Couverture de RHSH_024

Article de revue

Les professionnels africains de la recherche dans l'État colonial tardif

Le personnel local de l'Institut Français d'Afrique Noire entre 1938 et 1960

Pages 35 à 60

Notes

  • [1]
    Ly, 1955. Le titre exact de sa thèse est « L’évolution du commerce français d’Afrique noire dans le dernier quart du xviie siècle. La Compagnie du Sénégal de 1673 à 1696 ».
  • [2]
    Sur l’école historique de Dakar, cf. Thioub, 2002.
  • [3]
    Jézéquel, 1998.
  • [4]
    Pour l’histoire du RLI, cf. Schumaker, 2001.
  • [5]
    L’AOF est une fédération regroupant les huit colonies françaises de la région (Sénégal, Soudan – actuel Mali –, Haute-Volta – actuel Burkina Faso –, Guinée, Côte d’Ivoire, Dahomey – actuel Bénin –, Mauritanie et Niger). La capitale fédérale se trouve à Dakar, siège du gouvernement général de l’AOF. Chaque territoire dispose en outre de sa propre capitale et d’une administration territoriale placée sous la responsabilité d’un gouverneur. On peut ajouter à cet ensemble les anciennes colonies allemandes, le Togo et le Cameroun, qui ont le statut de protectorat français et non de colonie. L’IFAN y a ouvert un centre régional comme dans les différents territoires de l’AOF.
  • [6]
    Pour les débuts de l’ORSC, ancêtre de l’ORTSOM puis de l’IRD, cf. Bonneuil, 1991 ; Petitjean, Bonneuil, 1996.
  • [7]
    Vansina, 1994, 46.
  • [8]
    IHED dépend des universités de Bordeaux et de La Sorbonne (Capelle, 1990). Il n’y a pas encore d’« école doctorale à Dakar et les étudiants ouest-africains s’inscrivent en thèse dans les universités de métropole. Il y a dans le cas de l’Afrique francophone un décrochage entre institutions universitaires et institutions de recherche qui contraste avec la situation des territoires anglophones.
  • [9]
    Pour citer les trois catégories de personnel au sein de l’IFAN. Cf. plus loin.
  • [10]
    Cooper, 2004.
  • [11]
    Pour la notion d’État colonial tardif, cf. Cooper, 1996 ; Darwin, 1999 ; ou encore Boilley, 1999.
  • [12]
    Fondée par Alioune Diop, la revue se propose d’accueillir les réflexions sur les cultures noires dans ses multiples facettes. Elle publie de nombreuses contributions d’auteurs africains et recueille le soutien d’intellectuels métropolitains comme Jean-Paul Sartre, André Gide ou encore Michel Leiris. Cf. Mudimbé, 1992.
  • [13]
    Nous donnons dans cet article un sens assez restrictif au terme « lettrés africains ». Il désigne ici les auteurs africains passés par les écoles françaises et qui se distinguent ainsi de la génération précédente des informateurs illettrés ainsi que des « lettrés arabes » (ceux qui maîtrisent l’écriture arabe). On préfère cette expression à celle d’auteurs ou de chercheurs africains parce que précisément l’un des enjeux principaux pour les lettrés africains est la reconnaissance de leur statut d’auteur ou de chercheur.
  • [14]
    C’est-à-dire les auteurs qui participent aux recherches ou aux publications de l’IFAN sans en être forcément membres. Nous nous intéressons par ailleurs aux seules disciplines des sciences humaines et sociales. L’IFAN compte également des sections de zoologie, de botanique ou encore d’océanographie que nous n’avons pas intégrées à notre étude.
  • [15]
    En cela il se distingue du CNRS et même de l’ORSC/ORSTOM liés au ministère de l’Enseignement et de la Recherche.
  • [16]
    La description précise de ces relations n’entre pas dans le propos de cet article. On peut cependant noter que ces relations prennent des formes multiples : accueil de chercheurs en détachement (notamment du CNRS ou de l’ORSTOM), octroi de bourses de recherche (notamment via l’École française d’Afrique créée en 1942), aide à la publication ; ou encore appui logistique plus informel dans les centres régionaux de l’IFAN.
  • [17]
    Pour l’Afrique francophone, cf. notamment Bonneuil, 1991 ; de l’Estoile, 2004 ; Sibeud, 2004 ; ou encore Wilder, 2005.
  • [18]
    Ainsi, lors du récent colloque du CEMAF sur « La fabrique des savoirs en Afrique subsaharienne : acteurs, lieux et usages dans la longue durée » (tenu en mai 2009, une seule communication est consacrée à la période de l’État colonial tardif. Dans le récent ouvrage d’Helen Tilley et Robert Gordon consacré aux liens entre savoirs, impérialisme et anthropologie en Afrique, la quasi-totalité des contributions – y compris la nôtre – couvre la période allant de la fin du xixe à la fin des années 1930 (Tilley, Gordon, 2007)).
  • [19]
    On dispose certes pour ces moments d’histoire de l’anthropologie mais ces dernières se focalisent généralement sur l’évolution de la discipline vue depuis la métropole et négligent le rôle des institutions scientifiques en situation coloniale. Il y a cependant des exceptions notables comme l’étude de Lyn Schumaker sur le RLI (2001). Dans l’espace francophone, on peut citer les travaux de Marie-Albane de Suremain sur la géographie (2001), les travaux de Vincent Bonnecase traitant des savoirs sur la pauvreté (2008), ceux de Guillaume Lachenal sur les pratiques médicales au Cameroun (2006).
  • [20]
    Cooper, 2004.
  • [21]
    James Clifford souligne par exemple l’agencéité (agency) des « ethnographes indigènes ». Lors des enquêtes, ces derniers ont non seulement un agenda particulier distinct de celui du chercheur européen mais ils développent également une vision personnelle des cultures locales qui interfèrent avec celle de l’anthropologue (Clifford, 1988). Cf. également sur cette question des anthropologues africains, Hountondji, 1993 ; Schumaker, 2001.
  • [22]
    Par la suite, le Comité. Pour plus d’informations sur la période du Comité, cf. Jézéquel, 1998.
  • [23]
    Par la suite, le Bulletin du Comité.
  • [24]
    Les auxiliaires africains sont eux-mêmes divisés en de nombreux cadres administratifs qui bénéficient de statut et de niveau de rémunération très variable. Dans l’entre-mesure, les instituteurs font figure de « haut du panier » (Jézéquel, 2002 et 2007b).
  • [25]
    Par la suite Ponty. Cette école fédérale ouverte au Sénégal en 1903 forme l’élite des auxiliaires africains de l’administration coloniale. Les Pontins, comme on appelle communément les diplômés de cette école, sont originaires de l’ensemble des territoires l’AOF. L’école forme initialement des instituteurs puis, à partir des années 1920, des commis des services administratifs et financiers, ainsi que les élèves de l’école de médecine Jules Carde de Dakar. Les diplômés de cette école vont fournir au moment des indépendances l’essentiel des cadres politiques ouest-africains (Jézéquel 2002).
  • [26]
    On peut ainsi citer les liens unissant l’interprète Moussa Travélé ou le chef supérieur (et ancien interprète) Abdoulaye Kane à Maurice Delafosse, administrateur des colonies et figure centrale de l’africanisme français (Amselle, Sibeud, 1998). Moussa Travelé est l’auteur d’un des premiers dictionnaires français-bambara ainsi que de plusieurs études ethnographiques sur le Soudan français (actuel Mali). Abdoulaye Kane, a pour sa part publié le premier article signé par un auteur ouest-africain dans le Bulletin du Comité. En l’occurrence, il s’agit d’une étude historique sur le Fouta Toro (Sénégal) dont Kane est originaire. On peut encore évoquer les liens unissant l’instituteur Amadou Mapaté Diagne, auteur d’articles sur la Casamance (Sénégal) à Georges Hardy, ancien inspecteur de l’enseignement en AOF (pour Hardy, cf. plus loin). Pour ces liens qui mêlent paternalisme et parrainage intellectuel en général, cf. Dulucq, Zytnicki, 2006.
  • [27]
    Pour ces instituteurs, cf. Jézéquel, 2002.
  • [28]
    Jézéquel, 1998.
  • [29]
    Quénum, 1936.
  • [30]
    Hazoumé, 1937.
  • [31]
    Kenyatta, 1938. Cf. également de l’Estoile, 1997.
  • [32]
    Jézéquel, 2007a.
  • [33]
    La revue Éducation Africaine (à l’origine Bulletin de l’Enseignement de l’AOF) a été fondée en 1913 par Georges Hardy, alors inspecteur de l’enseignement de l’AOF. Elle publie de nombreuses études ethnographiques et historiques réalisées par des instituteurs africains originaires de toute l’AOF (Jézéquel, 2002).
  • [34]
    Il s’agit là de trois enseignants français ayant occupé des responsabilités au sein du service de l’enseignement de l’AOF (Charton et Hardy comme inspecteurs, Béart comme directeur de Ponty).
  • [35]
    Il s’agit essentiellement de chercheurs qui ont fréquenté les réseaux de l’Institut d’ethnologie (créé en 1925) et du Musée de l’Homme (fondé en 1937). Cf. Conlikn, 2002 ; de l’Estoile, 2007. On peut citer des chercheurs comme Denise Paulme (chargée du département Afrique noire au Musée de l’Homme) ou ses cadets comme Georges Balandier et Paul Mercier.
  • [36]
    C’est ainsi que le chef de la section archéologie de l’IFAN, Raymond Mauny, est un ancien administrateur. À son sujet, cf. le site Internet qui lui est consacré par Fabrice Melka : http://www.mauny.hypotheses.org/.
  • [37]
    Discours d’Albert Charton du 24 août 1936, publié in « Création de l’Institut français d’Afrique noire », Bulletin du Comité, 1937, 384.
  • [38]
    Monod, 1953, 2. Il s’agit là déjà de la 4e édition des Conseils aux chercheurs initialement publiés par Monod en 1942.
  • [39]
    Ce calcul a été établi à partir des noms d’auteurs dans les tables des revues. Cette méthode comporte un risque d’erreur contrebalancé par des recoupements sur les noms propres plus difficiles. La marge d’erreur est réelle mais n’affecte sans doute pas de manière significative les chiffres obtenus.
  • [40]
    Dans les instructions aux auteurs parues dans le numéro 44 (octobre 1949), la rédaction demande des articles de moins de huit pages pour éviter d’avoir à publier les contributions sur plusieurs numéros.
  • [41]
    Monod ne dédaigne pas pour autant cette publication – il publie à lui seul presque autant de notices que l’ensemble des auteurs africains – mais il s’est établi une nette distinction entre les différentes revues.
  • [42]
    ANF 2G55-3, Rapport annuel de l’IFAN pour l’année 1955.
  • [43]
    Hardy, 1937, 439-440. Georges Hardy, agrégé d’histoire et diplômé de l’École normale supérieure, a joué un rôle central dans l’organisation de l’enseignement de l’AOF où il fut inspecteur durant les années 1910. Après avoir assuré la direction du service de l’enseignement au Maroc, il dirige l’École Coloniale à Paris entre 1926 et 1937. En AOF comme en métropole, il a encouragé la publication des études historiques ou ethnographiques réalisées par les auteurs ouest-africains. Pour plus d’information sur ce personnage influent et pourtant négligé par les historiens, voir la thèse à venir de Carine Eizlini, doctorante à l’université de Paris V, portant sur « la Prosopographie du personnel d’éducation en AOF ».
  • [44]
    Archives Nationales du Sénégal (ANS), Dossier personnel de Dominique Traoré, série 1C.
  • [45]
    Il est élu premier député du Soudan français en 1946 et dirige le Parti Progressiste Soudanais jusqu’à l’indépendance du Mali.
  • [46]
    Citons ainsi Henri Labouret qui prend sa retraite comme gouverneur honoraire en 1936 et décède en 1959 ou encore Georges Hardy, révoqué de ses fonctions à la Libération et immédiatement admis à la retraite.
  • [47]
    Pour le rôle des auteurs africains dans la revue Outre-Mer, cf. Piriou, 1997.
  • [48]
    Depuis 1942, l’IFAN est doté d’un cadre du personnel régi par une série d’arrêtés spécifiques (cf. plus loin pour l’analyse de ce personnel). L’arrêté de 1942 mentionne cependant en son article 21 que « les candidats qui, remplissant les conditions d’admission (…), appartiendraient déjà à un cadre local, général ou métropolitain (Enseignement, Administration, Santé…) pourront être intégrés directement dans le cadre de l’IFAN, après avis de la commission de classement, au grade et à une classe pour la fixation de laquelle il sera tenu compte de leurs titres, travaux et services antérieurs » (arrêté du 28 mai 1942 in Journal Officiel de l’AOF, 16 janvier 1943, 32-35). Cette disposition particulière, mentionnée en fin d’arrêté et bien après la partie consacrée au recrutement du personnel IFAN, est surtout destinée à permettre le recrutement de cas particuliers comme ceux des instituteurs-ethnographes en tenant compte de leur ancienneté de service et de leur production scientifique. Il permet sans doute également de pallier le manque temporaire de candidats aux postes de l’IFAN pendant le conflit. À ce moment, les activités de recherche de l’IFAN semblent tourner au ralenti et entre 1941 et 1948, il ne paraît plus qu’un seul volume annuel du bulletin de l’IFAN.
  • [49]
    Fondateur légendaire de l’Empire du Mali. Il n’est pas sans intérêt de noter que cet article paraît alors qu’en janvier de la même année la fédération du Mali a été créée en réunissant à l’origine le Soudan français, le Sénégal, le Dahomey et la Haute-Volta.
  • [50]
    Dans ses rapports annuels, Monod se plaint de façon récurrente du manque de personnel. Celui-ci est en partie lié aux difficultés budgétaires du gouvernement général de l’AOF en particulier au début des années 1950. Il est également lié aux congés administratifs auxquels ont régulièrement droit les assistants de recherche originaires de métropole et qui leur permet de rentrer en France pendant une période prolongée. Cette disposition, d’ailleurs commune aux autres services administratifs de l’AOF, entraîne des désorganisations ponctuelles mais fréquentes. L’employé métropolitain en congé est alors souvent remplacé par un Africain à titre intérimaire (pour les effets de ce système dans le cas du personnel de l’enseignement, cf. Jézéquel, 2002).
  • [51]
    ANF 2G1949-3, 1949, Rapport annuel Cérémonie de purification chez les Lobi, Notes Africaines, 43, 82.
  • [52]
    Bulletin individuel de Notes, ANS, dossier personnel Dominique Traoré de l’IFAN 1949.
  • [53]
    Cf., par exemple, Traoré, 1949a, 81-82 ; 1949b, 82.
  • [54]
    Bulletin individuel de Notes, ANS, dossier personnel Dominique Traoré, 1C383. Dans ce bulletin, il est alors noté comme un « agent excellent dans ses recherches sur la pharmacopée indigène ».
  • [55]
    Lettre du gouverneur Geay, 28 décembre 1949, ANS, dossier personnel Dominique Traoré, 1C383.
  • [56]
    Lettre de Dominique Traoré à inconnu (?), 20 août 1951, ANS, dossier personnel Dominique Traoré, 1C383.
  • [57]
    Pour l’étude des étudiants africains en France après 1945, cf. Guimont, 1997 ; Guèye, 2001.
  • [58]
    Dans les faits, le personnel de l’IFAN est plutôt un mélange de spécialistes issus de corps différents : « Le personnel de l’IFAN appartient “en principe” à un cadre spécial organisé par l’arrêté du 28 mai 1942. Il peut être complété par des agents contractuels et, dans certains cas, par des agents d’autres cadres (Enseignement, ORSTOM) en position de détachement. L’IFAN peut confier en outre à des chercheurs de l’extérieur, français ou étrangers, des missions d’étude d’une durée inférieure à six mois et, au delà de cette durée, des bourses de membre temporaire ou régulier de l’École française d’Afrique, dispositions dont ont déjà bénéficié de nombreux chercheurs ». ANF 2G58-4, Rapport annuel de l’IFAN, 1958.
  • [59]
    Arrêté du 28 mai 1942, Journal Officiel de l’AOF, 16 janvier 1943, 32-35.
  • [60]
    Il est également spécifié que les titulaires d’un doctorat d’État peuvent être directement admis en qualité d’assistants de 3e classe (arrêté du 28 mai 1942, ibid.).
  • [61]
    Cette commission est composée de l’inspecteur de l’enseignement de l’AOF (à titre de président de commission), du directeur de l’IFAN et de deux fonctionnaires désignés parmi les assistants ou les aides-techniques (ou à défaut deux fonctionnaires du cadre commun supérieur de l’Enseignement). Cf. arrêté du 28 mai 1942, ibid.
  • [62]
    Jézéquel, 2007b.
  • [63]
    Fabienne Guimont (1997, 71-72) estime à 2 000 le nombre d’élèves et d’étudiants en France en 1950 et déjà plus de 4 000 en 1952-1953. Par ailleurs, l’Institut des Hautes Études de Dakar créé en 1950 dépend des universités de Bordeaux et de la Sorbonne. Il prépare essentiellement au DEUG alors que la licence est requise pour devenir assistant de recherche. L’IHED n’acquiert le statut d’université qu’en 1957.
  • [64]
    L’anthropologue ivoirien Niangoran-Boua qui appartient à cette génération d’étudiants partis en France dans les années 1950, a ainsi déclaré : « Je suis parti à Paris dans l’espoir d’être un commis de greffe au Parquet, en préparant la capacité en droit qui permet de présenter le concours » (Perrot, 2002, 627). Il découvre finalement à Paris les milieux de la recherche africaniste vers lesquels il se réoriente au grand dam de son frère : « Quand il a fait ce choix, son frère qui n’a pas apprécié qu’il fasse des études d’ethnologie au lieu de faire des études en droit ou en économie, l’a chassé de chez lui » (ibid., 629).
  • [65]
    Nous n’avons pas d’information sur la formation des deux derniers.
  • [66]
    La section enseignement de Ponty, filière de prestige jusque dans les années 1920, subit ensuite un phénomène de dévalorisation relative au profit de la section administration. Celle-ci offre des carrières plus prometteuses et en particulier des chances d’accès plus importantes aux cadres communs supérieurs de l’AOF (Jézéquel, 2002 et 2007b).
  • [67]
    Discours de Ray Autra prononcé lors des funérailles d’Ousmane Diallo, cité in Nécrologie, Recherches Africaines, 4, octobre-décembre 1961, 73-94.
  • [68]
    En 1948, Théodore Monod se plaint par exemple que « l’accroissement des besognes administratives limite de plus en plus le temps dont on dispose pour la recherche proprement dite » (ANF 2G48-5, Rapport annuel de l’IFAN, 1948). Pour un autre exemple du manque de moyens et de ses conséquences sur les activités de l’IFAN, cf. de Suremain, 2007.
  • [69]
    Né à Djougou dans le nord du Dahomey (actuel Bénin) en 1918, Abdou Serpos Tidjani est diplômé de la section administration de Ponty en 1938. À sa sortie de l’école il semble avoir été affecté comme archiviste au dépôt central de l’AOF alors sous la direction d’André Villard. En 1942, l’IFAN, sous la direction de Théodore Monod, récupère la charge de ces archives et d’une partie du personnel. Peu après, Serpos rejoint la section dahoméenne de l’IFAN où il poursuit sa carrière d’agent technique principalement en charge du palais et musée d’Abomey (source : Fichier prosopographique des diplômés de Ponty, Jézéquel, 2002).
  • [70]
    En 1954, le rapport annuel de Monod note ainsi : « M. Tidjani Serpos, continuant son enquête sur la sociétomanie, s’est rendu en septembre dans les cercles de Cotonou, Ouidah, Abomey et Savalou » (ANF 2G54-2, Rapport annuel de l’IFAN, 1952).
  • [71]
    Il n’apparaît plus sur la liste du personnel de recherche de l’IFAN en 1954 et a dû quitter la structure entre 1951 et 1953.
  • [72]
    « Grâce à l’intervention du gouverneur du Niger et de M. Boubou Hama, un crédit de 3 000 000 francs sur le budget local permettra en 1951 de commencer les travaux » (ANF, 2G50-4, Rapport annuel de l’IFAN, 52).
  • [73]
    En 1954, il publie ce travail avec Jean Boulnois sous le titre « une Histoire de Gao », précédé d’une préface de Théodore Monod et dont le manuscrit sommeillait en fait depuis le début des années 1940 (Laya, et al., 2007).
  • [74]
    2G54.2, rapport annuel de l’IFAN 1954.
  • [75]
    ANF 2G55-3, Rapport annuel de l’IFAN, 1955. Il y a un petit doute sur l’auteur de ces lignes. Le rapport est officiellement signé Monod mais ce passage est extrait de la situation sur le centre Niger et le style tranche radicalement avec le reste du rapport. Il est donc très probable que Monod a inclus ici un passage du rapport annuel du directeur du centre IFAN de Niamey (Boubou Hama) dans son propre rapport.
  • [76]
    Autra, 1964, 3-35.
  • [77]
    Devey, 1993.
  • [78]
    Balandier, 1977.
  • [79]
    Il faut mettre à part le cas de Cheikh Anta Diop que nous évoquons plus loin. Dans les années 1950, ce dernier poursuit ses études en France et n’évolue pas à l’époque dans la mouvance de l’IFAN. Il intègre l’IFAN en octobre 1960 après l’indépendance du Sénégal. Son premier article dans le Bulletin de l’IFAN n’apparaît d’ailleurs qu’en 1962 après l’indépendance du Sénégal (Fauvelle-Aymar, 1996).
  • [80]
    Devey, 1993, 86.
  • [81]
    Ly, 1955. On sait combien de son côté Cheikh Anta Diop s’est heurté à de nombreuses difficultés pour défendre une thèse beaucoup mois conventionnelle dans la démarche comme les conclusions. Cheikh Anta Diop ne fait cependant pas encore partie à cette époque du réseau IFAN qu’il intègre seulement en 1960. Cf. également Fauvelle-Aymar, 1996.
  • [82]
    Vansina, 1994.
  • [83]
    Il en va différemment du second assistant ouest-africain recruté par l’IFAN le sociologue Abdoulaye Bara Diop. Recruté en 1956, son travail innove par l’intérêt porté aux dynamiques urbaines, aux migrations et au travail. Encore faut-il remarquer que cet intérêt rejoint alors celui de ses autres collègues de la section sociologie de l’IFAN engagés depuis plusieurs années dans des recherches sur des problématiques similaires. Nous manquons cependant d’éléments pour pousser plus avant l’analyse du rôle joué par Abdoulaye Bara Diop au sein de l’IFAN.
  • [84]
    Thioub, 2002.
  • [85]
    Vansina, 1994.
  • [86]
    « Local Scholarship based at Dakar has been overwhelmed by these metropolitan influences, and has been stifled through the long period of gestation required for the French Doctorat d’État, plus the basic sub-imperialism of the French Africanists » (Atieno-Odhiambo, 2002, 23).
  • [87]
    Parmi de nombreux exemples possibles, voici une citation d’Alexandre Adandé, aide-technicien à l’IFAN et surtout responsable de la section ethnologie à Dakar : « c’est une grave erreur de penser que l’étude des productions matérielles des indigènes, parce qu’elles sont rudimentaires ou choquent la conception occidentale de la beauté, soit inutile ou ne fasse pas faire un pas à la connaissance approfondie de l’humanité. C’est précisément la diversité des civilisations humaines qui en fait la richesse et la dignité » (Adandé, 1951, 194).
  • [88]
    Manchuelle, 1995.
  • [89]
    Schumaker, 2001.
  • [90]
    Inversement, le fait que Boubou Hama perd en 1952 les élections et n’est pas réélu à l’Assemblée territoriale du Niger contribue sans doute à son rapprochement avec le centre IFAN de Niamey qu’il dirige de 1954 à 1957.
  • [91]
    Chroniques de l’IFAN, Notes Africaines, 47, juillet 1950.
  • [92]
    S’il quitte rapidement ce gouvernement, il ne retourne pas pour autant vers la recherche mais milite activement pour l’indépendance de son pays. Ly publie plusieurs textes et ouvrages dans ces années mais il s’agit moins d’études scientifiques ou historiques que de textes militants.
  • [93]
    Par contre, à l’instar de l’IFAN, un grand nombre d’assistants africains du Rhodes-Livingstone Institute quittent la recherche académique pour le terrain politique (Schumaker, 2001).
  • [94]
    Parmi les auteurs africains membres de l’IFAN qui publient à Présence Africaine, citons notamment Bernard Dadié, Alexande Adandé, Abdoulaye Ly ou encore Boubou Hama.
  • [95]
    Sur la revue et les éditions Présence Africaine, cf. Mudimbé, 1992.
  • [96]
    Les actes de ce congrès ont été édités dans un numéro spécial de la revue Présence Africaine (8-10, juin-novembre 1956).
  • [97]
    Le premier signe dans Présence Africaine un article intitulé « Les responsabilités du sociologue africain » qui paraît en 1959 alors qu’il est encore étudiant. Né en 1929 et originaire du Togo, Agblemagnon N’sougan défend sa thèse à l’École Pratique des Hautes Études en 1964 sous le titre « Rôle sociologique du matériel oral dans une société africaine : les Evé du Sud-Togo ». Le second, Kamian, est le premier agrégé de géographie originaire du Mali et auteur en 1957 d’un DES intitulé « La Morphologie de la vallée du Bani dans la région de San » sous la direction de Jean Dresch, professeur de géographie à la Sorbonne et ancien directeur de l’Institut de Géographie de Paris. Bakary Kamian a publié en novembre 1959 un article dans Présence Africaine intitulé « La géographie de l’Afrique présentée par les occidentaux ». Le troisième, Ki Zerbo, est le premier agrégé d’histoire originaire du Burkina Faso et l’auteur de la première grande synthèse sur l’histoire de l’Afrique rédigée par un historien africain. En 1957, il publie dans Présence Africaine, un article intitulé « Histoire et conscience nègre ».
  • [98]
    Achufusi, 1959, 81-95 et Biobaku, 1959, 96-99.
  • [99]
    Schumaker, 2001.
  • [100]
    Balandier, 1977, 41.
  • [101]
    Ibid., 47.
  • [102]
    C’était en 1955 lors d’une conférence internationale tenue en Gold Coast (ANF 2G55-3, Rapport annuel de l’IFAN, 1955).
  • [103]
    Lachenal, 2006.

