Couverture de RHSHO_188

Article de revue

L’historiographie israélienne de la Shoah

History of Holocaust’s historical research in Israel, 1945-1980

Pages 47 à 92

Notes

  • [1]
    Cet article se fonde sur ma thèse de doctorat intitulée « La recherche historique sur la Shoah en Israël de 1945 à 1985 : caractéristiques, tendances et orientations », soutenue en 2004 à l’université Bar-Ilan dans le département d’histoire d’Israël, sous la direction du professeur Dan Michman.
  • [2]
    Professeur d’Histoire de la Shoah, collèges universitaires de Shaanan et de Galilée occidentale, chercheur à l’université Bar-Ilan.
  • [3]
    Voir Boaz Cohen, « Holocaust Survivors and the Genesis of Holocaust Resarch », in Johannes-Dieter Steinert et Inge Newth-Weber, Beyond Camps and Forced Labour. Current International Research on Survivors of Nazi Persecution, Osnabrück, Secolo Verlag, 2005, pp. 290-300.
  • [4]
    « Yad Vashem Lagola, Projet présenté by S. [sic] Shenhabi, 22 décembre 1945. Remarques de Z. Warhaftig, 13 juin 1945 », Archives de Yad Vashem, P20/47, en anglais.
  • [5]
    Mordekhaï Shenhavi à David Remez, 27 janvier 1947, Archives sionistes centrales (ASC), A180/124.
  • [6]
    Souligné dans l’original. Mordekhaï Shenhavi, réunion du comité de Yad Vashem, 26 octobre 1947, ASC, J1/6448.
  • [7]
    Yad Vashem au comité central d’histoire de Munich, 14 mai 1947, Archives de Yad Vashem, M1/B2.3.b.
  • [8]
    Arié Tartakover, « Remarques méthodologiques sur l’étude de la Shoah », Archives de Yad Vashem, AM1/237, pp. 4-6. Toutes les citations suivantes se trouvent dans ce passage. Une approche similaire se dégage des propos d’Abba Kovner lors d’une rencontre avec les membres de la Brigade juive en Italie, le 17 juillet 1945 : « Je sais […] que la prochaine guerre n’est pas éloignée […]. L’enjeu de cette guerre sera notre gorge, notre gorge à tous. » Abba Kovner, « La mission des derniers », in La Shoah des Juifs d’Europe, contexte, histoire, signification, Jérusalem, 1973, p. 479, en hébreu.
  • [9]
    Zerah Warhaftig, « Archives mondiales centrales de Jérusalem », p. 4.
  • [10]
    Docteur Kupferberg, Archives de Yad Vashem, AMI1/237, p. 25.
  • [11]
    Par exemple : « Pour apprendre le caractère impératif de la sortie d’Europe », Hamashkif, 4 juillet 1947, et « Article principal sur notre catastrophe », Haaretz, 4 juillet 1947, publiés dans la perspective de la réunion du Congrès. Le 14 avril 1947, le congrès fut mentionné dans les journaux Haaretz, Davar, Al Hamishmar et Hamashkif ; le lendemain, ces journaux publièrent des reportages sur les débats du congrès. L’émission de radio d’Isaïe Klinov, intitulée « Le Tableau noir », fut diffusée sur Kol Yeroushalaïm le 18 juillet 1947.
  • [12]
    Zvi (Henryk) Szner, né en 1912 à Lodz (Pologne), Archives Beit Lohamei Haghettaot, 2793.
  • [13]
    Voir « Les grandes étapes de l’histoire de Beit Lohamei Haghettaot », Edout, 4 novembre 1989, pp. 15-18 ; revues Yediot Beit Lohamei Haghettaot, Dapim le Heker HaShoah vehaMered, vol. I, 1951, vol. II, 1952 ; voir aussi l’article de Yehoyakim Kokhavi, « 50 années : continuités et ruptures », Dapim le Heker HaShoah vehaMered, 67, pp. 213-250, en hébreu.
  • [14]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 15 novembre 1955. Les procès-verbaux des réunions de la direction se trouvent dans plusieurs volumes aux archives de Yad Vashem, Archives administratives, dossier AM2.
  • [15]
    Nahman Blumental, Dapim leHeker haShoah vehaMered, I, Tel-Aviv, 1951, p. 5.
  • [16]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 18 octobre 1955, Archives de Yad Vashem, AM2.
  • [17]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 28 août 1955, avec la participation de Nahum Goldmann, Archives de Yad Vashem, AM 2.
  • [18]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 28 août 1955.
  • [19]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 18 octobre 1955.
  • [20]
    Séance de la direction de Yad Vashem, en comité restreint, 6 janvier 1955.
  • [21]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 26 septembre 1958.
  • [22]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 18 octobre 1955. Archives de Yad Vashem, AM2.
  • [23]
    Ben Zion Dinur, « La Chronique des communautés, projet et problèmes de sa mise en œuvre », Zakhor, Le souvenir de la Shoah et son enseignement, Jérusalem, 1958, p. 117, en hébreu.
  • [24]
    La quintessence historique des communautés détruites en Europe (N.D.A).
  • [25]
    Dinur, « La Chronique des communautés », op. cit., p. 117.
  • [26]
    La place restreinte occupée par la Shoah dans l’œuvre et dans l’activité de Dinur est mise en lumière dans l’article de Yossef Kaplan, « Ben Zion Dinur (1884-1973) », Zion, 68e année, 2003, pp. 411-424. Cinq lignes seulement de cet article évoquent son rôle dans la création puis la direction de Yad Vashem.
  • [27]
    La question de savoir ce qui poussa les rescapés à écrire est traitée ici d’après les propos des historiens rescapés. On trouve des réactions similaires dans la littérature des rescapés et dans les journaux intimes rédigés pendant l’occupation nazie. Voir Terrence Des Pres, The Survivor : An Anatomy of Life in the Death Camps, New York, Oxford University Press, 1976 ; Sara Horowitz, « Voices from the Killing Ground », in Geoffrey H. Hartman, Holocaust Remembrance : The Shapes of Memory, Oxford et Cambridge (Mass.), Blackwell, 1994 ; Billie J. Jones, « Why tell ? An examination of the motivations that have prompted Holocaust victims to recount their experiences through narratives and the benefits of such narratives », mémoire de maîtrise, Bowling Green State University, 1996.
  • [28]
    Nahman Blumental, « Quel sens conférer à notre travail de collecte ? », Yediot Yad Vashem n° 3, Jérusalem, décembre 1954, p. 8, en hébreu.
  • [29]
    Méir Dworzecki, « Et je raconterai ce que mes yeux ont vu », Bein haBetarim, Tel-Aviv, 1956, p. 72, en hébreu. Ce poème fut publié pour la première fois à Paris en septembre 1948. Le titre de cette autobiographie fait référence à un verset de la Genèse dans lequel Abraham, sur injonction divine, procède à un sacrifice/alliance (N.d.T.).
  • [30]
    Yosef Kermisz, « L’état de la recherche sur la Shoah », Yediot Yad Vashem, n° 1, avril 1954, p. 10, en hébreu.
  • [31]
    Nathan Eck, « Allégeons le poids qui pèse sur la génération », Dapim leHeker haShoah vehaMered, n° 1, 1951, p. 204, en hébreu.
  • [32]
    Hans Günther Adler, Theresienstadt 1941-1945. Das Antlitz einer Zwangsgemeinschaft, Tübingen, Mohr, 1955.
  • [33]
    Hans Günther Adler, Der Verwaltete Mensch, Tübingen, Mohr, 1974, début de l’introduction.
  • [34]
    Ada Friedman, l’épouse de Philip Friedman, sans date, vraisemblablement lors de la réunion organisée en son souvenir, New York, Archives YIVO, 1258/982.
  • [35]
    Israël Kaplan, 19 juillet 1968, Archives personnelles.
  • [36]
    « En vertu de l’accord de haavara (mot signifiant « transfert » en hébreu), conclu en 1933 entre le ministère des Affaires économiques du Reich et l’Agence juive, les Juifs d’Allemagne qui émigraient en Palestine versaient un pourcentage de leurs avoirs sur un compte de la Reichsbank. À leur arrivée en Palestine, une partie de cet argent – de plus en plus réduite au cours des années – leur était remboursée une fois que des produits allemands d’une même valeur avaient été exportés en Palestine. Pour les émigrants, cet accord présentait l’avantage de leur permettre de transférer leurs avoirs à un taux de change plus favorable que le taux officiel. Le gouvernement allemand y trouvait l’avantage d’encourager l’émigration juive sans épuiser les rares réserves en devises étrangères du Reich, et en outre cet accord incitait les émigrants juifs à mener campagne pour la fin du boycott des produits allemands imposés dans le but de protéger la minorité juive en Allemagne. Cf. W. Fellchenfeld, W. Michaelis, L. Pinner, Haavara-Transfer nach Palästina und Einwanderung deutscher Juden 1933-1939, Tübingen, 1972 ; voir également Enzyklopädie des Holocaust. Götz Aly et Susanne Heim, Les Architectes de l’extermination, Paris, Calmann-Lévy/Mémorial de la Shoah, 2006, p. 347, note 49 du chapitre 2 (N.d.T.).
  • [37]
    « Groupe des administrateurs de Yad Vashem » aux membres du Conseil de Yad Vashem, réuni le 17 juin 1958, Archives de Yad Vashem, AM1/364.
  • [38]
    Yosef Weitz, séance de la direction de Yad Vashem, 22 mai 1958, Archives de Yad Vashem, AM2.
  • [39]
    Sur la question de la place des témoins dans la commémoration de la Shoah, et sur la tension entre témoins et chercheurs, voir : Annette Wieviorka, L’Ère du témoin, Paris, Plon, 1998. Selon l’auteur, avant le procès Eichmann, « l’organisation des rescapés servit de lieu de rencontre sociale et d’entraide, mais ne s’inspira pas de la volonté de raconter à ceux qui n’y étaient pas » (p. 79), et après le procès, les rescapés et leurs témoignages constituèrent une alternative à la recherche. Cette affirmation n’est pas exacte en ce qui concerne la recherche israélienne. Voir également Annette Wieviorka, « From Survivor to Witness : Voices from the Shoah », in Jay Winter et Emmanuel Sivan, War and Remembrance in the Twentieth Century, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 1999, pp. 125-141. Sur le fait que la question du témoin et de la recherche se pose également pour d’autres événements historiques, voir Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, 1914-1918 – Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000. Cet ouvrage établit un parallèle entre la tension inhérente au domaine de la Shoah et celle du domaine du souvenir et de la recherche sur la Première Guerre mondiale.
  • [40]
    Il ne fait aucun doute que Dinur considérait la recherche comme étant au service de la nation. Cependant, cela ne diminua pas chez lui la volonté de respecter les critères scientifiques tels qu’il les concevait.
  • [41]
    Membre des Amis de Yad Vashem, 3 octobre 1958, Archives de l’Université hébraïque, 1954/58/1.
  • [42]
    Sur la création de l’Institut et les controverses dont il fit l’objet, voir Boaz Cohen, « The Birth Pangs of Holocaust Research in Israel », Yad Vashem Studies 33, Jérusalem, 2005, pp. 203-243, en hébreu et en anglais.
  • [43]
    Lettre du groupe des administrateurs de Yad Vashem.
  • [44]
    Ibid.
  • [45]
    Jusqu’en 1961, date de l’inauguration de la salle du Souvenir, il n’existait pas le moindre élément de commémoration à Yad Vashem, mais seulement des bureaux, une bibliothèque et des archives. Ce n’est que dans les années 1970 que fut créé un monument en mémoire de la Résistance juive. Ce célèbre monument de Rappaport, commémorant le souvenir de la révolte du ghetto de Varsovie, ne fut érigé qu’en 1974, alors qu’il se trouvait dans des caisses depuis le début des années 1950.
  • [46]
    Nathan Eck, « Témoignage devant la commission permanente », au cours de la séance du 16 juillet 1958, 25 Tammouz 5718, Archives de l’Université hébraïque, 1954/58.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    Ibid.
  • [49]
    David Lazar, « Que faisiez-vous à Yad Vashem ? », Maariv leErevShabbat, 9 mai 1958.
  • [50]
    Zvi Zinger, « Est-il justifié de calomnier Yad Vashem ? », Ein beEin, n° 24, Jérusalem, 13 juin 1958, pp. 9-10.
  • [51]
    David Lazar, art. cit.
  • [52]
    Ibid.
  • [53]
    Qui prophétisait à l’époque de la destruction du Temple (N.d.A.).
  • [54]
    Dinur, séance de la direction de Yad Vashem, 22 mai 1958.
  • [55]
    Moshé Kol, Yehuda Leib Bialer, Méir (Mark) Dworzecki, ibid.
  • [56]
    M. Dworzecki au recteur de l’Université hébraïque, « Mémorandum sur la création d’un Institut de recherche sur l’histoire des Juifs à l’époque de la Shoah », Paris, 30 août 1949, Archives de Yad Vashem, P10/38.
  • [57]
    Jour de jeûne commémorant le début du siège de Jérusalem par Nabuchodonosor, choisi par le grand rabbinat d’Israël pour réciter le kaddish public pour toutes les victimes de la Shoah dont le lieu et la date du décès sont inconnus (N.d.T.).
  • [58]
    Shmuel Ettinger, séance du comité scientifique du 20 novembre 1968, Archives de Yad Vashem, AM2 ; les procès-verbaux des séances du Comité scientifique se trouvent dans les bureaux de l’historien en chef de Yad Vashem ainsi que dans les Archives de Yad Vashem M12/477.
  • [59]
    Comité scientifique consultatif – rapport de l’année 1973, Jérusalem, novembre 1973, Archives de Yad Vashem, AM12/477.
  • [60]
    Shmuel Ettinger, séance du comité scientifique, 20 novembre 1968, Archives de Yad Vashem, AM2.
  • [61]
    Nahman Blumental, allocution d’ouverture de l’Exposition permanente sur la Shoah et la révolte, Archives de Beit Lohamei haGhettaot, 2276.
  • [62]
    Pour de plus amples développements sur ce sujet, voir Yehiam Weitz, Entre vision et révision, cent ans d’historiographie sioniste, Jérusalem, 1997, en hébreu.
  • [63]
    Anita Shapira, « Politique et mémoire collective – le débat sur les nouveaux historiens », Entre vision et révision, op. cit., pp. 367-391.
  • [64]
    Par exemple, Yossef Grodzinsky, « Le yishouv, ses dirigeants et leur histoire [II] », Haaretz, 15 avril 1994, et Du bon matériau humain : les Juifs contre les sionistes, 1945-1951, Or Yehouda, Hed Artzi, 1998, en hébreu. Il n’est pas question ici de nier le droit d’un chercheur d’une autre spécialité ou de toute personne à traiter de sujets historiques ; ce point est mentionné ici à titre historiographique.
  • [65]
    Dan Michman développe ce sujet dans son article, « Recherche sur le sionisme face à la Shoah : problèmes, polémiques et terminologie de base », in Entre vision et révision, op. cit., pp. 145-170, en hébreu. Michman soutient, entre autres, que l’image de la recherche sur la Shoah en Israël, telle qu’elle est présentée par les nouveaux historiens, est déconnectée de la réalité.
  • [66]
    Idit Zertal, L’Or des Juifs, Tel-Aviv, Am Oved, 1997, en hébreu (traduit en anglais sous le titre From catastrophe to power : Holocaust survivors and the emergence of Israel, Berkeley, University of California Press, 1998.
  • [67]
    Touvia Friling, Flèche dans la brume, Ben Gourion, les dirigeants sionistes et les tentatives de sauvetage, pendant la Shoah, Jérusalem, 1998, en hébreu (traduit en anglais sous le titre Arrows in the dark : David Ben-Gurion, the Yishuv leadership, and rescue attempts during the Holocaust, Madison, University of Wisconsin Press, 2005).
  • [68]
    Philip Friedman, « La recherche historique sur l’époque de la Shoah et ses problèmes », Yad Vashem, Kovetz mehkarim beparashiot haShoah vehaGuevoura, III, Jérusalem, 1959, p. 29.
  • [69]
    Les débats sur la question de l’édition d’un grand ouvrage sur la Shoah sont traités en détail dans le livre de Roni Stauber, Enseignement pour la génération. Shoah et héroïsme dans la pensée en Israël
    dans les années 1950, Jérusalem, 2000, en hébreu.
  • [70]
    Par exemple, Michael Burleigh, The Third Reich : A New History, New York, 2000 ; Richard J. Evans, The Coming of the Third Reich, Londres, Hill and Wang, 2001.
  • [71]
    Premier volume, p. IX.
  • [72]
    Ibid.
  • [73]
    Voir par exemple Anita Shapira, Le Glaive de la colombe : Sionisme et pouvoir, 1881-1948, Tel-Aviv, Am Oved, 1992, p. 456, en hébreu ; et Neimah Barzel, Opposants jusqu’au bout : la rencontre entre les dirigeants de la révolte des ghettos et la société israélienne, Jérusalem, ha-Sifriyah ha-Tsiyonit, 1998, en hébreu.
  • [74]
    Voir par exemple Moolie Brog, « Mémoire bénie d’un rêve : Mordekhaï Shenavi et les premières idées de commémoration de la Shoah en Eretz Israël, 1942-1945 », Yad Vashem – Kovetz Mehkarim, XXX, 2002, pp. 241-269, en hébreu (traduit en anglais sous le titre « In Blessed Memory of a Dream : Mordechai Shenhavi and Initial Holocaust Commemoration Ideas in Palestine, 1942-1945 », Yad Vashem Studies, n° 30, 2002) ; Tom Segev, Le Septième Million : Les Israéliens et le génocide, Paris, Liana Levi, 1993 (édition originale en hébreu : Keter, Jérusalem 1992).
  • [75]
    Arieh Bauminger, « Une chaire au mont Scopus sur l’extermination des Juifs d’Europe », Davar, 8 octobre 1947, en hébreu.
  • [76]
    Les titres des articles sur ce sujet parlent d’eux-mêmes : David Lazar, « Où est le Yad [main ou monument], où est le nom ? » (jeu de mots sur Yad Vashem, expression empruntée au prophète Isaïe, LVI, 5, N.d.T.), Maariv, 16 juillet 1949 ; Haïm Shorer, « Une immense ombre noire », Davar, 3 septembre 1951 ; Theadore Hatalgi, « La loi sur la nationalité israélienne a-t-elle été appliquée aux six millions de victimes du nazisme », Davar, 18 janvier 1952 ; M. A. « Que commence l’entreprise », Al haMishmar, 11 juillet 1952 ; Moshé Tavor, « Deux fois Yad Vashem », Davar, 26 novembre 1952.
  • [77]
    Zvi Zinger, « Est-il justifié de calomnier Yad Vashem ? », Ein beEin, n° 24, Jérusalem, 13 juin 1958, pp. 9-10.
  • [78]
    Dinur, séance de la direction de Yad Vashem, 22 mai 1958. Également, Melkman, ibid. Voir aussi Yosef Melkman, « Remarques factuelles sur la lettre du groupe des employés. Mme Auerbach, Blumental, Eck et Kermisz » (vraisemblablement présentées à la direction de Yad Vashem lors de sa réunion de 22 mai 1958), AM1 / 368.
  • [79]
    Moshé Kol, séance de la direction de Yad Vashem, 22 mai 1958.
  • [80]
    La Claim Conference était chargée de la restitution des biens juifs spoliés (N.d.T.).
  • [81]
    Pincus à Dinur, séance du comité restreint, 30 juin 1965, pp. 2-4, Archives sionistes centrales S62/1032.
  • [82]
    Pincus qualifia cela « d’issue de l’affaire », séance de la commission chargée de l’Éducation à la Knesset, 12 juillet 1967, p. 4, procès-verbal, n° 76.
  • [83]
    Souligné dans l’original (N.d.A.).
  • [84]
    La commission prit plusieurs décisions dans tous les domaines de compétence de Yad Vashem. La plus importante concerna le changement fondamental de l’administration de l’institution, à savoir la séparation des fonctions de président du conseil et de directeur, assumées toutes deux par Kubovy.
  • [85]
    Réunion de la commission parlementaire chargée de l’Éducation, 12 juillet 1967, p. 4, procès-verbal de la Knesset n° 76.
  • [86]
    « Conclusions de la commission parlementaire chargée de l’Éducation et de la Culture sur la situation à Yad Vashem », Jérusalem, 29 novembre 1967, Archives de Yad Vashem, 358/2 AM1/.
  • [87]
    Les Israéliens et la Shoah, Jérusalem, 1992. Idit Zertal, La Nation et la Mort – histoire, mémoire ; Tom Segev, Le Septième Million, 1945-1951, Or Yehouda, 1992, (en français, Le Septième Million, Les Israéliens et le génocide, Liana Levi, 1993), Yosef Grodzinsky, Matériel humain de qualité : Juifs face aux sionistes, 1945-1951, Tel-Aviv, 1998, en hébreu. Ce phénomène ressort particulièrement du fait qu’il n’est pas question des rescapés, des actions qu’ils menèrent et de la voix que firent entendre nettement leurs associations concernant la commémoration et la mémoire.
  • [88]
    Hanna Yablonka, « Comment se souvenir, et de quoi ? » in Anita Shapira, Yehuda Reinherz, Yaacov Harris, Eidan Hatsionout (l’ère du sionisme), Jérusalem, 2000, en hébreu, pp. 297-316.
  • [89]
    Voir, par exemple, Jan-Werner Müller, Memory & Power in Post-war Europe : Studies in the Presence of the Past, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 2002 ; Jay Winter et Emmanuel Sivan, War and Remembrance in the Twentieth Century, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 1999 ; Martin Evans et Ken Lunn, War and Memory in the Twentieth Century, Oxford et New York, Berg, 1997.
  • [90]
    Winter et Sivan, War and Remembrance, op. cit., pp. 125-141.
  • [91]
    Ibid., p. 30.
  • [92]
    Ibid., p. 17.
  • [93]
    Les phénomènes décrits ici pourraient probablement être appréhendés sous l’angle de l’histoire de l’État d’Israël et de la société israélienne dans les années 1950. La réalité serait ainsi observée non seulement du point de vue des dirigeants politiques, avec, à leur tête, Ben Gourion, mais également du point de vue de la société israélienne en tant que creuset de divers groupes qui tentèrent, chacun à sa façon, d’exercer une influence sur la vision du passé et du présent de la société et des dirigeants.

