale et mathématique (Paris : Deterville, 1816).
-
[24]
Voir la figure 1.
-
[25]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 298.
-
[26]
Biot (1814), op. cit. in n. 23, xlij.
-
[27]
Notons que la lumière réfléchie a pour intensité E. cos2 45° = E/2. Pour les quatre azimuts rapportés aux directions NO, SE, NE, SO, l’intensité du rayon extraordinaire est alors maximale, comme l’a observé avec approximation Malus.
-
[28]
Pour les quatre azimuts rapportés aux directions N, O, S, E l’intensité est cette fois-ci nulle, ce qui correspond encore aux observations de Malus.
-
[29]
Biot (1814), op. cit. in n. 23, xliij-xliv.
-
[30]
En 1811, les physiciens et les cristallographes pensent que tous les cristaux biréfringents se comportent comme la calcite. Par analogie, ceux-ci ont tous une direction particulière dénommée axe du cristal, axe de double réfraction, axe cristallographique, pour laquelle la biréfringence est nulle ou paraît nulle.
-
[31]
Étienne-Louis Malus, Sur l’axe de réfraction des cristaux et des substances organisées, in op. cit. in n. 16, 142.
-
[32]
Pour faciliter l’expérimentation, Malus a remplacé le spath analyseur par une glace orientée de sorte à réfléchir un rayon polarisé extraordinaire.
-
[33]
Malus, op. cit. in n. 31, 144.
-
[34]
Malus, op. cit. in n. 15, 447.
-
[35]
François Arago, Mémoire sur la polarisation colorée, in Œuvres complètes de François Arago, X (Paris : Gide – Leipzig : Weigel, 1858), 37.
-
[36]
Biot ne peut savoir que les deux premiers minéraux sont des cristaux biaxes qui n’ont pas les mêmes propriétés optiques que la calcite. Leur choix vient de ce qu’ils se clivent aisément en des lames d’une épaisseur uniforme et d’un excellent poli. Le gypse – ou chaux sulfatée – a ses axes optiques situés dans le plan des lames obtenues par clivage. Pour des incidences proches de la normale, les teintes fournies par ce cristal ont les mêmes caractères que celles de la calcite ou du quartz, lorsque l’axe de ces cristaux uniaxes est parallèle au plan des lames taillées. En revanche, le mica a ses axes optiques positionnés dans un plan perpendiculaire à celui des lames obtenues par clivage : si l’on quitte l’incidence normale, les teintes produites suivent des lois particulières que seul ce minéral semble posséder, ce dont Biot s’aperçoit dès le début de ses recherches. Jusqu’en 1818 et les travaux en lumière convergente de David Brewster (On the laws of polarisation and double refraction in regularly crystallized bodies, Philosophical transactions for year 1818, CVIII (1818), 199), le mica est une exception pour Biot. Nous ne traitons pas les travaux relatifs à ce minéral, cela n’étant pas nécessaire à notre article.
-
[37]
Arago a rapporté dans le mémoire cité, sous le même nom, les deux phénomènes que nous désignons par « polarisation chromatique » et « polarisation rotatoire ». Cet article ne porte que sur la première.
-
[38]
Actuellement, nous utilisons des analyseurs qui laissent passer les vibrations de la lumière selon un seul plan. Lorsque ce plan coïncide avec le plan de polarisation de la lumière incidente, nous sommes dans la configuration analyseur et polariseur parallèles. Si l’on tourne le polariseur de 90°, on se trouve dans la configuration analyseur et polariseur croisés. En son temps, Biot a souvent utilisé un spath achromatisé, c’est-à-dire un analyseur qui laisse passer les vibrations de la lumière selon deux plans perpendiculaires, l’un contenant les vibrations du rayon ordinaire, l’autre celles du rayon extraordinaire. En faisant coïncider le plan de section principale du spath avec celui du rayon incident, le rayon ordinaire a la teinte de la première configuration tandis que le rayon extraordinaire a celle de la seconde configuration. Lorsqu’on place une lame cristalline entre analyseur et polariseur croisés, la rotation de celle-ci dans son plan laisse la teinte invariante, mais change l’intensité : c’est pourquoi Biot considère l’image extraordinaire du spath analyseur. Contrairement à Arago, Biot a saisi l’importance de conserver à l’une des images une teinte invariante.
-
[39]
Jean-Baptiste Biot, Sur de nouveaux rapports qui existent entre la réflexion et la polarisation de la lumière des corps cristallisés, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XII (1812), 140. L’azimut 0° ou méridien, celui du plan de polarisation du faisceau incident, est associé au point cardinal Nord.
-
[40]
Biot, op. cit. in n. 39, 142-143.
-
[41]
Biot, op. cit. in n. 39, 149.
-
[42]
Qui correspond à la teinte E.
-
[43]
Biot, op. cit. in n. 39, 168-169. Cela est rendu possible parce que Biot emploie de la lumière polarisée rectilignement. La théorie ondulatoire indique que la différence de marche des rayons à l’origine des anneaux réfléchis ? = 2?. n. e/? est de même forme que la différence de marche des rayons ordinaire et extraordinaire à l’origine des couleurs des lames minces cristallines ? = 2?. ?n. e/?. Cela explique l’analogie des deux phénomènes. Le terme ?n désigne la biréfringence de la lame cristalline, généralement très faible. Ainsi, à teinte identique, il faut des épaisseurs de lame cristalline 20 à 1 000 fois plus fortes que l’épaisseur de lame de verre formant les anneaux de Newton.
-
[44]
Biot, op. cit. in n. 39, 238.
-
[45]
Ibid., 272.
-
[46]
Quand les teintes changent vers des ordres de plus en plus petits, Biot indique qu’elles montent dans l’ordre des anneaux. En revanche, si elles changent vers des ordres de plus en plus grands, elles descendent dans l’ordre des anneaux. Actuellement, nous avons une convention contraire.
-
[47]
Il s’agit bien sûr du rayon extraordinaire de l’analyseur.
-
[48]
Jean-Baptiste Biot, Sur un nouveau genre d’oscillation que les molécules de la lumière éprouvent en traversant certains cristaux, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XIII (1812), 55.
-
[49]
Biot, op. cit. in n. 48, 63.
-
[50]
Newton donne trois séries d’épaisseurs relatives à l’air, à l’eau et au verre. Isaac Newton, Traité d’optique, réimpr. de la 2nde éd. française de 1722 (Paris : Gauthier-Villars, 1955), 266-267.
-
[51]
Leur description est le sujet de la première partie du second livre du Traité d’optique.
-
[52]
Newton, op. cit. in n. 50, 261.
-
[53]
Ibid., 376.
-
[54]
Ibid., 328.
-
[55]
Ibid., 331.
-
[56]
Ibid.
-
[57]
Newton, op. cit. in n. 50, 449.
-
[58]
Biot, op. cit. in n. 48, 65.
-
[59]
Biot, op. cit. in n. 48, 70.
-
[60]
Ibid., 79-81.
-
[61]
Ce terme est atteint à environ 0,45 mm pour le gypse et le quartz.
-
[62]
Biot, op. cit. in n. 48, 71.
-
[63]
Ce mémoire, qui porte sur les techniques mathématiques et délaisse le mécanisme des forces en action, a pour but d’accorder les valeurs théoriques aux données expérimentales. Roger Hahn, Le Système du monde : Pierre-Simon Laplace, un itinéraire dans la science (Paris : Gallimard, 2004), 160.
-
[64]
Il s’agit d’un travail méticuleux et de vaste proportion ; plus de 500 mesures ont été faites. Biot, op. cit. in n. 48, 64.
-
[65]
Les azimuts 0 et 2i.
-
[66]
Biot, op. cit. in n. 48, 71.
-
[67]
Ibid., 76.
-
[68]
Ibid., 71.
-
[69]
Ibid., 74.
-
[70]
Biot, op. cit. in n. 48, 75.
-
[71]
Ibid., 82-83.
-
[72]
Ibid., 87.
-
[73]
Ibid., 87-88.
-
[74]
Comme Newton, Biot ne sait si ce qui distingue les couleurs est le fait d’une différence de masse ou d’une différence de vitesse des molécules lumineuses.
-
[75]
Nous savons que . Donc 2x/g est bien homogène à un temps au carré. Nous n’utilisons plus les mêmes notations que Biot.
-
[76]
Biot, op. cit. in n. 48, 89.
-
[77]
Biot, op. cit. in n. 48, 92.
-
[78]
Ibid., 93.
-
[79]
Ibid.
-
[80]
Ibid., 100. Ce sera un argument contre la théorie ondulatoire…
-
[81]
Ibid., 99.
-
[82]
Ibid., 108.
-
[83]
Biot, op. cit. in n. 48, 108.
-
[84]
Ibid., 110-111.
-
[85]
Ibid., 113.
-
[86]
C’est l’objet de la quatrième partie du grand mémoire, op. cit. in n. 48, 139-219. Biot effectue des observations complexes avec deux lames croisées, l’une étant inclinée.
-
[87]
Biot, op. cit. in n. 48, 217.
-
[88]
Malus, op. cit. in n. 15, 352.
-
[89]
Jean-Baptiste Biot, Sur une nouvelle application de la théorie des oscillations de la lumière, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XIII (1816), 3. Pendant un temps, Biot pensait que les cristaux les plus biréfringents ne produisaient pas ce phénomène. Il a fallu, pour l’obtenir, tailler des faces artificielles selon les sections les moins biréfringentes et observer en incidence oblique.
-
[90]
Biot, op. cit. in n. 89, 16. Notons que la biréfringence du gypse – cristal biaxe – et celle du quartz – cristal uniaxe – valent toutes deux exactement 0,0091. Celle du spath d’Islande égale 0,1721. Le rapport vaut environ 18,9, valeur très proche de celle de Biot. Les valeurs numériques obtenues par Biot proviennent de la comparaison d’épaisseurs de lames.
-
[91]
Comme Malus a effectué ses mesures en lumière blanche et visé une partie des faisceaux dispersés par la réfraction, le rapport obtenu est moins précis.
-
[92]
Biot, op. cit. in n. 89, 16.
-
[93]
La biréfringence du béryl est négative, celle du quartz positive.
-
[94]
Jean-Baptiste Biot, Sur la découverte d’une propriété nouvelle dont jouissent les forces polarisantes de certains cristaux, in op. cit. in n. 89, 24.
-
[95]
Jean-Baptiste Biot, Sur la nature des forces qui partagent les rayons lumineux dans les cristaux doués de la double réfraction, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XIV (1818), 224.
-
[96]
Ibid., 226. Ces observations sont en partie erronées car l’étude de Biot est trop succincte pour distinguer les cristaux uniaxes des biaxes. Ce n’est qu’en 1819, après les travaux de Brewster en lumière convergente, que Biot proposera une grande théorie de la double réfraction applicable à tous les cristaux, quel que soit le nombre de leurs axes. En son temps, Malus a étudié la double réfraction de quatre cristaux – la calcite, le quartz, l’aragonite et la barytine – mais il n’a pas pris soin de vérifier la polarisation de chaque rayon réfracté, estimant que seule l’intensité du phénomène varie d’un cristal à l’autre par rapport à celle de la calcite.
-
[97]
Biot, op. cit. in n. 95, 232-233.
-
[98]
Biot, op. cit. in n. 94, 25. Lorsque Laplace étudie la double réfraction, il montre qu’une force répulsive ou attractive émanant de l’axe du cristal est mathématiquement possible. Pierre-Simon de Laplace, Mémoire sur les mouvements de la lumière dans les corps diaphanes, in Œuvres complètes, XII (Paris : Gauthier-Villars, 1898), 275. Ce mémoire a été lu à l’Institut en 1809.
-
[99]
Biot, op. cit. in n. 95, 234.
-
[100]
Biot, op. cit. in n. 89, 2-4. La polarisation mobile est la représentation mécanique de la polarisation chromatique, la polarisation fixe celle de la double réfraction.
-
[101]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 389.
-
[102]
Ibid., IV, 392.