1En 1955, Abdoulaye Ly présente à l’Université de Bordeaux une thèse consacrée au commerce français en Afrique noire à la fin du xviie siècle [1]. Il devient par là même le premier Sénégalais détenteur d’un doctorat en histoire. On considère avec raison cet épisode comme l’une des dates fondatrices de l’école historique de Dakar [2]. Cette dernière a contribué à un profond renouvellement des savoirs sur le passé de l’Afrique sub-saharienne : de nombreux historiens liés à cette école, de Cheikh Anta Diop à Boubakar Barry, d’Ibrahima Thioub à Mamadou Diouf, vont marquer et continuent de marquer l’historiographie de l’Afrique de l’Ouest.

2Pourtant cette date en a éclipsé une autre, passée inaperçue et pourtant significative pour l’histoire des sciences sociales en Afrique de l’Ouest. L’année précédente, en 1954, Abdoulaye Ly est recruté par l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN) et devient le premier assistant de recherche africain d’un cadre de chercheurs créé à peine 12 ans auparavant. Dans les années qui suivent, Ly est rejoint par deux autres assistants africains (Ousmane Diallo et Abdoulaye Bara Diop). Ly, Diallo et Diop ne sont pourtant pas les seuls Africains employés à l’IFAN : autour d’eux, une vingtaine d’aides et d’agents techniques font également fonctionner les services de l’IFAN depuis ses débuts. Officiellement en charge des tâches administratives et notamment du classement des archives et documents, les agents techniques de l’IFAN participent également à la recherche. Ils publient leurs propres travaux dans les revues de l’IFAN en particulier dans Notes africaines. Assistants de recherche et agents techniques africains de l’IFAN forment ensemble l’avant-garde d’une première génération de professionnels africains de la recherche qui s’épanouit après les indépendances.

