Notes
-
[1]
Directeur de recherche au CNRS, Paris, CEVIPOF.
-
[2]
Sur l’influence pluridimensionnelle de la pensée de Haeckel, voir Daniel Gasman, The Scientific Origins of National Socialism : Social Darwinism in Ernst Haeckel and the German Monist League, Londres, Macdonald, 1971.
-
[3]
Voir Elazar Barkan, The Retreat of Scientific Racism : Changing Concepts of Race in Britain and the United States Between the World Wars, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 1992.
-
[4]
Voir Georges Vacher de Lapouge, « De l’inégalité parmi les hommes », Revue d’anthropologie, 17e année, 3e série, t. III, n° 1, 15 janvier 1888, p. 9-38.
-
[5]
Id., « La dépopulation de la France », Revue d’anthropologie, 16e année, 3e série, t. II, n° 1, 15 janvier 1887, p. 69-80.
-
[6]
Pour situer l’eugénique « darwinienne », socialiste et racialiste de Lapouge par rapport aux deux autres principaux courants de l’eugénique en France, le courant nataliste, « lamarckien », éducationniste et patriotique (incarné par les médecins puériculteurs) et le courant néo-malthusien, pacifiste et souvent libertaire (lié au mouvement féministe), voir Pierre-André Taguieff, « Eugénisme ou décadence ? L’exception française », Ethnologie française, t. 24, n° 1, janvier-mars 1994, p. 81-103 ; Anne Carol, Histoire de l’eugénisme en France. Les médecins et la procréation xixe-xxe siècle, Paris, Seuil, 1995, passim ; Jean Gayon, « Eugénisme », in Josué Feingold, Marc Fellous, Michel Solignac (dir.), Principes de génétique humaine, Paris, Hermann, 1998, p. 459-483 ; Alain Drouard, L’Eugénisme en questions. L’exemple de l’eugénisme « français », Paris, Ellipses, 1999, passim.
-
[7]
Georges Vacher de Lapouge, « Dies Irae. La fin du monde civilisé », Europe, n° 9, 1er octobre 1923, p. 59-67. Sur cet aspect, voir Pierre-André Taguieff, L’Effacement de l’avenir, Paris, Galilée, 2000, p. 321-326 ; id., Du progrès. Biographie d’une utopie moderne, Paris, Librio, 2001, p. 125-126.
-
[8]
Voir Philippe Raynaud, « L’utopie scientifique et le projet systématique. De d’Alembert à Saint-Simon », in Pierre Musso (dir.), Actualité du Saint-Simonisme. Colloque de Cerisy, Paris, PUF, 2004, p. 35-46.
-
[9]
Voir James Sully, Le Pessimisme. Histoire et critique [1877], traduction française A. Bertrand et P. Gérard, Paris, Germer Baillière, 1882, p. 378 (le terme meliorism a été emprunté par Sully à George Eliot) ; et P. A. Taguieff, Le Sens du progrès. Une approche historique et philosophique, Paris, Flammarion, 2004, p. 312-313, 320 sq.
-
[10]
Voir Stephen Jay Gould, La Mal-Mesure de l’homme [1981, 1996], nouvelle édition revue et augmentée, traduction française Jacques Chabert et Marcel Blanc, Paris, Éditions Odile Jacob, 1997, p. 183-272.
-
[11]
Ibid., p. 107-148.
-
[12]
Sur la carrière politico-administrative de Louis Liard (1846-1917), nommé recteur de l’académie de Caen en 1880, exerçant ensuite la fonction de directeur de l’enseignement supérieur de 1884 à 1902, puis vice-recteur et enfin recteur de l’université de Paris, voir Alain Renaut, « Une philosophie française de l’université allemande. Le cas de Louis Liard », Romantisme, XXVe année, n° 88, 1995, p. 85-100.
-
[13]
Georges Vacher de Lapouge, Souvenirs [10 pages dactylographiées, Archives Lapouge, Montpellier, université Paul Valéry], fin 1929 ; texte publié par Henri de La Haye Jousselin dans son livre : Georges Vacher de Lapouge (1854-1936). Essai de bibliographie, Paris, [chez l’auteur], 1986, p. 11. Cet article autobiographique avait été rédigé par Lapouge à la demande de la revue völkisch fondée et dirigée par l’antisémite Theodor Fritsch, le Hammer.
-
[14]
« Souvenirs », in op. cit., p. 12
-
[15]
Voir Georges Vacher de Lapouge, « Durand de Gros et l’analyse ethnique », Revue scientifique, 15 août 1903, p. 203-207 ; étude reprise dans id., Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, 1909, p. 273-287.
-
[16]
Nous citons cette conférence d’après son manuscrit, conservé aux Archives Lapouge, Montpellier, université Paul Valéry.
-
[17]
Voir notamment Georges Vacher de Lapouge, « L’hérédité », Revue d’anthropologie, 15e année, 3e série, t. I, 1er octobre 1886, p. 512-521 ; id., « L’anthropologie et la science politique », Revue d’anthropologie, 16e année, 3e série, t. II, n° 2, 15 mars 1887, p. 136-157.
-
[18]
Voir son témoignage dans Souvenirs, op. cit., p. 13.
-
[19]
L’approche biologique du droit est illustrée par une série d’études : « Études sur la nature et sur l’évolution historique du droit de succession. Étude première : Théorie biologique du droit de succession », Revue générale du Droit, de la Législation et de la Jurisprudence, t. IX, 3, mai-juin 1885, p. 205-232 ; 4, juillet-août 1885, p. 316-330 ; « Études sur la nature […]. Étude seconde : Les trois stades de l’évolution », ibid., t. x, 5, septembre-octobre 1886, p. 408-434. Sur cette esquisse d’une anthropologie biologique du droit, voir Pierre-André Taguieff, « Théorie des races et biopolitique sélectionniste en France. Aspects de l’œuvre de Vacher de Lapouge (1854-1936) », Sexe et Race, III, 1988, p. 12-60 (1re partie).
-
[20]
Voir Francis Galton, Inquiries into Human Faculty and its Development, Londres, Macmillan, 1883, XII-387 p. ; voir en particulier p. 24-25.
-
[21]
Voir Georges Vacher de Lapouge, « L’hérédité », art. cit. [1886], en particulier p. 516-517.
-
[22]
Ibid., p. 516. On notera qu’avant de désigner une science, une science appliquée ou une technique, le terme eugénique apparaît chez Lapouge en tant qu’adjectif (« races eugéniques ») ou comme nom commun s’appliquant à des individus dotés d’aptitudes héréditaires supérieures à la moyenne (« des eugéniques »). Voir aussi id., « L’anthropologie et la science politique », art. cit., p. 147 (« Il y a des familles d’eugéniques », « familles eugéniques ») ; id., « L’hérédité dans la science politique », Revue d’anthropologie, 17e année, 3e série, t. III, n° 2, 15 mars 1888, [p. 169-191], p. 175-176 (« Il y a des familles de dégénérés […]. Chez d’autres, le talent vient par droit de naissance, comme la santé, la force, la beauté […]. Ceux-là sont les eugéniques et l’eugénisme est le sourire de l’hérédité, comme la dégénérescence est sa malédiction »). Sur l’introduction des termes eugénique et eugénisme, voir Jacques Léonard, Médecins, malades et société dans la France du xixe siècle (textes réunis et présentés par Claude Bénichou), Paris, Sciences en situation, 1992, p. 147 sq. [Article paru en 1983] ; Pierre-André Taguieff, « L’introduction de l’eugénisme en France : du mot à l’idée », Mots/Les langages du politique, n° 26, mars 1991, [pp. 23-45], p. 24 sq.
-
[23]
Voir notamment Paul Broca, « Les sélections », Revue d’anthropologie, t. I, 1872, p. 683-710 [en particulier p. 705 sq.] ; Alphonse de Candolle, Histoire des sciences et des savants depuis deux siècles, suivie d’autres études sur des sujets scientifiques, en particulier sur la sélection dans l’espèce humaine, Genève/Bâle/Lyon, H. Georg, 1873, VII-482 p. (2e éd. augmentée, 1885) ; Clémence Royer, préface à Charles Darwin, De l’origine des espèces par sélection naturelle ou des lois de transformation des êtres organisés, traduction française Clémence Royer, Paris, Guillaumin, 1862 [1re trad. française], rééd., Paris, Flammarion, 1918, p. I-XL ; id., Origine de l’homme et des sociétés, Paris, Masson et Guillaumin, 1870. Voir Georges Vacher de Lapouge, « Le sélectionnisme de Broca » (1908), mémoire publié dans Race et milieu social, op. cit., p. 289-308 (cette étude comporte un hommage à Clémence Royer).
-
[24]
Voir Georges Vacher de Lapouge, Souvenirs, op. cit., p. 15 : il s’agit des leçons des années 1886-1887 et 1887-1888.
-
[25]
Sur la formation, l’évolution et la réception de l’anthroposociologie lapougienne, voir Guy Thuillier, « Un anarchiste positiviste : Georges Vacher de Lapouge », in Pierre Guiral, Émile Temime (dir.), L’Idée de race dans la pensée politique française contemporaine, Paris, Éditions du CNRS, 1977, p. 48-65 ; Jean Boissel, « Georges Vacher de Lapouge : un socialiste révolutionnaire darwinien », Nouvelle École, n° 38, été 1980, p. 59-83 ; Linda L. Clark, Social Darwinism in France, The University of Alabama Press, 1984, en particulier p. 143-158 ; William H. Schneider, Quality and Quantity. The Quest for Biological Regeneration in Twentieth-Century France, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 1990, p. 59 sq., 208 sq., 236 sq., 284 ; Marco Schütz, Rassenideologien in der Sozialwissenschaft, Berne/Berlin/Frankfurt/M., Peter Lang, 1994, p. 147-189 ; Anne Carol, op. cit., passim ; Jean-Marc Bernardini, Le Darwinisme social en France (1859-1918). Fascination et rejet d’une idéologie, Paris, CNRS Éditions, 1997, passim ; Pierre-André Taguieff, La Couleur et le Sang. Doctrines racistes à la française, Paris, Éditions Mille et une nuits, 1998, p. 91-163 (nouvelle édition refondue, 2002, p. 199-326).
-
[26]
Louis Liard, en 1886, venait d’être nommé directeur de l’enseignement supérieur et avait incité Lapouge, jeune marié, à se présenter au concours de bibliothécaire d’université, où il fut reçu premier. Dans l’esprit de Lapouge, le choix du métier de bibliothécaire n’était que provisoire, en attendant la création d’une chaire d’anthropologie qui lui serait destinée, à en croire son protecteur Louis Liard. Voir Souvenirs, op. cit., p. 15, ainsi que la lettre du 2 mars 1893 (destinataire inconnu), écrite le lendemain de la fermeture du laboratoire d’anthropologie de Montpellier : « On m’avait promis la création d’une chaire spéciale. On avait alors l’intention d’introduire peu à peu l’enseignement de l’anthropologie dans les Universités, mais on vient d’y renoncer brusquement, ce qui est une chose peu sensée. »
-
[27]
Leçon publiée dans la Revue d’anthropologie, 16e année, 3e série, t. II, n° 2, 15 mars 1887, p. 136-157.
-
[28]
Plus précisément, Lapouge commence par poser que « les sciences anthropologiques […] ne pouvaient naître que de nos jours » et que « leurs fondateurs sont Darwin et Spencer, Boucher de Perthes et Broca” (ibid., p. 137).
-
[29]
Ibid.
-
[30]
Ibid. Lapouge écrit par exemple : « L’hérédité pèse sur nous et littéralement nous écrase » (ibid., p. 146).
-
[31]
Lettre de Lapouge datée du 2 mars 1893, destinataire inconnu (Archives Lapouge). Voir aussi Georges Vacher de Lapouge, « Les sélections sociales », Revue d’anthropologie, 16e année, 3e série, t. II, n° 5, 15 septembre 1887, p. 519-550 [leçon prononcée le 24 février 1887].
-
[32]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales. Cours libre de science politique professé à l’Université de Montpellier (1888-1889), Paris, Albert Fontemoing, 1896 [XII-503 p. ; tirage : 1 000 exemplaires] ; Id., L’Aryen. Son rôle social. Cours libre de science politique professé à l’Université de Montpellier (1889-1890), Paris, A. Fontemoing, 1899 [V-XX/569 p. ; tirage : 1 000 exemplaires].
-
[33]
Georges Vacher de Lapouge, « L’anthropologie et la science politique », Revue d’anthropologie, 15 mars 1887, p. 155.
-
[34]
Ibid., p. 149-151.
-
[35]
Ibid., p. 151.
-
[36]
Bulletin de l’Association générale des étudiants de Montpellier, n° 1, 1er janvier 1888, p. 27-29.
-
[37]
Ibid. Je cite ce résumé programmatique d’après le manuscrit déposé aux Archives Lapouge (1 feuillet et demi). Voir aussi « L’enseignement de l’anthropologie à Montpellier » [article non signé], Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle de l’homme, vol. 22, 3e série, t. V, janvier 1888, p. 45-46.
-
[38]
Archives Lapouge, Montpellier. Lapouge se réfère à son article « Théorie plastidulaire et lois mécaniques de l’hérédité » (Bulletin de la Société des Sciences naturelles et physiques de Montpellier, n° 1-2-3, janvier-février-mars 1888, p. 4-11 [I] ; n° 4-5, avril-mai 1888, p. 17-21 [II]). Que le destinataire de cette lettre soit Haeckel est suffisamment établi par l’allusion lapougienne à la « théorie de la péri genèse » et à la « psychologie cellulaire ». Voir Ernst Haeckel, Essais de psychologie cellulaire, traduction française Jules Soury, Paris, Germer Baillière et Cie, 1880, 159 p. ; le premier essai (daté de 1876) est consacré à « la périgenèse des plastidules » (p. 1 sq.), le second à la « psychologie cellulaire » (p. 95 sq.). C’est en 1890 que Lapouge publiera son étude sur l’hérédité (voir infra, note 67).
-
[39]
Sur les démêlés du bibliothécaire Lapouge avec l’administration, voir Guy Thuillier, Bureaucratie et bureaucrates en France au xixe siècle, Genève, Droz, 1980, p. 601-603.
-
[40]
Paris, Firmin-Didot.
-
[41]
Voir le Bulletin de la Société languedocienne de géographie, 1893, p. 110.
-
[42]
Revue fondée en 1890 par E. Cartailhac, E. T. Hamy et P. Topinard.
-
[43]
Voir Jean Boissel, « Paul Valéry et Georges Vacher de Lapouge à Montpellier (1888-1893) », Revue des lettres modernes, « Paul Valéry 6 », Paris, Minard, 1989, p. 29-44.
-
[44]
Voir l’étude de Jean Boissel, art. cit. (1989).
-
[45]
Il s’agit du cimetière de Castelnau-le-Lez, village proche de Montpellier, où Lapouge retrouva, en 1891, un millier de sépultures sur un site habité depuis l’époque néolithique et l’âge du bronze ; voir Lapouge, « La Nécropole de Castelnau-le-Lez », Le Félibrige latin, juin 1891, p. 129-135.
-
[46]
Lettre de Paul Valéry du 7 juillet 1936 au comte Begouën, reproduite par celui-ci dans son feuilleton paru le 22 août 1936 dans le Journal des débats.
-
[47]
Archives Lapouge, Montpellier, université Paul-Valéry.
-
[48]
Cité par Guy Thuillier, Bureaucratie et bureaucrates…, op. cit., 1980, p. 602.
-
[49]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, Paris, Albert Fontemoing, 1896, p. v-vi.
-
[50]
Georges Vacher de Lapouge, Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, 1909, p. 294.
-
[51]
Paul Broca, « Les sélections », art. cit., p. 705.
-
[52]
Paul Broca, ibid., p. 705-706.
-
[53]
Georges Vacher de Lapouge, Race et milieu social, Paris, Marcel Rivière, 1909, p. 296.
-
[54]
N° 5, septembre-octobre 1893.
-
[55]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 1-3.
-
[56]
Voir Claude Blanckaert, « L’anthropologie au féminin : Clémence Royer (1830-1902) », Revue de synthèse, t. CIII (série générale), 105, janvier-mars 1982, p. 23-38 ; Geneviève Fraisse, Clémence Royer, philosophe et femme de sciences, Paris, La Découverte, 1985. Sur Broca anthropologue, voir l’étude très remarquable de Claude Blanckaert, « L’“anthropologie personnifiée”. Paul Broca et la biologie du genre humain », préface à Paul Broca, Mémoires d’anthropologie, Paris, Éditions Jean-Michel Place, 1989, p. I-XLIII (sur l’idée de « sélection sociale », voir p. XXXVII sq.).
-
[57]
Clémence Royer, préface de la première édition (1862) de : Charles Darwin, De l’origine des espèces par sélection naturelle ou des lois de transformation des êtres organisés, traduction française Clémence Royer, Paris, Ernest Flammarion, 1918, t. I, p. XXXIX-XL.
-
[58]
Clémence Royer, Origine de l’homme et des sociétés, op. cit., préface, p. V-VI.
-
[59]
Ibid., p. IX.
-
[60]
Ibid., p. XI.
-
[61]
Ibid.
-
[62]
Clémence Royer, préface, in Charles Darwin, op. cit., p. XXXVIII.
-
[63]
Ibid.
-
[64]
Ibid.
-
[65]
Ibid.
-
[66]
Clémence Royer, ibid., p. XXXIV-XXXV.
-
[67]
Georges Vacher de Lapouge, « Les sélections sociales », art. cit., p. 540-541.
-
[68]
Revue d’anthropologie, 15 janvier 1888.
-
[69]
Georges Vacher de Lapouge, « De l’inégalité parmi les hommes », art. cit., p. 9, 20, 21, 26, 38.
-
[70]
Georges Vacher de Lapouge, « L’Hérédité », Revue d’anthropologie, 1886, p. 517.
-
[71]
Rembrandt als Erzieher. Vom einem Deutschen, Leipzig, G. L. Hirschfeld, 1890 (ainsi que l’indique son titre, l’ouvrage a été publié anonymement). L’ouvrage sera un best-seller (49e édition en 1909). Surnommé « l’Allemand de Rembrandt », Langbehn, né en 1851, mourra en 1907. Voir Fritz Stern, Politique et désespoir. Les ressentiments contre la modernité dans l’Allemagne préhitlérienne [1961], traduction française Catherine Malamoud, Paris, Armand Colin, p. 119-196 ; Hildegard Châtellier, « Julius Langbehn : un réactionnaire à la mode en 1890 », Revue d’Allemagne, t. XIX, n° 1, janvier-mars 1982, p. 55-70 ; Bernd Behrendt, « August Julius Langbehn, der “Rembrandtdeutsche” », in Uwe Puschner, Walter Schmitz und Justus H. Ulbricht (Hg.), Handbuch zur Völkischen Bewegung, 1871-1918, Munich, New Providence, Londres et Paris, K. G. Saur, 1996, p. 94-113.
-
[72]
Archives Lapouge.
-
[73]
Georges Vacher de Lapouge, « L’hérédité », Revue d’anthropologie, 1er octobre 1886, p. 517.
-
[74]
Georges Vacher de Lapouge, « Les lois de l’hérédité », Journal de médecine vétérinaire et de zootechnie [Lyon], 1890, p. 197-209, 243-255, 304-317 [préface et notes de Raoul Baron] ; édition en volume, Les Lois de l’hérédité, préface de R. Baron, Lyon, Imprimerie de L. Bourgeon, 1890, 45 p. Dans Les Sélections sociales, Lapouge présente cette « monographie spéciale » comme résumant ses « dernières leçons de 1887 » (op. cit., p. 50) et réexpose brièvement les « six lois majeures de la fonction héréditaire » (p. 50-57). Le professeur Raoul Baron était alors chef de service de zootechnie et d’histoire naturelle à l’École vétérinaire d’Alfort. Il venait de publier Méthodes de reproduction en zootechnie, Paris, Firmin-Didot, 1888, VII-501 p.
-
[75]
Dès sa première livraison, la Revue internationale de sociologie, fondée et dirigée par René Worms (1869-1926), publie un article-programme de Lapouge, « Le darwinisme dans la science sociale » (1re année, n° 5, septembre-octobre 1893, p. 414-436), qui sera repris avec quelques retouches, en 1896, dans Les Sélections sociales, pour en constituer le chapitre premier (op. cit., p. 1-60). Il en va de même pour les deux articles qui suivent : « Lois de la vie et de la mort des nations » (2e année, n° 6, juin 1894, p. 421-436), et « Transmutation et sélection par éducation » (3e année, n° 3, mars 1895, p. 85-111), repris respectivement, dans Les Sélections sociales, en tant que chapitres II (p. 61-80) et III-IV (p. 81-125).
-
[76]
Son mémoire intitulé « Les lois fondamentales de l’anthroposociologie », inédit en français jusqu’en 1909 (Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, p. 169-214), paraît en Italie puis aux États-Unis dès 1897 : « The Fundamental Laws of Anthropo-sociology », The Journal of Political Economy, vol. VI, n° 1, décembre 1897, p. 54-92.
-
[77]
De Carlos Carleton Closson, voir notamment : « Dissociation by Displacement : A Phase of Social Selection », The Quarterly Journal of Economics [Boston], vol. X, janvier 1896, p. 156-186 (traduction française Henri Muffang, « La dissociation par déplacement », Revue internationale de sociologie, vol. 4, n° 7, juillet 1896, pp. 511-537) ; « Recent Progress of Social-Anthropology », The Journal of Political Economy [Chicago], vol. IV, juin 1896, p. 410-412 ; « Social Selection », ibid., septembre 1896, p. 449-466 ; « The Hierarchy of European Races », The American Journal of Sociology [Chicago], vol. III, novembre 1897, p. 314-327 (traduction française Henri Muffang, « La hiérarchie des races européennes », Revue internationale de sociologie, vol. 6, n° 6, juin 1898, p. 416-430) ; « The Pedagogical Significance of the Cephalic Index », The Journal of Political Economy, vol. VI, mars 1898, p. 254-265.
-
[78]
Voir Thorstein Veblen, Théorie de la classe de loisir, traduction française Louis Évrard, précédé de Avez-vous lu Veblen ? par Raymond Aron, Paris, Gallimard, 1970, puis coll. « Tel », 1978, p. 140 sq., dans lequel Veblen discute de la question des « types raciaux » eu égard aux processus de sélection et d’adaptation.
-
[79]
Beilage zur Allgemeinen Zeitung [Munich], n° 184, 5 juillet 1890, p. 1-2. Que l’anthropologie puisse être repensée comme « science politique », c’est là le thème principal de la leçon d’ouverture prononcée par Lapouge le 2 décembre 1886, « L’anthropologie et la science politique » (art. cit.).
-
[80]
L’Anthropologie, 1893, p. 374 sq.
-
[81]
Iéna, Gustav Fischer, 1893, x-326 p.
-
[82]
Otto Ammon, Die Gesellschaftordnung und ihre natürlichen Grundlagen, Iéna, Gustav Fischer, 1895, VIII-408 p.
-
[83]
Paris, Albert Fontemoing, 1900, XXVII-516 p. ; traduit sur la 2e éd. allemande (1896).
-
[84]
Henri Muffang, « Avant propos du traducteur », in op. cit., p. V-XXIII. Voir aussi Otto Ammon,
« Histoire d’une idée. L’anthroposociologie » [1896 ; traduction française Henri Muffang, avec un avant-propos, une bibliographie et des instructions pratiques du traducteur], Revue internationale de sociologie, 6e année, n° 3, mars 1898, pp. 145-181. -
[85]
Henri Muffang, « Avant-propos à Otto Ammon », « Histoire d’une idée… », art. cit.
-
[86]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 8. Voir aussi id., « La nomenclature zoologique en anthropologie » [1907], in Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, 1909, p. 1-7.
-
[87]
« Il est bien entendu que dans l’état actuel de la science, on ne doit jamais parler de race latine, race germanique, race slave » (Les Sélections sociales, op. cit., p. 8).
-
[88]
Voir ibid., p. 30-32.
-
[89]
Sur les trois « races de l’Europe », voir Les Sélections sociales, op. cit., p. 10-28.
-
[90]
Ibid., p. 78.
-
[91]
Ibid., p. 14.
-
[92]
Ibid., p. 17.
-
[93]
Ibid., p. 17-18.
-
[94]
Voir ibid., p. 23-27. Voir aussi Id., « De l’inégalité parmi les hommes », art. cit., p. 17 ; Id., L’Aryen. Son rôle social, op. cit., p. 183-185.
-
[95]
Les Sélections sociales, op. cit., p. 198.
-
[96]
Voir ibid., p. 449, 456-458.
-
[97]
Voir ibid., p. 474, 489.
-
[98]
Ibid., p. 456.
-
[99]
Ibid., p. 67.
-
[100]
Chapitres VIII (« Sélection militaire ») à XIII (« Sélection économique »), ibid., p. 207-408.
-
[101]
Ibid., p. 391 : « Dans les régions où le type brachycéphale existe, il tend à se localiser dans les campagnes et les types dolichoïdes dans les villes. »
-
[102]
Ibid.
-
[103]
Voir ibid., p. 391-408.
-
[104]
Ibid., p. 407-408.
-
[105]
Ibid., p. 408.
-
[106]
Ibid., p. 306-307.
-
[107]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen. Son rôle social, op. cit., p. 501.
-
[108]
Id., Les Sélections sociales, op. cit., p. 443.
-
[109]
Ibid., p. 458.
-
[110]
Ibid., p. 459.
-
[111]
Ibid., p. 458.
-
[112]
Voir Otto Ammon, L’Ordre social et ses bases naturelles, op. cit., p. 489-490 : « […] Arrière le pessimisme ! […]. Le pessimisme use ; l’optimisme soutient et réconforte ». Henri Muffang, à la fin de son avant-propos, oppose Lapouge, « pessimiste avant tout », à l’« optimiste » Ammon (ibid., p. XXII). Certains comptes rendus des Sélections sociales mettent en évidence le pessimisme lapougien. Voir par exemple Léon Claux, « Du sélectionnisme optimiste au sélectionnisme pessimiste », La Revue socialiste, t. XXVI, n° 151, juillet 1897, p. 58-69 ; Jacques Novicow, L’Avenir de la race blanche. Critique du pessimisme contemporain, Paris, Félix Alcan, 1897 [2e éd., 1902], p. 178-180.
-
[113]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 489.
-
[114]
Ibid., p. 490.
-
[115]
Voir ibid., p. 458 sq., 484 sq.
-
[116]
Ibid., p. 240, 291 sq., 317-318, 487-488. Voir aussi L’Aryen. Son rôle social, op. cit., préface, p. VII-IX, 507-514, ainsi que les dernières pages du texte de la leçon inaugurale du Cours de 1887-1888, « L’hérédité dans la science politique », art. cit., p. 188-191.
-
[117]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 480.
-
[118]
Ibid., p. 472-473.
-
[119]
Jean Rostand, « Quelques précurseurs : Charles Morel de Vindé, Camille Dareste, le docteur Dufossé, G. Vacher de Lapouge », Revue d’histoire des sciences, t. XVI, n° 3, juillet-septembre 1963, p. 248-251 ; repris in J. Rostand, Biologie et humanisme, Paris, Gallimard, 1964, p. 161-165.
-
[120]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 474.
-
[121]
Ibid., p. 487.
-
[122]
Ibid., p. 485.
-
[123]
Voir Paul Weindling, Health, Race and German Politics Between National Unification and Nazism, 1870-1945, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 119 sq.
-
[124]
De 1904-1905 (3e année, n° 4) à 1909-1910 (8e année, n° 8 et 9), Lapouge publie 9 articles dans la Politisch-Anthropologische Revue. Après la mort de Woltmann, Lapouge lui a rendu un hommage appuyé : « Ludwig Woltmann, ein Bahnbrecher der Sozialanthropologie », Politisch-Anthropologische Revue, 6e année, n° 1, avril 1907, p. 37-41 (repris dans Race et milieu social, op. cit., p. 325-331 : « L’œuvre de Woltmann »). Parmi les études réunies en hommage à Woltmann, on note des contributions d’Otto Ammon et de Ludwig Wilser, mais aussi un article d’Eduard Bernstein, « Ludwig Woltmanns Beziehungen zur Sozialdemokratie », ibid., p. 45-53.
-
[125]
Cette étude, restée inédite en langue française du vivant de Lapouge, a été traduite en allemand et publiée dans la revue fondée par Woltmann : « Die Krisis in der sexuellen Moral », Politisch-Anthropologische Revue, 7e année, n° 8, novembre 1908, p. 408-423. Je l’ai publiée intégralement, d’après le manuscrit en français (Archives Lapouge), avec un appareil critique, dans la revue Mil neuf cent, n° 18, 2000, p. 167-190.
-
[126]
Art. cit., p. 423.
-
[127]
Op. cit., p. 489.
-
[128]
Ibid.