-
[103]
Ibid., IV, 393.
-
[104]
Biot, op. cit. in n. 48, 69.
-
[105]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 92-93.
-
[106]
La figure 22 de la planche II du tome IV du Traité de physique montre les alternances à la réflexion et à la transmission des accès des molécules lumineuses. Notre figure 4 ci-avant la reproduit. Par convention, Biot représente les alternances des accès par des demi-cercles ouverts à gauche pour ceux de facile transmission, et à droite pour ceux de facile réflexion.
-
[107]
Il existe des anneaux noirs et non obscurs parce que cette description du mécanisme des accès a lieu à l’intérieur de la lame. En tenant compte de la réflexion partielle sur la première surface, on obtient des anneaux seulement obscurs, comme l’indique Newton. Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 98.
-
[108]
Avec la figure 4, la longueur d’accès étant i = 10, on voit qu’il y a des molécules au maximum de leur accès uniquement aux épaisseurs [5 ; 15], [25 ; 35]…
-
[109]
Par exemple, les molécules dont l’accès est compris entre i/4 et 3i/4 (ce qui revient à prendre e = i/4) sont réfléchies. Alors, il y a réflexion partielle aux intervalles [i/4 ; 7i/4]… et réflexion maximale aux intervalles [3i/4 ; 5i/4].
-
[110]
Biot l’a représentée par un demi-cercle : c’est pure convention.
-
[111]
À notre connaissance, dans tous ses écrits, Biot emploie cette périphrase à la place du mot éther. Pour Biot, l’éther est inutile car Laplace a calculé qu’aucune observation ne permet de montrer l’influence d’un tel fluide. Pierre-Simon de Laplace, Traité de mécanique céleste, IV (Paris : Courcier, 1805), 325.
-
[112]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, III, 195.
-
[113]
Ibid., IV, 275.
-
[114]
Ibid., III, 197.
-
[115]
Biot (1814), op. cit. in n. 23, lj.
-
[116]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 284.
-
[117]
Malus, op. cit. in n. 22, 120.
-
[118]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 284.
-
[119]
Ibid., IV, 396-397.
-
[120]
La présentation du calcul des teintes des lames minces cristallines par Fresnel est surtout un prétexte pour critiquer la théorie des oscillations des molécules lumineuses.
-
[121]
D’autant que Fresnel utilise volontairement les mêmes notations que Biot, « pour faciliter la comparaison de ses formules avec les miennes ». Augustin Fresnel, Mémoire sur l’influence de la polarisation dans l’action que les rayons exercent les uns sur les autres, in Œuvres complètes d’Augustin Fresnel, I (Paris : Imprimerie impériale, 1866), 399.
-
[122]
Jean-Baptiste Biot, Remarques de M. Biot sur un rapport lu le 4 juin 1821, in op. cit. in n. 121, I, 576.
-
[123]
Ne sachant pas, Biot les avait conventionnellement représentés par des demi-cercles.
-
[124]
Biot, op. cit. in n. 122, I, 578. Les teintes de la polarisation chromatique sont effectivement plus vives que celles des anneaux…
-
[125]
L’égalité des effets de la polarisation chromatique et de la double réfraction obtenue par Biot a dû conforter Fresnel dans son opinion.
-
[126]
Fresnel, op. cit. in n. 121, 408, 438. Les mêmes passages apparaissent dans plusieurs rédactions.
-
[127]
Arago et Fresnel, Mémoire sur l’action que les rayons de lumière polarisée exercent les uns sur les autres, in op. cit. in n. 121, 516-517.
-
[128]
Arago et Fresnel, Note extraite du mémoire sur les couleurs que la polarisation développe dans les lames cristallisées parallèles à l’axe, in op. cit. in n. 121, 535.
-
[129]
Augustin Fresnel, Examen des remarques de Biot par Fresnel, in op. cit. in n. 121, 608.
-
[130]
John Herschel, Traité de la lumière, I (Paris : De Malher et Cie, 1829), 115.
-
[131]
Jean-Baptiste Biot, Sur les lois générales de la double réfraction et de la polarisation, dans les corps régulièrement cristallisés, Mémoires de l’Académie des sciences de l’Institut de France, III (1819), 178.
-
[132]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, I, xviij.
-
[133]
Biot, op. cit. in n. 122, 580.
-
[134]
Ibid., 588.
-
[135]
Ainsi, après que la transversalité des ondes lumineuses est devenue vraisemblable et que la nature mécanique de l’éther dans lequel elles se propagent est définie, Fresnel va proposer une théorie rendant compte de tous les phénomènes liés à la double réfraction des cristaux, qu’ils soient uniaxes ou biaxes. André Chappert, L’Édification au xixe siècle d’une science du phénomène lumineux : Propagation de la lumière et conception du phénomène lumineux du début du xixe siècle à la naissance de la théorie de la relativité (Paris : Vrin, 2004), 54-62.
-
[136]
Robert Fox, The rise and fall of Laplacian physics, in The Culture of science in France 1700-1900 (Aldershot : Variorum, 1992), 115. Ajoutons qu’on pourra consulter l’ouvrage de Jed Buchwald, The Rise of the wave theory of light : Optical theory and experiment in the early nineteenth century (Chicago : University of Chicago Press, 1989), à propos des difficultés conceptuelles qui brouillent, d’après l’auteur, le développement des théories de la lumière (problématique dans l’introduction, principalement aux pages xv-xvij).
1Les travaux académiques de Jean-Baptiste Biot sont abondants, tant par leur nombre que par leur contenu ; mais nous ne possédons qu’une correspondance pauvre de ce savant et un seul cahier d’expériences [1] lacunaire sur le sujet qui nous intéresse. Ainsi, nous ne pouvons connaître que les problèmes qu’il a bien voulu nous rapporter dans les Mémoires de l’Institut et ignorons la démarche réelle qu’il a suivie durant les quatre années, de 1812 à 1816, où il a étudié activement la polarisation chromatique. Une lecture linéaire, c’est-à-dire respectant la chronologie qu’impose Biot dans l’exposé, en partie reconstruit à partir de ses longs mémoires, dilue trop l’intérêt de notre sujet. C’est pourquoi nous allons mettre en relief cinq grands thèmes représentatifs, d’une part, des difficultés qu’eut à surmonter Biot, d’autre part, des connaissances nouvelles et nombreuses qu’il a établies : l’analyse de la lumière issue des lames minces cristallines et l’utilisation des travaux d’Étienne-Louis Malus, l’analogie d’observation des teintes et l’emploi des travaux d’Isaac Newton, l’application des principes mécaniques à la polarisation chromatique, le lien entre la polarisation chromatique et la double réfraction, la révision de la théorie des accès.
Les travaux de Malus et l’observation de la polarisation chromatique
2Les travaux expérimentaux de Biot sur la polarisation chromatique s’appuient sur les études des phénomènes polarisés de Malus, qui elles-mêmes procèdent de celles de la double réfraction [2]. Nous préciserons d’abord les caractères que Malus a donnés à ces phénomènes, ainsi que les moyens mis en œuvre pour les observer avant d’indiquer les conséquences qui en résultent pour la théorie corpusculaire de la lumière.
3Dans un premier temps, Malus s’intéresse aux caractères des rayons [3] autour de leur trajet [4]. Lors de l’étude de la double réfraction, il remarque que la lumière naturelle qui s’est réfléchie sous une incidence appropriée [5] à la nature du corps réfléchissant [6] possède les mêmes caractères que les rayons réfractés de la calcite [7]. Cette déduction provient des deux positions particulières des plans pour lesquelles on n’observe qu’un seul rayon réfracté par le cristal : quand le rayon ordinaire existe seul, le plan de réflexion du rayon réfléchi coïncide avec le plan de section principale du cristal [8], mais si le premier plan est perpendiculaire au second, alors seul existe le rayon extraordinaire, l’ordinaire étant éteint. Pour tout autre angle dièdre fait par ces plans, les deux rayons réfractés existent simultanément et leurs intensités se modifient de manière réciproque lors de la rotation du cristal [9], c’est-à-dire du plan de section principale. Malus rapproche ce fait de l’expérience que Christiaan Huygens a laissée sans interprétation satisfaisante [10] : les rayons réfractés par un premier spath d’Islande se dédoublent en quatre rayons lors de la traversée d’un second spath, les intensités de ces derniers étant affectées de manière semblable par la position des plans de section principale des cristaux [11].
4Si le corps réfléchissant reçoit les rayons réfractés du spath sous une incidence appropriée, on observe des phénomènes caractérisés par les mêmes positions particulières des deux plans ; mais on remarque surtout avec cette nouvelle expérience que les propriétés liées à la réflexion et à la double réfraction, bien que similaires, ne sont pas identiques. En effet, pour l’incidence appropriée, lorsque les plans de réflexion et de section principale se confondent, le rayon ordinaire se réfléchit partiellement tandis que le rayon extraordinaire se réfracte en totalité. Les rôles des rayons s’échangent lors d’une rotation de 90° du cristal autour de la direction des rayons. Pour toute autre position du plan de réflexion, les réflexion et réfraction demeurent partielles, et on constate que les variations des intensités des rayons restent sensibles, de la même manière, à la rotation du cristal. Malgré la différence supposée des causes de la réflexion partielle et de la double réfraction, la similitude des effets autorise Malus à faire une géométrisation des variations observées.
5Ainsi, en 1808, il énonce que l’intensité de la lumière relative à un plan par rapport à un autre varie comme le carré du cosinus de l’angle dièdre que forment ces plans [12] : cette loi d’intensité que Malus, puis Biot, n’auront de cesse d’utiliser est la plus fondamentale de la théorie corpusculaire pour cette sorte de phénomène.
6Malus élude ces descriptions et aussi l’origine particulière des phénomènes – réflexion partielle ou double réfraction – avec l’introduction d’une nouvelle terminologie induite par cette géométrisation qui impose, d’après lui, forme et disposition aux molécules lumineuses [13]. Dès lors, celles-ci sont dotées d’axes ou paires de pôles [14], nom menant au qualificatif polarisé [15] et à l’action associée, la polarisation [16]. Conjointement, cette figuration donne une représentation mécanique à la lumière et précise la situation géométrique à laquelle le phénomène se rapporte : un rayon complètement polarisé est constitué de molécules ayant toutes leur axe C orienté selon un même plan. Donc le rayon ordinaire d’un cristal est complètement polarisé selon le plan de section principale, le rayon extraordinaire selon le plan transverse, et un rayon réfléchi selon le plan de réflexion.
7Déterminer le plan par rapport auquel un rayon est complètement polarisé consiste à en faire l’analyse, et ce plan se trouve aisément soit par l’extinction d’un des rayons réfractés d’un spath, soit par celle d’un rayon réfléchi sur une glace inclinée. Ces deux moyens montrent leur limite avec la lumière partiellement polarisée, c’est-à-dire lorsqu’on n’observe aucune extinction :
« Il est probable que toute la lumière produite par la réflexion partielle, est polarisée comme celle qui a été soumise à l’action d’un cristal ; mais comme le rayon réfléchi contient à la fois les molécules qui sont polarisées dans un sens et celles qui sont polarisées dans l’autre [17], il présente dans sa décomposition par un prisme de spath calcaire, les mêmes propriétés qu’un rayon naturel ; et ce n’est que sous l’angle de réflexion, où toutes les molécules sont polarisées de la même manière, que cette modification de la lumière devient sensible et incontestable [18]. »
9De nouvelles études vont achopper sur de semblables difficultés.
10En 1811, Malus publie ses recherches sur les caractères de la lumière partiellement polarisée par réflexion et par réfraction au travers de lames isotropes épaisses. Pour l’incidence particulière, l’analyse de la lumière transmise ne montre pas d’extinction, c’est-à-dire n’indique pas de plan privilégié. Malus en est réduit aux conjectures et suppose que la lumière réfractée par ces lames « est composée, 1° d’une quantité de lumière polarisée dans un sens contraire à celle qui a été réfléchie [19], et proportionnelle à cette quantité ; 2° d’une autre portion non modifiée, et qui conserve les caractères de la lumière directe [20] ».