3Ce n’est certes pas la première fois que des Africains participent à la production de savoirs coloniaux. Pourtant, les « informateurs indigènes » du temps de la conquête comme les « instituteurs ethnographes » de l’entre-deux-guerres n’ont jamais été considérés comme des professionnels de la recherche. Ils demeurent de simples auxiliaires confinés aux marges de l’africanisme français par la division locale des tâches scientifiques [3]. La professionnalisation inaugurée par l’IFAN marque donc une rupture dans les statuts et il convient d’en mesurer l’impact sur la production scientifique.

4Le recrutement de ces premiers professionnels africains de la recherche doit également se lire à l’aune d’un contexte qui mêle d’importants renouvellements des institutions de la recherche et des mutations sociopolitiques de grande envergure.

5La fin des années 1930 constitue d’abord un moment d’importantes mutations dans le paysage institutionnel de la recherche dans et sur les Empires. De nouvelles institutions apparaissent en effet dans les métropoles impériales comme dans les territoires colonisés : le Rhodes-Livingstone Institute (RLI) est créé en 1938 en Rhodésie [4] ; la même année en Afrique Occidentale Française (AOF) [5], le centre fédéral de l’IFAN ouvre ses portes à Dakar. Dans les années suivantes, des centres régionaux de l’IFAN sont progressivement installés dans les capitales de la fédération. En 1943, l’Office de la Recherche Scientifique Coloniale (ORSC) est créé en France quatre ans seulement après le CNRS [6]. Ce mouvement s’étend jusqu’aux années 1940 avec la création d’universités en Afrique même : Achimota College et Ibadan prennent en 1948 le statut de University-college pour les territoires anglophones d’Afrique de l’Ouest [7], l’AOF est dotée en 1950 d’un Institut des Hautes Études de Dakar (IHED) qui, pour sa part, n’a pas encore le statut d’université autonome [8]. Au delà des renouvellements institutionnels, cette période marque également une accélération des logiques de professionnalisation de la recherche : le temps des administrateurs-ethnographes et des informateurs indigènes cède le pas à celui des assistants de recherche, des préparateurs et des agents techniques [9]. Ainsi, au sein même des empires, des espaces locaux de la recherche, encore très liés aux espaces scientifiques métropolitains, sont en voie d’institutionnalisation et de progressive autonomisation. C’est à l’aune de ce premier contexte qu’il faut interpréter la nouvelle période de recours aux acteurs africains qui s’ouvre dans cette même période.

6La professionnalisation de la recherche et son africanisation progressive se déroulent par ailleurs dans une période marquée par d’importants changements politiques. Après 1945, les élites lettrées ouest-africaines sont progressivement appelées à partager les responsabilités politiques et administratives dans l’Empire tout en débattant d’une possible indépendance. L’administration cherche pour sa part à régénérer la gouvernance coloniale en puisant dans les théories du développement et de la modernisation [10]. Ces transformations caractéristiques de l’État colonial tardif [11] affectent de façon déterminante l’espace de la production des savoirs : l’intérêt de l’administration coloniale pour de nouveaux secteurs d’intervention (les villes, les travailleurs salariés, les migrants…) requiert un renouvellement des savoirs en sciences sociales ; les luttes politiques de l’après-guerre nourrissent de vifs débats sur les sociétés africaines, leurs « cultures » et leur passé comme en témoigne la fondation de la revue Présence africaine en 1947 [12]. Les dynamiques qui caractérisent l’État colonial tardif en AOF constituent ainsi l’autre facette importante de notre contexte : l’africanisation progressive de la recherche ouest-africaine se fait sur fond de débats sur l’indépendance et précède la décolonisation proprement dite.

7En quoi les transformations de l’espace scientifique à l’époque de l’État colonial tardif ont-elles dès lors affecté les conditions de participation des lettrés africains [13] à la recherche en sciences humaines et sociales ? Inversement, quelle part ces lettrés jouent-ils dans la production de nouveaux savoirs ou de nouvelles approches (objets différents, méthodes originales) ? S’inscrivent-ils en rupture ou en continuité des pratiques scientifiques dominantes à leur époque ? La présente contribution se propose d’apporter quelques éclairages à ces questions en se penchant sur le personnel africain qui travaille à l’IFAN ou qui évolue dans sa mouvance [14]. L’IFAN est en effet une institution aussi originale que centrale dans les réseaux de recherche liés à l’Empire : originale par son statut d’institut scientifique dépendant, pour ses moyens humains et financiers, du pouvoir colonial, en l’occurrence du gouvernement général de l’AOF [15]. L’IFAN occupe également une place centrale dans la recherche en AOF : au delà du travail accompli par ses propres chercheurs, l’institut joue également un important rôle d’accueil des chercheurs qui font leur terrain en AOF mais qui dépendent d’autres institutions métropolitaines ou étrangères [16].

8Après un bref retour sur l’état des savoirs, nous revenons sur la part jouée par les lettrés africains dans les périodes précédentes puis nous évaluons la part des auteurs africains dans les publications de l’IFAN entre 1930 et 1960. Dans une seconde partie, nous montrons comment l’après-guerre est marqué par une double logique : celle qui marginalise d’un côté l’ancienne génération des instituteurs-ethnographes, celle qui prépare d’un autre côté l’émergence progressive d’une nouvelle génération de professionnels africains de la recherche. Au delà des publications et des statuts, la dernière partie interroge les activités des acteurs africains dans le quotidien des centres IFAN. Elle permet d’une part de souligner la porosité des activités d’assistance technique et de recherche et de revenir, d’autre part, sur l’idée d’une « écriture africaine » dans la recherche en sciences humaines et sociales.

Bref retour sur l’état des savoirs

9Cette contribution se situe à la croisée de deux séries de travaux historiques dont il nous faut dire quelques mots en guise de préliminaire. Elle s’inspire d’un côté des travaux qui ont analysé les liens équivoques entre science et empire. Ce champ de la recherche s’est considérablement développé ces dernières années. Nous nous inspirons plus particulièrement ici des études qui s’intéressent aux institutions et réseaux de production des savoirs en situation coloniale, des travaux qui allient à la fois l’étude des dynamiques dans l’espace scientifique métropolitain et dans les espaces colonisés [17]. Cette historiographie est féconde mais elle s’est essentiellement concentrée sur les débuts et le cœur du moment colonial en Afrique sub-saharienne (soit pour l’essentiel une période couvrant la seconde moitié du xixe et la première moitié du xxe siècle) [18]. En comparaison, la production des savoirs scientifiques dans l’État colonial tardif a suscité beaucoup moins de travaux [19]. Certains historiens estiment pourtant qu’il correspond à un moment de renouvellements importants non seulement des dispositifs de pouvoir mais également de la production des savoirs. Ainsi pour Frederick Cooper, les administrations coloniales sont convaincues à partir des années 1940 que les sociétés africaines dont elles ont la charge sont entrées dans un cycle de mutations profondes. Persuadé de pouvoir canaliser ce vaste mouvement de « modernisation », le pouvoir sollicite enquêtes et expertises sur la problématique du changement social désormais placée au cœur de la gouvernance coloniale. Des chercheurs liés aux instituts de recherche coloniaux comme le Rhodes-Livingstone Institute en Rhodésie (Max Gluckman ou Clyde Mitchell) ou l’IFAN à Dakar (Georges Balandier ou Paul Mercier) se lancent alors dans des enquêtes en milieu urbain, étudient l’impact des migrations, les transformations de la parenté ou encore les dynamiques du monde du travail. Tout en répondant à une certaine demande des autorités, ils produisent leurs propres grilles d’analyse du changement social, se montrant parfois très critiques des réflexions sur la modernisation et le développement [20].

10Notre contribution rejoint ici une deuxième série de travaux qui s’intéressent à la part africaine dans la production des savoirs coloniaux. Comme l’a montré Lyn Schumaker, ces travaux oscillent entre deux pôles : d’une part, ceux qui insistent sur la subordination et le rejet dans l’ombre des informateurs africains. Il s’agirait alors de restituer le rôle de ceux que l’écriture savante a rendu invisibles. D’autre part, se trouvent ceux qui reconnaissent aux auteurs africains la stature de véritables « anthropologues indigènes » [21]. À l’instar de Schumaker, nous avons choisi de ne pas figer a priori le rôle des lettrés mais plutôt d’interroger les positions qu’ils occupent dans l’espace de la recherche et de la production des savoirs. En abordant ce groupe à travers l’histoire sociale nous sommes ensuite en mesure de revenir sur la question de l’africanisation de la recherche dans l’État colonial tardif.

Du Comité d’Études Historiques et Scientifiques de l’AOF à l’IFAN : mutations et continuité du recours aux « lettrés africains »

11Les Africains ont joué un rôle précoce mais longtemps circonscrit dans les dispositifs de production des savoirs coloniaux. D’une certaine manière, le recours aux « informateurs indigènes » est aussi ancien que la pratique du terrain ethnographique. Avec la création du Comité d’Études Historiques et Scientifiques de l’AOF [22] en 1915 puis celle de l’IFAN en 1938, on entre cependant dans une nouvelle phase du recours aux informateurs africains.

Le rôle précoce joué par les lettrés africains dans la production des savoirs coloniaux

12En AOF, l’entre-deux-guerres constitue un moment particulier dans l’émergence d’une littérature africaine à vocation scientifique. La période est à la fois marquée par la mise en place d’institutions locales de recherche et par le recours à de nouveaux acteurs, les « informateurs lettrés ». En 1915, le gouvernement général de l’AOF crée le Comité qu’anime un groupe d’administrateurs-ethnographes, d’enseignants détachés dans les colonies et de savants métropolitains. Ces chercheurs, amateurs ou professionnels, publient leurs travaux et lancent leurs enquêtes dans des revues comme le Bulletin du Comité d’Études Historiques et Scientifiques de l’AOF[23] ou le Bulletin de l’Enseignement de l’AOF. L’administration coloniale favorise ce réseau animé par des hommes qui lui sont liés et qui participent à la production d’un « savoir utile » ou supposé tel.

13Ce réseau relativement restreint cherche à s’étendre en utilisant le potentiel offert par les fonctionnaires de l’administration coloniale. Celle-ci est divisée entre une minorité de fonctionnaires européens détachés de la métropole et une majorité d’auxiliaires africains [24]. Une division du travail scientifique se met en place : d’un côté, les administrateurs-ethnographes et les chercheurs européens conçoivent et organisent les enquêtes, centralisent et analysent les données, publient les travaux ; de l’autre, un réseau d’informateurs lettrés composés de fonctionnaires européens et africains sont chargés de fournir la « matière première » : la documentation, les fiches, les petites monographies standardisées. Ce système rencontre un réel succès chez certains auxiliaires africains. C’est le cas des instituteurs diplômés de l’École normale William Ponty[25] qui y trouvent un moyen d’affirmer leur position singulière dans la société coloniale. Certains de ces enseignants ne se contentent pas de répondre aux questionnaires. Ils se mettent eux-mêmes à écrire et publier des monographies réalisées sur le modèle de leurs mentors. L’accès à la publication reste cependant encore circonscrit et dépend des relations personnelles établies entre lettrés africains d’une part et administrateurs-ethnographes ou savants d’autre part [26]. On assiste d’ailleurs dans ces années à un passage de témoin entre d’une part la génération des informateurs-interprètes comme Moussa Travélé et Abdoulaye Kane dont la carrière a commencé pendant la conquête coloniale et, d’autre part, la nouvelle génération des instituteurs-ethnographes (Mamby Sidibé, Dominique Traoré, Amadou Mapaté Diagne…) dont les années 1930 marquent probablement l’âge d’or [27]. En reconnaissance de leur rôle, quelques précurseurs obtiennent à partir de la fin des années 1920 le titre convoité de correspondant du Comité d’Études Historiques et Scientifiques de l’AOF. Cette visibilité nouvelle ne doit cependant pas masquer la position marginale occupée par ces lettrés dans les réseaux de l’africanisme français. Fonctionnaires « indigènes », ils souffrent d’une forte inégalité d’accès aux ressources du monde scientifique (non-financement des enquêtes, rares détachements pour recherche, thèmes des enquêtes souvent imposés par l’administration ou par le Comité, responsabilités éditoriales quasi-nulles…) [28].

14Dans les années 1930, le recours à ces lettrés se renforce cependant. Ainsi, le Bulletin du Comité et le Bulletin de l’Enseignement de l’AOF publient des articles plus longs et plus nombreux envoyés par ces auteurs africains. Par ailleurs, l’administration coloniale favorise l’envoi d’un petit groupe d’instituteurs dahoméens au Musée de l’homme pour y bénéficier d’une formation avancée en Ethnologie. Un prix récompensant la « recherche indigène » est également créé en 1932 par le gouverneur général Brevié. En 1936 et 1937, deux livres d’ethnographie et d’histoire sont publiés à Paris par ces ethnographes ouest-africains, en l’occurrence les Dahoméens Maximilien Quénum [29] et Paul Hazoumé [30]. Au même moment, le Kenyan Jomo Kenyatta achève ses études en Angleterre et publie en 1938 Facing Mount Kenya, un ouvrage issu de la thèse d’anthropologie sociale qu’il a défendue à la London School of Economics[31]. À bien des égards à la fin des années 1930, les dynamiques semblent les mêmes en Afrique anglophone et francophone : des lettrés africains engagés dans les sciences sociales sont entrés dans un même processus de reconnaissance de leur statut d’auteur scientifique.