1Près de 60 ans se sont écoulés depuis les premiers pas de la recherche historique sur la Shoah en Israël. Réalisée jusqu’à présent par les universités, cette recherche a disposé de divers moyens d’expression et d’action auxquels ont eu recours de jeunes et moins jeunes chercheurs. Mais ses débuts furent laborieux. Le présent article exposera l’évolution de ce domaine de recherche, notamment dans ses dix premières années. Il décrira les premières étapes de la recherche et les facteurs personnels, psychologiques et nationaux qui ont influé sur la forme qu’adoptèrent les instituts de recherche. On décrira ainsi non seulement le contexte social dans lequel s’est développé spécifiquement ce travail universitaire, mais aussi le rôle et l’apport des rescapés de la Shoah dans cette recherche, la place qu’elle a occupée dans la mémoire de la Shoah ainsi que dans le débat public en Israël. L’article commencera par une description historique de l’évolution de la recherche israélienne sur la Shoah, avant de se consacrer à un examen thématique d’un certain nombre d’aspects.

L’aube de la recherche : le monde de l’après-guerre

2Les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale furent des années tumultueuses et hautement significatives pour le peuple juif et son avenir. Plusieurs centaines de milliers de Juifs cherchaient à quitter l’Europe. En Eretz Israël se déroulait la lutte pour l’Indépendance, d’abord contre le régime britannique, puis contre les Arabes d’Eretz Israël et les armées régulières des pays arabes. La création de l’État d’Israël et la victoire remportée pendant la guerre d’Indépendance créèrent une situation nouvelle dans l’histoire juive. Ce fut une époque de défis personnels, sécuritaires, économiques, culturels nécessitant de se consacrer principalement à l’édification de l’avenir.

3Avait-on le temps, en cette époque mouvementée, de penser à des travaux de recherche sur la Shoah ou à la commémoration de cette catastrophe ?

4De façon surprenante, ces années furent marquées par une intense activité chez les historiens dans le monde juif, y compris en Israël.

5En Europe, dans les endroits où une vie communautaire juive commençait à réapparaître, des comités d’histoire furent créés par les rescapés. En plusieurs endroits, les institutions juives apportèrent leur soutien à ces comités comme aux centres de documentation, tandis qu’un travail important était aussi effectué à titre individuel. Des initiatives de ce type furent prises à Bratislava, Prague, Vilnius, Paris et dans d’autres villes européennes. À Vilnius fut réunie une documentation sur les partisans qui avaient quitté les forêts ; en Pologne, le Comité des Juifs sortis de la clandestinité s’associa à ceux qui revenaient de l’Est. Ailleurs, comme dans la zone d’occupation américaine en Allemagne, la collecte des témoignages fut organisée par les rescapés des camps. À Paris était fondé le Centre de documentation juive contemporaine qui continua l’archivage clandestin réalisé par des militants juifs pendant la guerre. À Amsterdam, des historiens juifs travaillèrent à l’Institut royal de documentation sur la guerre (Rijksinstitute Voor Oorlogsdokumentatie). Deux comités revêtirent une importance primordiale : le Comité central juif d’histoire en Pologne et le Comité d’histoire des Juifs de la zone d’occupation américaine à Munich. Ces deux organismes disposaient de nombreuses antennes régionales s’occupant de recueillir documents historiques, objets et témoignages de rescapés. Ils éditèrent toutes sortes de publications et revues traitant des divers aspects de l’extermination des Juifs [3]. Vers la fin des années 1940, nombre de personnes travaillant dans ces comités gagnèrent l’État d’Israël récemment créé.

6Avant l’indépendance, dans le Yishouv juif et dans le cadre du combat mené contre les Britanniques pour la création de l’État, il n’existait aucune entreprise d’archivage de ce genre ; c’était quasiment impossible compte tenu du fait que les documents et les témoins se trouvaient en Europe. Par ailleurs, à cette époque, de nombreuses propositions de commémoration des Juifs d’Europe étaient lancées, certaines privées, d’autres émanant d’organismes divers. La proposition acceptée par les institutions nationales fut celle de Mordekhaï Shenhavi, membre d’un kibboutz de l’Hashomer Hatzaïr, qui dès 1942 envisageait une gigantesque entreprise de commémoration en souvenir des Juifs d’Europe assassinés et en mémoire de l’héroïsme manifesté par ceux qui avaient combattu le nazisme. Bien qu’acceptée par les institutions, cette proposition, trop ambitieuse et trop coûteuse, ne fut pas mise en œuvre faute de budget. Il faut rappeler qu’alors, nombreux étaient ceux qui estimaient que l’aide apportée aux Juifs ayant le statut de personne déplacée (DP) en Europe, ainsi que le combat pour la création d’un État qui les intègrerait avaient priorité sur la commémoration. L’institution périclita au cours des années 1950 et finit par cesser toute activité. Elle fut fondée à nouveau, cette fois en tant qu’Autorité officielle du souvenir de la Shoah, par une loi votée en 1953.

7Dans son projet, Shenhavi envisageait une institution à vocation principalement commémorative, tout en prévoyant qu’on y trouverait des informations sur les communautés et sur les personnes exterminées. Cette approche fut souvent critiquée, entre autres par Zerah Warhaftig, qui se trouvait aux États-Unis pendant la guerre où il était vice-président du Hapoel Hamizrahi et membre du comité directeur du Congrès juif mondial. Dès la publication du projet de Yad Vashem, Warhaftig s’opposa vigoureusement aux intentions de Shenhavi qui privilégiait, selon lui, les « pierres tombales » pour ignorer les modes traditionnels de commémoration dans le judaïsme. Pour reprendre ses propos, le peuple d’Israël étant le peuple du Livre, « le livre, l’expression du malheur juif et la célébration de la sanctification du Nom par les livres de souvenir doivent se trouver au centre du projet ». Dans sa critique, Warhaftig souligna la place marginale que Shenhavi réservait à la collecte de documents et aux archives, ainsi que l’absence de budget pour la publication de livres [4]. Arrivé en Eretz Israël en 1947, Warhaftig fut prié de s’associer à la direction de Yad Vashem en tant que représentant du Vaad Haleumi (Conseil national). Il accepta cette fonction à condition que soit créé à Yad Vashem un département de documentation qu’il dirigerait. Shenhavi accepta et c’est ainsi que Yad Vashem commença à réunir de la documentation sur la Shoah.

« Le congrès mondial de la recherche sur la Shoah et l’héroïsme contemporain », Jérusalem, 1947

8C’est également au cours des années 1940 que se déroula la première guerre sur la commémoration : qui, dans le monde juif, dirigerait la commémoration de la Shoah et les travaux de recherche ? Par leur intense activité, les comités d’histoire en Europe, proches des lieux de l’événement et des archives sur le sujet, menaçaient de marginaliser le projet de Yad Vashem dont les fondateurs souhaitaient faire l’instance centrale de commémoration de l’ensemble du peuple juif. La marginalisation de Yad Vashem risquait indirectement de nuire à la portée idéologique de l’entreprise sioniste dans le monde juif tout entier. En 1947, Mordekhaï Shenhavi n’avait pas encore réussi à faire de Yad Vashem un élément central dans la conscience juive de l’après-Shoah. La réunion d’un congrès de recherche historique à Jérusalem auquel seraient invités les représentants des comités d’histoire d’Europe et au cours duquel serait consacrée la centralité de l’institution de commémoration de la Shoah dans le monde juif, fut considérée par lui-même et par ses collègues comme susceptible d’établir l’hégémonie de Yad Vashem. « Ce congrès doit annoncer au peuple le commencement de cette entreprise… », déclara Shenhavi [5]. Ce congrès comportait aussi, on l’a vu, un aspect sioniste marqué : il était susceptible de renforcer le statut du Yishouv en Eretz Israël qui aspirait à l’hégémonie dans le monde juif. À sa grande surprise, il découvrit que le CDJC à Paris était en compétition avec Yad Vashem pour diriger la recherche sur la Shoah alors à ses débuts. En 1947, Isaac Schneersohn, fondateur du CDJC en 1943, avait lui aussi prévu un congrès historique des comités d’histoire d’Europe. Shenhavi s’exclama : « Si nous ne parvenons pas à donner la préséance à notre congrès sur tous les autres, nous aurons échoué dans notre objectif principal ; il faut faire en sorte que le congrès de Paris, s’il se réunit, soit la continuation de notre congrès et non une réunion autonome[6]. » Dans cette compétition, ce furent les membres de Yad Vashem qui l’emportèrent : leur congrès fut organisé en juillet 1947 et celui de Paris ne se réunit qu’en décembre suivant. L’importance majeure de ce congrès ne réside cependant pas dans le combat entre les forces de la gola (l’exil) et celles d’Eretz Israël, mais dans le fait même qu’il fut réuni. Trois ans après la fin de la guerre, après l’effroyable Shoah qui avait décimé le peuple juif, à une époque de luttes politiques décisives (le congrès se déroula dans la semaine de l’arrivée en Eretz Israël de l’Exodus, bateau d’immigrés clandestins, et du combat, au sens propre comme politique, qui l’accompagna), les représentants des associations d’Eretz Israël rencontrèrent ceux des comités d’histoire d’Europe à Jérusalem pour un débat sur les objectifs et les finalités de la recherche sur la Shoah, ainsi que sur les démarches à entreprendre à cette fin.

9Le programme du congrès était constitué de conférences données par des intervenants invités et de rapports préparés par les participants sur les activités de leurs institutions et sur leurs programmes. Les organisations participantes avaient été priées de remettre des précisions complètes sur leurs travaux, en particulier :

  • un tour d’horizon complet des activités de leur institution,
  • une liste des documents à leur disposition,
  • la composition de leur direction et du personnel de leur institution,
  • leurs relations avec les institutions chargées de la documentation, et les caractéristiques de ces relations [7].

10En outre, des débats se déroulèrent sur l’importance de la recherche sur la Shoah et ses modes d’organisation. Nombreux furent les orateurs qui soulignèrent l’importance de cette recherche. « Une chose doit être claire pour nous, si nous voulons traiter de la recherche sur la Shoah en Israël, déclara Tartatkover, nous ne devons pas aborder une telle entreprise sous un angle exclusivement scientifique. Nous autres Juifs ne pouvons pas nous permettre le luxe de réaliser seulement des travaux de recherche ; comme nous l’avons constaté ces dernières années, tout danger n’est pas encore écarté. Il est parfaitement possible – puissé-je me tromper – que de tels événements se reproduisent et il faut savoir se préparer aux jours terribles qui risquent de survenir [8]. »

11Les orateurs insistèrent tout particulièrement sur la nécessité d’aborder l’étude de la Shoah de façon scientifique et professionnelle. Dans la perspective du congrès, Warhaftig écrivit que la recherche devait avant tout être menée « avec le scalpel froid du chercheur indépendant, dans la chair vivante de notre Shoah. Nous ne serons pas entraînés par les sentiments de colère qui nous assaillent […]. Il nous est interdit de pécher par exagération ou par imprécision, même sur des détails infimes ». Sinon, affirma-t-il, ce serait donner une arme aux « journalistes et écrivains, sympathisants des criminels, qui s’évertuent à blanchir totalement leurs crimes [9] ». Le docteur Kupferberg, membre du comité polonais chargé de la recherche sur les crimes nazis, partageait cette préoccupation, lui qui souligna, dans l’allocution qu’il prononça devant le comité : « Nous devons veiller à ce que nos travaux de recherche atteignent le niveau scientifique voulu, car ce n’est qu’ainsi que nous pourrons faire nos preuves, d’une part face à ceux qui nous accusent de subjectivisme, d’autre part face à certaines tendances qui ne nous sont pas favorables [10]. »

12Mais comment organiser la recherche sur la Shoah ? Quelles étaient les questions fondamentales à poser ? Dans la conférence d’ouverture du congrès, Lichintsky développa abondamment ce qu’il appela le « tableau diversifié » de l’extermination des Juifs en Europe, diversité qui s’exprimait dans les moyens, les méthodes et les pourcentages d’extermination, tous différents dans chacun des pays d’Europe. Selon lui, « cette diversité du tableau de l’extermination reflète la vie [du peuple] d’Israël à la veille de la catastrophe dans les divers pays d’Europe ». L’ampleur de la collaboration des différents peuples au meurtre des Juifs résidant dans leurs pays résultait, selon Lichintsky, d’un « ensemble complexe de raisons et de facteurs [qui], dans chaque pays, intervinrent dans les relations entre Juifs et non-juifs ». Lichintsky soutint par ailleurs qu’il fallait reconnaître le « caractère international » de la Shoah. « International » non seulement parce qu’elle « concerna en fait presque tous les pays d’Europe et quelques dizaines de peuples qui s’y trouvaient », mais également parce que l’antisémitisme moderne revêtait un caractère international… Hitler réussit à transcender les frontières étatiques et les conflits historiques entre peuples, et à « créer une alliance des ennemis d’Israël ».

13Lichintsky proposa les grandes lignes d’un « programme de recherche » scientifique. Chacun des titres de chapitre déterminait un certain nombre de domaines et de thèmes de recherche. L’ampleur des conceptions de Lichintsky, spécialiste de l’histoire économique et sociale, s’exprima dans les questions posées, qui touchaient entre autres aux thèmes suivants :

  • Démographie : la population générale et la population juive avant à la guerre, avant l’occupation du pays par les forces allemandes, avant la création du ghetto, à la fin de la guerre et au moment des enquêtes, etc. ; pourcentage de rescapés, etc. ; pertes juives comparées aux pertes générales, etc.
  • Économie : la structure socioprofessionnelle de la population juive et non juive ; la liquidation des entreprises appartenant à des Juifs et groupes non-juifs ayant bénéficié des spoliations ; l’adaptation de la vie économique du pays à l’élimination de l’élément économique juif ; l’exploitation de la main-d’œuvre juive par les Allemands, etc.
  • Politique : existait-il dans le pays des partis politiques antisémites avant la guerre ? Leur influence dans l’État, leurs relations avec les centres antisémites allemands avant la guerre, etc. ; le gouvernement pendant l’occupation allemande et pendant la guerre ; le rôle joué par les autorités locales (municipales et étatiques) dans la persécution des Juifs ; le taux de collaboration de la population locale et ses divers groupes sociaux et intellectuels dans l’obéissance aux ordres donnés par les Allemands, etc. ; quelle fut la politique des conseils juifs ; la composition des conseils juifs, leur rôle ; leurs bonnes et mauvaises actions, etc.
  • Concentrations de population juive : les ghettos, le temps nécessaire à leur mise en place, leur importance numérique à diverses époques, etc. ; la vie dans le ghetto, le taux de natalité et de mortalité ; les institutions sanitaires ; la vie économique ; les dirigeants, leur image de marque sur le plan social et moral ; les éléments criminels et malfaisants sur le plan moral dans les ghettos, etc.
  • Associations et institutions juives : comment et quand les communautés furent-elles supprimées pour être remplacées par des conseils ? Les associations privées, les sociétés et institutions : description précise de tous les phénomènes de ce type ; les sociétés d’entraide juives à l’étranger, etc.
  • Luttes et résistance juives : les Juifs dans les armées des pays antihitlériens, nombre de victimes juives sur les champs de bataille. Nombre de soldats et d’officiers juifs ayant reçu distinctions et médailles. Partisans juifs : dans des groupes juifs particuliers ou dans des groupes généraux, etc. ; leurs actions ; les organisateurs et les chefs ; l’attitude de la population non-juive ; les raisons qui incitèrent les Juifs à créer leurs propres organisations de résistance, etc.

14Il appela « à constituer un comité spécial composé de personnes originaires des lieux de la catastrophe, connaissant bien les conditions locales, la documentation disponible et les chances de recevoir une réponse à certaines questions ». Le principal instrument de recherche qu’il évoqua fut le questionnaire qu’il importait d’adapter à chaque pays et de diffuser parmi les rescapés. Il ne mentionna pas la documentation ou les documents officiels des administrations allemandes, mais se préoccupa de recherche sociale au sein de la société juive.