-
[129]
Selon Carlos Paton Blacker, les expressions « eugénique positive » et « eugénique négative » ont été introduites par Caleb Williams Saleeby (1878-1940), et approuvées, puis reprises par Francis Galton dans les années 1900. Voir C. P. Blacker, Eugenics in Prospect and Retrospect, Londres, Hamish Hamilton, 1945, p. 17 ; id., Eugenics. Galton and After, Londres, Duckworth, 1952, p. 111. Voir aussi Carl Jay Bajema (éd.), Eugenics : Then and Now, Stroudsburg, Pennsylvania, Dowden, Hutchinson & Ross, 1976, p. 3, 11-13, p. 52-53 ; Daniel J. Kevles, Au nom de l’eugénisme. Génétique et politique dans le monde anglo-saxon [1985], traduction française M. Blanc, Paris, PUF, 1995, p. 121. On notera cependant qu’en 1901, Herbert George Wells, partisan d’un socialisme eugéniste, refusait de séparer les dimensions, nommées plus tard, respectivement, « négative » (ou « restrictive ») et « positive » (ou « constructive ») de l’eugénique : « L’éthique des citoyens de la République Nouvelle […] sera formée […] pour favoriser la procréation de tout ce qui est capable et beau dans l’humanité […] et pour enrayer la procréation des types bas et serviles […]. Travailler à la première tâche, c’est travailler aussi à la seconde : les deux sont inséparables. » (« Foi, morale et politique de la République Nouvelle », chap. IX de H. G. Wells, Anticipations ou de l’influence du progrès mécanique et scientifique sur la vie et la pensée humaines [1901], traduction française H.-D. Davray et B. Kozakiewicz, Paris, Mercure de France, 1904, p. 340).
-
[130]
Dans une conférence prononcée en 1901, Galton affirme que l’« enthousiasme pour améliorer la race est si noble dans son but qu’il pourrait bien donner naissance au sens d’une obligation religieuse » (Essays in Eugenics, Londres, Eugenics Education Society, 1909, p. 25). À la fin de sa fameuse conférence du 16 mai 1904 (« Eugenics : Its Definition, Scope, and Aims »), Galton justifie sa proposition d’introduire l’eugénique « dans la conscience nationale comme une nouvelle religion » par cette profession de foi : l’eugénique « peut fortement prétendre à devenir une doctrine religieuse orthodoxe dans l’avenir, car l’eugénique coopère à l’œuvre de la Nature pour permettre à l’humanité d’être représentée par les races les plus aptes [fittest races] » (ibid., p. 42 ; voir Carl Jay Bajema, op. cit., p. 45).
-
[131]
Voir Daniel J. Kevles, op. cit., p. 271-276. L’article de référence est : Herbert Brewer, « Eutelegenesis », Eugenics Review, 27, 1935, p. 121-126.
-
[132]
Julian S. Huxley, « Eugenics and Society », Eugenics Review, 28, n° 1, avril 1936, [p. 11-31], p. 29 ; repris et traduit dans id., L’Homme, cet être unique, traduction française J. Castier, Paris, Oreste Zeluck, 1948, p. 95.
-
[133]
Hermann Joseph Muller, Hors de la nuit. Vues d’un biologiste sur l’avenir, traduction française J. Rostand, Paris, Gallimard, 1938.
-
[134]
Ibid., traduction française modifiée, p. 176.
-
[135]
George Bernard Shaw, cité par Daniel J. Kevles, Au nom de l’eugénisme, op. cit., p. 275.
-
[136]
Voir Havelock Ellis, The Task of Social Hygiene, Londres, Constable, et Boston/New York, Houghton, 1912, XV-414 p.
-
[137]
Havelock Ellis, L’Art de l’amour. La science de la procréation, édition française revue et augmentée par l’auteur, trad. A. van Gennep, 5e éd., Paris, Mercure de France, 1932, p. 164-165.
-
[138]
[Georges Sorel], « Vacher de Lapouge. Sélections sociales » (compte rendu), Le Devenir social, vol. II, n° 6, juin 1896, p. 568-573. Quelques mois plus tard, Charles Gide publie un compte rendu qui commence ainsi : « Nous sommes surpris que le livre de M. de Lapouge n’ait pas fait plus de bruit dès son apparition. Il a pourtant tout ce qu’il faut pour secouer la curiosité du public, pour provoquer l’enthousiasme de ceux qui croient à l’infaillibilité de la science et l’indignation de ceux qui croient encore à la vieille morale chrétienne et humaine. […] Malgré ces allures bruyantes qui paraîtront déplaisantes à bien des gens, ce n’en est pas moins un livre remarquable […]. » (Revue d’économie politique, 10e année, n° 11, novembre 1896, [p. 926-932], p. 926).
-
[139]
René Worms note par exemple : « La lecture du livre de M. de Lapouge nous a paru pleine d’intérêt. Les suggestions fécondes y abondent. Presque à chaque page, un fait curieux, une idée originale mériterait d’y être relevée » (Revue internationale de sociologie, 5e année, n° 4, avril 1897, [p. 329-330], p. 330). Quant à D. Collineau, il ne cache pas son admiration au terme d’une longue analyse critique du livre : « Pessimiste souvent, paradoxal parfois, original toujours, documenté richement, l’ouvrage […] n’est pas seulement d’une lecture captivante ; la plume de l’auteur y a des envolées d’une troublante éloquence. Il est d’une lecture utile, il porte à la méditation » (Revue de l’École d’anthropologie, t. VIII, 15 janvier 1898, [p. 28-35], p. 35).
-
[140]
Voir Célestin Bouglé, « Anthropologie et démocratie », Revue de métaphysique et de morale, 5e année, n° 4, juillet 1897, [p. 443-461], p. 453 sq. ; Arsène Dumont, Natalité et démocratie, Paris, Schleicher, 1898, p. 106-115. Dans le même sens, voir Jacques Novicow, L’Avenir de la race blanche, op. cit., p. 42, 77, 86, 93-97, 118-121, 178-180.
-
[141]
Voir J. Rochette, S. J., compte rendu, Études, 34e année, t. 71, 20 avril 1897, p. 279-281 ; Léon Claux, « Du sélectionnisme optimiste au sélectionnisme pessimiste », art. cit. ; P. de L., « Outrages à l’armée », L’Autorité, 5 mars 1898 ; Charles Rappoport, compte rendu, La Revue socialiste, 16e année, t. 31, mai 1900, p. 637-639. On notera que même un sympathisant de l’anthropologie tel qu’Alfred Fouillée se permet d’ironiser sur les « prétendues “lois” » formulées par Lapouge (« L’anthroposociologie », Revue internationale de sociologie, 6e année, n° 5, mai 1898, p. 368-371).
-
[142]
Revue de l’École d’anthropologie de Paris, 9e année, t. IX, 15 août 1899, p. 233-259, et 15 septembre 1899, p. 280-296. Le jugement final de Manouvrier aura fonctionné comme un jugement dernier : « Ce n’est que de la pseudo-science » (art. cit., p. 296).
-
[143]
Dans une lettre du 13 juin 1900 adressée à Célestin Bouglé, Émile Durkheim précise, en tant que directeur de L’Année sociologique : « Pour l’anthroposociologie, j’ai écrit à Muffang que je supprimais la rubrique. Je ne demanderai plus de livres sur la matière […]. On fera à la fin une courte rubrique Anthropologie dont je partage les éléments. Le Lapouge [L’Aryen…] est entre les mains de Hubert qui s’en est déjà occupé. » (« Textes inédits ou inconnus d’Émile Durkheim » [réunis par Philippe Besnard], Revue française de sociologie, vol. XVII, n° 2, juin 1976, p. 174). Dans une lettre à Lapouge du 10 mai 1900, Muffang précisait : « Hier, j’ai reçu une lettre de Durkheim qui me débarque bien poliment de L’Année sociologique, sous prétexte que l’éditeur F. Alcan ne veut pas voir [y] figurer […] des matières étrangères et hétérodoxes, telles que l’anthroposociologie. » (Archives Lapouge). Voir aussi les lettres de Durkheim à Henri Hubert des 10 mars et 25 juin 1900 (« Lettres de Émile Durkheim à Henri Hubert » [présentées par Philippe Besnard], Revue française de sociologie, vol. XVIII, 1987, p. 504, 509). Dès 1898, dans l’« Avertissement » précédant la rubrique « Anthroposociologie » de Muffang, Durkheim suggérait que « l’anthroposociologie tendait à rendre inutile la sociologie », car, « en essayant d’expliquer les phénomènes historiques par la seule vertu des races, elle paraissait traiter les faits sociaux comme des épiphénomènes sans vie propre et sans action spécifique » (L’Année sociologique, vol. I, 1898, p. 519).
-
[144]
Pour situer Henri Hubert, voir I. Strenski, « Henri Hubert, Racial Science and Political Myth », Journal of the History of the Behavioral Sciences, 21, 1987, pp. 353-367 ; Laurent Mucchielli, La Découverte du social, op. cit., passim.
-
[145]
Henri Pierre, « L’Aryen, son rôle social » (compte rendu), Revue historique, 27e année, 78 (1), janvier-février 1902, p. 162-164. Henri Hubert avait déjà exécuté Lapouge dans L’Année sociologique, vol. IV, 1901, p. 145-146 : « Sa science est peu critique […]. M. de Lapouge supprime la sociologie en l’absorbant. » Dans la Revue de synthèse historique (fondée par Henri Berr en 1900), Georges Bourgin s’aligne sur la critique de Manouvrier et des sociologues durkheimiens en stigmatisant l’anthroposociologie comme une « pseudo-science » (compte rendu de L’Aryen…, op. cit., 1902, 5, p. 253-254).
-
[146]
Voir Célestin Bouglé, La Démocratie devant la science. Études critiques sur l’hérédité, la concurrence et la différenciation, Paris, Félix Alcan, 3e éd. augmentée, 1923, p. 37-110. Pour une mise en contexte de ces combats contre l’école anthroposociologique et le camp antidreyfusard, voir Laurent Mucchielli, La Découverte du social. Naissance de la sociologie en France (1870-1914), Paris, La Découverte, 1998, p. 261-291. Voir aussi l’étude d’Alain Policar, « Science et démocratie. Célestin Bouglé et la métaphysique de l’hérédité », Vingtième Siècle, n° 61, janvier-mars 1999, p. 86-101.
-
[147]
Paris, Schleicher, 1897, 47 p. La « préface du traducteur » (Lapouge) est datée du 6 août 1896 (op. cit., p. 1-8).
-
[148]
Ibid., préface [de Lapouge], p. 1.
-
[149]
Ibid., p. 2.
-
[150]
Ibid., passim.
-
[151]
Ibid., p. 6, 8. Sur l’importance du monisme haeckélien dans la formation de la pensée de Lapouge, voir Daniel Gasman, Haeckel’s Monism and the Birth of Fascist Ideology, New York, Peter Lang, 1998, p. 135-147.
-
[152]
Georges Vacher de Lapouge, préface, ibid., p. 8.
-
[153]
Ibid.
-
[154]
Voir Les Sélections sociales, op. cit., chapitre XV (« La sélection systématique), p. 443-490.
-
[155]
Georges Vacher de Lapouge, préface à Ernst Haeckel, op. cit., p. 8. À la fin de son compte rendu plutôt négatif de cette édition française du Monisme, Abel Rey précise non sans ironie : « Elle est précédée d’une préface du traducteur, M. Vacher de Lapouge, véritable réquisitoire contre le christianisme, édifié avec les arguments d’usage » (Revue philosophique, XLIV, janvier 1898, [p. 89-92], p. 92).
-
[156]
Georges Vacher de Lapouge, préface à Ernst Haeckel, art. cit., p. 7.
-
[157]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen. Son rôle social, op. cit., préface, p. IX, et p. 511-512.
-
[158]
Chapitre VIII : « L’avenir des Aryens », op. cit., p. 463-514.
-
[159]
Ibid., p. 464. Le développement sur « Les Juifs » couvre les pages 464-481.
-
[160]
Ibid., p. 465.
-
[161]
Ibid., p. 466.
-
[162]
Ibid., p. 475.
-
[163]
Ibid.
-
[164]
Ibid.
-
[165]
Ibid., p. 476.
-
[166]
Lapouge se contente en effet de puiser dans le stock des stéréotypes antijuifs exploités par ses contemporains, tels Édouard Drumont ou Jules Soury. Voir par exemple Édouard Drumont, La France juive. Essai d’histoire contemporaine, Paris, C. Marpon & É. Flammarion, 1886, t. I, Livre I, p. 1-137 ; Jules Soury, Campagne nationaliste 1899-1901, Paris, Imprimerie de la Cour d’Appel, 1902, p. 3-14, 90-148. Et Drumont ne cessait de vanter les mérites de L’Aryen…, par exemple dans les articles suivants publiés par La Libre Parole : « La fin d’un siècle » (27 décembre 1899), « Napoléon antisémite » (26 mars 1900), [Conférence de Drumont au Grand Occident, 29 juin 1900] (30 juin 1900).
-
[167]
Sur la conception « biologique » de la nation chez Lapouge, voir Pierre-André Taguieff, « Le “nationalisme des nationalistes”. Un problème pour l’histoire des idées politiques en France », in Gil Delannoi et Pierre-André Taguieff (dir.), Théories du nationalisme. Nation, nationalité, ethnicité, Paris, Kimé, 1991, p. 87-94.
-
[168]
Voir P.A. Taguieff, La Couleur et le Sang, op. cit., p. 135-197.
-
[169]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen…, op. cit., p. 464, 481.
-
[170]
Ibid., préface, p. VII et IX.
-
[171]
Ibid., p. 510.
-
[172]
Ibid., préface, p. VIII-IX.
-
[173]
Voir ibid., p. 513-514.
-
[174]
Sur la réception négative des thèses lapougiennes, après la parution de L’Aryen…, voir par exemple Gustave Rouanet, « Les théories aristocratiques devant la science », La Petite République socialiste, 2 janvier 1900 [le socialiste Rouanet s’aligne sur la critique dirimante de Manouvrier] ; Salomon Reinach, compte rendu, Revue critique d’histoire et de littérature, nouvelle série, t. XLIX, n° 7, 12 février 1900, p. 121-125 ; Jacques Bainville, compte rendu, L’Action française, 2e année, n° 23, 1er juin 1900, p. 998-1001 ; Célestin Bouglé, « Castes et races », La Grande Revue, vol. 17, 1er avril 1901, p. 64-92 ; Henri Pierre [pseudonyme de Henri Hubert], compte rendu, Revue historique, 27e année, 78 (1), janvier-février 1902, p. 162-164. L’essayiste Jean Finot publie en 1905 une volumineuse synthèse de ces critiques, Le Préjugé des races (Paris, Félix Alcan, III-518 p.), ouvrage qui sera aussitôt traduit en anglais (Race Prejudice, Londres, Constable, 1906, XVI-320 p.). Rares sont les auteurs qui, en langue française, continuent de s’inspirer des thèses lapougiennes ou même de les discuter scientifiquement (selon les normes épistémologiques de l’époque). Voir cependant Léon Bazalgette, À quoi tient l’infériorité française, Paris, Fischbacher, 1900, p. 144-149, 170-171 ; id., Le Problème de l’avenir latin, Paris, Fischbacher, 1903, p. 132-134 et 160-163 ; Gabriel Tarde, « L’action inter-mentale », La Grande Revue, 1er novembre 1900, [p. 305-336], p. 319 sq. ; Georges Palante, compte rendu de L’Aryen…, Revue internationale de sociologie, 9e année, n° 2, février 1901, p. 142-143 ; id., Précis de sociologie, Paris, Félix Alcan, 1901, p. 39 sq., 150 sq. ; Henri Mazel, « Sociologues contemporains. I. M. Vacher de Lapouge », Mercure de France, mars 1899, p. 662-675 ; id., compte rendu de L’Aryen…, Mercure de France, juillet 1900, p. 230-232 ; René Worms, Les Principes biologiques de l’évolution sociale, Paris, V. Giard, 1910, p. 96-98.
-
[175]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen…, op. cit., préface, p. VI.176. Archives Lapouge, Montpellier. L’anti-rousseauisme radical, chez Lapouge, paraît être un héritage intellectuel reçu de Clémence Royer ; voir supra.
-
[176]
Georges Vacher de Lapouge, Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, 1909 [VII-XXXII/399 p. ; tirage : 1 100 exemplaires]. Le mémoire intitulé « Observations sur l’infériorité naturelle des classes pauvres » est publié pour la première fois dans Race et milieu social (op. cit., p. 227-271), avant d’être traduit en allemand et publié dans la Politisch-Anthropologische Revue (8e année, 1909-1910, n° 8, p. 393-409 ; n° 9, p. 454-464). Lapouge y discute les thèses d’Alfredo Niceforo, sociologue italien engagé dans le mouvement socialiste, qui avait publié en français, dans la « Bibliothèque sociologique internationale » dirigée par René Worms, Les Classes pauvres. Recherches anthropologiques et sociales, Paris, V. Giard et E. Brière, 1905, 344 p. Niceforo était un élève de Napoleone Colajanni, sociologue et homme politique italien (député socialiste) qui, dans Latins et Anglo-saxons. Races supérieures et races inférieures (traduction française J. Dubois, Paris, Félix Alcan, 1905, XX-432 p.), avait soumis la raciologie lapougienne à une critique sévère. Niceforo poursuivra l’examen critique, notamment dans Les Germains. Histoire d’une idée et d’une « race », traduction française G. Hervo, 2e éd. revue et remaniée par l’auteur, Paris, Bossard, 1919, 181 p.
-
[177]
Résumé des travaux scientifiques de M. G. Vacher de Lapouge, Poitiers, Société française d’imprimerie et de librairie, mars 1909, 26 p.
-
[178]
Comte [Henri de] Begouën, « Vacher de Lapouge, le père de l’“Aryanisme” », Journal des débats, 148e année, n° 232, 22 août 1936, p. 3. Houston Stewart Chamberlain (1855-1927), le plus célèbre des théoriciens du pangermanisme racialiste, avait alimenté la rumeur d’un Lapouge pangermaniste, en notant par exemple en 1899 : « Ce type d’homme qui a nom Homo Europæus dans la terminologie Linné-de Lapouge, et que j’appelle plus simplement le Germain » (La Genèse du XIXe siècle [1899], traduction française Robert Godet [revue par l’auteur], Paris, Payot, 1913, t. I, p. 661-662). Dans la préface de la 4e éd. allemande de son livre, datée d’octobre 1902, Chamberlain enfonce le clou : « Il suffit de lire […] L’Aryen (p. 370 sq.) […] pour apercevoir l’exacte et parfaite concordance de son “Aryen moderne” et de mon “Germain”. » (op. cit., p. 1 410-1 411). Et de célébrer aussitôt Lapouge comme « un anthropologue […] riche en intuitions et en connaissances » (ibid., p. 1 412).
-
[179]
Après Race et milieu social, Lapouge ne publie cependant qu’un article relevant strictement de l’anthropologie physique : « Recherches anthropologiques sur les conscrits de Rennes », Bulletin de la Société scientifique et médicale de l’Ouest, 1909, p. 45-56. Dans un article resté inédit en français, « Comment l’anthropologie, science française, fut assassinée en France » (Archives Lapouge), Lapouge reviendra non sans amertume sur ses échecs universitaires (tr. allemande, « Wie die Anthropologie in Frankreich erdrosselt wurde », Die Sonne, VI, décembre 1929, p. 533-535).
-
[180]
Il est vrai que Lapouge était cité élogieusement par certains théoriciens du pangermanisme, tel Josef Ludwig Reimer, et ce dans l’ouvrage qui l’a rendu célèbre, Ein Pangermanisches Deutschland. Versuch über die Konsequenzen der gegenwärtigen wissenschaftlichen Rassenbetrachtung für unsere politischen und religiösen Probleme, Berlin et Leipzig, Friedrich Luckhardt, 1905, VIII-403 p. Reimer s’inspire à la fois de Gobineau, de Lapouge, de Woltmann, de Wilser et de Houston Stewart Chamberlain. Sur l’importance de ce livre-manifeste, qui vise à fonder raciologiquement le pangermanisme, voir Charles Andler, Le Pangermanisme philosophique (1800 à 1914), Paris, Louis Conard, 1917, p. 344 sq. ; Léon Poliakov, Le Mythe aryen, Paris, Calmann-Lévy, 1971, p. 319. Dans la bibliographie qui termine Race et milieu social, Lapouge note à propos du livre de Reimer : « Important pour l’étude de l’impérialisme aryo-germanique » (op. cit., p. 388).
-
[181]
« Le paradoxe pangermaniste », Mercure de France, 1er août 1915, p. 640-654. Voir aussi Race et milieu social, op. cit., introduction, p. VIII et XXIV, où Lapouge récuse les théories fausses fabriquées en Allemagne par les « caricaturistes de l’anthroposociologie ». Dans une interview publiée en décembre 1933, Lapouge déclare, en réponse à une question sur Hitler : « En ce qui concerne la race aryenne, il l’a déformée de singulière façon. Il n’a fait en cela, d’ailleurs, que continuer la tradition des savants allemands qui avaient dénaturé Gobineau et moi-même. » (Guy Laborde, « Un maître français de Hitler : Vacher de Lapouge », Le Temps, 17 décembre 1933, p. 8).
-
[182]
C’est là pour Lapouge manière de répondre aux études historiques et critiques d’Ernest Seillière, qui le classait parmi les théoriciens de « l’impérialisme mystique ». Voir Ernest Seillière, « Une école d’impérialisme mystique, les plus récents théoriciens du pangermanisme », Revue des Deux Mondes, 1er mars 1909, notamment p. 198-208 ; id., Les Mystiques du néo-romantisme, Paris, Plon, 1911, notamment p. 7-22.
-
[183]
Race et milieu social, introduction, p. viii, xxiv.
-
[184]
Op. cit., chap. IX, « Sélection politique », p. 243-262.
-
[185]
« Sénile », par opposition à la « démocratie des peuples naissants », « où la différenciation n’est pas faite encore » : selon Lapouge, il en va ainsi de la démocratie aux États-Unis (op. cit., 1896, p. 261).
-
[186]
Ibid., p. 261-262.
-
[187]
Ibid., p. 480.
-
[188]
Ibid., p. 481.
-
[189]
Ibid., p. 480.
-
[190]
Ibid., p. 481.
-
[191]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen. Son rôle social, op. cit., chap. VIII : « L’avenir des Aryens », [p. 463 sq.], p. 491 sq.
-
[192]
Ibid., p. 491.
-
[193]
Ibid., p. 502.
-
[194]
Ibid.
-
[195]
Ibid.
-
[196]
Ibid.
-
[197]
Ibid., p. 504.
-
[198]
Ce recueil d’articles (publiés ou restés inédits) est précédé d’une longue introduction (p. VII-XXXII) datée du 16 avril 1909.
-
[199]
Georges Vacher de Lapouge, op. cit., 1909, Introduction, p. XX-XXI.
-
[200]
Ibid., p. XXIII. C’est dans les années 1898-1900 que Ludwig Woltmann s’engage avec vigueur dans le mouvement socialiste en Allemagne. Au sein du SPD, il soutient le « révisionniste » Eduard Bernstein contre les attaques lancées par August Bebel. Voir Marco Schütz, « Socialisme “darwinien” et anthropologie raciale chez Ludwig Woltmann », Mil neuf cent, n° 18, 2000, p. 109-136.
-
[201]
Voir August Weismann, « La continuité du plasma germinatif comme base d’une théorie de l’hérédité » (1885), in A. Weismann, Essais sur l’hérédité et la sélection naturelle, traduction française Henry de Varigny, Paris, C. Reinwald et Cie, 1892, p. 159-243. Dans sa « Causerie scientifique » du Temps, le 6 février 1901 (« La nature et la vie. Question de parenté »), Henry de Varigny s’interroge encore sur les preuves scientifiques de la continuité du plasma germinatif et de la non hérédité des caractères acquis, en référence aux travaux de Weismann et de Nussbaum ainsi qu’à ceux, plus récents, du biologiste américain John Beard. Dans L’Ordre social et ses bases naturelles (1895), traduit en français par le lapougien Henri Muffang, Otto Ammon expose les thèses de Weismann et les reprend pour l’essentiel à son compte (op. cit., 1900, p. 21-28). Ammon se déclare notamment en accord avec le rejet weismannien de la « transmissibilité héréditaires des qualités acquises » (p. 27-28).
-
[202]
August Weismann (1834-1914) est plusieurs fois cité par Lapouge dans Les Sélections sociales (op. cit., p. 43-44, 48-49, 106-107, 140, 150). Voir aussi la discussion des conceptions de l’hérédité dans Race et milieu social, op. cit., p. 312 sq. Sur la problématique et les thèses de Weismann, voir Jean Gayon, Darwin et l’après-Darwin. Une histoire de l’hypothèse de sélection naturelle, Paris, Kimé, 1992, p. 156 sq. ; id., « Eugénisme », in Josué Feingold et al. (dir.), op. cit., p. 465 ; André Pichot, Histoire de la notion de vie, Paris, Gallimard, 1993, p. 860 sq. ; id., Histoire de la notion de gène, Paris, Flammarion, 1999, p. 43-72.
-
[203]
Georges Vacher de Lapouge, Race et milieu social, op. cit., p. XXX.
-
[204]
Ibid.
-
[205]
Ibid., p. XXIII.
-
[206]
Ibid.
-
[207]
Ibid. Lapouge réplique ici, douze années plus tard, aux critiques de Célestin Bouglé visant Les Sélections sociales. Voir Célestin Bouglé, « Anthropologie et démocratie », Revue de Métaphysique et de Morale, 5e année, n° 4, juillet 1897, [p. 443-461], p. 453 sq. (Les principaux éléments de cet examen critique seront repris par Bouglé dans son livre : Les Idées égalitaires. Étude sociologique, Paris, Félix Alcan, 1899). Pour des analyses plus détaillées, voir Alain Policar, « De la critique de la sociologie biologique à l’autonomie de la morale : itinéraire de Célestin Bouglé », Mil neuf cent, n° 18, 2000, p. 137-166.
-
[208]
Le postulat héréditariste de la théorie lapougienne des « sélections sociales » est particulièrement bien mis en évidence dans la correspondance échangée par Lapouge et Durand de Gros (1826-1901) entre 1888 et 1899 (seules les lettres du second ayant été retrouvées), discussion scientifique idéal-typique entre un héréditariste strict (dont la thèse est que toute l’évolution humaine s’explique par le jeu de l’hérédité et de la sélection) et un environnementaliste modéré, partisan d’un transformisme de tradition lamarckienne. Voir Jean Boissel, « À propos de l’indice céphalique. Lettres de Durand de Gros à Vacher de Lapouge », Revue d’histoire des sciences, 1982, n° 4, p. 289-319. Voir aussi Joseph-Pierre Durand de Gros, Questions de philosophie morale et sociale, Paris, Félix Alcan, 1901 [recueil d’études posthume], p. 81-82, 96-100.
-
[209]
Voir Jacques Léonard, La Médecine entre les pouvoirs et les savoirs. Histoire intellectuelle et politique de la médecine française au xixe siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1981, p. 270 sq.
-
[210]
Madison Grant s’était rendu célèbre par son livre The Passing of the Great Race or the Racial Basis of European History, New York, Charles Scribner’s Sons, 1916, XXI-245 p. ; nouvelle éd., 1918, xXV-296 p. Auteur d’un grand nombre d’articles publiés dans des revues scientifiques, le biologiste Charles B. Davenport avait présenté ses conceptions eugénistes d’une façon systématique dans Heredity in Relation to Eugenics, New York, Henry Holt and Co., 1911, III-xI/298 p. Voir notamment Charles C. Alexander, « Prophet of American Racism : Madison Grant and the Nordic Myth », Phylon, 23, 1962, p. 73-90 ; Thomas F. Gossett, Race : The History of an Idea in America [1963], New Edition, New York, Oxford University Press, 1997, p. 353-364, 387-390, 396-398 (sur M. Grant) ; Geoffrey G. Field, « Nordic Racism », Journal of the History of Ideas, vol. XXXVIII, n° 3, juillet-septembre 1977, p. 523-540 ; Daniel J. Kevles, Au nom de l’eugénisme, op. cit., p. 55-78 [sur Davenport] ; Stefan Kühl, The Nazi Connection : Eugenics, American Racism, and German National Socialism, Oxford et New York, Oxford University Press, 1994, passim.
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[211]
Georges Vacher de Lapouge, « La race chez les populations mélangées » [1921], Transactions II International Congress of Eugenics, vol. II : Eugenics in Race and State, Baltimore, Williams and Wilkins, 1923, p. 1-6. Dans la « Revue des sciences » du Journal des Débats, le 3 mai 1923, Henry de Varigny consacre la moitié de sa chronique à rendre compte des travaux du Second Congrès international d’eugénique, à travers les deux volumes d’actes qui viennent d’être publiés. Il y fait la part belle à Lapouge : « La poussée en faveur de l’élevage humain produira-t-elle ses effets ? Les enthousiastes n’en doutent pas. Lisez plutôt l’étude de M. G. V. de Lapouge sur “La Race chez les populations mélangées” où il dénonce la substitution générale, par les sélections sociales, des races inférieures aux supérieures, et il en va ainsi dans toute population à races mélangées, ce qui est le cas le plus fréquent. La guerre de classes est une véritable guerre de races et, dit l’auteur, le moment est venu où l’homme doit choisir entre devenir un demi-dieu ou retourner à la barbarie des contemporains du mammouth.” L’organisation d’une sélection artificielle, ajoute-t-il, n’est qu’une question de temps. Il sera possible de renouveler en bloc, en quelques siècles, toute l’humanité, et de remplacer la masse par une race bien supérieure dans laquelle la sélection pourra être ultérieurement continuée. J’ai confiance dans les Anglo-saxons pour mener à bien cette entreprise sans pareille, et faire passer dans la pratique une théorie dont ils ont eu jusqu’ici le monopole.” »
-
[212]
Référence au séjour de Lapouge à New York, en septembre 1921, à l’occasion du Second Congrès international d’eugénique.