15Du côté de l’administration française, l’impulsion n’est pas que scientifique : les années 1930 sont marquées par une série d’inquiétudes concernant la question des « évolués » et de leur place dans la société africaine. La production ethnographique centrée sur les espaces ruraux ou les travaux historiques qui revalorisent les cultures locales participent aussi d’une politique plus large visant à encourager les lettrés à « redécouvrir » leur supposée culture d’origine. Du côté des lettrés, les raisons qui motivent les enquêtes et l’écriture sont plus composites. Dans un article pionnier, François Manchuelle a voulu voir dans certains de ces auteurs les précurseurs d’un proto-nationalisme ouest-africain. Il n’a sans doute pas tort pour certains d’entre eux, mais cette grille de lecture ne permet pas de rendre compte de l’éclatement des pratiques d’écriture. Pour certains, l’écriture ethnographique ou historique n’est qu’une activité ponctuelle. Elle peut par exemple être mise au service d’un projet de réinvention de la « tradition » locale. D’autres ont une pratique plus routinière de la recherche et de l’écriture et cherchent à « faire carrière ». Pour les instituteurs, elle peut ainsi constituer un moyen de s’évader d’un quotidien peu stimulant et constituer une pratique de distinction [32].

16Quoi qu’il en soit, à la fin des années 1930, cette part africaine de la recherche coloniale est à la fois visible et reconnue. Elle a ses lieux privilégiés (en particulier la revue Éducation Africaine[33]), ses figures installées (Moussa Travélé, Amadou Mapaté Diagne, Mamby Sidibé, etc.) et ses parrains reconnus (Georges Hardy, Charles Béart, Albert Charton [34]). En quoi la création de l’IFAN vient-elle prolonger ou non cette division du travail de recherche ?

La part des auteurs africains dans la production de savoirs entre 1940 et 1960

17Avec la création de l’IFAN et de ses centres régionaux, le vieux réseau du Comité connaît une transformation radicale. Celle-ci est marquée par l’arrivée d’une nouvelle génération de chercheurs européens plus jeunes et dotés de titres universitaires [35]. Les administrateurs-ethnographes n’ont pas disparu de ce nouveau dispositif [36] mais ils ne sont plus nécessairement aux commandes. Reflet de l’influence grandissante des milieux universitaires, les recherches sont désormais organisées autour de sections disciplinaires (archéologie, ethnographie, géographie, bientôt anthropologie, histoire, etc.). Une sociologie précise de l’IFAN reste cependant à faire pour mieux connaître les rouages et les acteurs de la scène scientifique dans l’État colonial tardif.

18Pour les fondateurs de l’IFAN, le recours aux lettrés indigène s’inscrit initialement en droite ligne des pratiques de l’entre-deux-guerres : on les considère avant tout comme des producteurs d’informations. Dans son discours d’inauguration de l’IFAN, Albert Charton, inspecteur général de l’enseignement et vice-président du Comité, félicite ainsi ceux qui ont « encouragé d’une manière précieuse les études que nous avons demandées à nos collaborateurs indigènes et qui commencent à nous constituer une documentation de premier ordre » [37]. Quelques années plus tard, dans ses conseils aux chercheurs, un petit manuel largement diffusé par l’IFAN, Théodore Monod exhorte les correspondants de l’IFAN à fournir des faits en se gardant de toute interprétation : « Efforcez-vous de voir, décrire, de constater : en toute objectivité, en toute simplicité, en toute humilité aussi. Sans « explication » et surtout sans jugements » [38]. Ce conseil vaut cependant autant pour les collaborateurs européens que pour les lettrés africains. La division entre chercheurs européens et lettrés africains participe d’une distinction plus large entre professionnels et amateurs alors en voie de réorganisation.

19Quelle part les lettrés ouest-africains vont-ils dès lors jouer dans la production scientifique de l’IFAN ? Une première manière d’aborder la question consiste à interroger la part relative de ces auteurs dans les publications de l’IFAN. Ces publications se sont étoffées par rapport à l’époque du Comité. À l’unique Bulletin du Comité, l’IFAN substitue un ensemble plus large de publications : deux revues publiées par le centre fédéral (le Bulletin de l’IFAN et la revue Notes Africaines), des revues publiées de manière plus ou moins régulières par les centres régionaux (Études Sénégalaises, Études Guinéennes…) et enfin des collections sans périodicité comme les Mémoires de l’IFAN, la série Initiations Africaines ou encore les Catalogues de l’IFAN. Il existe entre ces publications une hiérarchie indéniable : au sommet trônent les Mémoires et le Bulletin de l’IFAN, en dessous les Notes Africaines et les Études publiées par les centres régionaux sont moins prestigieuses. Dans cet espace éditorial recomposé, les auteurs africains ne disposent pas d’un accès égal à l’ensemble des revues.

20La part des articles publiés par des auteurs africains dans le Bulletin de l’IFAN, héritier direct du Bulletin du Comité, est non seulement faible mais elle tend également à diminuer. Dans les années 1930, on trouve 16 articles signés ou cosignés par des auteurs africains sur un corpus de 155 articles (soit environ 10 %) parus dans le Bulletin du Comité (1930-1938) et le Bulletin de l’IFAN (1939). Dans les années 1940, le rapport est de 8 références pour un corpus de 107 articles (soit à peine 7 %) et dans les années 1950 de 10 références pour 365 articles (soit moins de 3 %). Loin de se renforcer, la part des auteurs africains dans la principale revue scientifique publiée en AOF diminue donc dans les années 1940 et 1950. Par ailleurs, sur les 58 volumes publiés au titre des mémoires de l’IFAN entre 1939 et 1960, un seul est signé par des auteurs ouest-africains, en l’occurrence les Dahoméens Cyrille Aguéssy et Adolphe Akindélé qui publient en 1953 leur Contribution à l’étude de l’ancien royaume de Porto Novo. Enfin, aucun auteur africain n’a participé à l’un des 16 volumes publiés dans la collection Initiations Africaines.

21Ce déclin relatif dans les publications les plus prestigieuses est en partie compensé par l’ouverture des autres revues aux auteurs locaux. Sur les 723 références relevées dans les Notes africaines entre 1948 et 1959, 103 sont signés ou cosignés par des auteurs africains [39]. Les auteurs africains représentent donc près de 15 % des contributions dans cette revue. Cependant, la très grande majorité de ces publications sont en fait très courtes (généralement une page et parfois seulement une dizaine de lignes [40]). Dans l’esprit de Théodore Monod qui a fondé cette revue, il s’agit plus de publier des notes documentaires, des fiches ou de petits débats érudits. Les véritables publications scientifiques sont réservées au Bulletin et aux Mémoires[41].

22Les Études publiées par les centres locaux se situent entre Notes africaines et le Bulletin de l’IFAN. Le format des articles se rapproche du Bulletin mais, par leur diffusion restreinte (et essentiellement locale) et leur parution souvent irrégulière, les Études occupent une place moins prestigieuse. D’un centre à l’autre, le rôle des auteurs africains dans l’animation des Études varie énormément. Ainsi entre 1949 et 1958, les Études sénégalaises ne publient aucun article mais seulement les résultats des enquêtes réalisées par les chercheurs et assistants métropolitains en poste au centre IFAN (Georges Balandier, Paul Mercier, Yves Mersadier…). Il en va de même pour les numéros d’Études Éburnéennes (IFAN Côte d’Ivoire) que nous avons consultés. À l’inverse, les Études Dahoméennes et les Études Guinéennes publient plus volontiers des contributions réalisées par des « collaborateurs africains », le plus souvent les aides techniques affectés au centre. Ces centres régionaux souffrent en effet d’un manque chronique de personnel de recherche et cela crée des opportunités pour les travaux des aides techniques ou des amateurs locaux. Certains directeurs de centre ont probablement encouragé cette production. Dans le rapport annuel IFAN de 1955, le centre du Dahomey, alors dirigé par Jacques Lombard, annonce ainsi fièrement que « le numéro xiii a été consacré à des auteurs exclusivement dahoméens » [42].

23Ce premier bilan de nature quantitative est donc pour le moins mitigé. En nombre absolu, le nombre de références et même d’auteurs africains augmente sans jamais occuper une part prépondérante. Mais cette augmentation est essentiellement liée aux Notes africaines. Contre toute attente, la part occupée par des auteurs africains dans les revues plus « nobles » de l’IFAN baisse après les années 1930. Pour les auteurs qui avaient été particulièrement actifs à l’époque du comité, la rupture est encore plus nette. On assiste dans l’après-guerre à la marginalisation progressive de la génération des instituteurs-ethnographes.

D’une génération à l’autre : le temps des professionnels

24Au delà de la part occupée par les auteurs africains dans les publications locales, la création de l’IFAN est également le moment d’un passage de témoin entre deux générations de lettrés africains. L’inauguration de l’IFAN en 1938 puis la création d’un cadre de professionnels de la recherche en 1942 instaurent en effet de nouvelles modalités d’accès aux carrières de la recherche.

La progressive marginalisation d’une génération de précurseurs

25Dans l’entre-deux-guerres, plus d’une quarantaine d’auteurs ouest-africains publient des études à vocation ethnographique ou historique dans les revues locales ou métropolitaines. Une petite poignée, essentiellement des instituteurs, se distingue cependant en publiant de façon plus régulière et en se faisant remarquer de ceux qui tiennent les réseaux de l’africanisme français des années trente. Georges Hardy, figure importante de ce milieu, écrit ainsi en 1937 dans un style paternaliste dont il est coutumier « des Noirs de l’Afrique occidentale – Dim Delobsom, Mamby Sidibe, Mapate Diagne, Paul Hazoume… –, composent des ouvrages d’ethnographie ou d’histoire qui font autorité (…). Sans doute attend-on encore le grand savant jaune ou noir qui fera faire à la science un pas décisif, mais un tel produit ne s’obtient pas sans préparation, et la préparation date d’hier. À considérer l’espace franchi en un temps si court, on ne voit pas ce qu’un événement de ce genre aurait de miraculeux » [43].

26Pourtant, à partir des années 1940 et dans les décennies qui suivent, ces pionniers de l’ethnographie africaine disparaissent progressivement de la recherche en Afrique de l’Ouest. Il s’agit parfois d’un choix lié aux trajectoires professionnelles ou à un engagement militant. Ainsi, Amadou Mapaté Diagne, précédemment cité par Georges Hardy et auteur d’articles sur la Casamance, est le premier sénégalais nommé inspecteur de l’Enseignement en 1942. Il consacre l’essentiel de son temps à son métier jusqu’à sa retraite en 1948 et ne publie plus après 1945 [44]. Fily Dabo Sissoko, instituteur sorti de Ponty en 1914, a été lui aussi un auteur assez prolifique dans l’entre-deux-guerres. Son engagement politique (il est élu député en 1946) l’éloigne lui aussi des réseaux de recherche [45]. Il continue certes de publier mais il s’agit désormais de romans ou de textes militants.

27Pour d’autres auteurs, il s’agit cependant moins d’un choix que d’une marginalisation subie. Celle-ci reflète en partie l’éclipse connue par les « parrains métropolitains » qui passent progressivement le relais à la génération nouvelle d’africanistes français [46]. Certains instituteurs-ethnographes de la première génération cherchent néanmoins à intégrer les nouvelles structures de la recherche. Mamby Sidibé et Dominique Traoré, importants contributeurs de l’Éducation africaine, du Bulletin du Comité ou de la revue Outre-Mer dans les années 1930, obtiennent ainsi un détachement à l’IFAN en 1944 [47]. Ils bénéficient tous les deux d’un stage de formation de six mois à Dakar puis sont affectés dans les centres régionaux [48]. Du fait du manque de personnel européen d’encadrement, Sidibé est même chargé de l’ouverture et de la direction du centre IFAN de Niamey entre 1944 et 1948.

28Ces nominations ne doivent pourtant pas faire illusion. Ces deux auteurs peinent à retrouver la place qu’ils occupaient dans la décennie précédente. Après 1940, Mamby Sidibé ne publie aucune article dans le Bulletin de l’IFAN – il en avait publié quatre dans le Bulletin du Comité dans les années 1930 – ni dans les Études Soudanaises ou les Études Nigériennes. LÉducation Africaine, revue dans laquelle il avait également publié plusieurs études dès 1918, se transforme après 1945 : plus axée sur les questions pédagogiques, elle ne laisse qu’un espace marginal aux enquêtes ethnographiques ou historiques du personnel enseignant. Sidibé apporte par contre plusieurs contributions aux Notes Africaines. Il s’agit cependant de notices très courtes qui n’ont pas la même stature que ses publications précédentes. Le seul texte qui va retenir l’attention est une étude sur Soundjata Keïta [49] publiée dans Notes Africaines en 1959 mais initialement écrite… en 1937. Cet exemple témoigne d’ailleurs du temps qu’il faut parfois à ces auteurs pour voir leurs travaux publiés. Par ailleurs, si le rôle de Sidibé à la direction du centre IFAN de Niamey est apprécié par Monod, il est pourtant considéré comme un simple pis-aller. Aux yeux de Monod, Sidibé pallie temporairement l’absence de chercheurs métropolitains à Niamey et il considère que le centre IFAN de Niamey n’est pas encore réellement en fonction [50]. Lorsque le premier chercheur européen (d’Auriac) vient relever Sidibé, il note ainsi dans son rapport annuel : « s’il ne commence pas absolument tout à zéro, [d’Auriac] n’ignore pas qu’il aura tout de même presque tout à faire » [51]. Mamby Sidibé a passé cinq années à animer le centre IFAN mais son bilan reste quasi nul dans l’opinion du directeur de l’IFAN. À l’arrivée d’Auriac, Sidibé est d’ailleurs réintégré dans les cadres de l’enseignement au Soudan français. S’il continue d’envoyer de petites notices pour les Notes Africaines, il ne joue plus de rôle majeur à l’IFAN. Comme beaucoup de ses collègues diplômés de Ponty, Sidibé entre en politique : en 1952, il est élu conseiller de l’Assemblée territoriale.

