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Article de revue

Présences stoïciennes dans les théories des marées aux xvie et xviie siècles

Pages 287 à 311

Notes

  • [*]
    Bernard Joly, UMR « Savoirs, textes, langage » (CNRS, universités de Lille 3 et de Lille 1), Université de Lille 3, BP 60149, 59653 Villeneuve-d’Ascq Cedex. E-mail : bernard. joly@ univ-lille3. fr.
  • [1]
    Strabon, Géographie, liv. III, 5, 6, texte établi et traduit par François Lasserre (Paris : Les Belles Lettres, 1966), 92-94.
  • [2]
    Jules Vuillemin, Nécessité ou contingence, l’aporie de Diodore et les systèmes philosophiques (Paris : Les Éd. de Minuit, 1984), 322-330.
  • [3]
    Posidonius, The Fragments, ed. by Ludwig Edelstein and Ian G. Kidd (Cambridge : Cambridge Univ. Press, 1972), seconde éd. (1989), éd. paperback (2004), fragment 138 (= Stobée, Eclogae I, 38, 4 = Aetius, Placita III, 14, 4).
  • [4]
    Valéry Laurand, La sympathie universelle : Union et séparation, Revue de métaphysique et de morale (2005), n° 4, 517-535. Sur la cause synectique et le texte de Galien l’évoquant, voir Jean-Joël Duhot, La Conception stoïcienne de la causalité (Paris : Vrin, 1989).
  • [5]
    Pline, Histoire naturelle, liv. II, texte établi, traduit et commenté par Jean Beaujeu (Paris : Les Belles Lettres, 1950), 95.
  • [6]
    Des méthodes prédictives simples et efficaces avaient été établies en Angleterre dès le xiiie siècle. Ainsi, Harold Burstyn, Theory and practice in man’s knowledge of the tides, in Actes du Xe congrès international d’histoire des sciences d’Ithaque, 1962 (Paris : Hermann, 1964), 1019-1022, fait notamment état de tables de marées valables pour Londres datant du xiiie siècle, et d’autres valables pour les Cinque Ports (sur la côte sud du Kent) datant de 1375. Il faudra cependant attendre la publication de l’Hydrographie du père jésuite Fournier, en 1643, pour disposer d’une bonne méthode permettant le calcul prédictif du coefficient.
  • [7]
    Marin Mersenne, Questions inouyes (Paris, 1634), (Paris : Fayard, 1985), 33-35.
  • [8]
    Voir, par exemple, Serge Moscovici, Les développements historiques de la théorie galiléenne des marées, Revue d’histoire des sciences, XVIII/2 (1965), 193-220 ; Federico Bonelli et Lucio Russo, The origin of modern astronomical theories of tides : Chrisogono, de Dominis and their sources, British journal for the history of science, XXIX (1996), 385-401.
  • [9]
    VoirWilliam Shea, La Révolution galiléenne, trad. franç. de François De Gandt (Paris : Le Seuil, 1992), 226.
  • [10]
    Andrea Caesalpinus, Peripateticarum quaestionum libri quinque (Venise, 1571), liv. III, question 5, fos 59 v° – 61 r°.
  • [11]
    Eric J. Aiton, Galileo’s theory of the tides, Annals of science, X (1954), 44-57 ; Harold L. Burstyn, Galileo’s attempt to prove that the Earth moves, Isis, LIII (1962), 161-185 (voir, à la suite de cet article, la controverse entre Aiton et Burstyn dans Isis, LVI (1965), 56-63) ; Pierre Souffrin, La théorie galiléenne des marées n’est pas une théorie fausse. Essai sur le thème de l’erreur dans l’histoire et l’historiographie des sciences, Épistémologiques, I (2000), 113-139.
  • [12]
    On sait aujourd’hui que les marées semi-diurnes ne sont en fait caractéristiques que des côtes européennes et africaines de l’Atlantique. Voir Jules Rouch, Les Marées (Paris : Payot, 1961), 37-42.
  • [13]
    TheWorks of Francis Bacon, collected and edited by James Spedding, Robert L. Ellis and Douglas D. Heath (Londres, 1876), vol. III, 47-61. Bacon revient sur la question des marées dans le Novum organum (II, § 46). Il y nomme explicitement Galilée, dont le nom n’était pas prononcé dans l’opuscule de 1616.
  • [14]
    Pandulfo Sfondrato, dans son Causa aestus maris (Ferrare, 1590), tirant parti de la découverte des côtes d’Amérique, supposait que si une côte se déploie parallèlement aux côtes européennes et africaines, le mouvement de la mer, entraînée vers l’ouest par le mouvement du Soleil, se réfléchit sur l’obstacle que constituent les rivages du Nouveau Monde, les marées n’étant que l’onde provoquée par ce choc.
  • [15]
    Francisco Patrizi, Nova de Universis philosophia (Ferrare, 1591), f° 139 v°. Otto Casman, Marinarum questionum tractatio philosophia (Francfort, 1596), 176, cite ce passage de Patrizi. L’ouvrage de Casman consiste pour l’essentiel en un exposé des différentes théories des marées.
  • [16]
    Claude Duret, Discours de la vérité des causes et des effets des divers cours, mouvements, flux, reflux et salure de la Mer Océane, Mer Méditerranée et autres mers de la Terre (Paris, 1600).
  • [17]
    Il s’agit de Gasparo Contarini, De elementis et eorum mixionibus libri quinque (Paris, 1548).
  • [18]
    Duret, op. cit. in n. 16, 22.
  • [19]
    Ibid., 170.
  • [20]
    Jules César Scaliger, Exotericarum exercitationum liber quintus docimis, De subtilitate ad Hieronymam Cardanum (Paris, 1557).
  • [21]
    Voir à ce sujet Bonelli et Russo, op. cit. in n. 8.
  • [22]
    Mersenne, op. cit. in n. 7, question X, 34.
  • [23]
    Ibid., 102.
  • [24]
    Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, traduit par René Fréreux avec le concours de François De Gandt (Paris : Le Seuil, 1992), 411.
  • [25]
    Bacon, op. cit. in n. 13, 50.
  • [26]
    Johannes Kepler, Harmonices mundi (Linz, 1619), liv. IV, chap. VII (GesammelteWerke, vol. VI (Munich : C. H. Beck’sche Verlagsbuchhandlung, 1940), 270) ; traduction de Gérard Simon, Kepler astronome astrologue (Paris : Gallimard, 1979), 190-191, pour le § 1 ; ma traduction pour le § 2. Dans la traduction de Gérard Simon, j’ai remplacé « circularité » par « mouvement de va-et-vient » pour traduire « reciprocatio ».
  • [27]
    Voir la trad. de Gérard Simon, op. cit. in n. 26, 186.
  • [28]
    Plutarque, Moralia, 927 f - 928 c.
  • [29]
    Juste Lipse, Physiologia stoicorum (Anvers, 1604), II, 10.
  • [30]
    Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, VII, 142 = Hanz von Arnim, Stoicorum veterum fragmenta (Leipzig, 1903-1905), II, 633.
  • [31]
    J’ai développé ces remarques dans « Mundum animal esse » (Physiologia stoicorum II, 10) : Retour au stoïcisme ou triomphe de l’hermétisme ?, in Juste Lipse (1547-1606) en son temps. Actes du colloque de Strasbourg, 1994 (Paris : Champion, 1996), 49-69.
  • [32]
    Von Arnim, op. cit. in n. 30, II, 458 ; Anthony A. Long et David N. Sedley, Les Philosophes hellénistiques (Paris : GF Flammarion, 2001), II, 275.
  • [33]
    Philon d’Alexandrie, Commentaire allégorique des saintes lois après l’ œuvre des six jours, édition et traduction Émile Bréhier (Paris, 1909), liv. II, § 19-22, 90-95.
  • [34]
    Saint Augustin, La Cité de Dieu (Paris : Desclée de Brouwer, 1959), VII, 169-171.
  • [35]
    Ibid., 179-181.
  • [36]
    Pierre-Jean Fabre, Palladium spagyricum (Toulouse, 1624), 51. Je traduis ici d’après la seconde édition (Toulouse, 1638). Sur l’ œuvre de Pierre-Jean Fabre, voir Bernard Joly, La Rationalité de l’alchimie au xviie siècle (Paris : Vrin, 1992).
  • [37]
    Libert Froidmont, Meteorologicorum libri sex (Anvers, 1627), liv. V, chap. I, art. VIII : « Sententiae aloquot belliores, de causa efficiente marini aestus, rejectae. »
  • [38]
    Antonio Galateo, Liber de situ elementorum (Bâle, 1558). Il s’agit en fait du rassemblement de six opuscules de météorologie, dont le premier a donné son titre à l’ensemble. Le quatrième, intitulé Libellus de mari et aquis (89-113), est lui-même divisé en deux parties, la première traitant des marées et la seconde de la salure de la mer.
  • [39]
    Galateo, op. cit. in n. 38, 92.
  • [40]
    Caius Julius Solinus, Polyhistor, trad. Alphonse Agnant (Paris, 1847), 193.
  • [41]
    Pomponius Mela, De situ Orbis, liv. III, chap. I (Paris, 1863), « Collection des auteurs latins », 643.
  • [42]
    Strabon, op. cit. in n. 1, I, 3, § 8, t. I-1, 151.
  • [43]
    Voir Jérôme Laurent, Strabon et la philosophie stoïcienne, Archives de philosophie (2008), n° 1, 111-127. S’opposant à la plupart des commentateurs de Strabon, Jérôme Laurent estime que « Strabon est plus en accord avec l’idéologie générale et éclectique de son temps qu’avec la philosophie stoïcienne proprement dite ».
  • [44]
    Ibid., II, 3, 8, t. I-2, 69-70.
  • [45]
    Ibid., I, 2, 8.
  • [46]
    Ibid., XVI, 2, 10.
  • [47]
    Ibid., I, 1, 9.
  • [48]
    Ibid., I, 3, 12, t. I, 154.
  • [49]
    Ibid., III, chap. V, § 7, t. II, 92.
  • [50]
    Pline, op. cit. in n. 5, 95 (II, 97, 213).
  • [51]
    Pline, op. cit. in n. 5, 98 (II, 99, 221).
  • [52]
    Sénèque, Questions naturelles, trad. de Paul Oltramare (Paris : Les Belles Lettres, 1961), XIV, 3, t. I, 129.
  • [53]
    Ibid., III, XV, 1, t. I, 129-130.
  • [54]
    Galateo, op. cit. in n. 38, 90.
  • [55]
    Ibid., 91.
  • [56]
    Fabre, op. cit. in n. 36, 51.
  • [57]
    Fabre, op. cit. in n. 36, 51.
  • [58]
    Pierre-Jean Fabre, Panchymici seu anatomiae totius universi Opus (Toulouse, 1646), liv. IV, section 1, chap. 3 à 5.
  • [59]
    Froidmont, op. cit. in n. 37, 266.
  • [60]
    Libavius est l’auteur d’une Alchymia (Francfort, 1597), dans laquelle il avait entrepris de présenter de la manière la plus cohérente et ordonnée possible, la doctrine alchimique inspirée de l’ œuvre de Paracelse.
  • [61]
    Jacob Zwinger, Principiorum chymicorum examen (Bâle, 1606).
  • [62]
    Nicolas Cabeo, Meteorologicorum Aristotelis commentaria (Rome, 1646), liv. II. L’expression « per minima », tirée de la Summa perfectionis du pseudo-Geber (fin xiiie siècle), fait partie du vocabulaire technique de la chimie de l’époque ; elle désigne la nécessité de travailler au niveau des plus petites particules de matière pour obtenir un mélange qui ne soit pas un simple agrégat. C’est notamment à ce niveau que s’effectue la transmutation des métaux, si elle est possible.
  • [63]
    Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (Paris : Le Seuil, 1992), 442.

