Notes
-
[1]
Sybille Steinbacher est professeur d’histoire ; elle enseigne l’histoire et les conséquences de la Shoah à la Goethe-Universität de Francfort-sur-le-Main. Elle dirige également le Fritz Bauer Institut. Parmi ses publications, citons entre autres Auschwitz. Geschichte und Nachgeschichte, Munich, Beck, 2017 (1re édition : 2004) ; « Musterstadt » Auschwitz. Germanisierungspolitik und Judenmord in Ostoberschlesien, Munich, Saur, 2000.
-
[2]
Norbert Frei, « Auschwitz und Holocaust. Begriff und Historiographie », in Hanno Loewy (éd.), Holocaust : Die Grenzen des Verstehens. Eine Debatte über die Besetzung der Geschichte, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1992, p. 101-109, ici p. 101. Pour un état des travaux sur la question, voir Waclaw Dlugoborski et Franciszek Piper, Auschwitz 1940-1945. Studien zur Geschichte des Konzentrations- und Vernichtungslagers Auschwitz, vol. I : Aufbau und Struktur des Lagers ; vol. II : Die Häftlinge. Existenzbedingungen, Arbeit und Tod ; vol. III : Vernichtung ; vol. IV : Widerstand ; vol. V : Epilog, Oswiecim, musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1999, ici vol. 1, p. 25-40 ; en français Auschwitz, 1940-1945 : les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, I. La construction et l’organisation du camp ; II. Les détenus. La vie et le travail ; III. L’extermination ; IV. La résistance ; V. Épilogue (évacuation et libération du camp), traduit du polonais par Cécile Bruley-Meszaros et Branislav Meszaros, Oswiecim, musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 2011.
Le présent texte est une version légèrement modifiée de notre article « The Relationship of the Auschwitz Death Camp to the Outside Environment, Economy and Society », in Jeffry M. Diefendorf (éd.), Lessons and Legacies, vol. VI : New Currents in Holocaust Research, Evanston (Ill.), Northwestern University Press, 2004, p. 21-36. -
[3]
Hans Buchheim, Martin Broszat, Hans-Adolf Jacobsen et Helmut Krausnick (éd.), Anatomie des SS-Staates, Munich, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1994 (6e édition), (1re édition : Fribourg-en-Brisgau, Walter, 1965) ; en anglais, Anatomy of the SS State, traduit par Marion Jackson et Dorothy Long, Londres, Granada, 1970.
-
[4]
Rudolf Augstein et alii, Historikerstreit. Die Dokumentation der Kontroverse um die Einzigartigkeit der nationalsozialistischen Judenvernichtung, Munich, Piper, 1988 (6e édition). Un tour d’horizon de l’historiographie sur la Shoah en Allemagne est proposé par Ulrich Herbert, « Holocaust-Forschung in Deutschland : Geschichte und Perspektiven einer schwierigen Disziplin », in Frank Bajohr et Andrea Löw (éd.), Der Holocaust. Ergebnisse und neue Fragen der Forschung, Francfort-sur-le-Main, Fischer Taschenbuch, 2015, p. 31-79. Voir également Ulrich Herbert, « Vernichtungspolitik. Neue Antworten und Fragen zur Geschichte des “Holocaust” », in Ulrich Herbert (éd.), Nationalsozialistische Vernichtungspolitik 1939-1945. Neue Forschungen und Kontroversen, Francfort-sur-le-Main, Fischer Taschenbuch, 1998, p. 9-66 ; édition américaine, National-Socialist Extermination Policies. Contemporary German Perspectives and Controversies, New York, Berghahn Books, 1999.
-
[5]
Norbert Frei et alii (éd.), Standort- und Kommandanturbefehle des Konzentrationslagers Auschwitz 1940-1945, Munich, Saur, 2000 ; Sybille Steinbacher, « Musterstadt » Auschwitz. Germanisierungspolitik und Judenmord in Ostoberschlesien, Munich, Saur, 2000 ; Bernd C. Wagner, IG Auschwitz. Zwangsarbeit und Vernichtung von Häftlingen des Lagers Monowitz 1941-1945, Munich, Saur, 2000 ; Norbert Frei, Sybille Steinbacher et Bernd C. Wagner (éd.), Ausbeutung, Vernichtung, Öffentlichkeit. Neue Studien zur nationalsozialistischen Lagerpolitik, Munich, Saur, 2000. Voir aussi Sybille Steinbacher, Auschwitz. A History, Londres et New York, Penguin et Ecco, 2005 ; en allemand Auschwitz, Geschichte und Nachgeschichte, Munich, C. H. Beck, 2015 (3e édition, 1re édition : 2004).
-
[6]
Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, op. cit.
-
[7]
Ce thème est lié aux travaux de Deborah Dwork et Robert-Jan van Pelt, Auschwitz, 1270 to the Present, New York, Norton, 1996. Voir également Mary Fulbrook, A Small Town Near Auschwitz : Ordinary Nazis and the Holocaust, Oxford, Oxford Univresity Press, 2012.
-
[8]
À l’opposé, Wolfgang Sofsky, Die Ordnung des Terrors. Das Konzentrationslager, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1993 (4e édition), p. 24 ; en français, L’Organisation de la terreur : les camps de concentration, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Paris, Calmann-Lévy, 1995.
-
[9]
La relation entre un camp de concentration et ses environs dans les territoires occupés de l’Est n’a pas été étudiée auparavant ; il existe quelques travaux sur le cadre social de certains sites de camps dans l’Ancien Reich (le Reich allemand dans ses frontières de 1937). Voir Sybille Steinbacher, Dachau, die Stadt und das Konzentrationslager in der NS-Zeit. Die Untersuchung einer Nachbarschaft, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1993 (1re édition) et 1994 (2e édition) ; Jens Schley, Nachbar Buchenwald. Die Stadt Weimar und ihr Konzentrationslager 1937-1945, Cologne, Böhlau, 1999 ; Gordon J. Horwitz, In the Shadow of Death. Living outside the Gates of Mauthausen, New York, Tauris, 1990 ; en français, Mauthausen, ville d’Autriche, 1938-1945, traduit de l’américain par André Charpentier, Paris, Seuil, 1992 ; Isabell Sprenger, Groß-Rosen. Ein Konzentrationslager in Schlesien, Cologne, Böhlau, 1996, p. 153 sq. Voir également Dachauer Hefte 12, 1996, qui porte principalement sur le thème « Lebenswelt und Umfeld » ; en français, Les cahiers de Dachau. Histoire des camps de concentration nazis, études, rapports et documents, Dachau, Éditions Dachauer Hefte, 1993.
-
[10]
Sur le Volksgemeinschaft en tant que facteur d’identification, voir Frank Bajohr et Michael Wildt (éd.), Volksgemeinschaft. Neue Forschungen zur Gesellschaft des Nationalsozialismus, Francfort-sur-le-Main, Fischer Taschenbuch, 2012 (2e édition) et 2009 (1re édition) ; Detlev Peukert, Volksgenossen und Gemeinschaftsfremde. Anpassung, Ausmerze und Aufbegehren unter dem Nationalsozialismus, Cologne, Bund Verlag, 1982, p. 233 sq.
-
[11]
Voir Sybille Steinbacher, « East Upper Silesia », in Wolf Gruner et Jörg Osterloh (éd.), The Greater German Reich and the Jews. Nazi Persecution Policies in the Annexed Territories 1935-1945, traduit de l’allemand par Bernard Heise, New York et Oxford, Berghahn, 2015, p. 239-266.