11Il remplace alors la lumière naturelle par de la lumière complètement polarisée. Le rappel de l’analyse de la lumière réfléchie permet de situer les plans de polarisation de la lumière transmise :
« En supposant donc que la glace fasse une révolution entière, la lumière réfléchie a deux maxima répondant aux positions N. et S., et deux minima absolus [21] répondant aux positions E. et O. ; mais la lumière réfractée extraordinairement a quatre minima absolus répondant aux positions N. S. E. et O., et quatre maxima répondant aux positions NO. SE. NE. SO [22]. »
13Malus ne nous a laissé aucune interprétation de cette observation, mais Biot en rapporte le traitement analytique [23]. Il s’agit probablement d’une reconstruction, cependant ce qu’indique Biot est d’un grand intérêt pour notre sujet.
14D’après celui-ci, Malus a dû supposer qu’une partie de la lumière incidente était transmise sans action de la lame épaisse, s’appuyant sur le fait que de la lumière complètement polarisée peut traverser une lame sans être affectée. Ainsi, la lumière incidente est constituée d’une partie désignée O sur laquelle la lame n’agit pas et d’une partie désignée E dont l’intensité est modifiée par la rotation de la lame autour du rayon incident. La quantité réfléchie de E dépend donc de i, azimut du plan de réflexion de la glace par rapport au méridien N du faisceau incident [24], et vaut E. cos2 i, ce qui est la loi d’intensité. Le complément E. sin2 i est transmis et polarisé, d’après Biot qui se réfère à Malus, dans l’azimut 90° + i [25].
OI : plan de polarisation du rayon réfléchi
OR : plan de polarisation du rayon réfracté
15Pour le cas général où le plan de section principale du spath analyseur est tourné d’un azimut ?, les intensités des rayons du spath sont :
17Ces relations se simplifient si le plan de section principale du spath coïncide avec le méridien (? = 0) :
19On obtient pour i = 45°, 135°, 225°, 315° :
21et pour i = 90°, 180°, 270°, 360° :
23Les huit applications relatives aux orientations i données à la lame justifient bien les observations : quatre extinctions de Fe encadrent quatre maximums. Cela fait croire à une polarisation par réfraction distincte de celle par réflexion. Notons que les extinctions retiennent l’attention de Malus qui parvient au moyen d’une observation complémentaire jointe aux deux relations de la note 26 à calculer les intensités des lumières transmise et réfléchie pour tout azimut de la lame placée sous incidence de polarisation complète [29] ; car son but demeure le calcul d’intensité de rayons lumineux, quels qu’ils soient. Tous les phénomènes polarisés étudiés par Malus sont définis par l’extinction d’un faisceau individualisé de l’analyseur. Si on n’observe aucune extinction à l’analyse, la polarisation est incomplète, c’est-à-dire qu’une partie seulement de la lumière a reçu une polarisation complète tandis que le reste est demeuré dans l’état antérieur à l’action polarisante. Dans la tradition de l’émission, cette observation spécifique est déterminante.
24À partir d’une dernière série d’observations à l’été 1811, Malus indique que le dispositif précédent permet aussi de déterminer « l’axe de cristallisation et de réfraction [30] dans les cristaux qui ne conservent plus de traces de leurs formes primitives [31] » et il note que « la quantité de lumière réfléchie [par une glace servant d’analyseur] [32] […] est à son maximum quand la section principale du cristal a décrit autour de la verticale un angle de 45° [33] ». Le fait de trouver un maximum d’intensité lumineuse pour le même azimut de l’appareil expérimental lors d’études relatives à des corps isotropes ou biréfringents a dû conforter Malus – et Biot – dans son idée sur la valeur de la théorie appliquée à ces phénomènes.
25Malade, Malus ne publie plus ; la phtisie l’emporte en février 1812. S’il est certain que les phénomènes polarisés sont le fait de l’action de forces attractives ou répulsives, celles-ci ne sont jamais formulées autrement que sous une forme implicite. Il nous a seulement laissé une figuration matérielle de la lumière au moyen de molécules dotées de pôles et indique brièvement que la polarisation par réflexion, à l’action partielle, doit avoir une cause distincte de celle de la double réfraction [34]. Tous les travaux de Malus ont porté sur l’étude des intensités de rayons polarisés en lumière blanche ; or, François Arago rapporte à l’été 1811 l’existence d’une polarisation colorée : la lumière polarisée qui a traversé une lame mince de mica colore de teintes complémentaires les images d’un spath analyseur [35]. Ce phénomène, qu’Arago ne fait qu’observer, va être étudié par Biot dans le cadre de la physique laplacienne.
26Au cours de l’hiver 1811-1812, Biot reprend l’étude d’Arago avec trois sortes de lames minces cristallines : du gypse, du mica et du quartz [36]. Pour donner les lois de la polarisation colorée, que nous désignerons dorénavant par l’expression polarisation chromatique [37], Biot s’assure de la présence de l’axe du cristal dans le plan de chaque lame mince et utilise une lumière blanche complètement polarisée. L’analyse de la lumière qui a traversé la lame mince révèle une teinte invariante de l’image extraordinaire du spath analyseur [38] :
« Si l’on tourne la lame dans son plan, l’incidence restant toujours perpendiculaire, cette teinte ne changera pas de nature, mais son intensité variera. Elle deviendra nulle quand l’axe de double réfraction de la lame sera dirigé vers un des quatre points cardinaux ; et elle atteindra son maximum dans les points intermédiaires, c’est-à-dire, quand l’axe sera dirigé dans les azimuts de 45°, 135°, 225°, 315° [39]. »
28La polarisation chromatique semble suivre les mêmes périodes que celles du rayon réfracté par des lames épaisses isotropes ou cristallines. Malus a donné des relations analytiques pour ces deux sortes de phénomènes ; mais celui-ci se distingue des précédents par la coloration des images et la complémentarité des teintes lorsque l’axe de la lame fait un angle i = 45° (voir figure 2). Biot estime qu’on peut
« considérer la lumière totale, comme composée de […] deux teintes, dont l’une, passant librement, reste polarisée par rapport au plan du méridien ; et l’autre, qui est celle sur laquelle agit la lame, éprouve de sa part une polarisation relative à son axe de cristallisation […] l’une, que nous représenterons par E, sera celle qui éprouve une action de la part de la lame mince ; l’autre, que nous nommerons O, sera celle sur laquelle la lame n’agit point. L’ensemble de ces deux teintes O + E composera le rayon blanc incident […] [40] ».
CZ : plan de polarisation du rayon incident ou méridien Nord
CP : plan de section principale (PSP) du spath analyseur
i : azimut de l’axe de la lame
? : azimut du PSP
30Cette interprétation est analogue à celle faite par Malus lors de l’étude de la lumière transmise par les lames isotropes ; avec cette différence que la notation E représente pour Malus une quantité de lumière blanche dont la transmission est sensible à l’azimut du plan de réflexion, alors que pour Biot, elle renvoie à une quantité de lumière colorée dont la répartition entre les deux images de l’analyseur dépend de l’azimut de l’axe de la lame cristalline.
31Biot tente alors de justifier l’intensité des images colorées par l’application de la loi en carré du cosinus : c’est l’impasse, d’autant qu’il ne peut faire aucune observation et bien sûr aucune mesure sur les rayons issus de la lame cristalline, trop mince pour séparer visuellement les rayons réfractés qu’elle produit, s’ils existent d’ailleurs… Biot donne alors, d’après l’expérience, un couple de relations analytiques qui indiquent, sans exception, les intensités des faisceaux de l’analyseur pour l’incidence perpendiculaire (voir figure 2) :
33Avec ? = 0 – ce qui correspond à la configuration analyseur et polariseur croisés –, on a l’image extraordinaire Fe d’une teinte E et d’intensité maximale pour i = 45° :
35L’image Fe contient alors toute la lumière relative à l’ensemble E, lumière absente de l’autre image de teinte O : la séparation est complète conformément aux observations. Pour d’autres valeurs de i, la lumière du groupe E se répartit entre les images selon les deux relations. Ces dernières indiquent conjointement l’intensité et la teinte des images, si l’on sait ensuite déterminer la teinte des mélanges variés de E et O.
36Il reste à identifier ces teintes. Biot a remarqué que « les couleurs données par la réfraction extraordinaire [42] dans les lames de chaux sulfatée, de mica et de cristal de roche […] comparées aux épaisseurs des lames qui les donnent, suivent exactement les mêmes rapports que celles que Newton a observées [43] ». Plus précisément, les changements de la teinte E selon l’épaisseur des lames suivent la même progression que ceux des anneaux réfléchis de Newton. De manière biunivoque, l’épaisseur de la lame cristalline indique la teinte produite avec de la lumière complètement polarisée.
37Cette étude est d’un emploi général pour l’incidence perpendiculaire. En incidence oblique, l’intensité et la teinte suivent des lois indépendantes : « C’est seulement après avoir étudié séparément ces deux classes de phénomènes, qu’on peut les réunir dans une même formule très-simple, et être assuré que cette formule satisfait à tous les cas [44]. »
38Ainsi, chaque situation nécessite une loi expérimentale différente dépendant de constantes – relatives à la teinte – que seules des observations permettent d’indiquer. Il devient nécessaire de créer une théorie qui unifie toutes les observations.
39Pour cela, il faut faire intervenir les causes de la polarisation chromatique, c’est-à-dire des forces présentes dans le cristal. Leur détermination se fait par la connaissance d’un mouvement associé au corps d’épreuve que sont les molécules lumineuses. Biot va imaginer ce mouvement à partir d’une relecture de l’œuvre de Newton sur les teintes des lames minces, car il estime que si les expériences sur la polarisation chromatique « […] ne nous font pas encore remonter jusqu’à la cause physique de la polarisation que la lumière éprouve en traversant les corps cristallisés, elles nous découvrent du moins l’analogie la plus intime entre le mode successif par lequel ce phénomène s’opère, et la formation également successive des anneaux colorés [45] ».
40Une expérience supplémentaire renforce ses conjectures sur la grande intimité devant exister entre les propriétés des anneaux colorés et celles de la polarisation chromatique.
Analogie avec les travaux de Newton
41Analysant la lumière issue d’une mince lame de glace, Biot constate qu’« à mesure qu’elle fondait, les teintes montaient dans l’ordre des anneaux [46] [et il a] vu ainsi le rayon polarisé [47] par cette lame passer au rouge du deuxième ordre, puis à l’orangé, au jaune, au vert, et ainsi de suite dans l’ordre des anneaux jusqu’au blanc du premier ordre [48] ». D’après lui, ce fait confirme que la teinte E varie à différentes épaisseurs du cristal ; ce qui s’expliquerait par le changement de polarisation de certaines molécules lors de leur passage d’une image à l’autre. Comme on ne distingue rien à l’œil nu au sortir des lames, à cause de leur ténuité qui rend confondus les deux faisceaux qu’elles réfractent, Biot conclut à la coïncidence des rayons de teintes O ou E et à l’égalité des vitesses des molécules lumineuses [49]. La formation des images de teintes complémentaires données par l’analyseur provient uniquement de la différence de polarisation de ces molécules : dans la tradition corpusculaire, le dispositif analyseur n’a d’autre fonction que de répartir les molécules lumineuses entre deux images polarisées selon deux plans perpendiculaires. Biot imagine un mouvement oscillant représentatif des changements de polarisation des molécules, lors de leur progression dans la lame cristalline, à partir de la théorie des anneaux colorés dont nous rappelons les principes les plus fondamentaux.
42Au moyen d’un appareil à géométrie de révolution, Newton a observé avec de la lumière blanche la formation d’anneaux colorés ordonnés en deux séries – l’une réfléchie, l’autre transmise – de teintes complémentaires, et a assigné à chaque teinte la valeur numérique de l’épaisseur de lame qui la crée [50]. Pour expliquer la succession de ces anneaux colorés, Newton étudie leur constitution en lumière monochrome.