1« La question du flux et du reflux est l’écueil de la Philosophie, et l’abyme où se perd l’esprit humain. » Voilà ce que déclare au début du xviiie siècle le Dictionnaire de Trévoux, dans son article FLUX. Cet article, qui n’est dans sa première partie qu’une reprise développée de l’article FLUS du dictionnaire de Furetière (1690), se poursuit en énumérant un certain nombre de théories anciennes et récentes sur les marées, et aboutit alors à une première conclusion : « Pour bien démêler un mouvement si régulier, et si irrégulier tout ensemble, il faudrait trouver une cause qui en expliquât tous les accidents ; et c’est ce que les Philosophes ne feront peut-être jamais. » Pourtant, l’article continue en exposant la théorie de Newton et en montrant que « ce qui peut nous faire adopter les principes de ce grand homme, c’est la facilité avec laquelle il explique les phénomènes innombrables que nous présente ce point de physique ».

2Que le phénomène des marées soit spectaculaire, et que son explication, particulièrement difficile, n’ait été rendue possible que dans le cadre de la théorie newtonienne de la gravitation universelle, voilà qui est finalement devenu un lieu commun. Pourtant, le rôle privilégié de la Lune avait été aperçu depuis longtemps. Déjà indiqué par Pythéas, Ératosthène et Séleucos, il fut mis en évidence, comme le rapporte Strabon dans sa Géographie[1], par Posidonius, au début du premier siècle avant J.-C., puis par son disciple Athénodore de Tarse. Posidonius, l’un des maîtres du stoïcisme à cette époque, que Strabon avait peut-être connu personnellement, s’était rendu à Gades (Cadix), sur la côte atlantique du sud de l’Espagne. C’est là que, grâce à ses observations personnelles et aux témoignages recueillis auprès des habitants, il établit à la fois la triple périodicité du mouvement des marées et leur correspondance exacte avec les mouvements de la Lune :

  • une périodicité journalière qui correspond au jour lunaire, pendant lequel se produisent deux marées hautes, d’abord lorsque la Lune atteint le milieu du ciel, puis lorsqu’elle culmine à nouveau de l’autre côté de la Terre ;
  • une périodicité mensuelle au cours de laquelle l’amplitude des marées évolue depuis un maximum pendant la syzygie (pleine Lune et nouvelle Lune), jusqu’à un minimum pendant les quadratures ;
  • une périodicité annuelle, selon laquelle l’écart de marnage se module pour atteindre un minimum lors des équinoxes et un maximum lors des solstices. Sur ce point, Posidonius, qui d’après Strabon se fie aux indications des habitants de Gades, se trompe, en inversant les solstices et les équinoxes, ce qui fut corrigé par Pline dans son Histoire naturelle.
Si l’on s’en tient au témoignage de Strabon, Posidonius affirmait que le mouvement des marées se fait « en sympathie » avec celui de la Lune, ce qui signifie que, pour le philosophe stoïcien, il s’agissait là d’une manifestation de la cohésion de tous les phénomènes naturels comme l’enseigne la doctrine du Portique. On pourrait dire que Posidonius raisonne en terme de fonction, pour reprendre le terme qu’introduit Jules Vuillemin dans son analyse du texte de Strabon [2]. Posidonius en effet ne cherche pas à établir un lien de causalité entre tel évènement (la position de la Lune) et tel autre (la hauteur de la mer) mais à indiquer que l’Univers est régi par des lois qui expriment la sympathie universelle entre les choses. Tout au plus pourrait-on supposer qu’il reconnaissait le rôle de l’air comme agent, si l’on en croit le témoignage de Stobée : « Posidonius dit que les vents sont mus par la Lune et qu’ils meuvent les mers dans lesquelles les phénomènes indiqués [les marées] se produisent [3]. » Mais, comme l’a fait remarquer Valéry Laurand, cet agent qu’est l’air n’est en réalité que la causalité unique du « pneuma » qui régit l’Univers et lui donne sa tenue ; on ne peut pas réduire cette cause synectique dont Galien attribuait l’invention aux stoïciens, à une causalité efficiente particulière [4]. Pline, 150 ans plus tard, réduit donc la portée philosophique du phénomène lorsqu’il affirme que sa cause (qu’il qualifie de « maxime mirum ») « réside dans le Soleil et la Lune » (il ajoute le Soleil pour tenir compte des variations mensuelles et équinoxiales), remplaçant alors la causalité unique de la sympathie universelle par la mise en évidence d’une causalité particulière [5].

3En fait, un écart s’est rapidement creusé entre les recherches théoriques sur la cause des marées et les travaux empiriques destinés à satisfaire les besoins des professions maritimes en prédisant pour chaque port l’heure de la marée et son coefficient d’amplitude [6]. Quant aux théories des marées, elles se sont développées indépendamment des problèmes de prédiction et sans leur apporter de solution. Au fur et à mesure que l’on perd de vue la conception stoïcienne de la sympathie universelle qui intégrait la relation entre la Lune et les marées, les recherches infructueuses sur les moyens par lesquels la Lune pourrait bien provoquer le mouvement de la mer conduisent à remettre en question la causalité lunaire. Ainsi, Marin Mersenne constate dans sa dixième Question inouye qu’« il est plus difficile de trouver la vraye cause des mouvemens de la mer, que de trouver la trisection de l’angle, les deux moyennes proportionnelles, ou la duplication du cube et la quadrature du cercle », car « nous ne sçaurions prouver si la Lune est cause de ce mouvement, ou si la mer est cause de celuy de la Lune, ou si une troisième cause fait mouvoir ces deux corps » [7].

4Ainsi, s’il apparaît clairement que c’est dans le contexte de la physique stoïcienne qu’ont pu se faire les observations qui nourrissent les théories scientifiques des marées, le stoïcisme apparaîtrait cependant comme théoriquement indigent s’il n’avait pu fournir aux recherches sur les marées que la seule intuition d’une liaison sympathique entre les mouvements de la Lune et ceux des flots. Je crois pouvoir établir qu’en réalité la physique stoïcienne impliquait une théorie pneumatique des marées, aujourd’hui oubliée mais qui, à la fin du xvie et au début du xviie siècle, a connu de nouveaux développements et a tenté de s’imposer aussi bien contre les hypothèses qui privilégiaient l’influence sympathique de la Lune que contre les interprétations mécanistes comme celles de René Descartes ou Galilée qui ont presque exclusivement retenu l’attention des historiens des sciences [8].

L’importance des théories des marées au début du xviie siècle

5Les théories des marées occupent une place importante dans la production scientifique du xvie et du xviie siècle. D’une part, il n’est pas un traité de physique ou de météorologie qui ne consacre un chapitre à cette question. D’autre part, sont édités de nombreux traités spécifiques sur les marées, souvent de petits opuscules de quelques dizaines de pages. Pour des hommes dont la documentation scientifique provient essentiellement de doctrines antiques élaborées sur les pourtours de la Méditerranée, où les marées n’ont guère d’ampleur, le phénomène du flux et du reflux de la mer ne pouvait apparaître que comme un phénomène concernant des contrées lointaines, hostiles et mal connues, bref, un phénomène exotique. Les marées font ainsi partie de ces phénomènes étranges, à la fois complexes et réguliers, qui fascinent l’esprit de curiosité, mais qui offrent aussi un terrain d’investigation privilégié : qui pourra enfin, après tant de siècles de vaines recherches, expliquer le phénomène manifestera par là une connaissance approfondie des secrets de la nature. En particulier, les théories des marées peuvent donner l’occasion de manifester la supériorité des doctrines antiaristotéliciennes.