-
[12]
Au nord-est de la Slovénie.
-
[13]
L’idée selon laquelle les conditions d’incarcération en Silésie auraient conduit à la construction d’Auschwitz est inexacte. Le manque de place dans les prisons ne joua aucun rôle dans les réflexions de Himmler. Le premier auteur à émettre cette opinion fut Alfred Konieczny, « Bemerkungen über die Anfänge des KL Auschwitz », Hefte von Auschwitz 12, 1970, p. 4-44. Elle fut reprise sans vérification dans des travaux ultérieurs. Franciszek Piper, « Die Entstehungsgeschichte des KL Auschwitz », in Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, op. cit., vol. I, p. 43-71, ici p. 59 sq. Sur l’histoire du camp, voir Wolfgang Benz et alii, « Auschwitz », in Wolfgang Benz et Barbara Distel (éd.), Der Ort des Terrors. Geschichte der nationalsozialistischen Konzentrationslager, vol. 5 : Hintzert, Auschwitz, Neuengamme, Munich, C. H. Beck, 2007, p. 79-312 ; Danuta Czech, Kalendarium der Ereignisse im Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau 1939-1945, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1989 ; Franciszek Piper, « Die Entstehungsgeschichte des KL Auschwitz », in Dlugoborski et Piper (éd.), Auschwitz 1940-1945, vol. 1, p. 43-71.
-
[14]
Voir Karin Orth, Das System der nationalsozialistischen Konzentrationslager. Eine politische Organisationsgeschichte, Hambourg, Hamburger Edition, 1999, p. 76 sq ; Nikolaus Wachsmann, KL. A History of the Nazi Concentration Camps, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2015, p. 214 sq ; en français Une histoire des camps de concentration nazis, traduit par Jean-François Sené, Paris, Gallimard, 2017.
-
[15]
On est induit en erreur par plusieurs travaux affirmant que le maire d’Auschwitz mettait les Juifs « à la disposition » [de tous]. Voir Irena Strzelecka et Piotr Setkiewicz, « Bau, Ausbau und Entwicklung des KL Auschwitz und seiner Nebenlager », in Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, op. cit., vol. I, p. 73-99, ici p. 73. L’erreur provient d’une mauvaise compréhension du terme « communauté » (Gemeinde), sur lequel se fondaient les témoins juifs pour leur information sur les recrutements forcés. Le mot désignait la communauté juive et non la société politique dans son ensemble. On ignore pourquoi des travailleurs polonais ne furent pas enrôlés pour la construction du camp.
-
[16]
Voir Michael Hepp, « Deutsche Bank, Dresdner Bank. Erlöse aus Raub, Enteignung und Zwangsarbeit 1933-1945 », 1999. Zeitschrift für Sozialgeschichte des 20. und 21. Jahrhunderts 15, 2000, cahier 1, p. 64-116, en l’occurrence p. 95 sq.
-
[17]
Voir l’analyse sociologico-démographique d’Aleksander Lasik, « Die SS-Besatzung des KL Auschwitz », in Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, op. cit., vol. I, p. 321-384.
-
[18]
Sur ce point et sur ce qui suit, voir Frei et alii (éd.), Standort- und Kommandanturbefehle, op. cit.
-
[19]
Ibid., Kommandanturbefehl 8/43, 20 avril 1943 ; Standortbefehl 25/43, 1[2] juillet 1943.
-
[20]
Ibid., Standortbefehl 22/44, 18 août 1944.
-
[21]
Ibid., Standortbefehl 17/44, 9 juin 1944.
-
[22]
Muster der Ostsiedlung, tel était le terme utilisé lors de la réunion au cours de laquelle fut créé le Interessengemeinschaft d’Auschwitz, réunion qui se tint à Katowice le 7 avril 1941. Nürnbg. Dok. NI-11117, p. 1-12, en l’occurrence p. 9, reproduit in Nürnberg Military Tribunal (procès des criminels de guerre), vol. 8, p. 383-388, en l’occurrence p. 386. Sur IG Farben, voir Wagner, IG Auschwitz, op. cit. ; Susanne Willems, « Monowitz (Monowice) », in Benz et Distel (éd.), Der Ort des Terrors, vol. 5, op. cit., p. 276-284.
-
[23]
Voir Irena Strzelecka et Piotr Setkiewicz, « Bau, Ausbau und Entwicklung des KL Auschwitz und seiner Nebenlager », in Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, vol. I, op. cit., p. 73-99, ici p. 84 sq.
-
[24]
Le bal de la Presse est une tradition allemande qui remonte au 9 mars 1872 et a pour objectif de venir en aide aux journalistes en détresse. C’est l’un des grands événements de société en Allemagne. (N.d.T.)
-
[25]
Voir Bernd C. Wagner, « Gerüchte, Wissen, Verdrängung. Die IG Auschwitz und das Vernichtungslager Birkenau », in Frei, Steinbacher et Wagner (éd.), Ausbeutung, Vernichtung, Öffentlichkeit, op. cit., p. 231-248.
1Alors que, dans les années 1950, on entendait souvent le nom d’« Auschwitz » aussi bien en Allemagne de l’Ouest qu’en RDA, il n’était en fait, dans l’un et l’autre pays, qu’un code. En RDA, c’était fondamentalement un raccourci désignant les conséquences criminelles du système capitaliste, un système qui revêtait la monstrueuse réalité de l’usine IG Farben à Auschwitz-Monowitz. En Allemagne de l’Ouest, du moins au début des procès d’Auschwitz à Francfort (1963-1965), c’était devenu un symbole et un synonyme des massacres perpétrés par l’État nazi [2]. Dans les médias comme dans le monde intellectuel, Auschwitz sert de métaphore aux atrocités perpétrées par le régime nazi. Il est un substitut de ce que l’on appelait aussi « l’inconcevable », « l’indicible », « les abominables crimes contre l’humanité » commis au nom de l’Allemagne.
2Il est frappant de constater que, fondée sur des documents, la recherche historique empirique portant sur le lieu principal du massacre nazi n’est guère explicite : outre les mémoires et les comptes rendus littéraires d’anciens détenus, le mot-clé « Auschwitz » apparaît en fait principalement dans la relation aux réflexions morales/éthiques et dans la critique culturelle. En même temps, au sein de l’université, se produit un déplacement du discours sur Auschwitz, lequel est passé des départements d’histoire à ceux de la sociologie et de la pédagogie ; et, à l’extérieur de l’université, on le trouve fréquemment dans le journalisme politique. D’une façon générale, le débat sur Auschwitz court ainsi le risque de devenir un simple vecteur d’expression servant à exprimer un trouble moral. Pour le dire sans ambages : au cours des quelques décennies écoulées, il y a eu davantage de réflexion que de recherche sur Auschwitz. Dans une large mesure, l’organisation et la perpétration du massacre en ce lieu, ainsi que les facteurs auxquels incombe sa responsabilité, aussi bien politique que sociale, demeurent obscurs.