43Dans ce cas, les deux séries sont constituées d’anneaux de même teinte, d’une certaine largeur et d’une intensité non uniforme. Newton a rapporté avec beaucoup de soin et de détails leur structure [51]. Ainsi, à propos des anneaux réfléchis, il note :
« […] il ne faut pas imaginer que ces réflexions soient terminées d’une manière précise & absolue […] si j’ai assigné la même largeur à chacune des suites, quoique les couleurs semblent un peu plus larges dans le premier anneau que dans les autres, à cause que la réflexion y est plus forte, je ne l’ai fait que parce que l’inégalité en est si insensible qu’on peut à peine la déterminer par quelque observation […] [52]. »
45Newton idéalise leurs caractéristiques afin qu’elles soient regroupées en un abaque [53] donnant, pour toutes les couleurs, les intervalles d’épaisseur auxquels les anneaux réfléchis se forment et la valeur médiane où l’intensité lumineuse est la plus forte. Une complète géométrisation du phénomène introduit l’alternance de deux séries, celle des anneaux réfléchis qui se forment à des multiples impairs de l’épaisseur moyenne à laquelle on observe le premier anneau réfléchi, et celle des anneaux transmis qui se forment à des multiples pairs [54]. La superposition des anneaux produits par chaque lumière monochrome du spectre permet de recomposer les deux séries d’anneaux colorés observées en lumière blanche.
46Comme la présence des anneaux suit une progression arithmétique, Newton ne peut justifier leur formation par la seule action de forces à distance sur les corpuscules lumineux ; et il se résout à attribuer au rayon lumineux une disposition périodique, à la réflexion et à la transmission, rendant compte des observations. Les retours de cette disposition sont appelés accès de facile réflexion et accès de facile transmission [55]. Newton reste évasif à propos de leur mode d’action : il y a production, lorsqu’un rayon lumineux parvient à la surface d’un corps, d’une vibration qui se propage plus vite que le rayon [56]. À la seconde surface du corps, si le rayon rencontre la vibration dans l’accès de facile réflexion, il se réfléchit, tandis que si la vibration est dans son accès de facile transmission, il se réfracte. Cette justification, qualitative et trop systématique, ne peut servir d’explication au fait que l’intensité des anneaux n’est ni uniforme ni égale pour les anneaux de divers ordres. Tout revient à considérer une sollicitation à la réflexion ou à la transmission toujours de même degré et une production des accès de facile transmission toujours au tout début de leur période en pénétrant un nouveau milieu : l’intensité des anneaux ne peut être qu’uniforme. On ne trouve dans les Questions du Traité d’optique de Newton aucune information supplémentaire autre que l’existence nécessaire d’un éther comme support des accès [57] et rien de précis concernant leur action.
47S’appuyant sur ce fonctionnement, Biot décrit la polarisation par la lame d’un rayon monochrome violet :
« Si l’on désigne par e’ l’épaisseur moyenne à laquelle le violet extrême commence à être polarisé par la lame pour la première fois, il continuera à être polarisé ainsi aux épaisseurs 2e’ ; 6e’ ; 10e’… (4n - 2) e’, suivant la progression des nombres impairs ; et, au contraire, il conservera sa polarisation primitive aux épaisseurs intermédiaires 0 ; 4e’ ; 8e’… (4n - 4) e’, suivant la progression des nombres pairs […] [58]. »
49Durant son trajet, la lumière violette est polarisée selon deux azimuts, à des épaisseurs données par les séries arithmétiques qui servent à expliquer l’alternance des anneaux colorés. Comme ceux-ci ont une luminosité inégale, Biot considère que les séries indiquent seulement l’épaisseur moyenne où la tendance à la polarisation est la plus forte ; cette inégalité permet d’introduire une variation progressive de la polarisation.
50La polarisation chromatique est alors représentée par un mouvement des molécules lumineuses autour de leur centre de gravité, dans un plan transverse à leur trajet :
« Quelle que soit la cause physique qui amène ainsi tour-à-tour les axes des molécules dans l’azimut 0 et dans l’azimut 2i, l’effet qui en résulte ne peut pas être appelé autrement qu’un mouvement oscillatoire dont les limites sont 0 et 2i […] [59]. »
52Cette propriété alternative des molécules lumineuses renvoie à la notion d’accès. Nous avons vu que la progressivité de leur action est absente de l’œuvre de Newton ; et Biot ne l’introduira qu’en 1816 dans son Traité de physique.
53La justification des teintes observées en lumière blanche polarisée est donnée par la composition des teintes des diverses lumières monochromatiques : en attribuant aux molécules lumineuses associées à la couleur violette une longueur d’accès – notée 2e’ – plus petite qu’à celles répondant à la couleur rouge, et aux molécules des autres couleurs une longueur d’accès intermédiaire, on peut obtenir, à toute épaisseur de cristal, en limitant l’amplitude des oscillations de toutes les molécules à l’arc 2i, les teintes des deux images qu’offre l’analyseur [60]. Pour des épaisseurs conséquentes, les molécules lumineuses ont effectué un nombre différent d’oscillations et se trouvent à des époques quelconques de leur période d’oscillation. Il arrive un terme pour lequel le mélange est tel qu’on observe un blanc d’ordre supérieur comme avec les lames minces isotropes [61].
54En définitive, tout revient à faire osciller les molécules lumineuses d’un arc i de part et d’autre de l’axe de la lame. Si au sortir de la lame, une molécule est polarisée selon le méridien, elle va constituer la teinte O ; si elle est polarisée dans l’azimut 2i, elle appartiendra à la teinte E. Ce mécanisme tient certes aux caractères de la polarisation chromatique, mais provient davantage du dispositif d’analyse : quand l’axe de la lame est à i = 45° du méridien, les images de l’analyseur présentent une totale complémentarité de leurs teintes, c’est-à-dire une totale séparation des molécules rapportées aux teintes E et O dans des faisceaux polarisés à 90° l’un de l’autre, puisque les molécules de la teinte O polarisées dans le méridien forment un rayon ordinaire, tandis que celles polarisées dans l’azimut 2i = 90° forment un rayon extraordinaire de teinte E.
55Ce fonctionnement est trop réducteur car il serait étonnant que toutes les molécules achèvent leur oscillation dans l’un de ces deux azimuts en sortant de la lame. Qu’arrive-t-il si i diffère de 45° pour les molécules de la teinte E ? De quelle manière s’effectue leur répartition puisque la loi de Malus ne semble pas appropriée ? On ne le sait pour le moment.
56Pour lever toutes ces incertitudes, Biot va étudier de manière analytique les propriétés du mouvement d’oscillation, au moyen des principes de la mécanique, afin de « déterminer avec exactitude les lois de ce mouvement [… pour voir] s’il est possible de remonter jusqu’à la loi de la force qui le produit [62] » ; loi qui doit permettre, en retour, de justifier tous les caractères de la polarisation chromatique, de réunir toutes les lois expérimentales issues des diverses situations d’observation.
L’application des principes mécaniques
57Lors de l’étude analytique des réfractions, simple ou double, Pierre-Simon de Laplace et Malus ont exprimé l’action des corps sur la lumière sous forme de fonctions indéterminées. Tout l’art du géomètre consiste à introduire la potentialité de ces actions, sans les expliciter, pour obtenir leurs seuls effets positifs. Biot se prête complètement à cette pratique puisqu’il est sans doute le premier, dès 1801 et à l’instigation de Laplace, à introduire une telle mathématisation de la physique lors de l’étude de la propagation du son [63]. Avec la polarisation chromatique, il s’intéresse cette fois-ci aux forces censées produire ce phénomène.
58Avant d’appliquer les principes mécaniques, il faut connaître avec certitude le lieu d’où se manifestent ces forces. D’observations en incidence oblique [64], Biot a déduit qu’une deuxième ligne, perpendiculaire à l’axe de la lame – ou premier axe – et située dans le plan des lames, exerçait une influence antagoniste au premier axe ; mais après de patientes recherches, il finit par conclure que « les deux lignes de repos sur lesquelles les molécules s’arrêtent [65] font toujours des angles égaux avec le premier axe des lames […] c’est donc à partir de cet axe qu’émanent les forces qui produisent le mouvement oscillatoire […] [66] ». En définitive, quel que soit le nombre de lieux géométriques qui influent sur le phénomène, c’est la résultante confondue avec l’axe de la lame qu’il faut considérer et « tout ce que nous proposons d’établir dans ces calculs, c’est l’existence de cette résultante, et la loi de son action [67] ».
59Pour former l’équation différentielle de ce mouvement, il faut supposer que la force résultante, inconnue, est une fonction quelconque de l’angle que l’axe de la lame fait avec l’axe C des molécules lumineuses. D’après Biot, cette équation dépend seulement de l’amplitude des oscillations puisque l’intensité de la teinte E est toujours affectée de la même manière par la rotation de la lame, et cela pour toutes les teintes. Donc, « les limites de chaque oscillation seront toujours dans les azimuts 0 et 2i, quelle que soit la forme de la fonction qui exprime la force, [… et] seront communes aux molécules lumineuses de toutes les couleurs, conformément aux observations [68] » ; et il n’est pas nécessaire d’individualiser les effets aux molécules des diverses couleurs.
60La résultante recherchée provient de la composition de deux forces contraires, l’une qui émane du premier axe, fonction de l’angle (i – x) et qui s’écrit ? (i – x), l’autre antagoniste, semblant émaner du deuxième axe et qui s’écrit ?i (i – x) : « […] la force accélératrice qui tendra à chaque instant à faire tourner la molécule autour de son centre de gravité, de manière à augmenter l’angle x, sera la différence des deux [actions] précédentes […] : […] [69]. »
61Cette équation exprime la résultante des attractions que subissent les molécules lumineuses de la part des molécules du cristal. Après intégration puis introduction de conditions aux limites, on obtient le carré de la vitesse de rotation de la molécule de lumière, ce qui n’est autre chose que la force vive :
63Toutes les molécules exécutent le même mouvement oscillatoire entre les azimuts 0 et 2i, et se déplacent avec la même vitesse. Ce mouvement a lieu sur un parcours en rapport avec la longueur d’accès, ce qui change la période d’oscillation à épaisseur de lame donnée pour les molécules des diverses couleurs [71]. Avec cette propriété imposée aux oscillations, l’intégration de l’équation ci-dessus, au moyen d’un développement limité, aboutit à l’expression de la période du mouvement : « Il résulte que le temps d’une oscillation entière dans l’arc 2i est donné par l’équation , d’où , ? étant la demi-circonférence dont le rayon égale l’unité [72]. »
64Cette solution qui ne dépend pas de l’amplitude de l’oscillation est stérile car elle s’exprime au moyen de constantes d’intégration – au travers de a – qu’aucune expérience ne permet de chiffrer. Par conséquent, on ne peut pas formaliser les forces supposées agir dans l’intimité du cristal, but que Biot s’était assigné. Une comparaison est alors proposée, légitimée par le fait que Biot travaille dans un cadre newtonien : tous les phénomènes de la nature sont quantifiables dès lors que les forces qui se manifestent peuvent être comparées à l’action de la pesanteur.
65Or un dispositif possède les mêmes propriétés oscillatoires que celles recherchées pour les molécules lumineuses : « On peut donc assimiler ces phénomènes à ceux que produirait la torsion d’un fil vertical sur des aiguilles qui y seraient suspendues horizontalement par leur centre de gravité [73]. » La balance de torsion a permis à Charles-Augustin Coulomb de déterminer la loi d’action de l’électricité statique et à Henry Cavendish de connaître exactement la constante de la gravitation universelle. Rattacher le mouvement oscillatoire des molécules lumineuses, donc la polarisation chromatique, à quelque grandeur universelle donnerait plus de crédibilité aux travaux de Biot. Mais, le principal effet sensible qui se manifeste est la couleur qu’on ne sait interpréter par un caractère physique [74] des molécules lumineuses mais seulement par une propriété comme l’accès.