-
[213]
Il s’agit du texte de la communication faite par Lapouge au Second Congrès.
-
[214]
Archives Lapouge. Lorsqu’il rédige cette lettre, Lapouge vient tout juste de prendre sa retraite (le 1er août 1922), après 41 ans de service. Voir Jean Boissel, « Une correspondance inédite… », art. cit. [1987], p. 747, note 10.
-
[215]
Fonds Davenport, American Philosophical Society.
-
[216]
Europe, n° 9, 1er octobre 1923, p. 59-67 (numéro consacré au « comte de Gobineau »). Voir Pierre-André Taguieff, « Face à l’immigration : mixophobie, xénophobie ou sélection. Un débat français dans l’entre-deux-guerres », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 47, juillet-septembre 1995, [p. 103-131], p. 127-128.
-
[217]
Voir Jean Boissel, « Une correspondance inédite : Jean-Richard Bloch et Vacher de Lapouge (À propos du numéro d’Europe consacré à Gobineau) », Revue d’histoire littéraire de la France, 1987, n° 4, p. 744-752.
-
[218]
Margaret Sanger avait fondé l’American Birth Control League en 1914 (siège à New York), dont l’organe officiel, lancé en 1917, était The Birth Control Review. Le Cinquième Congrès international du Birth Control s’était tenu à Londres en 1922. En 1920, Margaret Sanger publie un essai, Woman and the New Race (New York, Brentano’s Inc.), qui deviendra un best-seller – Marie-Thérèse Nisot, dans sa vaste étude, mentionne le chiffre de 200 000 exemplaires diffusés (La Question eugénique dans les divers pays, Bruxelles, Georges Van Campenhout, 1927, t. I, p. 383). En 1922 suit un autre essai, The Pivot of Civilization (New York, Brentano’s Inc. ; réimpression, Washington Summit Publishers, 2003), où, dans le chapitre qu’elle consacre à l’eugénisme, la théoricienne et militante néo-malthusienne se félicite de ce que le Birth Control ait été adopté comme une « partie du programme de l’eugénique » : le Birth Control « a été accepté par la plupart des esprits lucides et capables de voir loin, parmi les eugénistes eux-mêmes, comme le plus nécessaire et le plus constructif des moyens de la santé raciale » (op. cit., p. 189) ; voir Carl Jay Bajema, Eugenics : Then and Now, Stroudsburg, Pennsylvania, Dowden, Hutchinson & Ross, Inc., 1976, p. 129, où le chapitre 7 du livre de M. Sanger est intégralement reproduit, aux pages 112-129). En 1919, Margaret Sanger résumait ainsi sa vision d’un contrôle des naissances ordonné à l’idéal eugénique : « Davantage d’enfants issus de personnes capables, moins d’enfants issus d’incapables – tel est l’objectif fondamental du contrôle des naissances » (« Why Not Birth Control in America ? », Birth Control Review, mai 1919, p. 10-11 ; cité par Linda Gordon, Woman’s Body, Woman’s Right : A Social History of Birth Control in America, New York, Grossman, 1976, p. 281 ; Daniel J. Kevles, op. cit., p. 128). Margaret Sanger n’hésitait pas à prôner, parmi les mesures d’eugénique dite « négative » ou « restrictive », la stérilisation (Daniel J. Kevles, ibid., p. 134). Voir par exemple M. Sanger, The Pivot of Civilization, op. cit., p. 184 sq. Admirateur de Margaret Sanger, Havelock Ellis a théorisé l’alliance à ses yeux nécessaire entre le mouvement féministe, le mouvement néo-malthusien et le programme eugéniste (« Birth-Control and Eugenics », Eugenics Review, 9, 1917, p. 32-41 ; article reproduit dans Carl J. Bajema, op. cit., p. 102-111). Voir aussi Frank H. Hankins, « The Interdependence of Eugenics and Birth Control », Birth Control Review, 15, 1931, p. 170-171.
-
[219]
Dans sa lettre du 20 février 1925 à Davenport, Lapouge confie à son correspondant américain : « Je partirai peut-être pour l’Amérique par la France, le 11 mars. J’ai été réquisitionné avec énergie par Miss Margaret Sanger pour la Conférence qu’elle organise à New York fin mars. Il paraît que ma présence est indispensable au bien de la cause sélectionniste. »
-
[220]
Le pédagogue libertaire Paul Robin (1837-1912), pionnier en France de l’eugénique néo-malthusienne, avait fondé en août 1896 la Ligue de la régénération humaine. Voir Gabriel Giroud [disciple de P. Robin], Paul Robin. Sa vie, ses idées, son action, Paris, Éditions G. Mignolet et Storz, 1937 ; Alain Drouard, « Aux origines de l’eugénisme en France : le néo-malthusianisme (1896-1914) », Population, 2, mars-avril 1992, p. 435-459 ; Christiane Demeulenaere-Douyère, Paul Robin (1837-1912). Un militant de la liberté et du bonheur, Paris, Éditions Publisud, 1994, en partic. p. 305 sq.
-
[221]
Lapouge, lettre à Davenport du 20 février 1925.
-
[222]
Archives Lapouge. Voir Margaret Sanger, Margaret Sanger : An Autobiography, New York, W. W. Norton, 1938, p. 372-373. Voir aussi Georges Vacher de Lapouge, « A Eugenic Birthrate for France », in Margaret Sanger (éd.), Sixth International Neo-Malthusian and Birth Control Conference, New York, Baltimore, American Birth Control League, 1925, p. 227-231. Sur la rencontre Lapouge/Sanger, voir William H. Schneider, Quality and Quantity, op. cit., p. 209, 238.
-
[223]
Telle est la caractérisation de Lapouge qu’on trouve dans la brève présentation faite par la rédaction d’Eugenical News d’extraits d’une lettre adressée par le maître français du sélectionnisme à Madison Grant, le 28 décembre 1927 (« Races Studies in Europe », Eugenical News, vol. XIII, n° 6, juin 1928, p. 82).
-
[224]
Il reste que cette alliance ne se concrétisera pas, les disciples de Paul Robin, notamment, continuant de garder leurs distances vis-à-vis de Lapouge. Voir par exemple Manuel Devaldès, La Maternité consciente. Le rôle des femmes dans l’amélioration de la race, Paris, Édition Radot, 1927 (l’ouvrage se situe expressément dans la perspective illustrée par Margaret Sanger). Pourtant, dans sa lettre du 24 avril 1925 à Margaret Sanger, Lapouge mentionne plutôt amicalement le nom de Gabriel Giroud, en compagnie duquel il avait fait le voyage de retour en France : « J’ai quitté M. Giroud à Cherbourg, en parfaite santé. » Sous le pseudonyme de Georges Hardy, Giroud avait publié en 1919 La Question de population et le problème sexuel (Paris, Librairie Scientifique, x-432 p.), qui était vite devenu le texte de référence du courant néo-malthusien en France (l’ouvrage avait fait l’objet, en 1914, d’une première édition sous le titre L’Avortement. Sa nécessité, ses procédés, ses dangers, Paris, chez l’auteur, x-428 p.).
-
[225]
Voir les lettres de Lapouge à M. Payot des 1er et 28 juin 1924, ainsi que la lettre à Gustave Le Bon (directeur littéraire chez Flammarion) du 22 décembre 1924 (Archives Lapouge). Il n’est pas dénué d’intérêt de noter que la traduction française de l’un des livres de Theodore Lothrop Stoddard (1883-1950), théoricien raciste et eugéniste américain, disciple de Madison Grant et ami de Henry F. Osborn, sera publiée chez Payot en 1925, sous le titre Le Flot montant des peuples de couleur contre la suprématie mondiale des blancs (traduction française A. Doysié ; 1re édition américaine, New York, 1920). Voir Thomas F. Gossett, op. cit., p. 390-398 ; Stefan Kühl, op. cit., p. 61-63, 99-100.
-
[226]
Georges Vacher de Lapouge, préface à Madison Grant, Le Déclin de la grande race, traduction française Emmanuel Assire, Paris, Payot, 1926, pp. 7-21.
-
[227]
Op. cit., p. 267-282. Dans son livre sur les États-Unis publié un an après la traduction du Déclin de la grande race, André Siegfried consacre un chapitre à « L’eugénisme, conscience ethnique » (Les États-Unis d’aujourd’hui, Paris, Armand Colin, 2e éd., 1927 ; chap. VII, p. 104-113) suivi par un autre traitant de « La défense de l’Amérique contre l’Europe : l’immigration » (chap. VIII, p. 114-124), dans lequel, citant notamment Madison Grant, il aborde à la fois la question du Birth Control, celle des stérilisations eugéniques et celle de la restriction de l’immigration (lois de 1917, 1921 et 1924). André Siegfried ne cachait pas son inquiétude : « Entre les mains d’un peuple conscient de sa supériorité, qui stériliserait sans remords les nègres, les jaunes, les “inférieurs”, dont nous serions peut-être, l’eugénisme intégral reléguerait éventuellement à l’état de souvenir cette conquête démodée que sont les “droits de l’Homme” » (op. cit., p. 113). Le double rejet de l’individualisme et de l’universalisme, qu’implique en effet le programme racio-eugéniste, avait été clairement pointé par Lapouge en 1899 dans les dernières pages de L’Aryen. Son rôle social (op. cit., p. 509-514). L’eugénique raciale présuppose à la fois que « l’individu est écrasé par sa race, et n’est rien » (ibid., p. 511), qu’« il n’y a […] pas de droits de l’Homme » (ibid.), et que « l’idée même de droit est une fiction » car « il n’y a que des forces » (ibid., p. 512).
-
[228]
Georges Dequidt, Georges Forestier, « Les aspects sanitaires du problème de l’immigration en France », Revue d’hygiène, t. XLVIII, n° 12, décembre 1926, p. 999-1049. Voir William H. Schneider, « Hérédité, sang et opposition à l’immigration dans la France des années trente », Ethnologie française, t. 24, n° 1, janvier-mars 1994, [p. 104-117], p. 105-106 ; Pierre-André Taguieff, « Face à l’immigration… », art. cit., p. 113-115. Pour situer dans son contexte politico-scientifique le rapport de Dequidt et Forestier, voir Lion Murard, Patrick Zylberman, « De l’hygiène comme introduction à la politique expérimentale, 1875-1925 », Revue de synthèse, IIIe série, 115, 1984, p. 313-341 ; id., L’Hygiène dans la République. La santé publique en France, ou l’utopie contrariée 1870-1918, Paris, Fayard, 1996, en particulier p. 299-330.
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[229]
Voir Georges Dequidt, Georges Forestier, art. cit., p. 1001-1003.
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[230]
Lapouge fait ici référence à la prophétie sur laquelle se conclut son « cours libre de science politique » de 1889-1890, publié dix ans plus tard sous le titre L’Aryen. Son rôle social : « En face des dogmes nouveaux [du monisme sélectionniste], l’alliance des hommes de l’Église et de ceux de la Révolution [française] sera le fait de demain. » (op. cit., p. 514).
-
[231]
Archives Lapouge.
-
[232]
Dirigé par Hanno Konopath, ce numéro spécial comprend des articles de Hans F. K. Günther, Madison Grant, Jon Alfred Mjoen, Bertha Berblinger Ammon, Luis Huerta, Ludwig Schemann, du Dr Buttersack et d’« un Français » (Auguste-François Dupont, dit Du Pont). Précisons que Luis Huerta Naves avait publié en 1918 Eugenica, maternologia y puericultura (Madrid, Fortanet, 328 p.). Quant à Jon Alfred H. Mjoen, spécialiste de la question des croisements inter-raciaux, il avait lui-même participé au Second Congrès international d’eugénique de septembre 1921, et sa communication suit de quelques pages celle de Lapouge, dans le second volume des actes du Congrès (« Harmonic and Disharmonic Race Crossings », Eugenics in Race and State, op. cit., p. 41-61).
-
[233]
Voir Jean Boissel, « Autour du gobinisme, correspondance inédite entre L. Schemann et G. Vacher de Lapouge », Annales du CESERE, n° 4, 1981, p. 91-119.
-
[234]
Les premiers membres français de la « Société Gobineau » furent le wagnérien Édouard Schuré et l’écrivain traditionaliste Paul Bourget. Les rejoignent Vacher de Lapouge, Jacques de Boisjolin, le comte Paul de Leusse, Jean Finot, Gabriel Monod, Célestin Bouglé, Albert Sorel, etc. Voir Albert Sorel, « Le comte de Gobineau et la ligue gobinienne en Allemagne », Le Temps, 22 mars 1904 (repris in A. Sorel, Notes et portraits, Paris, Plon, 1909, p. 227-239) ; Jacques Morland, « Le comte de Gobineau », in Comte de Gobineau, Pages choisies, Paris, Mercure de France, 1905, p. 5 ; Robert Dreyfus, La Vie et les prophéties du comte de Gobineau, Paris, Cahiers de la Quinzaine, puis Calmann-Lévy, 1905, p. 5-6. Voir aussi Jean Boissel, « Autour du gobinisme… », art. cit., p. 91, 93-95, 100-101, 102, 111 (note 4), 112 (note 4 de la lettre du 17 février 1899), 114 (notes 6, 7 et 8), 115 (notes 3 et 6).
-
[235]
Julius Friedrich Lehmann (1864-1935) était le plus important des éditeurs qui publiaient en Allemagne des écrits relevant à la fois du mouvement völkisch et de l’« hygiène raciale » (eugénisme, sélectionnisme). Il était par exemple l’éditeur d’eugénistes racistes tels que Ernst Rüdin, Erwin Baur, Eugen Fischer, Fritz Lenz ou Géza von Hoffmann. En 1926, il avait fondé Volk und Rasse, à Munich, où l’on pourra lire, après la mort de Lapouge, un article d’un collaborateur de Die Sonne, Werner Kulz, « Marquis de Lapouge zum Gedenken », in Volk und Rasse, 11e année, n° 6, juin 1936, p. 255-258. Éditeur de Schemann et de Günther, Lehmann avait fondé en 1917 la revue nationaliste Deutschlands Erneuerung, dans laquelle Günther publie en 1927 une étude sur les doctrines lapougiennes : « Der nordische Gedanke in Frankreich », in 11e année, p. 490-496. Sur les activités de cet éditeur engagé, voir Max Weinreich, Hitler’s Professors [1946], New Haven et Londres, Yale University Press, 1999, p. 27 sq. ; Robert Proctor, Racial Hygiene. Medicine under the Nazis, Cambridge, Mass., et Londres, Harvard University Press, 1988, passim ; Paul Weindling, op. cit., en particulier p. 299-313, 471 sq. Sur les revues völkisch, voir Armin Mohler, La Révolution conservatrice en Allemagne 1918-1932, traduction française H. Plard et H. Lipstick [d’après la 3e édition allemande, 1989], Puiseaux, Pardès, 1993, p. 361-366 ; Uwe Puschner, Walter Schmitz und Justus H. Ulbricht (Hg.), op. cit., passim.
-
[236]
Voir notamment les articles suivants (études ou extraits de lettres) de Lapouge : « Contribution to the Fundamentals of a Policy of Population », Eugenics Review, vol. XIX, n° 3, octobre 1927, p. 192-197 ; « The Numerous Families of Former Times », ibid., p. 198-202 ; « Race Studies in Europe », Eugenical News, vol. XIII, n° 6, juin 1928, p. 82-84 ; « The Nordic Movement in Europe », ibid., vol. XIII, n° 10, octobre 1928, p. 132-133 ; « Thoughts of Count of Lapouge », ibid., vol. xIV, n° 6, juin 1929, p. 78-80 ; « From Count de Lapouge », ibid., vol. XV, n° 8, août 1930, p. 116-117 ; « Post-War Immigration into France », ibid., vol. XVII, n° 4, juillet-août 1932, p. 94-95 ; « A French View », ibid., vol. XIX, n° 2, mars-avril 1934, p. 39-40. Voir aussi son ultime article synthétique sur la théorie et la pratique de l’eugénique, « Note sur le programme du monisme sélectionniste », Records of Progress, vol. XIII, n° 1, février 1930, p. 37-45 (traduction allemande, « Anmerkungen zum rassenhygienischen Ausleseprogramm », Die Sonne, VIII, n° 11, novembre 1931, p. 481-490).
-
[237]
Die Sonne, VI (1), janvier 1929, p. 3-8. Cet article, « Origine biologique de l’inégalité des classes » (1928, manuscrit conservé aux archives Lapouge), est resté inédit en français.
-
[238]
Archives Lapouge. Les prétentions scientifiques de l’anthroposociologie ont fait l’objet d’une discussion critique savante dans la seconde moitié des années vingt. Voir notamment Pitirim A. Sorokin, Social Mobility, New York, Harper, 1927 (2e éd. augmentée, Social and Cultural Mobility, New York, The Free Press of Glencoe, 1959, puis 1964, en particulier p. 217-257) ; id., Les Théories sociologiques contemporaines [1928], traduction française R. Verrier, Paris, Payot, 1938, p. 180-197, 205-233 ; Frank H. Hankins, La Race dans la civilisation. Une critique de la théorie nordique [1926], traduction française [Anonyme], Paris, Payot, 1935, p. 117-163.
-
[239]
Archives Lapouge.
-
[240]
Archives Lapouge. Le disciple autodidacte de Lapouge, Auguste-François Dupont (qui signait Warren C. Kincaid), négociant en vins (né le 3 août 1869 à Calais), était décédé le 13 avril 1935 à Paris. C’est Dupont qui, actif dans les milieux gobiniens et parmi les défenseurs de la « race nordique », avait mis Lapouge en relations avec Günther au début de 1927 (Jean Boissel, « Autour du gobinisme… », art. cit., p. 113, 117 et 118). Sur l’importance des références à Lapouge chez les théoriciens « nordicistes » dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, voir Hans-Jürgen Lutzhöft, Der nordische Gedanke in Deutschland 1920-1940, Stuttgart, Ernst Klett, 1971, p. 99-100, 185-186 et 247-248.
-
[241]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen, op. cit., p. 463.
-
[242]
Voir l’article nécrologique consacré à Lapouge dans Miscellanea entomologica, vol. XXXVII, n° 4, 1936, p. 39-40. Voir aussi E. Barthe, « G. Vacher de Lapouge, sa vie et ses œuvres », ibid., vol. XXXVIII, n° 3, 1937, p. 29-31.
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[243]
Henri-Victor Vallois, in L’Anthropologie, t. XLVI, 1936, p. 481. Voir aussi la longue étude critique d’Étienne Patte, « Georges Vacher de Lapouge (1854-1936) », in Revue générale du Centre-Ouest de la France, 12e année, n° 46, juillet 1937, p. 769-789.
-
[244]
Paris, La Jeune République ; Cahiers de la démocratie, n° 52, novembre-décembre 1938, 64 p., dédié « À notre grand ami Marc Sangnier ».
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[245]
Paris, Hermann, fin 1938.
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[246]
Voir par exemple Jean Colombat, La Fin du monde civilisé. Les prophéties de Vacher de Lapouge, Paris, Vrin, 1946 ; Pierre-Paul Grassé, L’Homme en accusation. De la biologie à la politique, Paris, Albin Michel, 1980, p. 38 sq., 319. Plus récemment, le médecin-anthropologue Pierre-André Gloor s’est efforcé de soumettre à un réexamen critique la théorie anthroposociologique ; voir notamment P.-A. Gloor, « Vacher de Lapouge et l’anthroposociologie », Revue européenne des sciences sociales, t. XXIII, n° 69, 1985, p. 157-170. On notera que les doctrines racistes et eugénistes de Lapouge n’ont pas cessé d’être abordées, suivant une tradition persistante, dans le cadre des études sur le « darwinisme social ». Voir Linda L. Clark, op. cit. [1984] ; Jean-Marc Bernardini, op. cit. [1997] ; Mike Hawkins, Social Darwinism in European and American Thought, 1860-1945, New York, Cambridge University Press, 1997, p. 191-200.
-
[247]
Voir Milton Hindus, L.-F. Céline tel que je l’ai vu, traduction française A. Belamich, Paris, Éditions de L’Herne, 1969, p.166-167 ; Philippe Alméras, Les Idées de Céline. Mythe de la race, politique et pamphlets, Paris, Berg International, 1991, p. 463. Philippe Alméras suppose que Céline ne connaissait de Lapouge que « ce que lui en avait dit Montandon » (Céline. Entre haine et passion, Paris, Robert Laffont, 1994, p. 430).
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[248]
Cette lettre est partiellement reproduite dans le Bulletin de la N.R.F., n° 139, juin 1959, p. 10-11 ; je la cite d’après Louis-Ferdinand Céline, Lettres à la N.R.F. 1931-1961, édition établie, présentée et annotée par Pascal Fouché, Paris, Gallimard, 1991, p. 463. Il faudra en effet attendre 1984 pour pouvoir trouver dans un dictionnaire un article spécialement consacré à la pensée de Lapouge. Voir mon article dans le Dictionnaire des philosophes, Paris, PUF, 1984, t. II, p. 2 559-2 565 : « Vacher de Lapouge Georges 1854-1936 ». On doit aux travaux pionniers de Jean Boissel sur le racisme à la française d’avoir initié une approche savante de l’école sélectionniste. Parallèlement, ceux de Zeev Sternhell ont fait entrer dans le champ de l’histoire des idées politiques l’étude des doctrines biopolitiques situées au croisement du socialisme, de l’eugénisme et du racisme. Voir Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Paris, Le Seuil, 1978, p. 16-18, 25, 151-169.
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[249]
Voir par exemple l’ouvrage de J. Philippe Rushton (né en 1943) : Race, Evolution, and Behavior : A Life History Perspective, New Brunswick (USA) et Londres, Transaction Publishers, 1995. Les travaux de Rushton (publiés avant cet ouvrage de synthèse) sont abondamment cités et utilisés par Richard J. Herrnstein et Charles Murray dans leur livre controversé The Bell Curve (New York, The Free Press, 1994). Dès les deux premières pages de l’ouvrage, un hommage est rendu par les co-auteurs à Francis Galton, en tant que pionnier des travaux sur les facteurs héréditaires des aptitudes intellectuelles, dont témoigne notamment son livre Hereditary Genius, paru en 1869 (op. cit., p. 1-2). Sur le débat anglo-saxon, voir Russell Jacoby and Naomi Glauberman (éd.), The Bell Curve Debate : History, Documents, Opinions, New York, Random House, 1995.
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[250]
Voir mes livres Du progrès, op. cit., p. 144-145, 170 sq., et Résister au bougisme, op. cit., p. 153 sq.
1De la fin des années 1880 aux années 1900, Georges Vacher de Lapouge s’est voulu d’abord le vrai fondateur de la science sociale ou de la sociologie, baptisée aussi par lui « science politique ». Le projet théorique général de Lapouge – qu’il partageait en son temps avec d’autres – était d’étudier l’interaction du biologique et du social, afin d’expliquer l’évolution des sociétés par les mécanismes de l’hérédité et de la sélection. Il est clair qu’il a échoué dans la mise en œuvre scientifique de son projet d’une sociologie intégrée dans l’anthropo-biologie, et que son évolutionnisme social, fortement inspiré par l’idéologie scientifique de Ernst Haeckel [2], n’est qu’une science imaginaire. Il avait cru, il est vrai, pouvoir fonder l’« anthroposociologie » (expression forgée par ses soins) ou le « sélectionnisme », en premier lieu, sur l’anthropologie physique de son temps, simple théorie descriptive de « races humaines » fictives ou confusément déterminées, et, en second lieu, sur la base d’une conception fausse des mécanismes d’hérédité, sa théorie eugéniste ou « sélectionniste » ayant été élaborée, comme celle de Galton, avant la redécouverte de la génétique mendélienne en 1900. Lapouge fut à la fois un théoricien et un propagandiste de l’eugénisme, qu’il concevait à la fois comme la véritable science du social et la seule réforme sociale efficace. Or les eugénistes qui se sont politiquement imposés dans l’entre-deux-guerres, et dont l’action propagandiste a été à l’origine de lois et de pratiques eugéniques (ou racio-eugéniques) institutionnelles, furent des généticiens mendéliens, aux États-Unis (Charles Davenport), en Allemagne (Eugen Fischer) ou dans les pays scandinaves. Ce qui ne signifie pas que leur eugénique était enfin solidement fondée sur des bases scientifiques, mais qu’ils pouvaient prétendre légitimer leur projet de sélection humaine en référence à une science véritable, la génétique. Quoi qu’il en soit, pour ces biologistes eugénistes spécialisés dans la génétique humaine, Lapouge a pu faire figure de lointain précurseur, mais non pas de fondateur. Parallèlement, le « racisme scientifique » a subi des critiques dirimantes de la part des plus éminents biologistes : dès 1935, la thèse selon laquelle le racisme était dénué de fondements scientifiques faisait l’objet d’un large consensus international [3]. Théoricien malheureux d’une fausse science et principal représentant, dans la France « fin-de-siècle », de la « théorie des races » (dont la visée explicative se doublait de préoccupations pratiques), Lapouge fut aussi un militant politique « révolutionnaire », engagé dans la mouvance socialiste. C’est à ces trois titres (de raciste aryaniste, l’eugéniste et de socialiste) que Lapouge intéresse l’histoire politique et intellectuelle de la France de la fin du xixe et du premier tiers du xxe siècle.
2Pourquoi ne pas le dire d’emblée ? Lapouge n’avait rien pour plaire à la majorité de ses contemporains, et il n’a toujours rien pour plaire au lecteur contemporain. Il a même tout pour déplaire à tous : socialiste, il dénonce la ploutocratie à laquelle il réduit le régime démocratique qu’il récuse sans réserve, et combat expressément l’égalitarisme dans tous les domaines [4] ; racialiste et raciste, postulant que la « question de race » prime toutes les autres (y compris la question nationale), il est résolument et conséquemment anti-nationaliste, et dénoncé comme tel par l’Action française ; eugéniste, partisan du recours à la contrainte pour empêcher les individus « dysgéniques » de procréer, il n’est ni nataliste ni néo-malthusien, bien qu’il se montre fort préoccupé par la « dépopulation de la France [5] » et qu’il lui arrive de faire un bout de chemin avec les partisans – néo-malthusiens et féministes – du contrôle des naissances [6] ; partisan enthousiaste de l’amélioration indéfinie de l’espèce humaine, il ne croit qu’à la toute-puissance de l’hérédité, place tous ses espoirs dans les pouvoirs régénérateurs de la sélection volontaire des procréateurs, et dénonce les illusions de ceux qui font confiance à l’éducation et à l’action du milieu social pour « perfectionner » ou remodeler l’homme ; théoricien de la science sociale ou de la « science politique », il cherche à lui donner, non sans dogmatisme, un fondement sûr dans une anthropologie biologique sommaire au moment même où la sociologie se constitue comme science en déterminant son domaine propre et ses méthodes spécifiques, irréductibles aux savoirs biologique, historique ou psychologique ; matérialiste et scientiste, il ne croit pas au dogme du Progrès et, loin de rejoindre le camp des « libres penseurs » (tous « progressistes »), il se classe plutôt, en dépit des mesures de « sélectionnisme pratique » qu’il prône, parmi les prophètes de la décadence fatale et finale [7]. C’est peut-être sa foi dans les effets bénéfiques des applications de la science biologique à l’homme et à la société qui permet de le situer le plus clairement dans le mouvement des idées au xixe et dans le premier tiers du xxe siècle.