6De façon étonnante, en effet, Aristote ne dit presque rien sur la cause des marées, dont il confond le mouvement avec celui des courants marins. Ce qu’il explique dans les Météorologiques (II, 1, 345 a) est suffisamment confus pour que les aristotéliciens de la Renaissance ne se sentent tenus à aucune doctrine clairement établie. Pour Aristote, les mouvements que l’on constate ici ou là, et en particulier les courants qui caractérisent les détroits, résultent de l’amplification d’imperceptibles oscillations de la mer dues au resserrement des côtes. Ce balancement semble associé à un écoulement dû à l’apport de l’eau des fleuves et à une courbure du fond de la mer, de plus en plus profonde depuis la mer Noire jusqu’à la mer Tyrrhénienne. En fait, il ne s’agit pas pour lui d’expliquer la périodicité du mouvement des marées, mais plus simplement de réfuter l’existence de sources de la mer, et par là même de s’opposer à une théorie sur la circulation des eaux souterraines que Platon évoque dans le mythe final du Phédon (111 c – 113 c). Aristote accorde au contraire une place importante à la question de la salure de la mer que sa théorie des éléments et des exhalaisons permet de traiter plus aisément que la question des marées.

7Face aux carences de l’aristotélisme, les théories des marées vont devenir en quelque sorte le banc d’essai sur lequel chacun pourra tester les principes nouveaux de sa philosophie naturelle, sans encourir le risque de critiques embarrassantes. En effet, les dangers de réfutation ne viennent pas de l’existence d’une solide doctrine qu’il faudrait au préalable repousser, puisqu’une telle doctrine n’existe pas, mais plus simplement de l’expérience et de l’observation. Mais comme les observations sont diverses et contradictoires, on pense n’avoir pas grand-chose à craindre d’éventuelles objections venant des praticiens de la navigation, qui ont d’ailleurs d’autres soucis que de réfuter les philosophes : il suffit de bien sélectionner les témoignages. Nous voilà donc dans un domaine où l’on prêtera davantage attention aux récits de Christophe Colomb et de ses successeurs qu’aux analyses d’Aristote.

8On a souvent dit que l’intérêt de cette époque pour les théories des marées était lié aux débats sur le mouvement de la Terre. Cela doit être nuancé. Certes, c’est par sa théorie des marées, qui constitue l’objet unique de la quatrième journée du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, que Galilée pensait pouvoir définitivement justifier l’héliocentrisme. Il avait déjà exposé cette théorie dans un discours de 1616 qui circula à l’époque, mais ne fut jamais publié, et jusqu’en 1632, il souhaitait appeler son œuvre principale Dialogue sur les marées. Comme l’a fait remarquer William Shea, Galilée remplace la question « Que savons-nous du mouvement réel de la mer ? » par « Comment peut-on conférer un mouvement à l’eau d’un vase ? » [9]. Le mouvement d’avant en arrière de l’eau dans le fond d’un bateau qui accélère et ralentit offre à Galilée un modèle qu’il a vraisemblablement emprunté à Andrea Caesalpinus (Césalpin). Ce dernier, reprenant la notion d’oscillation ou libration de la mer qu’évoquait Aristote, expliquait cette dernière, au troisième livre de ses Peripateticarum quaestiones, en comparant le mouvement des marées à celui des balancements de l’eau que l’on transporte dans une cuvette. Cependant, il ne s’agissait, pour Césalpin, que de transférer à la Terre l’oscillation que l’on attribuait à la huitième sphère du ciel pour rendre compte des variations observées dans le mouvement des étoiles fixes (la précession des équinoxes) [10]. Galilée, au contraire, fondait son explication du mouvement des marées sur le double mouvement de la Terre.

9La théorie de Galilée fit l’objet de nombreuses controverses qui se poursuivent encore aujourd’hui [11]. Mais indépendamment de toute considération théorique, Francis Bacon, qui avait eu connaissance du manuscrit de 1616, faisait remarquer que la théorie de Galilée n’autorisait qu’une seule marée par jour, ce qui était évidemment contraire à toutes les observations faites à cette époque [12]. C’est pourquoi Bacon, qui voulait rester fidèle au géocentrisme, se rallia, dans son petit opuscule De fluxu et refluxu maris, écrit vers 1616 [13], à la théorie mécaniste de Pandulfo Sfondrato [14]. On voit ainsi que les théories mécanistes des marées, à la fin du xvie et au début du xviie siècle, n’étaient pas nécessairement liées à l’héliocentrisme, pour la défense duquel elles ne produisaient aucun argument décisif et que les clivages entre les différentes hypothèses ne correspondaient pas nécessairement aux prises de position pour ou contre le copernicianisme. Bien plus, parce qu’Aristote, dans les Météorologiques, fait intervenir la forme des côtes et des fonds marins pour expliquer le mouvement de la mer, les théories mécanistes, d’abord soucieuses de ne faire intervenir aucune influence extérieure, pouvaient sembler conformes à sa doctrine : c’est ce que pensaient Sfondrato et Césalpin. En fait, l’antiaristotélisme s’est plutôt manifesté à travers les théories pneumatiques des marées que nous allons maintenant examiner.

L’étrange théorie de la respiration sous-marine de la Terre

10On trouve dans la Nova de Universis philosophia de Francisco Patrizi une curieuse allusion à certaines théories développées par les Anciens sur les marées. Au chapitre XXVIII de cet ouvrage, intitulé « De causis affluxus et refluxus varietate », Patrizi examine les diverses théories qui furent développées dans le passé : certains ont attribué le mouvement des marées à la Lune, d’autres au mouvement du premier mobile, d’autres encore au Soleil dont les rayons feraient bouillir la mer, et ainsi la soulèveraient. Il ajoute alors : « Certains parmi les anciens ont dit que le monde était un grand animal, que lorsqu’il expirait se faisait le flux et lorsqu’il inspirait le reflux [15]. »

11Que le flux et le reflux puissent être rapprochés de la respiration animale, c’est une thèse qui est constamment évoquée par tous ceux qui traitent le problème des marées, et on la retrouve jusque dans Les Aventures de Télémaque de Fénelon, qui évoque plaisamment « les baleines faisant avec leurs narines un flux et un reflux de l’onde amère », et même dans l’article MARÉE de la Grande encyclopédie publiée à la fin du xixe siècle sous la direction de Marcelin Berthelot ; on y lit en effet que la marée est « analogue en tout à une respiration de la mer ». On admettra qu’il ne s’agit là que d’une manière poétique de s’exprimer, mais on peut se demander quel est le statut, dans les textes du xviie siècle, des nombreuses allusions à la thèse évoquée par Patrizi.

12Nous la retrouvons, par exemple, dans un ouvrage que Claude Duret consacre aux mouvements de la mer en 1600 [16]. L’ouvrage, qui s’inspire d’un traité du « Cardinal Contaren [17] », est en fait un traité de l’élément eau, dont l’étude occupe les douze premiers chapitres (sur vingt-huit) de l’ouvrage. Au chapitre quatre, évoquant la thèse de ceux qui ont donné une âme à la Terre, il développe une analogie entre les différentes parties du corps et différentes manifestations naturelles, dont on verra bientôt l’origine stoïcienne : le sang coule dans les veines comme les eaux qui arrosent la Terre, les os sont les rochers, la barbe et les cheveux les forêts et végétaux, la respiration correspond aux vents. Il ajoute alors : « Voire mesme aucuns personnages ont osé dire que le flux et le reflux journel de la mer n’estoit autre chose que la respiration de la terre, laquelle en lieu d’air engorge et desgorge deux fois en 24 heures les eauës de la Mer Océane [18]. » C’est au chapitre XVIII qu’il présente sa propre thèse (en fait celle de Contarini) : les rayons du Soleil, de la Lune et des astres échauffent la mer et la dilatent, théorie que l’on peut qualifier d’astronomique, dans la mesure où elle associe directement le mouvement des marées à celui de la Lune et du Soleil, et qui lui permet de réfuter ceux qui ont voulu

13

« que la mer soit un des membres ou parties de cest Univers qui est un grand animal, laquelle mer par sa respiration, en expirant pousse ainsi les ondes, et puis en inspirant les retire ainsi dans soy-mesme, ainsi que semblent l’avoir creu Strabon livre 1 de sa Géographie, Apollonius livre 7, ch. 5 de Philostrate et I. Solin ch. 26 de son Polyhistor, l’absurdité desquels propos est clairement enseignée par ce grand Jules Cesar Scaliger Exercitates 52 contre H. Cardan de la Subtilité [19] ».

14Scaliger, en effet, dans l’ouvrage qu’il a consacré à la réfutation du De subtilitate de Jérôme Cardan [20], faisait dépendre les marées d’une cause externe, le mouvement de la Lune, et non pas d’un mouvement interne comme cela se produit dans le corps d’un animal. Il s’inscrivait ainsi dans la lignée des explications astronomiques développées en Italie au xvie siècle par de nombreux auteurs [21].