3L’historiographie ouest-allemande s’est d’abord intéressée principalement au processus d’extermination tel qu’il apparaît dans le rapport préparé à l’Institut für Zeitgeschichte de Munich par le bureau du procureur général sous la direction de Fritz Bauer, dans le cadre du procès de Francfort sur Auschwitz [3]. Quoi qu’il en soit, dans les années 1970 et 1980, le débat intellectuel a été littéralement englouti dans la controverse entre « intentionnalistes » et « structuralistes » quant au rôle de Hitler dans l’élaboration de la « Solution finale de la question juive ». Et si l’Historikerstreit, la « querelle des historiens » de la fin des années 1980, stérile sur le plan historiographique, s’occupait de classifier et d’expliquer le massacre nazi et la question de sa singularité (« Auschwitz » étant sa métonymie), la reconstitution des détails empiriques de l’événement n’était certainement au centre de ses préoccupations [4]. Il en ressort donc l’impression trompeuse que les faits étaient suffisamment connus.
4Au cours des années 1990, cependant, l’ouverture des archives de l’Europe de l’Est a marqué un changement dans cette situation. Divers aperçus historiques nouveaux devraient entre-temps émerger dans un contexte d’accents et de perspectives modifiés, qui sont eux-mêmes le résultat de travaux précis sur une base empirique et documentaire.
5Un horizon de recherche aussi vaste, laissant la place à une perspective aussi bien politique que socio-historique, apparaît dans la série de quatre volumes publiés en l’an 2000 dont le titre donnerait plus ou moins en traduction : « L’histoire d’Auschwitz : récits et sources [5] ». Ce projet a pour objectif de considérer le massacre du camp de concentration et camp de la mort d’Auschwitz dans deux contextes : d’une part, l’évolution pendant la guerre ; de l’autre, la politique nazie en matière d’économie, de société et de domination de la Pologne conquise. Ces volumes ne visent pas à remplacer une étude spécialisée et exhaustive de l’histoire du camp dans sa réalité complexe aux multiples strates.
6Les thèmes classiques de la recherche sur le camp de concentration – par exemple les conditions de vie, le travail forcé, la résistance et l’extermination [6] – ne sont pas au centre de ces volumes. Trois aspects principaux sont privilégiés : le lien idéologique et pratique entre la politique de « germanisation » et le massacre ; l’imbrication de l’économie privée allemande dans le crime ; et enfin – et surtout – le comportement de la population civile allemande face à la terreur et au massacre perpétré dans les camps. L’histoire de la ville d’Auschwitz sous l’occupation allemande et la coexistence directe de la ville et du camp sont les thèmes de mes propres travaux, qui constituent le deuxième volume du projet. Conformément à ce que j’ai suggéré, je ne m’intéresse pas ici à Auschwitz en tant que métaphore, mais à l’espace concret historico-politique dans lequel le massacre à grande échelle et les autres crimes furent perpétrés [7]. Mon article a pour objet d’examiner l’unité conceptuelle et temporelle de la « germanisation » (Eindeutschung) et du génocide, et ce, dans le contexte de la trame de la politique allemande – Lebensraum, occupation, extermination.
7L’étude rigoureuse de la ville et du complexe du camp en incessante expansion montre à l’évidence l’importance centrale d’Auschwitz dans ce cadre politique : aussi bien les principaux concepts idéologiques de l’État nazi, la « Solution finale de la question juive » d’une part, que la « conquête du Lebensraum à l’Est » de l’autre, y furent simultanément mis en œuvre dans le plus étroit des espaces.
8L’examen minutieux de la ville et du camp est destiné à approfondir le champ d’observation. Autant le type et l’étendue du lien avec les environs différait d’un camp à un autre, autant il est manifeste que, d’une façon générale, des relations s’établissaient entre le personnel SS d’un camp d’une part, et les habitants et les autorités locales de l’autre, liens qui se sont resserrés avec le temps et ont revêtu diverses expressions. Dans le cas d’Auschwitz, l’étude du cadre social du lieu de terreur révèle à quel point la frontière est floue entre la normalité et le crime. Il devient évident que là comme ailleurs, le camp n’était pas impénétrable. Ce n’était pas un « univers clos [8] ». Au contraire, les intenses contacts administratifs, infrastructurels, économiques et sociaux avec l’environnement immédiat étaient indispensables à son existence [9].
9Dans l’Est occupé, véritable pilier de l’idéologie de la Volksgemeinschaft, l’agressivité et l’importance accordée à la nécessité de prendre ses distances vis-à-vis de tout ce qui était étranger jouèrent un rôle bien plus considérable que dans l’ancien Reich allemand. Là, le camp de concentration et son dispositif de terreur avaient non seulement pour objet d’éliminer les « ennemis [politiques] de l’État », mais également, et plus particulièrement, d’assurer le règne du « nouvel ordre ethnique », d’où la création de la Volksgemeinschaft « racialement » homogène [10]. À cet égard, Auschwitz était la garantie de l’avenir völkisch dans le Lebensraum conquis, et les crimes perpétrés dans ce camp furent mis de côté, hors du champ de perception des fonctionnaires comme des civils qui vivaient là. La mission idéologique de restructuration raciale et de purification légitimait toute rigueur.
La voie vers le Reich allemand
10Auschwitz faisait partie des endroits de la Pologne qui furent attaqués par la Luftwaffe dans les premiers jours de la guerre. Les Allemands s’intéressaient à la gare ferroviaire qui présentait un intérêt stratégique, ainsi qu’aux casernes du sixième bataillon de la cavalerie polonaise ; sous la pression de ces attaques, le bataillon se retira à soixante kilomètres vers l’Est, à Cracovie. Après la mort de plusieurs civils sous un déluge de bombes, nombre d’habitants de la ville prirent eux aussi la fuite.
11En septembre 1939, Auschwitz comptait approximativement quatorze mille habitants ; plus de la moitié était des Juifs, les autres (quelque six mille personnes) catholiques. La ville abritait une population à majorité juive depuis la fin du xixe siècle. Les Juifs parlaient avec fierté de la Oswiecimer Jerusalem. Dans les jours qui suivirent le début de la guerre, ce furent surtout les Juifs qui quittèrent la ville en foule. Entre-temps, la Wehrmacht avait commencé à se diriger vers Auschwitz ; elle était suivie d’une escouade Einsatz, c’est-à-dire « pour utilisation particulière » (Einsatzgruppe z.b.V), que Himmler avait constituée à la hâte en vue de supprimer les défenseurs polonais de la zone industrielle en Haute-Silésie. Les Allemands s’emparèrent de la ville le 4 septembre, venant à bout de l’intense effort de défense des Polonais.
12À peine une semaine plus tard, la place du marché de la bourgade de langue polonaise et yiddish avait été renommée Adolf-Hitler-Platz, et le nom polonais de la ville, Oswiecim (mot dérivé de swiaty, saint), fut rapidement changé en Auschwitz. La ville avait porté un nom allemand pour la dernière fois à la fin du siècle précédent – elle appartenait alors encore à l’empire austro-hongrois. Les Allemands veillèrent à ce que les rues, les ponts et les places reçoivent rapidement des noms allemands.
13Mais on ne savait pas encore très bien à quelle région politico-géographique Auschwitz devait être affectée : à la partie est de la Silésie (appelée Haute-Silésie orientale) destinée à être rapidement « germanisée » et annexée au Reich allemand ; au Reichsgau Beskidenland qui faisait alors encore l’objet d’un débat ; ou au Gouvernement général encore non délimité juridiquement. Une décision en faveur de la première option ne fut prise qu’en octobre 1939, lors de la fixation de nouvelles frontières du Reich par la commission sur les frontières du ministère de l’Intérieur du Reich.