3Lapouge reprend en effet à sa manière le projet qu’on rencontre, sous diverses formulations, dans toute l’histoire des idéologies au xixe siècle, le projet d’une politique scientifique, fixé principalement par la pensée saint-simonienne, avant l’apparition de l’école positiviste. L’idée directrice en est qu’il faut, parce qu’à « l’âge positif » ce serait désormais possible, sortir de la préhistoire de l’organisation politique, ce qui suppose que la politique devienne enfin une science. L’utopie d’une réorganisation rationnelle de l’ordre social s’inscrit dans l’héritage des Lumières et de la vision mystique du Progrès [8]. Dans l’avenir proche, la politique sera faite par les esprits éclairés, par les savants et plus largement par ceux que nous appellerions aujourd’hui les experts, bref par la nouvelle classe montante caractérisée par des compétences cognitives, alliée aux hommes d’action de la modernité que sont les industriels. C’est l’utopie positiviste diffuse, qui déborde considérablement les frontières du positivisme orthodoxe, lequel reste incarné par son fondateur Auguste Comte. Lapouge, matérialiste mystique plutôt que positiviste religieux, s’inscrit dans l’histoire de ce projet de scientifisation de la politique (comme théorie et pratique) qui, en référence au darwinisme ainsi qu’au « socialisme scientifique », a exercé une fascination nouvelle dans le dernier tiers du xixe siècle. Plus précisément, il combine une explication « darwiniste-sociale » de l’histoire des sociétés humaines et un programme eugéniste de « refonte » de la nature humaine et de l’ordre social. L’eugénique galtonienne, dont Lapouge présente une interprétation idéologico-politique parmi d’autres, se présente comme une utopie futurocentrique, une « futurgénique », destinée à inverser le processus de dégradation génétique supposé observable dans les sociétés modernes. C’est pourquoi l’eugénique, telle qu’elle est imaginée comme remède radical au déclin tant par Francis Galton que par Lapouge, implique une rupture de tradition dans l’histoire des visions du progrès : l’avenir meilleur n’advient pas de lui-même, il ne peut qu’être voulu, prévu, programmé, construit. Rupture avec la conception nécessitariste du progrès, conception largement dominante depuis les Lumières (chez Turgot et Condorcet notamment). S’il s’agit pour l’homme de s’améliorer lui-même par le contrôle de sa reproduction, c’est parce que le laisser-faire en la matière conduit au pire. Etre eugéniste suppose d’abandonner le nécessitarisme de la « religion du progrès » (Cournot) au profit de ce volontarisme politique que James Sully a baptisé le « méliorisme [9] », lequel implique qu’il n’est d’amélioration possible, dans l’ordre des choses humaines, que par l’effet d’un choix, d’un acte de volonté, et de la volonté d’agir en vue de perfectionner ce qui est. En ce sens, l’eugénisme, fondé sur le choix des procréateurs, illustre le triomphe de la volonté d’auto-transformation de l’humanité (toujours saisie, dans la perspective d’un élitisme classiste et raciste, dans ses « éléments supérieurs »). Le projet eugéniste devient devoir eugénique : les humains doivent agir de telle sorte que, par leurs choix procréatifs, ils contribuent à leur auto-remodelage biologique, à l’amélioration de leurs « qualités héréditaires ». Et ce au nom du bien de la collectivité, celle-ci pouvant être la nation ou la race. Il ne s’agit pas seulement, pour les humains, de « devenir comme maîtres et possesseurs de la nature », selon la formule de la 6e partie du Discours de la méthode (1637), mais de viser à devenir à la fois maîtres, possesseurs et (re)créateurs de leur propre nature, de remodeler cette dernière selon le principe du meilleur, diversement interprété selon les besoins, les désirs, les intérêts et les idéaux. La version lapougienne de la « politique scientifique » n’est donc autre que le méliorisme eugéniste, en concurrence avec cette autre figure du méliorisme qu’est l’éducationnisme, fondé sur la croyance à la toute-puissance de l’instruction et de l’éducation. Dans le champ des idéologies politiques « progressistes » (ou perfectibilistes) à la fin du xixe siècle, le grand partage s’opère dans les attitudes face au couple « nature/nurture », cher à Galton : il y a, d’une part, ceux qui posent le primat de la transmission héréditaire des caractères et professent le déterminisme biologique des facultés psychiques supérieures (l’« intelligence » au premier chef), et, d’autre part, ceux qui attendent de l’éducation et de l’action sur l’environnement social une amélioration indéfinie de l’espèce humaine. Pour les partisans de l’inégalité héréditaire des aptitudes, l’amélioration doit suivre la voie du tri et de la sélection systématique des humains selon leurs « qualités héréditaires » respectives, et la politique sélectionniste favoriser la reproduction des « meilleurs » représentants des « meilleures » lignées, tout en décourageant la procréation des « inaptes », des « faibles d’esprit », des « porteurs de tares », etc. Mais cette action biopolitique de remodelage de la population considérée (une « race », une nation, une lignée) se heurte à une question épineuse, en principe dénuée de réponse satisfaisante : quel est le critère de la supériorité héréditaire ? Ou encore : quelles sont les qualités physiques, intellectuelles ou morales qu’il s’agit de sélectionner ? Un insurmontable conflit de valeurs et de normes surgit. Il reste que, dans la perspective galtonienne reprise grosso modo par Lapouge, c’est l’« intelligence » qui incarne la valeur suprême. Mais le problème rebondit, et les tests psychométriques vont, dès les deux premières décennies du xxe siècle, paraître répondre d’une façon scientifique à la double question du repérage et de l’évaluation de cette mystérieuse faculté polymorphe nommée « intelligence » [10]. Lapouge ne sera pas de l’aventure : il s’en tiendra à la craniométrie de l’école de Broca [11].
Du droit à l’anthropologie
4Georges Vacher de Lapouge est né à Neuville-de-Poitou, le 12 décembre 1854. Il a douze ans lorsque son père meurt. Sa mère lui apprend à lire et à écrire, car il ne fréquente pas l’école primaire. Il devient élève du collège des Jésuites, en octobre 1866, à Poitiers, puis entre au lycée (1868-1872), où son professeur de philosophie, Louis Liard [12], lui ouvre « un monde nouveau, Herbert Spencer, Darwin [13] ». Étudiant en droit, il reçoit une médaille d’or le 29 novembre 1877 pour une étude de 750 pages, De la pétition d’hérédité, présentée au concours de doctorat de la faculté de Droit de Poitiers. En 1879, il obtient le titre de docteur en droit. De sa thèse, Théorie du patrimoine en droit positif généralisé, il dira plus tard qu’elle fut « la première apparition du droit biologique [14] ». Il commence alors une carrière de magistrat : substitut à Niort (1879-1880), procureur de la République au Blanc (1880-1881) et à Chambon (1881-1883). Il lit Charles Darwin, Francis Galton, Ernst Haeckel, s’intéresse aux travaux d’anthropologie de Joseph-Pierre Durand de Gros (1826-1900) [15] et de Paul Topinard (1830-1911), avec lesquels il échange une importante correspondance. Son intérêt pour les sciences naturelles et la théorie de l’évolution n’empêche pas Lapouge de manifester un ferme attachement aux principes républicains et de faire l’éloge du progrès des Lumières : alors qu’il est président du Cercle de la ligue de l’enseignement du blanc, il prononce ainsi, le 6 février 1881, une conférence intitulée « Du rôle de l’instruction chez les peuples libres [16] ». Le jeune magistrat âgé de 26 ans s’y montre soucieux de l’instruction et de l’éducation civique des masses dans les nations démocratiques, sans cacher ses inquiétudes et son indignation devant le « gaspillage » des « richesses intellectuelles » :
« Avoir des citoyens, faire des citoyens dans un pays qui commence à connaître la liberté : œuvre audacieuse, œuvre immense ! C’est l’éducation nationale à reprendre depuis les fondements ! C’est tout le caractère d’un peuple entier à changer ! Car il faut que nul ne l’ignore, l’instruction dans une démocratie est tout autre que celle d’une nation qui n’est pas libre. […] Instruction et liberté sont deux termes éternellement liés. Partout où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas de vraie instruction populaire. Quand l’une naît, l’autre naît, quand l’une se développe, l’autre se développe. C’est qu’en effet la liberté ne peut pas se maintenir et prospérer sans l’instruction. Quand les masses ont en main ce redoutable instrument, le pouvoir, il faut qu’elles sachent s’en servir, sinon sa possession n’est qu’un danger pour elles. Les masses doivent recevoir une éducation particulière, une instruction spéciale, l’instruction civique, qui fait les citoyens, les bons citoyens. Le sort du pays est entre les mains des foules : il faut qu’elles soient éclairées, ou le danger est immense. C’est une loi historique : si les masses qui détiennent le pouvoir n’ont pas une éducation civique suffisante, elles finissent après des efforts incohérents et des essais infructueux et bizarres par s’effrayer de la toute puissance dont elles ne savent pas se servir, et elles la déposent entre les mains d’un dictateur. […] C’est pourquoi nous ne craignons pas de dire que l’éducation nationale doit avoir désormais pour but d’éclairer les masses d’une manière aussi complète que possible sur toutes les questions dont la connaissance est utile au progrès, et il y a de ce chef un devoir strict pour tout gouvernement démocratique. […] Loin de nous la pensée de vouloir diminuer, en relevant ainsi le rôle des masses, celui des grands hommes. On peut dire d’eux qu’ils sont des êtres privilégiés, vivantes incarnations des idées de progrès qui planent vaguement sur la foule. Ces hommes donnent sa formule à l’idée latente et la vulgarisent. […] L’exemple même d’Athènes ne montre-t-il pas que nulle part les grands hommes n’éclosent mieux que dans une démocratie cultivée, où le génie naissant acquiert aussitôt la conscience de sa valeur, et peut se révéler sans entraves au milieu de la sympathie de tous ? Le talent acquiert chez nous une considération chaque jour plus grande, d’immenses progrès ont été réalisés dans l’instruction populaire, où cependant le but idéal est si éloigné encore que l’espoir de l’entrevoir jamais ne saurait être caressé par les générations actuellement vivantes. On ne peut réfléchir sans un grand étonnement et sans un douloureux regret à l’inutile gaspillage, à la surprenante déperdition de force intellectuelle qui existe encore dans la société actuelle. Le rôle de l’instruction chez les peuples libres ne doit pas être seulement de permettre aux citoyens de remplir avec discernement leurs devoirs civiques. Il est aussi de permettre à tous ceux qui ont du talent d’arriver à le développer, au grand avantage de tous. En l’état actuel de la société, même en France à l’heure où nous vivons, on peut bien dire sans craindre d’être démenti qu’il n’y a pas un homme de talent sur cent qui parvienne à se révéler. Tel qui, avec une instruction suffisante, serait devenu un savant illustre ou un écrivain de premier ordre, un grand artiste ou un grand homme d’État végète en rattachant des fils de coton dans une fabrique ou en posant les traverses d’une voie ferrée. […] Nous fouillons avec soin nos mines de fer et de houille, et nous n’apporterions pas tout notre zèle à découvrir et à exploiter les richesses intellectuelles qui se consument inutiles dans les couches inférieures de la société ? »
6Ce souci concernant le repérage et la formation des futures élites se retrouvera quelques années plus tard au cœur des recherches anthropologiques et des élaborations biopolitiques de Lapouge [17], où il sera réinscrit dans une problématique héréditariste, empruntant à la théorisation galtonienne de l’eugénique non moins qu’à l’approche anthropométrique des « races humaines ». L’élitisme lapougien s’éloignera en conséquence de l’universalisme républicain, jusqu’à opposer la science à l’humanisme et à la démocratie. Déterminisme biologique, inégalité, concurrence et sélection : tels seront les opérateurs conceptuels du nouvel élitisme racio-eugéniste.
7Jugeant qu’il n’était « pas fait pour la magistrature [18] », Lapouge démissionne en mai 1883 et s’installe à Paris, où il subsiste en donnant des cours particuliers. Il échoue à l’agrégation de droit (1884), mais ses intérêts véritables sont ailleurs : il est alors simultanément, de 1883 à 1886, élève de l’École des Hautes Études, section d’Histoire et de Philologie (assyrien, égyptien, hébreu), élève de l’École du Louvre (égyptologie) et de l’École des Langues orientales (chinois, japonais), du Muséum (laboratoire de zoologie, dirigé par Milne Edwards), et de l’École d’Anthropologie. À partir de 1885-1886, il commence à publier ses recherches dans des revues savantes : la Revue générale du Droit, de la Législation et de la Jurisprudence (1885-1886) [19], la Nouvelle Revue historique de Droit français et étranger (1886), et la Revue d’anthropologie (1886), dirigée par Topinard, où il introduit en langue française le mot « eugénique » – francisation du néologisme eugenics, créé en 1883 par Francis Galton (1822-1911) [20] –, dans une analyse critique des récents travaux du cousin de Darwin sur l’hérédité [21]. Lapouge caractérise ainsi, en 1886, le projet biopolitique de Galton :
« Les recherches de M. Galton n’ont qu’un but : déterminer les moyens pratiques de produire des eugéniques, sujets héréditairement doués, et de faire évoluer l’humanité sans chocs et sans retards, par une substitution continue de races eugéniques aux races inférieures ou médiocres [22]. »
9Préparé par ses lectures de Paul Broca (1824-1880), d’Alphonse de Candolle (1806-1893) et de Clémence Royer (1830-1902) [23], Lapouge devient l’un des premiers diffuseurs, en France, de l’eugénique galtonienne, qu’il marie à la doctrine aryaniste, refondue sur des bases anthropométriques, et plus particulièrement craniométriques (la forme du crâne a pour lui plus d’importance que la couleur de la peau !). C’est également dans la Revue d’anthropologie, en 1887 et 1888, que Lapouge publie ses « leçons de Montpellier [24] », où il expose les fondements de la théorie « sélectionniste », qu’il baptisera plus tard l’« anthroposociologie [25] ».
La théorie de l’hérédité et des sélections sociales : la nouvelle « science politique »
10Nommé, en 1886, sous-bibliothécaire à l’université de Montpellier, Lapouge y donne aussitôt, grâce à l’appui de Liard, un « cours libre » d’anthropologie [26]. Il prononce sa leçon d’ouverture le 2 décembre 1886 à la faculté des Sciences, sur le thème « L’anthropologie et la science politique » [27], qui annonce clairement son programme : « Exposer les conséquences établies des récentes conquêtes de la biologie » [28]. Il s’agit en fait d’un projet de refonte des sciences sociales : « Les principes a priori des sciences sociales disparaissent […] sans retour devant la contradiction formelle de la biologie […]. La nouvelle science sociale, la politique ou la sociologie, sait emprunter à la biologie des lois qu’elle fait siennes [29]. » Ces lois sont celles de l’hérédité et de la sélection, qui « donnent les raisons de l’évolution de l’humanité [30] ». La théorie des « sélections sociales » se propose d’« expliquer par des phénomènes de sélection toute l’évolution des sociétés [31] ». En 1896, le cours de 1888-89 sera publié en volume sous le titre : Les Sélections sociales. En 1899, suivra le cours de 1889-90 : L’Aryen, son rôle social [32].
11La vision lapougienne de l’histoire, telle qu’elle est esquissée dès 1886-1887, est fondée sur deux postulats : l’histoire est celle de la lutte des races, qui en constitue le moteur ; les individus agissent, c’est-à-dire luttent les uns contre les autres, sans savoir pourquoi, sans avoir une conscience claire des déterminismes raciaux qui les poussent à s’affronter. La conception polémologique de l’évolution historique et le principe de non-conscience des acteurs sont articulés dans ce développement conclusif de la leçon du 2 décembre 1886 :
« L’histoire philosophique, telle qu’on la comprend chaque jour davantage, n’est pas autre chose que le procès-verbal de l’évolution de l’humanité, et de la lutte pour l’existence entre ses divers éléments. Chacun de ces éléments a des chances qu’il tient de ses qualités internes. Il est probable que tel l’emportera, tel autre sera refoulé, tel autre éliminé. Suivant que les milieux diffèrent, les chances d’un même élément varient. Ainsi l’élément blond a été écrasé en France : très nombreux à l’époque gaulloise, il s’est maintenu en décroissant dans les familles aristocratiques et dans certaines masses de populations ; il est presque éliminé aujourd’hui par la prédominance du type brachycéphale dans les croisements, et par l’effet des conditions de milieu, qui favorisaient la race brachycéphale. En Angleterre, c’est l’inverse qui s’est produit, et l’élément brachycéphale a presque disparu. La lutte inconsciente des races explique l’histoire presque entière de ces deux pays, et jusqu’à la Révolution française, suprême et victorieux effort des populations touraniennes [“touranien” qualifie ici les éléments d’origine asiatique, c’est-à-dire la “race alpine”]. Sur un théâtre plus large et dans des conditions différentes, la même lutte est favorable aux blonds, et l’hégémonie militaire et économique est entre les mains des populations aryennes de l’Allemagne du Nord, de l’Angleterre et des États-Unis [33]. »
13On voit que le pessimisme lapougien, fort prononcé quant à l’état de la France, dès 1886, ne s’étend pas pour autant à l’ensemble des populations « supérieures » de l’aire occidentale.
14L’alternative est posée comme indépassable et proférée telle une menace : sélectionnisme ou barbarie, eugénisme ou exterminations de masse. Les solutions sélectionnistes sont, dès lors, présentées comme l’unique méthode douce de résolution du problème de la population, saisi dans son aspect qualitatif. Ségrégation, « stérilisation » systématique des « inférieurs », ou bien guerres d’extermination : lieu commun de la doctrine racio-eugéniste de Lapouge, cette alternative brutale trouvera, dans ses textes publiés et dans sa correspondance, des reformulations de plus en plus empreintes de prophétisme, voire de catastrophisme. Dans sa leçon d’ouverture du 2 décembre 1886, Lapouge s’efforçait de justifier ses recherches biopolitiques débutantes par la fonction préventive qu’elles pourraient seules remplir, une fois appliquées. Sur le thème : par-delà toute sentimentalité, il faut procéder sans tarder à des sélections volontaires et systématiques avant qu’il ne soit trop tard, avant que le conflit fatal entre races supérieures et races inférieures ne débouche sur des massacres effroyables. La légitimation de la dureté d’un tel réalisme « scientifique » s’opère ainsi selon l’argument qu’il est urgent de prendre des mesures certes « brutales » au regard démocratico-chrétien, disons humanitariste, afin de prévenir une régression prévisible à la brutalité sans limites des exterminations raciales. Le théoricien de la race et de la sélection se présente comme un médecin de la civilisation en péril, menacée notamment par le choc des nationalismes belliqueux :
« Vous voyez, messieurs, combien nous nous écartons des doctrines démocratiques et chrétiennes, toutes de sentiment. Les conclusions nécessaires de la biologie appliquée aux sciences sociales sont dures, inflexibles, impitoyables. Qu’importe, si elles sont vraies ? L’humanité dans sa marche n’avance pas sur des tapis de roses. Elle va où son destin la pousse ; tant pis pour les faibles et pour ceux qui sont lents ! […] Je prendrai pour […] exemple la théorie des nationalités. Pangermanisme, panslavisme, indépendance de chaque petit groupe d’hommes qui s’avise de se cramponner à quelque idiome inconnu et presque éteint, rapprochement de tous les groupes qui parlent des langues parentes : voilà des théories qui ont fait bien du mal à l’humanité, et cela n’est pas fini. Or la science nous apprend qu’il n’y a aucun rapport entre les races et les langues, et qu’il n’y a pas un seul peuple dont les éléments, diversement combinés et brassés, n’appartiennent à des races diverses. Dans ces mélanges complexes, un élément peut dominer, soit à l’état presque pur, soit par ses métis, mais si l’on voulait faire une division de l’Europe d’après les races, je défie qu’on puisse jamais poser une borne frontière ! Ce n’est pas toutefois que la question de race n’ait une importance majeure : je suis convaincu au contraire qu’au siècle prochain on s’égorgera par millions pour un ou deux degrés en plus ou en moins dans l’indice céphalique. C’est à ce signe, remplaçant le shiboleth biblique et les affinités linguistiques, que se feront les reconnaissances de nationalité [34]. »
16Ces deux dernières phrases, extraites de leur contexte, ont servi à présenter Lapouge comme un prophète de malheur quelque peu pervers, une espèce de Nostradamus de l’ère darwinienne. Il est pourtant clair que Lapouge, loin de se réjouir d’un horizon d’exterminations de masse, s’efforce de présenter la théorie des sélections et les mesures sélectionnistes pratiques comme l’unique moyen de prévenir les guerres d’extermination à venir, où les théories raciales viendraient stimuler et justifier les xénophobies nationalistes rivales. Si donc leur ton est prophétique, ces développements sont régis par l’intention de prévenir les maux à venir. Lapouge varie sur le thème « si l’on ne fait rien, si l’on n’intervient pas dans le processus évolutif, alors voilà ce qui adviendra nécessairement – la guerre raciale ». Et l’eugénique représente pour Lapouge le seul moyen d’éviter les massacres interraciaux dans l’avenir :
« Il ne s’agira plus, comme aujourd’hui, de questions de frontières à reculer de quelques kilomètres ; les races supérieures se substitueront par la force aux groupes humains attardés dans l’évolution, et les derniers sentimentaux pourront assister à de copieuses exterminations de peuples. Par tout ce qui précède, vous voyez, messieurs, que les études anthropologiques ne sont pas faites pour servir seulement de thème à des dissertations académiques. Il n’y a pas de questions plus vitales que celles qui se rattachent à l’anthropologie [35]. »
18En janvier 1888, dans le Bulletin de l’Association générale des étudiants de Montpellier, Lapouge publie une présentation de ses leçons sur le « sélectionnisme », synthèse de théorie des races et d’eugénisme, « L’hérédité dans les sciences naturelles et politiques [36] », où il affirme avec sa brutalité ordinaire :
« Le perfectionnement des masses est une utopie fondée sur une inexacte notion de l’évolution. Quand une espèce plus parfaite se montre à la place d’une autre, elle ne descend pas de l’ensemble, mais d’une partie des individus, de sujets qui ont varié les premiers et dont les descendants ont exterminé ceux des autres dans la lutte pour l’existence […]. Il n’y a donc d’espoir que dans la sélection raisonnée, et il n’y a pas trop à s’occuper des masses rebelles au progrès […]. L’avenir de l’humanité est tout entier dans une sélection raisonnée à exercer à l’aide des éléments eugéniques existants et qu’il faut diriger dans le sens indiqué par le pur type aryen [37]. »
20Dans une lettre datée du 31 mai 1888 adressée à Ernst Haeckel, Lapouge, se présentant comme un disciple respectueux du célèbre naturaliste darwinien, expose ainsi les grandes lignes de ses recherches :
« Monsieur,
« Depuis deux ans, je fais à l’université de Montpellier un cours libre d’anthropologie et de science politique basée sur l’anthropologie. J’attribue à l’étude de l’hérédité une importance capitale, et j’ai consacré la moitié de l’année dernière et toute cette année à cette seule étude. Mes autres leçons, sur les sélections sociales et quelques autres matières, ont paru dans la Revue d’anthropologie de Topinard. J’ai réservé pour une publication spéciale et prochaine toute la matière de l’hérédité. J’ai été amené à formuler à mon cours une série de six lois qui me paraissent comprendre et expliquer tous les phénomènes divers et contradictoires en apparence de l’hérédité. Ces formules ont paru en leur temps dans le Bulletin de la Société des Sciences naturelles et physiques de Montpellier. Avant d’écrire mon travail définitif, je serais très désireux de les soumettre à votre critique. Une grande partie de ma théorie est, en effet, sous la dépendance immédiate de votre théorie de la périgenèse, et dans votre psychologie cellulaire vous vous êtes à peu près prononcé comme je le fais aujourd’hui sur un certain nombre de points. Si vous voulez bien me le permettre, je vous enverrai le sommaire publié dans le Bulletin de la Société des Sciences naturelles, et je profiterai de l’occasion pour vous offrir la série des leçons que j’ai déjà publiée.
« Daignez agréer, Monsieur, l’expression de mon profond respect [38]. »
22En octobre 1892, Lapouge sait que son « cours libre » ne pourra plus avoir lieu dans le cadre de l’université. Le 1er mars 1893, le laboratoire d’anthropologie de Montpellier est fermé, et Lapouge, à sa demande, est nommé bibliothécaire en chef à l’université de Rennes, où il reste en poste jusqu’en 1900. Puis, jusqu’à sa retraite en 1922, il dirige la bibliothèque de l’université de Poitiers, où il avait été nommé le 1er août 1900 [39].
23À Montpellier, parallèlement à ses conférences sur des questions d’anthropométrie, d’anthroposociologie et d’eugénisme, Lapouge travaille plus spécifiquement sur les théories de l’hérédité (il publie une longue étude sur « les lois de l’hérédité » dans le Journal de médecine vétérinaire et de zootechnie, en 1890), s’intéresse beaucoup aux méthodes de zootechnie dont Raoul Baron, qui l’a pris en sympathie, est le spécialiste reconnu (Baron publie en 1888 Méthodes de reproduction en zootechnie [40], dont Lapouge rend compte en 1889 dans la Revue d’anthropologie, p. 86), ce qui ne l’empêche pas d’être président de la Société languedocienne de géographie, et chargé, en raison de ses compétences scientifiques reconnues, de dresser la carte anthropologique du département de l’Hérault [41].
24De 1891 à 1893, Lapouge publie ses recherches anthropologiques (craniométriques et paléontologiques) dans L’Anthropologie [42], et continue d’enseigner les principes de son eugénisme aryaniste jusqu’en 1892. Car la chaire d’anthropologie dont il espérait être le titulaire n’est pas créée, et son « cours libre » supprimé, ce qu’il apprend par une lettre du doyen Ferdinand Castets, datée du 6 juillet 1892. C’est à la suite d’une cabale qu’a été prise la décision de retirer à Lapouge l’autorisation d’enseigner à la faculté. Athée et anticlérical, déterreur de crânes, l’inquiétant Lapouge a en effet la réputation d’être aussi un « rouge », à plusieurs titres : candidat socialiste aux élections municipales depuis 1888, fondateur de la section de Montpellier du Parti ouvrier français en 1890, collaborateur du Messager du Midi puis de La République du Midi, animateur du Comité félibréen, aux côtés de Charles Brun et de Roque-Ferrier, pionniers de la défense militante de la culture occitane qui deviennent ses amis, animateur aussi du Congrès d’études languedociennes, et collaborateur du Félibrige latin, publié par l’Association languedocienne dont il fut l’instigateur et le cofondateur (l’Association prend existence légale en février 1892 [43]). Lapouge envisage d’utiliser l’Association languedocienne en vue de poursuivre son enseignement ; il projette même de créer des cours de législation du travail destinés aux ouvriers (voir La République du Midi, 12 février 1892). Certains milieux se montrent fort inquiets devant le projet de Lapouge, rendu public au printemps 1892, d’instituer une « École des hautes études » où il enseignerait à côté d’autres conférenciers et où seraient donnés des cours de langue, d’histoire, d’art et de littérature à un public populaire ordinairement tenu à l’écart de l’université. On s’indigne de ce projet « dangereux » de fonder quelque chose comme une « université populaire » (voir L’Indépendant du dimanche, 12 avril 1892), qui fonctionnerait, en vue d’instruire le peuple selon une « réelle démocratie scientifique » (ibid.). Il est sûr que les relations comme les projets de Lapouge effrayaient les milieux conservateurs, les autorités administratives et les universitaires bien-pensants.
25L’Association languedocienne avait organisé, le 23 janvier 1892, sa première conférence publique, au cours de laquelle était intervenu Charles Brun, secrétaire du Félibrige latin. L’orateur invité pour la seconde conférence le 30 janvier, n’est autre que le jeune Paul Valéry, auquel Lapouge avait eu l’idée de faire appel pour parler savamment des Contes cruels de Villiers de L’IsleAdam. Valéry raconte aussitôt à son frère Jules, dans une lettre du début de février, cette épreuve initiatique :
« Enfin cette conférence est terminée. Figure-toi qu’à sept heures et demie j’écrivais encore. Je pars sans avoir terminé et j’arrive. Salle pleine. […] Je débute : cinq minutes de trémolo – puis le débit s’assure. La voix ronfle – On m’a dit que ça a été un succès. De Lapouge irradiait son crâne de joie. J’étais (je suis encore) éreinté […] [44]. ».
27Les activités politico-culturelles de Lapouge, dans des milieux occitanistes, anti-jacobins, socialistes de tendance libertaire et assez peu chrétiens, ne plaisent guère aux autorités administratives, tant de la Bibliothèque universitaire (où Lapouge était sous-bibliothécaire) que du rectorat. Et ses activités « scientifiques », qui le passionnent au détriment de son travail de bibliothécaire, ne font qu’aggraver son cas. Dans un rapport du 5 mai 1892, le bibliothécaire en chef A. Fécamp note avec une indignation contenue que « M. de Lapouge […] s’est mis cette année à la tête d’un groupe de jeunes conférenciers pour fonder un Institut Languedocien des Hautes Études, qui a absorbé une bonne partie de ses préoccupations pendant tout l’hiver. » Le même supérieur hiérarchique reproche à Lapouge de recruter des « auditeurs pour les cours de l’Institut Languedocien des Hautes Études, dont il s’est fait le patron et au succès desquels il s’intéresse avant tout : aussi les jours où l’un des conférenciers recrutés par lui faisait une leçon, M. de Lapouge a-t-il à peu près invariablement abandonné la séance de Bibliothèque, sans jamais me prévenir du reste, pour aller assister à ces conférences, les encourager et les rehausser de sa présence. » En outre, il est à déplorer que Lapouge ose s’adresser ordinairement à ses supérieurs avec « une nuance nettement visible de morgue et d’infatuation ». Pour finir, on s’indigne que Lapouge s’adonne à des « travaux personnels » (d’anthropologie), et qu’il ne remplisse ses tâches de bibliothécaire que « comme à regret, et, pour ainsi dire, contraint et forcé ». Dans une note datée du 17 mai 1892, le recteur Gérard tire, pour le ministère, la conclusion qui s’impose : « Il me paraît indispensable que M. de Lapouge soit envoyé le plus tôt possible dans une autre résidence. »
28Le témoignage de Paul Valéry, ancien auditeur de Lapouge à l’université de Montpellier (faculté des lettres) de 1888 à 1892, est du plus haut intérêt, en ce qu’il met l’accent sur la figure du marginal séducteur qu’était alors Lapouge, tel que vu par un jeune étudiant (Valéry a eu vingt ans le 30 octobre 1891), mû par une extrême curiosité intellectuelle :
« J’ai connu M. Vacher de Lapouge quand il était sous-bibliothécaire à l’université de Montpellier, et moi étudiant en droit. Ceci se passait entre 1888 et 1892. De Lapouge avait la réputation d’un “original” et pour quelques-uns faisait même figure d’esprit dangereux. Il obtint difficilement l’autorisation de donner un cours libre dans les locaux de la faculté, et se vit même refuser à certains moments l’éclairage de la salle, où il réunissait son très petit nombre d’auditeurs.