15Mersenne évoque également cette thèse dans les Questions inouyes : « […] la terre a peut-estre quelque mouvement analogue à la respiration des animaux, d’où la mer tire son flux et son reflux [22]. » L’hypothèse est alors examinée en concurrence avec deux autres : l’action de la Lune et « le mouvement de la terre pour donner le bransle à la mer », ce qui est la thèse de Galilée. Mersenne met ainsi en évidence l’existence de trois théories concurrentes. Il revient sur l’analogie biologique à la question XXXVII écrivant alors : « […] ce mouvement (le flux de la mer) se rapporte à celui du cœur, que l’on appelle de Systole et de Diastole, comme si le grand corps de la Terre étoit animé [23]. » Galilée lui-même, examinant dans la quatrième journée du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde la diversité des thèses erronées qu’il s’agit de remplacer, fait dire à Salviati : « Y aurait-il donc, pas loin d’ici, au fond de la mer, des gouffres ou des bouches par lesquels la Terre, respirant comme une énorme et immense baleine, attirerait et rejetterait l’eau [24] ? » Quant à Francis Bacon, il écrit dans le De fluxu et refluxu maris : « Le flux et le reflux se font avec une grande rapidité, bien entendu deux fois par jour, comme si la terre, selon cette vaine opinion d’Apollonius, respirait et que, toutes les six heures, elle exhalait et ensuite engloutissait les eaux [25]. »

16C’est chez Johannes Kepler que l’allusion prend le plus d’ampleur. Il écrit en effet, au chapitre VII du livre IV des Harmonices mundi :

17

« Mais qu’y a-t-il de plus semblable à la respiration des animaux terrestres, et plus encore au mouvement de va-et-vient de celle des poissons lorsqu’ils absorbent l’eau par la bouche et la rejettent par leurs branchies, que l’étonnant flux et reflux semi-diurne de l’Océan : même s’il se règle sur le mouvement de la Lune, de sorte qu’il m’a paru probable dans la préface de mon Commentaire sur Mars que les flots soient attirés par la Lune comme le fer par l’aimant en raison d’une vertu corporelle d’union des corps (ce que j’ai répété récemment dans le passage de l’introduction à mes Éphémérides où j’examine l’opinion de David Fabricius) ; pourtant si quelqu’un m’objectait que la terre accommode sa quasirespiration au mouvement du Soleil et de la Lune, à la manière dont chez les animaux les alternances de veille et de sommeil suivent celles des jours et des nuits, il ne faudrait pas à mon avis accueillir en philosophie d’une oreille trop prévenue cette opinion, surtout s’il s’y ajoutait quelque indice de parties flexibles dans les profondeurs de la Terre, pouvant tenir le rôle de poumons ou de branchies. Car si elles étaient de nature semblable à notre air, qui peut se condenser et se dilater, il n’y aurait plus besoin pour cette respiration d’un mouvement à la surface de la Terre, analogue à celui des muscles du diaphragme pour la respiration du corps humain.
« Mais peut-il y avoir une meilleure raison que celle-ci du retrait des eaux de la mer, comme enfermées dans la cuisine des Métaux, par tous ces Euripes semi-diurnes incessants ? Quoi d’autre soupçonner d’avoir produit cet étonnant évènement : lorsque quelques années avant qu’Anvers ne soit désertée par la foule des marchands, le Flux et le Reflux de l’Océan un jour désertèrent (ce qui épouvanta considérablement la ville), la Lune n’avait pas déserté son cours ? Sans doute la Terre elle-même, maîtrisant son mouvement de va-et-vient – elle peut bien participer du mouvement naturel – retint-elle sa respiration ce jour-là, tout comme les êtres vivants retiennent parfois leur souffle, quoique le mouvement du diaphragme leur ait été joint par nature [26]. »

18On pourrait penser qu’ici Kepler s’amuse aux dépens des Anversois. Je crois pourtant que l’on peut montrer qu’il se réfère à une thèse dont l’origine est stoïcienne et que, derrière l’apparente naïveté de l’argument se cache une conception scientifique tout aussi sérieuse qu’erronée, comme le sont beaucoup des thèses scientifiques.

Le caractère stoïcien de la théorie pneumatique

19Si on laisse de côté l’hypothèse de l’animal sous-marin (la baleine qu’évoquent Galilée et Fénelon), la thèse que développe Kepler se retrouve, chez les différents auteurs, sous deux formes parfois mêlées mais qu’il est aisé de distinguer :

  • Les uns insistent sur le caractère analogique de l’argument, le rapprochement entre le mouvement des marées et la respiration animale relevant simplement d’une comparaison.
  • Pour d’autres au contraire, il existe réellement une respiration de la Terre qui s’effectue par des orifices situés au fond de la mer, ce qui implique de considérer que le monde est un grand animal dont la Terre est le corps et dont la respiration soulève les flots. Cette thèse, qui nourrit la comparaison, est d’origine stoïcienne, ce que je vais montrer par trois arguments.

Le contexte de la citation képlérienne

20Avant d’en venir au passage cité, Kepler a développé une célèbre analogie entre les différentes parties du corps et les parties de la Terre que nous avons déjà rencontrée chez Claude Duret : les poils sont comme les plantes, les sécrétions du corps comme l’ambre et le bitume, la production du sang se rapproche de celle de la formation des métaux dans les veines de la Terre, etc. [27]. Kepler, ici, n’innove pas, puisqu’il développe un procédé utilisé par Plutarque dans son traité sur Le Visage qui est dans la Lune[28], passage qui avait été repris, largement commenté et considéré comme stoïcien par Juste Lipse, dans sa Physiologia stoicorum, texte que Kepler pouvait difficilement méconnaître [29]. Lipse montrait en effet que, lorsque Plutarque compare les différents astres aux organes du corps humain, il ne fait que reprendre la thèse du stoïcisme antique, telle qu’elle est rapportée par Diogène Laërce : « Que le monde est un être vivant, raisonnable, animé, intelligent, Chrysippe le dit au premier livre de son traité Sur la providence, de même qu’Apollodore dans sa Physique et Posidonius [30]. » Il faut donc aller au-delà de la simple analogie et soutenir qu’étant animal, le monde a un corps et une âme, mais aussi qu’il forme un tout organique avec Dieu, ce « pneuma » qui le traverse et lui donne son unité ainsi que sa cohésion [31].

21C’est donc sur fond d’une conception selon laquelle la Terre est un animal doué d’une âme et d’un corps que se développe l’hypothèse pneumatique des marées, et cette conception appartient à la tradition stoïcienne. C’est le mérite de Juste Lipse que d’avoir rendu aux stoïciens la paternité d’une thèse dont bien des auteurs s’étaient emparés sans toujours, semble-t-il, en reconnaître l’origine. Ainsi, Philon d’Alexandrie [32] définissait l’homme comme un microcosme, ses os étant comme le bois et les pierres, ses ongles et ses cheveux comme des végétaux, etc. Philon d’Alexandrie est réputé platonicien, mais la thèse est tout à fait stoïcienne, puisqu’il fonde son argumentation sur l’analogie entre l’hexis des minéraux, la phusis des végétaux, la psuché des animaux et le nous des hommes, spécifications d’une même puissance rationnelle [33]. Mais c’est surtout par saint Augustin que le rapprochement entre les parties du corps et celles du monde avait été rendu célèbre puisque ce dernier, au livre VII de La Cité de Dieu, attribue à Varron la thèse selon laquelle l’âme du monde se spécifie selon les différents degrés de la nature, ce qui permet de rapprocher les ongles et les os des corps vivants de la Terre et des pierres. Même si Augustin ne le dit pas, ce sont bien des thèses stoïciennes qu’il prête à Varron, puisqu’il lui fait dire que « ce vaste ensemble et toute cette nature sont dirigés et gouvernés par une certaine force invisible et supérieure unissante [34] ». Ce qui permet à Augustin de dénoncer l’incohérence de son adversaire lorsque ce dernier justifie l’invocation de deux divinités différentes (Salacia et Venilia) pour rendre compte du flux et du reflux de la mer : pourquoi ne pas justifier un tel mouvement par la force unique qui régit l’univers [35] ?

Les critiques adressées à Kepler par Pierre-Jean Fabre et Libert Froidmont

22La thèse développée par Kepler ne passa pas inaperçue au début du xviie siècle. C’est à elle, me semble-t-il, que pense le médecin alchimiste Pierre-Jean Fabre au chapitre V du Palladium spagyricum. Ayant expliqué que le mouvement des marées est dû à la présence dans la mer de l’esprit céleste qui donne vie aux corps des trois règnes et les conserve, il ajoute :

23

« Je ne pense pourtant pas que, suivant des interprétations erronées des Stoïciens, le monde soit un animal qui aurait des sortes de narines au fond de l’Océan, dont les halètements expirés ou inspirés tantôt grossiraient les flots marins, tantôt les feraient se retirer. Cela relève en effet de la fable, et je ne pense pas que les Stoïciens aient songé à de telles sornettes, si ce n’est par énigme [36]. »

24À la même époque, Libert Froidmont (Fromondus) rapproche explicitement le texte de Kepler de la thèse des stoïciens dans le chapitre de ses météorologiques consacré aux marées. Libert Froidmont, professeur de philosophie et de théologie à Louvain, adversaire de Jan Baptist Van Helmont aussi bien que de Descartes et des coperniciens, reconnaît cependant que l’aristotélisme n’offre pas de théorie des marées satisfaisante. Aussi examine-t-il les différentes hypothèses qui ont été proposées. Il écrit :