15Ce fut la première conférence au monde à être consacrée aux aspects de la recherche sur l’événement traumatisant qui venait seulement de prendre fin. Il n’existait pas d’équivalent dans l’histoire de la recherche historique d’un événement semblable. Effectivement, une recherche presque sans la moindre perspective ou le moindre recul était – et demeure – problématique. La participation de 165 (!) représentants d’Eretz Israël et d’Europe lui valut une couverture médiatique considérable et le congrès fit l’objet de reportages importants dans les journaux de l’époque. Une émission de radio lui fut même consacrée, donnant la parole à certains participants [11].

Beit Lohamei Haghettaot

16Malgré le succès remporté par le congrès, les problèmes fondamentaux qui, on l’a vu, se posaient dans toute leur acuité dans la période qui précéda et qui suivit la création de l’État, écartèrent la commémoration de la Shoah et Yad Vashem de l’ordre du jour en Israël. Dans cette situation, Beit Lohamei Haghettaot, fondé au début des années 1950, occupa pour une courte période la première place en matière de recherche sur la Shoah. En 1949, un groupe d’anciens combattants des ghettos, pour la plupart du mouvement Hehaloutz, fondèrent en Galilée un kibboutz qu’ils appelèrent Lohamei Haghettaot (en hébreu, « les combattants des ghettos »). Avant l’adoption de la loi sur la commémoration officielle et la recréation de Yad Vashem, les membres de ce kibboutz avaient créé un musée de la Shoah, des archives et un institut de recherche appelé Beit Lohamei Haghettaot – portant le nom de Yitzhak Katznelson. L’initiative de créer Beit Lohamei Haghettaot revenait à Yitzhak (Antek) Zukerman, l’un des fondateurs du kibboutz ; celui-ci avait été l’un des chefs de l’Organisation juive de combat dans le ghetto de Varsovie, puis, après la guerre, l’un des dirigeants de l’immigration clandestine en Eretz Israël. Selon le témoignage de Zvi Szner (Shner), l’un des fondateurs de Beit Lohamei Haghettaot, Zukerman, doté d’« un sens historique profond », considérait la création de Beit Lohamei Haghettaot comme la continuation de l’entreprise de collecte de documents sur la Shoah menée dans le ghetto par Emanuel Ringelblum et comme « la volonté du peuple de laisser un témoignage ». Alors qu’il se trouvait encore en Pologne après la guerre, Zukerman parla de « sauver les documents de l’époque de la Shoah et [de] leur transfert en Eretz Israël, car c’est là qu’était leur place ; et [de] recueillir des témoignages auprès des rescapés se trouvant provisoirement en Pologne ». L’intérêt manifesté par Zukerman pour les archives et l’entreprise de commémoration était susceptible de donner une leçon à l’échelle nationale : « Yitzhak n’envisageait pas l’entreprise comme un fonds d’archives, mais comme un enseignement à tirer ; il ne recherchait pas la poussière de l’histoire, mais un enseignement pour l’avenir [12]. » Dès le 19 avril 1950, alors que les membres du kibboutz vivaient encore sous des tentes, les archives furent inaugurées dans l’un des seuls bâtiments en pierre érigés sur les lieux [13]. Beit Lohamei Haghettaot occupa donc, dès sa création, une place centrale en Israël pour tout ce qui concernait la Shoah, et, pendant les années 1950, les cérémonies du Jour de la Shoah qui y furent organisées comptaient parmi les événements majeurs de la journée. Yad Vashem considéra cet endroit comme une menace pour sa propre centralité et envia même le dynamisme de sa construction qui dépassait la sienne. Les deux institutions rivalisèrent aussi dans la collecte des documents en Europe, par exemple lorsque des membres de Yad Vashem découvrirent – ce qui arriva plus d’une fois – qu’ils se trouvaient toujours à la traîne par rapport à Myriam Novitz, chargée de recueillir les documents pour Beit Lohamei Haghettaot [14].

17Au cours des premières années, cette institution intégra les chercheurs Josef Kermisz, Nahman Blumental et Isaiah Trunk, membres du Comité d’histoire de Pologne. Ils considéraient l’institution comme « un centre de recherche sur l’époque de la Shoah [15] » et y publièrent la première revue israélienne d’études de la Shoah Dapim leheker HaShoah vehaMered. Mais Beit Lohamei Haghettaot ne disposait pas de l’infrastructure économique nécessaire pour s’adonner à la recherche – et peut-être ne s’y intéressait-il pas –, car le mouvement kibboutzique auquel il appartenait et les personnes qui le soutenaient souhaitaient principalement commémorer la révolte. Cette situation conduisit Josef Kermisz et Nahman Blumental à le quitter pour Yad Vashem, dans sa nouvelle version (voir plus loin), tandis qu’Isaiah Trunk rejoignait le YIVO à New York. Tout en continuant à développer ses archives, Beit Lohamei Haghettaot se consacra principalement à la commémoration et à l’éducation.

Yad Vashem (deuxième version) et la recherche israélienne sur la Shoah

18En 1953, la Knesset (le Parlement israélien) prit la décision de créer une Autorité chargée de la commémoration de la Shoah, qu’elle plaça sous la direction du ministre de l’Éducation de l’époque, Ben Zion Dinur (1953-1959), historien chevronné.

19À quel courant de recherche et à quel milieu appartenait Dinur ? Et comment envisageait-il le rôle de Yad Vashem ? Pour lui, la vocation de l’institution était la recherche : « L’objectif premier de Yad Vashem est la recherche sur la Shoah. Nous devons conférer à la Shoah un caractère scientifique et en faire une discipline scientifique [16]. » Selon lui, Yad Vashem devait devenir « le centre scientifique du monde juif tout entier [17] » ; sur le chantier même, la construction se déroula selon l’orientation qu’il avait prise : on construisit d’abord le bâtiment des archives et des services administratifs, et ensuite seulement l’édifice de commémoration, de moindre importance : la « salle du Souvenir ». Bien que la loi sur Yad Vashem précisât toute une série d’objectifs, Dinur se consacra principalement à la recherche, répétant son but : « Édifier des entreprises du souvenir à [son] initiative et sous [sa] direction, réunir, étudier et publier tous les témoignages sur la Shoah et l’héroïsme, et inculquer au peuple l’enseignement à en tirer ».

20Dinur avait été élevé en Europe orientale, mais sa vocation d’historien fut déterminée par ses années d’études auprès d’Eugen Teubler, à Berlin, où il assimila la méthode de recherche historique allemande. Le grand développement de l’historiographie juive en Pologne dans l’entre-deux-guerres, qui forma le monde des historiens d’Europe orientale – et dont nous reparlerons plus loin –, lui demeura étranger. Il avait immigré en Eretz Israël en 1921 et, lorsqu’il prit ses fonctions à Yad Vashem, il avait déjà derrière lui 32 années de recherches et de publications en Eretz Israël. Dinur ne considérait pas la Shoah comme un événement en soi, mais comme un autre chapitre de la longue série « d’exils et de destruction » qui caractérisait, selon lui, l’histoire juive en diaspora. Il s’intéressait à une vaste recherche sur l’histoire juive qui décrirait l’exil d’Israël en Europe, traiterait de la Shoah en général, et plus particulièrement de la « guerre contre l’antisémitisme [18] », de la « persécution des Juifs [19] », de la « question juive [20] » et de la « haine à l’égard d’Israël [21] ». Selon lui, la « recherche sur la Shoah devait commencer par l’étude de l’antisémitisme et quiconque adopterait une autre approche fausserait l’histoire [22]… ». Dans le cadre de cette vaste recherche historique, le programme de travail de Yad Vashem dirigé par Dinur ne prévoyait pas de place pour les événements de la Shoah eux-mêmes.

21C’est dans ce contexte conceptuel privilégiant une vision globale de l’histoire juive que fut conclu entre Yad Vashem et la Société israélienne d’histoire l’accord selon lequel Dinur déposait la collection de documents d’archives de Yad Vashem aux Archives centrales de l’histoire d’Israël, placées sous la direction de la Société israélienne d’histoire. On recueillit ainsi des documents historiques d’époques plus éloignées, tels que le sidour (livre de prières) de Worms et des archives de diverses communautés. En matière de recherche et de financement, Dinur privilégia particulièrement le projet Pinkas hakehilot (Chronique des communautés) destiné à « préserver la tradition culturelle historique » des communautés exterminées [23]. L’aspect documentaire de ces chroniques devait être très développé, les données sur l’extermination des communautés ne figurant que comme une partie de l’ensemble :

22

C’est une quête fondamentale en tant que quintessence historique [24]. C’est aussi le type même du souvenir, car c’est cette tradition culturelle historique même de ces Juifs qui est liée à l’histoire juive générale. En fait, cela signifie que nous devons fournir tous les faits fondamentaux sur le plan culturel et historique : nous devons donner le nom du lieu et le nom de la communauté, le nom hébraïque et le nom en langue étrangère, la date de sa création et le nombre de Juifs qu’elle comprenait, sa caractéristique, le nombre de synagogues et de maisons d’étude et le type d’institutions existant en son sein. Mais ce qui doit figurer au centre de la description, c’est sa spécificité historique, c’est-à-dire son visage propre et son apport aux communautés d’Israël [25].

23Sous la houlette de Dinur, Yad Vashem se consacra en grande partie à l’élaboration d’une bibliographie au service des chercheurs travaillant au projet de la Chronique des communautés. Le fait de ne pas traiter de la Shoah elle-même fut particulièrement marqué chez Dinur, y compris au niveau personnel : tant qu’il assuma les fonctions de directeur de l’institution, et même après, il ne consacra ni son temps ni ses exceptionnelles capacités de chercheur à l’étude de la Shoah [26].

24Afin d’atteindre les objectifs de l’institution et de remplir son mandat, Dinur dut trouver les chercheurs et membres de l’équipe adéquats. Où les recruta-t-il ? Le groupe qu’il était tout naturel d’intégrer à l’institution était celui des historiens rescapés qui travaillaient dans les comités d’histoire en Europe et immigrèrent peu après en Israël.

25Les historiens rescapés provenaient de l’intelligentsia juive d’Europe orientale. La plupart avaient atteint le niveau – pas nécessairement en histoire – de la maîtrise ou du troisième cycle dans les universités d’Europe centrale et orientale dans les années 1930 ; ils étaient dotés d’une conscience nationale (pas nécessairement sioniste) et œuvraient au sein de la communauté juive. Dans cette intelligentsia, l’étude de l’histoire occupait une place particulière. Depuis Doubnov, à la fin du xixe siècle, l’histoire était considérée par les Juifs d’Europe orientale comme une entreprise populaire et/ou nationale, dans laquelle le grand public recueillait les documents historiques et aidait les historiens à raconter l’histoire du peuple. Par leurs écrits, les historiens se devaient d’être les émissaires du peuple qui contribuaient à la compréhension des processus de construction nationale et d’élaboration de la nouvelle culture nationale juive. Ce phénomène s’intégrait dans la tendance générale d’écriture d’une histoire nationale caractérisant les processus de réveils nationaux en Europe de l’Est.

26Le groupe des historiens rescapés de la Shoah qui arrivèrent en Israël à la fin des années 1940 et au début des années 1950 provenait de ce monde-là. Josef Kermisz, Nahman Blumental, Rachel Auerbach, Nathan Eck, émigrés de Pologne, ainsi que Mark Dworzecki, venu de Lituanie, gagnèrent Eretz Israël avec une expérience, plus ou moins grande, de la documentation et de l’écriture sur la Shoah et animés d’une forte volonté de consacrer leur vie à la recherche sur ce sujet. On l’a vu, Kermisz et Blumental travaillèrent au début à Beit Lohamei Haghettaot, avant de rejoindre Rachel Auerbach et Nathan Eck à Yad Vashem. Kermisz dirigea les archives de Yad Vashem, Auerbach le département de collecte des témoignages oraux, et Eck fut responsable du bulletin Yediot Yad Vashem. Dès 1949, Méir (Mark) Dworzecki présenta un projet – qui ne fut pas accepté – destiné à créer une chaire de recherche sur la Shoah à l’Université hébraïque. Membre de la direction de Yad Vashem (et, pendant plusieurs années, seul rescapé dans cette direction), il commença en 1959 à enseigner dans le cadre de la chaire de recherche sur la Shoah créée par l’université Bar-Ilan – nous y reviendrons.

27Le groupe des historiens rescapés – en Israël ou à l’étranger – considérait la recherche sur la Shoah comme une mission sacrée. On peut distinguer trois aspects dans ce sentiment de mission [27] :

28La recherche conçue comme une entreprise de commémoration : « Pour nous, tout document est un souvenir des Juifs innocents exterminés, un souvenir de la communauté détruite », écrivit Nahman Blumental [28] ; quant à Mark Dworzecki, il déclara qu’une documentation complète sur le sort des Juifs était une « mission sainte » incombant aux rescapés, un devoir vis-à-vis de ceux qui avaient péri [29].

29La recherche considérée comme le fondement d’un enseignement à tirer : pour ces historiens rescapés, la recherche sur la Shoah comportait un aspect fondamental : l’événement révélait le talon d’Achille du peuple juif et de la conscience juive. La révélation de ces problèmes leur semblait déterminante pour permettre une restauration nationale. « Nous ne voulons pas que les événements d’un passé proche demeurent seulement à titre de souvenir et de commémoration, écrivit Josef Kermisz. Ils constituent une mise en garde et un avertissement muet pour que nous en tirions les conséquences nationales pour l’avenir [30]. » Nathan Eck, quant à lui, soutint que « tant que notre aspiration à révéler toute la vérité [sur les réactions juives pendant la Shoah] ne sera pas satisfaite, nous ne connaîtrons aucun soulagement, l’âme juive demeurera meurtrie et notre vie fondamentalement affligée [31] ». Selon eux, la Shoah avait dévoilé dans toute leur profondeur les maux de la nation juive, et la recherche historique avait pour rôle de susciter un processus de guérison nationale.

30La recherche en tant que thérapie personnelle : la décision de s’adonner à la recherche sur la Shoah était une façon d’affronter l’horreur. On retrouve un écho de cette conception dans les propos de l’historien rescapé Hans Günther Adler – lequel ne travaillait pas en Israël – qui expliqua que sa recherche sur Theresienstadt [32] (l’ouvrage parut en 1955) « était née du besoin lancinant d’étudier le sort que j’ai moi-même subi pour le faire entrer dans un contexte plus large, afin que je puisse continuer à vivre [33] ». Philip Friedman, qui dirigea le comité d’histoire en Pologne et qui, depuis les États-Unis, exerça une grande influence sur ce qui se fit en Israël, considérait les travaux de recherche effectués alors qu’il se trouvait encore dans une cache comme sa vengeance personnelle contre Hitler [34].

31Par ailleurs, choisir de s’adonner à la documentation et à la recherche sur la Shoah comportait aussi un prix personnel. Cela signifiait qu’on demeurait « parmi les morts » et qu’on s’exposait sans relâche à l’horreur au lieu de se comporter comme la majeure partie des rescapés et de se consacrer à la préparation de l’avenir tout en rejetant (ne serait-ce que temporairement) l’horreur du passé. Israël Kaplan, l’un des fondateurs du Comité d’histoire de Munich, qui, des années durant, recueillit des témoignages sur l’extermination des Juifs de Lituanie, écrivit qu’à l’époque où ses camarades de camps de concentration commencèrent à regarder de l’avant, « un ou deux mois après que nous en soyons sortis », il « retourna à nouveau parmi les morts », dès sa libération [35].

32Les historiens rescapés se considéraient comme naturellement désignés pour s’adonner à la recherche sur la Shoah. Ils connaissaient les événements qui en formaient la toile de fond et en avaient en partie subi les tourments dans leur chair. Ils connaissaient les langues européennes nécessaires et le mode de vie sous la domination nazie. Ils furent les premiers à consulter les documents allemands et autres, et, lors des procès des criminels de guerre, on sollicita l’avis de certains d’entre eux, en particulier ceux du comité d’histoire en Pologne.

33Le deuxième groupe de chercheurs qu’embaucha Dinur fut celui de ses étudiants et des étudiants de l’Université hébraïque.

34Certes, il embaucha dans l’institution des historiens rescapés ; mais dans les domaines qui lui étaient particulièrement chers – ceux de la recherche –, il accorda les postes-clés à ses élèves de l’université et, en premier lieu, à Israël Heilperin qui, en tant que directeur du « département scientifique » de l’institution, devint responsable de la recherche à Yad Vashem.

35La spécialité d’Heilperin – l’étude des institutions communautaires juives en Europe orientale – correspondait au vœu de Dinur concernant le projet de la Chronique des communautés. Furent également embauchés dans l’institution, parmi d’autres, Daniel Cohen, Reuven Segal et Shaul Esh. À l’exception de Esh, ces étudiants ne marquèrent pas fondamentalement la recherche sur la Shoah.

36Originaire d’Allemagne, Shaul Esh, qui était arrivé en Eretz Israël avec l’Aliyah des Jeunes, entra à Yad Vashem en tant que rédacteur en chef des publications. La découverte de la Shoah qu’il fit à Yad Vashem suscita en lui un intérêt tel qu’il modifia son sujet de doctorat, initialement consacré à la littérature hébraïque ancienne, pour étudier la politique allemande à l’égard des Juifs en Allemagne en général, et plus particulièrement l’accord de Haavara (transfert [36]). En 1958, il donna même ses premiers cours sur la Shoah à l’Université hébraïque. En 1968, sa mort dans un accident de voiture mit fin prématurément à l’influence qu’il exerçait déjà sur l’évolution de la recherche israélienne sur la Shoah.

Le conflit : la lutte pour la nature même de Yad Vashem

37Dès la création de Yad Vashem, les historiens rescapés et les étudiants de Dinur à l’Université hébraïque s’engagèrent sur la voie du conflit. Les débats portèrent sur le caractère que devait revêtir la recherche réalisée dans l’institution : Yad Vashem devait-il être considéré comme un institut de recherche universitaire ou comme un institut de recherche « appliquée » répondant à de douloureuses questions et inculquant au public « les leçons à tirer de la Shoah », quelles qu’elles fussent. On l’a vu, les rescapés souhaitaient que la recherche « ne soit pas un simple enrichissement de la science historique, mais qu’elle ait également des objectifs propres, d’ordre national et éducatif, voire politique [37]… ».