14Dans la Pologne occupée divisée en deux, Hitler avait l’intention non pas tant de confirmer de façon définitive les revendications allemandes dans l’Est que de préparer le terrain, aussi rapidement que possible, en vue de deux processus : d’une part la « germanisation » des régions de la Pologne occidentale qui, outre la Haute-Silésie orientale, comprenaient la région de Dantzig-Prusse occidentale, le Wartheland (Warthegau) et la Prusse orientale ; de l’autre, une exploitation économique du Gouvernement général [11].
15Dans l’intention d’instaurer un nouvel ordre territorial et économique, la commission des frontières dessina le Reich allemand en fonction de critères militaires et économiques ainsi que de critères liés aux moyens de transport. Le Reich reçut en partage quatre-vingt-dix mille kilomètres carrés de territoires qui, dans une large mesure, avaient été strictement polonais ; 80 pour cent de l’industrie polonaise s’y trouvait, ainsi qu’environ dix millions d’habitants. Cela signifiait que des territoires bien plus nombreux que ceux que revendiquait l’Allemagne depuis la Première Guerre mondiale appartenaient désormais au Reich allemand.
16Auschwitz fut directement affectée par l’annexion de la Pologne occidentale. La ville faisait maintenant partie intégrante du Reich – elle était située dans le Bielitz Landkreis, dans le district gouvernemental récemment constitué de Katowice (Kattowitz, en allemand), dans la province de Silésie. On ne soulignera jamais assez qu’Auschwitz n’était pas située dans un « Est » nébuleux, idée ancrée dans la conscience allemande d’après-guerre et encore fréquemment évoquée. De même que le camp de la mort de Chelmno dans le Wartheland, l’Auschwitz de la « Solution finale » fut établi sur ce qui était alors un sol allemand.
Le « nouvel ordre ethnique »
17À l’époque de l’annexion d’Auschwitz au Reich, pratiquement aucun habitant, à l’exception de quelques Allemands de souche, ne pouvait passer pour allemand selon les critères raciaux nazis. Ce fait éclaire l’ampleur de la tâche à laquelle s’attelèrent les occupants allemands d’Auschwitz en matière de « politique démographique ». Historiquement avivée par des références au mouvement de colonisation médiévale vers l’Est, la « politique de germanisation » définie comme violente devint le programme idéologique de l’occupant dans l’ensemble de la Pologne occidentale annexée. Dans le cadre du « nouvel ordre européen » du nazisme, la « germanisation » signifiait un « regroupement des populations » sans le moindre scrupule : il s’agissait de déraciner radicalement et impitoyablement la population d’origine pour la remplacer. Les territoires de la Pologne occidentale étaient voués à une restructuration aussi rapide que possible afin d’obtenir un terreau « purifié », ethniquement homogène et – dans le cadre des mesures prises pour un nouvel ordre socio-économique – économiquement rentable. Ce projet prévoyait non seulement l’implantation d’Allemands considérés comme « précieux » sur le plan racial, mais également la création d’une administration allemande. L’objectif premier était de chasser tous les Juifs et la plupart des Polonais hors du territoire de la Pologne occidentale et d’y « introduire » des Allemands et des personnes d’origine allemande en préservant une séparation stricte avec les Polonais qui resteraient.
18En octobre 1939, Hitler conféra à Himmler, en sa qualité de Reichskommissar für die Festigung deutschen Volkstums (commissaire du Reich pour le renforcement de la nation allemande), d’autres pouvoirs de grande portée en vue de mettre en route la colonisation de personnes d’origine allemande dans les territoires de l’ouest de la Pologne et le déplacement de la population autochtone « racialement inférieure ». Dans les premiers plans de réaménagement conçus par Himmler, la ville d’Auschwitz était censée devenir le centre politique, économique et culturel des Allemands originaires du sud du Tyrol. La condition préalable à l’application de ces plans, c’était le « déplacement » des Juifs et des Polonais de la ville – ce que soutenait ardemment l’association de recherche des Allemands du Sud-Est (Südostdeutsche Forschungsgemeinschaft) sise à Vienne. Dans cette association, planificateurs, architectes, historiens et anthropologues étaient chargés de la recherche socio-géographique et culturelle accompagnant la politique nazie de réaménagement démographique.
19Les plans dressés pour Auschwitz n’étaient cependant pas mûrs pour être mis en œuvre : après la victoire sur la France, Himmler privilégia la Bourgogne comme nouvelle zone de colonisation pour les Tyroliens du sud ; par la suite, il fut question de la Basse-Styrie [12] et même de la Crimée. On comprit plus tard que la « germanisation » de la région d’Auschwitz posait des problèmes, contrairement à ce que l’on avait escompté. Toute la partie orientale du district gouvernemental de Katowice, appelée la « zone orientale », se révéla très difficile à germaniser, compte tenu de sa population presque entièrement polonaise et juive. Les stratèges de la colonisation dans l’administration civile et la SS convinrent rapidement que la région n’était pas apte à devenir un point de « départ » pour les Allemands de souche. Séparée de l’ouest du district gouvernemental par ce qu’on appelait la frontière policière, un mur gardé, la « zone orientale » occupait juridiquement un statut de deuxième ordre. Le territoire fut ainsi, du moins provisoirement, dispensé de « germanisation ». Ce ne fut pas sans importance pour les habitants d’Auschwitz, car la ville étant située dans la zone orientale, ils n’étaient pas, pour le moment, menacés de déportation.
20C’est pour cette raison que la population juive d’Auschwitz, au lieu de diminuer, augmenta au début du programme nazi de réaménagement démographique : la ville devint alors un point de rassemblement pour les Juifs des parties occidentales du district de Katowice déportés vers la zone orientale vouée à une germanisation accélérée. N’ayant d’autre choix que de trouver un abri à ces personnes et de les prendre en charge, le conseil juif des Anciens de la ville se trouva bientôt confronté à des problèmes totalement insolubles. Au printemps 1940, la ville d’Auschwitz abritait l’une des plus grandes communautés juives de la zone orientale. Les Juifs vivaient parqués dans les ruelles de la vieille ville, séparés des autres habitants et sous le contrôle strict de gardes allemands.
21Parmi les Allemands qui s’installèrent progressivement à Auschwitz se trouvaient des fonctionnaires, des hommes d’affaires et des gérants d’entreprises autrefois juives ou polonaises. L’installation dans les régions annexées de l’Est ouvrait de nombreuses perspectives de promotion sociale à ces personnes. Des conditions anarchiques prévalaient dans la Pologne occupée durant la phase située entre la fin de l’administration militaire de l’automne 1939 et la consolidation de l’administration civile au printemps 1940. L’insécurité juridique se développa rapidement au grand désarroi des autorités, confrontées à d’innombrables départements, sections et services de l’État et du parti. Excepté dans l’Ancien Reich, la corruption politique et personnelle était la règle dans l’Est conquis au bénéfice des Allemands, en cette « période de pillage » de l’occupation. L’euphorie de la guerre, l’assurance de la victoire et l’état d’esprit pionnier trouvaient leur expression dans l’absence d’inhibitions morales. Non refrénés par les normes habituelles et n’étant plus soumis à un réel contrôle, les fonctionnaires d’Auschwitz donnaient libre cours à leurs pulsions, considérant cette attitude comme allant de soi. Fondé sur l’idéologie et sur la cupidité, ce comportement adopté par la « race des seigneurs » encouragea plus encore la corruption, faisant d’elle un élément endémique et structurel de l’occupation allemande.