25

« Tous les philosophes de diverses époques ont entrepris de la faire surgir [la vérité], et nous ferons défiler quelques-uns des meilleurs et des plus estimables. Après Platon et les Stoïciens, voilà aujourd’hui J. Kepler le Mathématicien Impérial, au livre IV, chap. 7 des Harmoniques, qui croit que la terre est un énorme animal, qui par les prodigieux soufflets de ses poumons inspirerait et expirerait par intervalle les eaux de la mer dans ses entrailles. Et il ajoute encore d’autres choses, par lesquelles il prouve l’âme de la terre (que nous réfuterons, si Dieu le veut, dans un ouvrage sur l’âme) : notre Escault à Anvers, avant dit-il que cette foule des marchands n’ait délaissé la ville, retint la marée un jour entier ; parce que le souffle et l’air lui avaient bien sûr manqué. Et pourquoi n’aurait-il pas toussé en 1550, lorsque la Mer du Nord, à l’embouchure de la Tamise, eut trois marées en neuf heures. Et ce miracle de l’Escault, dit Kepler, épouvanta considérablement Anvers. En vérité, c’est une fable que la terre soit un tel animal [37]. »

26Froidmont n’a sans doute pas tort de faire remonter la thèse à Platon, qui évoque en effet dans le Phédon (111 c - 113 c) un gouffre qui traverse la Terre ; c’est la source de toutes les eaux qui, n’y trouvant cependant pas d’appui, oscillent en suivant le mouvement du souffle de l’air qui s’y engouffre également, à la manière d’une respiration. Cependant, c’est la circulation des eaux souterraines qui donne naissance aux fleuves et aux rivières que Platon évoque ainsi, et non pas le mouvement des marées, qu’il ne nomme pas, ne semblant pas le distinguer du courant des fleuves. En fait, Froidmont pense sans doute plus spécialement à ce chapitre de la Physiologia stoïcorum que nous venons d’évoquer, dans lequel Juste Lipse, voulant montrer l’antiquité des thèses stoïciennes, faisait remonter à Platon (mais aussi à Hermès Trismégiste) l’origine de la thèse du monde animal. Mais que l’application de l’hypothèse pneumatique aux marées soit d’abord le fait de savants stoïciens, c’est ce qu’attestent des textes anciens dont nous allons maintenant nous rapprocher par étapes.

Les traités antiques de géographie

27Antonio Galateo (Ferrari), dans le Liber de situ elementorum indique clairement la source de cette thèse : le Polyhistor de Caius Julius Solinus (Solin), un traité de géographie écrit au début du troisième siècle de notre ère [38]. Galateo écrit en effet :

28

« Comme le dit Solin, de nombreux philosophes ont considéré que le monde était un animal, et que c’est pourquoi il était mu par un souffle et par un guide, et que dans les profondeurs de l’Océan étaient placées les narines du monde, dont les halètements expirés ou inspirés, tantôt grossiraient les flots marins, tantôt les abaisseraient [39]. »

29Le chapitre XXIV du Polyhistor est consacré à la description des côtes océaniques de la péninsule ibérique. Solin écrit alors :

30

« On ne sait pas encore aujourd’hui comment s’élève l’Océan, comment après son débordement il rentre dans son lit ; et il est clair que bien des opinions ont été exprimées plutôt d’après une manière de voir particulière à chacun, que d’après une croyance fondée sur la vérité. Laissant de côté ces divergences, exposons les avis les plus accrédités. Les physiciens disent que le monde est un animal, qu’il est formé du rassemblement des différents corps des éléments, qu’un souffle (spiritus) l’anime, qu’une intelligence (mens) le dirige ; que l’un et l’autre se diffusent à travers tous ses membres, produisant ainsi la force de la matière éternelle. Ainsi, de même que dans nos corps circulent des esprits vitaux, de même dans les profondeurs de l’Océan sont placées, en quelque sorte, les narines du monde dont les halètements expirés ou inspirés tantôt grossissent les flots, tantôt les abaisent [40]. »

31Le Polyhistor fut très largement édité dès 1473 en Italie, puis en 1503 à Paris, avec de nombreuses rééditions jusqu’au début du xviie siècle, dont celle de Claude Saumaise en 1629. À travers cet ouvrage célèbre, les hommes de la Renaissance et du XVIIe siècle ont donc accès à cette théorie des marées, que Solin attribue à des « Physiciens » en lesquels nous allons bientôt reconnaître des stoïciens, et qu’il rapporte en compagnie d’une autre théorie qui lui paraît digne de foi : les partisans de la science des astres prétendent que le mouvement des marées est réglé par le cours de la Lune. Nous sommes ainsi renvoyés à la littérature antique sur le sujet, dont Solin s’est brièvement inspiré, et qui fut également largement diffusée, dans les langues originales et dans des traductions, aux xvie et xviie siècles.

32Il semble bien que ce soit le géographe romain Pomponius Mela qui, vers 40 après J.-C., ait été le premier à faire état de thèses divergentes sur les marées, au livre trois de sa Description de la Terre (De situ Orbi). Le premier chapitre de cet ouvrage est consacré aux côtes atlantiques de l’Espagne, dont il signale d’emblée qu’elles sont agitées par de grandes marées. Après avoir décrit le phénomène, il ajoute :

33

« On ne sait pas bien encore si c’est l’univers qui fait cela par son halètement et qui par son souffle (spiritus) rejette de toute part les flots retirés – en admettant, avec certains savants, que le monde est un animal – ou s’il existe des grottes profondes où les eaux de la mer se retirent, puis d’où elles sont refoulées ; ou bien si la Lune contribue à causer de si grands mouvements alternés. Ce qui est sûr, c’est que ces mouvements varient en fonction de son lever et de son déclin : on s’aperçoit qu’ils n’ont pas toujours lieu au même moment, mais qu’ils retardent et avancent au rythme de son lever et de son coucher [41]. »

34C’est probablement de Strabon que Mela tenait la théorie du halètement. Strabon écrit en effet :

35

« Si les alluvions charriées par les fleuves ne s’avancent pas directement au large, la raison en est que la mer les repousse toujours plus loin d’elle, dans ce mouvement de va-et-vient qui lui est naturel ; car elle ressemble aux êtres vivants, et de même que ceux-ci ne cessent d’inspirer et d’expirer, de même elle est agitée elle aussi d’un mouvement d’aller et retour qui la fait sortir d’ellemême et se replier sur elle-même perpétuellement [42]. »

36On s’interroge aujourd’hui sur l’appartenance de Strabon à l’école stoïcienne [43]. Certes, il critique Posidonius, lui reprochant de se rapprocher d’Aristote dans la recherche des causes ; « or c’est là précisément poursuit-il, ce qu’évite notre école, étant donné l’obscurité des causes [44] ». Mais sans doute s’agit-il là simplement de rappeler son attachement aux positions des premiers stoïciens, pour lesquels la sympathie universelle dispense de rechercher des causes particulières. Il dit en effet « notre Zénon [45] » et il cite par ailleurs Posidonius avec éloge [46]. C’est à ce dernier, ainsi qu’à Athénodore, qu’il renvoie fréquemment sur la question des marées car, dit-il, « ils ont acquis une grande maîtrise sur ces problèmes [47] » et « ils ont exposé tout ce qu’il faut savoir en ce qui concerne le flux et le reflux de la mer [48] ». Et, de fait, c’est dans le même chapitre de sa Géographie qu’il expose à la fois les recherches de Posidonius que nous avons évoquées au début et la théorie d’Athénodore, qu’il présente ainsi :

37

« S’il est vrai, comme le dit Athénodore, que le phénomène du flux et du reflux ressemble à celui de l’inspiration et de l’expiration, il se pourrait qu’il existât des cours d’eau souterrains qui tantôt suivent certains conduits et jaillissent à la surface du sol par les bouches que nous appelons sources et fontaines, tantôt sont attirés le long d’autres conduits vers les profondeurs de la mer : la soulevant et provoquant la marée montante tout le temps qu’a lieu cette sorte d’expiration, ils quitteraient leurs conduits naturels, puis ils les réintégreraient au moment où la mer commence à revenir à son niveau normal [49]. »

38Ni Pline ni Sénèque ne reprennent explicitement la thèse d’Athénodore, qui est cependant présente dans leurs exposés. Lorsque Pline évoque longuement la question des marées au livre second de son Histoire naturelle, il décrit le phénomène en des termes proches de ceux de Posidonius, qu’il ne cite pourtant pas. Certes, il affirme : « […] jamais les marées ne se reproduisent au même moment que le jour précédent, comme si elles haletaient (velut anhelantes) par la faute de l’astre avide qui attire à lui les mers pour s’abreuver [50]. » Mais certains manuscrits présentent « velut ancillantes » : les marées suivraient donc servilement le mouvement de la Lune. Par contre, quelques lignes plus loin, Pline ajoute : « Ces mouvements sont plus sensibles le long des rivages qu’en haute mer, puisque aussi bien dans le corps les extrémités ressentent davantage le battement des veines, c’est-à-dire du souffle vital (spiritus). » Mais il précise bientôt : « […] on a raison de considérer la Lune comme l’astre du souffle ; c’est elle qui sature les terres, qui remplit les corps par son approche et les vide par son éloignement [51]. » Pour Pline, c’est donc l’action de la Lune qui provoque les marées, mais cette action relève de l’influence d’un spiritus.