38Cependant, la polémique comportait aussi d’autres aspects : les étudiants de Dinur, diplômés de l’Université hébraïque, soutenaient contre les rescapés que « des malades ne peuvent discuter de leur maladie » et que « parmi les réfugiés, ne se trouvait ni scientifique ni chercheur [38] ». L’argument était clair : l’implication émotionnelle des historiens rescapés, du fait qu’ils avaient eux-mêmes subi le traumatisme, les empêchait de se livrer à une recherche digne de ce nom selon les critères scientifiques. Car il fallait pour cela être capable de considérer les choses avec un certain recul. Certes, parmi les chercheurs de l’Université hébraïque, il s’en trouvait aussi dont des proches avaient été exterminés pendant la Shoah, mais la plupart étaient arrivés en Eretz Israël avant la Seconde Guerre mondiale et, sur le plan du vécu personnel, il leur était plus facile de prendre ce recul. Par ailleurs, un conflit s’était formé entre le mode de travail historique des « sciences du judaïsme » selon la tradition née en Allemagne et l’école historique juive polonaise. On trouve un écho des arguments de l’époque dans la recherche contemporaine [39]. Au-delà du débat de principe, d’autres tensions alimentaient la controverse : entre les rescapés et ceux qui avaient été élevés en Eretz Israël ; entre les Israéliens de fraîche date, encore considérés comme immigrés, mais déjà détachés de leur ancien pays, et les Israéliens de longue date, qui possédaient un statut social, voire une certaine aisance, parce qu’ils disposaient d’un « bon réseau » de relations dans la société du Yishouv et d’Israël, en particulier dans sa strate sociale la plus ancienne.

39Il s’agissait également d’un conflit entre deux écoles historiques : l’approche allemande, à laquelle adhéraient les membres de l’Université hébraïque (« l’école de Jérusalem »), qui considérait la recherche comme l’apanage des plus grands spécialistes universitaires de la recherche effectuée en profondeur et sans précipitation, recherche qui avait fait ses preuves, même si elle était réalisée dans un esprit sioniste [40] ; et l’approche populaire répandue en Europe centrale, celle de la participation de la population à l’écriture de l’histoire, et de l’historien au service du peuple et de la nation. Pour les historiens rescapés, la nation avait besoin d’étudier la Shoah et de se confronter aux questions qu’elle avait suscitées et continuait à susciter. Selon eux la question du comportement des Juifs pendant la Shoah ou la façon dont ils étaient allés à la mort était encore ouverte, et la tâche principale de l’historien consistait à élucider cette attitude ; ils voulaient réaliser cette recherche sur-le-champ, l’exactitude scientifique dûtelle en souffrir. Chez les chercheurs « sionistes » comme Dinur, le comportement des Juifs s’expliquait semble-t-il assez clairement : par l’exil. Selon eux, c’était le mode de vie problématique en exil qu’il fallait élucider et expliquer.

40Effectivement, lorsqu’on en arriva en 1958 à une rupture – nous l’aborderons plus loin –, la critique formulée par les historiens rescapés et leurs partisans porta précisément sur la question de la recherche. Ils réclamèrent « tout d’abord de créer sans délai une commission scientifique permanente, interne, constituée de personnes bien informées et chargée du programme de la recherche et de ses modalités, ainsi que de la documentation et des publications de Yad Vashem [41]… » C’est eux-mêmes, en tant que rescapés, qu’ils désignaient par l’expression « personnes bien informées », et ils s’insurgèrent contre les élèves de Dinur qui, selon eux, traitaient le sujet sans véritablement le comprendre. Les historiens rescapés niaient la capacité des universitaires de s’adonner à l’étude de la Shoah, domaine dont ils ne connaissaient absolument rien ; les universitaires, quant à eux, disqualifiaient les historiens rescapés sur le plan scientifique.

41Cette tension compliqua la tâche de Yad Vashem qui ne réussit pas à publier de livres de recherche sur la Shoah et qui, jusqu’en 1961, ne disposa même d’aucune structure pour commémorer la Shoah. Dinur constatait que ses grands programmes ne se réalisaient pas et que si les projets qui lui étaient chers progressaient, ils le faisaient trop lentement. Il perdit progressivement toute confiance dans la capacité de son équipe ou des historiens rescapés à réaliser en un temps raisonnable le projet de recherche dans le cadre de l’institution. C’est pourquoi, malgré son rêve de faire de Yad Vashem un centre de recherche, il proposa à l’Université hébraïque de fonder un institut conjoint sur lequel elle aurait un contrôle quasi-total. Dinur accepta également la position de l’Université qui soutenait qu’à un stade si précoce, il serait difficile de trouver des chercheurs étudiant la Shoah en soi et que l’institut devrait donc étudier l’histoire de l’antisémitisme moderne et d’autres thèmes similaires. L’Institut de recherche sur l’extermination des Juifs d’Europe et leur histoire au cours des dernières générations fut créé en 1957 malgré l’opposition des hommes de Dinur qui se trouvaient à la direction de Yad Vashem ; ceux-ci étaient en effet peu désireux de financer un institut de recherche universitaire dont la majorité des chercheurs s’adonnaient à l’étude de l’antisémitisme moderne et sur lequel Yad Vashem n’aurait guère d’influence [42].

42En 1958, le conflit entre les historiens rescapés d’une part, et Dinur et son équipe de l’autre devint public et atteignit un paroxysme avec le licenciement de Rachel Auerbach et de Nahman Blumental, qui mobilisèrent la presse pour les soutenir dans leur combat. Le quatrième congrès du conseil mondial de l’institution, organisé cette année-là, constitua pour les historiens rescapés l’occasion rêvée d’exposer le problème au grand public et d’exploiter l’intérêt de la population pour la recherche sur la Shoah – et pour eux-mêmes en tant que thèmes de cette recherche – afin de provoquer des changements à Yad Vashem.

43Les historiens rescapés et leurs amis exigèrent que le Conseil ne vote pas le budget de Yad Vashem tant que ne seraient pas garantis « les changements et les amendements indispensables » dans l’institution. Ces changements s’imposaient selon eux parce que « les dirigeants de Yad Vashem avaient conduit cette institution à un échec total [43] ». « Dans le domaine de la recherche, les actuels dirigeants de Yad Vashem ne comprenaient pas l’objectif de cette recherche particulière », soutinrent-ils, la situation lamentable de la recherche sur la Shoah et la commémoration de cette catastrophe témoignant au premier chef des « échecs de la direction [44] ». Ils exigèrent non seulement qu’on leur rende leurs fonctions dans l’institution, mais également qu’on les laisse diriger la recherche sur la Shoah. Ils n’étaient pas seuls à mener cette campagne. Se joignirent à eux des associations de rescapés de la Shoah qui protestaient contre l’absence de commémoration à Yad Vashem, en particulier la commémoration de la résistance juive [45]. Ils attaquèrent entre autres la décision de fonder un Institut de recherche conjoint avec l’Université hébraïque, affirmant qu’en investissant les ressources de Yad Vashem dans la création de cet institut conjoint, on cessait d’étudier la Shoah elle-même. L’allocation d’un financement de Yad Vashem à la recherche universitaire était superflue dans la mesure où, même si Yad Vashem n’avait pas existé, il y avait en Israël et dans le monde des institutions universitaires qui s’adonnaient à la recherche sur la Shoah. En fait, déclara Nathan Eck, confier la recherche à l’université conduisait à une paralysie de la recherche sur la Shoah, en particulier à Yad Vashem : « Je n’ai senti à Yad Vashem ni tentatives ni efforts de réflexion pour répondre à la question des fonctions particulières de la recherche dans cette institution. » Et il affirma : « Je n’ai participé à aucune réunion où il soit question du caractère et du programme des travaux de recherche à Yad Vashem [46]. »

44Ils s’insurgèrent également contre l’importance accordée par Yad Vashem à la Chronique des communautés, au catalogue des archives et à la bibliographie, en particulier à ces deux derniers éléments qui constituaient des accessoires de la future recherche. Selon Nathan Eck, Dinur et ses partisans empruntaient « la voie de l’historiographie, celle qui a le temps et le souffle de l’éternité, celle qui ne s’engage pas à fournir des explications aux membres perplexes de cette génération », au lieu d’affronter « les questions douloureuses » posées par la Shoah et qu’il serait très important de traiter pour « la génération de la Shoah et la nouvelle génération grandissant à l’ombre sinistre de la catastrophe qui s’étend encore sur notre vie [47] ».

45Selon eux, leur renvoi de Yad Vashem par Dinur et ses étudiants sous prétexte d’incompatibilité scientifique avec leur fonction ne reposait pas sur des faits, puisque ils avaient eux aussi une formation universitaire. « Enfin, le diplôme d’histoire que j’ai obtenu à l’université de Varsovie et le doctorat en droit délivré par l’université de Vienne valent quand même quelque chose, soutint Eck ; je connais plusieurs langues et je sais écrire… Pourquoi donc m’écarte-t-on sous des prétextes fallacieux ? » Selon lui, l’introduction de « personnes nouvelles » traduisait la tendance à modifier le caractère de l’institution.

46

Le fait est que nous autres, les anciens, rescapés de la Shoah, qui respectons les fonctions véritables de l’institution et voulons nous y consacrer corps et âme, avons tous été écartés de Yad Vashem selon un plan transparent : il s’agit de nous remplacer par des nouveaux qui n’ont pas vécu la Shoah, n’ont pas effectué de recherches, ne se sont pas intéressés à ses problèmes, et n’ont guère brillé par quelque qualité particulière, et qui, de toute façon, ne nous sont en rien supérieurs… Si nous sommes tous disqualifiés, humiliés et rabaissés jusqu’à terre, c’est de toute évidence parce que nous les mettons mal à l’aise, parce qu’ils craignent que nous révélions ce qu’ils cachent, que nous nous opposions à leurs agissements, que nous n’acceptions pas leurs méthodes à Yad Vashem [48].

47Le combat mené par les historiens rescapés de la Shoah et leurs amis bénéficia d’un grand soutien dans la presse de l’époque. Connus des milieux littéraires du pays, les historiens rescapés, avec à leur tête Rachel Auerbach, lancèrent une campagne d’information dans la presse israélienne. À partir de mai 1958, divers articles parurent dans les journaux, soit sous la signature d’historiens rescapés, soit sous la plume de journalistes et chroniqueurs traitant de la situation à Yad Vashem. Certes, les journaux accordèrent une place aux positions de Dinur et de ses amis, mais la ligne critique à l’égard de la direction de Yad Vashem dominait nettement.

48Dans ces articles de presse [49], les auteurs insistaient sur le fait que Yad Vashem avait failli à sa mission principale, celle de commémoration. Sur le plan architectural, Yad Vashem avait été conçu comme un ensemble de bureaux « pratiques, rationnels, fonctionnels [50] », ne laissant aucune place aux « caprices sentimentaux [51] » tels que l’allumage de bougies en souvenir des victimes. Contrairement aux différentes entreprises de commémoration ailleurs dans le monde, où l’on peut « se recueillir et évoquer le souvenir d’êtres si chers qui ne sont plus [52] » – par exemple, le monument commémoratif de Belsen ou le mémorial du martyr juif inconnu à Paris –, on se trouve, lorsqu’on visite Yad Vashem, devant des bâtiments de bureaux : « Les rescapés de la Shoah et leurs proches ne trouvent pas ce qu’ils sont venus chercher. » La question que posent les « quelques rares invités qui viennent ici » est : « En quoi se distingue Yad Vashem ? En quoi cet endroit marque-t-il la commémoration et le souvenir de millions de Juifs exterminés en Europe ? »

49Dans ces écrits, le thème principal est l’immense estime éprouvée à l’égard des historiens rescapés. Dans Maariv, David Lazar les qualifie de prophètes :

50

Il était impossible d’approcher le prophète Jérémie [53] en tant que gardien du Temple, mais quelques rescapés de la Shoah qui ont subi dans leur chair l’immense catastrophe nationale et ont consacré leurs forces – dès l’époque de l’extermination, dans les pires conditions de clandestinité – à l’étude de la Shoah et à la collecte de documents et d’information concernant ce chapitre tragique – eux, il était possible, et il est encore possible, de les approcher.

51Lazar décrivit les aspirations et les espérances que ceux-ci avaient placées dans l’institution : « Désormais, ils pourraient profiter de leur grande expérience de la documentation et de la recherche. Désormais, on sortirait des caisses et des archives les journaux intimes tenus pendant la Shoah, on publierait des livres importants, désormais commencerait une nouvelle époque pour l’étude de la Shoah. » Ces espérances s’évanouirent devant « l’apathie et l’esprit routinier, sans compter le manque de moyens et les pesanteurs bureaucratiques [sic !] dominant le tout. »

52Dinur et Melkman, les principales cibles, furent sidérés par l’ampleur de l’opposition s’exprimant dans la presse. « Je me rends compte maintenant que ce n’est plus possible. Maintenant, la situation est beaucoup plus grave. Maintenant, il y a une réaction organisée. Ils lancent une campagne de diffamation contre nous dans la presse », déclara Dinur à ses collègues de la direction de Yad Vashem [54].

53Et, à la surprise de Dinur, les arguments des historiens rescapés furent écoutés avec intérêt également par la direction de Yad Vashem. Certains membres de la direction considéraient les historiens rescapés comme tenants d’un projet et investis d’une mission, « portant la Shoah dans leurs veines », et il ne fallait donc les pas « considérer comme de simples employés, porter sur eux un regard purement administratif. Car ils sont dévoués à cette cause et à cette idée sainte, et aspirent à voir la perfection de cette institution. » Ils étaient également conscients du fait que la société israélienne considérait les historiens rescapés comme des symboles de la Shoah – pour elle, ils faisaient « partie intégrante de la Shoah, sorte de monuments commémoratifs vivants » – et que, dans le combat mené pour gagner l’opinion publique, l’administration de Yad Vashem n’avait aucune chance de réussir, étant donné la situation où la population ne connaissait des « employés de Yad Vashem que Kermisz et Rachel Auerbach [55] ».

54À court terme, le combat sur le caractère à donner à Yad Vashem fut remporté par les rescapés. En 1959, Dinur quitta l’institution sous la pression publique, et les historiens rescapés continuèrent à travailler à Yad Vashem.

55Son départ et, dans son sillage, celui de ses étudiants, enterra définitivement l’orientation de recherche prise par Yad Vashem. Arieh Kubovy lui succéda. Sous sa direction, l’accent fut mis sur la commémoration et l’information au sein de la société, et non sur la recherche. Certes, les historiens rescapés publièrent plusieurs recueils de documents historiques – procès-verbaux des Judenräte et extraits de la presse clandestine –, mais l’institution ne se livra à aucune véritable activité de recherche. Les travaux des historiens rescapés constituaient une préparation des bases de la recherche plutôt qu’une recherche proprement dite. Au cours des années suivantes, Yad Vashem ne réussit pas à devenir un centre de recherche susceptible d’entrer en compétition avec les activités qui commençaient à se développer dans les universités.

56Rétrospectivement, on peut dire que Ben Zion Dinur perdit le combat des années 1950 concernant Yad Vashem, mais qu’il remporta la victoire quant au mode de recherche sur la Shoah en Israël. À partir de la fin des années 1960, avec l’épanouissement des universités, la recherche se développa, et les tendances et les rôles changèrent également à Yad Vashem ; ils passèrent aux mains des diplômés de l’Université hébraïque et de ses conférenciers. Le monde universitaire, et en particulier l’Université hébraïque, devint la principale pépinière de chercheurs et de directeurs des départements de Yad Vashem.

Passage de la recherche aux universités

57Après le combat mené à Yad Vashem, les universités devinrent le foyer de la recherche israélienne sur la Shoah.

L’université Bar-Ilan

58Bien que Shaul Esh ait commencé, dès 1958, à donner un cours sur la Shoah à l’Université hébraïque, dans le cadre de l’Institut du judaïsme contemporain nouvellement créé, la primeur revint à la toute jeune université Bar-Ilan où fut fondée en 1959 la première chaire mondiale de recherche sur la Shoah par Méir (Mark) Dworzecki. Médecin de profession, il avait été un militant sioniste à Vilnius avant le conflit. Durant la guerre, il s’était retrouvé dans le ghetto de Vilnius, avant d’être interné dans des camps de travail en Estonie. Arrivé à Paris en 1945, il fut nommé président de l’Association des réfugiés en France. Dès 1949, avant son départ vers Israël, Dworzecki proposa de fonder un Institut de recherche sur la Shoah, recommandant qu’il soit placé sous l’égide de l’Université hébraïque, car « l’étude de l’histoire des Juifs à l’époque de la Shoah est l’une des fonctions les plus importantes de la science hébraïque de notre génération, tant que vivent parmi nous des témoins de la Shoah », écrivit-il dans une lettre adressée à l’université [56]. Son projet ne fut pas retenu et Dworzecki émigra en Israël où il exerça la médecine dans un dispensaire de la Koupat holim (caisse-maladie) tout en se distinguant en tant que dirigeant des rescapés de la Shoah, journaliste et unique rescapé à être membre de la direction de Yad Vashem. Lorsqu’il entendit parler du projet de création de l’université Bar-Ilan au début des années 1950, il proposa à ses responsables de créer dans l’établissement une chaire de recherche sur la Shoah. Après plusieurs années de tractations, il commença à enseigner dans le cadre de cette chaire, fondée en 1959, et dont il obtint le financement auprès d’associations de rescapés comme l’Association des rescapés de Bergen-Belsen.

59Dworzecki dispensa son « cours sur la Shoah » jusqu’en 1973 ; celui-ci était obligatoire dans le département d’histoire d’Israël de Bar-Ilan. Aucun étudiant du département ne pouvait terminer son cursus sans avoir suivi cet enseignement, présenté comme une introduction générale de l’une des époques de l’histoire d’Israël. Ce cours devint en quelque sorte un « classique », au point qu’il demeure aujourd’hui encore obligatoire – quoique avec un contenu très différent.

60Mais Dworzecki ne réussit pas à conférer à son enseignement le label universitaire ni à former des élèves qui continueraient la recherche dans ce domaine. Il porta son attention sur l’aspect éducatif et commémoratif. Chacun de ses étudiants devait interviewer un rescapé de la Shoah afin d’apprendre directement ce qu’était l’horreur ; il dirigeait aussi une journée d’études annuelle, destinée aux enseignants, juste avant le 10 Tevet [57].

L’Université hébraïque et l’Institut du judaïsme contemporain

61Dans les années 1960 et 1970, le centre de gravité de la recherche sur la Shoah se trouvait à l’Université hébraïque et plus particulièrement à l’Institut du judaïsme contemporain – dont il sera question plus loin. Dès les années 1960, deux groupes de nouveaux chercheurs se distinguèrent. Le premier comprenait des rescapés arrivés encore jeunes en Israël, qui s’étaient intégrés dans divers domaines et qui, ayant atteint la quarantaine, entamèrent une seconde carrière de chercheurs spécialisés dans l’étude de la Shoah. Une partie d’entre eux s’étaient consacrés à la commémoration et à l’écriture avant d’entrer dans le monde universitaire. Parmi ces chercheurs, on trouvait Dov Levin, qui utilisa son expérience dans la collecte de témoignages de ses camarades partisans et finit par diriger la section de documentation orale de l’Université hébraïque, et Israël Gutman, personnalité majeure de la recherche sur la Shoah en Israël et dans le monde. Ce groupe de chercheurs se consacra surtout à l’étude de la Résistance juive. Le second groupe était celui de chercheurs plus jeunes, dont certains étaient nés en Israël (comme Dalia Ofer) et d’autres à l’étranger ; parmi ces derniers, les uns étaient arrivés enfants en Eretz Israël (comme Dan Michman), les autres avaient immigré en Israël après la guerre des Six Jours (tel Richie (Yerachmiel) Cohen). Ces derniers exploitèrent leur connaissance des langues étrangères au profit de la recherche, forcément européenne, sur la Shoah.