Le camp de concentration et ses répercussions
22Au printemps 1940 fut érigé le premier camp de concentration dans les frontières de la Pologne d’avant-guerre, à un peu moins de trois kilomètres de l’ancienne bourgade d’Auschwitz. D’anciennes casernes utilisées pendant la Première Guerre mondiale pour loger les travailleurs saisonniers polonais se dressaient sur le site. Le choix de celui-ci répondait à une recherche générale demandée par Himmler en quête de régions proches de la zone frontalière du Reich propices à l’établissement de camps de concentration destinés à l’internement des opposants politiques et au renforcement de la puissance allemande [13].
23Auschwitz ne fut choisi qu’après de multiples inspections – les baraquements étaient en ruine et la région était située dans une zone inondée. Mais selon les experts de la SS, les avantages l’emportaient sur les inconvénients, car l’ancien camp des travailleurs saisonniers était équipé en infrastructures et pouvait aisément être isolé [14]. Au début, Auschwitz n’était qu’un des nombreux camps nazis, tous analogues. La seule chose inhabituelle était la capacité prévue : jusqu’à dix mille détenus, puisque les occupants comptaient faire de nombreux prisonniers politiques dans la Pologne occupée. Dans la phase initiale, la plupart des prisonniers n’étaient pas des Juifs, mais des membres de l’intelligentsia polonaise et d’autres groupes considérés comme faisant partie de la résistance nationale polonaise.
24Les premières personnes qui endurèrent les travaux de construction du camp furent trois cents Juifs recrutés par la SS avec l’assistance contrainte et forcée du conseil des anciens [15]. Les Juifs furent laissés dans l’ignorance de la finalité de la construction et furent strictement séparés des nouveaux prisonniers qui arrivaient. Les quelque douze cents réfugiés polonais démunis et sans emploi qui vivaient dans les baraquements à proximité du site du camp furent eux aussi directement affectés par la construction : gêné par les « éléments asociaux », le commandant Höß souhaitait que la zone des baraquements soit incluse dans le périmètre du camp ; il réclama alors l’évacuation immédiate des Polonais. Ceux-ci, cependant, empêchèrent l’« action de purification » prévue en quittant les lieux silencieusement dans la nuit et le brouillard et en emportant avec eux les parties utilisables des baraques. Peu après, les SS confisquèrent les appartements de familles polonaises des environs du camp, et les habitants furent déportés. Plus d’une centaine d’immeubles furent également dynamités afin de créer un « champ de tir libre » en cas de tentatives d’évasion.
25Les compagnies qui tirèrent profit de la construction du camp d’Auschwitz étaient exclusivement allemandes, Höß comptant sur les entreprises silésiennes de l’Ancien Reich pour obtenir le personnel et les matériaux nécessaires. Il s’assura le concours de la première firme en juin 1940 : Wodak, des spécialistes de la construction, de la ville de Beuthen (Bytom) ; peu après, il recruta la firme Kluge, de Gleiwitz, spécialisée dans la construction sous terre et en surface. À l’été 1944, plus de cinq cents entreprises plus ou moins importantes, de l’ensemble du Reich, avaient contribué à construire et à entretenir le camp, à savoir, divers types de constructions, d’installations et de fournitures. La Deutsche Bank – et ce point a fait dernièrement l’objet d’une importante couverture médiatique – joua un rôle essentiel dans le financement des équipements d’extermination d’Auschwitz. Cette banque fournit le crédit à dix entreprises de construction qui y effectuèrent des travaux aussi bien pour la Waffen-SS que pour IG Farben. Certains montants impliqués étaient si élevés qu’ils requéraient l’approbation des directeurs de la banque à Berlin ; on peut donc supposer que ses principaux dirigeants se doutaient de la finalité de l’emploi des fonds [16].
L’installation des SS
26Au cours de l’été 1940, Auschwitz devint le lieu de cantonnement des soldats de la SS. Ce fut le début d’une macabre idylle. Les hommes furent d’abord logés dans un ancien bloc de baraquements à l’extérieur du camp de « détention de protection », ainsi que dans le gymnase près du Kasernenblock, sur le pont de la Sola. D’autres édifices, parfois même des rues entières, furent progressivement confisqués au profit de la SS. En fin de compte, le soi-disant campement des SS s’était étendu pour devenir une partie distincte de la ville. En août 1944, 3 342 personnes liées à la SS étaient en poste dans le camp ; ce chiffre allait culminer à 4 481 pendant deux semaines du mois de janvier 1945. À la fin de la guerre, un total de quelque sept mille membres de la SS avaient servi à Auschwitz, dont environ deux cents femmes inspectrices [17].
27Dans une première période, les familles des SS n’étaient pas autorisées à vivre dans le camp. Mais la politique changea bientôt, et les fiancées ou épouses furent encouragées à suivre leurs maris à Auschwitz, accompagnées de leurs enfants, afin d’avoir une vie de famille normale. Comme le montrent diverses directives et rapports internes des commandants du camp adressés aux unités de garde, l’administration du camp approuvait d’innombrables demandes de résidence [18]. Vivre dans le quartier des SS présentait plusieurs aspects plaisants. Par exemple, les médecins de la garnison SS répondaient aux besoins des familles des SS et étaient donc appelés « médecins de famille », et leurs consultations « heures de service pour les familles ». Il n’était pas rare que les enfants d’une famille SS, tout en jouant, dépassent en courant la zone marquée par la grande chaîne des postes de garde ; à cet égard, les directives mentionnent avec irritation les enfants qui paradaient le long des colonnes de détenus lors de l’entrée et de la sortie quotidiennes des groupes de travail. Le bureau du commandant avertit du danger mortel qu’encouraient ces enfants en cas de tentatives d’évasion, compte tenu de l’« usage, nécessaire ici, d’armes à feu par les gardes de l’escorte ». La mise en garde se poursuivait en évoquant les « risques d’ordre moral » résultant du « contact des enfants avec les prisonniers », ainsi que l’irresponsabilité des parents impliqués dans de tels contacts [19].
28À l’acmé du processus d’extermination, le nombre de membres des familles SS augmenta de façon saisissante. Les emménagements dans le camp devinrent si nombreux que le bureau du commandant fut dans l’obligation de refuser d’allouer davantage d’espace aux familles des SS [20]. En juin 1944, le commandant dut donner l’ordre formel aux gardes du camp de refuser « l’entrée d’étrangers dans l’enceinte du camp [21] ». À cette époque, des centaines de milliers de Juifs hongrois y étaient gazés.
Rempart du Deutschtum
29J’ai souligné que, compte tenu de sa structure « raciale » et de sa localisation dans la « zone orientale » juridiquement inférieure, la petite ville d’Auschwitz ne joua, au début, qu’un rôle marginal dans la politique nazie de « germanisation ». Mais, au printemps 1941, cette situation changea du tout au tout, par suite de la construction d’une usine d’IG Farben, l’un des projets d’investissement les plus importants, les plus coûteux et les plus ambitieux, lancé par le Reich allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. À un rythme stupéfiant, apparut une politique de planification urbaine fondée sur l’industrie qui fit d’Auschwitz un « modèle de colonisation dans l’Est [22] », autrement dit, un modèle de « germanisation » du Lebensraum conquis.