39Sénèque, à la même époque, renforce le rapprochement entre les mouvements des marées et les phénomènes vitaux. Certes, il n’ignore pas la théorie posidonienne de l’influence de la Lune, qu’il évoque au livre trois de ses Questions naturelles (XXVIII, 6), mais il insiste plutôt sur la similitude entre le mouvement des marées et le rôle des veines dans le corps humain, dont nous avons retrouvé l’influence chez des auteurs du xviie siècle comme Mersenne ou Fabre. Sénèque écrit en effet : « La mer est une, formée dès l’origine telle que nous la voyons ; elle a ses propres veines qui la remplissent et causent ses marées [52]. » Il s’oppose ainsi à la thèse des Météorologiques d’Aristote qui voyait dans la mer le lieu privilégié de toute l’eau, et pour justifier cette prise de position, il ajoute alors (chap. XV, § 1) : « J’estime que la nature gouverne la terre et qu’elle l’organise à la façon du corps humain, dans lequel il y a à la fois des veines et des artères, servant de vaisseaux, les premières pour le sang, les autres pour le spiritus. Dans la terre aussi, l’eau et l’air circulent par des canaux différents, et ceux-ci sont tellement formés par la nature à la ressemblance de notre corps que nos ancêtres ont donné aussi le nom de veines à ceux qui servent pour l’eau [53]. »

40Les théories des marées, et en particulier les théories pneumatiques, seraient donc, à partir d’une hypothèse platonicienne, devenues des thèses stoïciennes. Même si c’est dans le mythe présenté dans le Phédon qu’apparaît l’idée d’une masse souterraine d’eau agitée d’un souffle comparable à celui de la respiration, c’est bien dans les textes stoïciens que cette évocation devient le fondement d’une théorie des marées. Ce qui ne se fait d’ailleurs pas sans ambiguïté. Mela, on l’a vu, distinguait nettement la thèse pneumatique selon laquelle les eaux sont soulevées par un souffle, de celle qui affirme que les marées résultent du jaillissement et du retrait d’eaux circulant dans des veines souterraines au fond de la mer. Mais les auteurs ultérieurs, aussi bien dans l’Antiquité tardive qu’à l’époque moderne, mêleront le plus souvent les deux thèses, intégrant ainsi l’hypothèse platonicienne des veines où circulent les eaux souterraines dans la théorie pneumatique des stoïciens. La respiration de la Terre brasse de l’eau aussi bien que de l’air. Il demeure que l’analogie entre la respiration des êtres vivants et les mouvements de la mer, la conjonction de ces mouvements avec ceux des astres et de la Lune en particulier, constituent des objets de pensée privilégiés pour une doctrine de la circulation d’un souffle qui établit entre toutes choses une sympathie universelle. La théorie stoïcienne des marées consisterait donc à reconnaître dans la complexité de ce phénomène l’une des multiples manifestations du « pneuma » dans la nature.

Les reprises chimiques de la théorie pneumatique

41Les divers textes anciens sur les marées étant d’un accès facile pour le lecteur du début du xviie siècle, on ne s’étonnera pas de les voir fréquemment cités. Ainsi, sans parler de l’Histoire naturelle de Pline et des Questions naturelles de Sénèque, dont les nombreuses éditions et traductions sont bien connues, la Géographie de Strabon, après les nombreuses éditions qui s’étaient succédé dès les débuts de l’imprimerie, était parue à Genève en 1587, puis à Paris en 1620, dans une édition bilingue (grec et latin) avec les commentaires d’Isaac Casaubon, tandis que le De situ Orbis de Pomponius Mela avait été réédité à Anvers en 1582, puis à Paris en 1619.

42Cependant, la plupart des auteurs qui évoquent l’hypothèse d’une respiration sous-marine pour expliquer les marées ne la reprennent pas à leur compte, prenant soin de marquer leurs distances à l’égard de la thèse stoïcienne du monde animal, qu’ils acceptent tout au plus de reconnaître comme une comparaison. Ce n’est pourtant pas pour de simples raisons anecdotiques ou historiques qu’ils évoquent cette thèse, dont ils retiennent toujours un élément essentiel en reconnaissant le rôle d’un « pneuma » dans le mouvement des marées ; c’est ce que nous allons voir en revenant vers trois des auteurs cités précédemment : Galateo, Fabre, Froidmont, auxquels nous ajouterons Nicolas Cabeo.

43Antonio Galateo, qui, nous l’avons vu, présente Solin comme l’auteur de cette thèse, développe en fait une théorie thermique des marées. La chaleur des rayons du Soleil se concentre en effet au fond de la mer, où s’accumulent les effets des rayons incidents et des rayons réfléchis sur les fonds marins, selon un procédé analogue à celui que décrit Aristote pour expliquer que l’air est plus chaud à la surface de la Terre que dans les nuages, ce qui permet d’expliquer le phénomène de la neige (Météorologiques, I, 12, 348 a 15). Or toute chaleur, pour se conserver, a besoin d’une constante circulation d’air (« […] la chaleur ne peut en aucun cas se conserver si elle ne possède pas une expiration continuelle et un continuel renouvellement des parties expirantes, ce qui se fait par une inspiration de l’air, qui est le seul aliment approprié du feu [54] »), ce qui est encore une thèse aristotélicienne (notamment De juventute, 5, 469 b 10). Ce mouvement est d’ailleurs semblable à celui du cœur des animaux, qui entretient sa chaleur par un constant mouvement d’inspiration et d’expiration. Le mouvement des marées est donc comparable aux battements du cœur (« De la même manière, la chaleur qui se propage continuellement au fond de la mer a besoin d’une expiration continue qui est la cause du flux et du reflux continus de la mer [55] »), et c’est dans ce contexte que Galateo évoque la thèse rapportée par Solin, cependant sans la reprendre entièrement à son compte : certes, on ne manque pas de raisons de dire que le monde est un animal, si l’on entend par là qu’il est mû par la nature, mais il ne faut pas pour autant affirmer que c’est sa respiration qui cause les marées, puisque cette respiration de la mer n’est en fait que la conséquence de la présence d’une chaleur au fond des mers.

44C’est une argumentation du même genre que développe plus tard l’alchimiste Pierre-Jean Fabre dans le Palladium spagyricum. À la suite du texte cité plus haut, il ajoute, dans la marge de la seconde édition de 1638 :

45

« Les philosophes stoïciens ont appelé le monde animal, non pas parce qu’il serait vraiment un animal, jouissant et usant des fonctions d’un animal vivant, mais parce qu’il contiendrait en lui la force animale et vivante par laquelle tous les animaux vivent, se conservent et procréent [56]. »

46Fabre poursuit alors son commentaire en expliquant que c’est cette force, spiritus, qui est la partie la plus subtile de tous les éléments et que les alchimistes ont nommée alcool (c’est le nom que Paracelse donne à ce que la tradition appelait quintessence), qui soulève la mer et provoque les marées. Fabre ne récuse d’ailleurs pas l’analogie animale développée par les stoïciens, qui lui permet de rendre compte de l’absence de marée dans certains fleuves et certaines mers comme la Méditerranée. Si le pneuma n’y produit pas ses effets, c’est pour des raisons analogues à celles que l’on observe dans le corps humain : « […] les veines sont agitées de mouvements sans ampleur et presque nuls, tandis que les artères sont ellesmêmes abondamment remplies par un souffle très délié et très rapide à se mouvoir ; de telle sorte que l’océan, les fleuves et les sources soumis aux marées sont pour le monde le cœur et les artères, tandis que la Méditerranée, les fleuves et autres sources paisibles ne sont que les veines et le foie [57]. »

47Fabre explicite sa doctrine des marées vingt ans plus tard, dans son Panchymici opus[58], sans évoquer les stoïciens ni l’analogie avec le vivant. Il organise désormais son explication autour de la présence de la chaleur au centre de la Terre, où s’est réfugié l’esprit du monde. Cet esprit traverse les eaux de la mer en les soulevant périodiquement, puis se déploie dans le ciel où il produit les vents. Quant au cas particulier de la Méditerranée, il s’explique par le caractère ténu des eaux de cette mer, qui laissent passer le souffle calorique sans être perturbées. Il n’y a plus alors aucune référence à un rôle annexe de la Lune ou du Soleil.

48Libert Froidmont, qui participa à la réédition, en 1632, à Anvers, des Œuvres de Sénèque éditées par Juste Lipse en 1605, n’ignorait rien du stoïcisme. Il constate la similitude du mouvement des marées et de celui de la Lune, qui est la cause de la croyance en l’influence de cette dernière. Mais comment les mouvements célestes pourraient-ils influencer ceux de la mer sans influencer l’air qu’ils traversent préalablement ? On pourrait supposer qu’il existe au fond de la mer une substance qui, gonflée sous l’effet des rayons lunaires, soulève les eaux. « Mais, poursuit Froidmont, quelle est donc la substance de ces esprits moteurs de la mer, demanderont ceux qui veulent tout savoir [59] ? » S’agissant des processus de production d’esprits, c’est tout naturellement vers les chimistes de son temps que se tourne Froidmont. On remarque en effet que seules les eaux salées sont soumises aux marées. On pourrait donc supposer que c’est une même substance, le bitume, qui produit le sel de la mer et qui dégage un esprit qui la gonfle. Cette idée, Libert Froidmont explique l’avoir trouvée en lisant Andrea Libavius, qui affirme que c’est un esprit bitumeux contenu à la fois dans le fer et dans l’aimant qui explique leur attirance [60]. Jacob Zwinger de son côté, poursuit Froidmont, prétendait que c’était une huile de vitriol (notre acide sulfurique) qui était la cause du soulèvement de la mer par la Lune [61]. Mais il s’agit toujours d’une substance qui relève du soufre, et par conséquent d’un principe igné dont l’esprit, excité par la chaleur conjointe de la Lune et du Soleil, pourrait effectivement être à l’origine du mouvement des marées.