J’allais quelquefois l’entendre. Il me souvient encore de ses leçons sur l’eugénisme. Je m’étonnais que l’on fût si mal disposé pour un homme qui exposait des idées, qui, sans doute, valaient ce qu’elles valaient, mais étaient après tout assez neuves et assez excitantes pour l’esprit. Je ne savais pas encore que l’excitation de l’esprit ne fait pas partie des programmes. J’estime qu’on aurait dû savoir gré à Lapouge de faire un cours, qui ne pouvait servir à rien, conduire à aucun examen, ouvrir aucune carrière. À mon avis, la vraie valeur d’un enseignement est en raison inverse de son utilité immédiate. Je m’entretenais souvent avec Lapouge. Il m’amusait presque toujours, m’intéressait souvent. Sans que j’eusse grande confiance dans ses théories (et en particulier dans ses recherches cranio-métriques), je ne détestais pas de l’entendre diviser, définir les races humaines, s’appuyer sur ce Gobineau, alors absolument inconnu en France, et qui eut l’étrange fortune d’influencer Wagner, Bismarck, Nietzsche et Hitler, sans compter Chamberlain et Drumont [ici, Valéry extravague quelque peu]. J’ai aidé Lapouge, en 1891, à mesurer six cents crânes extraits d’un vieux cimetière [45]. J’avoue que la recherche de l’indice céphalique, et la répartition de ces malheureuses têtes, en dolichocéphales, mésatycéphales et brachycéphales, ne m’a pas appris grand-chose, mais parmi toutes les choses que j’ai apprises et qui ne m’ont servi de rien, ces vaines mensurations ne sont pas plus vaines que les autres [46]. »
30Ainsi que l’a fait remarquer Jean Boissel, certaines des formules de Valéry, dans ces souvenirs rédigés près de quarante ans après les faits rapportés, sont des réminiscences de propos lapougiens : l’« original » dérangeant, qui fut peut-être l’un des modèles de « Monsieur Teste » (hypothèse suggérée par Paul Ourliac et J. Boissel), notait par exemple dans ses carnets que les « universités sont des conservatoires de toutes les doctrines hors d’usage », et que « les facultés de Droit n’usent pas plus qu’elles ne meublent les cerveaux [47] ». Forte tête et esprit fort (« avancé », comme on disait alors), Lapouge avait la réputation d’être un bibliothécaire négligent, méprisant à l’égard de ses collègues (il ne leur adressait jamais la parole, et ne communiquait avec eux que par écrit, même lorsqu’il partageait avec eux le même bureau !), si l’on en croit les rapports de ses supérieurs hiérarchiques. En 1892, A. Fécamp, bibliothécaire à l’université de Montpellier, note ainsi à propos de son subordonné : « M. de Lapouge continue de rendre à la Bibliothèque, étant donné l’impossibilité de lui confier la direction d’aucun travail qui ne soit strictement délimité, des services bien moindres que ceux que l’on pourrait légitimement attendre d’un sous-bibliothécaire aussi instruit que lui. […] A-t-il droit à l’avancement ? Non [48]. »
31Les leçons prononcées par Lapouge dans son cours de 1888-1889, consacré aux « sélections sociales », reprises et développées dans son premier livre paru en 1896 (Les Sélections sociales), se présentent expressément comme l’ensemble des conclusions politiques et sociales tirées de la théorie darwinienne. Dans la préface du livre-manifeste de 1896, qui prétend exposer « la première doctrine générale des sélections sociales », Lapouge insiste d’emblée sur sa dette intellectuelle à l’égard de Darwin, il est vrai lu, interprété ou corrigé par Clémence Royer et Paul Broca :
« Dès la publication de l’Origine des espèces [1859], les esprits clairvoyants comprirent que les idées sur l’histoire et sur l’évolution des sociétés, que les bases mêmes de la morale et de la politique ne pouvaient plus être ce qu’elles avaient été jusque-là. Clémence Royer fut, je crois, la première à dire dans la préface de sa traduction de l’Origine [Paris, Guillaumin et Masson, 1862] que la découverte de Darwin aurait plus d’importance encore au point de vue social qu’à celui de la biologie. Pendant vingt ans la question de la sélection fut soulevée par les philosophes, les hygiénistes, les criminalistes, les anthropologistes, mais à propos de cas particuliers, et sans que personne parût comprendre l’étendue du problème. Broca seul, avec sa hardiesse ordinaire, osa regarder le sphinx en face. Les quatre pages d’opinions personnelles qui terminent son compte rendu de La Descendance de l’homme de Darwin (« Les sélections », Revue d’anthropologie, 1872, p. 705) renferment le nom et les grandes lignes de la théorie des sélections sociales [49]. »
33Dans un mémoire sur « le sélectionnisme de Broca », qu’il publie en 1909 dans son recueil d’études Race et milieu social, Lapouge reconnaît à Broca le mérite d’avoir « écrit le premier travail systématique sur la sélection sociale [50] », en l’ayant désignée de ce nom. Broca consacre en effet expressément le sixième paragraphe de sa revue critique de 1872 à l’examen de la question nouvelle (« Remarques du reviewer sur la sélection sociale »). Il s’y interroge sur l’« influence » que la sélection naturelle et la sélection sexuelle « peuvent exercer sur l’homme » et, plus précisément, sur la capacité de ces « modificateurs puissants » de perfectionner l’espèce humaine, comme ils se montrent capables, en développant « certains caractères déjà existants », de « perfectionner les espèces ou les races » dans le monde animal. Broca insiste d’abord sur le changement de terrain de la lutte pour l’existence, lorsqu’on passe des espèces animales aux sociétés humaines :
« […] À mesure que les sociétés s’organisent, le terrain de la lutte pour l’existence se transforme graduellement. […] L’homme n’est plus en concurrence avec les autres espèces […], et c’est la société elle-même qui devient le théâtre principal de la lutte pour l’existence. […] Les qualités qui donnent la victoire dans la concurrence vitale ordinaire ne sont plus décisives dans la concurrence sociale. […] Il est fait à l’intelligence une part d’abord bien petite [par rapport à la “force physique”, etc.], mais qui grandit quand la société se développe, et qui devient considérable chez les peuples civilisés. […] Ainsi, d’une part, une société qui se perfectionne atténue de plus en plus les effets brutaux de la sélection naturelle ordinaire ; et, d’une autre part, elle fait intervenir dans la concurrence vitale, avec une intensité croissante, des procédés de sélection qui sont propres à la famille humaine. Elle ne peut soustraire l’homme à la loi inéluctable du “combat de la vie”, mais elle modifie profondément le champ de bataille. Elle substitue à la sélection naturelle une autre sélection où celle-ci ne joue plus qu’un rôle amoindri, souvent presque effacé, et qui mérite le nom de sélection sociale [51]. »
35Broca s’applique ensuite à montrer que la sélection naturelle et la sélection sociale diffèrent autant dans leur fonctionnement que dans leurs effets, et met en évidence, comme le note Lapouge, « le caractère généralement régressif de la sélection sociale ». C’est là rompre avec la vision propre au « darwinisme social », fondée sur la croyance que la sélection naturelle continue de jouer son rôle dans les sociétés humaines, et qu’elle le jouerait d’autant mieux que celles-ci pratiqueraient « l’abstention des actes contraires à la sélection naturelle », bref respecteraient le principe du « non-interventionnisme » cher à Clémence Royer. Si, pour Broca, la sélection sociale, contrairement à la sélection naturelle, ne produit pas mécaniquement, « spontanément » (Lapouge), une amélioration ou un perfectionnement, ce n’est nullement parce qu’elle serait empêchée de redevenir « naturelle » par un interventionnisme social ou étatique. L’analyse de Broca sape les fondements de l’optimisme social-darwiniste, en supposant l’effacement progressif de la sélection naturelle :
« La différence entre ces deux sélections est considérable. La première développe les caractères utiles à l’individu considéré comme membre d’une espèce ; elle agit donc, lorsqu’elle est efficace, de manière à perfectionner l’espèce. La seconde développe les caractères utiles à l’individu considéré comme membre d’une certaine société ; elle le rend plus apte à y vivre, ce qui est un bien si cette société repose sur la justice, ce qui peut être un mal si elle repose sur l’iniquité ; et, dans l’un et l’autre cas, elle peut utiliser et maintenir au “banquet de la vie” [expression célèbre de Malthus] des individus entachés de certaines infériorités physiques ou intellectuelles, qu’ils transmettent à leurs descendants. Elle agit donc souvent à l’inverse de la sélection naturelle, dont elle diminue toujours les effets, et sans aller jusqu’à dire, avec M. Wallace […], que la sélection naturelle a cessé d’agir sur l’homme depuis qu’il lui a opposé les ressources de son intelligence, je reconnais du moins qu’elle a constamment perdu du terrain à mesure que les sociétés se sont développées, et que ce n’est pas sur elle que l’on peut compter pour perfectionner un peuple civilisé [52]. »
37Broca esquisse ici le concept des sélections sociales négatives, et, rejetant expressément l’hypothèse social-darwiniste d’un retour de la sélection naturelle dans les sociétés humaines, indique la voie du contrôle volontaire des sélections sociales, la voie du « sélectionnisme » définie ultérieurement par Lapouge. Celui-ci, en 1909, se construit un Broca à sa propre image, l’habille habilement en pré-lapougien : « Cette amélioration que la sélection sociale ne produit pas spontanément, au contraire, il est possible de la réaliser par une sélection systématique. Broca n’hésite pas à se proclamer sélectionniste. Il n’entend pas empêcher le jeu des sélections sociales, mais le régulariser [53]. »
38C’est aux implications sociales, politiques et morales du darwinisme que Lapouge consacre le premier article qu’il publie en 1893 dans la Revue internationale de sociologie [54], « Le darwinisme dans la science sociale », issu de ses leçons de 1888 et repris sous ce titre dans le chapitre premier des Sélections sociales. Ce sont de telles affirmations d’allégeance « darwiniste » qui ont conduit nombre d’auteurs à classer Lapouge parmi les « darwinistes sociaux », alors même que sa théorie des sélections sociales est fondée sur une récusation explicite des principes du « darwinisme social », doctrine optimiste de la concurrence et du « laisser faire », supposant que la sélection naturelle se poursuit dans les sociétés modernes, malgré les lois d’assistance aux pauvres qui en empêchent le fonctionnement. Il s’agit précisément, pour les « darwinistes sociaux » libéraux, de réduire, voire d’éliminer, toutes les mesures d’assistance, sociales ou étatiques, afin que les « moins aptes » ou les éléments « dégénérés » s’éliminent d’eux-mêmes dans l’impitoyable lutte pour la survie. Le « sélectionnisme » de Lapouge part au contraire du fait, mis en évidence notamment par Broca et surtout Francis Galton, que la sélection naturelle ne joue plus son rôle dans les sociétés modernes, et que celles-ci favorisent bien plutôt les contre-sélections, les sélections négatives aboutissant à la multiplication des éléments « médiocres », des humains les moins « aptes ». Il est pourtant clair que Lapouge n’emprunte à la théorie darwinienne que les concepts de sélection et de lutte pour l’existence, qu’il interprète librement en les intégrant dans sa problématique des sélections sociales, fondée sur une conception prémendélienne des « lois de l’hérédité ». La référence à Darwin fonctionne comme un signe de rupture avec les conceptions métaphysiques et religieuses du passé, sur lesquelles la « science politiqu » ne pouvait s’établir solidement. Lapouge esquisse ainsi une caractérisation de ce qu’il appelle, en 1893, puis dans Les Sélections sociales, la « portée sociale du darwinisme » :
« Darwin, en formulant le principe de la lutte pour l’existence et de la sélection, n’a pas seulement révolutionné la biologie et la philosophie naturelle : il a transformé la science politique. La possession de ce principe a permis de saisir les lois de la vie et de la mort des nations, qui avaient échappé à la spéculation des philosophes. Ce puissant génie a donné une force immense aux conceptions de Lamarck et de Spencer, en découvrant le mécanisme qui fait évoluer le monde organique, et qui des protistes les plus infimes a tiré les êtres les plus parfaits, jusqu’à l’homme, ce dieu mortel en qui l’univers arrive à la connaissance de lui-même. On peut dire que le transformisme et la sociologie étaient avant Darwin comme la statue de Pygmalion ou comme des corps prêts à vivre, mais où ne circulait pas encore la vie. L’évolution a pris le caractère d’une vérité évidente le jour seulement où l’on a pu comprendre comment elle s’accomplissait, et la conquête du principe de la sélection a suffi pour rallier presque tous les esprits aux doctrines évolutionnistes. […] Le domaine du sélectionnisme en botanique et en zoologie n’est […] pas illimité ; il s’étend au contraire sans limites en sociologie. Cette proposition […] n’est pas un paradoxe : en sociologie, ou pour employer l’expression plus ancienne et meilleure d’Aristote, dans la science politique, l’évolution est presque tout entière le fait de la sélection. […] On ne peut cependant comprendre le jeu des sélections sociales, c’est-à-dire le fonctionnement des ressorts intimes de la vie des peuples, si l’on ignore ou si l’on a perdu de vue la nature et le rôle de la race, les caractères physiques et psychiques des races principales, les règles de l’hérédité physiologique et psychologique chez l’homme, ses effets sur les individus normaux ou en variation et sur les métis [55]. »
40Le programme ainsi annoncé par Lapouge en 1893, puis au tout début des Sélections sociales, ne fait que reprendre celui de Clémence Royer, formulé par celle-ci en 1862, dans la longue préface enthousiaste, d’inspiration lamarckienne et d’orientation antichrétienne, qu’elle donne à sa traduction de l’Origine des espèces de Darwin. Ce programme a été clairement résumé en 1897 par un anthropologue matérialiste et libre penseur, grand admirateur de « Mlle Royer », Charles Letourneau : il s’agit de tirer « toutes les conséquences de la doctrine transformiste ». Car « Mlle Royer » est une philosophe et une « femme de sciences » (selon la juste expression de Geneviève Fraisse) fortement engagée dans la libre-pensée et l’anticléricalisme, en même temps que dans la lutte féministe et le combat pour la laïcité [56]. À la fin de sa préface (désapprouvée par Darwin), Clémence Royer ne cachait pas sa lecture militante de l’œuvre darwinienne :
« C’est […] surtout dans ses conséquences morales et humanitaires que la théorie de M. Darwin est féconde. […] Cette théorie renferme en soi toute une philosophie de la nature et toute une philosophie de l’humanité. Jamais rien d’aussi vaste n’a été conçu en histoire naturelle : […] c’est la synthèse universelle des lois économiques, la science sociale par excellence, le code des êtres vivants de toute race et de toute époque. Nous y trouverons la raison d’être de nos instincts, le pourquoi si longtemps cherché de nos mœurs, l’origine si mystérieuse de la notion du devoir et son importance capitale pour la conservation de l’espèce. Nous aurons désormais un critère absolu pour juger ce qui est bon et ce qui est mauvais au point de vue moral ; car la loi morale, pour toute espèce, est celle qui tend à sa conservation, à sa multiplication, à son progrès, relativement aux lieux et aux temps. Enfin, cette révélation de la science nous en apprend plus sur notre nature, notre origine et notre but que tous les philosophèmes sacerdotaux sur le péché originel […]. La doctrine de M. Darwin, c’est la révélation rationnelle du progrès, se posant dans son antagonisme logique avec la révélation irrationnelle de la chute. Ce sont deux principes, deux religions en lutte […]. C’est un oui et un non bien catégoriques entre lesquels il faut choisir, et quiconque se déclare pour l’un est contre l’autre. Pour moi, mon choix est fait : je crois au progrès [57]. »
42Il s’agit pour Clémence Royer, qui s’y risque dans un livre ambitieux paru en 1870, Origine de l’homme et des sociétés (Paris, Masson et Guillaumin), d’établir l’anthropologie, la science de l’homme, comme une véritable science, par-delà les chimères héritées du rousseauisme. Le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755) est en effet directement mis en cause par Clémence Royer, avant de l’être par Lapouge : c’est de ce « petit traité d’anthropologie incomplet et mal fait » que seraient sorties les opinions qui « ont inspiré l’esprit public des nations contemporaines », où elles « tendent à passer en faits, en lois, en institutions, qu’on s’étonne de trouver souvent contraires aux vrais intérêts et aux progrès de nos sociétés humaines [58]. » Si donc la politique inspirée par les idées de Rousseau s’est jetée dans une « fausse voie », c’est parce que l’anthropologie esquissée par le second Discours n’était qu’une fausse science, élaborée « sous les influences mélangées de la tradition chrétienne et d’une philosophie vacillante [59] », établie sur la base de faits chimériques. L’axiome rousseauiste est que tout est bien entre les mains de la nature, et que tout dégénère entre les mains de l’homme, de sorte que « tous nos progrès ne sont qu’une décadence [60] ». D’où les conclusions prescriptives tirées, selon Clémence Royer, par « les fils de Rousseau » : « Renversons nos villes, brûlons nos bibliothèques, décapitons nos savants : l’idéal social, c’est l’égalité spécifique de l’animal ; et la liberté est un ennemi qu’il faut combattre, si elle tend à la détruire [61]. » La fausseté de l’anthropologie rousseauiste tient autant à ses prémisses (le postulat de l’égalité par nature des hommes) qu’à ses conséquences (la négation du progrès, liée à la haine de la science). Or, « la théorie de M. Darwin », écrit Clémence Royer en 1862, fondée sur la « loi » de concurrence (struggle for life) et celle de sélection naturelle, conduit à refonder l’anthropologie sur des prémisses tout autres :
« Rien n’est plus évident que les inégalités des diverses races humaines ; rien encore de mieux marqué que ces inégalités entre les divers individus de la même race. Les données de la théorie de la sélection naturelle ne peuvent plus nous laisser douter que les races supérieures ne se soient produites successivement ; et que, par conséquent, en vertu de la loi de progrès, elles ne soient destinées à supplanter les races inférieures en progressant encore, et non à se mélanger et à se confondre avec elles au risque de s’absorber en elles par des croisements qui feraient baisser le niveau moyen de l’espèce [62]. »
44La science de l’homme anti-rousseauiste affirme donc l’inégalité de nature entre les hommes (inégalité interraciale et intraraciale ou interindividuelle) et « conclut en politique au régime de la liberté individuelle la plus illimitée, c’est-à-dire de la libre concurrence des forces et des facultés [63]. » Si l’on suppose en effet que la concurrence et la sélection sont les mécanismes producteurs du progrès, et si l’on est convaincu que l’inégalité entre les hommes est un fait de nature, alors le modèle libéral, celui du « laisser faire » sans limites, s’impose comme le meilleur des modèles politiques. Le rousseauisme, théorie de la démocratie égalitaire, conduit à sacrifier la liberté à l’égalité ; il incite à tout faire pour « réaliser une égalité impossible, nuisible et contre nature entre tous les hommes [64] ». Le « darwinisme social » esquissé dès 1862 par Clémence Royer est une théorie de l’inégalité et de la lutte pour la vie entre les hommes, facteurs supposés du progrès général de « la civilisation ». Cet éloge de la lutte sélective et « méliorative » implique la dénonciation de toute politique fondée sur la compassion, autre héritage rousseauiste. Après Spencer, Clémence Royer récuse la charité et l’assistance aux pauvres en tant que mécanismes contre-sélectifs, aboutissant à la conservation des « inaptes », et, partant, favorisant leur reproduction, c’est-à-dire la transmission de leurs « tares » héréditaires. Ce rejet de la pitié en politique est commun aux « darwinistes sociaux » et aux eugénistes. Mais si les premiers croient aux vertus de l’État minimal – laisser jouer la loi de concurrence supposée éliminer les « inaptes » (pauvres, malades, etc.) –, les seconds exigent une intervention de l’État dans le domaine de la procréation, afin de corriger les sélections sociales qui se font mécaniquement dans le sens de la multiplication des « médiocres ». Il importe de noter que les « darwinistes sociaux » et les eugénistes postulent en commun l’inégalité entre les races ainsi qu’entre les individus –« Les hommes sont inégaux par nature : voilà le point d’où il faut partir », affirme Clémence Royer en 1862 [65] –, fondent leur science de l’homme sur la même interprétation d’une conceptualité mi-darwinienne mi-spencérienne (lutte pour la vie, survivance des plus aptes), font le même diagnostic pessimiste du caractère contre-sélectif des sélections sociales observables, et sont saisis par une même hantise de la « dégénérescence ». Dans un passage de sa préface de 1862, Clémence Royer expose à la fois sa critique de la politique caritative et son modèle explicatif des causes de la décadence au sein des sociétés modernes, dans le cadre d’une sorte de « darwinisme appliqué » :
« La loi de sélection naturelle, appliquée à l’humanité, fait voir […] combien jusqu’ici ont été fausses nos lois politiques et civiles, de même que notre morale religieuse. Il suffit d’en faire ressortir ici un des vices le moins souvent signalés, mais non pas l’un des moins graves. Je veux parler de cette charité imprudente et aveugle pour les êtres mal constitués où notre ère chrétienne a toujours cherché l’idéal de la vertu sociale et que la démocratie voudrait transformer en une sorte de solidarité obligatoire, bien que sa conséquence la plus directe soit d’aggraver et de multiplier dans la race humaine les maux auxquels elle prétend porter remède. On arrive ainsi à sacrifier ce qui est fort à ce qui est faible, les bons aux mauvais, les êtres bien doués d’esprit et de corps aux êtres vicieux et malingres. Que résulte-t-il de cette protection inintelligente accordée exclusivement aux faibles, aux infirmes, aux incurables, aux méchants eux-mêmes, enfin à tous les disgraciés de la nature ? C’est que les maux dont ils sont atteints tendent à se perpétuer indéfiniment : c’est que le mal augmente au lieu de diminuer, et qu’il s’accroît de plus en plus aux dépens du bien. […] Il faut s’étonner que notre espèce, sous de telles influences, ne dégénère pas rapidement au lieu de progresser [66]. »
46Lapouge reprendra à son compte ce diagnostic fondé sur le repérage des effets pervers des politiques morales néo-chrétiennes, il tiendra pour une évidence première l’idée que le christianisme a légué à l’idéologie démocratique moderne ses partis pris égalitaristes et humanitaristes, dont résultent à la fois la préférence pour les « médiocres » et les « inaptes » (les « disgraciés de la nature ») et l’instauration de l’espace sociopolitique le plus favorable à leur multiplication, faisant craindre la « dégénérescence » de l’espèce humaine. Mais Lapouge est un anti-libéral, il ne croit pas aux effets mécaniquement eugéniques du régime du « laisser faire ». Et il récuse aussi l’égalitarisme démocratique, qui privilégie les « médiocres » en imposant une mortelle uniformité, au détriment des classes supérieures, expression sociale de « races » originellement supérieures – thèse qu’il soutient de ses premiers articles (1887-1888) aux derniers, tel celui paru dans Die Sonne en janvier 1929 (« Der biologische Ursprung der Ungleichheit der Klassen », traduction allemande d’un texte resté inédit en français : « Origine biologique de l’inégalité des classes »). Dans un long article tiré de ses « Leçons de Montpellier », « Les sélections sociales » (Revue d’anthropologie, 15 septembre 1887), Lapouge expose pour la première fois sa critique de la « démocratie sénile » (qu’il distingue de la « démocratie des peuples naissants »), régime exprimant, notamment en France, l’idéal d’égalité dans l’uniformité qui serait le propre de la « race alpine », d’origine asiatique selon lui (voir infra) :
« La démocratie actuelle correspond à l’avènement d’éléments ethniques nouveaux, des masses brachycéphales qui s’essayent au pouvoir. Il n’y aurait plus marque d’usure [de la royauté], mais émergence d’un peuple différent. […] L’amour asiatique de l’uniformité ôte toute chance de succès à une expérience faite, parallèlement aux États-Unis aryens, par nos éléments celto-slaves. La tendance à l’uniformité est un facteur infaillible de régression, le progrès supposant à chaque phase nouvelle de l’évolution une différenciation plus grande. Cette tendance à la différenciation fait les organismes supérieurs, dans les sociétés comme chez les animaux et les plantes, et la tendance contraire est un symptôme de la désagrégation des molécules, préparation de leur destruction individuelle ou de leur assimilation à de nouveaux corps [67]. »
48Alors que Clémence Royer, en raison de ses présupposés lamarckiens, tendait à croire, misant sur les effets de l’amélioration du milieu, que les inégalités interindividuelles et interraciales pourraient « s’effacer », ou « se fondre en mille nuances intermédiaires », Lapouge affirme le caractère héréditaire des inégalités, et suppose, contrairement à la théorie lamarckienne, que seule la sélection peut améliorer les qualités héréditaires, ou élever le type moyen d’un groupe quelconque. À l’instar de Clémence Royer, Lapouge se propose de « remplacer Rousseau par Darwin », pour faire passer enfin la « science politique » de la métaphysique à la science. Tel est le programme théorique qu’il esquisse dans un article de 1888 significativement titré : « De l’inégalité parmi les hommes [68] », texte de ses leçons faites à la faculté des sciences de Montpellier en février 1887 :
« Messieurs, contester le principe de l’égalité des hommes, c’est beaucoup de hardiesse. Je l’oserai cependant, car la science, étrangère aux petitesses humaines, a le droit de porter partout son flambeau, et le temps est venu peut-être de renoncer aux fictions, aux spéculations métaphysiques, pour vivre enfin de la vie réelle. Peu importe ce qu’ont pu rêver les philosophes, dans la réalité, les hommes sont inégaux, et l’inégalité de leur valeur sociale est au-dessus de tout ce qu’on pourrait supposer. Ce n’est pas tout. Chacun de nous est ce que le fait sa naissance, et c’est une règle que l’éducation peut seulement développer des germes préexistants. Voilà ce que nous a appris l’étude des lois de l’hérédité. C’est l’hérédité qui donne à l’inégalité son importance au point de vue de la science politique. Non seulement les individus sont inégaux, mais leur inégalité est héréditaire, non seulement les classes, les nations, les races sont inégales, mais chacune ne saurait subir un perfectionnement intégral et l’élévation de la moyenne est la conséquence de l’extermination des éléments pires, de la propagation des éléments meilleurs, de la sélection en un mot inconsciente ou consciente. L’évolution humaine a cette inégalité pour cause. […] Pas un homme sensé n’oserait soutenir […] qu’un million de nègres vaille un égal nombre d’Anglais. […] Il serait très important de démontrer d’une manière directe que, depuis l’origine, les initiateurs de l’esprit humain se sont généralement rattachés à la race dolichocéphale blonde. […] En substituant au principe a priori de je ne sais quel droit égal résultant de la dignité d’homme […] le principe de l’inégale utilité sociale des individus, la science politique matérialiste abat d’un seul coup l’échafaudage chancelant de la démocratie égalitaire et de la souveraineté des masses. […] Le paradoxe de l’égalité des hommes, si cher à nos contemporains, doit le céder au principe de l’inégalité héréditaire. C’est une conclusion de la plus haute gravité, mais à laquelle il est scientifiquement impossible de nous soustraire [69]. »
50Le vrai problème de l’eugénique, tel qu’il est aperçu par Lapouge dès 1886, est un problème pratique, c’est-à-dire social et politique. Car la démocratie, représentant selon lui l’irruption et la puissance irrépressible des « masses serviles » dans l’histoire, est par principe hostile aux privilèges des individus et des lignées héréditairement supérieurs. L’idéologie démocratique récuse l’idée que la valeur ou l’excellence puisse dériver de la naissance, ou que les talents soient héréditaires. Et elle va plus loin : son anti-aristocratisme se retraduit en anti-élitisme, en ce que l’idéal démocratique est d’abord et avant tout un idéal égalitaire et niveleur. Pouvoir du plus grand nombre, la démocratie est le régime qui favorise la montée et la multiplication des médiocres, tout en ne faisant rien contre l’extinction des élites, c’est-à-dire des individus supérieurs représentant les lignées eugéniques. Lapouge, qui développera plus tard les motifs de cette critique radicale de la démocratie « cimetière » des élites, notait dès 1886 avec un pessimisme dont Francis Galton était dépourvu : « Au point de vue pratique, on peut se demander, si, étant donné l’impulsion démocratique de notre époque, il n’y a pas à craindre plutôt de voir les eugéniques écrasés de parti pris [70]. »
51Ce sens de la dégradation fatale ne fera que s’approfondir chez Lapouge : son sélectionnisme, qui partait pourtant des présupposés du méliorisme moderne, se teintera très vite du sentiment que le déclin est irréversible. Paradoxal sélectionnisme : Lapouge en arrive, dès ses premiers articles, à prôner des solutions pratiques dont il avoue qu’il ne les croit pas réalisables ! Cette conviction profonde qu’existent des obstacles insurmontables conduit à un pessimisme intégral, farouchement antidémocratique et antimoderniste, dont une lettre de Lapouge datée du 3 septembre 1890 à l’éditeur du célèbre livre de Julius Langbehn, l’incarnation même du « pessimisme culturel » allemand, Rembrandt als Erzieher [71], exprime sans fard l’intransigeance :
« Monsieur,
« J’ai reçu et j’ai lu avec plaisir Rembrandt als Erzieher [Rembrandt éducateur]. Je vous prie de remercier de ma part l’auteur anonyme, avec qui j’aurais plaisir à entrer en relation le jour où il se décidera à se faire connaître. Son livre est plein d’observations justes, présentées d’une manière piquante et inattendue. Je ne me serais jamais douté qu’à propos de Rembrandt, on pût toucher ainsi à tous les sujets. En ce qui concerne la science politique il y a bien des points de contact entre sa manière de voir et la mienne que je crois conforme aux données de l’anthropologie, de la biologie et de toutes les découvertes modernes. Je ne partage pas toutefois ses espérances et je n’attends rien de bon du xxe siècle. Ce sera le siècle de la pleine démocratie, le triomphe de la bêtise sur l’intelligence, de la canaillerie sur l’honnêteté, de la couardise sur le courage, de la laideur sur le beau. L’influence des masses devient de plus en plus prépondérante et la masse préfère le roman-feuilleton aux profondes conceptions littéraires, le zinc bon marché au bronze, le chromo à la peinture, la bouffonnerie à la tragédie, le café-concert à l’opéra, l’alcool et la politique à tout : alcohol et agoram ! Or la politique des masses, c’est l’aplatissement de tout ce qui est supérieur et l’asservissement de tout ce qui est indépendant. Héritière de Tarquin, la démocratie ramène tout à un commun niveau de médiocrité et de servilité. L’auteur de Rembrandt et moi nous avons eu la chance de naître de bonne heure et nous aurons peut-être celle de mourir à temps [72]. »
53Telle est la conviction dont Lapouge ne se départira plus : la modernité démocratique est un processus, très probablemcnt irréversible, de décadence générale. La France serait particulièrement atteinte dans les facteurs décisifs de sa valeur civilisationnelle. Lapouge pouvait ainsi déplorer, en 1886, l’établissement démocratique de la médiocrité envieuse en norme absolue : « Il est certain qu’en France toute tentative faite pour tenir compte à une classe d’hommes de son mérite héréditaire échouerait devant l’opposition intéressée de ce que M. Galton appelle les masses serviles [73]. » Retour inattendu au pessimisme gobinien, après un détour par cet avatar bio-scientiste de la religion du Progrès qu’est l’eugénique galtonienne.