30IG Farben, la plus grande firme allemande privée, possédait l’une des usines chimiques les plus importantes d’Europe. La construction de l’usine d’Auschwitz répondait, certes, à un besoin urgent de la politique économique du gouvernement allemand nazi ; en même temps, elle correspondait à un objectif tout aussi urgent de la politique démographique : l’érection d’un « rempart du Deutschtum » à la lisière orientale du Reich allemand.
31Le leitmotiv de la politique de la firme portait sur le lien bénéfique à établir entre le dogme idéologique racial et l’intérêt économique. IG Farben fut la première entreprise privée du Reich à construire un camp de concentration – celui de Monowitz. La firme établit sans le moindre scrupule une étroite complicité avec la SS. De plus, se mettant au service de la « germanisation », elle se lança dans une brutale restructuration raciale de la population de la ville, dont les habitants juifs furent déportés, conséquence directe de la construction de l’usine. Le 7 avril 1941, des notables des milieux politique et industriel inaugurèrent la nouvelle usine par une cérémonie organisée à Katowice. Dans le même temps, les Juifs d’Auschwitz furent expulsés par la force de leur ville, ce qui mit abruptement fin à sept cents ans de tradition juive. Ils furent déportés dans les sites de rassemblement et les futurs ghettos de Sosnowitz et Bedzin (Bendsburg), d’où ils furent par la suite renvoyés dans le camp de la mort, aux portes de leur propre ville. Les habitants polonais demeurèrent à Auschwitz, afin de servir de main-d’œuvre dans la construction de l’usine d’IG Farben. Selon les plans (qui n’allaient pas se réaliser), dès qu’ils auraient rempli leur mission, ils devaient disparaître.
32Des villages entiers furent évacués au printemps 1941, après l’ordre donné par Himmler de créer un gigantesque domaine agricole appelé Interessengebiet – au voisinage immédiat du camp d’Auschwitz. À l’automne 1941, un ensemble de camps fut érigé sur le site de l’ancien village de Birkenau où vivaient quelque trois mille huit cents Juifs et Polonais [23]. Ce nouveau complexe était bien plus étendu que le camp d’origine. Prévu au départ pour être un camp de prisonniers de guerre soviétiques – l’ordre de construction fut donné le 26 septembre 1941 – Birkenau, dès le début de l’été 1942 était presque certainement devenu le lieu du massacre des Juifs d’Europe.
33Dans le même temps, dans le cadre du « développement civilisationnel » de la ville d’Auschwitz, l’architecte en chef Hans Stosberg, convoqué spécialement à cet effet, travaillait à de grandioses plans de construction destinés aux futurs habitants allemands : larges rues bordées d’habitations, somptueux édifices du parti, une « ville résidentielle » pour les « épigones » d’IG Farben, ainsi que des stades, des piscines, des parcs. La rénovation de quartiers entiers de la ville fut prévue. Il s’agissait, sur la planche à dessin, d’héberger entre soixante-dix et quatre-vingt mille habitants allemands.
34Même si le grand projet de Stosberg ne vit pas le jour (du moins dans son intégralité), le fait est qu’Auschwitz devint le nouveau centre de vie pour plusieurs milliers d’Allemands du Reich. Il est frappant de constater que les colons arrivèrent dans la ville à peu près à l’époque où le processus d’extermination mené dans le camp atteignait un premier apogée en 1943. La plupart des arrivants étaient des membres du personnel d’IG Farben, venant de villes dans lesquelles la firme avait des succursales. Par la suite, les colons arrivèrent de toutes les régions du Reich, car – à l’instar de toute la Silésie – la région située autour d’Auschwitz, encore épargnée par les bombardements, était devenue plus attrayante.
35En 1943, les vingt-huit mille habitants de la ville d’Auschwitz représentaient une population deux fois plus élevée qu’en 1939. Certes, les Juifs ne vivaient plus dans l’ancienne Oswiecimer Jerusalem. S’installèrent à leur place environ sept mille Allemands du Reich. En fait, on ne sait pas grand-chose à leur sujet. On ignore par exemple si IG Farben avait rendu leur déplacement obligatoire, et comment il s’opéra. Il demeure cependant évident que les Allemands du Reich bénéficièrent d’avantages fiscaux dans les régions annexées de l’Est, et que parmi les personnes qui s’y installèrent se trouvaient de nombreux jeunes, venus semble-t-il, compléter leur formation dans la nouvelle usine.
36Comme le montrent de nombreuses sources historiques, des informations partielles concernant le camp, ainsi que des rumeurs, des intuitions et des soupçons circulaient au sein de la population allemande d’Auschwitz. De plus, il régnait un sentiment pesant que la fréquente puanteur douceâtre de chair brûlée, trop prégnante pour ne pas être remarquée, avait une origine répréhensible. Jusqu’à la mise en fonction du nouveau grand four crématoire au printemps 1943, les personnes assassinées par du gaz toxique à Birkenau étaient brûlées en plein air. Mais quiconque le voulait pouvait trouver des explications simples : d’aucuns se disaient par exemple qu’il « allait de soi » que le taux de mortalité soit élevé dans le camp et qu’il fallait incinérer les corps. De tels arguments, psychologiquement confortables, rendaient possible le triomphe d’une dissonance cognitive ; de toute évidence, une angoisse latente conduisait à omettre de se renseigner. L’indifférence était fréquente ; le degré d’approbation n’est guère connu. De toute façon, les protestations ne se formulaient pas à voix haute. Ce qui était significatif, c’était l’absence d’action.
37L’attention principale des habitants allemands portait sur leur promotion professionnelle et leur vie privée. Le camp n’entrait guère en ligne de compte à quelques exceptions près, par exemple quand les SS lancèrent une invitation à « un repas communautaire suivi d’un grand après-midi radieux » dans les quartiers de la SS, à l’occasion de ce qu’on appelait le jour de la Wehrmacht, fin mars 1943. La poursuite d’une vie normale, détendue dans la ville apparaît aussi lors des bruyantes célébrations qui eurent lieu dans l’auberge de la place du marché, le Ratshof, à la veille du nouvel an 1943-1944. L’établissement était dirigé par un homme de Wuppertal qui rapporta fièrement à un ami de l’Ancien Reich que les tickets d’entrée étaient aussi convoités qu’« au bal de la presse à Berlin [24] ».
38En matière de prise de conscience du massacre, nous devons assurément nous demander à quel point les connaissances pouvaient être détaillées, et s’il existait une possibilité de régler le conflit. Ce qui est sûr, c’est que certains groupes de personnes à Auschwitz avaient une connaissance précise de ce qui se produisait : les employés de la Reichsbahn, par exemple, qui accompagnaient régulièrement les trains de la mort arrivant de la gare jusqu’à Birkenau. Et le gazage des prisonniers qui n’étaient plus « capables de travailler » n’était pas un secret pour les directeurs d’IG Farben en particulier, eux qui, à Nuremberg, nièrent toute culpabilité dans le meurtre de vingt-cinq mille personnes astreintes au travail [25].
39***
40Dans le cadre des travaux généraux sur la Shoah, deux aspects de cette évaluation de l’espace concret historico-politique du camp d’Auschwitz – Auschwitz n’était pas situé dans « l’Est lointain » mais faisait partie du Reich allemand – et l’atmosphère sociale du camp revêtent une importance fondamentale.