29La situation de l’autre enseignant détaché à l’IFAN, Dominique Traoré [52], a été plus délicate à gérer. À l’issue de son stage à Dakar, Traoré a été mis à la disposition du tout jeune centre IFAN de Bamako. Comme Mamby Sidibé, il publie des articles très courts dans Notes Africaines[53]. Comme lui, il ne parvient plus à publier dans les autres tribunes de l’IFAN. Il s’intègre mal à l’équipe en place à l’IFAN de Bamako. Il se plaint de devoir financer ses terrains de recherche sur ses propres deniers et réclame, en vain, d’être nommé en brousse pour poursuivre des travaux [54]. En 1949, il sollicite auprès du chef de centre IFAN un soutien pour dactylographier le manuscrit de 300 pages qu’il vient d’achever sur la pharmacopée indigène. Le directeur lui refuse ces moyens et cherche à l’écarter. Malgré une lettre de soutien du gouverneur Geay qui souligne « l’intérêt scientifique de ses travaux » [55], il est finalement admis à la retraire en 1950. Il proteste contre cette décision et demande à ce que l’on fasse « examiner ses travaux par une commission de l’IFAN qui devra comprendre un médecin, un botaniste et un ethnologue » [56]. Son ouvrage n’a finalement jamais été publié par l’IFAN, mais par l’Éditeur Présence Africaine en 1965 sous le titre Médecine et magie africaines. Théodore Monod avait un avis plutôt favorable sur le personnage mais Paul Thomassey, en charge du centre IFAN de Bamako en 1949 ne donnait pas beaucoup de crédit à ses recherches. Comme on le verra plus loin, ce même directeur a eu également des relations difficiles avec un autre « Soudanais » de l’IFAN, en l’occurrence Amadou Hampaté Bâ.

30Comment expliquer l’éclipse que connaît la génération des instituteurs-ethnographes qui paraissait si dynamique et si prometteuse dans l’entre-deux-guerres ? Ces instituteurs-ethnographes appartiennent à une génération vieillissante (Traoré est né vers 1891, Sidibé vers 1893) et donc proche de la retraite. Ils sont surtout associés à un autre moment de l’africanisme français et n’ont pas les cartes pour réussir dans un espace de la recherche qui se transforme rapidement. Ils n’ont ainsi pas les diplômes universitaires que décrochent en métropole même certains jeunes chercheurs ouest-africains (Ousmane Diallo, Abdoulaye Ly, Assane Seck…). Ils sont progressivement éclipsés par de jeunes auteurs ouest-africains qui ont circulé dans la métropole, sont mieux intégrés à l’IFAN et mieux reliés à la nouvelle génération de chercheurs métropolitains qui dirigent l’institut (Théodore Monod, Georges Balandier, Jacques Lombard…) [57]. Qui sont ces nouveaux auteurs africains et quel statut ont-ils dans la recherche scientifique en Afrique de l’Ouest ?

Des professionnels de la recherche

31On a vu précédemment que, dans l’esprit de ses fondateurs, le recours aux lettrés s’inscrit en continuité des pratiques de l’entre-deux-guerres. Pourtant, la création de l’IFAN transforme de façon significative l’engagement des lettrés africains dans la recherche. Avant 1942, le personnel de l’IFAN était originaire d’autres services administratifs (enseignement, services financiers, etc.) dont il était détaché. À partir de 1942, le gouvernement général crée un corps de professionnels de la recherche mis au service de l’IFAN. Cette création doit se lire à l’aune d’un État colonial qui étoffe progressivement son bras administratif. L’essentiel est ailleurs pour nous : il est désormais possible pour des métropolitains mais aussi pour des Africains de « faire carrière » dans la recherche en AOF [58].

32À l’origine, le cadre de l’IFAN comporte trois catégories différentes de personnel : les assistants, les aides-techniciens et les préparateurs. Les premiers sont en charge d’animer la recherche et les publications à l’IFAN [59]. Ils sont recrutés sur titres parmi les licenciés ès lettres ou ès science, les diplômés de certaines écoles (École Nationale des Langues Orientales, Institut des Hautes Études Marocaines, École des Hautes Études…) ou encore parmi des catégories particulières comme les archivistes paléographes ou les docteurs en médecine [60]. À la différence des assistants, les deux autres catégories d’employés IFAN sont qualifiées de personnel technique. Ils ont pour mission principale « de seconder les assistants et d’assurer sous leur direction le fonctionnement des services plus spécialement techniques de l’IFAN ». Ils peuvent néanmoins être amenés à « collaborer, éventuellement, à des travaux de recherches ». Les préparateurs sont recrutés « parmi les candidats diplômés de l’École normale William Ponty ou, à défaut, parmi les candidats comptant trois années de pratique dans la spécialité pour laquelle ils sont demandés et ayant subi avec succès les épreuves d’un concours dont les modalités sont fixés par un arrêté du gouverneur général de l’AOF ». Les modalités de recrutement des aides-techniques sont par contre beaucoup plus floues. Ils sont choisis parmi « les candidats présentant des aptitudes à cet emploi sur la proposition d’une commission chargée de l’examen des titres et références des intéressés » [61]. Rien n’est dit des aptitudes, ni des titres et références attendus. Ce flou s’explique par l’existence d’une barrière plus subtile entre Européens et Africains à l’intérieur de l’IFAN.

33À la distinction entre personnel technique et personnel scientifique s’ajoute en effet une autre division entre personnel des cadres communs supérieurs de l’AOF (unissant cette fois dans un même ensemble les assistants et les aides-techniques) et ceux qui appartiennent aux cadres communs secondaires (isolant ici les préparateurs dans une position doublement subalterne). On a montré ailleurs que cette distinction recouvre un principe organisationnel fondamental de l’administration coloniale française en AOF [62]. Il permet de séparer et de hiérarchiser employés africains et fonctionnaires européens sans référence explicite aux notions de « race », « indigènes » ou « européens ». On a également montré que cette distinction n’était jamais parfaitement étanche et que les fonctionnaires africains s’étaient très tôt engagés dans une « guérilla réglementaire » avec l’administration afin d’intégrer les prestigieux cadres communs supérieurs.

34La distinction entre aides-techniques et préparateurs n’est peut-être pas sans fondement dans une logique de division du travail scientifique. Dans le cas de l’IFAN, elle sert surtout à distinguer l’emploi, d’un côté, de métropolitains peu qualifiés mais citoyens français et, de l’autre, d’une élite lettrée détentrice des meilleurs diplômes accessibles en AOF mais qui, sauf rares exceptions, n’a pas accès à la citoyenneté. Autrement dit, le personnel de l’IFAN est travaillé par deux logiques de distinction qui coexistent sans se superposer exactement : une distinction fonctionnelle entre techniciens et chercheurs propre à l’espace scientifique et une distinction de type « raciale » qui obéit à la logique coloniale. Cette dernière tend cependant à s’estomper après 1945 et l’africanisation progressive de la haute fonction coloniale à la veille des indépendances.

35En avril 1946, le vote de la loi Lamine Guèye, qui supprime l’indigénat et étend la citoyenneté française aux natifs de l’AOF, amène une réorganisation des cadres de l’administration coloniale. La distinction entre cadre supérieur et cadre secondaire disparaît progressivement au profit de cadres uniques. L’IFAN est touché par ces réformes. Le principe des trois catégories d’employés est maintenu mais est modifié en 1948 : on distingue alors assistants, agents techniques et aides-techniques (ex-préparateurs). Comme on va le voir, la catégorie intermédiaire des agents techniques, dont l’accès est désormais régi par un concours local, s’ouvre largement aux lettrés et mélange dorénavant Européens et Africains. L’africanisation du personnel concerne cependant essentiellement le cadre technique. La catégorie des assistants, dont l’accès est régi par l’obtention de diplômes métropolitains, s’ouvre beaucoup plus timidement. Bien que le nombre des étudiants africains en métropole augmente sensiblement après 1945 [63], peu d’entre eux se montrent intéressés par une carrière à l’IFAN. On manque d’études précises sur le devenir des étudiants après leur passage en France mais l’africanisation de la fonction publique dans l’État colonial tardif ouvre des perspectives de carrière apparemment plus prestigieuses que celles offertes par l’IFAN [64].

36Il est intéressant de se pencher ici sur les listes du personnel IFAN des années 1950. Ces listes nous éclairent sur la place occupée par les africains dans les cadres de la recherche en Afrique occidentale. Parmi les assistants qui constituent le « haut du panier », on ne compte que des métropolitains jusqu’à la nomination d’Abdoulaye Ly comme chef de la section Histoire en 1954. L’IFAN compte à ce moment 31 assistants – y compris ceux détachés d’autres services et assimilés. En 1956, deux autres assistants africains, Abdoulaye Bara Diop et Ousmane Diallo, tous les deux passés par la métropole, sont recrutés pour rejoindre la section sociologie. Jusqu’aux indépendances, ce sont les seuls assistants africains de l’IFAN.

37Les lettrés africains sont par contre plus nombreux dans le cadre des agents techniques. On en compte 9 parmi les 16 en service en 1954. Six d’entre eux sont diplômés de la section administration de l’École Normale William-Ponty, un est issu du petit séminaire de Pabré en Haute-Volta [65]. Il faudrait ajouter à ces deux premiers groupes celui des aide-techniques dont nous ne possédons malheureusement aucune liste exhaustive. On en connaît cependant au moins quatre, tous ouest-africains : Bodiel Thiam, Damien d’Almeida, Guillaume Da Silva et Amadou Hampaté Ba. Tous publient dans les Notes Africaines, certains comme Amadou Hampaté Ba sont officiellement chargés de mission de recherche par l’IFAN.

38Ces différentes catégories de personnel ne sont pas hermétiquement séparées les unes des autres. Plusieurs aides techniques ont ainsi obtenu leur intégration au cadre des agents techniques. C’est notamment le cas d’Alexandre Adandé. Diplômé de la section administration de Ponty en 1935, Adandé est commis administratif quand il est mis à la disposition de Monod dont il devient le premier collaborateur en 1938. En 1942, il est versé dans le cadre des préparateurs qui vient d’être créé par arrêté puis dans celui des aides-techniques (ex-préparateurs) en 1948. Il passe en 1950 avec succès le concours d’agent technique dans lequel il demeure jusqu’à son départ de l’IFAN de 1958. Malgré ses nombreuses publications et activités en tant que chef de la section d’ethnologie de l’IFAN, il n’intègre pas le cadre des assistants de recherche. L’accès à ce dernier est en effet rendu difficile du fait de l’obligation de posséder un diplôme métropolitain. Certains agents décident de se rendre en France pour y obtenir les diplômes requis. Né en Guinée en 1922, Ousmane Diallo est diplômé de la section enseignement de Ponty mais refuse d’être versé de force dans le cadre de l’enseignement à sa sortie de l’École normale en 1943 [66]. Ayant réalisé dans le cadre de ses études un travail sur les peuls, il réussit à convaincre Théodore Monod de l’employer à l’IFAN. Son diplôme de Ponty lui permet d’intégrer le cadre des préparateurs puis celui des aides-techniques en 1948. Il rédige quelques contributions parues dans les Notes africaines. En 1949, il quitte soudainement son emploi et part étudier en France dans des conditions encore mal connues. Il passe le diplôme de l’École des Langues orientales puis la licence ès lettres. En 1956, il est de retour à l’IFAN où il obtient d’être recruté au titre d’assistant en faisant valoir ses nouveaux diplômes. Il semble que la direction de l’IFAN a peu apprécié le départ soudain de Diallo en 1949 et s’est ensuite montré réticente à le réintégrer au titre d’assistant. Selon Ray Autra, son ancien collègue à l’IFAN : « il était nommé assistant de l’IFAN en 1956, au prix de mille difficultés, les autorités colonialistes ne lui pardonnant pas sa fugue vers Paris, vers plus de culture » [67]. Au final, le cas d’Ousmane Diallo témoigne des tactiques employées par les jeunes lettrés ouest-africains pour se voir reconnaître un statut de chercheur à part entière. Ce parcours reste pourtant exceptionnel.

39La professionnalisation constitue une étape importante dans la reconnaissance du travail des chercheurs africains. Les institutions de recherche restent cependant marquées par des logiques de distinction qui cantonnent la majorité des collaborateurs africains de l’IFAN dans les catégories subordonnées et techniques. Cette position permet d’expliquer rétrospectivement la part marginale que les auteurs africains jouent dans les revues « nobles » de l’IFAN. Les frontières établies entre chercheurs européens et auteurs africains ne sont pourtant plus aussi étanches qu’auparavant. Des passerelles sont ouvertes vers le statut d’assistant de recherche. De plus, le quotidien des centres de recherche suggère une certaine porosité entre activités techniques et activités de recherche.

Une « recherche africaine » ?

40Si l’appartenance aux différentes catégories de personnel de l’IFAN détermine des niveaux de revenus et des perspectives de carrière différents, elle ne dit pas forcément grand-chose des responsabilités effectives et des activités de recherche et de publication. Dans certains centres, le manque de personnel d’encadrement et de recherche conduit les agents techniques africains à assumer de véritables charges de chercheur.

La porosité des activités techniques et scientifiques

41Le personnel de l’IFAN est perpétuellement en sous-effectif. Cela contraint de nombreux assistants à se concentrer sur les activités administratives plus que celles de recherches [68]. À l’inverse, le manque de personnel scientifique offre des opportunités de recherche pour les agents et aides techniques. Certains d’entre eux sont officiellement encouragés à mener des recherches à côté de leurs activités régulières (généralement gestion des archives, de la documentation, de la bibliothèque et de l’éventuel musée). Alexandre Adandé est ainsi chef de la section ethnologie à l’échelle fédérale, il publie régulièrement dans Notes Africaines et intervient à Radio-Dakar dans le cadre de « causeries africaines » où les chercheurs de l’IFAN viennent partager le fruit de leurs recherches avec un public plus large. Il n’est pas le seul agent technique dans ce cas : à plusieurs reprises, Tidjani Serpos occupe les fonctions de directeur par intérim du centre IFAN du Dahomey pendant les congés administratifs du titulaire (Paul Mercier puis Jacques Lombard) [69]. Il apparaît également dans plusieurs listes annuelles des membres de l’IFAN officiellement chargés d’une mission de recherche [70].