66La période des oscillations d’un pendule de torsion ne s’explicite pas au moyen d’une constante comme la pesanteur. Biot trouve un artifice en remplaçant le rapport J/C – moment d’inertie de l’ensemble par rapport au coefficient de torsion du fil – qui sert à exprimer la période du dispositif, homogène à des secondes au carré, par le quotient p/g – accélération de la pesanteur divisée par le double de la distance en chute libre d’un corps – qui a une homogénéité inverse [75] : cela rend possible la comparaison de la force qui fait osciller les molécules lumineuses avec la pesanteur.
67L’étude des oscillations de ce dispositif donne pour la force accélératrice à l’extrémité du rayon de giration dans l’arc (i – x) :
69avec p et g déjà définis ; et a lié à la période T par .
70Comme les lois de la mécanique sont les mêmes à toute échelle, on peut confondre le rayon de giration avec celui r des molécules lumineuses. Pour ajouter de la vraisemblance à cette représentation, Biot propose une comparaison que le cadre de la physique laplacienne autorise. La théorie qu’il élabore impose aux molécules de traverser une épaisseur 2e’ de cristal durant une oscillation de période T. On connaît par ailleurs le temps mis par la lumière pour parcourir le rayon moyen de l’orbe terrestre R. La comparaison de ces deux temps permet d’exprimer la période T en fonction de R et e’ en particulier. Enfin, Biot aboutit à l’expression suivante de la force accélératrice ? :
72avec R : rayon de l’orbe terrestre ; r : rayon d’une molécule lumineuse ; p : accélération de la pesanteur.
73Les forces qui agissent à très petite distance à la surface ou à l’intérieur des corps sont censées avoir une grande intensité. En supposant que la force ? est 100 000 000 de fois plus intense que celle de p, Biot déduit que
75et commente : « Si l’on voulait supposer la force plus faible, les dimensions des particules lumineuses diminueraient proportionnellement. Ce résultat nous donne une prodigieuse idée de la ténuité de la lumière […] [79]. »
76Mais tout ceci n’apporte aucune certitude sur les forces responsables de la polarisation chromatique. Biot impute cet insuccès aux insuffisances de l’analyse mathématique : « Lorsqu’il s’agit d’un mouvement oscillatoire, le changement de signe des vitesses, et les alternatives des directions, donnent lieu à des difficultés de calculs qu’il ne paraît pas aisé de surmonter [80]. »
77Seules des études expérimentales sur les oscillations – donc les teintes – sont susceptibles de nous renseigner, car « nous ignorons si l’étendue des oscillations est toujours la même, ou si elles n’ont pas une amplitude d’abord très-petite, et ensuite successivement croissante, jusqu’à une certaine profondeur après laquelle elle devient constante [81] » ; et Biot suppose que les effets des forces qui les produisent « se manifestent surtout quand les molécules lumineuses sortent d’une lame pour entrer dans une autre [82] ».
78Des associations de lames vont servir aux recherches sur ces forces ; en fait, Biot va découvrir de nouvelles propriétés des cristaux et constater le lien intime qui existe entre la polarisation chromatique et la double réfraction.
Polarisation chromatique et double réfraction
79Un cristal peut être fractionné en plusieurs lames par clivage. Ainsi, on constate que les teintes de deux lames superposées dont les axes sont parallèles produisent une teinte identique à celle de la lame entière, et cela quel que soit l’écartement qui les sépare. En revanche, si on rend leurs axes perpendiculaires, alors la teinte observée est celle d’une lame ayant la différence d’épaisseur des deux lames. Biot a soigneusement vérifié cette règle d’association. Mais comment la justifier par la théorie des oscillations ? On conçoit bien qu’au sortir d’une lame les molécules lumineuses se trouvent en des phases différentes de leur oscillation [83]. Or, tout indique que le passage d’une lame à une autre n’altère ni la phase de chaque oscillation, ni l’organisation des oscillations de toutes les molécules lumineuses, c’est-à-dire que le synchronisme imposé par la polarisation initiale ne se perd pas. Biot pense que cela n’est possible qu’au moyen d’un principe de compensation [84], sorte de propriété que les molécules lumineuses transportent avec elles d’une lame à une autre [85].
80Des réponses plus positives sont déduites de l’influence de l’incidence [86] : « La force qui fait osciller les particules lumineuses diminue, et le nombre des oscillations faites dans le même espace décroît comme le carré du sinus de l’angle que cet axe forme avec le rayon réfracté […] [87]. » Or une loi similaire a été énoncée par Malus pour la double réfraction [88] en 1810. Comme les forces qui produisent ces phénomènes émanent toutes deux de l’axe de la lame, il devient probable que la double réfraction et la polarisation chromatique ont un lien intime.
81En 1813, après quelques difficultés, Biot parvient à observer la polarisation chromatique avec tous les cristaux biréfringents – même la calcite [89] – et compare l’intensité de leur polarisation chromatique : « Le rapport des forces polarisantes du spath d’Islande et de la chaux sulfatée, donné par ces expériences, était égal à 18,6. Or j’ai depuis longtemps fait voir que le cristal de roche agit comme la chaux sulfatée [90]. » Antérieurement, à partir de l’étude de la double réfraction du spath d’Islande et du quartz, Malus avait indiqué un rapport d’intensité de 17,7, valeur proche de la comparaison de leur polarisation chromatique [91]. Avec d’autres cristaux, Biot obtient la même concordance [92]. L’étude de la polarisation chromatique de ces nouveaux cristaux montre que certains, tel le béryl, exercent des effets contraires à ceux du quartz [93] : des cristaux font débuter les oscillations de la polarisation chromatique dans un sens, d’autres dans le sens inverse [94]. À cause des liens entre les deux phénomènes, les effets opposés doivent se manifester avec l’un comme avec l’autre. Ainsi le rayon extraordinaire du béryl doit-il être moins dévié que celui du quartz, qui l’est davantage : ce fait est observé par Biot [95] et l’inversion des effets de la polarisation chromatique concorde toujours avec celle de sa double réfraction [96].
82En définitive, si on classe les cristaux selon l’action de leur double réfraction, les cristaux à double réfraction répulsive, comme le spath d’Islande ou le béryl, exercent une force répulsive de leur axe, et les cristaux à double réfraction attractive, comme le quartz, exercent une force attractive de leur axe [97]. Cette classification est conforme aux attentes de la science laplacienne : il y a deux actions polarisantes opposées comme il y a deux sortes d’électricité et de magnétisme [98]. Cependant, certains cristaux sont atypiques ; le mica possède deux axes d’où émanent des forces d’intensités différentes – l’un dans le plan de ses lames, l’autre perpendiculaire – et les corps cristallisés en cube ou en octaèdre, dépourvus de double réfraction, ont peut-être plusieurs axes aux effets compensés [99]. Si les découvertes des propriétés optiques des cristaux sont nombreuses et importantes, elles n’apportent guère de connaissances à propos du mouvement oscillatoire des molécules lumineuses, c’est-à-dire qu’on ne sait toujours pas quel est leur état de polarisation au sortir de la lame. Les mesures quantitatives ont permis une comparaison des forces supposées produire la polarisation chromatique, mais celles-ci restent des hypothèses heuristiques.
83Biot ne peut rapprocher davantage les deux phénomènes et fera toujours une distinction entre les effets polarisants des lames cristallines, minces d’une part, et épaisses d’autre part : les premières produisent les oscillations de la polarisation mobile, donc colorée, les secondes la polarisation fixe, donc blanche, orientée selon deux azimuts perpendiculaires [100]. En 1816, les deux phénomènes sont joints à l’occasion d’une présentation définitive de la théorie des oscillations :
« Ce mouvement peut s’exécuter de deux manières, en allant de 0 à 2i, ou de 0 à – 2 (90 – i). Dans le premier cas, l’oscillation s’opérera autour de l’axe de la lame ; dans le second, autour de la ligne perpendiculaire. Il est vraisemblable que les molécules lumineuses se partagent entre ces deux directions, puisqu’elles se trouvent définitivement réparties sur l’une ou sur l’autre, quand elles ont atteint la polarisation fixe [101]. »
85Biot est toujours dans l’incapacité d’expliquer ce passage d’une polarisation à l’autre et conjecture :
« Les molécules lumineuses se comportent comme si elles possédaient complètement le sens de polarisation vers lequel leur dernière oscillation les conduisait, soit qu’elles l’aient entièrement achevée, ou seulement commencée à l’instant où elles sont sorties du cristal [102]. »
87En somme, les molécules lumineuses sont réparties par la lame en deux ensembles O et E, « le premier comprenant toutes celles qui achèvent, en sortant de la lame, un nombre d’oscillations pair ; et le second toutes celles qui achèvent un nombre d’oscillations impair [103] ».
88Cette explication ne variera plus ; aucun élément ne l’améliorera. Cependant, dans son Traité de physique, Biot présente une ultime tentative pour découvrir les forces à l’origine de la polarisation mobile. Si des caractères tels que le signe et l’intensité de ce phénomène ont été découverts, précisés, ces recherches n’ont pu pallier les insuffisances de l’analyse mathématique. Biot revient alors à l’analogie pour connaître l’origine de la polarisation mobile. L’étude fine de la structure des anneaux – leur inégale luminosité surtout – lui inspire une révision de la théorie des accès qui permettrait de justifier ce fait. Cette justification repose d’une part sur l’intensité des forces qui agissent sur la lumière – connaissance qui peut être utile à la polarisation chromatique à cause de la similitude des deux phénomènes –, d’autre part sur l’idée d’une action progressive des accès. Biot ne concrétise cette révision qu’en 1816, après avoir constaté les insuffisances de l’analyse puis de l’expérimentation, alors qu’elle lui avait semblé nécessaire dès 1812 :
« Newton n’a considéré que la périodicité des accès et les variations de leur longueur, il m’a semblé que l’examen minutieux des faits exigeait qu’on y joignît la considération de leur intensité, et qu’on la supposât variable dans les diverses périodes d’étendue d’un même accès [104]. »
La nouvelle théorie des accès
90Lorsque Newton introduit la théorie des accès, il considère qu’un rayon dont l’accès est celui de facile réflexion se réfléchit nécessairement, alors que la dénomination laisse entendre un effet conditionnel. Biot étend l’application de cette théorie en envisageant une invitation – au lieu d’une nécessité – à la réflexion : « Ces modifications n’impriment pas aux molécules lumineuses une nécessité absolue de se réfléchir ou de se transmettre à tel ou tel intervalle, mais leur donnent seulement une disposition ou facilité à l’une ou à l’autre de ces conditions […] [105]. » Détaillons.
91Cette facilité introduit la variation de l’intensité de la force qui commande aux accès [106] et qui permet de modifier à loisir l’aspect et la constitution des anneaux. Au moyen de la figure 5, nous avons résumé et généralisé la répartition des molécules d’une lumière homogène, comme Biot l’indique dans son Traité de physique. Toutes les intensités d’accès de longueur i sont possibles parmi les molécules lumineuses. De l’épaisseur 0 jusqu’à e, les molécules sont toutes transmises, de même pour les épaisseurs situées à ± e de part et d’autre des multiples pairs de la longueur d’accès i. Ainsi, par réflexion, entre les limites d’épaisseurs [0 ; e], [2i – e ; 2i + e]…, il y a absence complète de lumière : on observe une bande noire [107] dans la succession des anneaux de Newton. En revanche, pour les épaisseurs intermédiaires aux intervalles ci-dessus, il y a une réflexion partielle qui atteint un maximum constant aux épaisseurs situées à ± e des multiples impairs de la longueur d’accès i, parce que Biot considère que tous les accès possibles sont également répartis parmi les molécules lumineuses qui éclairent la deuxième surface de la lame mince. C’est l’intensité de la force responsable du phénomène qui modifie l’étendue des intervalles précédents. Lorsque la force a une intensité très faible, seules les molécules dont l’accès est maximum se réfléchissent. De telles molécules lumineuses ne peuvent se rencontrer qu’entre les intervalles d’épaisseurs [i/2 ; 3i/2], [5i/2 ; 7i/2], etc. [108] : tout revient à faire tendre e vers i/2 dans le tableau de la figure 5. Nous avons des anneaux réfléchis d’une luminosité uniforme, qui occupent les mêmes intervalles d’épaisseurs que les anneaux transmis : cela correspond à une représentation approximative des anneaux puisque l’observation indique qu’ils n’ont pas une luminosité uniforme, et même Newton estime que les anneaux réfléchis sont légèrement moins étendus que ceux transmis (voir note 52 supra).