62Le grand nombre d’étudiants inscrits se traduisit également par la multiplication des travaux de recherche. À partir des années 1960, nombre de mémoires de maîtrise et de thèses de doctorat furent présentés dans les universités où, dans les années 1970, apparurent chaires et instituts de recherche spécialisés dans l’histoire de la Shoah, en particulier à Tel-Aviv, Bar-Ilan et Haïfa, partiellement financés par des rescapés de la Shoah. L’Institut du judaïsme contemporain de l’Université hébraïque occupa une place privilégiée sous la direction de Yehuda Bauer qui y enseigna avant d’en assumer la direction. Au cours de ces années, Bauer fut l’âme de la recherche sur la Shoah. Ses talents d’orateur, la passion avec laquelle il s’adonnait au sujet et qu’il communiquait à ses étudiants, les liens qu’il noua à l’étranger, tous ces éléments réussirent à attirer des étudiants, ainsi que des bourses et des budgets de recherche. Bauer transforma l’institut en foyer de recherche international sur la Shoah et convainquit George Mosse et Franklin Littell, par exemple, d’y enseigner. Les relations qu’il noua à l’étranger, principalement aux États-Unis, aboutirent à la création d’une vaste communauté de chercheurs spécialisés dans l’étude de la Shoah et pour lesquels Israël devint l’un des principaux centres.

63C’est à cette époque qu’un autre groupe de chercheurs commença à émerger. Étudiant des domaines touchant à la Shoah comme l’antisémitisme moderne, etc., ils furent embauchés par l’Institut de recherche sur l’extermination des Juifs d’Europe et leur histoire au cours des dernières générations, institut conjoint à Yad Vashem et à l’Université hébraïque. De nombreuses critiques furent formulées à l’encontre de cet institut, y compris par des membres de Yad Vashem. On soutint que nombre des recherches qui y étaient réalisées ne traitaient pas directement de la Shoah, mais de l’antisémitisme moderne et des réactions à la Shoah. De fait, à court terme, il ne semble pas que l’Institut, tel qu’il fonctionnait, ait contribué à promouvoir la recherche de la Shoah en Israël. Avec du recul, on peut toutefois y voir le triomphe de la conception de Dinur. Le groupe des chercheurs de cet institut qui ne traitaient pas directement de la Shoah finirent pas s’intégrer dans les différentes universités d’Israël. Le développement des universités après la guerre des Six Jours et le renforcement de la prise de conscience de la Shoah dans la société israélienne et dans le monde aboutirent, au début des années 1970, à la reconnaissance par les universités de la nécessité d’un enseignement de la Shoah. Les candidats à cette mission furent tout naturellement les diplômés de l’Institut qui connaissaient parfaitement le sujet. Ils furent sollicités pour l’enseigner dans les universités : Bela Vago et Leni Yahil à l’université de Haïfa, Uriel Tal à l’université de Tel-Aviv et Nathaniel Katzburg à l’université Bar-Ilan donnèrent des cours sur ce sujet, orientèrent des étudiants vers la recherche sur la Shoah et dirigèrent leurs travaux.

64En 1993, peu avant leur départ à la retraite de l’Université hébraïque, Yehuda Bauer et Israël Gutman fondèrent à Yad Vashem l’Institut international de recherche sur la Shoah. Cet institut prépare et centralise des projets de recherches, accorde des bourses de recherche à des chercheurs du monde entier pour venir travailler aux archives de Yad Vashem et organise les colloques internationaux de l’institution. L’influence exercée par Yad Vashem sur le champ et les directions de la recherche s’est ainsi développée et les liens se sont resserrés entre cette institution et le monde universitaire.

Le comité scientifique de Yad Vashem

65La création du comité scientifique de Yad Vashem représenta une contribution particulière au développement de la recherche israélienne sur la Shoah. Ce comité fut fondé sur recommandation de la commission Pincus, commission publique créée par le ministre de l’Éducation et de la Culture pour examiner le fonctionnement de Yad Vashem et qui demeura en activité de 1964 à 1967 – nous y reviendrons plus loin. Sur le plan concret, sa principale conclusion fut de recommander la création d’un comité scientifique permanent à Yad Vashem.

66Le professeur Shmuel Ettinger, élève de Dinur, qui commençait alors à se distinguer en tant que spécialiste dans l’étude de l’antisémitisme, fut chargé de diriger ce comité. Il participa également à des activités en faveur des Juifs d’Union soviétique dont la conscience s’éveillait alors, ce qui lui permit d’établir de nombreuses relations avec des représentants du gouvernement. Personnage central de la recherche sur l’histoire du peuple juif à l’Université hébraïque, Ettinger « demanda aux recteurs des universités et des instituts de recherche sur la Shoah de nommer des représentants qui siègeraient dans le comité scientifique [58] ». Cette instance, appelée « comité scientifique consultatif de Yad Vashem », avait pour rôle :

  • d’orienter la recherche et l’activité des sections scientifiques de Yad Vashem,
  • de coordonner les travaux de recherche sur l’histoire de la Shoah entre les universités, instituts de commémoration de la Shoah et Yad Vashem,
  • de promouvoir la recherche sur l’histoire de la Shoah et d’orienter les jeunes chercheurs vers ce domaine [59].

67Outre ces objectifs concrets, Ettinger définit un objectif majeur de ce comité : « s’efforcer de répondre aux attentes légitimes [de ceux qui souhaitent] faire d’Israël un centre de recherche sur l’histoire des Juifs sous domination nazie, ainsi qu’un foyer susceptible d’exercer une influence sur les orientations de la recherche dans le monde [60] ».

68Le comité scientifique qui entra en fonction en 1969 permit d’assurer la coordination entre les différentes universités et Yad Vashem, d’attribuer des bourses aux étudiants chercheurs, d’organiser des colloques internationaux et d’accompagner la publication de la revue Yad Vashem – Recueil d’études ; mais il ne lança aucun programme de recherche dans l’institution. Ainsi naquit la répartition des tâches qui existait déjà de facto dans la recherche sur la Shoah en Israël : les colloques et les recueils d’études de Yad Vashem constituèrent des forums de première importance pour le développement de la recherche sur la Shoah en tant que domaine ayant ses lettres de noblesse. Mais ce qui y était présenté était le fruit des recherches réalisées dans les universités. Le comité scientifique, qui fonctionne encore de nos jours, créa aussi un lieu de rencontre permanent entre les représentants des instituts de recherche spécialisés dans tel ou tel domaine historique, ce qui n’existe dans aucun autre domaine de la recherche historique en Israël.

69L’une des activités principales du comité consista à organiser les colloques internationaux de Yad Vashem. Jusqu’au début des années 1970, les universités ne pouvaient proposer de tels projets. Yad Vashem joua à cet égard le rôle de complément et, dans le même temps, de médiateur pour des rencontres directes entre chercheurs israéliens et chercheurs étrangers. À la fin des années 1970, alors que les universités pouvaient déjà organiser des colloques de ce type – et qu’elles en organisaient effectivement –, ceux de Yad Vashem conservèrent leur réputation.

70C’est en 1968 que Yad Vashem commença à organiser de tels colloques. Une consultation rapide des thèmes retenus montre que, dans un premier temps, l’institution se consacra principalement à l’aspect juif de la Shoah, abordant parfois des sujets douloureux et sensibles comme la résistance et le sauvetage : « Problèmes de la résistance juive pendant la Shoah » (1968), « Tentatives de sauvetage pendant la Shoah » (1974), « Les dirigeants juifs dans les pays sous domination nazie, 1933-1945 » (1977), « Les réfugiés 1944-1948 : réinsertion et combat politique » (1985), « Transformations fondamentales du peuple juif après la Shoah » (1993) et « La Shoah dans l’historiographie juive » (1999). Seuls quelques-uns furent consacrés à des sujets plus généraux : « Les camps de concentration nazis : conception et tendances, image du prisonnier, les Juifs dans les camps » (1980), « Shoah et procès : 60e anniversaire du procès de Nuremberg » (2006) et « Shoah, médecine et éthique médicale » (2007). On constate également qu’à partir de 1980, la recherche sur la Shoah se trouva dans une situation où la rétrospection était déjà possible. On note ainsi un colloque sur « La Shoah dans l’historiographie » (1983), 11 ans plus tard, un autre sur « La Shoah dans l’histoire juive » (1994) et, dix ans après encore, celui, historiographique, intitulé « La recherche sur la Shoah et son contexte : multiplication des centres de recherche et approches diverses » (2004) et consacré à l’étude des premières étapes de la recherche après la guerre.

71Au cours de ces colloques, les conférenciers venus d’Israël et de l’étranger constituèrent le noyau autour duquel se développa une communauté internationale de chercheurs spécialisés dans l’étude de la Shoah, conférant à Israël et à ses chercheurs une place centrale. Les actes, publiés en hébreu et en anglais, constituèrent des ouvrages de référence dans les domaines traités. Ils fournirent, et continuent à fournir, à plus ou moins long terme, une base bibliographique pour l’enseignement dans les universités.

Tribunes d’expression de la recherche : les revues d’étude de la Shoah

72Les revues spécialisées furent un autre instrument qui contribua considérablement au développement de l’étude israélienne sur la Shoah : dès le début, on ressentit le besoin de disposer d’une revue qui servirait de tribune d’expression et de moyen de promouvoir la recherche. La première fut Dapim leHeker haShoah vehaMered de Beit Lohamei Haghettaot dont les deux premiers numéros parurent, on l’a vu, en 1951 et en 1952, avec pour rédacteur en chef Nahman Blumental. « Notre vœu le plus sincère est de nouer des contacts étroits avec les écrivains et les chercheurs en Israël et à l’étranger, écrivit Blumental, de les encourager à s’adonner à la recherche sur cette époque, de réunir leurs efforts, de créer pour eux un forum scientifique [61]. » Mais les jours des Dapim étaient comptés, et leur parution cessa avec le départ de Blumental. Au début des années 1970, on assista à une autre tentative de publier les Dapim, mais à nouveau, la publication fut interrompue au bout de deux numéros. Ce ne fut qu’en 1978, après la création de l’Institut de recherche sur la Shoah, dirigé conjointement par l’université de Haïfa et par Beit Lohamei Haghettaot, que la revue reprit de façon régulière en tant que publication universitaire, mais sous un nom différent : Dapim leHeker tekoufat haShoah, sans mention du Mered (la révolte) – un changement qui témoigne du caractère plus universitaire que revêtit la revue. Nul doute que la coopération avec l’université fut, à cet égard, déterminante, la responsabilité de la rédaction incombant principalement aux universitaires de Haïfa.

73En 1957, Yad Vashem commença à publier sa revue Yad VashemKovetz mehkarim beparashiot haShoah vehaGuevoura (qui prit plus tard le nom de Yad Vashem, Kovetz mehkarim) ; le comité de rédaction rassemblait Dinur, Esh, Melkman et Kermisz et fut modifié à la suite des changements intervenus à Yad Vashem. Au cours des années 1960, cette revue devint, en Israël et dans le monde, le principal forum scientifique sur la Shoah. Le fait qu’il publia aussi d’emblée une version en anglais et fut la première revue dans cette langue consacrée à la Shoah contribua considérablement à établir le statut scientifique international de Yad Vashem et de la recherche israélienne – elle est aujourd’hui la première revue de recherche bilingue en Israël. Depuis sa création, elle a publié des travaux de recherche réalisés aussi bien en Israël qu’à l’étranger. L’examen des numéros successifs témoigne d’une amélioration de la qualité scientifique de la recherche.

74Autre tribune pour les chercheurs israéliens, notamment les plus jeunes : la revue Yalkout Moreshet, qui commença à être publiée en 1963 par le groupe Moreshet du mouvement de gauche Hashomer Hatsaïr. Dès le début, Yalkout fut un mélange de travaux de recherche, de documents, de témoignages, de réflexions et de critiques, voire de polémiques. Y furent également intégrés des extraits de souvenirs d’anciens rescapés ou insurgés. Son caractère israélien était très marqué, ce qui ne l’empêchait pas de publier aussi des articles déjà parus en anglais, comme celui de Hilberg intitulé « Le train allemand ». Israël Gutman, dès l’origine membre du comité de rédaction de Yalkout en raison de ses affinités avec le mouvement, rejoignit dans les années 1960 et 1970 l’Université hébraïque où, avec Bauer, il encouragea ses étudiants et les chercheurs débutants à publier dans Yalkout des travaux de séminaire et des extraits de leur mémoire de maîtrise ou de leur thèse de doctorat. C’est ainsi que, dans les dix premières années de Yalkout, Daniel Carpi, Shlomo Aharonson, Leni Yahil, Dalia Ofer, Arieh Morgenstern, Otto Dov Kulka et Abraham Margaliot publièrent des extraits de leurs travaux.

75Un autre forum, d’orientation moins scientifique, commença à paraître dans les années 1970, sous l’égide de l’institution Massoua, de la Jeunesse sioniste. Par sa structure, Massoua imitait Yalkout Moreshet, mélangeant des articles universitaires à toutes sortes de réflexions et témoignages.

76D’une façon générale, les forums de recherche jouèrent un rôle important dans le développement de l’étude israélienne sur la Shoah. Yad Vashem-Kovetz Mehkarim permit de promouvoir la recherche israélienne sur la scène internationale. Yalkout Moreshet encouragea les tout premiers travaux de chercheurs, et la parution même de Dapim leHeker tekoufat haShoah et de Massoua depuis les années 1970 montre que la recherche a atteint une ampleur telle qu’elle peut alimenter d’autres revues.

Le défi post-sioniste

77Vers la fin des années 1980 apparurent en Israël les « nouveaux historiens », qui lancèrent dans la société des débats sur des thèmes fondamentaux du sionisme et de l’État d’Israël et sur la façon dont ils étaient présentés dans le récit historique [62].

78Plusieurs jeunes chercheurs qui travaillaient sur la création de l’État et le conflit entre Juifs et Arabes se désignèrent eux-mêmes du nom de « nouveaux historiens ». Ils soutinrent qu’il fallait réexaminer la véracité des fondements de l’histoire sioniste et partirent en guerre, notamment, contre l’écriture de l’histoire par leurs prédécesseurs, une écriture qui, selon eux, était « propagandiste ».

79L’essor de ce groupe peut s’expliquer par des facteurs techniques : au bout de 30 ans, les archives de l’État furent ouvertes et une abondante documentation, jusqu’alors secrète, fut mise à la disposition des chercheurs. Parallèlement, alors que la génération précédente des historiens commençait à disparaître, un champ d’action plus vaste s’ouvrit tout naturellement aux historiens débutants.

80Toutefois, ces données ne permettent pas de comprendre le phénomène dans son ensemble : son élargissement aux domaines de la sociologie, de l’anthropologie et des sciences politiques, ses liens avec le post-modernisme qui, dans le contexte israélien, signifie la disqualification de l’État d’Israël et de sa politique, son utilisation dans les débats sur la position morale de l’État. Tous ces thèmes montrent que les origines de ce phénomène ne sont pas seulement d’ordre « historique ». Ce fut, comme le déclara Anita Shapira, « une entreprise destinée à façonner la mémoire collective ». Les « nouveaux historiens » furent accusés par leurs opposants de « délégitimer le sionisme et l’État d’Israël [63] ».

81La Shoah et la recherche dont elle fait l’objet n’occupèrent pas une place centrale dans cette polémique. L’événement fut principalement abordé dans le contexte du renforcement du Yishouv en Eretz Israël et de son comportement jugé sévèrement face à la catastrophe en cours. Ben Gourion, en particulier, fut stigmatisé pour son « optique sioniste unidimensionnelle », qui, selon les Juifs d’exil, ignorait délibérément leur détresse, et pour n’avoir pas pris les mesures qui auraient pu les sauver du désastre.

82À cet égard, le texte le plus marquant fut le livre de Shabtaï Beit Tzvi, professeur de lycée à Tel-Aviv, Le Sionisme post-ougandais à l’épreuve de la Shoah (1977) qui, bien qu’il ne répondît pas aux critères de la recherche historique, posait des questions embarrassantes sur l’importance de l’entreprise de sauvetage tentée par le Yishouv d’Eretz Israël au profit des Juifs d’Europe, ainsi que, d’une façon générale sur la réticence à leur porter secours. Cet ouvrage, rédigé dans un esprit sioniste révisionniste, devint un « livre culte » pour ceux qui stigmatisaient les dirigeants sionistes et leur comportement pendant la Shoah. Ces questions trouvèrent même leur place dans le débat politique et culturel en cours dans la société israélienne. Des éléments ultra-orthodoxes les posèrent dans le cadre de leur controverse contemporaine avec le mouvement sioniste, de même que d’autres tendances de l’extrême gauche, dans le cadre de leur entreprise de délégitimer le mouvement sioniste et l’État d’Israël. En fait, la polémique concernant les « nouveaux historiens » porte principalement sur les questions liées au mouvement sioniste et à l’État d’Israël, sans approfondir les aspects scientifiques de la recherche. Ceux qui traitaient ce sujet n’étaient pas tous issus du monde de la recherche historique, tel le psychothérapeute Yossef Grodzinsky qui écrivit lui aussi, cous l’angle de sa spécialité, un ouvrage sur la question du Yishouv et de la Shoah [64].

83La place marginale accordée à la Shoah dans les travaux des nouveaux historiens n’exerça guère d’influence sur la façon dont la société israélienne appréhendait cette catastrophe. Les nouveaux historiens abordaient la Shoah par le seul biais du comportement des dirigeants sionistes, et ce dans un esprit polémique, sans examiner rigoureusement l’historiographie existante et sans se livrer à une réflexion approfondie [65]. Le livre de l’historienne Idit Zertal, L’Or des Juifs, dans lequel la Shoah est traitée comme un aspect de la recherche sur les réfugiés, constitue une exception [66].

84Le besoin de réagir à ces arguments – et ce n’est guère surprenant – produisit l’un des fruits les plus importants de cette polémique, le volumineux ouvrage de Touvia Friling (1 126 pages), Flèche dans la brume, Ben Gourion, les dirigeants sionistes et les tentatives de sauvetage pendant la Shoah[67]. Historien de l’université Ben Gourion, Friling brossa, à partir d’une abondante documentation, une vaste fresque de l’activité entreprise par les dirigeants du Yishouv et par David Ben Gourion pour aider les Juifs d’Europe pendant la Shoah.

85Ayant retracé l’histoire de la recherche sur la Shoah, il nous faut maintenant l’évaluer en étudiant ses thèmes, ses liens avec l’opinion et l’idéologie, ainsi que l’attitude de la société israélienne à son égard et les influences exercées par l’étranger. Il faudra également préciser en quoi l’étude des travaux sur la Shoah a contribué à mieux faire comprendre la société israélienne en émergence. Cette étude revient naturellement sur des thèmes abordés plus haut.