42Instituteur détaché à l’IFAN, Boubou Hama a lui aussi mis à profit le vide créé par l’absence d’assistants en poste à Niamey. D’Auriac, l’assistant qui avait remplacé en 1949 Mamby Sidibé à la direction du centre IFAN du Niger, n’est pas resté longtemps en poste [71]. Faute de personnel, Monod s’est résolu à accepter la nomination temporaire de Hama comme directeur intérimaire. Hama était déjà intervenu en 1950 alors qu’il était vice-président du conseil général du Niger pour soutenir l’allocation d’un crédit de 3 millions de francs sur le budget local pour un centre IFAN du Niger alors en grave crise budgétaire [72]. Une fois en poste, Hama déploie une activité étonnante au centre IFAN qui contraste avec la léthargie dans laquelle sont plongés d’autres centres régionaux (comme Conakry). Il envoie ainsi à Dakar « une étude pour contribuer à la connaissance de l’histoire des Zarma. Sur le sujet, trois fascicules de 181 pages (1er tome), de 92 pages (2e tome) de 56 pages (3e tome) (…) (qui) représentent sa contribution à une étude générale sur les “Zarma” » [73]. Pour Présence Africaine, il rédige quatre fascicules sous le titre « Point de vue sur l’Afrique noire » et même une « notice à l’intention des touristes ». À la demande du centre fédéral, il fournit un travail de 61 pages sur la situation du sel au Niger. Il répond également à l’administration locale qui lui demande de restaurer les monographies existantes sur les cercles du Niger [74]. En 1955, il exprime également une opinion originale sur le rôle de la recherche à l’IFAN : « nous devons, pour intéresser le plus grand nombre à notre apostolat, en passant, nous pencher sur des problèmes humains dont nous devons faire le point pour l’économiste, le juriste ou l’administrateur qui, de plus en plus nous demandent conseil. Nous pouvons contribuer à connaître l’évolution de la coutume, celle de la vie tribale de l’Afrique noire, les changements sociaux qui s’y opèrent. Ainsi, il nous sera possible de participer à la préoccupation de ceux qui dirigent la société actuelle, de les intéresser à notre action, de les aider effectivement dans leur tâche, aussi lourde que délicate, quand à l’abri des passions sociales ou politiques, nous apportons à la raison le langage impartial de nos études » [75]. Aux yeux de Hama, les chercheurs de l’IFAN sont bien des conseillers du pouvoir mais jouent un rôle dicté non par la passion politique mais par la raison et la science.

43Tous les agents africains de l’IFAN ne s’engagent cependant pas dans la recherche et rares sont ceux qui disposent de marges de manœuvre aussi importantes que Boubou Hama ou Tidjani Serpos. En fonction des situations locales et de la personnalité des directeurs, ils bénéficient d’une d’autonomie plus ou moins grande. En l’état, nos recherches ne permettent pas encore de retracer avec précisions l’état des relations personnelles entre les différentes catégories de personnel. Il existe des témoignages portant aussi bien sur les amitiés et les rencontres que sur les tensions et les animosités. Ray Autra, ancien agent technique, évoque pour sa part le « racisme » des assistants européens soucieux de bloquer les Africains dans un rôle subordonné [76]. Muriel Devey évoque pour sa part les tensions qui ont opposé Amadou Hampaté Ba et Thomassey le directeur du centre de Bamako qui avait déjà fait mettre Dominique Traoré à la retraite [77]. À l’inverse, Georges Balandier a évoqué les relations d’amitiés qui l’unissent à son adjoint Madeira Keita [78].

Nouvelles générations, nouvelles pratiques de recherche et d’écriture ?

44En quoi les auteurs africains qui appartiennent au réseau de l’IFAN participent-ils au renouvellement des savoirs scientifiques à la fin de la période coloniale ? Cet article s’est essentiellement focalisé sur l’histoire sociale des acteurs et des institutions de recherche. Nous pouvons néanmoins esquisser ici quelques pistes de réflexions sur la part africaine dans la production des savoirs scientifiques à la veille des indépendances.

45À notre sens, les travaux produits par les Ouest-Africains à l’intérieur de l’IFAN ne débouchent pas sur une inflexion notable dans la production des savoirs. Il n’y ni rupture épistémologique, ni propositions de renouvellement méthodologique [79]. Cela est en partie lié à la position subalterne de ces auteurs qui n’ont qu’un accès limité aux sites de publications. On peut se demander quelle part d’innovation laisse l’IFAN à des auteurs qui, pour publier, vont plutôt chercher à se conformer aux attentes de ceux qui tiennent les revues.

46Le témoignage d’Amadou Hampâté Bâ, rapporté par Muriel Devey, apporte un éclairage complémentaire sur l’intégration des pratiques et méthodes légitimes de recherche par les jeunes techniciens africains de l’IFAN intéressés par la recherche : « Son passage à l’IFAN est capital pour lui et marque le début de sa carrière de chercheur. Jusqu’à présent Hampâté Bâ avait recueilli la tradition orale et l’avait prise en note en fonction des circonstances et de ses déplacements. Désormais il entreprend des enquêtes plus méthodiques sur des sujets particuliers et acquiert toute une technique de travail. “Auparavant, disait-il, je recueillais tout ce qui se présentait, sans poser de questions systématiques. À partir de mon entrée à l’IFAN, j’ai appris à questionner et surtout j’ai eu accès à une documentation considérable, puisque toutes les archives de l’AOF se trouvaient à l’IFAN” » [80].

47On attend de l’auteur ouest-africain qu’il assume avant tout son rôle d’informateur lettré, de producteur de documentation. Il n’est dès lors pas étonnant qu’à l’IFAN l’innovation vienne plutôt de jeunes assistants métropolitains comme Balandier dont le statut et la formation en métropole leur permettent de mieux s’émanciper des traditions de l’africanisme français.

48Plus largement, le désir légitime de reconnaissance a sans doute joué ici dans le sens d’un certain conformisme. La thèse d’Abdoulaye Ly consacrée à « l’évolution du commerce français d’Afrique noire dans le dernier quart du xviie siècle » en fournit un bon exemple [81]. Par ses études en métropole, Abdoulaye Ly est l’un des premiers chercheurs africains à bénéficier d’une formation universitaire offrant des alternatives aux traditions de l’africanisme français. Sa thèse ne s’en coule pas moins dans le moule d’une autre tradition de recherche et d’écriture, celle d’une école historique française encore rétive à l’idée d’histoire africaine [82]. En dépit de l’originalité de son sujet, la thèse de Ly est de facture classique : elle l’est par ses méthodes et le recours aux sources écrites, elle l’est également par son objet même qui la rattache beaucoup plus à l’histoire impériale qu’à l’histoire africaine [83]. Sans doute que l’œuvre d’Abdoulaye Ly annonce la création de l’école historique de Dakar dont on connaît aujourd’hui la fécondité [84]. Il n’empêche qu’en dépit (ou du fait même) de sa rigueur méthodologique et de ses qualités intellectuelles, le travail de Ly n’est pas aussi innovant que le sont à la même époque les travaux des historiens nigérians de l’université d’Ibadan [85]. La différence tient sans doute à de multiples facteurs dont le développement plus précoce d’établissements universitaires en Afrique anglophone. Dans son analyse des historiographies africaines, Atieno-Odhiambo explique également le décalage entre Dakar et Ibadan par les exigences et les pesanteurs propres au système doctoral à la française [86]. Alors qu’à la fin des années 1930, auteurs anglophones et francophones se trouvaient engagés dans un même processus de reconnaissance de leur statut d’auteur scientifique, il se crée à partir des années 1940 un décalage qui joue au détriment des Africains francophones. Ces derniers n’accèdent pas aux mêmes responsabilités scientifiques et universitaires que leurs collègues anglophones.

49À défaut de renouvellement méthodologique, on pourrait arguer du fait que la plupart des auteurs ouest-africains se singularisent en se montrant plus sensibles par leurs travaux à la valorisation des cultures ou du passé africain [87]. Ce n’est pourtant pas vrai de tous ces auteurs. C’est également loin d’être un élément distinctif d’une « écriture africaine ». Enfin, il n’y a là rien de véritablement nouveau pour l’époque. Ces thèmes ont déjà été explorés par les pionniers que furent les instituteurs-ethnographes de l’entre-deux-guerres comme l’a montré Manchuelle [88].

50Au final, le rôle joué par les chercheurs et techniciens africains au sein de l’IFAN apparaît plus modeste que celui de leurs homologues anglophones d’Ibadan ou d’Achimota College ou même ceux du Rhodes-Livingstone Institute étudiés par Lyn Schumaker [89]. Cette différence peut s’expliquer peut-être aussi par l’attrait exercé par les carrières politiques sur ces milieux intellectuels francophones. Pour cette génération, l’engagement dans le champ scientifique se fait en même temps et en lien avec l’engagement politique. Il y a de fait une concurrence des carrières avec un effet d’aspiration très net vers le champ politique dans les années 1950. Ainsi, Joseph Ouedraogo, l’une des jeunes « pousses » du centre IFAN de Ouagadougou, quitte l’institut pour devenir président du conseil général de Haute-Volta en 1952 [90]. Il venait pourtant d’être affecté en 1950 à Ouagadougou après deux années de formation et de stage au centre fédéral de Dakar [91]. Plus tard, en 1957, Abdoulaye Ly, le premier assistant africain de l’IFAN accepte d’entrer au premier gouvernement créé au Sénégal par la loi cadre de 1956 [92]. En 1958, le directeur du centre IFAN de Lomé, le linguiste togolais G. Kuaovi Johnson, quitte lui aussi ses fonctions pour devenir chef de cabinet du ministère du Commerce et de l’Industrie dans son pays. Enfin, la même année, le « doyen » du groupe, Alexandre Adandé, premier collaborateur de Monod à l’IFAN, quitte l’institut pour accepter les fonctions de ministre de l’Agriculture du Dahomey. Les universitaires d’Ibadan sont sans doute tout aussi politisés mais un plus grand nombre poursuivent une carrière de chercheur et d’universitaire (Saburi Biobaku, K.O. Dike, J.F. Ade Ajayi…) [93]. Ils occupent dès les années 1950 des fonctions de direction, sans rapport avec celles auxquelles peuvent aspirer à la même époque leurs homologues francophones que ce soit à l’IFAN ou dans la toute jeune université de Dakar. Cela a pu jouer dans le choix de se reconvertir dans un champ politique où les possibilités d’ascension sont incontestablement plus ouvertes et plus rapides.

51Pour autant, il ne faudrait pas à l’inverse négliger les apports de cette génération charnière. D’abord les auteurs africains actifs au sein de l’IFAN trouvent ailleurs que dans les publications locales des tribunes pour exprimer leurs points de vue sur la culture, la production des savoirs ou encore le rôle des intellectuels noirs [94]. Ils trouvent ainsi dans Présence africaine une tribune pour des articles plus engagés sur le thème de la production des savoirs [95]. En 1956, deux auteurs passés par les réseaux IFAN (Amadou Hampaté Ba et Boubou Hama) participent ainsi aux débats du premier congrès international des auteurs et artistes noirs organisés par la revue Présence Africaine à Paris [96]. Il faut cependant noter que lorsque la revue sollicite des réflexions sur une écriture africaine en sciences sociales, elle publie soit de jeunes étudiants ouest-africains en cours de thèse (François Agblemagnon N’sougan, Bakary Kamian, Joseph Ki-Zerbo [97]) soit des universitaires nigérians. Ainsi, en 1959, la revue publie un petit dossier relatif à l’histoire africaine autour de contributions traduites de l’anglais et rédigées par deux chercheurs nigérians : Modilim Achefusi et Biobaku Saburi [98].

52Enfin, à la manière de Lyn Schumaker, on peut aborder le thème de « l’africanisation » de la recherche sous un autre angle. Lyn Schumaker montre combien l’école de Manchester est tout autant façonnée par le contexte universitaire anglais du milieu du xxe siècle que par les terrains est-africains dans lesquels baignent les chercheurs passés par le RLI [99]. En relatant son propre parcours de jeune chercheur à l’IFAN, Balandier évoque lui aussi l’influence déterminante qu’exercent sur ses recherches les premiers contacts avec les milieux intellectuels ouest-africains. Au Sénégal, il a vécu avec Paul Mercier chez Alioune Diop, fondateur de Présence Africaine parce que l’administration n’avait plus de logement à mettre à la disposition de l’IFAN. Balandier précise au sujet de Diop : « Il avait pu (…) me révéler une Afrique autre que celle qui m’avait été enseignée par les maîtres ès sociétés primitives. Celle du mouvement, des revendications et des créations. La relation pédagogique se renversait, j’étais venu pour observer et je me retrouvais élève » [100]. Affecté en Guinée, Balandier a eu des contacts étroits avec Madeira Keita, aide-technique à l’IFAN. Il précise à son endroit : « Madeira Keita restait mon interlocuteur le plus proche, un conseiller amical et discret. Il fut, pour une part, mon instituteur en décolonisation, m’informant, m’organisant des rencontres locales, m’introduisant dans un milieu politique où je connus progressivement la plupart des acteurs francophones des indépendances » [101]. Madeira Keita n’a d’ailleurs sans doute pas influencé que le seul Balandier. Affecté au Dahomey, il joue un rôle important auprès de Jacques Lombard qui lui délègue des tâches de direction ou l’emmène lors d’une visite officielle d’Achimota College au Ghana [102].

53Madeira Keita n’a produit que quelques brèves notices dans les Notes Africaines. Il ne s’est pas engagé dans des recherches d’envergure comme l’ont fait certains de ses collègues. Pourtant, comme l’indique Balandier, son influence sur les renouvellements de l’africanisme français après 1945 est sans doute plus forte que ne le laisse présager sa mince bibliographie. Sa trajectoire, trop brièvement évoquée parce qu’encore mal connue, nous incite à approfondir l’analyse des interactions entre chercheurs, assistants et techniciens dans l’État colonial tardif. À l’instar des travaux de Lyn Schumaker sur le Rhodes-Livingstone Institute ou de Guillaume Lachenal sur l’institut Pasteur au Cameroun [103], l’histoire des sciences sociales en Afrique gagnerait sans doute beaucoup à restituer plus finement la vie quotidienne des centres de recherches de l’« outre-mer ». Elle pourrait notamment mettre en évidence, avec plus de détails et dans ses multiples facettes, la part africaine de l’écriture en sciences sociales.