54À partir des années 1890, les publications de Lapouge sont aussi nombreuses que diversifiées. Il publie en 1890 une monographie, Les Lois de l’hérédité, préfacée par le médecin vétérinaire et naturaliste Raoul Baron, spécialiste de zootechnie [74]. Il collabore régulièrement au Bulletin de la Société scientifique et médicale de l’Ouest (Rennes) et au Bulletin de la Société languedocienne de géographie (Montpellier), à partir de 1894. Il donne des études ou des comptes rendus à plusieurs revues allemandes : Globus (Brunswick), en 1893 ; Tägliche Rundschau (Berlin), en 1894 ; Zentralblatt für Anthropologie (Brunswick), en 1904 et 1907. Il publie plusieurs essais de théorie sélectionniste dans la Revue internationale de sociologie (entre 1893 et 1895) [75], dans la Revue scientifique (entre 1897 et 1903), dans la Revue d’économie politique (entre 1895 et 1897), dans la Rivista italiana di Sociologia (Rome, 1897), ainsi que dans diverses publications scientifiques américaines : Science (Boston, 1893), The Journal of Political Economy (Chicago, 1897) [76] et American Journal of Sociology (Chicago, 1899). Son disciple américain Carlos Carleton Closson, collaborateur de ces deux dernières revues, se faisait dès 1896 le propagandiste des théories anthroposociologiques [77], discutées notamment par Thorstein Veblen dans son premier livre, The Theory of the Leisure Class, paru en 1899 [78].
55Dès 1890, Otto Ammon (1842-1916) avait signalé au public allemand l’importance qu’avaient à ses yeux les recherches lapougiennes, dans un article significativement titré : « Die Anthropologie als politische Wissenschaft [79] ». Lapouge lui rendra la pareille, en 1893, par un compte rendu, paru dans L’Anthropologie [80], du livre d’Ammon qui venait de sortir, Die natürliche Auslese beim Menschen [81] (« La sélection naturelle chez l’homme »). Les deux théoriciens du sélectionnisme se reconnaissent vite comme chefs de file nationaux d’une seule et même « école anthroposociologique », et l’ouvrage de synthèse d’Ammon, paru en 1895 [82], est traduit en 1900 par Henri Muffang sous le titre : L’Ordre social et ses bases naturelles. Esquisse d’une anthroposociologie [83], précédé d’un long avant-propos du traducteur lapougien dans lequel celui-ci esquisse une préhistoire et une histoire de l’école sélectionniste [84]. Il s’agissait, pour les représentants de cette école, de s’affirmer dans l’arène des écoles sociologiques en cours d’institutionnalisation, non seulement par des travaux savants reconnaissables comme tels à travers certains indices de scientificité (mesures comparatives, méthodes statistiques, etc.), mais encore en s’inscrivant dans une filiation prestigieuse. Lapouge citait ordinairement, parmi les précurseurs ou les inspirateurs de l’anthroposociologie, Clémence Royer, Paul Broca, Alphonse de Candolle et Francis Galton. Dans une étude parue en 1896 dans un journal de Vienne, et traduite par les soins de Muffang, « Histoire d’une idée. L’anthroposociologie » (Revue internationale de sociologie, mars 1898), Otto Ammon ajoutait, parmi les « prédécesseurs » de Lapouge anthroposociologue, à la fois Gobineau et Nietzsche. Muffang a un regard généalogique plus large, qui mentionne en outre le Taine de l’Histoire de la littérature anglaise et le Renan de l’Histoire des langues sémitiques, en ce que ces ouvrages auraient mis « en relief dans l’évolution des civilisations historiques l’importance des facteurs ethniques [85] ».
La race, les races, les sélections sociales et le sélectionnisme eugénique
56Dans Les Sélections sociales (1896), Lapouge soutient, contre les nationalistes xénophobes de son temps, que la race est une catégorie strictement zoologique : « Une race est l’ensemble des individus possédant en commun un certain type héréditaire. La notion de race est d’ordre zoologique, rien que zoologique. L’analogie des langues ne préjuge donc en rien l’analogie des races [86]. » Toute « société » ou toute « nation » se compose d’individus appartenant à des races diverses (et inégales). Il n’y a donc ni « race française », ni « race germanique », ni « race slave », ni « race israélite » (ou « juive ») [87]. Les races de l’Europe sont déterminées par trois paramètres : la taille, la couleur des yeux et des cheveux, et surtout, l’indice céphalique (obtenu en divisant la largeur maximale du crâne par sa longueur maximale, le quotient étant multiplié par 100). Le sujet est dolichoïde (ou dolichocéphale) lorsque son indice se situe en dessous de 75, et brachoïde (ou brachycéphale) lorsqu’il dépasse 80 [88]. Trois races entrent en proportions variables dans la composition ethnique des peuples européens :
- Homo Europæus L. (race nordique, aryenne, kymrique, etc., selon les terminologies) : grand, dolichocéphale, blond aux yeux bleus.
- Homo Alpinus L. (race alpine) : taille plus petite, brachycéphale, pigmentation brune, conformation bréviligne.
- Homo Contractus L. (ou « Mediterranensis », race méditerranéenne) : petite taille, dolichocéphale, brun [89].
57Sur la base de cette distinction, Lapouge construit une caractérologie différentielle des races dont le postulat illustre le déterminisme biologique le plus strict : « La puissance du caractère paraît sous la dépendance de la longueur du crâne et du cerveau [90]. » Le type dolicho-blond est le type supérieur : actif, volontaire, audacieux, il est « aventureux par tempérament », « il voit, et de très loin, ses intérêts personnels, et aussi de sa nation et de sa race, qu’il prépare hardiment aux plus hautes destinées [91]. »
58Le type brachycéphale-brun est essentiellement laborieux, médiocre et conservateur : « Frugal, laborieux, au moins économe […], remarquablement prudent […]. Rarement nul, il atteint plus rarement au talent. Le cercle de ses visées est très restreint […]. Il adore l’uniformité [92]. » En outre, Homo Alpinus « n’a qu’un espoir, la protection de l’État, et qu’une tendance, niveler tout ce qui dépasse sans éprouver le besoin de s’élever lui-même. Il voit très clairement son intérêt personnel, au moins dans un temps limité [93]. » Quant à l’Homo Contractus, Lapouge lui accorde des aptitudes intellectuelles, que gâchent cependant trop d’émotivité et d’instabilité [94]. Cette psychologie raciale différentielle constitue assurément, par son simplisme et son caractère fantaisiste, la partie la plus visiblement fragile des fondements de l’anthroposociologie, aux yeux mêmes de la plupart des anthropologues contemporains de Lapouge. C’est elle qui tombera sous les premiers coups de la critique savante des théories lapougiennes, de 1897 à 1900.
59La première thèse fondamentale de la théorie sélectionniste est que « l’évolution est presque tout entière le fait de la sélection », mais que « chez l’homme, la sélection sociale prime la sélection naturelle [95] ». Or, l’analyse des sélections sociales aboutit à mettre en évidence leur caractère dysgénique. C’est la seconde thèse de Lapouge, qui détruit la vision optimiste d’une évolution « orientée vers le mieux », et d’une sélection « favorable aux meilleurs [96] » : les sélections sociales se font « le plus souvent dans le sens du plus mauvais [97] », elles tendent à éliminer systématiquement les meilleurs éléments, les « eugéniques ». Au point que Lapouge croit pouvoir énoncer une « loi de plus rapide destruction des plus parfaits [98] ». C’est là « le mécanisme de la décadence » : le processus de « sélection régressive éliminant des éléments supérieurs [99] ». Le théoricien des sélections sociales négatives, dont l’effet global est de menacer l’existence même de la civilisation, passe en revue les différentes figures des sélections : militaire, politique, religieuse, morale, légale, économique, professionnelle, urbaine [100]. L’analyse pessimiste de la sélection urbaine rejoint la fameuse « loi d’Ammon [101] » : si « l’immigration dans les villes a pour caractère essentiel la concentration des dolichoïdes [102] », bref des représentants d’H. Europæus, plus mobiles que les brachy-bruns, les dolicho-blonds attirés par les villes y sont stérilisés. Les villes dépeuplent qualitativement les campagnes et détruisent les éléments eugéniques qu’elles drainent [103]. Lapouge désigne la sélection urbaine comme la plus menaçante des sélections dysgéniques : « Il n’y a guère de question plus angoissante que celle de l’usure de nos réserves intellectuelles par l’urbanisme […]. De tous ces fléaux qui s’appellent les sélections sociales, sélections régressives ! le plus intense est la sélection urbaine [104]. » C’est dans ce sens qu’il faut entendre cet éloge de la fécondité, qui s’adresse implicitement aux « éléments dolicho-blonds » ainsi qu’à « leurs métis » et aux « meilleurs des brachycéphales [105] » : « L’individu qui meurt sans laisser de descendance met fin à l’immortalité de son ascendance. Il achève de tuer ses morts […]. Le péché absolu, c’est l’infécondité [106]. »
60Le premier devoir eugénique, pour les meilleurs représentants de toutes les races, mais avant tout pour ceux de la race supérieure, c’est de procréer. Car « la vraie loi de la lutte pour l’existence est celle de la lutte pour la descendance », écrira Lapouge en 1899 [107]. Or, en établissant que « l’avenir n’est pas aux meilleurs, tout au plus aux médiocres », l’analyse des sélections sociales aboutit « aux conclusions du pessimisme le plus absolu [108] ». Cependant, l’évolution dysgénique des sociétés modernes n’est pas une fatalité : la pente de la décadence peut être remontée, pour autant que l’humanité ose employer « la force formidable de l’hérédité à combattre ses propres ravages [109] », en se soumettant à une sélection volontaire. C’est l’action eugénique que « les théoriciens de la refonte [110] », les sélectionnistes, proposent, telle une nouvelle méthode de salut. Il s’agit d’« opposer une sélection systématique à la sélection destructrice et déréglée qui met l’humanité en péril [111] ». Mais, au contraire du « sélectionniste optimiste » Ammon [112], Lapouge ne conclut nullement sur la vision d’un avenir radieux : si « la sélection systématique paraît le seul moyen possible d’échapper à la médiocratie prochaine et à la déchéance finale [113] », elle ne fera jamais que retarder l’heure de la mort de toute civilisation. La vision d’une marche fatale vers le néant structure la philosophie lapougienne de l’Histoire, où l’on peut reconnaître une forte touche gobinienne : « Trève d’orgueil toutefois. Si l’homme est un dieu en formation, le dieu est mortel, et si inconcevable que puisse être le progrès futur, sa fin viendra [114]. » En attendant cette fatale et triste fin, l’eugéniste lapougien, conscient du paradoxe tragique, doit pourtant s’efforcer de tout faire pour améliorer l’espèce humaine en contrôlant la reproduction de ses représentants (inégaux en valeur héréditaire) et en sélectionnant les procréateurs [115]. Dès ses leçons de Montpellier, Lapouge voit dans la fécondation artificielle le plus puissant moyen technique de réaliser son programme sélectionniste, lequel se heurte autant à l’institution du mariage qu’aux « préjugés » religieux (telle la charité) et aux abstractions métaphysiques (tels les « Droits de l’Homme ») [116].
61Dans la perspective lapougienne, il est clair qu’au-delà des limites de la nation, le sélectionnisme vise à « créer une race dominante ubiquiste », à « refondre entièrement l’humanité à l’aide des types locaux les plus parfaits », voire à « substituer à l’humanité actuelle une race unique et parfaite [117] ». Il y a bien en ce sens une forme d’universalisme dans le racisme aryaniste et eugéniste de Lapouge, et elle se traduit par une vision supra-nationale de la « refonte » de la nature humaine, à travers une artificialisation croissante de la procréation. Lapouge esquisse en 1896 un programme de fabrication d’une humanité « parfaite » à partir de la fécondation artificielle. Ce programme utopiste est ainsi présenté :
« Il est rigoureusement certain que par une sélection sévère, il serait possible d’obtenir en un temps limité un nombre voulu d’individus présentant tel indice céphalique, telle taille, tel degré de l’échelle chromatique. Le type racial ainsi réalisé, il faudrait très peu de temps pour arriver à la perfection esthétique des individus, la beauté idéale étant d’autant plus facile à atteindre que l’incohérence aurait disparu avec les tendances hétérogènes. À trois générations par siècle, il suffirait de quelques centaines d’années pour peupler la terre d’une humanité morphologiquement parfaite, si parfaite que nous ne pouvons imaginer aucun mieux possible au-delà. Ce délai pourrait être abrégé dans des proportions considérables en employant la fécondation artificielle. Ce serait la substitution de la reproduction zootechnique et scientifique à la reproduction bestiale et spontanée, dissociation définitive de trois choses déjà en voie de se séparer : amour, volupté, fécondité. En opérant dans des conditions déterminées, un très petit nombre d’individus masculins d’une perfection absolue suffirait pour féconder toutes les femmes dignes de perpétuer la race, et la génération ainsi produite serait d’une valeur proportionnelle au choix plus rigoureux des reproducteurs mâles. Le sperme, en effet, peut être, sans perdre ses propriétés, dilué dans divers liquides alcalins. La solution au millième dans un véhicule approprié reste efficace à la dose de deux centimètres cubes injectés dans l’utérus. Minerve remplaçant Éros, un seul reproducteur en bon état de santé suffirait ainsi pour assurer deux cent mille naissances annuelles. Le sperme peut ainsi être transporté ; dans une de ces expériences d’imbécile que recommande Darwin, j’ai obtenu à Montpellier une fécondation avec du sperme envoyé de Béziers par la poste, et par suite sans la protection d’une étuve. Ces propriétés du sperme, très importantes en zootechnie, où cependant on néglige de les utiliser pour la reproduction des races précieuses, prennent une valeur théorique de premier ordre dans le calcul des possibilités qui nous intéressent [118]. »
63Telle est la description de « la première tentative de télégenèse », faite par Lapouge avant 1888, si l’on en croit Jean Rostand qui lui attribue cette expérimentation pionnière de fécondation à distance, en lui rendant hommage tout en déplorant ses « outrances » idéologiques :
« Cet eugéniste convaincu, dont les rêves ne diffèrent pas essentiellement de ceux des généticiens d’aujourd’hui, ne fut pas seulement un sociologue, un juriste – il proposa en 1885 une Théorie biologique du droit de succession – et un anthropologue ; il fut aussi un biologiste expérimentateur, et cet aspect, peu connu, de son activité mérite attention […]. On rappellera aussi les recherches de Georges Vacher de Lapouge sur la morphologie des coléoptères, notamment du genre Carabus […]. En dépit de certaines outrances eugénistes, et surtout racistes, […] Lapouge doit être considéré comme un précurseur en génétique. Mieux que la plupart des hommes de son temps, il a compris l’importance des faits d’hérédité. N’eût-il à son actif que la première expérience de “télégenèse”, il mériterait de n’être pas oublié par les historiens de la biologie [119]. »
65Mais ce qui importe le plus aux yeux de Lapouge, c’est l’ensemble des applications à la politique et à la morale des résultats du « sélectionnisme scientifique ». Mû par l’enthousiasme techno-scientiste, Lapouge va jusqu’à suggérer une transformation totale de la nature humaine, qui réaliserait enfin les objectifs de la morale eudémoniste, répondrait une fois pour toutes à la question du bonheur :
« Le triomphe de la politique serait […] de fabriquer par sélection une société d’optimistes qui soient toujours contents de tout ; le problème du bonheur général serait alors tout résolu, et, sérieusement, je ne vois pas qu’il comporte d’autres solutions, car le cercle de nos désirs croît sans cesse avec celui de nos connaissances, et l’homme se sent plus malheureux à mesure qu’il semble avoir moins raison de l’être [120]. »
67À cette utopie régulatrice d’une race d’hommes heureux par nature, Lapouge fait correspondre une morale provisoire nouvelle, centrée sur le devoir envers l’espèce, impliquant le primat du souci du bonheur des générations futures. Mais la morale sélectionniste ne peut avoir d’effets, à l’âge des foules, qu’à la condition de faire l’objet d’une intense propagande, indiscernable d’un projet de rééducation des peuples religieusement endoctrinés. C’est là réhabiliter, en un sens bien défini, le devoir d’éducation, fondé sur l’idée de responsabilité eugénique :
« La première chose à faire est d’instruire et de conquérir l’opinion. C’est en ce sens que les sélectionnistes anglais et américains travaillent le plus, et avec raison. La propagation de saines notions sur le devoir envers l’espèce est indispensable, et l’accomplissement de ce devoir ne doit comporter aucune faiblesse, aucun sacrifice aux préjugés de la morale ascétique, ni à l’esprit des lois. Un eugénique résolu à donner naissance au plus grand nombre possible d’enfants peut arriver, malgré les obstacles de l’opinion et des lois, à laisser une postérité incroyable. Cela ne lui coûtera pas beaucoup plus de soins et de diplomatie que des conquêtes stériles. De même, pour la femme, le devoir qui prime tous les autres est de choisir le père de son enfant parmi les plus eugéniques ; toute autre considération est immorale, si conforme qu’elle soit à l’opinion et à la loi. Les lois qui régissent la sélection sont absolues, les notions morales et les prescriptions légales varient suivant les pays et se modifient sans cesse. On peut regarder comme un moyen très puissant les associations qui ont pour but la production des eugéniques, en mettant les sujets en contact, facilitant les unions, aidant à l’éducation de leurs enfants, et leur facilitant les moyens d’en augmenter le nombre. Les distinctions signalant les individus d’un mérite eugénique hors ligne, les dotations, les établissements pour l’éducation des enfants sont d’excellents moyens d’action, mais qui nécessitent presque tous des fonds considérables. Le jour où les sommes annuellement dépensées en faveur d’œuvres pieuses ou charitables, et généralement nuisibles, prendraient cette direction, il y aurait un double avantage de réalisé [121]. »
69Mais, pour Lapouge, le souci positif du « perfectionnement des bons » et de leur multiplication ne doit pas chasser le souci négatif de l’« élimination des éléments inutilisables » : « malades héréditaires », « dégénérés », « vicieux », « incapables ». Il s’agit d’empêcher « la reproduction des individus tarés », si possible en évitant de faire appel aux « procédés violents préconisés surtout en Angleterre et en Amérique, la castration, la séquestration, la mise à mort [122] ». Lapouge désapprouve ainsi les extrémistes de l’eugénique dite « négative » (qualification devenue courante dans les années 1900 parmi les disciples de Galton), visant à limiter, voire à interdire la procréation à certaines catégories de population.
70C’est en tant que théoricien d’un « socialisme aristocratique » et « aryen » que Lapouge entre en relation avec son disciple Ludwig Woltmann (1871-1907) [123], directeur de la Politisch-Anthropologische Revue fondée à Leipzig en 1902 [124]. Lapouge et Woltmann défendent l’idée d’un socialisme sélectionniste et aryaniste, impliquant une nouvelle morale – anti-chrétienne – s’inspirant des philosophies de la nature dérivées du darwinisme (Haeckel au premier chef) et se proposant de remplacer les religions du passé. L’eugénisme est ainsi érigé en une politique, en une morale et en une religion dites nouvelles. La religion de l’avenir sera panthéiste, elle ne pourra être qu’une religion civique du vital et du solaire, par delà tous les idéaux ascétiques et individualistes dérivés du christianisme. Dans « La crise de la morale sexuelle » (1908) [125], où il tire les « conséquences morales et sociales » de la « disparition du christianisme », Lapouge prophétise : « Si, pour satisfaire à ces besoins, un culte survit dans la société future, il sera civique et religieux. En tant que religieux, ce culte sera probablement héliaque et phallique, rendu au soleil, principe de vie de tous les êtres animés, et au phallus, principe de la vie individuelle [126]. » C’est de la sélection que « viendra le salut », prédisait Lapouge en concluant Les Sélections sociales [127]. Cette nouvelle religion de salut se présente comme une religion de la vie, celle-ci étant comprise à la fois en tant que puissance de fécondité et processus de sélection. L’étude de 1908 sur la « crise » de la « vieille » morale sexuelle et l’émergence de la « nouvelle » morale eugénique reprend et développe l’une des perspectives sur l’avenir de l’espèce humaine esquissées dès les leçons de Montpellier : au-delà du « sélectionnisme terre à terre des médecins d’hôpitaux » (illustré par l’eugénique prosaïque et stérilisatrice des praticiens américains de l’époque), s’annonce le « sélectionnisme mystique [128] ». Du contrôle technique de la reproduction humaine au culte de la procréation eugéniquement orientée, Lapouge trace une ligne directe.
71La réalisation du programme eugéniste par l’insémination artificielle, comme méthode pratique privilégiée de sélection humaine (relevant de l’eugénique dite « positive » [129]), implique donc une totale dissociation des fonctions jusque-là reliées, voire confondues : l’amour-passion, le plaisir sexuel, la reproduction et l’élevage-éducation des enfants. En sacralisant la fécondité et l’acte de procréer, Lapouge, à la suite de Galton, fait de l’eugénique une nouvelle morale (centrée sur le devoir de « bien » procréer) et une nouvelle religion (plaçant le salut de l’espèce dans son amélioration biologique indéfinie [130]). Le primat accordé à la fécondation artificielle, que l’eugéniste britannique Herbert Brewer appellera dans les années trente l’eutélégenèse (« eutelegenesis [131] »), est fortement réaffirmé par Lapouge, en 1908, dans son étude intitulée « La crise de la morale sexuelle », en même temps qu’est célébré comme libérateur le processus de dissociation des fonctions (amour, volupté, fécondité) décrit dans Les Sélections sociales. Dans son article de 1936, « Eugenics and Society », Julian S. Huxley refera les chemins du sélectionnisme lapougien, en présentant comme un progrès social et moral la « séparation de l’amour d’avec la reproduction », en dépit des préjugés éthéologiques ou métaphysiquesé, et en prônant une radicalisation du processus de différenciation des fonctions jusque-là mêlées dans le mariage monogame :
« La perfection de la technique de la limitation des naissances a rendu cette séparation plus efficace ; et la technique encore plus récente de l’insémination artificielle a ouvert des horizons nouveaux, en fournissant la possibilité d’offrir des objets différents à ces deux fonctions. Il est maintenant loisible à l’homme et à la femme de consommer la fonction sexuelle avec ceux qu’ils aiment, mais d’effectuer la fonction de reproduction avec ceux que, pour des motifs peut-être tout différents, ils admirent [132]. »
73On rencontre le même enthousiasme face aux implications et aux promesses de la télégenèse eugéniquement orientée, chez J. B. S. Haldane et chez Hermann J. Muller (prix Nobel 1946), auteur d’un célèbre livre de vulgarisation des théories eugénistes, Out of the Night : A Biologist’s View of the Future, publié aux États-Unis en 1935 (New York, Vanguard Press), puis traduit en français par Jean Rostand en 1938 [133]. Grâce à l’eutélégenèse, lance Muller, « nombreuses seraient les femmes dans une société consciente, délivrée des tabous de la superstition et de l’esclavage sexuel, qui désireraient ardemment porter dans leurs flancs et élever un fils de Lénine ou de Darwin [134] » L’avenir n’est désormais radieux, pour de tels socialistes, que s’il est peint aux couleurs de l’eugénisme. George Bernard Shaw ajoute sa voix au concert, dans une lettre adressée à Brewer, ami et disciple de Muller : « Quand je pense, moi qui n’aie pas d’enfants, et n’aurais pu m’en occuper, à tous les ovules que j’aurais pu inséminer ! ! ! Et à toutes les femmes qui ne m’auraient pas souffert une seule journée dans leur maison, mais auraient apprécié certaines de mes qualités chez leurs enfants [135] ! ! ! » Shaw avait joint à sa lettre admirative un chèque de 100 livres, sur lequel sa signature était ornée d’un paraphe en forme de phallus.