Les thèmes de la Shoah

86La recherche israélienne sur la Shoah possède-t-elle des caractéristiques propres ? La réponse est oui. Dès ses débuts, les travaux réalisés par des Juifs et des Israéliens sur la Shoah – dans les comités d’histoire et dans les programmes élaborés par les rescapés comme Dworzecki et Friedman – insista sur la nécessité d’écrire l’histoire des Juifs dans la Shoah. « Il nous manque une histoire du peuple d’Israël à l’époque nazie, une histoire qui place le peuple juif au centre de ses préoccupations », soutint Philip Friedman qui appela à étudier le peuple juif « en tant qu’entité collective pleine et entière, sous tous ses aspects divers et nombreux [68] ». Cette approche va à l’encontre de l’orientation prise en Allemagne, aux États-Unis et en Angleterre, qui, pour reprendre son expression, s’attachait aux « persécuteurs ».

87L’examen de ce qui se fait en Israël montre que la recherche y porte principalement sur les aspects juifs de la Shoah, notamment sur « l’héroïsme juif ». Les recueils de documents de Yad Vashem traitent de la vie dans les ghettos de Varsovie, Bialystok et Lublin ; les colloques de Yad Vashem abordent pour la plupart des thèmes juifs : résistance, sauvetage, dirigeants juifs. Dans les années 1970, on commença à écrire sur la résistance juive pendant la Shoah dans le cadre de recherches universitaires intitulées « Histoire de la résistance juive armée à l’époque dans la Shoah », réalisées sous l’égide de l’Institut du judaïsme contemporain. Par ailleurs, des chercheurs israéliens plus jeunes s’intéressèrent à ces années-là, notamment à la réaction du Yishouv juif en Eretz Israël face à la Shoah et aux tentatives de sauvetage qu’il entreprit. Ce fut l’amorce d’une orientation de recherche qui prit de l’ampleur au fil des années et fut directement liée aux approches critiques à l’égard du mouvement sioniste et de sa direction politique, ainsi que de l’État d’Israël. Gagnant du terrain dans le débat public israélien, principalement après la guerre de Kippour, cette orientation critique atteignit un sommet à la fin des années 1980 et dans les années 1990 – nous y reviendrons plus loin.

88Outre les répercussions actuelles de ce sujet, il semble que l’engouement pour ce thème s’explique par le fait l’ignorance des langues européennes par une partie des spécialistes de la Shoah de la deuxième génération, et a fortiori des générations suivantes, ce qui les rend incapables d’exploiter la documentation étrangère. Aussi orientèrent-ils leurs travaux vers les thèmes historiques dont l’étude leur était accessible en fonction des langues qu’ils connaissaient – l’hébreu et l’anglais.

89À l’exception d’historiens comme Uriel Tal, Saül Friedlander et Shlomo Aharonson, les chercheurs israéliens se sont peu intéressés aux « persécuteurs », et on ne trouve guère de contribution israélienne importante dans le débat sur l’idée, la planification et l’exécution de la « Solution finale ». Ce qui ressort, c’est la volonté, dès le début, d’aborder des sujets sensibles tels le sauvetage, la conduite des dirigeants juifs et le Yishouv. Un autre aspect se fait jour : l’extension géographique de la recherche sur la Shoah dans tous les pays d’Europe ne fut possible que parce qu’Israël était un pays d’immigration : les ressortissants de nombreux pays, outre leur connaissance de la langue, y avaient apporté de nombreux documents. Il fallait compter aussi avec la volonté de ces immigrés de raconter « leur » histoire. Est frappante, par exemple, l’absence de livre important sur la Shoah rédigé par un auteur israélien. Alors que des sommes furent publiées en Europe et aux États-Unis, comme celles de Poliakov, de Reilinger et de Tenenbaum dès les années 1950, puis celle de Hilberg au début des années 1960, le premier livre général sur la Shoah écrit par un auteur israélien, La Shoah du peuple juif en Europe, de Nathan Eck, ne parut qu’en 1976 et n’exerça guère d’influence du fait de ses faiblesses historiographiques. En 1970, le comité scientifique de Yad Vashem chargea Leni Yahil de préparer dans l’année un ouvrage de ce type, mais La Shoah – le sort des Juifs d’Europe 1932-1945, ne vit le jour, après bien des péripéties, qu’en 1987, soit 32 ans après la fin de ces événements [69].

90Comment expliquer le retard pris en Israël dans la rédaction de grands ouvrages sur la Shoah ? On peut invoquer le fait que les auteurs israéliens se trouvaient éloignés de nombreuses archives d’Europe, mais cette réponse n’est guère satisfaisante, car même à la veille des années 2000, alors qu’en Occident on écrivait sans relâche de grands ouvrages sur les nazis et la Shoah [70], les chercheurs israéliens étaient encore à la traîne. Il est possible que la présence prégnante de la Shoah dans la conscience israélienne ait provoqué chez eux une réticence et qu’ils étaient peu désireux d’affronter « l’histoire dans sa globalité ». Ils appréhendaient la Shoah comme un phénomène trop vaste pour être abordé par un seul auteur et préféraient en traiter des aspects plus restreints.

91L’Encyclopédie de la Shoah, dont le premier volume fut publié en 1990 par Yad Vashem sous la direction d’Israël Gutman, constitue cependant une tentative unique de fournir un récit global et scientifique de la Shoah. On peut en dire autant du projet de faire une histoire de la Shoah, également sous l’égide de Yad Vashem. « Cette encyclopédie a pour objectif, écrivait alors Gutman, de mettre à la disposition des enseignants, des étudiants et du public un ouvrage général à jour sur la Shoah, son contexte et ses conséquences [71]. »

92Caractéristique de la recherche israélienne sur la Shoah, le projet accordait une attention privilégiée « aux victimes de la Shoah, à leurs dirigeants et aux structures collectives, à leur détresse, à leurs opinions, à ce qu’elles savaient du sort qui les attendait, à leurs actions vouées à l’échec, à leur combat acharné pour survivre et pour sauver des vies et aux modes de résistance désespérée à l’ombre de la mort qui se refermait inexorablement sur eux [72] ».

93Les rédacteurs de l’Encyclopédie essuyèrent diverses critiques, notamment sur leur tendance à héroïser la révolte des ghettos ; on jugea qu’ils mettaient en valeur de façon disproportionnée les insurgés issus des mouvements de la gauche sioniste et les endroits où ils se révoltèrent par rapport à d’autres insurgés et d’autres actions. À leur décharge, on soutint que l’Encyclopédie était un reflet de l’état de la recherche du moment et qu’en l’absence de travaux universitaires sur les révoltés des mouvements de la droite sioniste, il était naturel que ceux-ci soient moins présents dans l’ouvrage. Malgré ces critiques, la qualité de l’Encyclopédie fut saluée et sa traduction en différentes langues fournit un outil de travail indispensable aux étudiants et aux chercheurs.

La recherche sur la Shoah en Israël : contexte socio-idéologique

La société israélienne : intérêt porté à la recherche sur la Shoah

94Les travaux sur la mémoire de la Shoah dans le Yishouv, réalisés dans les années d’après-guerre, traitent de façon récurrente de l’arrivée des premiers anciens combattants –tels Roszka Korczak et Tsvia Lubetkin – et de leur influence sur les affaires publiques d’Eretz Israël [73]. Ils étudient également les efforts de commémoration consentis par Shenhavi et les problèmes auxquels il se heurta, mais aucun ne mentionne la recherche et son importance [74]. Il nous semble que l’étude de la Shoah fut inscrite à l’ordre du jour dès l’époque du Yishouv, avant la création de l’État. Le Congrès mondial de recherche sur la Shoah et l’héroïsme contemporain, dont nous avons parlé plus haut, en est la preuve. L’ampleur de la participation à ce congrès et la couverture médiatique dont il fit l’objet montrent bien qu’avant même l’indépendance, la Shoah et son étude revêtaient une grande importance pour le public et pour la presse.

95C’est après la tenue de ce congrès que parut dans la presse la proposition d’Arieh Bauminger (également évoquée pendant le congrès) de créer une chaire de recherche sur la Shoah à l’Université hébraïque [75]. Certes, sa proposition ne fut pas acceptée, mais le fait même que la question ait été soulevée dans la presse montre que Bauminger sentait dans l’opinion publique une certaine ouverture dans ce domaine. La guerre d’Indépendance et l’immigration en masse qui s’ensuivit rejetèrent pour quelques années la recherche sur la Shoah et la commémoration en marge de la conscience israélienne. Après cet intermède, le sujet revint dans la presse israélienne dans les années 1950-1953, principalement après la création du Mémorial du martyr juif inconnu à Paris par le CDJC. Cette initiative de la galout (exil) suscita des critiques contre le gouvernement en Israël, jugé passif dans ce domaine [76]. La pression de l’opinion publique, telle qu’elle s’exprima dans les journaux, et celle exercée directement par Shenavi sur Ben Gourion et les ministres (avec l’aide de Dinur, alors ministre de l’Éducation et de la Culture), déterminèrent l’adoption de la loi du 19 août 1953 sur la commémoration de la Shoah et de l’héroïsme. Cette loi soulignait que Yad Vashem avait pour mission, entre autres, de « réunir, étudier et publier tout témoignage sur la Shoah et l’héroïsme, et de faire en sorte que la population intègre ce message ». On voit que la compétition entre « Sion » et « l’exil », sur fond d’idéologie sioniste, accéléra l’adoption d’initiatives en matière de recherche, aussi bien en 1947 qu’en 1952-1953.

96Même après la création de Yad Vashem, l’intérêt du public pour ce qu’y se faisait et pour la recherche ne cessa pas. Dès la réunion du premier congrès du Conseil mondial de Yad Vashem en avril 1956, les représentants des associations de rescapés menèrent un long combat sur les thèmes de recherche et sur la commémoration dans l’institution, exigeant sans cesse davantage de commémoration et de travaux sur la Shoah elle-même. Lorsque se déclencha la polémique entre les historiens rescapés et la direction de Yad Vashem en 1958, la presse accorda une large place aux opinions des deux parties. On remarquera que, contrairement à l’image répandue d’arrogance des Israéliens à l’égard des rescapés et de leur rejet de toute « leçon sioniste », la presse pencha plutôt en faveur des historiens rescapés ; elle se rangea aux côtés des « rescapés » contre « les Israéliens », au point que Dinur soutint qu’ils avaient organisé contre lui une campagne de presse [77] : « Ils organisent une campagne de diffamation contre nous dans la presse », déclara-t-il à ses collègues de la direction de Yad Vashem [78]. Ceux-ci savaient que, dans l’opinion publique, les historiens rescapés étaient précisément identifiés à la recherche sur la Shoah et qu’il était impossible d’ébranler ce statut. « Il nous est interdit de les licencier […]. Ce problème risque de poursuivre Yad Vashem jusqu’au bout, car l’opinion publique a un lien profond avec ces gens-là [79]. » Cette remarque incidente souligne le caractère erroné de l’argument selon lequel, avant le procès Eichmann, l’opinion publique israélienne ne s’intéressait ni à la Shoah, ni aux rescapés.

97Il demeure toutefois évident que ce procès déclencha dans l’opinion publique un regain d’intérêt pour ce qui se faisait à Yad Vashem en général, et en matière de recherche en particulier. L’effort qu’il fallait investir pour l’argumentation et la documentation permettant de dresser l’acte d’accusation contre Eichmann, ainsi que l’écho rencontré en Israël et dans le monde pour les récits et bribes d’informations sur la Shoah évoqués du fait du procès, tout cela souligna l’importance de travaux de recherche en bonne et due forme. Lorsque, en 1964, trois ans après le procès, Yad Vashem eut épuisé le budget alloué par la Claims Conference [80], le ministre de l’Éducation Zalman Aran s’en soucia suffisamment pour créer une « commission d’enquête sur les activités de l’Autorité chargée de la commémoration, Yad Vashem », placée sous la direction d’Arieh Pincus, trésorier de l’Agence juive. Cette commission qui, en séance plénière, comptait une quarantaine de personnalités et qui nomma une équipe restreinte (laquelle siégea pendant trois ans !), se consacra précisément à l’état de la recherche sur la Shoah.

98Dans l’amoncellement des diverses définitions et attitudes évoquées au cours des débats et dans les dizaines de pages de procès-verbaux et de témoignages de la commission, on distingue trois thèmes principaux : l’état de la recherche et des travaux scientifiques à Yad Vashem et son avenir ; l’état de la recherche et de l’enseignement dans les universités ; la tentative d’esquisser une politique de recherche sur la Shoah qui associerait Yad Vashem et les universités, chacun dans son domaine.

99Sous différentes formulations, Pincus posa deux questions aux représentants de Yad Vashem et du monde universitaire qui se présentèrent devant la commission :

100

À votre avis, l’université a-t-elle aujourd’hui la capacité [de se charger de la recherche sur la Shoah] et êtes-vous d’avis que tout intervenant dans la recherche doit dépendre de l’université ?
Comment envisagez-vous les travaux scientifiques de Yad Vashem, c’est-à-dire l’aspect qui s’exprime dans une autre activité ? Même s’il ne s’agit pas de recherche, cela doit, d’une façon ou d’une autre, relever d’une approche scientifique. Estimez-vous qu’en diversifiant les activités de Yad Vashem, cette approche scientifique sera respectée [81] ?

101Publiées en 1967, les décisions de la commission reflétaient en fait la préoccupation générale quant à la situation et à l’avenir de la recherche sur la Shoah. Il s’y manifestait une critique à l’encontre des universités. Yad Vashem reçut pour mandat de poursuivre la recherche pour le moment, mais cette mission fut limitée par le qualificatif « préliminaire » qui lui fut accolé [82]. On exigea également la nomination d’un directeur scientifique. La commission appela en outre le ministre de l’Éducation à intervenir dans les questions nécessitant une intervention extérieure (des bailleurs de fonds). En matière de recherche, elle prit la décision suivante :

102

La commission insiste sur la grande importance de la recherche sur la Shoah à l’avenir et sur la responsabilité majeure qui incombe de plus en plus aux institutions du pays, aux universités et à Yad Vashem en matière de développement de la recherche sur la Shoah. Mais, compte tenu de la situation actuelle, elle décide qu’avant de renforcer effectivement la recherche sur la Shoah dans les universités du pays de façon à garantir une continuité des travaux, la recherche continuera à être réalisée à Yad Vashem.
La commission recommande qu’à ce stade, dans les travaux de recherche de Yad Vashem, l’accent soit mis sur la recherche préliminaire, c’est-à-dire : préparation des archives (documents, procès-verbaux, témoignages, etc.) à la publication, ces outils devant servir de matière première aux chercheurs désireux de s’adonner à l’étude de la Shoah.
Afin de réaliser ce travail de façon méthodique et au niveau voulu, la commission recommande de nommer à Yad Vashem un directeur scientifique qui dirigera et contrôlera tout le travail de publication de l’institution.
La commission a le regret de signaler qu’il n’existe pour l’instant aucune base de coopération et de coordination de la recherche entre Yad Vashem et l’Université hébraïque, et elle recommande au ministre de l’Éducation et de la Culture d’entamer des négociations avec les dirigeants de deux institutions afin de coordonner une recherche conjointe [83] entre l’Université et Yad Vashem.
La commission recommande également que le ministre de l’Éducation et de la Culture et les universités se concertent en vue de trouver les moyens de développer les cours sur la Shoah, d’où sortira la génération des chercheurs spécialisés dans ce domaine [84].

103Dans ses déclarations à la commission éducative de la Knesset qui débattait des conclusions de la commission – nous en reparlerons –, Pincus mit en relief l’importance de ces décisions dans l’ensemble du travail effectué : « Si on me demandait ce qui est le plus important dans le travail de la commission, je dirais que c’est la recherche – garantir l’avenir de la recherche dans les établissements d’enseignement supérieur [85]. »

104La publication du rapport de la commission fut suffisamment importante pour susciter des réactions : elle s’accompagna de fuites aménagées dans la presse et d’articles aux titres retentissants. Des questions furent alors posées à la Knesset, concernant la recherche sur la Shoah ; puis la commission parlementaire chargée de l’Éducation délibéra, principalement sur la situation et l’avenir de la recherche sur la Shoah.

105La commission chargée de l’Éducation traita également dans ses décisions de la recherche sur la Shoah et recommanda de nommer un directeur scientifique à Yad Vashem : « La commission recommande la nomination à temps plein ou à temps partiel d’un directeur scientifique aux côtés du directeur de Yad Vashem. Il est souhaitable que le directeur scientifique qui sera nommé soit accepté également par les chercheurs des universités proposant l’étude de la Shoah ou des travaux sur ce thème [86]. »

106Par ailleurs, la commission proposa de créer un comité de recherche, ce qui fut accepté. L’histoire du comité Pincus et le débat de la commission parlementaire chargée de l’Éducation qui s’ensuivit illustrent la position centrale de la recherche sur la Shoah pour l’opinion publique israélienne. La participation de nombreuses personnalités aux débats de la commission, le fait que la question ait été soulevée au Parlement et les échos médiatiques dont firent l’objet les débats des commissions et leurs décisions montrent le grand intérêt porté à ces thèmes. On peut affirmer qu’il s’agit là du maintien de l’intérêt manifesté pour la recherche sur la Shoah et sa commémoration, tel qu’il s’exprima, on l’a vu, au cours des années 1950. Mais une autre étape avait été franchie avec la volonté de l’opinion publique de créer la commission Pincus et avec les débats de la commission chargée de l’éducation et de sa sous-commission – volonté qu’on peut relier à l’influence exercée par le procès Eichmann. La progression des différentes commissions et, dans leur sillage, de la presse montre la place de choix qu’occupait alors la conscience de la Shoah en Israël.

107Tandis qu’on s’attendait à ce que la décision sur la loi de Yad Vashem à la Knesset aboutisse à la création d’une institution qui réponde aux besoins de la société israélienne en matière de recherche et de commémoration de la Shoah – ce qui aurait mis fin au rôle de la Knesset dans ce domaine –,les controverses des années 1950 et 1960 rappelèrent sans cesse aux députés que leur mission n’était pas achevée. Leur intervention concernant le caractère à donner à l’institution et les questions de recherche historique, qui échappent ordinairement à la compétence d’un parlement, montre la place privilégiée qu’occupait ce sujet dans la conscience collective israélienne.

108On voit ainsi que tout débat sur la mémoire de la Shoah en Israël ne peut être complet si l’on n’examine pas l’attitude de l’opinion publique à l’égard de la recherche sur ce sujet. Cet examen montre, on l’a vu, l’immense intérêt de la société israélienne, qui s’est manifesté durant toute la période couverte par notre étude, mais aussi dans les années précédentes, alors que la société israélienne était en général considérée comme indifférente aux problèmes des rescapés et accusée d’en faire une utilisation purement instrumentalisée au profit du sionisme.