54*

55La période qui va de la création de l’IFAN aux indépendances introduit donc des changements significatifs dans l’économie locale de la production scientifique. Des lettrés ouest-africain s’engagent désormais dans les milieux de la recherche pour y faire carrière. S’ils sont initialement cantonnés aux fonctions subalternes et techniques, plusieurs profitent du manque de personnel scientifique à l’IFAN pour développer leurs propres recherches. D’autres vont chercher en métropole les diplômes qui leur manquent pour accéder, tardivement, au statut convoité d’assistant de recherche. Dans le même temps, le changement des règles de la réussite entraîne la marginalisation progressive de l’ancienne génération des instituteurs-ethnographes.

56Au final on peut s’étonner de la part relativement timide des contributions africaines dans les publications « nobles » de l’IFAN. À l’inverse de leurs homologues anglophones du Nigéria ou du Ghana, les chercheurs et techniciens africains de l’IFAN ne semblent pas avoir contribué de manière significative au renouvellement des savoirs et des méthodes scientifiques dans l’État colonial tardif. Pour autant, il ne faut pas négliger leur rôle. Beaucoup ont su reconvertir leurs compétences dans le domaine politique en accédant à des responsabilités de premier ordre. L’importance de cette génération se joue peut-être moins dans leur production écrite que dans l’influence politique et intellectuelle qu’ils exercent sur leurs jeunes collègues européens, ceux-là mêmes qui sont alors en passe de rénover l’africanisme français.