92Avec une force un peu plus intense, seules les molécules dont l’accès est proche de ce maximum sont réfléchies [109]. De la sorte, les intervalles d’épaisseurs de la lame où il y a réflexion surpassent ceux pour lesquels il y a transmission, et la luminosité des anneaux réfléchis n’est pas uniforme (réflexion partielle distincte de la maximale).
93Une force très intense fait se réfléchir presque toutes les molécules lumineuses ; donc environ la moitié d’entre elles le sont et elles se rencontrent à toutes les épaisseurs sauf au voisinage des multiples pairs de 2i : cela revient à faire tendre e vers 0 dans notre tableau de la figure 5. On observe alors, à la réflexion, la formation, d’une part, d’anneaux noirs infiniment minces aux épaisseurs multiples pairs de 2i, d’autre part, celle d’anneaux brillants aux multiples impairs de i, et enfin des plages partiellement éclairées partout ailleurs. Cela correspond à un fonctionnement systématique des accès, comme défini par Newton. En conséquence, c’est le cas d’une force très faible qu’il faut envisager pour la formation des anneaux.
94Notons que l’éclairement des plages – liées aux réflexions partielle et maximale – reste indéterminé parce qu’il dépend de la variation d’intensité des accès, de la forme de leurs alternances, information pour le moment inaccessible [110]. Par cette étude, Biot montre que la théorie affinée des accès permet de caractériser les forces censées produire les anneaux colorés et qu’elle ne nécessite plus un éther, un « fluide extrêmement subtil [111] », puisque les molécules lumineuses sont porteuses de leur propre accès ; elles « éprouvent dans leurs propriétés physiques elles-mêmes des intermittences périodiquement réglées, qui, comme des aimantations passagères, tantôt les rendent plus propres à être attirées par la surface des corps, et tantôt les disposent à en être repoussées [112] ». Si la théorie de Newton était un composé d’effets mécaniques – comme le déplacement des corpuscules – et de notions ondulatoires – comme les vibrations de l’éther –, la nouvelle théorie est entièrement mécanique et établie sur des actions répulsives ou attractives. Biot envisage leur traduction en termes de mouvements.
95Les alternances des accès seraient dues aux pôles antagonistes des molécules lumineuses [113] ; ainsi en surface des corps, les forces agiraient sur ceux-ci et produiraient une trajectoire onduleuse [114]. Une figuration de la loi d’intensité de Malus est aussi suggérée. Dès 1814, Biot a envisagé que les intensités des rayons réfractés de la calcite « dépendent de l’état divers où les molécules lumineuses se trouvent dans leur accès de facile réflexion et de facile transmission […] [115] ». En 1816, cet état divers est rapporté à un mouvement composé des pôles des molécules lumineuses, mouvement qui expliquerait la répartition des molécules lumineuses entre les rayons ordinaire et extraordinaire. Par principe, ceux-ci sont formés de molécules dont les axes sont orientés fixement selon deux plans perpendiculaires :
« C’était la manière la plus simple de représenter les phénomènes ; mais on pourrait encore y satisfaire en donnant aux axes de polarisation un mouvement d’oscillation conique, semblable à la nutation terrestre, autour de la position moyenne que nous leur avions ici supposée [116]. »
97De manière générale, la variation et la progressivité des phénomènes sont associées à une composition de mouvements et corrélées à l’intensité de l’action des accès. Le fait que certaines molécules lumineuses d’un rayon polarisé puissent échapper à la réflexion, ce qui intriguait fortement Malus [117], est imputable à certaines limites de l’axe de polarisation des particules, « limites dont l’étendue pourrait même varier avec la nature ou l’intensité des impressions physiques communiquées aux molécules lumineuses [118] ».
98Concernant les phénomènes colorés, il déduit que les forces qui produisent les anneaux ont des intensités bien différentes de celles qui sont à l’origine des teintes de la polarisation chromatique : faibles pour former les premiers aux dimensions que l’observation indique et pour tenir compte du peu de molécules réfléchies, intenses pour obtenir les secondes « car toutes les molécules qui les pénètrent [les lames] subissent le mouvement oscillatoire […] [119] ». En 1816, la pratique scientifique de Biot nous paraît en régression ; la mathématisation est arrêtée et fait place à un discours explicatif et qualitatif. La nouvelle théorie des accès est un exemple démonstratif.
99Ainsi, en 1821, des éléments d’observation et d’analogie vont servir d’arguments lors de la polémique avec François Arago et Augustin Fresnel [120] puisque Biot n’a pas amélioré sa théorie des oscillations. La polarisation mobile va être l’objet d’une sévère critique. Biot a bien remarqué que les relations analytiques proposées par Fresnel, pour le calcul des teintes, ont une écriture proche de celle des siennes (voir note 41 supra) [121]. Cela lui permet d’identifier la teinte E à un terme en , la teinte O à un terme en , et d’affirmer :
« Les coefficients O, E, dans mes formules, sont des faits ; au lieu que, dans les siennes, ce sont des expressions hypothétiques. Car, en me bornant à dire que la première O est la teinte d’un anneau transmis, la seconde E la teinte de l’anneau réfléchi correspondant […] on voit que je n’emploie absolument que des lois physiques qui sont des résultats d’expériences [122]. »
101Nous avons vu que la constitution des anneaux impose l’action de forces peu intenses sur les accès des molécules lumineuses ; et la manière dont l’accès varie doit modifier la luminosité propre des anneaux [123]. Ce caractère des accès va être utilisé pour critiquer davantage les formules de Fresnel. D’après Biot, celles-ci ne rendent pas compte des fortes variations des teintes de la polarisation chromatique :
« La vivacité des teintes […] est incomparablement trop faible, parce que le carré du sinus qui exprime l’intensité de chaque lumière simple variant d’une manière continûment progressive, ne détache pas assez les couleurs simples les unes des autres, et en mêle ensemble des proportions fort sensibles, même dans les cas où, par le fait, elles doivent se trouver absolument séparées [124]. »
103Si les arguments de Biot demeurent toujours qualitatifs, Fresnel, soutenu par Arago, apporte une preuve contre la représentation qu’est la polarisation mobile.
104Dès le commencement de ses travaux sur la polarisation, Fresnel pense que l’épaisseur des lames cristallines n’influe pas sur leurs effets [125] et estime fausse la théorie de la polarisation mobile. Les principes de celle-ci font que les faisceaux ne reçoivent « la polarisation fixe qu’au moment de leur émergence, et dans des directions très différentes de celles où ils étaient polarisés immédiatement auparavant […] [126] », effet improbable selon Fresnel. Diverses expériences basées sur la production d’interférences montrent que les lames épaisses agissent bien comme les minces ; et surtout, avant d’engager la polémique avec Biot, Arago et Fresnel veulent s’assurer, sans aucune contestation possible, de l’impossibilité théorique de la polarisation mobile.
105Ils utilisent, en lumière polarisée et homogène [127], un dispositif de Thomas Young où l’on a mis devant chaque fente une lame cristalline de même épaisseur. Les lames ont leur axe tourné de 45° de part et d’autre du plan de polarisation complète du rayon incident ; elles ont donc leurs axes croisés à 90°. Le dispositif forme deux champs d’interférences polarisés perpendiculairement, preuve de l’action biréfringente des lames minces. Ce résultat est une preuve contre la polarisation mobile. En effet, les deux lames étant de même épaisseur, éclairées par la même lumière polarisée homogène constituée de molécules lumineuses de même longueur d’accès, d’après la théorie de Biot, toutes les molécules doivent sortir de ces lames avec la même polarisation, dans l’azimut primitif ou dans celui tourné de 90°, selon qu’elles achèvent un nombre pair ou impair d’oscillations. De la sorte, un seul champ d’interférences devrait être visible [128], or l’observation en montre deux. La polarisation mobile et la théorie corpusculaire bénéficient d’un répit à cause de la délicate représentation des ondes transversales d’éther et aussi parce qu’on peut rétorquer que l’expérimentation de Fresnel utilise des principes étrangers à ceux de la théorie corpusculaire.
106Fresnel accorde un certain avantage à la théorie de Biot pour déterminer par analogie les teintes d’une seule lame mince. En revanche, la théorie des ondes justifie sans exception les teintes produites par des associations de lames :
« Les lois des phénomènes les plus compliqués sont des conséquences forcées des mêmes principes qui ont servi à calculer les teintes d’une seule lame ; tandis que M. Biot est obligé de faire de nouvelles suppositions pour renouer les oscillations des molécules lumineuses d’une lame à la suivante : c’est là surtout que la complication et la multiplicité de ses hypothèses rend [sic] sa théorie bien improbable [129]. »
108En 1829, la polarisation mobile suscite la même réserve de la part de John Herschel :
« Elle suppose à une lame mince une action différente non seulement en énergie, mais encore quant à l’espèce, de celle qu’exerce une lame épaisse, sans marquer la limite où le cristal cesse d’agir comme une lame mince et commence à agir comme une lame épaisse, et sans établir de gradations entre les deux modes d’action [130]. »
110Si cette théorie mène à une impasse, c’est parce qu’elle est le fruit d’une pratique scientifique figée. Biot est resté persuadé que la pratique scientifique est stratifiée en trois étapes où l’établissement des lois expérimentales succède à la découverte des phénomènes et précède la connaissance des forces qui les produisent : « Relativement aux phénomènes de la double réfraction et de la polarisation de la lumière, nous paraissons n’en être encore qu’aux deux premières périodes, je veux dire à la découverte des faits et à la détermination expérimentale de leurs lois […] [131]. » Il y a une sorte de césure entre pratique et théorie. Le physicien observe, mesure et recueille des données regroupées en lois expérimentales. Ensuite, le géomètre inscrit ces lois dans le système du monde, c’est-à-dire qu’il imagine un mécanisme dont la lecture du mouvement donne l’action des forces à l’origine du phénomène. Si cette représentation est fausse ou incomplète parce que l’expérimentation est imprécise ou insuffisante, le géomètre sera dans l’erreur [132]. La polarisation mobile en est un exemple, car Biot n’a pas su adapter l’appareil expérimental : le procédé d’analyse de la lumière des lames minces reste identique à celui que Malus avait inventé pour les lames épaisses. À l’époque, la polarisation d’un rayon lumineux est certaine si elle est complète, définie par rapport à un plan fixe. La théorie des oscillations nécessite un nouvel appareil pour vérifier l’existence d’une polarisation dans l’azimut 2i.
111En revanche, la théorie ondulatoire a été développée avec succès parce qu’Arago et Fresnel ont fait évoluer leur appareil expérimental. Ils observent des interférences lumineuses, varient les expériences qui les produisent, ce qui sert de preuve aux avancées théoriques, et par un va-et-vient incessant entre théorie et expériences, le système des ondes s’est affermi.
112Lors de la polémique de 1821, Biot réaffirme la pertinence de sa pratique scientifique et la valeur de ses travaux expérimentaux. Sur le plan théorique, il reste persuadé que les oscillations des molécules lumineuses sont une représentation exacte du phénomène [133], mais, peut-être par précaution, accorde une importance toute particulière aux découvertes et lois expérimentales : « Je n’ai jamais prétendu dans mes recherches, établir autre chose que des lois expérimentales […] lois que je regarde seules comme durables, et auxquelles j’attache quelque prix [134]. »
113Ses recherches ont apporté beaucoup de connaissances à propos des propriétés optiques des cristaux – signe de la biréfringence, multiplicité des axes, lien entre polarisation chromatique et double réfraction, pléochroïsme, sans parler de la polarisation rotatoire du quartz et des liquides – et ont montré les limites et difficultés liées à la théorie corpusculaire. Ses opposants ont autant profité de ses résultats expérimentaux, qui ont permis une distinction bien nette des différents phénomènes, que des difficultés théoriques mises au jour. Cela a dû rendre plus pertinent le développement de la théorie ondulatoire [135].