41Premièrement, la planification d’un nouvel ordre économique et social joua un rôle important dans la légitimation du massacre des Juifs. Au service du processus de germanisation, les plans de transformation sociale de bourgades et de villes, élaborés scientifiquement, offraient une justification (pseudo-) objective des mesures radicales prises à l’encontre des Juifs. Cependant, les plans de modernisation et de reconstruction ne furent pas la cause du massacre. Ils furent plutôt l’expression en situation et l’application pratique meurtrière d’une conviction idéologico-raciale profondément intériorisée. Au nom d’une soi-disant modernisation, des fonctionnaires jusqu’au niveau inférieur des maires réclamèrent la « disparition » des Juifs. Les impulsions d’une grande portée données pour la réalisation de la politique d’assassinat provenaient précisément des bureaux administratifs de rang inférieur et moyen.
42Deuxièmement, comme le meurtre des peuples « racialement inférieurs » était la clé de l’avenir des Allemands dans l’Est à long terme, et comme la revendication allemande à la domination justifiait le crime idéologiquement, ni la vie quotidienne des habitants allemands de la ville d’Auschwitz, ni leur sens du droit et de la morale ne furent affectés par cet effroyable crime.
43Au contraire, l’extermination reçut une légitimation morale : elle assurait l’existence de la « race aryenne », et elle se définissait comme nécessaire dans le contexte d’un ordre de valeurs génético-biologiques.
44Dans le contexte de la « purification raciale » de l’Est occupé, le camp de concentration et le camp de la mort d’Auschwitz n’étaient rien d’autre qu’un complément de la ville modèle de colonisation. La proximité de la ville et du camp montre très clairement une chose : le massacre et la reconstruction allemande n’étaient pas en opposition. Au contraire, les politiques de « germanisation » et d’extermination constituaient une unité conceptuelle, spatiale et temporelle. Le camp lui-même n’était pas secret, même si certaines activités étaient censées l’être et même si les habitants ne savaient pas tout. La colonisation, le développement urbain et économique allaient de pair avec la politique de dépopulation, le travail forcé et le génocide. Le meurtre d’individus « racialement sans intérêt » contribuait à l’émergence d’une « communauté populaire racialement pure ». Fondamentalement, la « reconstruction allemande » dans l’Est était totalement inconcevable sans un programme d’extermination simultané.
Notes
-
[1]
Sybille Steinbacher est professeur d’histoire ; elle enseigne l’histoire et les conséquences de la Shoah à la Goethe-Universität de Francfort-sur-le-Main. Elle dirige également le Fritz Bauer Institut. Parmi ses publications, citons entre autres Auschwitz. Geschichte und Nachgeschichte, Munich, Beck, 2017 (1re édition : 2004) ; « Musterstadt » Auschwitz. Germanisierungspolitik und Judenmord in Ostoberschlesien, Munich, Saur, 2000.
-
[2]
Norbert Frei, « Auschwitz und Holocaust. Begriff und Historiographie », in Hanno Loewy (éd.), Holocaust : Die Grenzen des Verstehens. Eine Debatte über die Besetzung der Geschichte, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1992, p. 101-109, ici p. 101. Pour un état des travaux sur la question, voir Waclaw Dlugoborski et Franciszek Piper, Auschwitz 1940-1945. Studien zur Geschichte des Konzentrations- und Vernichtungslagers Auschwitz, vol. I : Aufbau und Struktur des Lagers ; vol. II : Die Häftlinge. Existenzbedingungen, Arbeit und Tod ; vol. III : Vernichtung ; vol. IV : Widerstand ; vol. V : Epilog, Oswiecim, musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1999, ici vol. 1, p. 25-40 ; en français Auschwitz, 1940-1945 : les problèmes fondamentaux de l’histoire du camp, I. La construction et l’organisation du camp ; II. Les détenus. La vie et le travail ; III. L’extermination ; IV. La résistance ; V. Épilogue (évacuation et libération du camp), traduit du polonais par Cécile Bruley-Meszaros et Branislav Meszaros, Oswiecim, musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 2011.
Le présent texte est une version légèrement modifiée de notre article « The Relationship of the Auschwitz Death Camp to the Outside Environment, Economy and Society », in Jeffry M. Diefendorf (éd.), Lessons and Legacies, vol. VI : New Currents in Holocaust Research, Evanston (Ill.), Northwestern University Press, 2004, p. 21-36. -
[3]
Hans Buchheim, Martin Broszat, Hans-Adolf Jacobsen et Helmut Krausnick (éd.), Anatomie des SS-Staates, Munich, Deutscher Taschenbuch Verlag, 1994 (6e édition), (1re édition : Fribourg-en-Brisgau, Walter, 1965) ; en anglais, Anatomy of the SS State, traduit par Marion Jackson et Dorothy Long, Londres, Granada, 1970.
-
[4]
Rudolf Augstein et alii, Historikerstreit. Die Dokumentation der Kontroverse um die Einzigartigkeit der nationalsozialistischen Judenvernichtung, Munich, Piper, 1988 (6e édition). Un tour d’horizon de l’historiographie sur la Shoah en Allemagne est proposé par Ulrich Herbert, « Holocaust-Forschung in Deutschland : Geschichte und Perspektiven einer schwierigen Disziplin », in Frank Bajohr et Andrea Löw (éd.), Der Holocaust. Ergebnisse und neue Fragen der Forschung, Francfort-sur-le-Main, Fischer Taschenbuch, 2015, p. 31-79. Voir également Ulrich Herbert, « Vernichtungspolitik. Neue Antworten und Fragen zur Geschichte des “Holocaust” », in Ulrich Herbert (éd.), Nationalsozialistische Vernichtungspolitik 1939-1945. Neue Forschungen und Kontroversen, Francfort-sur-le-Main, Fischer Taschenbuch, 1998, p. 9-66 ; édition américaine, National-Socialist Extermination Policies. Contemporary German Perspectives and Controversies, New York, Berghahn Books, 1999.
-
[5]
Norbert Frei et alii (éd.), Standort- und Kommandanturbefehle des Konzentrationslagers Auschwitz 1940-1945, Munich, Saur, 2000 ; Sybille Steinbacher, « Musterstadt » Auschwitz. Germanisierungspolitik und Judenmord in Ostoberschlesien, Munich, Saur, 2000 ; Bernd C. Wagner, IG Auschwitz. Zwangsarbeit und Vernichtung von Häftlingen des Lagers Monowitz 1941-1945, Munich, Saur, 2000 ; Norbert Frei, Sybille Steinbacher et Bernd C. Wagner (éd.), Ausbeutung, Vernichtung, Öffentlichkeit. Neue Studien zur nationalsozialistischen Lagerpolitik, Munich, Saur, 2000. Voir aussi Sybille Steinbacher, Auschwitz. A History, Londres et New York, Penguin et Ecco, 2005 ; en allemand Auschwitz, Geschichte und Nachgeschichte, Munich, C. H. Beck, 2015 (3e édition, 1re édition : 2004).
-
[6]
Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, op. cit.
-
[7]
Ce thème est lié aux travaux de Deborah Dwork et Robert-Jan van Pelt, Auschwitz, 1270 to the Present, New York, Norton, 1996. Voir également Mary Fulbrook, A Small Town Near Auschwitz : Ordinary Nazis and the Holocaust, Oxford, Oxford Univresity Press, 2012.
-
[8]
À l’opposé, Wolfgang Sofsky, Die Ordnung des Terrors. Das Konzentrationslager, Francfort-sur-le-Main, Fischer, 1993 (4e édition), p. 24 ; en français, L’Organisation de la terreur : les camps de concentration, traduit de l’allemand par Olivier Mannoni, Paris, Calmann-Lévy, 1995.