Le statut des rescapés dans la société israélienne

109Dans de nombreux travaux rédigés sur la société israélienne au début de l’État, les rescapés de la Shoah sont décrits comme des éléments passifs. Ce sont ceux « à qui on fait », « qu’on exploite », « qu’on accepte » ou « qu’on rejette » ; ils ne sont pas sujets, mais prédicats. Ce constat est particulièrement marqué chez Idit Zertal, Tom Segev et Yossef Grodzinsky [87], mais également, dans une large mesure, chez d’autres chercheurs importants. L’analyse de ce qui se fait en matière de recherche sur la Shoah et de commémoration rappelle quelle fut l’attitude des rescapés. Hannah Yablonka a déjà entrepris de réfuter cette présentation unilatérale en évoquant le « prétendu silence » des rescapés de la Shoah et a montré leur influence et leur contribution dans l’élaboration de la société israélienne en gestation [88]. Nos travaux montrent également qu’en matière de recherche sur la Shoah, les rescapés constituèrent une force active et influente dans la société israélienne. Parmi eux, se dégagea un groupe de personnes qui prirent des initiatives et œuvrèrent pour la commémoration de la Shoah, non seulement au niveau communautaire restreint des Landsmanschaften (associations regroupant des personnes originaires d’une même communauté) et des associations commémoratives, mais au niveau national. Cette action estimait que les rescapés avaient le droit et la capacité d’exercer une influence sur les institutions nationales et sur l’ordre du jour du pays.

110Et ils exercèrent effectivement une influence. Ce fut le cas, comme l’a montré Yablonka, en ce qui concerne les lois sur la Shoah dans les années 1950. Il faut considérer les luttes menées à Yad Vashem dans ce contexte comme un autre exemple illustrant cette influence et souligner que non seulement les rescapés jugeaient qu’ils avaient un droit en matière de commémoration de la Shoah – par l’intermédiaire de la recherche –, mais qu’ils étaient perçus comme tels également par la nation israélienne, ainsi que nous l’avons dit. En témoignent aussi bien les articles de la presse qui soutinrent les historiens rescapés au moment du combat à Yad Vashem que le poids considérable que leur statut particulier leur conférait, aux yeux de l’opinion publique, dans les débats de la direction de Yad Vashem.

Influences étrangères sur la recherche sur la Shoah en Israël

111La commémoration de la Shoah et la recherche sur ce thème ont presque toujours été perçues dans la société israélienne comme une bulle, dépourvue de points de contacts avec les processus de commémoration et la recherche dans différents pays, et en particulier exempte de toute influence de l’extérieur. Ce n’est pourtant pas le cas. En premier lieu, nous avons vu comment le mode de commémoration et la recherche à l’étranger, en particulier en France, furent le catalyseur de réactions en Israël. Philip Friedman, considéré par tous les spécialistes comme un éminent chercheur, exerça lui aussi un impact. Avant la Shoah, il était déjà un historien célèbre qui dirigea le comité juif d’histoire en Pologne, fut conseiller du comité d’histoire de Munich et finit par s’installer à l’université Columbia, à New York. Les relations entre Friedman d’une part et les membres du YIVO et de la Claims Conference, tenue en haute estime en Israël et dans le monde, de l’autre lui conférèrent une grande influence. Le projet bibliographique commun au YIVO et à Yad Vashem, qu’il dirigea jusqu’à sa mort, fut créé à son initiative.

112Sous la direction de Nahum Goldmann, la Claims Conference exerça une influence directe sur ce qui se faisait à Yad Vashem en matière de commémoration et de recherche. Elle couvrit 50 % du budget de l’institution dans ses dix premières années, puis lui apporta son aide par l’intermédiaire de la Fondation de la mémoire, créée par elle, qui finançait divers programmes de recherche dans les universités. La Claims Conference a participé aux programmes de recherche de Yad Vashem, aux projets de construction et à la nomination du président de l’institution. Les représentants de la Claims Conference Mark Uveeler et Jacob Robinson jouèrent un rôle actif pour tout ce qui concernait la recherche à Yad Vashem et, pour Robinson, à l’Université hébraïque ; ils exercèrent une influence déterminante sur la politique de recherche et le travail courant de l’institution. On peut dire que cette implication de la Claims Conference dans les activités de Yad Vashem amplifia considérablement celle du gouvernement d’Israël et de l’Agence juive qui, pendant des années – jusqu’à l’époque du comité Pincus –, ne manifestèrent pas d’intérêt pour la politique de commémoration et de recherche de l’institution. Ce serait donc une erreur de considérer Yad Vashem comme un bras de l’establishment israélien dans le domaine de la Shoah. Dans une large mesure, il faut, selon nous, considérer Yad Vashem, du moins dans ses dix premières années, non comme une institution israélienne et/ou sioniste, mais comme une institution juive représentant l’état d’esprit et la volonté du monde juif d’après la Shoah, dans lequel les Juifs américains avaient un grand poids.

113Il faut donc appréhender le débat public israélien sur la révolte, l’opposition et la « résistance juive », ainsi que ses répercussions sur la recherche, dans un contexte plus large : le contexte européen. Des discussions sur des thèmes similaires se déroulèrent dans la plupart des pays d’Europe, en particulier ceux qui subirent l’occupation nazie. Des questions telles « Qu’est-ce que la résistance ? » et « Qui résista ? » furent soulevées dans les travaux historiques en France, en Belgique, en Pologne et, plus tard, en Allemagne. « Les guerres de commémoration » autour de ces thèmes étaient aussi répandues dans les pays d’Europe qu’en Israël, divers groupes politiques revendiquant la paternité de la révolte, de la résistance, etc. Le fait que la résistance armée dans ces pays fut l’apanage d’un petit nombre de personnes conduisit à un élargissement du concept de résistance, qui s’exprima dans la recherche lors du colloque sur la résistance juive organisé en 1968. Le débat israélien précéda l’engouement pour « l’histoire de la vie quotidienne » et son rapport avec la résistance, comme c’était courant en Allemagne dans les années 1970 et 1980. Par ailleurs, bien que le débat israélien comportât des caractéristiques propres, les chercheurs juifs et israéliens connaissaient les controverses qui se déroulaient en Europe sur les thèmes de la « résistance » et de la « vie quotidienne », que ce soit par l’échange d’une correspondance, par une participation à des colloques ou parce qu’ils se tenaient au courant des publications européennes dont ils connaissaient les langues.

L’élaboration de la mémoire de la Shoah par l’establishment sioniste dans l’État d’Israël : évaluation

114Dans ces conditions, comment fut « élaborée » la mémoire de la Shoah par l’establishment sioniste en Israël ? La question de la mémoire collective, de sa conception et de sa construction a été développée scientifiquement ces dernières années [89]. Notre étude renforce, dans une large mesure, le modèle de Jay Winter et d’Emmanuel Sivan qui remet en cause le caractère abstrait du concept de mémoire collective tel qu’il apparaît dans les écrits de Pierre Nora. Dans les travaux sur la mémoire, l’accent doit être mis sur la « commémoration collective » « qui se produit par suite de l’action et de l’agencement de la mémoire d’individus ou de groupes associés, non du fait d’un État ou de ses institutions, mais du fait d’un sentiment d’obligation de faire entendre leurs propos [90] ». Selon eux, « l’accent mis sur l’initiative, l’action et la création jette un éclairage nouveau sur l’histoire culturelle du xxe siècle », en remplaçant « les généralisations qui ne sauraient être exactes » et qui, dans le meilleur des cas, décrivent « une vague générale de réactions, de sentiments et d’associations reflétant l’ensemble de la société lorsqu’on évoque les événements du passé », par une recherche assidue sur l’image de l’action et ses activités destinées à enraciner cette mémoire.

115La place manque ici pour décrire l’autre théorie de la « commémoration collective » qu’exposent Winter et Sivan en remplacement de la théorie de la « mémoire collective », mais il semble que ce modèle permette de réorganiser notre compréhension de l’élaboration de la mémoire de la Shoah en Israël. Suivant leur thèse,

116

l’État existe toujours, mais il n’est ni omniprésent, ni omnipotent. La société civile est le lieu où divers groupes élaborent leurs propres stratégies de la mémoire parallèlement à l’État, et parfois contre lui.
La « commémoration » se caractérise par des négociations entre toutes sortes de groupes, y compris l’État. Certes, les participants ne sont pas tous égaux. Il arrive qu’il y ait oppression, mais des voix s’insurgent. Si quelques voix sont faibles, ou du moins tardives, dans le contexte d’une société pluraliste, ce n’est pas seulement faute de ressources […]. Parfois, c’est à cause d’une autocensure résultant d’une sous-estimation d’autrui ou d’une piètre image de soi [91].

117La théorie de Winter et Sivan remet en cause deux composantes marquantes soulignées dans l’ancienne recherche sur la mémoire collective : d’abord l’accent mis sur la « manipulation/réinterprétation de la mémoire par les élites, en particulier politiques et culturelles » ; ensuite, l’argument de la passivité du public en tant que « subissant » ces manipulations. Selon eux, la recherche sur la « commémoration » retire la mémoire des mains « des forces dominantes de l’État » et souligne l’action et la créativité de la société civile par l’interaction des groupes sociaux et des dirigeants des deuxième et troisième niveaux. « L’agencement de la mémoire dans la reconstruction du passé est déterminant, mais il s’agit d’une action venant aussi bien d’en haut que d’en bas [92]. »

118La théorie de Winter et Sivan constitue un cadre adéquat pour décrire la commémoration de la Shoah et la recherche sur ce thème en Israël, en tant que « commémoration collective » de la Shoah. Nous avons vu que différentes forces s’affrontent sur le « terrain » de la mémoire israélienne : des groupes de rescapés, anciens insurgés, voulaient commémorer la révolte des ghettos, et une partie d’entre eux reçurent le soutien de leurs mouvements politiques et/ou kibboutziques qui y voyaient une occasion de renforcer leur statut dans le présent. Il y eut une grande activité de commémoration communautaire par les Landsmanschaften, activité à laquelle des rescapés œuvrèrent aux côtés des membres de communautés qui avaient quitté l’Europe avant la Shoah. Les associations de combattants non affiliées à un mouvement comme l’association des invalides de la guerre contre les nazis et l’association des soldats démobilisés, travaillèrent à la commémoration du combat juif pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces associations et d’autres encore exercèrent des pressions extra-parlementaires sur la Knesset et réussirent à faire adopter des lois sur la Shoah et sa commémoration. Il faut souligner ici que l’initiative même de créer Yad Vashem ne vint pas de l’establishment « sioniste » ou « israélien », mais d’un seul homme, Mordekhaï Shenhavi ; c’est lui qui décida les institutions à constituer Yad Vashem sous ses deux avatars. En outre – ainsi que nous l’avons souligné –, la grande influence exercée par la Claims Conference sur ce qui se faisait dans l’institution témoigne de son caractère juif général – et pas seulement israélien.

119En ce qui concerne les entreprises de recherche proprement dites, nous avons constaté les activités des historiens rescapés et des associations de rescapés qui agirent, d’abord à Beit Lohamei haghettaot, puis à Yad Vashem, et luttèrent pour mettre en œuvre ce qu’ils considéraient comme une recherche sur la Shoah « digne de ce nom ». En 1958, leur décision de mener un combat public pour leurs positions les conduisit à s’opposer frontalement à Dinur, ancien ministre de l’Éducation et alors directeur Yad Vashem, ainsi que ses étudiants de l’Université hébraïque qui représentaient « l’establishment » universitaire et intellectuel. Dans ce combat, ils trouvèrent de nombreux alliés hors de l’institution et reçurent le soutien de la presse. Le fait qu’ils aient réussi à obtenir la démission de Dinur et le départ de ses étudiants prouve que la prétendue élite universitaire de l’establishment ne constituait pas la force centrale en matière de commémoration de la Shoah en Israël.

120Il semble que cette conception jette un jour nouveau sur les débats passionnés concernant le Yishouv, l’État d’Israël, Ben Gourion et leur attitude à l’égard de la Shoah. En fait, à la base de la commémoration israélienne de la Shoah, on ne trouve pas seulement l’idéologie sioniste et l’éthos de lui-même que l’État avait intentionnellement créé. La Shoah était gravée dans la conscience israélienne et les démarches entreprises pour sa commémoration et pour la recherche furent, dans une large mesure, le fruit des efforts et de l’action des rescapés de la Shoah et de diverses organisations. Dans notre contexte, ce furent les historiens rescapés qui luttèrent pour conférer à Yad Vashem ses caractéristiques, avec le soutien des représentants des associations de rescapés qui siégeaient dans le conseil et d’autres alliés dans l’opinion publique israélienne [93].

121Par la suite, lorsque la recherche passa dans les universités, celles-ci agirent dans le cadre de leur indépendance universitaire, les orientations de recherche étant déterminées par les initiatives de personnalités comme Yehuda Bauer et en fonction des centres d’intérêt des chercheurs et de leur connaissance des langues.

122Dans les années 1960 et 1970 s’opéra un partage dichotomique entre la commémoration dont fut chargé Yad Vashem et la recherche dans les universités. Ce fut le résultat direct des conflits intervenus à la fin des années 1950, qui aboutirent au départ de Dinur et à son remplacement par Arieh Kubovy, lequel se consacra à la commémoration et à l’information. C’est ainsi que Yad Vashem, dans son aspect commémoratif en dehors de la recherche, représenta de plus en plus « l’orthodoxie » de l’approche de la Shoah. Cela s’exprima dans l’approche « intentionnaliste » de la conception de la « Solution finale », conçue comme l’aboutissement d’une politique et d’un plan prémédité de l’extermination des Juifs. Yad Vashem devint ultérieurement le représentant de la commémoration israélienne « nationale » de la Shoah, ainsi qu’un important instrument dans l’argumentaire fourni par la politique étrangère israélienne. Dans le monde universitaire, en revanche, le lien établi avec ce qui se faisait dans le domaine de la recherche, en particulier les débats historiographiques en Allemagne, conduisirent à pencher plutôt en faveur de l’approche « fonctionnaliste » ou à un mélange de ces deux approches. Ce fut précisément à l’université qu’on trouva des fondements subversifs à l’égard de la conception traditionnelle de l’essence de la Shoah telle qu’elle s’exprimait dans les messages de commémoration de Yad Vashem. La voie propre empruntée par la recherche universitaire creusa également un fossé entre ce qui se faisait dans le domaine de la recherche et les messages transmis dans l’éducation, au théâtre, au cinéma et dans la littérature, ainsi que l’approche populaire de la Shoah telle qu’elle s’exprimait dans le débat public israélien. Lorsqu’on observe des images israéliennes populaires de la Shoah, il semble que la recherche universitaire et ses conclusions n’ont exercé qu’un impact limité sur le débat public jusqu’à la fin des années 1970. L’attitude envers les Judenräte en est un exemple marquant : alors que, dès le colloque de 1977 sur les dirigeants juifs, et bien avant, lors du colloque de 1947, des approches complexes se dégageaient à l’égard des Judenräte et qu’une distinction était établie entre les divers lieux et les différentes époques de la Shoah, le concept de Judenrat dans le débat public israélien continua à conserver une forte connotation négative (comme en témoignent les débats sur l’accord d’Oslo dans les années 1990).

123La recherche israélienne sur la Shoah s’est élaborée et façonnée non comme un processus venu « d’en haut », mais comme une synthèse entre diverses forces de la société israélienne et du monde juif qui aspiraient à affronter la blessure béante – personnelle et collective – ainsi que le joug pesant sur la société juive, y compris en Israël. En l’absence d’une action énergique de l’establishment résultant d’une ligne idéologique nette, on ne peut parler de construction de la recherche sur la Shoah venue d’en haut et, dans une large mesure, de la commémoration de la Shoah en Israël.

124L’histoire de la recherche israélienne sur la Shoah est celle de la société israélienne et de sa relation à la catastrophe. La complexité d’une telle approche se reflète dans l’évolution de la recherche dans ses aspects intellectuels, culturels, sociaux et institutionnels. En Israël, elle n’est pas figée, l’intérêt manifesté pour ce thème par les membres des jeunes générations ne diminue pas et de nombreux jeunes historiens choisissent ce domaine de recherche. Les changements structurels dans la société israélienne, les péripéties politiques et les modifications de l’enseignement supérieur, tous ces éléments laisseront leur empreinte sur l’évolution de la recherche. On peut supposer que les chapitres suivants seront tout aussi passionnants que ceux du présent article.