114La physique laplacienne, dont le but ultime est la détermination, puis l’unification des forces à l’origine des phénomènes, semble dans une impasse. Surtout, c’est l’un de ses plus fidèles défenseurs, Biot, expérimentateur hors pair et homme d’une érudition scientifique très large, qui échoue sur les principes théoriques. Avec la fin des années 1810, l’étude d’autres phénomènes physiques confirme que cette pratique marque le pas [136].
Mots-clés éditeurs : physique laplacienne, théorie des accès, Jean-Baptiste Biot, polarisation chromatique, Étienne-Louis Malus
Date de mise en ligne : 25/07/2011
https://doi.org/10.3917/rhs.641.0121Notes
-
[*]
Frédéric Leclercq, Centre d’histoire des sciences et d’épistémologie et UMR 8163 « Savoirs, textes, langage », Université des sciences et technologies de Lille-1, UFR de physique, Bât. P5 bis, Bureau 160, 59655 Villeneuve-d’Ascq Cedex.
E-mail : fjd.leclercq@orange.fr -
[1]
Jean-Baptiste Biot, « Calculs sur les anneaux de Newton », ms. E3-55 (bibliothèque de l’Observatoire de Paris).
-
[2]
Malus répond à un concours, organisé par l’Institut en 1807, qui a pour but d’une part, de confirmer la validité des mesures faites par Christiaan Huygens sur les réfractions de la calcite et contredites par celles de Newton, et d’autre part, d’affirmer l’étendue des applications de la physique laplacienne. In Procès-verbaux des séances de l’Académie des sciences, III (Hendaye : Impr. de l’observatoire d’Abbadia, 1913), 633.
-
[3]
Étienne-Louis Malus, Sur une propriété de la lumière réfléchie, Mémoires de physique et de chimie de la Société d’Arcueil, II (Paris : Mme Veuve Bernard, 1811), 149-150.
-
[4]
Il est très probable que ces nouveaux travaux – qui aboutissent à la « Théorie de la double réfraction » en 1810 – ont été influencés par le « Traité d’optique », mémoire dans lequel Malus détermine par un traitement analytique les surfaces des caustiques qui enveloppent tous les rayons réfléchis et réfractés par les systèmes optiques. De là, il déduit les lieux où se concentre la lumière, et tout cela sans faire la moindre hypothèse sur la nature de la lumière. Étienne-Louis Malus, Mémoire d’optique, Journal de l’École polytechnique, VII (1808), 17, 88. Ce mémoire présenté le 20 avril 1807 à la première classe de l’Institut sera dénommé « Traité d’optique » dans les publications ultérieures.
-
[5]
C’est-à-dire l’incidence qui sera dénommée brewstérienne.
-
[6]
Donc autre qu’un corps métallique.
-
[7]
Malus, op. cit. in n. 3, 154-155.
-
[8]
Ibid., 150. Ce plan est défini par l’axe du cristal, direction d’isotropie, et la normale à la face d’entrée.
-
[9]
Malus, op. cit. in n. 3, 151.
-
[10]
Christiaan Huygens, Traité de la lumière [1690] (Paris : Dunod, 1992), 128.
-
[11]
Malus, op. cit. in n. 3, 147-148.
-
[12]
Étienne-Louis Malus, Sur une propriété des forces répulsives qui agissent sur la lumière, in op. cit. in n. 3, 257. D’abord simple énoncé, elle trouve une formulation analytique en 1810, dans : Théorie de la double réfraction, Mémoires présentés à l’Institut par divers savants étrangers, II (1811), 413-415.
-
[13]
Étienne-Louis Malus, Sur une propriété des forces répulsives qui agissent sur la lumière, in op. cit. in n. 3, 260-261. Malus fonde sa conviction sur l’impossibilité d’expliquer par l’hypothèse de Huygens la variété des phénomènes pour une même incidence.
-
[14]
Malus, op. cit. in n. 13, 267. L’orientation d’un de ces pôles ou axes, noté C, orthogonal au mouvement, indique le plan définissant le caractère du rayon auquel appartient la molécule lumineuse.
-
[15]
Étienne-Louis Malus, Théorie de la double réfraction, Mémoires présentés à l’Institut par divers savants étrangers, II (1811), 447. L’adjectif polarisé apparaît brusquement sous la plume de Malus, sans préparation et après plus de 140 pages de rédaction.
-
[16]
Étienne-Louis Malus, Sur de nouveaux phénomènes d’optique, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XI (1811), 108-109.
-
[17]
C’est-à-dire selon des plans perpendiculaires.
-
[18]
Malus, op. cit. in n. 15, 447.
-
[19]
Dans un plan perpendiculaire au précédent.
-
[20]
Malus, op. cit. in n. 16, 108. La lumière incidente est naturelle.
-
[21]
Donc des extinctions.
-
[22]
Étienne-Louis Malus, Sur les phénomènes qui accompagnent la réflexion et la réfraction de la lumière, in op. cit. in n. 16, 115. La lumière incidente étant déjà complètement polarisée, les rayons réfléchi et réfracté par la lame gardent une polarisation complète, nous dirions rectiligne. Lorsqu’on tourne la lame de 45°, c’est-à-dire dans l’azimut NO, le plan de polarisation du rayon réfléchi reste confondu avec le nouveau plan d’incidence qui se trouve donc à 45°, tandis que le rayon réfracté a son plan de polarisation tourné d’environ 40° de plus que ce dernier. Ainsi, lorsque la lame a été tournée de 45°, le plan de polarisation du rayon réfracté par la lame est à environ 85° du plan primitif : Malus n’aperçoit, d’après ses observations, qu’un rayon extraordinaire formé par le spath, d’intensité maximale. Les résultats sont approximatifs, Malus ne donne aucune valeur numérique. Il n’est probablement pas aisé de faire une observation plus précise avec l’appareil expérimental dont dispose Malus, ne serait-ce qu’à cause de la faiblesse des intensités lumineuses des rayons.
-
[23]
Ces travaux de Malus datent de 1811, ceux de Biot sur la polarisation chromatique de 1812. Biot retrace ceux-là dans son ouvrage Recherches expérimentales et mathématiques sur les mouvements des molécules de la lumière autour de leur centre de gravité (Paris : Didot, 1814), puis dans son Traité de physique expérimentale et mathématique (Paris : Deterville, 1816).
-
[24]
Voir la figure 1.
-
[25]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 298.
-
[26]
Biot (1814), op. cit. in n. 23, xlij.
-
[27]
Notons que la lumière réfléchie a pour intensité E. cos2 45° = E/2. Pour les quatre azimuts rapportés aux directions NO, SE, NE, SO, l’intensité du rayon extraordinaire est alors maximale, comme l’a observé avec approximation Malus.
-
[28]
Pour les quatre azimuts rapportés aux directions N, O, S, E l’intensité est cette fois-ci nulle, ce qui correspond encore aux observations de Malus.
-
[29]
Biot (1814), op. cit. in n. 23, xliij-xliv.
-
[30]
En 1811, les physiciens et les cristallographes pensent que tous les cristaux biréfringents se comportent comme la calcite. Par analogie, ceux-ci ont tous une direction particulière dénommée axe du cristal, axe de double réfraction, axe cristallographique, pour laquelle la biréfringence est nulle ou paraît nulle.
-
[31]
Étienne-Louis Malus, Sur l’axe de réfraction des cristaux et des substances organisées, in op. cit. in n. 16, 142.
-
[32]
Pour faciliter l’expérimentation, Malus a remplacé le spath analyseur par une glace orientée de sorte à réfléchir un rayon polarisé extraordinaire.
-
[33]
Malus, op. cit. in n. 31, 144.
-
[34]
Malus, op. cit. in n. 15, 447.
-
[35]
François Arago, Mémoire sur la polarisation colorée, in Œuvres complètes de François Arago, X (Paris : Gide – Leipzig : Weigel, 1858), 37.
-
[36]
Biot ne peut savoir que les deux premiers minéraux sont des cristaux biaxes qui n’ont pas les mêmes propriétés optiques que la calcite. Leur choix vient de ce qu’ils se clivent aisément en des lames d’une épaisseur uniforme et d’un excellent poli. Le gypse – ou chaux sulfatée – a ses axes optiques situés dans le plan des lames obtenues par clivage. Pour des incidences proches de la normale, les teintes fournies par ce cristal ont les mêmes caractères que celles de la calcite ou du quartz, lorsque l’axe de ces cristaux uniaxes est parallèle au plan des lames taillées. En revanche, le mica a ses axes optiques positionnés dans un plan perpendiculaire à celui des lames obtenues par clivage : si l’on quitte l’incidence normale, les teintes produites suivent des lois particulières que seul ce minéral semble posséder, ce dont Biot s’aperçoit dès le début de ses recherches. Jusqu’en 1818 et les travaux en lumière convergente de David Brewster (On the laws of polarisation and double refraction in regularly crystallized bodies, Philosophical transactions for year 1818, CVIII (1818), 199), le mica est une exception pour Biot. Nous ne traitons pas les travaux relatifs à ce minéral, cela n’étant pas nécessaire à notre article.
-
[37]
Arago a rapporté dans le mémoire cité, sous le même nom, les deux phénomènes que nous désignons par « polarisation chromatique » et « polarisation rotatoire ». Cet article ne porte que sur la première.
-
[38]
Actuellement, nous utilisons des analyseurs qui laissent passer les vibrations de la lumière selon un seul plan. Lorsque ce plan coïncide avec le plan de polarisation de la lumière incidente, nous sommes dans la configuration analyseur et polariseur parallèles. Si l’on tourne le polariseur de 90°, on se trouve dans la configuration analyseur et polariseur croisés. En son temps, Biot a souvent utilisé un spath achromatisé, c’est-à-dire un analyseur qui laisse passer les vibrations de la lumière selon deux plans perpendiculaires, l’un contenant les vibrations du rayon ordinaire, l’autre celles du rayon extraordinaire. En faisant coïncider le plan de section principale du spath avec celui du rayon incident, le rayon ordinaire a la teinte de la première configuration tandis que le rayon extraordinaire a celle de la seconde configuration. Lorsqu’on place une lame cristalline entre analyseur et polariseur croisés, la rotation de celle-ci dans son plan laisse la teinte invariante, mais change l’intensité : c’est pourquoi Biot considère l’image extraordinaire du spath analyseur. Contrairement à Arago, Biot a saisi l’importance de conserver à l’une des images une teinte invariante.
-
[39]
Jean-Baptiste Biot, Sur de nouveaux rapports qui existent entre la réflexion et la polarisation de la lumière des corps cristallisés, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XII (1812), 140. L’azimut 0° ou méridien, celui du plan de polarisation du faisceau incident, est associé au point cardinal Nord.
-
[40]
Biot, op. cit. in n. 39, 142-143.
-
[41]
Biot, op. cit. in n. 39, 149.
-
[42]
Qui correspond à la teinte E.
-
[43]
Biot, op. cit. in n. 39, 168-169. Cela est rendu possible parce que Biot emploie de la lumière polarisée rectilignement. La théorie ondulatoire indique que la différence de marche des rayons à l’origine des anneaux réfléchis ? = 2?. n. e/? est de même forme que la différence de marche des rayons ordinaire et extraordinaire à l’origine des couleurs des lames minces cristallines ? = 2?. ?n. e/?. Cela explique l’analogie des deux phénomènes. Le terme ?n désigne la biréfringence de la lame cristalline, généralement très faible. Ainsi, à teinte identique, il faut des épaisseurs de lame cristalline 20 à 1 000 fois plus fortes que l’épaisseur de lame de verre formant les anneaux de Newton.