49Cette interprétation chimique du phénomène des marées fut développée quelques années plus tard par Nicolas Cabeo, au second livre de son commentaire des Météorologiques d’Aristote. Après avoir examiné et réfuté les différentes thèses, notamment celle de Galilée, mais aussi la théorie stoïcienne de la respiration sousmarine de cet animal qu’est la Terre reprise par Kepler, Cabeo constate qu’on ne peut nier l’existence d’une étroite relation entre le mouvement des marées et celui de la Lune, bien que les astres n’aient pas d’influence sur la Terre, si ce n’est par leur lumière ou chaleur. Il faut donc supposer que la Lune agit en échauffant un esprit sulfureux qui gonfle les eaux de la mer : « La Lune, par sa faculté et sa force particulière, met en mouvement certains catharres [sic] mais non pas les autres humeurs ; de la même manière, lorsqu’elle monte au-dessus de l’horizon, elle met en mouvement certains esprits du soufre ou du sel de nitre qui se trouvent au fond de la mer, esprits qui, lorsqu’ils s’élèvent et se mêlent aux eaux per minima, les soulèvent par le fond et les font se gonfler, comme gonfle le moût [62]. » L’opération chimique de la fermentation qui est ici évoquée pour rendre compte de ce mélange de l’esprit et de l’eau au niveau des plus petites particules prend donc une valeur cosmologique, puisqu’elle explique aussi bien le déroulement de certaines maladies que les mouvements de la mer, utilisant ainsi l’analogie entre le vivant et l’inanimé qu’inspire la physique stoïcienne.

50Par cette théorie chimique de la production des marées, Cabeo parvient à tenir compte des données de l’observation en ce qui concerne le rôle de la Lune, puisque la production de l’esprit dépend de la position de l’astre. Mais elle dépend aussi de la présence en quantité variable du bitume au fond de la mer, ce qui permet de rendre compte de la diversité du phénomène selon les différentes mers. Sa théorie semble ainsi plus crédible que celles qui, en proposant un moteur unique pour l’ensemble des marées, qu’il s’agisse de causes mécaniques, comme chez Bacon ou Galilée, ou de l’action de l’âme ou de l’esprit du monde, ne parviennent pas à expliquer la diversité des phénomènes observés. Elle a aussi l’avantage d’assigner au phénomène des marées une cause précise, dont les effets peuvent être testés en laboratoire, alors que les autres doctrines semblent invoquer des causes occultes.

51Galilée, dans les Dialogues sur les deux grands systèmes du monde, reprochait à Kepler ses enfantillages : « De tous les grands hommes qui ont philosophé sur cet effet étonnant de la nature, c’est Kepler qui m’étonne le plus : cet esprit libre et pénétrant avait à sa disposition les mouvements attribués à la Terre, il a pourtant prêté l’oreille et donné son assentiment à un empire de la Lune sur l’eau, des propriétés occultes et autres enfantillages du même genre [63]. » Peut-être les « autres enfantillages » visent-ils l’histoire de la respiration de la Terre, mais il faut remarquer que c’est sur le caractère occulte de l’influence de la Lune que Galilée fait porter sa critique, et non pas sur le développement d’une théorie hylozoïque. On voit alors comment les théories chimiques pouvaient sembler à certains venir donner raison à l’étrange hypothèse de Kepler et limiter la portée des reproches que lui faisait Galilée, en réduisant la part de l’occulte dans l’explication de l’action à distance de la Lune. Fabre, l’alchimiste, n’avait accepté la thèse stoïcienne qu’à la condition de la débarrasser de sa fantaisie : l’esprit du monde était pour lui une substance chimique, certes venue du ciel et de sa quintessence, mais qui produisait ses effets dans tous les domaines de la nature. Cabeo se fait encore plus précis, puisque la substance appelée « esprit » est pour lui extirpée du fond de la mer par une opération chimique dont le rayonnement lunaire n’est que l’agent : cet esprit n’est plus la projection directe d’un spiritus venu du ciel.

52On peut alors retrouver, au-delà des importantes différences de leurs théories respectives, une démarche commune chez les quatre auteurs que nous venons d’évoquer, dont on pourrait résumer ainsi les étapes :

  1. Tous les quatre évoquent d’abord la thèse de la respiration sous-marine de la Terre, qu’ils reconnaissent comme étant d’origine stoïcienne ; les trois derniers, qui écrivent après Kepler, lui reprochent de l’avoir reprise à son compte.
  2. Ils critiquent ensuite cette thèse en contestant que le monde soit un animal, prenant ainsi leur distance avec le stoïcisme : Fabre se réclame de la tradition alchimique, les trois autres auteurs restent proches d’un aristotélisme qu’ils veulent moderniser.
  3. Ils admettent cependant l’analogie entre les êtres vivants et le phénomène des marées, en invoquant soit la théorie aristotélicienne de la respiration, soit la doctrine médicale de la circulation du sang dans les veines et d’un « pneuma » dans les artères.
  4. Ce qui les conduit à reconnaître que les marées sont provoquées par la présence d’un souffle comparable au souffle vital, ce dernier étant provoqué, soit par la chaleur, soit par la présence universelle de l’esprit du monde, soit par une opération chimique de fermentation.
Dans ces conditions, l’opposition entre Kepler et ses détracteurs semble moins importante que les partisans de la thèse chimique pouvaient le supposer puisque la respiration sous-marine qu’évoquait Kepler pourrait être vue comme une étape entre la doctrine stoïcienne du halètement animal qu’elle rappelle ironiquement et les théories chimiques qui expliquent comment la mer peut être soulevée par des esprits. On peut donc considérer que la thèse chimique ne nous éloigne pas du stoïcisme : si les géographes antiques avaient pu forger ce mythe de la respiration sous-marine, c’est bien parce qu’ils raisonnaient à l’intérieur d’une physique pour laquelle la circulation d’un souffle (pneuma, spiritus) constitue un aspect essentiel de la doctrine. Les chimistes du xviie siècle, qui accordent la plus grande importance à la présence et à la production des esprits, reprennent la thèse en lui donnant une assise expérimentale : dans son laboratoire, le chimiste observe les fermentations produites par l’action des esprits sulfureux. En supposant une action de la Lune sur une substance chimique qui gît au fond de la mer, comparable à celle qui produit l’attirance de l’aimant et du fer en se nichant dans leurs pores, et qui conduit à la production d’esprits que nous nommerions aujourd’hui des gaz, le chimiste déploie une théorie pneumatique des marées qui, en mettant en évidence le rôle d’un souffle chaud, retrouve l’une des intuitions fondamentales de la physique des stoïciens.

Conclusions

53Aucun des auteurs modernes que nous avons cités n’est stoïcien. Au xviie siècle, on n’est habituellement pas stoïcien, en philosophie naturelle, comme on peut être aristotélicien, ou même épicurien. C’est que la physique stoïcienne ne se présente pas en un ensemble cohérent et harmonieux, et ce malgré la publication de la Physiologia stoicorum de Juste Lipse en 1604. Bien plus, elle ne semble connue de ceux qui s’y réfèrent qu’au détour d’une doctrine étrangère et à travers de nombreuses médiations. Nul n’expose alors ce que nous pourrions appeler une doctrine stoïcienne des marées, mais les thèses stoïciennes, dont l’origine n’est pas toujours clairement identifiée par ceux qui les utilisent, viennent cependant nourrir de nouvelles théories et répondre ainsi à certaines exigences de la science du moment.