74Socialiste et eugéniste lui aussi, Havelock Ellis, s’il liait étroitement le programme eugéniste à la libération sexuelle de la femme et à la lutte corrélative contre la morale victorienne (accusée d’encourager les mariages « dysgéniques » [136]), était loin de suivre Lapouge sur la voie du « fanatisme procréateur », et s’employait à dénoncer les « quelques fanatiques » qui « ont exagéré jusqu’à l’absurde la croyance à l’importance religieuse suprême de la procréation » :
« L’amour en dehors de la procréation, dit l’un de ces fanatiques, Vacher de Lapouge, en ressuscitant l’esprit des premiers Pères de l’Église, est une aberration comparable au sadisme et à la sodomie ; elle [la procréation] est la seule chose qui importe et elle doit devenir “un devoir social prescrit légalement”, qui ne pourra être exercé que par des individus soigneusement sélectionnés et défendu aux autres, qu’on devra rendre incapables de procréer ; par suite, l’avortement et l’infanticide devront, dans certains cas, devenir obligatoires. L’amour romantique disparaîtra grâce à un processus de sélection et la religion ne subsistera plus que sous forme d’un culte phallique [Ellis cite ici en note l’article de Lapouge, « Die Krisis in der sexuellen Moral », paru en 1908]. Il suffit de rappeler que l’amour seul peut susciter la fécondation et sera toujours le portail naturel de la génération [137]. »
76En France, les théories et les prophéties sélectionnistes de Lapouge ont été, dans les années qui suivirent immédiatement la parution des Sélections sociales, fort diversement appréciées. Mais, à partir de 1899-1900, les jugements mitigés vont rapidement disparaître au profit d’un rejet quasi-consensuel. Ce n’est pas la France qui jouera, pour le sélectionnisme théorique et pratique, le rôle de la Terre promise. Si Édouard Drumont, dans La Libre Parole, célèbre Les Sélections sociales, « un des livres les plus remarquables de ce temps », dû à « un penseur absolument inconnu de la foule » (23 mai 1896), si Georges Sorel félicite l’auteur « de son courage et de son originalité » dans Le Devenir social (juin 1896, article non signé) [138], si Frédéric Paulhan salue ce « livre intéressant et de réelle valeur » (Revue scientifique, 4 juillet 1896), suivi par René Worms dans la Revue internationale de sociologie (avril 1897) et par D. Collineau dans la Revue de l’École d’anthropologie (15 janvier 1898) [139], le premier livre de Lapouge est soumis à une critique sévère par Célestin Bouglé dans la Revue de métaphysique et de morale (juillet 1897), à une réfutation en règle par Arsène Dumont en 1898 [140], et provoque des réactions polémiques violentes dans les milieux militaires, catholiques et socialistes [141]. Le coup de grâce est asséné en 1899 par l’anthropologue Léonce Manouvrier (1850-1927), éminent disciple de Broca et titulaire de la chaire d’anthropologie physiologique à l’École d’anthropologie de Paris, qui procède à une critique dévastatrice des fondements de l’anthroposociologie dans la Revue de l’École d’anthropologie (août et septembre 1899). Cet article, « L’indice céphalique et la pseudosociologie [142] », va définitivement illégitimer l’école lapougienne dans la communauté scientifique française. Il inspire notamment les positions critiques de plus en plus radicales prises par les historiens et les sociologues des milieux durkheimiens sur l’anthroposociologie : en témoigne la disparition en 1901, dans L’Année sociologique, de la rubrique « Anthroposociologie » tenue par Henri Muffang, disciple immédiat de Lapouge, durant les trois premières livraisons annuelles (1898-1900) de la revue [143], et l’article signé Henri Pierre (pseudonyme de Henri Hubert [144]) dans la Revue historique (janvier-février 1902), qui conclut à la totale absence de scientificité des travaux de Lapouge [145]. En 1904, dans La Démocratie devant la science [146], Célestin Bouglé consacrera la première partie du livre à une réfutation détaillée des thèses héréditaristes et sélectionnistes, lesquelles illustrent l’une des voies suivies par la « sociologie biologique » ou « naturaliste » qu’il récuse. Les sociologues durkheimiens ont gagné la bataille scientifique contre les anthroposociologues, dans un contexte où les dreyfusards avaient politiquement vaincu leurs adversaires.
Au nom de la science, un antichristianisme radical
77En 1897, alors que la controverse bat son plein, Lapouge traduit et présente le petit livre-manifeste d’Ernst Haeckel (1834-1919), issu d’une conférence prononcée en 1892, où celui-ci expose les fondements et les conséquences de son monisme scientiste : Le Monisme, lien entre la religion et la science. Profession de foi d’un naturaliste [147]. Dans sa préface militante, Lapouge réaffirme sa conviction que la science « nous a révélé, de vérité certaine, combien incompatibles sont nos anciennes croyances avec l’histoire, la physique et la biologie [148]. » La crise de civilisation ne fait que commencer, due à « l’antinomie de la science et de la Bible » : « Notre époque d’apparente indifférence est le commencement de la plus grande crise religieuse et morale qui ait secoué l’humanité depuis qu’elle pense. Et la politique elle-même est touchée, car à la formule célèbre qui résume le christianisme laïcisé de la Révolution – Liberté, Égalité, Fraternité –, nous répondrons : Déterminisme, Inégalité, Sélection ! [149] » La démocratie égalitaire n’est qu’un avatar moderne du christianisme, et disparaîtra avec lui, en même temps que se constitueront la « morale scientifique », la « religion définitive, dictée par la science » et la « politique nouvelle », la « politique sélectionniste » [150]. Lapouge se présente en disciple de Haeckel, avec qui il était entré en contact dès 1888, pour affirmer que « le panthéisme moniste en soi est inébranlable », à condition de le penser en tant que « panthéisme sélectionniste [151] ». Il lui faut donc professer le « dogme moniste suprême : Dieu est tout, dans tout, partout. Il est éternel, Il est infini [152]. » Mais Lapouge croit devoir ajouter à l’orthodoxie haeckélienne ce « complément nécessaire, résumé des derniers progrès de la théologie et de la morale sélectionnistes [153] », ceux-là même dont il a exposé les principes dans Les Sélections sociales [154] :
« Dieu a conscience par la hiérarchie des êtres qui sentent et qui pensent, depuis la monère en qui l’âme s’éveille jusqu’au savant qui connaît l’infiniment grand et l’infiniment petit […]. C’est pourquoi le savant est l’avatar partiel de Dieu, c’est pourquoi le but moral de l’homme est la plus grande conscience. La moindre parcelle de matière est Dieu agissant, le savant à la conscience totale serait Dieu pensant [155]. »
79Si Lapouge propose quelques retouches au monisme haeckelien, il récuse expressément la doctrine du progrès linéaire, nécessaire et indéfini, héritage des Lumières que les théoriciens de l’évolutionnisme social (qu’il s’agisse de Haeckel, de Clémence Royer ou de Herbert Spencer) reprennent sans questionnement critique. En rejetant toute vision finaliste de l’évolution, Lapouge se situe quant à lui dans le sillage du dernier Nietzsche, celui qui affirmait en 1888, dans L’Antéchrist (§ 4) : « L’humanité ne représente nullement une évolution en mieux, en plus fort, en plus haut, au sens où on le croit maintenant. Le “progrès” n’est qu’une idée moderne, c’est-à-dire une idée fausse. » Quelques années plus tard, Lapouge prend à son tour position contre les postulats téléologiques de la conception évolutionniste du progrès :
« Je ne crois pas […] à la conclusion nécessaire de la doctrine du progrès, au monde arrivant à l’entière conscience, et à l’action uniquement consciente sur lui-même. Ce qui est éternel [la matière qui “sort de l’éther et revient à l’éther”] ne saurait avoir ni commencement ni fin, et les phénomènes d’évolution ne peuvent être que locaux, temporaires, donc partiels, se compensant dans le grand tout. Si l’on admet l’évolution rectiligne en quelque sorte, et partant d’une forme pour n’y retourner jamais, si la marche est supposée se faire constamment d’un état qui est le mal vers un état qui est le bien, l’idée de commencement, de but et de cause extérieure devient presque nécessaire à notre raison telle qu’elle est. Mais nous arrivons ainsi à l’antinomie métaphysique du temps et de l’éternité, de l’espace fini et de l’infini, et nous retournons à la chaîne sans fin des questions : “Pourquoi le Dieu-Cause a-t-il agi ? Et que faisait-il avant ? Et pourquoi la cause de la cause ?” Le monde panthéiste comporte une existence nécessairement ondoyante et diverse, et l’infinité des combinaisons dans l’espace infini et le temps infini. L’évolution se fait dans tous les sens, toujours et partout, sans finalité [156]. »
81Tiré comme Les Sélections sociales à 1 000 exemplaires, L’Aryen. Son rôle social (1899) se présente sous deux aspects : d’une part, il s’agit d’une monographie historique et « anthroposociologique » se proposant à la fois de faire le point sur les études aryanistes et de présenter une théorie générale ; d’autre part, Lapouge précise les conséquences éthiques, juridiques et politiques de la problématique sélectionniste avec une radicalité plus provocatrice encore que dans Les Sélections sociales. Non seulement il récuse sur un ton pamphlétaire tous les idéaux de la modernité démocratique, à commencer par la « fiction » des droits de l’Homme [157], mais il consacre, dans son dernier chapitre sur « L’avenir des Aryens [158] », un important développement aux Juifs, présentés comme « les concurrents de l’Aryen », et ses seuls concurrents « dangereux [159] ». Le schème de la « lutte des races » est ainsi appliqué au traitement de la « question juive », moyennant certaines redéfinitions :
« Si [Homo] Europæus est bien une race zoologique, les Juifs sont plutôt une race ethnographique, et par suite le problème n’est pas identique en théorie à celui de la concurrence d’Europæus et d’Asiaticus, par exemple, ou d’Europæus et du brachycéphale Alpinus. En pratique, cela n’a pas une grande portée. Si les Juifs sont une race factice, ils ont été poussés par leur mode d’existence à un degré d’unité psychique égal à celui des races zoologiques les mieux déterminées […] [160]. »
83Mais si, selon Lapouge, « le Juif apparaît bien comme un concurrent sérieux de l’Aryen dans la conquête du monde [161] », sa domination n’est pas à redouter car, dénué de « sens politique » et d’« instinct militaire [162] », « le Juif désorganise tout ce qu’il touche [163] ». C’est parce qu’il est dépourvu des qualités nécessaires à la « conservation des empires [164] » que sa domination est vouée à n’être qu’éphémère : « Quand même le rêve politique de l’ambition juive viendrait à se réaliser, chose possible en somme dans cette période de l’Histoire où l’intérêt économique est seul pris en considération, le désordre et l’anarchie mettraient promptement à la discrétion des peuples guerriers de race blonde les États qui auraient accepté la domination sémitique [165]. » Dans le contexte politique de sa parution, un tel livre ne pouvait qu’être reçu comme une intervention savante en faveur de l’antidreyfusisme, ou une contribution à la propagande antisémite [166]. Et le décryptage de son message politique ne pouvait s’opérer sans produire confusions et malentendus : bien des passages du livre pouvaient paraître des tentatives de fonder anthropologiquement le nationalisme [167] – celui de Maurice Barrès et de son maître Jules Soury [168], à l’époque de l’affaire Dreyfus –, bien des formules sur les « étrangers » avaient des consonances avec la xénophobie ambiante, certaines propositions anticapitalistes étaient clairement de tradition socialiste, mais le socialisme n’était défini comme positif qu’à la condition d’être sélectionniste et aristocratique ! En outre, les analyses de Lapouge ne pouvaient que déplaire au camp nationaliste et antisémite, en ce qu’elles fondaient un diagnostic anthropologique peu flatteur pour le peuple français de la fin du xixe siècle :
« L’Aryen tel que je l’ai défini […], c’est l’H. Europæus, une race qui a fait la grandeur de la France, et qui est aujourd’hui rare chez nous et presque éteinte […]. Les États brachycéphales, France, Autriche, Turquie, sans parler de la Pologne qui n’est plus, sont loin d’offrir la vitalité des États-Unis ou de l’Angleterre [169]. »
85La « faillite de la Révolution » n’est pour Lapouge que l’expression la plus visible de la faillite de la « politique sentimentale idéaliste du christianisme », « démarquée, laïcisée » dans et par les « fictions de Justice, d’Égalité, de Fraternité [170] ». La fin du christianisme coïncide avec la démystification des idéaux démocratiques et la dissipation de « l’utopie du progrès » : « Avec le christianisme s’écroule dans l’abîme la politique libertaire, humanitaire, égalitaire [171]. » Le scientisme le plus radical est étendu par Lapouge aux domaines de la pratique, et ce scientisme politique est fondé sur un réalisme biologique intégral : « L’art politique viendra de la science […]. La politique scientifique préfère la réalité des Forces, des Lois, des Races, de l’Évolution. Malheur aux peuples qui s’attarderont dans les rêves [172] ! »
86Telle est la prophétie centrale émise au nom des « théories monistes et darwiniennes », autorisée par les « conclusions de la science politique darwinienne [173] ». La brutalité d’un tel discours ne pouvait qu’effrayer la plupart des contemporains de Lapouge, qu’ils fussent chrétiens ou athées, nationalistes ou internationalistes, révolutionnaires ou contre-révolutionnaires [174]. Car ce dogmatisme scientiste, venant habiller le fatalisme bioracial, interdisait tout espoir.
87La publication de L’Aryen devait être suivie de celle d’un autre livre, intitulé Le Sémite, son rôle social ou Les Sémites, leur rôle social, reprenant le cours de 1890-1891 prononcé à Montpellier. Dans la préface de L’Aryen, Lapouge mentionnait deux autres manuscrits en attente : « Je voudrais pouvoir faire pour l’éthique sélectionniste ce que j’ai fait pour la politique. Un premier volume, Contre la morale, attend déjà depuis cinq ans. Il comprend l’étude historique et critique des prescrits et des prohibitions des diverses morales ; il paraîtra bientôt. Le second, La plus grande conscience, contiendra l’exposé des prescriptions de la morale sélectionniste [175]. »
88Aucun de ces trois livres ne fut publié, et leurs manuscrits n’ont pas été retrouvés. Il reste que, plus que Les Sélections sociales, L’Aryen suscite un véritable tir de barrage, suscité par les interférences des réactions idéologiques, des critiques scientifiques et des stratégies concurrentielles d’institutionnalisation des sciences sociales. L’alliance du camp dreyfusard et des réseaux durkheimiens, notamment, a permis le lancement d’une entreprise de disqualification de l’anthroposociologie, achevée en 1902. La vie universitaire est alors, pour Lapouge, définitivement barrée. Il ne désespère pourtant pas d’obtenir une chaire. À son protecteur Louis Liard, le chef de l’école sélectionniste français adresse le 5 août 1902 une lettre empreinte d’amertume, où il pose sa candidature pour la succession de Durkheim à la chaire de Science sociale de l’université de Bordeaux et précise :
« C’est […] pour protester contre les prétentions de ceux qui veulent enseigner ce qu’ils ne savent point, contre les métaphysiciens qui cherchent à modeler une fiction de science sociale sur leurs préjugés spiritualistes et sentimentaux, que je pose ma candidature. Je le fais comme le représentant le plus autorisé en France de l’école scientifique, qui s’en tient aux faits et à leurs conséquences évidentes et immédiates, exclut les abstractions et les raisonnements, ne connaît ici ni sentimentalisme ni tendances.
« Je sais fort bien que l’heure n’est point venue où la science l’emportera sur le sentiment, et où les épigones de Rousseau et les idées du xviiie siècle céderont la place aux hommes et aux idées du xxe, mais mon devoir très précis est de rappeler qu’il existe une école moniste et scientifique, et ce devoir je le remplis176. »
90À partir de 1902-1903, en France, la disqualification scientifique et politique de Lapouge est telle qu’il ne peut publier ses travaux d’anthroposociologie que dans des revues étrangères, allemandes et américaines. Il donne neuf articles à la revue de Woltmann, de 1904 à 1909, pour la plupart publiés ou repris dans son troisième livre, Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, qui paraît chez Marcel Rivière en 1909 [176]. Mais, de plus en plus, il se consacre à ses recherches entomologiques sur les Carabes, et collabore régulièrement aux Miscellanea entomologica ainsi qu’au Bulletin du Muséum national d’histoire naturelle. En mars 1909, bibliothécaire à Poitiers et continuant d’en souffrir, Lapouge publie un « résumé » de ses travaux scientifiques, où sont recensées 87 de ses publications de 1880 à 1909, afin d’appuyer sa candidature à la chaire d’anthropologie du Muséum de Paris [177]. Nouvelle candidature malheureuse. Le comte Begouën, en 1936, rappelle les circonstances de ce nouvel échec et ses conséquences :
« En 1909, la mort du docteur Hamy [1842-1908], laissant vacante la chaire d’anthropologie au Muséum, Vacher de Lapouge posa sa candidature. Ce fut le docteur Verneau [1852-1938], depuis près de vingt ans assistant du docteur Hamy, qui fut désigné à l’unanimité. Vacher de Lapouge ressentit très vivement cet échec, auquel, paraît-il, la fierté hautaine (pour ne pas dire l’insolence) de sa campagne contribua tout autant que l’audace de ses idées. Retiré à Poitiers […], il abandonna presque complètement l’anthropologie physique et l’anthroposociologie, laissant à ses disciples d’outre-Rhin le soin de développer et même de déformer ses théories [178]. »
92Il faut corriger quelque peu ce récit. En premier lieu, Lapouge trouva le moyen de poursuivre un certain temps ses travaux d’anthropologie, dont il savait désormais qu’ils ne lui permettraient plus d’obtenir une chaire [179]. En second lieu, loin d’abandonner l’illustration et la défense déformatrices de ses théories aux courants pangermanistes [180], Lapouge intervint sur la question sans aménité ni équivoque, par un article publié en août 1915 dans le Mercure de France, « Le paradoxe pangermaniste [181] ». Il y attribue les falsifications pangermanistes de l’anthroposociologie à la mentalité prussienne qui, mariée à la mythologie du nationalisme romantique, a engendré un monstrueux impérialisme mystique [182]. Déjà, en 1909, il avait récusé les « théories » de Houston Stewart Chamberlain et d’autres « littérateurs politiques », théories fausses de « caricaturistes de l’anthroposociologie », qui « sont devenues la base de l’impérialisme germanique, le plus agressif qui existe [183]. »
Socialisme et sélectionnisme
93Traitant de la « sélection politique » dans Les Sélections sociales [184], son premier ouvrage publié en 1896, Lapouge aborde la question du socialisme de l’avenir à propos de celle de l’avenir de la démocratie, lequel est selon lui fort inquiétant, en ce qu’il n’est rien d’autre que l’avenir du processus de la décadence moderne. La véritable antithèse, posée par Lapouge, est celle de la « démocratie sénile [185] », incarnée par le « régime plouto-démagogique », et du socialisme repensé sur les bases scientifiques du sélectionnisme :
« L’avenir montrera si la démocratie telle qu’on la conçoit aujourd’hui, régime à la fois démagogique et ploutocratique, est appelée à enrayer net le perfectionnement des peuples qui l’expérimentent, ou s’il se manifestera une compensation imprévue […]. La démocratie sénile est […] le résultat de l’épuisement même du capital eugénique d’un peuple. Ce peuple alors a commencé à mourir, et les politiciens y jouent le rôle dissolvant de microbes putrides […]. Le socialisme se pose de plus en plus nettement en antagoniste du régime plouto-démagogique. Il a un programme d’intérêt général et d’autorité qui est juste l’opposé du système d’incoordination et de pillage chacun pour soi qui caractérise en pratique les démocraties […]. Le socialisme, en tout cas, sera sélectionniste ou il ne sera pas : il n’est possible qu’avec des hommes autrement faits que nous, et ces hommes, la sélection peut les faire [186]. »
95À la fin des Sélections sociales, Lapouge aborde à nouveau la question du socialisme à propos de l’un des objectifs envisageables d’un programme de « sélection systématique », à savoir « constituer des castes spécialisées et séparées [187] ». Il reconnaît volontiers que « la constitution d’une hiérarchie de castes spécialisées et fermées n’est pas […] facile », avant d’en déterminer la condition nécessaire, un interventionnisme d’État impliquant un régime socialiste, lequel seul serait à même de contrôler totalement la procréation : « Le concours effectif des pouvoirs publics est à peu près nécessaire. Une telle réorganisation suppose d’une manière à peu près nécessaire un régime socialiste, et de là vient une autre difficulté : le socialisme jusqu’ici s’est montré surtout niveleur et péjoratif. On se heurtera probablement à une opposition politique plus redoutable que celle des Églises et du capital. Un régime socialiste ne peut cependant durer sans une refonte de l’homme même, et tout État socialiste qui ne serait pas sélectionniste serait sûr de n’avoir qu’une durée éphémère. Sur ce point Platon voyait plus clair que les politiques modernes [188]. »
96Un second objectif du programme sélectionniste, à savoir « transformer intégralement un peuple à un degré déterminé [189] », implique également pour sa réalisation un régime socialiste : « La transformation intégrale, limitée à un peuple, est à la fois plus facile et plus difficile. Elle est plus facile en ce sens que l’esprit d’envie mettrait un moindre obstacle à une réforme tendant à faire tous les citoyens également parfaits et à rendre chacun apte à des fonctions très élevées. Elle supposerait encore une organisation socialiste, mais sans spécialisation, c’est-à-dire où le même individu partagerait son existence entre le travail intellectuel et le travail manuel. La difficulté principale consisterait dans le nombre prodigieux d’individus auxquels il faudrait persuader de disparaître sans postérité. La transformation intégrale supposerait, en effet, que l’ensemble de la nation disparût et fût remplacé par la seule postérité de l’aristocratie naturelle [190]. »
97Dans les écrits lapougiens ultérieurs, le sélectionnisme est élaboré à la fois comme théorie et comme pratique du socialisme aristocratique de l’avenir. À la fin de son second livre, L’Aryen. Son rôle social, paru en 1899, Lapouge aborde incidemment la question du socialisme, au cours d’un développement sur « la lutte pour la domination universelle [191] ». Il s’y interroge plus précisément sur « le résultat final de la compétition des races [192] ». Sa prévision est la suivante, introduite non sans précautions :
« Il est très difficile de prévoir quand, et au bénéfice de qui, sera réalisé l’empire universel. Je ne crois pas cependant que cela prenne plus de deux ou trois siècles. Les événements se précipitent avec une vitesse croissante. Je crois aussi que les États-Unis sont appelés à triompher. Au cas contraire, l’univers sera russe [193]. »
99Quant à « l’état social qui sortira de la victoire », Lapouge reconnaît qu’il est « plus difficile encore de [le] prévoir [194] ». Il ne se dérobe pourtant pas, et esquisse une utopie futuriste, qu’il présente comme un tableau du socialisme planétaire de l’avenir, où l’idée du progrès indéfini se réalisera sous la forme d’une amélioration continue des qualités héréditaires de l’espèce humaine :
« Le militarisme disparaîtra enfin. Une formidable armée sera conservée pour la police du globe, mais une seule, quelques centaines de mille hommes seulement […]. L’unité de gouvernement central entraînera l’unité de la législation générale, et il deviendra possible d’arriver à une organisation systématique du travail. L’ère du socialisme sera venue, mais d’un socialisme sans doute très différent de ce que nous supposons. Le sélectionnisme pourra être pratiqué sans réserve, et le niveau moyen relevé de génération en génération [195]. »
101Passant ensuite à une exposition du « sélectionnisme pratique », Lapouge commence par rappeler le présupposé de l’eugénique galtonienne, à savoir : « la vie sociale n’est pas favorable aux meilleurs », car « la sélection se fait le plus souvent dans le sens du plus mauvais [196] ». C’est ici que l’interventionnisme sélectionniste manifeste une évidente similitude, au moins quant à la forme de l’impératif du devoir-faire (opposé au laisser-faire libéral), avec le socialisme : « Le sélectionnisme, en tant que doctrine pratique, consiste à corriger les conséquences fâcheuses de la sélection naturelle, et à multiplier les types admis comme les plus beaux et les meilleurs. Il a beaucoup d’analogie dans son but avec le socialisme, qui consiste à corriger les conséquences naturelles de l’évolution économique, d’après un idéal déterminé de perfection sociale [197]. »
102Socialisme et sélectionnisme se présentent ainsi comme deux programmes dirigistes distincts et concurrents visant à corriger l’évolution sociale et culturelle selon un idéal de perfection. C’est sur la définition d’un tel idéal qu’ils divergent ordinairement. Le problème, pour Lapouge, est précisément de justifier et de favoriser leur rapprochement, voire leur synthèse. Bref, de redéfinir le socialisme en le réorientant dans un sens inégalitaire ou « aristocratique », conformément aux normes de l’eugénique « positive » et à l’idéal « nordique ».
103Dix ans plus tard, dans l’introduction à son troisième et dernier livre, Race et milieu social [198], Lapouge revient sur les rapports entre socialisme et sélectionnisme, qu’il oppose l’un avec l’autre à la démocratie égalitaire :
« Quant aux démocrates de toute religion, de toute race et de tout pays, leur animosité était toute naturelle contre des doctrines qui supposent pour commencer l’inégalité de naissance et conduisent facilement à l’inégalité des droits. Il est à remarquer que ces dernières protestations ne sont point venues d’ouvriers et de paysans, mais des défenseurs d’office des classes populaires. J’ai eu souvent, et encore plus Woltmann qui était un des chefs du socialisme allemand, l’occasion d’exposer, dans des réunions purement ouvrières où ces intellectuels auraient pu se trouver mal à l’aise, les thèses les plus antidémocratiques de l’anthroposociologie, je les ai fait mettre à l’étude, discuter et admettre. C’est dans une réunion électorale que j’ai formulé pour la première fois l’aphorisme : “Le socialisme sera sélectionniste, ou il ne sera pas”, et cela ne m’a pas enlevé une voix, au contraire, parce que d’instinct, le peuple va vers ceux qui ne sont pas poltrons [199]. »
105Pour Lapouge, la véritable et fondamentale opposition, celle qui détermine toutes les autres, c’est l’opposition « entre la biologie contemporaine et les idées démocratiques [200] », pour autant que la biologie est darwinienne, sélectionniste donc, mais débarrassée d’un persistant héritage lamarckien, la croyance à l’hérédité des qualités acquises. Lapouge avait fort bien compris la signification et la portée des travaux de Weismann, établissant la continuité du « plasma germinal » (ou « germinatif ») à travers les générations successives [201], et ne pouvait manquer de tirer les conséquences politiques de la légitimation scientifique, par la génétique mendélienne, de l’abandon total de la thèse de « l’hérédité des caractères acquis [202] ». Car, note Lapouge, la démocratie égalitaire moderne avait cru trouver dans le transformisme lamarckien le fondement scientifique de sa foi dans l’omnipotence de l’instruction et de l’éducation, érigées en « remède à tous les maux de la société », supposées constituer le « principe d’un progrès presque indéfini de l’humanité [203] ». C’est pourquoi l’un des principaux arguments scientifiques en faveur de la démocratie égalitaire s’est effondré avec le lamarckisme : « Tous les espoirs fondés sur l’hérédité des qualités acquises se sont évanouis avec la croyance à cette hérédité […]. Avec le lamarckisme, s’est écroulé l’éducationnisme, et le sélectionnisme est resté maître du terrain. Enfin, l’étude des lois de Mendel a singulièrement renforcé la notion de fatalité de l’hérédité [204]. »
106Mais il y a un tout autre argument en faveur de la démocratie, celui de ses défenseurs et apologistes professant une forme d’élitisme méritocratique, qui consiste à définir la démocratie comme « le gouvernement par les plus capables, exercé dans l’intérêt de tous [205] ». À cette définition abstraite et « sublime », attribuée à Célestin Bouglé, Lapouge répond sur deux plans. D’abord sur le plan lexical : une telle définition idéale est « précisément celle de l’aristocratie [206] ». Erreur, donc, de catégorie. Ensuite, sur le plan historique : la démocratie que nous montre l’Histoire, celle d’Athènes, de Rome, de Florence, c’est, écrit Lapouge, « le gouvernement pour et par les classes inférieures, l’écrasement des élites, et la subordination de l’intelligence à la force brutale [207] ». L’aristo-démocratie de Bouglé est sans référence empirique. Péché d’abstraction. Délégitimée et démystifiée, la démocratie égalitaire doit donc laisser le champ libre à la politique sélectionniste.
107Ce qui caractérisait surtout cette eugénique « socialiste » dans les débats idéologico-politiques français sur la « sélection humaine », et faisait scandale, c’est la radicalité de son programme d’amélioration biologique, qui, fortement interventionniste, prônait la stérilisation ou la castration obligatoires pour un grand nombre de catégories d’êtres « indésirables » ou à l’hérédité supposée défectueuse. Cette radicalité pratique trouvait son fondement dans le dogme de la toute-puissance de l’hérédité, le déterminisme biologique tendant à se confondre chez Lapouge, ainsi que le percevaient fort bien nombre de ses contemporains, avec un fatalisme génétique [208] – inacceptable du point de vue de l’humanisme médical alors dominant dans l’espace public [209]. Et pourtant, le chef de file de « l’école de la race et de la sélection », Lapouge lui-même, se montrait singulièrement pessimiste sur l’avenir de l’espèce humaine. Comme s’il ne croyait guère à la possibilité que soit un jour réalisé son programme de refonte de l’espèce dégénérante. Ou comme s’il était convaincu que les humains ne pouvaient que retarder l’heure de leur déchéance finale. Notamment par l’eugénisme, tentative désespérée de remonter la pente de la dégradation fatale. L’horizon demeure gobinien.