-
[9]
La relation entre un camp de concentration et ses environs dans les territoires occupés de l’Est n’a pas été étudiée auparavant ; il existe quelques travaux sur le cadre social de certains sites de camps dans l’Ancien Reich (le Reich allemand dans ses frontières de 1937). Voir Sybille Steinbacher, Dachau, die Stadt und das Konzentrationslager in der NS-Zeit. Die Untersuchung einer Nachbarschaft, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1993 (1re édition) et 1994 (2e édition) ; Jens Schley, Nachbar Buchenwald. Die Stadt Weimar und ihr Konzentrationslager 1937-1945, Cologne, Böhlau, 1999 ; Gordon J. Horwitz, In the Shadow of Death. Living outside the Gates of Mauthausen, New York, Tauris, 1990 ; en français, Mauthausen, ville d’Autriche, 1938-1945, traduit de l’américain par André Charpentier, Paris, Seuil, 1992 ; Isabell Sprenger, Groß-Rosen. Ein Konzentrationslager in Schlesien, Cologne, Böhlau, 1996, p. 153 sq. Voir également Dachauer Hefte 12, 1996, qui porte principalement sur le thème « Lebenswelt und Umfeld » ; en français, Les cahiers de Dachau. Histoire des camps de concentration nazis, études, rapports et documents, Dachau, Éditions Dachauer Hefte, 1993.
-
[10]
Sur le Volksgemeinschaft en tant que facteur d’identification, voir Frank Bajohr et Michael Wildt (éd.), Volksgemeinschaft. Neue Forschungen zur Gesellschaft des Nationalsozialismus, Francfort-sur-le-Main, Fischer Taschenbuch, 2012 (2e édition) et 2009 (1re édition) ; Detlev Peukert, Volksgenossen und Gemeinschaftsfremde. Anpassung, Ausmerze und Aufbegehren unter dem Nationalsozialismus, Cologne, Bund Verlag, 1982, p. 233 sq.
-
[11]
Voir Sybille Steinbacher, « East Upper Silesia », in Wolf Gruner et Jörg Osterloh (éd.), The Greater German Reich and the Jews. Nazi Persecution Policies in the Annexed Territories 1935-1945, traduit de l’allemand par Bernard Heise, New York et Oxford, Berghahn, 2015, p. 239-266.
-
[12]
Au nord-est de la Slovénie.
-
[13]
L’idée selon laquelle les conditions d’incarcération en Silésie auraient conduit à la construction d’Auschwitz est inexacte. Le manque de place dans les prisons ne joua aucun rôle dans les réflexions de Himmler. Le premier auteur à émettre cette opinion fut Alfred Konieczny, « Bemerkungen über die Anfänge des KL Auschwitz », Hefte von Auschwitz 12, 1970, p. 4-44. Elle fut reprise sans vérification dans des travaux ultérieurs. Franciszek Piper, « Die Entstehungsgeschichte des KL Auschwitz », in Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, op. cit., vol. I, p. 43-71, ici p. 59 sq. Sur l’histoire du camp, voir Wolfgang Benz et alii, « Auschwitz », in Wolfgang Benz et Barbara Distel (éd.), Der Ort des Terrors. Geschichte der nationalsozialistischen Konzentrationslager, vol. 5 : Hintzert, Auschwitz, Neuengamme, Munich, C. H. Beck, 2007, p. 79-312 ; Danuta Czech, Kalendarium der Ereignisse im Konzentrationslager Auschwitz-Birkenau 1939-1945, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1989 ; Franciszek Piper, « Die Entstehungsgeschichte des KL Auschwitz », in Dlugoborski et Piper (éd.), Auschwitz 1940-1945, vol. 1, p. 43-71.
-
[14]
Voir Karin Orth, Das System der nationalsozialistischen Konzentrationslager. Eine politische Organisationsgeschichte, Hambourg, Hamburger Edition, 1999, p. 76 sq ; Nikolaus Wachsmann, KL. A History of the Nazi Concentration Camps, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2015, p. 214 sq ; en français Une histoire des camps de concentration nazis, traduit par Jean-François Sené, Paris, Gallimard, 2017.
-
[15]
On est induit en erreur par plusieurs travaux affirmant que le maire d’Auschwitz mettait les Juifs « à la disposition » [de tous]. Voir Irena Strzelecka et Piotr Setkiewicz, « Bau, Ausbau und Entwicklung des KL Auschwitz und seiner Nebenlager », in Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, op. cit., vol. I, p. 73-99, ici p. 73. L’erreur provient d’une mauvaise compréhension du terme « communauté » (Gemeinde), sur lequel se fondaient les témoins juifs pour leur information sur les recrutements forcés. Le mot désignait la communauté juive et non la société politique dans son ensemble. On ignore pourquoi des travailleurs polonais ne furent pas enrôlés pour la construction du camp.
-
[16]
Voir Michael Hepp, « Deutsche Bank, Dresdner Bank. Erlöse aus Raub, Enteignung und Zwangsarbeit 1933-1945 », 1999. Zeitschrift für Sozialgeschichte des 20. und 21. Jahrhunderts 15, 2000, cahier 1, p. 64-116, en l’occurrence p. 95 sq.
-
[17]
Voir l’analyse sociologico-démographique d’Aleksander Lasik, « Die SS-Besatzung des KL Auschwitz », in Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, op. cit., vol. I, p. 321-384.
-
[18]
Sur ce point et sur ce qui suit, voir Frei et alii (éd.), Standort- und Kommandanturbefehle, op. cit.
-
[19]
Ibid., Kommandanturbefehl 8/43, 20 avril 1943 ; Standortbefehl 25/43, 1[2] juillet 1943.
-
[20]
Ibid., Standortbefehl 22/44, 18 août 1944.
-
[21]
Ibid., Standortbefehl 17/44, 9 juin 1944.
-
[22]
Muster der Ostsiedlung, tel était le terme utilisé lors de la réunion au cours de laquelle fut créé le Interessengemeinschaft d’Auschwitz, réunion qui se tint à Katowice le 7 avril 1941. Nürnbg. Dok. NI-11117, p. 1-12, en l’occurrence p. 9, reproduit in Nürnberg Military Tribunal (procès des criminels de guerre), vol. 8, p. 383-388, en l’occurrence p. 386. Sur IG Farben, voir Wagner, IG Auschwitz, op. cit. ; Susanne Willems, « Monowitz (Monowice) », in Benz et Distel (éd.), Der Ort des Terrors, vol. 5, op. cit., p. 276-284.
-
[23]
Voir Irena Strzelecka et Piotr Setkiewicz, « Bau, Ausbau und Entwicklung des KL Auschwitz und seiner Nebenlager », in Dlugoborski et Piper, Auschwitz 1940-1945, vol. I, op. cit., p. 73-99, ici p. 84 sq.
-
[24]
Le bal de la Presse est une tradition allemande qui remonte au 9 mars 1872 et a pour objectif de venir en aide aux journalistes en détresse. C’est l’un des grands événements de société en Allemagne. (N.d.T.)
-
[25]
Voir Bernd C. Wagner, « Gerüchte, Wissen, Verdrängung. Die IG Auschwitz und das Vernichtungslager Birkenau », in Frei, Steinbacher et Wagner (éd.), Ausbeutung, Vernichtung, Öffentlichkeit, op. cit., p. 231-248.