-
[44]
Biot, op. cit. in n. 39, 238.
-
[45]
Ibid., 272.
-
[46]
Quand les teintes changent vers des ordres de plus en plus petits, Biot indique qu’elles montent dans l’ordre des anneaux. En revanche, si elles changent vers des ordres de plus en plus grands, elles descendent dans l’ordre des anneaux. Actuellement, nous avons une convention contraire.
-
[47]
Il s’agit bien sûr du rayon extraordinaire de l’analyseur.
-
[48]
Jean-Baptiste Biot, Sur un nouveau genre d’oscillation que les molécules de la lumière éprouvent en traversant certains cristaux, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XIII (1812), 55.
-
[49]
Biot, op. cit. in n. 48, 63.
-
[50]
Newton donne trois séries d’épaisseurs relatives à l’air, à l’eau et au verre. Isaac Newton, Traité d’optique, réimpr. de la 2nde éd. française de 1722 (Paris : Gauthier-Villars, 1955), 266-267.
-
[51]
Leur description est le sujet de la première partie du second livre du Traité d’optique.
-
[52]
Newton, op. cit. in n. 50, 261.
-
[53]
Ibid., 376.
-
[54]
Ibid., 328.
-
[55]
Ibid., 331.
-
[56]
Ibid.
-
[57]
Newton, op. cit. in n. 50, 449.
-
[58]
Biot, op. cit. in n. 48, 65.
-
[59]
Biot, op. cit. in n. 48, 70.
-
[60]
Ibid., 79-81.
-
[61]
Ce terme est atteint à environ 0,45 mm pour le gypse et le quartz.
-
[62]
Biot, op. cit. in n. 48, 71.
-
[63]
Ce mémoire, qui porte sur les techniques mathématiques et délaisse le mécanisme des forces en action, a pour but d’accorder les valeurs théoriques aux données expérimentales. Roger Hahn, Le Système du monde : Pierre-Simon Laplace, un itinéraire dans la science (Paris : Gallimard, 2004), 160.
-
[64]
Il s’agit d’un travail méticuleux et de vaste proportion ; plus de 500 mesures ont été faites. Biot, op. cit. in n. 48, 64.
-
[65]
Les azimuts 0 et 2i.
-
[66]
Biot, op. cit. in n. 48, 71.
-
[67]
Ibid., 76.
-
[68]
Ibid., 71.
-
[69]
Ibid., 74.
-
[70]
Biot, op. cit. in n. 48, 75.
-
[71]
Ibid., 82-83.
-
[72]
Ibid., 87.
-
[73]
Ibid., 87-88.
-
[74]
Comme Newton, Biot ne sait si ce qui distingue les couleurs est le fait d’une différence de masse ou d’une différence de vitesse des molécules lumineuses.
-
[75]
Nous savons que . Donc 2x/g est bien homogène à un temps au carré. Nous n’utilisons plus les mêmes notations que Biot.
-
[76]
Biot, op. cit. in n. 48, 89.
-
[77]
Biot, op. cit. in n. 48, 92.
-
[78]
Ibid., 93.
-
[79]
Ibid.
-
[80]
Ibid., 100. Ce sera un argument contre la théorie ondulatoire…
-
[81]
Ibid., 99.
-
[82]
Ibid., 108.
-
[83]
Biot, op. cit. in n. 48, 108.
-
[84]
Ibid., 110-111.
-
[85]
Ibid., 113.
-
[86]
C’est l’objet de la quatrième partie du grand mémoire, op. cit. in n. 48, 139-219. Biot effectue des observations complexes avec deux lames croisées, l’une étant inclinée.
-
[87]
Biot, op. cit. in n. 48, 217.
-
[88]
Malus, op. cit. in n. 15, 352.
-
[89]
Jean-Baptiste Biot, Sur une nouvelle application de la théorie des oscillations de la lumière, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XIII (1816), 3. Pendant un temps, Biot pensait que les cristaux les plus biréfringents ne produisaient pas ce phénomène. Il a fallu, pour l’obtenir, tailler des faces artificielles selon les sections les moins biréfringentes et observer en incidence oblique.
-
[90]
Biot, op. cit. in n. 89, 16. Notons que la biréfringence du gypse – cristal biaxe – et celle du quartz – cristal uniaxe – valent toutes deux exactement 0,0091. Celle du spath d’Islande égale 0,1721. Le rapport vaut environ 18,9, valeur très proche de celle de Biot. Les valeurs numériques obtenues par Biot proviennent de la comparaison d’épaisseurs de lames.
-
[91]
Comme Malus a effectué ses mesures en lumière blanche et visé une partie des faisceaux dispersés par la réfraction, le rapport obtenu est moins précis.
-
[92]
Biot, op. cit. in n. 89, 16.
-
[93]
La biréfringence du béryl est négative, celle du quartz positive.
-
[94]
Jean-Baptiste Biot, Sur la découverte d’une propriété nouvelle dont jouissent les forces polarisantes de certains cristaux, in op. cit. in n. 89, 24.
-
[95]
Jean-Baptiste Biot, Sur la nature des forces qui partagent les rayons lumineux dans les cristaux doués de la double réfraction, Mémoires de la classe des sciences mathématiques et physiques, XIV (1818), 224.
-
[96]
Ibid., 226. Ces observations sont en partie erronées car l’étude de Biot est trop succincte pour distinguer les cristaux uniaxes des biaxes. Ce n’est qu’en 1819, après les travaux de Brewster en lumière convergente, que Biot proposera une grande théorie de la double réfraction applicable à tous les cristaux, quel que soit le nombre de leurs axes. En son temps, Malus a étudié la double réfraction de quatre cristaux – la calcite, le quartz, l’aragonite et la barytine – mais il n’a pas pris soin de vérifier la polarisation de chaque rayon réfracté, estimant que seule l’intensité du phénomène varie d’un cristal à l’autre par rapport à celle de la calcite.
-
[97]
Biot, op. cit. in n. 95, 232-233.
-
[98]
Biot, op. cit. in n. 94, 25. Lorsque Laplace étudie la double réfraction, il montre qu’une force répulsive ou attractive émanant de l’axe du cristal est mathématiquement possible. Pierre-Simon de Laplace, Mémoire sur les mouvements de la lumière dans les corps diaphanes, in Œuvres complètes, XII (Paris : Gauthier-Villars, 1898), 275. Ce mémoire a été lu à l’Institut en 1809.
-
[99]
Biot, op. cit. in n. 95, 234.
-
[100]
Biot, op. cit. in n. 89, 2-4. La polarisation mobile est la représentation mécanique de la polarisation chromatique, la polarisation fixe celle de la double réfraction.
-
[101]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 389.
-
[102]
Ibid., IV, 392.
-
[103]
Ibid., IV, 393.
-
[104]
Biot, op. cit. in n. 48, 69.
-
[105]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 92-93.
-
[106]
La figure 22 de la planche II du tome IV du Traité de physique montre les alternances à la réflexion et à la transmission des accès des molécules lumineuses. Notre figure 4 ci-avant la reproduit. Par convention, Biot représente les alternances des accès par des demi-cercles ouverts à gauche pour ceux de facile transmission, et à droite pour ceux de facile réflexion.
-
[107]
Il existe des anneaux noirs et non obscurs parce que cette description du mécanisme des accès a lieu à l’intérieur de la lame. En tenant compte de la réflexion partielle sur la première surface, on obtient des anneaux seulement obscurs, comme l’indique Newton. Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 98.
-
[108]
Avec la figure 4, la longueur d’accès étant i = 10, on voit qu’il y a des molécules au maximum de leur accès uniquement aux épaisseurs [5 ; 15], [25 ; 35]…
-
[109]
Par exemple, les molécules dont l’accès est compris entre i/4 et 3i/4 (ce qui revient à prendre e = i/4) sont réfléchies. Alors, il y a réflexion partielle aux intervalles [i/4 ; 7i/4]… et réflexion maximale aux intervalles [3i/4 ; 5i/4].
-
[110]
Biot l’a représentée par un demi-cercle : c’est pure convention.
-
[111]
À notre connaissance, dans tous ses écrits, Biot emploie cette périphrase à la place du mot éther. Pour Biot, l’éther est inutile car Laplace a calculé qu’aucune observation ne permet de montrer l’influence d’un tel fluide. Pierre-Simon de Laplace, Traité de mécanique céleste, IV (Paris : Courcier, 1805), 325.
-
[112]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, III, 195.
-
[113]
Ibid., IV, 275.
-
[114]
Ibid., III, 197.
-
[115]
Biot (1814), op. cit. in n. 23, lj.
-
[116]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 284.
-
[117]
Malus, op. cit. in n. 22, 120.
-
[118]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, IV, 284.
-
[119]
Ibid., IV, 396-397.
-
[120]
La présentation du calcul des teintes des lames minces cristallines par Fresnel est surtout un prétexte pour critiquer la théorie des oscillations des molécules lumineuses.
-
[121]
D’autant que Fresnel utilise volontairement les mêmes notations que Biot, « pour faciliter la comparaison de ses formules avec les miennes ». Augustin Fresnel, Mémoire sur l’influence de la polarisation dans l’action que les rayons exercent les uns sur les autres, in Œuvres complètes d’Augustin Fresnel, I (Paris : Imprimerie impériale, 1866), 399.
-
[122]
Jean-Baptiste Biot, Remarques de M. Biot sur un rapport lu le 4 juin 1821, in op. cit. in n. 121, I, 576.
-
[123]
Ne sachant pas, Biot les avait conventionnellement représentés par des demi-cercles.
-
[124]
Biot, op. cit. in n. 122, I, 578. Les teintes de la polarisation chromatique sont effectivement plus vives que celles des anneaux…
-
[125]
L’égalité des effets de la polarisation chromatique et de la double réfraction obtenue par Biot a dû conforter Fresnel dans son opinion.
-
[126]
Fresnel, op. cit. in n. 121, 408, 438. Les mêmes passages apparaissent dans plusieurs rédactions.
-
[127]
Arago et Fresnel, Mémoire sur l’action que les rayons de lumière polarisée exercent les uns sur les autres, in op. cit. in n. 121, 516-517.
-
[128]
Arago et Fresnel, Note extraite du mémoire sur les couleurs que la polarisation développe dans les lames cristallisées parallèles à l’axe, in op. cit. in n. 121, 535.
-
[129]
Augustin Fresnel, Examen des remarques de Biot par Fresnel, in op. cit. in n. 121, 608.
-
[130]
John Herschel, Traité de la lumière, I (Paris : De Malher et Cie, 1829), 115.
-
[131]
Jean-Baptiste Biot, Sur les lois générales de la double réfraction et de la polarisation, dans les corps régulièrement cristallisés, Mémoires de l’Académie des sciences de l’Institut de France, III (1819), 178.
-
[132]
Biot (1816), op. cit. in n. 23, I, xviij.
-
[133]
Biot, op. cit. in n. 122, 580.
-
[134]
Ibid., 588.
-
[135]
Ainsi, après que la transversalité des ondes lumineuses est devenue vraisemblable et que la nature mécanique de l’éther dans lequel elles se propagent est définie, Fresnel va proposer une théorie rendant compte de tous les phénomènes liés à la double réfraction des cristaux, qu’ils soient uniaxes ou biaxes. André Chappert, L’Édification au xixe siècle d’une science du phénomène lumineux : Propagation de la lumière et conception du phénomène lumineux du début du xixe siècle à la naissance de la théorie de la relativité (Paris : Vrin, 2004), 54-62.
-
[136]
Robert Fox, The rise and fall of Laplacian physics, in The Culture of science in France 1700-1900 (Aldershot : Variorum, 1992), 115. Ajoutons qu’on pourra consulter l’ouvrage de Jed Buchwald, The Rise of the wave theory of light : Optical theory and experiment in the early nineteenth century (Chicago : University of Chicago Press, 1989), à propos des difficultés conceptuelles qui brouillent, d’après l’auteur, le développement des théories de la lumière (problématique dans l’introduction, principalement aux pages xv-xvij).