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Notes

  • [1]
    Ly, 1955. Le titre exact de sa thèse est « L’évolution du commerce français d’Afrique noire dans le dernier quart du xviie siècle. La Compagnie du Sénégal de 1673 à 1696 ».
  • [2]
    Sur l’école historique de Dakar, cf. Thioub, 2002.
  • [3]
    Jézéquel, 1998.
  • [4]
    Pour l’histoire du RLI, cf. Schumaker, 2001.
  • [5]
    L’AOF est une fédération regroupant les huit colonies françaises de la région (Sénégal, Soudan – actuel Mali –, Haute-Volta – actuel Burkina Faso –, Guinée, Côte d’Ivoire, Dahomey – actuel Bénin –, Mauritanie et Niger). La capitale fédérale se trouve à Dakar, siège du gouvernement général de l’AOF. Chaque territoire dispose en outre de sa propre capitale et d’une administration territoriale placée sous la responsabilité d’un gouverneur. On peut ajouter à cet ensemble les anciennes colonies allemandes, le Togo et le Cameroun, qui ont le statut de protectorat français et non de colonie. L’IFAN y a ouvert un centre régional comme dans les différents territoires de l’AOF.
  • [6]
    Pour les débuts de l’ORSC, ancêtre de l’ORTSOM puis de l’IRD, cf. Bonneuil, 1991 ; Petitjean, Bonneuil, 1996.
  • [7]
    Vansina, 1994, 46.
  • [8]
    IHED dépend des universités de Bordeaux et de La Sorbonne (Capelle, 1990). Il n’y a pas encore d’« école doctorale à Dakar et les étudiants ouest-africains s’inscrivent en thèse dans les universités de métropole. Il y a dans le cas de l’Afrique francophone un décrochage entre institutions universitaires et institutions de recherche qui contraste avec la situation des territoires anglophones.
  • [9]
    Pour citer les trois catégories de personnel au sein de l’IFAN. Cf. plus loin.
  • [10]
    Cooper, 2004.
  • [11]
    Pour la notion d’État colonial tardif, cf. Cooper, 1996 ; Darwin, 1999 ; ou encore Boilley, 1999.
  • [12]
    Fondée par Alioune Diop, la revue se propose d’accueillir les réflexions sur les cultures noires dans ses multiples facettes. Elle publie de nombreuses contributions d’auteurs africains et recueille le soutien d’intellectuels métropolitains comme Jean-Paul Sartre, André Gide ou encore Michel Leiris. Cf. Mudimbé, 1992.
  • [13]
    Nous donnons dans cet article un sens assez restrictif au terme « lettrés africains ». Il désigne ici les auteurs africains passés par les écoles françaises et qui se distinguent ainsi de la génération précédente des informateurs illettrés ainsi que des « lettrés arabes » (ceux qui maîtrisent l’écriture arabe). On préfère cette expression à celle d’auteurs ou de chercheurs africains parce que précisément l’un des enjeux principaux pour les lettrés africains est la reconnaissance de leur statut d’auteur ou de chercheur.
  • [14]
    C’est-à-dire les auteurs qui participent aux recherches ou aux publications de l’IFAN sans en être forcément membres. Nous nous intéressons par ailleurs aux seules disciplines des sciences humaines et sociales. L’IFAN compte également des sections de zoologie, de botanique ou encore d’océanographie que nous n’avons pas intégrées à notre étude.
  • [15]
    En cela il se distingue du CNRS et même de l’ORSC/ORSTOM liés au ministère de l’Enseignement et de la Recherche.
  • [16]
    La description précise de ces relations n’entre pas dans le propos de cet article. On peut cependant noter que ces relations prennent des formes multiples : accueil de chercheurs en détachement (notamment du CNRS ou de l’ORSTOM), octroi de bourses de recherche (notamment via l’École française d’Afrique créée en 1942), aide à la publication ; ou encore appui logistique plus informel dans les centres régionaux de l’IFAN.
  • [17]
    Pour l’Afrique francophone, cf. notamment Bonneuil, 1991 ; de l’Estoile, 2004 ; Sibeud, 2004 ; ou encore Wilder, 2005.
  • [18]
    Ainsi, lors du récent colloque du CEMAF sur « La fabrique des savoirs en Afrique subsaharienne : acteurs, lieux et usages dans la longue durée » (tenu en mai 2009, une seule communication est consacrée à la période de l’État colonial tardif. Dans le récent ouvrage d’Helen Tilley et Robert Gordon consacré aux liens entre savoirs, impérialisme et anthropologie en Afrique, la quasi-totalité des contributions – y compris la nôtre – couvre la période allant de la fin du xixe à la fin des années 1930 (Tilley, Gordon, 2007)).
  • [19]
    On dispose certes pour ces moments d’histoire de l’anthropologie mais ces dernières se focalisent généralement sur l’évolution de la discipline vue depuis la métropole et négligent le rôle des institutions scientifiques en situation coloniale. Il y a cependant des exceptions notables comme l’étude de Lyn Schumaker sur le RLI (2001). Dans l’espace francophone, on peut citer les travaux de Marie-Albane de Suremain sur la géographie (2001), les travaux de Vincent Bonnecase traitant des savoirs sur la pauvreté (2008), ceux de Guillaume Lachenal sur les pratiques médicales au Cameroun (2006).
  • [20]
    Cooper, 2004.
  • [21]
    James Clifford souligne par exemple l’agencéité (agency) des « ethnographes indigènes ». Lors des enquêtes, ces derniers ont non seulement un agenda particulier distinct de celui du chercheur européen mais ils développent également une vision personnelle des cultures locales qui interfèrent avec celle de l’anthropologue (Clifford, 1988). Cf. également sur cette question des anthropologues africains, Hountondji, 1993 ; Schumaker, 2001.
  • [22]
    Par la suite, le Comité. Pour plus d’informations sur la période du Comité, cf. Jézéquel, 1998.
  • [23]
    Par la suite, le Bulletin du Comité.
  • [24]
    Les auxiliaires africains sont eux-mêmes divisés en de nombreux cadres administratifs qui bénéficient de statut et de niveau de rémunération très variable. Dans l’entre-mesure, les instituteurs font figure de « haut du panier » (Jézéquel, 2002 et 2007b).
  • [25]
    Par la suite Ponty. Cette école fédérale ouverte au Sénégal en 1903 forme l’élite des auxiliaires africains de l’administration coloniale. Les Pontins, comme on appelle communément les diplômés de cette école, sont originaires de l’ensemble des territoires l’AOF. L’école forme initialement des instituteurs puis, à partir des années 1920, des commis des services administratifs et financiers, ainsi que les élèves de l’école de médecine Jules Carde de Dakar. Les diplômés de cette école vont fournir au moment des indépendances l’essentiel des cadres politiques ouest-africains (Jézéquel 2002).
  • [26]
    On peut ainsi citer les liens unissant l’interprète Moussa Travélé ou le chef supérieur (et ancien interprète) Abdoulaye Kane à Maurice Delafosse, administrateur des colonies et figure centrale de l’africanisme français (Amselle, Sibeud, 1998). Moussa Travelé est l’auteur d’un des premiers dictionnaires français-bambara ainsi que de plusieurs études ethnographiques sur le Soudan français (actuel Mali). Abdoulaye Kane, a pour sa part publié le premier article signé par un auteur ouest-africain dans le Bulletin du Comité. En l’occurrence, il s’agit d’une étude historique sur le Fouta Toro (Sénégal) dont Kane est originaire. On peut encore évoquer les liens unissant l’instituteur Amadou Mapaté Diagne, auteur d’articles sur la Casamance (Sénégal) à Georges Hardy, ancien inspecteur de l’enseignement en AOF (pour Hardy, cf. plus loin). Pour ces liens qui mêlent paternalisme et parrainage intellectuel en général, cf. Dulucq, Zytnicki, 2006.
  • [27]
    Pour ces instituteurs, cf. Jézéquel, 2002.
  • [28]
    Jézéquel, 1998.
  • [29]
    Quénum, 1936.
  • [30]
    Hazoumé, 1937.
  • [31]
    Kenyatta, 1938. Cf. également de l’Estoile, 1997.
  • [32]
    Jézéquel, 2007a.
  • [33]
    La revue Éducation Africaine (à l’origine Bulletin de l’Enseignement de l’AOF) a été fondée en 1913 par Georges Hardy, alors inspecteur de l’enseignement de l’AOF. Elle publie de nombreuses études ethnographiques et historiques réalisées par des instituteurs africains originaires de toute l’AOF (Jézéquel, 2002).
  • [34]
    Il s’agit là de trois enseignants français ayant occupé des responsabilités au sein du service de l’enseignement de l’AOF (Charton et Hardy comme inspecteurs, Béart comme directeur de Ponty).
  • [35]
    Il s’agit essentiellement de chercheurs qui ont fréquenté les réseaux de l’Institut d’ethnologie (créé en 1925) et du Musée de l’Homme (fondé en 1937). Cf. Conlikn, 2002 ; de l’Estoile, 2007. On peut citer des chercheurs comme Denise Paulme (chargée du département Afrique noire au Musée de l’Homme) ou ses cadets comme Georges Balandier et Paul Mercier.
  • [36]
    C’est ainsi que le chef de la section archéologie de l’IFAN, Raymond Mauny, est un ancien administrateur. À son sujet, cf. le site Internet qui lui est consacré par Fabrice Melka : http://www.mauny.hypotheses.org/.
  • [37]
    Discours d’Albert Charton du 24 août 1936, publié in « Création de l’Institut français d’Afrique noire », Bulletin du Comité, 1937, 384.
  • [38]
    Monod, 1953, 2. Il s’agit là déjà de la 4e édition des Conseils aux chercheurs initialement publiés par Monod en 1942.
  • [39]
    Ce calcul a été établi à partir des noms d’auteurs dans les tables des revues. Cette méthode comporte un risque d’erreur contrebalancé par des recoupements sur les noms propres plus difficiles. La marge d’erreur est réelle mais n’affecte sans doute pas de manière significative les chiffres obtenus.
  • [40]
    Dans les instructions aux auteurs parues dans le numéro 44 (octobre 1949), la rédaction demande des articles de moins de huit pages pour éviter d’avoir à publier les contributions sur plusieurs numéros.
  • [41]
    Monod ne dédaigne pas pour autant cette publication – il publie à lui seul presque autant de notices que l’ensemble des auteurs africains – mais il s’est établi une nette distinction entre les différentes revues.
  • [42]
    ANF 2G55-3, Rapport annuel de l’IFAN pour l’année 1955.
  • [43]
    Hardy, 1937, 439-440. Georges Hardy, agrégé d’histoire et diplômé de l’École normale supérieure, a joué un rôle central dans l’organisation de l’enseignement de l’AOF où il fut inspecteur durant les années 1910. Après avoir assuré la direction du service de l’enseignement au Maroc, il dirige l’École Coloniale à Paris entre 1926 et 1937. En AOF comme en métropole, il a encouragé la publication des études historiques ou ethnographiques réalisées par les auteurs ouest-africains. Pour plus d’information sur ce personnage influent et pourtant négligé par les historiens, voir la thèse à venir de Carine Eizlini, doctorante à l’université de Paris V, portant sur « la Prosopographie du personnel d’éducation en AOF ».
  • [44]
    Archives Nationales du Sénégal (ANS), Dossier personnel de Dominique Traoré, série 1C.
  • [45]
    Il est élu premier député du Soudan français en 1946 et dirige le Parti Progressiste Soudanais jusqu’à l’indépendance du Mali.
  • [46]
    Citons ainsi Henri Labouret qui prend sa retraite comme gouverneur honoraire en 1936 et décède en 1959 ou encore Georges Hardy, révoqué de ses fonctions à la Libération et immédiatement admis à la retraite.
  • [47]
    Pour le rôle des auteurs africains dans la revue Outre-Mer, cf. Piriou, 1997.
  • [48]
    Depuis 1942, l’IFAN est doté d’un cadre du personnel régi par une série d’arrêtés spécifiques (cf. plus loin pour l’analyse de ce personnel). L’arrêté de 1942 mentionne cependant en son article 21 que « les candidats qui, remplissant les conditions d’admission (…), appartiendraient déjà à un cadre local, général ou métropolitain (Enseignement, Administration, Santé…) pourront être intégrés directement dans le cadre de l’IFAN, après avis de la commission de classement, au grade et à une classe pour la fixation de laquelle il sera tenu compte de leurs titres, travaux et services antérieurs » (arrêté du 28 mai 1942 in Journal Officiel de l’AOF, 16 janvier 1943, 32-35). Cette disposition particulière, mentionnée en fin d’arrêté et bien après la partie consacrée au recrutement du personnel IFAN, est surtout destinée à permettre le recrutement de cas particuliers comme ceux des instituteurs-ethnographes en tenant compte de leur ancienneté de service et de leur production scientifique. Il permet sans doute également de pallier le manque temporaire de candidats aux postes de l’IFAN pendant le conflit. À ce moment, les activités de recherche de l’IFAN semblent tourner au ralenti et entre 1941 et 1948, il ne paraît plus qu’un seul volume annuel du bulletin de l’IFAN.
  • [49]
    Fondateur légendaire de l’Empire du Mali. Il n’est pas sans intérêt de noter que cet article paraît alors qu’en janvier de la même année la fédération du Mali a été créée en réunissant à l’origine le Soudan français, le Sénégal, le Dahomey et la Haute-Volta.
  • [50]
    Dans ses rapports annuels, Monod se plaint de façon récurrente du manque de personnel. Celui-ci est en partie lié aux difficultés budgétaires du gouvernement général de l’AOF en particulier au début des années 1950. Il est également lié aux congés administratifs auxquels ont régulièrement droit les assistants de recherche originaires de métropole et qui leur permet de rentrer en France pendant une période prolongée. Cette disposition, d’ailleurs commune aux autres services administratifs de l’AOF, entraîne des désorganisations ponctuelles mais fréquentes. L’employé métropolitain en congé est alors souvent remplacé par un Africain à titre intérimaire (pour les effets de ce système dans le cas du personnel de l’enseignement, cf. Jézéquel, 2002).
  • [51]
    ANF 2G1949-3, 1949, Rapport annuel Cérémonie de purification chez les Lobi, Notes Africaines, 43, 82.
  • [52]
    Bulletin individuel de Notes, ANS, dossier personnel Dominique Traoré de l’IFAN 1949.
  • [53]
    Cf., par exemple, Traoré, 1949a, 81-82 ; 1949b, 82.
  • [54]
    Bulletin individuel de Notes, ANS, dossier personnel Dominique Traoré, 1C383. Dans ce bulletin, il est alors noté comme un « agent excellent dans ses recherches sur la pharmacopée indigène ».
  • [55]
    Lettre du gouverneur Geay, 28 décembre 1949, ANS, dossier personnel Dominique Traoré, 1C383.
  • [56]
    Lettre de Dominique Traoré à inconnu (?), 20 août 1951, ANS, dossier personnel Dominique Traoré, 1C383.
  • [57]
    Pour l’étude des étudiants africains en France après 1945, cf. Guimont, 1997 ; Guèye, 2001.
  • [58]
    Dans les faits, le personnel de l’IFAN est plutôt un mélange de spécialistes issus de corps différents : « Le personnel de l’IFAN appartient “en principe” à un cadre spécial organisé par l’arrêté du 28 mai 1942. Il peut être complété par des agents contractuels et, dans certains cas, par des agents d’autres cadres (Enseignement, ORSTOM) en position de détachement. L’IFAN peut confier en outre à des chercheurs de l’extérieur, français ou étrangers, des missions d’étude d’une durée inférieure à six mois et, au delà de cette durée, des bourses de membre temporaire ou régulier de l’École française d’Afrique, dispositions dont ont déjà bénéficié de nombreux chercheurs ». ANF 2G58-4, Rapport annuel de l’IFAN, 1958.
  • [59]
    Arrêté du 28 mai 1942, Journal Officiel de l’AOF, 16 janvier 1943, 32-35.
  • [60]
    Il est également spécifié que les titulaires d’un doctorat d’État peuvent être directement admis en qualité d’assistants de 3e classe (arrêté du 28 mai 1942, ibid.).
  • [61]
    Cette commission est composée de l’inspecteur de l’enseignement de l’AOF (à titre de président de commission), du directeur de l’IFAN et de deux fonctionnaires désignés parmi les assistants ou les aides-techniques (ou à défaut deux fonctionnaires du cadre commun supérieur de l’Enseignement). Cf. arrêté du 28 mai 1942, ibid.
  • [62]
    Jézéquel, 2007b.
  • [63]
    Fabienne Guimont (1997, 71-72) estime à 2 000 le nombre d’élèves et d’étudiants en France en 1950 et déjà plus de 4 000 en 1952-1953. Par ailleurs, l’Institut des Hautes Études de Dakar créé en 1950 dépend des universités de Bordeaux et de la Sorbonne. Il prépare essentiellement au DEUG alors que la licence est requise pour devenir assistant de recherche. L’IHED n’acquiert le statut d’université qu’en 1957.
  • [64]
    L’anthropologue ivoirien Niangoran-Boua qui appartient à cette génération d’étudiants partis en France dans les années 1950, a ainsi déclaré : « Je suis parti à Paris dans l’espoir d’être un commis de greffe au Parquet, en préparant la capacité en droit qui permet de présenter le concours » (Perrot, 2002, 627). Il découvre finalement à Paris les milieux de la recherche africaniste vers lesquels il se réoriente au grand dam de son frère : « Quand il a fait ce choix, son frère qui n’a pas apprécié qu’il fasse des études d’ethnologie au lieu de faire des études en droit ou en économie, l’a chassé de chez lui » (ibid., 629).
  • [65]
    Nous n’avons pas d’information sur la formation des deux derniers.
  • [66]
    La section enseignement de Ponty, filière de prestige jusque dans les années 1920, subit ensuite un phénomène de dévalorisation relative au profit de la section administration. Celle-ci offre des carrières plus prometteuses et en particulier des chances d’accès plus importantes aux cadres communs supérieurs de l’AOF (Jézéquel, 2002 et 2007b).
  • [67]
    Discours de Ray Autra prononcé lors des funérailles d’Ousmane Diallo, cité in Nécrologie, Recherches Africaines, 4, octobre-décembre 1961, 73-94.
  • [68]
    En 1948, Théodore Monod se plaint par exemple que « l’accroissement des besognes administratives limite de plus en plus le temps dont on dispose pour la recherche proprement dite » (ANF 2G48-5, Rapport annuel de l’IFAN, 1948). Pour un autre exemple du manque de moyens et de ses conséquences sur les activités de l’IFAN, cf. de Suremain, 2007.
  • [69]
    Né à Djougou dans le nord du Dahomey (actuel Bénin) en 1918, Abdou Serpos Tidjani est diplômé de la section administration de Ponty en 1938. À sa sortie de l’école il semble avoir été affecté comme archiviste au dépôt central de l’AOF alors sous la direction d’André Villard. En 1942, l’IFAN, sous la direction de Théodore Monod, récupère la charge de ces archives et d’une partie du personnel. Peu après, Serpos rejoint la section dahoméenne de l’IFAN où il poursuit sa carrière d’agent technique principalement en charge du palais et musée d’Abomey (source : Fichier prosopographique des diplômés de Ponty, Jézéquel, 2002).
  • [70]
    En 1954, le rapport annuel de Monod note ainsi : « M. Tidjani Serpos, continuant son enquête sur la sociétomanie, s’est rendu en septembre dans les cercles de Cotonou, Ouidah, Abomey et Savalou » (ANF 2G54-2, Rapport annuel de l’IFAN, 1952).
  • [71]
    Il n’apparaît plus sur la liste du personnel de recherche de l’IFAN en 1954 et a dû quitter la structure entre 1951 et 1953.
  • [72]
    « Grâce à l’intervention du gouverneur du Niger et de M. Boubou Hama, un crédit de 3 000 000 francs sur le budget local permettra en 1951 de commencer les travaux » (ANF, 2G50-4, Rapport annuel de l’IFAN, 52).
  • [73]
    En 1954, il publie ce travail avec Jean Boulnois sous le titre « une Histoire de Gao », précédé d’une préface de Théodore Monod et dont le manuscrit sommeillait en fait depuis le début des années 1940 (Laya, et al., 2007).
  • [74]
    2G54.2, rapport annuel de l’IFAN 1954.
  • [75]
    ANF 2G55-3, Rapport annuel de l’IFAN, 1955. Il y a un petit doute sur l’auteur de ces lignes. Le rapport est officiellement signé Monod mais ce passage est extrait de la situation sur le centre Niger et le style tranche radicalement avec le reste du rapport. Il est donc très probable que Monod a inclus ici un passage du rapport annuel du directeur du centre IFAN de Niamey (Boubou Hama) dans son propre rapport.
  • [76]
    Autra, 1964, 3-35.
  • [77]
    Devey, 1993.
  • [78]
    Balandier, 1977.
  • [79]
    Il faut mettre à part le cas de Cheikh Anta Diop que nous évoquons plus loin. Dans les années 1950, ce dernier poursuit ses études en France et n’évolue pas à l’époque dans la mouvance de l’IFAN. Il intègre l’IFAN en octobre 1960 après l’indépendance du Sénégal. Son premier article dans le Bulletin de l’IFAN n’apparaît d’ailleurs qu’en 1962 après l’indépendance du Sénégal (Fauvelle-Aymar, 1996).
  • [80]
    Devey, 1993, 86.
  • [81]
    Ly, 1955. On sait combien de son côté Cheikh Anta Diop s’est heurté à de nombreuses difficultés pour défendre une thèse beaucoup mois conventionnelle dans la démarche comme les conclusions. Cheikh Anta Diop ne fait cependant pas encore partie à cette époque du réseau IFAN qu’il intègre seulement en 1960. Cf. également Fauvelle-Aymar, 1996.
  • [82]
    Vansina, 1994.
  • [83]
    Il en va différemment du second assistant ouest-africain recruté par l’IFAN le sociologue Abdoulaye Bara Diop. Recruté en 1956, son travail innove par l’intérêt porté aux dynamiques urbaines, aux migrations et au travail. Encore faut-il remarquer que cet intérêt rejoint alors celui de ses autres collègues de la section sociologie de l’IFAN engagés depuis plusieurs années dans des recherches sur des problématiques similaires. Nous manquons cependant d’éléments pour pousser plus avant l’analyse du rôle joué par Abdoulaye Bara Diop au sein de l’IFAN.
  • [84]
    Thioub, 2002.
  • [85]
    Vansina, 1994.
  • [86]
    « Local Scholarship based at Dakar has been overwhelmed by these metropolitan influences, and has been stifled through the long period of gestation required for the French Doctorat d’État, plus the basic sub-imperialism of the French Africanists » (Atieno-Odhiambo, 2002, 23).
  • [87]
    Parmi de nombreux exemples possibles, voici une citation d’Alexandre Adandé, aide-technicien à l’IFAN et surtout responsable de la section ethnologie à Dakar : « c’est une grave erreur de penser que l’étude des productions matérielles des indigènes, parce qu’elles sont rudimentaires ou choquent la conception occidentale de la beauté, soit inutile ou ne fasse pas faire un pas à la connaissance approfondie de l’humanité. C’est précisément la diversité des civilisations humaines qui en fait la richesse et la dignité » (Adandé, 1951, 194).
  • [88]
    Manchuelle, 1995.
  • [89]
    Schumaker, 2001.
  • [90]
    Inversement, le fait que Boubou Hama perd en 1952 les élections et n’est pas réélu à l’Assemblée territoriale du Niger contribue sans doute à son rapprochement avec le centre IFAN de Niamey qu’il dirige de 1954 à 1957.
  • [91]
    Chroniques de l’IFAN, Notes Africaines, 47, juillet 1950.
  • [92]
    S’il quitte rapidement ce gouvernement, il ne retourne pas pour autant vers la recherche mais milite activement pour l’indépendance de son pays. Ly publie plusieurs textes et ouvrages dans ces années mais il s’agit moins d’études scientifiques ou historiques que de textes militants.
  • [93]
    Par contre, à l’instar de l’IFAN, un grand nombre d’assistants africains du Rhodes-Livingstone Institute quittent la recherche académique pour le terrain politique (Schumaker, 2001).
  • [94]
    Parmi les auteurs africains membres de l’IFAN qui publient à Présence Africaine, citons notamment Bernard Dadié, Alexande Adandé, Abdoulaye Ly ou encore Boubou Hama.
  • [95]
    Sur la revue et les éditions Présence Africaine, cf. Mudimbé, 1992.
  • [96]
    Les actes de ce congrès ont été édités dans un numéro spécial de la revue Présence Africaine (8-10, juin-novembre 1956).
  • [97]
    Le premier signe dans Présence Africaine un article intitulé « Les responsabilités du sociologue africain » qui paraît en 1959 alors qu’il est encore étudiant. Né en 1929 et originaire du Togo, Agblemagnon N’sougan défend sa thèse à l’École Pratique des Hautes Études en 1964 sous le titre « Rôle sociologique du matériel oral dans une société africaine : les Evé du Sud-Togo ». Le second, Kamian, est le premier agrégé de géographie originaire du Mali et auteur en 1957 d’un DES intitulé « La Morphologie de la vallée du Bani dans la région de San » sous la direction de Jean Dresch, professeur de géographie à la Sorbonne et ancien directeur de l’Institut de Géographie de Paris. Bakary Kamian a publié en novembre 1959 un article dans Présence Africaine intitulé « La géographie de l’Afrique présentée par les occidentaux ». Le troisième, Ki Zerbo, est le premier agrégé d’histoire originaire du Burkina Faso et l’auteur de la première grande synthèse sur l’histoire de l’Afrique rédigée par un historien africain. En 1957, il publie dans Présence Africaine, un article intitulé « Histoire et conscience nègre ».
  • [98]
    Achufusi, 1959, 81-95 et Biobaku, 1959, 96-99.
  • [99]
    Schumaker, 2001.
  • [100]
    Balandier, 1977, 41.
  • [101]
    Ibid., 47.
  • [102]
    C’était en 1955 lors d’une conférence internationale tenue en Gold Coast (ANF 2G55-3, Rapport annuel de l’IFAN, 1955).
  • [103]
    Lachenal, 2006.
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