Mots-clés éditeurs : théories des marées, physique stoïcienne, alchimie

Mise en ligne 01/01/2010

https://doi.org/10.3917/rhs.612.0287

Notes

  • [*]
    Bernard Joly, UMR « Savoirs, textes, langage » (CNRS, universités de Lille 3 et de Lille 1), Université de Lille 3, BP 60149, 59653 Villeneuve-d’Ascq Cedex. E-mail : bernard. joly@ univ-lille3. fr.
  • [1]
    Strabon, Géographie, liv. III, 5, 6, texte établi et traduit par François Lasserre (Paris : Les Belles Lettres, 1966), 92-94.
  • [2]
    Jules Vuillemin, Nécessité ou contingence, l’aporie de Diodore et les systèmes philosophiques (Paris : Les Éd. de Minuit, 1984), 322-330.
  • [3]
    Posidonius, The Fragments, ed. by Ludwig Edelstein and Ian G. Kidd (Cambridge : Cambridge Univ. Press, 1972), seconde éd. (1989), éd. paperback (2004), fragment 138 (= Stobée, Eclogae I, 38, 4 = Aetius, Placita III, 14, 4).
  • [4]
    Valéry Laurand, La sympathie universelle : Union et séparation, Revue de métaphysique et de morale (2005), n° 4, 517-535. Sur la cause synectique et le texte de Galien l’évoquant, voir Jean-Joël Duhot, La Conception stoïcienne de la causalité (Paris : Vrin, 1989).
  • [5]
    Pline, Histoire naturelle, liv. II, texte établi, traduit et commenté par Jean Beaujeu (Paris : Les Belles Lettres, 1950), 95.
  • [6]
    Des méthodes prédictives simples et efficaces avaient été établies en Angleterre dès le xiiie siècle. Ainsi, Harold Burstyn, Theory and practice in man’s knowledge of the tides, in Actes du Xe congrès international d’histoire des sciences d’Ithaque, 1962 (Paris : Hermann, 1964), 1019-1022, fait notamment état de tables de marées valables pour Londres datant du xiiie siècle, et d’autres valables pour les Cinque Ports (sur la côte sud du Kent) datant de 1375. Il faudra cependant attendre la publication de l’Hydrographie du père jésuite Fournier, en 1643, pour disposer d’une bonne méthode permettant le calcul prédictif du coefficient.
  • [7]
    Marin Mersenne, Questions inouyes (Paris, 1634), (Paris : Fayard, 1985), 33-35.
  • [8]
    Voir, par exemple, Serge Moscovici, Les développements historiques de la théorie galiléenne des marées, Revue d’histoire des sciences, XVIII/2 (1965), 193-220 ; Federico Bonelli et Lucio Russo, The origin of modern astronomical theories of tides : Chrisogono, de Dominis and their sources, British journal for the history of science, XXIX (1996), 385-401.
  • [9]
    VoirWilliam Shea, La Révolution galiléenne, trad. franç. de François De Gandt (Paris : Le Seuil, 1992), 226.
  • [10]
    Andrea Caesalpinus, Peripateticarum quaestionum libri quinque (Venise, 1571), liv. III, question 5, fos 59 v° – 61 r°.
  • [11]
    Eric J. Aiton, Galileo’s theory of the tides, Annals of science, X (1954), 44-57 ; Harold L. Burstyn, Galileo’s attempt to prove that the Earth moves, Isis, LIII (1962), 161-185 (voir, à la suite de cet article, la controverse entre Aiton et Burstyn dans Isis, LVI (1965), 56-63) ; Pierre Souffrin, La théorie galiléenne des marées n’est pas une théorie fausse. Essai sur le thème de l’erreur dans l’histoire et l’historiographie des sciences, Épistémologiques, I (2000), 113-139.
  • [12]
    On sait aujourd’hui que les marées semi-diurnes ne sont en fait caractéristiques que des côtes européennes et africaines de l’Atlantique. Voir Jules Rouch, Les Marées (Paris : Payot, 1961), 37-42.
  • [13]
    TheWorks of Francis Bacon, collected and edited by James Spedding, Robert L. Ellis and Douglas D. Heath (Londres, 1876), vol. III, 47-61. Bacon revient sur la question des marées dans le Novum organum (II, § 46). Il y nomme explicitement Galilée, dont le nom n’était pas prononcé dans l’opuscule de 1616.
  • [14]
    Pandulfo Sfondrato, dans son Causa aestus maris (Ferrare, 1590), tirant parti de la découverte des côtes d’Amérique, supposait que si une côte se déploie parallèlement aux côtes européennes et africaines, le mouvement de la mer, entraînée vers l’ouest par le mouvement du Soleil, se réfléchit sur l’obstacle que constituent les rivages du Nouveau Monde, les marées n’étant que l’onde provoquée par ce choc.
  • [15]
    Francisco Patrizi, Nova de Universis philosophia (Ferrare, 1591), f° 139 v°. Otto Casman, Marinarum questionum tractatio philosophia (Francfort, 1596), 176, cite ce passage de Patrizi. L’ouvrage de Casman consiste pour l’essentiel en un exposé des différentes théories des marées.
  • [16]
    Claude Duret, Discours de la vérité des causes et des effets des divers cours, mouvements, flux, reflux et salure de la Mer Océane, Mer Méditerranée et autres mers de la Terre (Paris, 1600).
  • [17]
    Il s’agit de Gasparo Contarini, De elementis et eorum mixionibus libri quinque (Paris, 1548).
  • [18]
    Duret, op. cit. in n. 16, 22.
  • [19]
    Ibid., 170.
  • [20]
    Jules César Scaliger, Exotericarum exercitationum liber quintus docimis, De subtilitate ad Hieronymam Cardanum (Paris, 1557).
  • [21]
    Voir à ce sujet Bonelli et Russo, op. cit. in n. 8.
  • [22]
    Mersenne, op. cit. in n. 7, question X, 34.
  • [23]
    Ibid., 102.
  • [24]
    Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, traduit par René Fréreux avec le concours de François De Gandt (Paris : Le Seuil, 1992), 411.
  • [25]
    Bacon, op. cit. in n. 13, 50.
  • [26]
    Johannes Kepler, Harmonices mundi (Linz, 1619), liv. IV, chap. VII (GesammelteWerke, vol. VI (Munich : C. H. Beck’sche Verlagsbuchhandlung, 1940), 270) ; traduction de Gérard Simon, Kepler astronome astrologue (Paris : Gallimard, 1979), 190-191, pour le § 1 ; ma traduction pour le § 2. Dans la traduction de Gérard Simon, j’ai remplacé « circularité » par « mouvement de va-et-vient » pour traduire « reciprocatio ».
  • [27]
    Voir la trad. de Gérard Simon, op. cit. in n. 26, 186.
  • [28]
    Plutarque, Moralia, 927 f - 928 c.
  • [29]
    Juste Lipse, Physiologia stoicorum (Anvers, 1604), II, 10.
  • [30]
    Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, VII, 142 = Hanz von Arnim, Stoicorum veterum fragmenta (Leipzig, 1903-1905), II, 633.
  • [31]
    J’ai développé ces remarques dans « Mundum animal esse » (Physiologia stoicorum II, 10) : Retour au stoïcisme ou triomphe de l’hermétisme ?, in Juste Lipse (1547-1606) en son temps. Actes du colloque de Strasbourg, 1994 (Paris : Champion, 1996), 49-69.
  • [32]
    Von Arnim, op. cit. in n. 30, II, 458 ; Anthony A. Long et David N. Sedley, Les Philosophes hellénistiques (Paris : GF Flammarion, 2001), II, 275.
  • [33]
    Philon d’Alexandrie, Commentaire allégorique des saintes lois après l’ œuvre des six jours, édition et traduction Émile Bréhier (Paris, 1909), liv. II, § 19-22, 90-95.
  • [34]
    Saint Augustin, La Cité de Dieu (Paris : Desclée de Brouwer, 1959), VII, 169-171.
  • [35]
    Ibid., 179-181.
  • [36]
    Pierre-Jean Fabre, Palladium spagyricum (Toulouse, 1624), 51. Je traduis ici d’après la seconde édition (Toulouse, 1638). Sur l’ œuvre de Pierre-Jean Fabre, voir Bernard Joly, La Rationalité de l’alchimie au xviie siècle (Paris : Vrin, 1992).
  • [37]
    Libert Froidmont, Meteorologicorum libri sex (Anvers, 1627), liv. V, chap. I, art. VIII : « Sententiae aloquot belliores, de causa efficiente marini aestus, rejectae. »
  • [38]
    Antonio Galateo, Liber de situ elementorum (Bâle, 1558). Il s’agit en fait du rassemblement de six opuscules de météorologie, dont le premier a donné son titre à l’ensemble. Le quatrième, intitulé Libellus de mari et aquis (89-113), est lui-même divisé en deux parties, la première traitant des marées et la seconde de la salure de la mer.
  • [39]
    Galateo, op. cit. in n. 38, 92.
  • [40]
    Caius Julius Solinus, Polyhistor, trad. Alphonse Agnant (Paris, 1847), 193.
  • [41]
    Pomponius Mela, De situ Orbis, liv. III, chap. I (Paris, 1863), « Collection des auteurs latins », 643.
  • [42]
    Strabon, op. cit. in n. 1, I, 3, § 8, t. I-1, 151.
  • [43]
    Voir Jérôme Laurent, Strabon et la philosophie stoïcienne, Archives de philosophie (2008), n° 1, 111-127. S’opposant à la plupart des commentateurs de Strabon, Jérôme Laurent estime que « Strabon est plus en accord avec l’idéologie générale et éclectique de son temps qu’avec la philosophie stoïcienne proprement dite ».
  • [44]
    Ibid., II, 3, 8, t. I-2, 69-70.
  • [45]
    Ibid., I, 2, 8.
  • [46]
    Ibid., XVI, 2, 10.
  • [47]
    Ibid., I, 1, 9.
  • [48]
    Ibid., I, 3, 12, t. I, 154.
  • [49]
    Ibid., III, chap. V, § 7, t. II, 92.
  • [50]
    Pline, op. cit. in n. 5, 95 (II, 97, 213).
  • [51]
    Pline, op. cit. in n. 5, 98 (II, 99, 221).
  • [52]
    Sénèque, Questions naturelles, trad. de Paul Oltramare (Paris : Les Belles Lettres, 1961), XIV, 3, t. I, 129.
  • [53]
    Ibid., III, XV, 1, t. I, 129-130.
  • [54]
    Galateo, op. cit. in n. 38, 90.
  • [55]
    Ibid., 91.
  • [56]
    Fabre, op. cit. in n. 36, 51.
  • [57]
    Fabre, op. cit. in n. 36, 51.
  • [58]
    Pierre-Jean Fabre, Panchymici seu anatomiae totius universi Opus (Toulouse, 1646), liv. IV, section 1, chap. 3 à 5.
  • [59]
    Froidmont, op. cit. in n. 37, 266.
  • [60]
    Libavius est l’auteur d’une Alchymia (Francfort, 1597), dans laquelle il avait entrepris de présenter de la manière la plus cohérente et ordonnée possible, la doctrine alchimique inspirée de l’ œuvre de Paracelse.
  • [61]
    Jacob Zwinger, Principiorum chymicorum examen (Bâle, 1606).
  • [62]
    Nicolas Cabeo, Meteorologicorum Aristotelis commentaria (Rome, 1646), liv. II. L’expression « per minima », tirée de la Summa perfectionis du pseudo-Geber (fin xiiie siècle), fait partie du vocabulaire technique de la chimie de l’époque ; elle désigne la nécessité de travailler au niveau des plus petites particules de matière pour obtenir un mélange qui ne soit pas un simple agrégat. C’est notamment à ce niveau que s’effectue la transmutation des métaux, si elle est possible.
  • [63]
    Galilée, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (Paris : Le Seuil, 1992), 442.
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