Notes

  • [1]
    Cet article se fonde sur ma thèse de doctorat intitulée « La recherche historique sur la Shoah en Israël de 1945 à 1985 : caractéristiques, tendances et orientations », soutenue en 2004 à l’université Bar-Ilan dans le département d’histoire d’Israël, sous la direction du professeur Dan Michman.
  • [2]
    Professeur d’Histoire de la Shoah, collèges universitaires de Shaanan et de Galilée occidentale, chercheur à l’université Bar-Ilan.
  • [3]
    Voir Boaz Cohen, « Holocaust Survivors and the Genesis of Holocaust Resarch », in Johannes-Dieter Steinert et Inge Newth-Weber, Beyond Camps and Forced Labour. Current International Research on Survivors of Nazi Persecution, Osnabrück, Secolo Verlag, 2005, pp. 290-300.
  • [4]
    « Yad Vashem Lagola, Projet présenté by S. [sic] Shenhabi, 22 décembre 1945. Remarques de Z. Warhaftig, 13 juin 1945 », Archives de Yad Vashem, P20/47, en anglais.
  • [5]
    Mordekhaï Shenhavi à David Remez, 27 janvier 1947, Archives sionistes centrales (ASC), A180/124.
  • [6]
    Souligné dans l’original. Mordekhaï Shenhavi, réunion du comité de Yad Vashem, 26 octobre 1947, ASC, J1/6448.
  • [7]
    Yad Vashem au comité central d’histoire de Munich, 14 mai 1947, Archives de Yad Vashem, M1/B2.3.b.
  • [8]
    Arié Tartakover, « Remarques méthodologiques sur l’étude de la Shoah », Archives de Yad Vashem, AM1/237, pp. 4-6. Toutes les citations suivantes se trouvent dans ce passage. Une approche similaire se dégage des propos d’Abba Kovner lors d’une rencontre avec les membres de la Brigade juive en Italie, le 17 juillet 1945 : « Je sais […] que la prochaine guerre n’est pas éloignée […]. L’enjeu de cette guerre sera notre gorge, notre gorge à tous. » Abba Kovner, « La mission des derniers », in La Shoah des Juifs d’Europe, contexte, histoire, signification, Jérusalem, 1973, p. 479, en hébreu.
  • [9]
    Zerah Warhaftig, « Archives mondiales centrales de Jérusalem », p. 4.
  • [10]
    Docteur Kupferberg, Archives de Yad Vashem, AMI1/237, p. 25.
  • [11]
    Par exemple : « Pour apprendre le caractère impératif de la sortie d’Europe », Hamashkif, 4 juillet 1947, et « Article principal sur notre catastrophe », Haaretz, 4 juillet 1947, publiés dans la perspective de la réunion du Congrès. Le 14 avril 1947, le congrès fut mentionné dans les journaux Haaretz, Davar, Al Hamishmar et Hamashkif ; le lendemain, ces journaux publièrent des reportages sur les débats du congrès. L’émission de radio d’Isaïe Klinov, intitulée « Le Tableau noir », fut diffusée sur Kol Yeroushalaïm le 18 juillet 1947.
  • [12]
    Zvi (Henryk) Szner, né en 1912 à Lodz (Pologne), Archives Beit Lohamei Haghettaot, 2793.
  • [13]
    Voir « Les grandes étapes de l’histoire de Beit Lohamei Haghettaot », Edout, 4 novembre 1989, pp. 15-18 ; revues Yediot Beit Lohamei Haghettaot, Dapim le Heker HaShoah vehaMered, vol. I, 1951, vol. II, 1952 ; voir aussi l’article de Yehoyakim Kokhavi, « 50 années : continuités et ruptures », Dapim le Heker HaShoah vehaMered, 67, pp. 213-250, en hébreu.
  • [14]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 15 novembre 1955. Les procès-verbaux des réunions de la direction se trouvent dans plusieurs volumes aux archives de Yad Vashem, Archives administratives, dossier AM2.
  • [15]
    Nahman Blumental, Dapim leHeker haShoah vehaMered, I, Tel-Aviv, 1951, p. 5.
  • [16]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 18 octobre 1955, Archives de Yad Vashem, AM2.
  • [17]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 28 août 1955, avec la participation de Nahum Goldmann, Archives de Yad Vashem, AM 2.
  • [18]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 28 août 1955.
  • [19]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 18 octobre 1955.
  • [20]
    Séance de la direction de Yad Vashem, en comité restreint, 6 janvier 1955.
  • [21]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 26 septembre 1958.
  • [22]
    Séance de la direction de Yad Vashem, 18 octobre 1955. Archives de Yad Vashem, AM2.
  • [23]
    Ben Zion Dinur, « La Chronique des communautés, projet et problèmes de sa mise en œuvre », Zakhor, Le souvenir de la Shoah et son enseignement, Jérusalem, 1958, p. 117, en hébreu.
  • [24]
    La quintessence historique des communautés détruites en Europe (N.D.A).
  • [25]
    Dinur, « La Chronique des communautés », op. cit., p. 117.
  • [26]
    La place restreinte occupée par la Shoah dans l’œuvre et dans l’activité de Dinur est mise en lumière dans l’article de Yossef Kaplan, « Ben Zion Dinur (1884-1973) », Zion, 68e année, 2003, pp. 411-424. Cinq lignes seulement de cet article évoquent son rôle dans la création puis la direction de Yad Vashem.
  • [27]
    La question de savoir ce qui poussa les rescapés à écrire est traitée ici d’après les propos des historiens rescapés. On trouve des réactions similaires dans la littérature des rescapés et dans les journaux intimes rédigés pendant l’occupation nazie. Voir Terrence Des Pres, The Survivor : An Anatomy of Life in the Death Camps, New York, Oxford University Press, 1976 ; Sara Horowitz, « Voices from the Killing Ground », in Geoffrey H. Hartman, Holocaust Remembrance : The Shapes of Memory, Oxford et Cambridge (Mass.), Blackwell, 1994 ; Billie J. Jones, « Why tell ? An examination of the motivations that have prompted Holocaust victims to recount their experiences through narratives and the benefits of such narratives », mémoire de maîtrise, Bowling Green State University, 1996.
  • [28]
    Nahman Blumental, « Quel sens conférer à notre travail de collecte ? », Yediot Yad Vashem n° 3, Jérusalem, décembre 1954, p. 8, en hébreu.
  • [29]
    Méir Dworzecki, « Et je raconterai ce que mes yeux ont vu », Bein haBetarim, Tel-Aviv, 1956, p. 72, en hébreu. Ce poème fut publié pour la première fois à Paris en septembre 1948. Le titre de cette autobiographie fait référence à un verset de la Genèse dans lequel Abraham, sur injonction divine, procède à un sacrifice/alliance (N.d.T.).
  • [30]
    Yosef Kermisz, « L’état de la recherche sur la Shoah », Yediot Yad Vashem, n° 1, avril 1954, p. 10, en hébreu.
  • [31]
    Nathan Eck, « Allégeons le poids qui pèse sur la génération », Dapim leHeker haShoah vehaMered, n° 1, 1951, p. 204, en hébreu.
  • [32]
    Hans Günther Adler, Theresienstadt 1941-1945. Das Antlitz einer Zwangsgemeinschaft, Tübingen, Mohr, 1955.
  • [33]
    Hans Günther Adler, Der Verwaltete Mensch, Tübingen, Mohr, 1974, début de l’introduction.
  • [34]
    Ada Friedman, l’épouse de Philip Friedman, sans date, vraisemblablement lors de la réunion organisée en son souvenir, New York, Archives YIVO, 1258/982.
  • [35]
    Israël Kaplan, 19 juillet 1968, Archives personnelles.
  • [36]
    « En vertu de l’accord de haavara (mot signifiant « transfert » en hébreu), conclu en 1933 entre le ministère des Affaires économiques du Reich et l’Agence juive, les Juifs d’Allemagne qui émigraient en Palestine versaient un pourcentage de leurs avoirs sur un compte de la Reichsbank. À leur arrivée en Palestine, une partie de cet argent – de plus en plus réduite au cours des années – leur était remboursée une fois que des produits allemands d’une même valeur avaient été exportés en Palestine. Pour les émigrants, cet accord présentait l’avantage de leur permettre de transférer leurs avoirs à un taux de change plus favorable que le taux officiel. Le gouvernement allemand y trouvait l’avantage d’encourager l’émigration juive sans épuiser les rares réserves en devises étrangères du Reich, et en outre cet accord incitait les émigrants juifs à mener campagne pour la fin du boycott des produits allemands imposés dans le but de protéger la minorité juive en Allemagne. Cf. W. Fellchenfeld, W. Michaelis, L. Pinner, Haavara-Transfer nach Palästina und Einwanderung deutscher Juden 1933-1939, Tübingen, 1972 ; voir également Enzyklopädie des Holocaust. Götz Aly et Susanne Heim, Les Architectes de l’extermination, Paris, Calmann-Lévy/Mémorial de la Shoah, 2006, p. 347, note 49 du chapitre 2 (N.d.T.).
  • [37]
    « Groupe des administrateurs de Yad Vashem » aux membres du Conseil de Yad Vashem, réuni le 17 juin 1958, Archives de Yad Vashem, AM1/364.
  • [38]
    Yosef Weitz, séance de la direction de Yad Vashem, 22 mai 1958, Archives de Yad Vashem, AM2.
  • [39]
    Sur la question de la place des témoins dans la commémoration de la Shoah, et sur la tension entre témoins et chercheurs, voir : Annette Wieviorka, L’Ère du témoin, Paris, Plon, 1998. Selon l’auteur, avant le procès Eichmann, « l’organisation des rescapés servit de lieu de rencontre sociale et d’entraide, mais ne s’inspira pas de la volonté de raconter à ceux qui n’y étaient pas » (p. 79), et après le procès, les rescapés et leurs témoignages constituèrent une alternative à la recherche. Cette affirmation n’est pas exacte en ce qui concerne la recherche israélienne. Voir également Annette Wieviorka, « From Survivor to Witness : Voices from the Shoah », in Jay Winter et Emmanuel Sivan, War and Remembrance in the Twentieth Century, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 1999, pp. 125-141. Sur le fait que la question du témoin et de la recherche se pose également pour d’autres événements historiques, voir Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, 1914-1918 – Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000. Cet ouvrage établit un parallèle entre la tension inhérente au domaine de la Shoah et celle du domaine du souvenir et de la recherche sur la Première Guerre mondiale.
  • [40]
    Il ne fait aucun doute que Dinur considérait la recherche comme étant au service de la nation. Cependant, cela ne diminua pas chez lui la volonté de respecter les critères scientifiques tels qu’il les concevait.
  • [41]
    Membre des Amis de Yad Vashem, 3 octobre 1958, Archives de l’Université hébraïque, 1954/58/1.
  • [42]
    Sur la création de l’Institut et les controverses dont il fit l’objet, voir Boaz Cohen, « The Birth Pangs of Holocaust Research in Israel », Yad Vashem Studies 33, Jérusalem, 2005, pp. 203-243, en hébreu et en anglais.
  • [43]
    Lettre du groupe des administrateurs de Yad Vashem.
  • [44]
    Ibid.
  • [45]
    Jusqu’en 1961, date de l’inauguration de la salle du Souvenir, il n’existait pas le moindre élément de commémoration à Yad Vashem, mais seulement des bureaux, une bibliothèque et des archives. Ce n’est que dans les années 1970 que fut créé un monument en mémoire de la Résistance juive. Ce célèbre monument de Rappaport, commémorant le souvenir de la révolte du ghetto de Varsovie, ne fut érigé qu’en 1974, alors qu’il se trouvait dans des caisses depuis le début des années 1950.
  • [46]
    Nathan Eck, « Témoignage devant la commission permanente », au cours de la séance du 16 juillet 1958, 25 Tammouz 5718, Archives de l’Université hébraïque, 1954/58.
  • [47]
    Ibid.
  • [48]
    Ibid.
  • [49]
    David Lazar, « Que faisiez-vous à Yad Vashem ? », Maariv leErevShabbat, 9 mai 1958.
  • [50]
    Zvi Zinger, « Est-il justifié de calomnier Yad Vashem ? », Ein beEin, n° 24, Jérusalem, 13 juin 1958, pp. 9-10.
  • [51]
    David Lazar, art. cit.
  • [52]
    Ibid.
  • [53]
    Qui prophétisait à l’époque de la destruction du Temple (N.d.A.).
  • [54]
    Dinur, séance de la direction de Yad Vashem, 22 mai 1958.
  • [55]
    Moshé Kol, Yehuda Leib Bialer, Méir (Mark) Dworzecki, ibid.
  • [56]
    M. Dworzecki au recteur de l’Université hébraïque, « Mémorandum sur la création d’un Institut de recherche sur l’histoire des Juifs à l’époque de la Shoah », Paris, 30 août 1949, Archives de Yad Vashem, P10/38.
  • [57]
    Jour de jeûne commémorant le début du siège de Jérusalem par Nabuchodonosor, choisi par le grand rabbinat d’Israël pour réciter le kaddish public pour toutes les victimes de la Shoah dont le lieu et la date du décès sont inconnus (N.d.T.).
  • [58]
    Shmuel Ettinger, séance du comité scientifique du 20 novembre 1968, Archives de Yad Vashem, AM2 ; les procès-verbaux des séances du Comité scientifique se trouvent dans les bureaux de l’historien en chef de Yad Vashem ainsi que dans les Archives de Yad Vashem M12/477.
  • [59]
    Comité scientifique consultatif – rapport de l’année 1973, Jérusalem, novembre 1973, Archives de Yad Vashem, AM12/477.
  • [60]
    Shmuel Ettinger, séance du comité scientifique, 20 novembre 1968, Archives de Yad Vashem, AM2.
  • [61]
    Nahman Blumental, allocution d’ouverture de l’Exposition permanente sur la Shoah et la révolte, Archives de Beit Lohamei haGhettaot, 2276.
  • [62]
    Pour de plus amples développements sur ce sujet, voir Yehiam Weitz, Entre vision et révision, cent ans d’historiographie sioniste, Jérusalem, 1997, en hébreu.
  • [63]
    Anita Shapira, « Politique et mémoire collective – le débat sur les nouveaux historiens », Entre vision et révision, op. cit., pp. 367-391.
  • [64]
    Par exemple, Yossef Grodzinsky, « Le yishouv, ses dirigeants et leur histoire [II] », Haaretz, 15 avril 1994, et Du bon matériau humain : les Juifs contre les sionistes, 1945-1951, Or Yehouda, Hed Artzi, 1998, en hébreu. Il n’est pas question ici de nier le droit d’un chercheur d’une autre spécialité ou de toute personne à traiter de sujets historiques ; ce point est mentionné ici à titre historiographique.
  • [65]
    Dan Michman développe ce sujet dans son article, « Recherche sur le sionisme face à la Shoah : problèmes, polémiques et terminologie de base », in Entre vision et révision, op. cit., pp. 145-170, en hébreu. Michman soutient, entre autres, que l’image de la recherche sur la Shoah en Israël, telle qu’elle est présentée par les nouveaux historiens, est déconnectée de la réalité.
  • [66]
    Idit Zertal, L’Or des Juifs, Tel-Aviv, Am Oved, 1997, en hébreu (traduit en anglais sous le titre From catastrophe to power : Holocaust survivors and the emergence of Israel, Berkeley, University of California Press, 1998.
  • [67]
    Touvia Friling, Flèche dans la brume, Ben Gourion, les dirigeants sionistes et les tentatives de sauvetage, pendant la Shoah, Jérusalem, 1998, en hébreu (traduit en anglais sous le titre Arrows in the dark : David Ben-Gurion, the Yishuv leadership, and rescue attempts during the Holocaust, Madison, University of Wisconsin Press, 2005).
  • [68]
    Philip Friedman, « La recherche historique sur l’époque de la Shoah et ses problèmes », Yad Vashem, Kovetz mehkarim beparashiot haShoah vehaGuevoura, III, Jérusalem, 1959, p. 29.
  • [69]
    Les débats sur la question de l’édition d’un grand ouvrage sur la Shoah sont traités en détail dans le livre de Roni Stauber, Enseignement pour la génération. Shoah et héroïsme dans la pensée en Israël
    dans les années 1950, Jérusalem, 2000, en hébreu.
  • [70]
    Par exemple, Michael Burleigh, The Third Reich : A New History, New York, 2000 ; Richard J. Evans, The Coming of the Third Reich, Londres, Hill and Wang, 2001.
  • [71]
    Premier volume, p. IX.
  • [72]
    Ibid.
  • [73]
    Voir par exemple Anita Shapira, Le Glaive de la colombe : Sionisme et pouvoir, 1881-1948, Tel-Aviv, Am Oved, 1992, p. 456, en hébreu ; et Neimah Barzel, Opposants jusqu’au bout : la rencontre entre les dirigeants de la révolte des ghettos et la société israélienne, Jérusalem, ha-Sifriyah ha-Tsiyonit, 1998, en hébreu.
  • [74]
    Voir par exemple Moolie Brog, « Mémoire bénie d’un rêve : Mordekhaï Shenavi et les premières idées de commémoration de la Shoah en Eretz Israël, 1942-1945 », Yad Vashem – Kovetz Mehkarim, XXX, 2002, pp. 241-269, en hébreu (traduit en anglais sous le titre « In Blessed Memory of a Dream : Mordechai Shenhavi and Initial Holocaust Commemoration Ideas in Palestine, 1942-1945 », Yad Vashem Studies, n° 30, 2002) ; Tom Segev, Le Septième Million : Les Israéliens et le génocide, Paris, Liana Levi, 1993 (édition originale en hébreu : Keter, Jérusalem 1992).
  • [75]
    Arieh Bauminger, « Une chaire au mont Scopus sur l’extermination des Juifs d’Europe », Davar, 8 octobre 1947, en hébreu.
  • [76]
    Les titres des articles sur ce sujet parlent d’eux-mêmes : David Lazar, « Où est le Yad [main ou monument], où est le nom ? » (jeu de mots sur Yad Vashem, expression empruntée au prophète Isaïe, LVI, 5, N.d.T.), Maariv, 16 juillet 1949 ; Haïm Shorer, « Une immense ombre noire », Davar, 3 septembre 1951 ; Theadore Hatalgi, « La loi sur la nationalité israélienne a-t-elle été appliquée aux six millions de victimes du nazisme », Davar, 18 janvier 1952 ; M. A. « Que commence l’entreprise », Al haMishmar, 11 juillet 1952 ; Moshé Tavor, « Deux fois Yad Vashem », Davar, 26 novembre 1952.
  • [77]
    Zvi Zinger, « Est-il justifié de calomnier Yad Vashem ? », Ein beEin, n° 24, Jérusalem, 13 juin 1958, pp. 9-10.
  • [78]
    Dinur, séance de la direction de Yad Vashem, 22 mai 1958. Également, Melkman, ibid. Voir aussi Yosef Melkman, « Remarques factuelles sur la lettre du groupe des employés. Mme Auerbach, Blumental, Eck et Kermisz » (vraisemblablement présentées à la direction de Yad Vashem lors de sa réunion de 22 mai 1958), AM1 / 368.
  • [79]
    Moshé Kol, séance de la direction de Yad Vashem, 22 mai 1958.
  • [80]
    La Claim Conference était chargée de la restitution des biens juifs spoliés (N.d.T.).
  • [81]
    Pincus à Dinur, séance du comité restreint, 30 juin 1965, pp. 2-4, Archives sionistes centrales S62/1032.
  • [82]
    Pincus qualifia cela « d’issue de l’affaire », séance de la commission chargée de l’Éducation à la Knesset, 12 juillet 1967, p. 4, procès-verbal, n° 76.
  • [83]
    Souligné dans l’original (N.d.A.).
  • [84]
    La commission prit plusieurs décisions dans tous les domaines de compétence de Yad Vashem. La plus importante concerna le changement fondamental de l’administration de l’institution, à savoir la séparation des fonctions de président du conseil et de directeur, assumées toutes deux par Kubovy.
  • [85]
    Réunion de la commission parlementaire chargée de l’Éducation, 12 juillet 1967, p. 4, procès-verbal de la Knesset n° 76.
  • [86]
    « Conclusions de la commission parlementaire chargée de l’Éducation et de la Culture sur la situation à Yad Vashem », Jérusalem, 29 novembre 1967, Archives de Yad Vashem, 358/2 AM1/.
  • [87]
    Les Israéliens et la Shoah, Jérusalem, 1992. Idit Zertal, La Nation et la Mort – histoire, mémoire ; Tom Segev, Le Septième Million, 1945-1951, Or Yehouda, 1992, (en français, Le Septième Million, Les Israéliens et le génocide, Liana Levi, 1993), Yosef Grodzinsky, Matériel humain de qualité : Juifs face aux sionistes, 1945-1951, Tel-Aviv, 1998, en hébreu. Ce phénomène ressort particulièrement du fait qu’il n’est pas question des rescapés, des actions qu’ils menèrent et de la voix que firent entendre nettement leurs associations concernant la commémoration et la mémoire.
  • [88]
    Hanna Yablonka, « Comment se souvenir, et de quoi ? » in Anita Shapira, Yehuda Reinherz, Yaacov Harris, Eidan Hatsionout (l’ère du sionisme), Jérusalem, 2000, en hébreu, pp. 297-316.
  • [89]
    Voir, par exemple, Jan-Werner Müller, Memory & Power in Post-war Europe : Studies in the Presence of the Past, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 2002 ; Jay Winter et Emmanuel Sivan, War and Remembrance in the Twentieth Century, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 1999 ; Martin Evans et Ken Lunn, War and Memory in the Twentieth Century, Oxford et New York, Berg, 1997.
  • [90]
    Winter et Sivan, War and Remembrance, op. cit., pp. 125-141.
  • [91]
    Ibid., p. 30.
  • [92]
    Ibid., p. 17.
  • [93]
    Les phénomènes décrits ici pourraient probablement être appréhendés sous l’angle de l’histoire de l’État d’Israël et de la société israélienne dans les années 1950. La réalité serait ainsi observée non seulement du point de vue des dirigeants politiques, avec, à leur tête, Ben Gourion, mais également du point de vue de la société israélienne en tant que creuset de divers groupes qui tentèrent, chacun à sa façon, d’exercer une influence sur la vision du passé et du présent de la société et des dirigeants.
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