Lapouge prophète hors de son pays : des États-Unis à l’Allemagne
108En décembre 1920, Lapouge est élu membre correspondant, en France, de la Galton Society, fondée à New York en mars 1918 par Charles B. Davenport (1866-1944) et Madison Grant (1865-1937), eugénistes et adeptes de la « théorie nordique » avec lesquels Lapouge échangera une importante correspondance [210]. Reconnu comme le chef de file des sélectionnistes français, Lapouge est invité à faire une communication au Second Congrès international d’eugénique, tenu à New York du 22 au 28 septembre 1921, sous la présidence du paléontologiste Henry Fairfield Osborn, fondateur de l’American Eugenics Society. Il y traite du thème « La race chez les populations mélangées [211] », et n’y fait guère que réaffirmer ses thèses anthroposociologiques des années 1890, en insistant, d’une part, sur les effets dysgéniques des guerres modernes (la guerre de 1914-1918 aurait été une grande destructrice des éléments eugéniques en chaque nation européenne), et, d’autre part, sur la persistance des « préjugé » défavorables à la théorie des races, dans l’opinion publique comme dans la communauté savante. De retour en France, Lapouge reprend sans enthousiasme, pour la dernière année, ses obscures activités de bibliothécaire à l’université de Poitiers. Un an plus tard, il ne cache pas à Davenport, dans une lettre datée du 17 septembre 1922, son sentiment de lassitude et sa conviction que la France est sur la voie du déclin, dans une Europe débilitée par la guerre de 14-18 :
« Que septembre de l’an dernier me paraît loin ! Et quelle existence vide depuis, toute mon intelligence et mon activité employées à des besognes professionnelles qui ne me laissent pas un moment de liberté d’esprit, et pourraient pour la plupart être aussi bien faites par un garçon de bibliothèque. Je vous suis plus que jamais reconnaissant de la sollicitude que vous m’avez montrée, depuis l’arrivée de la France jusqu’au départ vers Paris [212]. J’avais pensé d’abord vous envoyer un texte plus développé pour l’impression [213]. J’y ai renoncé, un peu faute de liberté pour bien faire ce travail, et surtout en considérant qu’il ne fallait pas ajouter au volume déjà gros des travaux du congrès. Pour rendre clair un travail aussi bourré d’idées, il aurait fallu l’amplifier trois ou quatre fois. Ceux qui auront vraiment le désir de le comprendre en seront quittes pour le relire trois ou quatre fois. Comme il ne contient en somme qu’un résumé de beaucoup de choses connues, les compléments remonteront d’eux-mêmes du fond de la mémoire du lecteur. Ce qui importait, c’était de forcer cette mémoire à les rapprocher. J’ai regretté au contraire et je regrette encore de n’avoir pas demandé que ce texte fût mis en bon anglais, ou plutôt en bon américain. Il aurait été intelligible pour un plus grand nombre de lecteurs. L’opinion que mon travail donnera n’est pas favorable à la vieille Europe. Cependant, ce qui pouvait paraître du pessimisme il y a juste un an ne peut plus donner la même impression maintenant. La situation s’est tellement aggravée que tous ceux qui ne se bouchent pas les yeux commencent à voir. La civilisation s’écroule, sauf dans l’Europe occidentale, où elle a l’air encore debout mais où l’extérieur seul subsiste cependant. Ce qu’il y a de meilleur dans le matériel humain a été détruit par la guerre dans une proportion considérable, achevé par les massacres en Russie, et ce qui subsiste dans l’Europe centrale meurt de faim, non pas dans le sens littéraire mais dans le sens physiologique de l’expression. Il n’y a assez pour se nourrir que dans les classes ouvrières et paysannes, et chez les spéculateurs de tout étage. En France, cela est moins sensible, mais déjà les classes cultivées ne peuvent plus envoyer leurs enfants dans les universités, lesquelles se vident. On leur donne des professions permettant de gagner sa vie dès l’âge de dix-huit ans. Ainsi on pourra sauver les familles d’élite, mais aux dépens de la culture. Si la crise dure et s’étend, au milieu du siècle la France sera au niveau intellectuel de l’Espagne actuelle, ou au-dessous. Et cela me ramène à mon idée : on ne fera utilement de l’eugénisme que le jour où l’on aura le moyen de donner aux eugéniques les ressources nécessaires pour créer de nombreuses familles et leur donner les moyens nécessaires de cultiver leurs facultés. En France, c’est le contraire que l’on fait. On est plein de sollicitude pour la descendance de Lampela-Goutte et de Boit-sans-Soif, mais on ne se soucie guère de celle des hommes et des femmes de valeur, qui sont trop peu nombreux au point de vue électoral. Dans le monde où je vis, les jeunes gens diplômés gagnent moins que les ouvriers, et les fortunes n’étant plus en rapport avec le prix de la vie, les jeunes filles ne peuvent pas leur apporter de dots suffisantes pour compléter les revenus nécessaires. Donc plus de mariages, ou s’il y a des mariages, plus d’enfants [214]. »
110Ce qui, dans la correspondance de Lapouge comme dans ses derniers textes (articles ou préfaces), vient au premier plan, c’est la dénonciation du « travail de décivilisation et de réduction de l’humanité à son niveau mental primitif » (lettre à Davenport du 20 février 1925 [215]). En 1923, dans un texte en hommage à Gobineau, « Dies irae. La fin du monde civilisé [216] », que Jean-Richard Bloch lui avait commandé pour la revue Europe [217], Lapouge se montre une fois de plus un visionnaire de la décadence finale, engendrée par le mélange croissant des races et des lignées, qui élimine les eugéniques en tout peuple. Invité par la leader féministe Margaret Sanger (1883-1966) [218] à participer en mars 1925, à New York, au Sixième Congrès international du mouvement du « Birth Control », c’est-à-dire du mouvement néo-malthusien [219], Lapouge en revient convaincu de la nécessité d’une alliance entre les milieux sélectionnistes et la Birth Control League.
111Peu avant son voyage à New York, dans sa lettre à Davenport du 20 février 1925, Lapouge précise sa position sur le mouvement néo-malthusien français, non sans une certaine injustice à l’égard, notamment, de l’action d’un Paul Robin qui, dès le milieu des années 1890, avait prôné une politique eugénique incluant la limitation des naissances [220], dans une perspective fort proche de celle des néo-malthusiens eugénistes anglo-saxons. Mais, pour Lapouge, le contrôle de la procréation ne doit pas relever de la décision individuelle. Le principe de la dissociation radicale du plaisir sexuel, de la passion amoureuse et de la procréation étant posé comme une évidence première, il s’ensuit que la tâche de procréer doit être soumise à un strict contrôle social, ne tenant nul compte des désirs aveugles des individus, ni de leurs intérêts à courte vue :
« En France, le néo-malthusianisme est surtout une doctrine de gens qui veulent conserver la jouissance et se débarrasser de la fécondité. En Amérique, il paraît s’inspirer plutôt de tendances sélectionnistes. J’ai sur ce point une opinion très ferme : le sacerdoce de la fécondation ne doit pas être accessible à tout le monde, et en toutes circonstances ; la reproduction est une fonction sociale qui doit être soumise au contrôle de la société. Le mariage est devenu une affaire d’intérêt le plus souvent, quelquefois d’amour, par la faiblesse de l’État et de l’Église qui l’ouvrent à tout venant, alors qu’il doit être un contrat ayant pour but la reproduction, la sécurité de la famille, et pas autre chose [221]. »
113Prôner ainsi la socialisation, voire l’étatisation de la procréation, c’est récuser l’hédonisme libéral et libertaire moderne, qui suppose le principe de la totale liberté individuelle de procréer. L’eugénisme est un anti-individualisme. La prévention des naissances, pour Lapouge, ne se justifie qu’à la condition d’être finalisée par l’amélioration de la qualité biologique humaine. De retour en France après son second et dernier voyage aux États-Unis, Lapouge écrit à Margaret Sanger, le 24 avril 1925 :
« Je désirais vous envoyer maintenant le résultat des réflexions que j’ai faites pendant le congrès et depuis, mais cela comporte tout un programme d’action, et je n’ai pas encore le temps de l’écrire. Je me borne à vous dire que vous aurez désormais en moi un collaborateur très résolu et que je regarde les intérêts et les programmes de sélectionnisme comme inséparables de ceux de la Birth Control League. Il y a un travail formidable à accomplir pour changer l’opinion et modifier les idées sur la morale en général et la morale sexuelle en particulier, mais l’avenir et le progrès de l’espèce humaine exigent que ce travail s’accomplisse sans retard et sans timidité [222]. »
115Les réticences du « vétéran de l’étude des races en Europe [223] » vis-à-vis du mouvement du Birth Control semblent ainsi avoir disparu : une alliance militante avec les milieux néo-malthusiens devient même nécessaire aux yeux de Lapouge [224].
116L’engagement sur ce nouveau front n’empêche nullement Lapouge de s’activer pour faire publier, chez Payot (qui se montre plutôt réticent), une traduction française du best-seller de son ami et correspondant Madison Grant, The Passing of the Great Race (1916) [225]. Cette traduction de la bible de l’eugénique raciale américaine ne paraît qu’en 1926, avec une longue préface de Lapouge, dans laquelle celui-ci s’efforce de montrer que le diagnostic pessimiste de Grant vaut autant pour la France que pour les États-Unis [226]. La désignation de l’immigration comme menace pesant sur l’avenir des populations de « race blanche » devient un thème récurrent : Lapouge se montre convaincu par Grant, vice-président, de 1922 à sa mort, de l’Immigration Restriction League, que la survie de la « race blanche » dépend de la suppression de l’immigration. Lapouge traduit lui-même un long tract de propagande de l’American Defense Society (New York), rédigé par Grant : « L’Amérique aux Américains », placé en appendice du Déclin de la grande race [227]. Le livre est un échec : sur un tirage de 2 000 exemplaires, 1 000 sont vendus et 1 000 seront mis au pilon en juin 1933. Faute d’un mouvement racio-eugéniste en France, il n’y a pas de public large pour ce type d’ouvrage doctrinaire. Il faut relever néanmoins que, dans leur communication sur « les aspects sanitaires du problème de l’immigration en France », au XIIIe Congrès d’hygiène (Paris, Institut Pasteur, 19-21 octobre 1926) [228], le Dr Georges Dequidt (inspecteur général des Services administratifs) et le Dr Georges Forestier (inspecteur départemental d’Hygiène) citent longuement la « remarquable préface » de « l’anthropologiste Vacher de Lapouge », voyant dans l’immigration massive des « types inférieurs, indésirables », le principal signe avant-coureur du « crépuscule de notre civilisation occidentale et du déclin de la race blanche [229] ».
117En mars 1927, Lapouge entre en relations avec Hans F. K. Günther (1891-1968), théoricien völkisch des races européennes qui se présente comme son disciple. Dans une longue lettre à Günther datée du 25 mars 1927, Lapouge résume ses conceptions racialistes et sélectionnistes, et prophétise la victoire finale de l’école anthroposociologique, sans pour autant cacher la position marginale dans laquelle il se trouve, lui, le fondateur de « l’école de la race et de la sélection » :
« Monsieur,
« Depuis que vous avez bien voulu me faire envoyer la Rassenkunde Europas [Munich, 1924], j’ai gardé ce livre à portée de ma main, pour le discuter détail par détail, et il m’a suivi depuis lors sur terre et sur mer, sans que je trouve la tranquillité nécessaire pour réaliser un pareil projet […]. Je suis en désaccord avec vous sur bien des détails, probablement parce que vous n’avez pas sur tous les points une documentation aussi complète que la mienne, mais je considère votre livre comme une manifestation de grand courage et une tentation très louable d’orienter la pensée allemande vers une conception exacte des fondements de la science sociale. Quand, aux temps lointains de ma jeunesse, je faisais part à Darwin [sic] de mes idées sur les sélections sociales et sur les principes pratiques de morale sociale et de droit à tirer des lois biologiques, il me répondait : “Vous avez assurément raison, mais avant l’avènement du droit biologique, apprêtez-vous à recevoir les palmes du martyre.” Vous aussi, Monsieur, apprêtez-vous à recevoir les palmes du martyre. Il y a maintenant dans le sens où vous allez un puissant courant d’opinion, qui résulte de l’échec pitoyable des illusions démocratiques et du discrédit des idées politiques et sociales du christianisme ; mais vous n’allez pas moins de front à la bataille contre l’Église, la démocratie, les francs-maçons, les impérialistes de tout poil et de tout pays. Cela fait beaucoup d’ennemis à combattre et de coups à recevoir […]. Les hommes, ou presque tous, sont ennemis naturels de l’anthroposociologie, parce qu’ils sont humiliés d’entendre dire qu’ils descendent du singe, ou quelque chose d’approchant, et craignent, quand on leur mesure le crâne, d’apprendre qu’ils sont de vils brachycéphales ou des métis incohérents, des êtres d’une infériorité sans remède. Pour ne pas [se] hérisser contre ce sans remède, cette prédestination, cette damnation biologique, il faut une grande force d’âme qui justement n’est pas l’apanage des races inférieures, ni des lignées inférieures des races supérieures. Alors on se défend comme on peut. D’abord le dédaigneux silence, les persécutions contre les porteurs des idées nouvelles, les efforts pour détruire les matériaux anthropologiques mis à jour par le hasard des fouilles, pour empêcher de relever les mensurations sur le vivant ou sur les ossements. J’ai connu tout cela. J’ai été obligé de cesser de mensurer, de laisser détruire d’antiques cimetières sans pouvoir toucher à un crâne ; j’ai dû, à un moment donné, faire partir à l’étranger ma collection d’anthropologie que l’on voulait faire enterrer ; j’ai été bloqué dans une université de province parce que j’aurais été trop dangereux à Paris ; on a détruit mes livres au point de les rendre introuvables. Cela n’a pas empêché l’anthroposociologie d’envahir le monde et de passer dans la législation des peuples en progrès et de dominer aujourd’hui toute la politique étrangère et sociale de l’Amérique. Et le jour viendra où, comme je l’ai prophétisé il y a quarante ans, les ennemis des doctrines biologiques n’auront que la ressource de chercher un refuge dans l’Église [230], et de se défendre avec ses canons jusqu’à ce que les voûtes en s’écroulant les ensevelissent. Mais ce jour, ce n’est pas encore vous qui le verrez : tout au plus si vous êtes très jeune, vous pourrez contempler de loin la Terre promise.
« Ce qui complique infiniment la question c’est qu’en somme, nos adversaires paraissent avoir raison quand ils soutiennent que, de métissage en métissage, il n’y a plus de races aujourd’hui. De fait, il n’y a pas un homme sur la terre qui, parmi ses millions d’ancêtres, ne compte des représentants de toutes les races, ou à peu près, et en nombre très très dominant des représentants de races parfaitement opposées à celles dont il présente tous les caractères réunis et sous la forme la plus accusée, si nous sommes en présence d’un de ces individus que les anthropologistes regardent comme un type de race pure. Cela ne manque point d’étonner les profanes, qui par individu de race pure comprennent toujours un individu très parfait de lignées animales sélectionnées, poule Dorking, taureau Durham ou porc craonnais. C’est cette erreur dans la conception de la race qui fait tout le mal [231]. »
119Le vieux maître français du sélectionnisme donne des articles à Die Sonne, revue völkisch et eugéniste (fondée en 1924) où il est célébré comme un maître et un fondateur : en décembre 1929, la revue consacre un numéro spécial à son œuvre, à l’occasion de son 75e anniversaire [232]. Il poursuit jusqu’en 1934 sa correspondance avec le wagnérien et gobiniste Ludwig Schemann (1852-1938) [233], commencée en 1898 après son adhésion à la Gobineau-Vereinigung, fondée par Schemann en 1894 [234]. Il est en relations constantes avec l’Anneau nordique (Nordischer Ring), organisation mystico-raciste fondée en 1926 par Paul Schultze-Naumburg, à laquelle appartiennent Ludwig Schemann, Hans F. K. Günther et J. F. Lehmann, l’éditeur völkisch de Munich [235]. Entre 1927 et 1934, il publie nombre d’articles dans les revues eugénistes anglo-saxonnes : Eugenics Review (Londres) et Eugenical News (New York) [236]. Mais c’est essentiellement à ses recherches entomologiques qu’il consacre ses dernières années. Il ne cesse pas pour autant de suivre et d’interpréter l’actualité politique, qu’il s’agisse du traitement de l’immigration dans les deux Amériques, des ravages produits par l’individualisme sur l’ordre social, de la corruption en France et en Allemagne, ou de la montée du national-socialisme, abordant toutes ces questions sous l’angle de l’avenir de « la civilisation » supposée menacée par la raréfaction de « l’élément européen ». Lapouge continue d’osciller entre sa permanente disposition pessimiste et la perspective d’une régénération sélectionniste à long terme. En témoigne une longue lettre datée du 4 avril 1929, adressée à Madison Grant :
« Je n’ai pas produit grand chose, paralysé par le froid, déprimé ensuite par la maladie. Il a paru dans la revue de Konopath, Die Sonne, n° de janvier 1929, un article très important, “Der biologische Ursprung der Ungleichheit der Klassen” [237], mais il était écrit depuis plusieurs mois. J’ai surtout corrigé des épreuves des Carabinae, et écrit de petites notes doctrinales sur le sélectionnisme, qui ont été insérées par leurs destinataires dans divers périodiques, surtout allemands. Cela sert à la propagande plus que les gros mémoires, en créant un état d’opinion […]. Par Du Pont, qui est un aide zélé, j’ai reçu les coupures les plus importantes relatives à la nouvelle modification de la législation des immigrants. Je considère que les Latins d’Amérique sont et seront de moins en moins à considérer comme des blancs, les Mexicains en particulier. Sauf au Chili et en Argentine, il est bien évident que l’élément européen est appelé à disparaître. L’inexorable loi de Lapouge joue en plein dans l’Amérique et dans l’Amérique du Sud. Dans trois ou quatre siècles, il ne restera rien de la colonisation blanche, sauf quelques résidus de métis dégradés. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas chez les Indiens des hommes de haute valeur, mais il faudra les laisser constituer leur caste d’eugéniques, et éviter les mélanges. Le sélectionnisme n’implique pas l’extermination des races non aryennes, mais l’épuration de toutes les races d’un certain degré d’organisation mentale, et leur acheminement vers un niveau sans cesse supérieur […]. La corruption la plus effroyable se développe en France et en Allemagne, dans toutes les classes et à tous les points de vue. Le mammonisme dévore tout. De plus en plus tout est à vendre, les femmes, les juges, les fonctionnaires, le Parlement, le clergé, les gouvernements. Un honnête homme finit par être regardé de travers, non plus comme un imbécile, idée déjà ancienne, mais comme un danger latent pour le succès des opérations des autres […]. Vous me direz que, dans tous les temps, les moralistes en ont dit autant. Mais la démoralisation de l’Europe par les secousses de la guerre a été si profonde que ses effets, au lieu de s’éteindre, vont en croissant, et que toutes les ressources de la vie civilisée, après avoir servi à la destruction des hommes et des choses, mettent leur puissance formidable au service des destructeurs de la civilisation. Je ne crois pas cependant au triomphe définitif des Mal-Descendus-du-Singe. Le monde n’a pas été touché tout entier, et, dût-il l’être, et la civilisation retourner à un état voisin de l’animalité, il subsistera bien quelque part des restes de lignées meilleures pour recommencer l’évolution décrite dans mon “Ursprung der Ungleichheit”, et la mener d’autant plus vite qu’on retrouvera toujours des objets fabriqués, et peut-être des inscriptions et des livres pour guider les animateurs de la civilisation nouvelle […]. Tant que le soleil brillera et que la descendance des hommes ne sera pas perdue, l’évolution pourra reprendre. Fallut-il pour cela cent ou cent mille générations […]. Il faut toujours que les évolutionnistes fassent entrer dans leurs calculs le facteur “temps”, pour des durées auprès desquelles le temps présent, la durée de la civilisation actuelle, compte pour un infiniment petit. C’est une idée qui échappe encore à tous, et qu’il faut répandre, car elle assure la certitude à tous les espoirs, même ceux qui paraissent chimériques aujourd’hui.
« Remarquez que la profonde démoralisation du temps présent est d’ailleurs une cause de sélections qui tendent à la compenser. Tous ces détraqués et ces détraquées qui nous épouvantent ne laisseront guère de descendance, et avec eux leurs hérédités s’éteindront. L’effet sur les éléments passifs qui les suivent subsistera, mais le nombre des facteurs de décadence ne sera pas augmenté. Ce phénomène du désordre social est dû surtout à ce que l’esprit civique ne s’est pas développé chez l’homme au même degré que les autres facultés. Alors que la base des sociétés est l’esprit d’abnégation et le dévouement à l’utilité sociale qui fait négliger l’intérêt individuel, ce que nous voyons chez les abeilles, les fourmis et les termites, l’individualisme et le culte du moi sont à la base de la vie familiale et sociale des hommes. Cela est dû à l’imperfection de l’évolution, et aussi beaucoup au christianisme et à la philosophie. Le souci de la vie future, la revendication des droits de l’homme, mettent dans l’ombre l’intérêt de la collectivité. On ne trouve le culte de celui-ci développé que chez des individus isolés, par instinct, et chez les adeptes de la Plus Grande Conscience, comme base religieuse. Les uns et les autres ne font qu’une minorité infime de l’humanité [238]. »
121Une fois de plus, Lapouge affirme le principe d’une incompatibilité totale entre les valeurs individualistes, universalistes et humanitaristes héritées principalement du christianisme et celles qui fondent le « programme du monisme sélectionnisme », les valeurs expressément collectivistes, utilitaristes et eugénistes sur lesquelles il s’agit de refonder l’ordre social.
122Face à l’hitlérisme, Lapouge se montre ambivalent, en ce qu’il y reconnaît – non sans vanité – le passage au politique de certaines de ses thèses et prescriptions (racistes, eugénistes, collectivistes), tout en en stigmatisant le caractère de contrefaçon ou de dénaturation des principes sélectionnistes. Le 2 avril 1932, Lapouge écrit ainsi à son disciple Emmanuel Assire (traducteur de Madison Grant) : « Le programme social de Hitler a été patiemment construit sur les données de mes publications sélectionnistes de ces dernières années. Seulement, le lait a tourné et il n’y a dans la casserole qu’une cuisine de sorcière [239]. » Quelques mois avant sa mort, le vieux prophète écrit à la veuve de son disciple Du Pont, le 12 mai 1935, et s’interroge non sans lucidité sur le destin d’Hitler : « L’avenir dira si la politique de croquemitaine de ce grand homme ne peut aboutir qu’à d’effroyables exterminations et à la fin des meilleurs [240]. » Le national-socialisme, en cela héritier du pangermanisme, semble n’être qu’à ses yeux qu’un dévoiement belliciste et nationaliste du monisme sélectionniste. Une repoussante caricature. Ses écrits aryano-eugénistes ont pourtant contribué à la faire advenir. Et, le 28 mai 1931, il pouvait encore écrire à Schemann : « Ce qu’il faut chercher, c’est […] la production des surhommes. » Il est sûr, comme Lapouge l’a lui-même noté, que « le métier de prophète est rempli de déboires [241] ».
123Lapouge s’éteint à Poitiers le 20 février 1936, à 82 ans, dans une indifférence presque générale. La revue entomologique internationale, Miscellanea entomologica, rend cependant un hommage appuyé au spécialiste du genre Carabus : « Spécialiste de très haute valeur, il était à peu près le seul à posséder une documentation très approfondie sur tous les insectes et particulièrement sur les Carabes et les larves. Il avait donné de ces dernières une morphologie complète et entrepris leur nomenclature d’une manière magistrale. Ses impressions n’étaient jamais banales et ses élans toujours enthousiastes et féconds. On ne s’adressait jamais à lui inutilement. Il savait emballer les jeunes, puis habilement les soutenir, les aider, les conseiller. Critique sévère, mais juste, il tranchait à l’emporte-pièce, mais toujours avec bonté [242]. »
124Le comte Begouën réagit à la disparition de Lapouge en consacrant au « savant original » un article empathique et élogieux, non sans stigmatiser « le père de l’“Aryanisme” », dans son feuilleton du Journal des débats, le 22 août 1936 : « Il y a quelques mois, mourait dans une ville de province un savant, dont la disparition passa presque inaperçue, et qui, cependant, eut – et a encore – sur la politique mondiale une influence considérable. Georges Vacher de Lapouge, le véritable fondateur du Racisme et surtout de l’Aryanisme, celui qui pensa donner aux rêveries quelque peu nébuleuses de Gobineau une soi-disant base scientifique, est mort âgé (82 ans), à Poitiers, en février dernier, dans un oubli presque complet. Étant donné le succès remporté hors de nos frontières, et en quelque sorte contre nous, par ses théories, il me semble qu’on ne peut laisser disparaître ce savant original sans lui consacrer quelques lignes. Vacher de Lapouge était, sans nul doute, un esprit supérieur, et plus d’une de ses observations méritent de retenir l’attention du philosophe et de l’homme politique ; mais son caractère trop dogmatique les lui a fait souvent pousser à l’exaspération, au paradoxe et même au parti pris. Il ignorait les nuances, aussi bien dans ses relations personnelles que dans l’expression de sa pensée. »
125Quant à Henri-Victor Vallois, il conclut son article nécrologique, dans L’Anthropologie, en 1936, par un jugement nuancé : « Esprit observateur et laborieux, M. Vacher de Lapouge a certainement mérité mieux que l’oubli dans lequel il était relégué. L’outrance des théories qu’il développait, la façon trop catégorique dont il exposait ses “lois”, en n’hésitant pas à créer, même pour l’anthropologie physique, des races nouvelles et peu justifiées […], expliquent probablement le vide qui a été fait autour de ses recherches. Il y a cependant des choses exactes dans celles-ci, et il serait injuste de l’oublier [243]. »
126En juillet 1937, l’anthropologue Étienne Patte, alors professeur à la faculté des Sciences de Poitiers, publie une étude approfondie sur l’œuvre et la trajectoire de Lapouge, comportant une importante bibliographie divisée en quatre sections principales : Droit ; Anthropologie, paléontologie des primates ; Anthroposociologie ; Biologie, zoologie, paléontologie. Dans cette dernière section, les nombreuses publications de Lapouge sur le genre Carabus dévoilaient au lecteur de l’époque, qui ne connaissait guère Lapouge qu’en tant que doctrinaire raciste, une tout autre figure de savant naturaliste, dont la « carrière » internationale avait été parallèle à celle de l’anthroposociologue. Étienne Patte était loin d’avoir la moindre sympathie pour les théories racistes, dont il dénoncera les prétentions scientifiques dans deux livres parus en 1938 : Le Problème de la race. Le cas de l’Europe, passé et présent [244] et Race, races, races pures [245]. De cette étude en forme d’hommage, nous ne retiendrons ici que ce qui relève du témoignage : « Poitevin d’adoption, ce n’est que quelques années avant sa mort que j’ai eu l’honneur de faire la connaissance de Vacher de Lapouge. J’ai pu, pendant ces trop courtes années, apprécier la façon toute spéciale dont il s’intéressait aux jeunes et cherchait à les encourager […]. Afin d’éviter toute équivoque, je tiens tout d’abord à dire que, si le même intérêt porté à l’anthropologie, si des goûts communs et une réelle sympathie nous reliaient, nous professions à l’égard de certaines questions des opinions toutes différentes. […] En 1909, il se retira à Poitiers, il ne devait plus guère s’occuper d’anthroposociologie, mais s’occupa presque uniquement d’entomologie. Beaucoup de ses concitoyens ignoraient certainement quel savant ils rencontraient […]. Les idées anthroposociologiques de Vacher de Lapouge avaient surtout trouvé écho dans les pays de langue germanique ou anglo-saxonne. […] Ses travaux entomologiques eux-mêmes ont été surtout publiés ailleurs, en Allemagne, en Angleterre et en Amérique. […] Naturaliste, il s’occupa un peu de certains Mammifères, de certains Crustacés, ainsi que d’une dent de Singe fossile, Anthropodus Rouvillei ; mais c’est surtout aux Insectes qu’il se consacra. Son travail entomologique est une œuvre formidable, un travail de bénédictin ; son Genera des Carabidés, édité par Wytsman, est, de l’avis de E. Barthe, l’éminent directeur des Miscellanea entomologica, un ouvrage qui vaudra à son auteur d’être compté parmi les plus grands entomologistes du monde. De tels travaux n’entraînent pas de polémiques sur le forum. Il n’en est pas de même des théories anthroposociologiques ; elles touchent aux plus grands problèmes politiques, sociaux, moraux même… »
127Après 1945, Lapouge semble définitivement oublié, en France comme ailleurs. Mais, dans les marges du champ politique et du système culturel, persiste l’intérêt pour le personnage hors du commun et le théoricien raciste officiellement oublié [246]. Le témoignage de Louis-Ferdinand Céline montre que le sulfureux Lapouge n’a point cessé d’occuper ultérieurement certains esprits. Deux ans après la disparition du régime nazi, Céline écrit à l’universitaire américain (et d’origine juive) Milton Hindus : « Aucune gêne à vous avouer que je n’ai jamais lu Mein Kampf ! […] Je n’ai jamais lu Drumont non plus – seulement Gobineau dans le genre et il est philosémite – ! » (2 septembre 1947). Quelques semaines plus tôt, il lançait au même correspondant : « Il faut créer un nouveau racisme sur des bases biologiques – les éléments existent. » (10 août 1947 [247]). Son intérêt pour Lapouge, théoricien du « racisme biologique » et personnage atypique, Céline l’affirme clairement, comme une bravade, en 1959, montrant qu’il s’était informé quelque peu sur l’itinéraire du raciologue eugéniste alors totalement oublié. Gallimard ayant créé la collection « Leurs Figures », dans laquelle venait d’être publié « le magistral Lyautey de Guillaume de Tarde » (Bulletin de la N.R.F., n°139, juin 1959, p. 10-11), la N.R.F. lance une enquête auprès d’auteurs célèbres (de la maison Gallimard) sur les biographies qu’ils aimeraient écrire pour ladite collection. Céline répond par une lettre à Roger Nimier, datée du 9 mai 1959 :
« Question biographie si j’étais obligé de m’y mettre, je choisirais Vacher de Lapouge. Ce me serait l’occasion de me renseigner moi-même et d’un mystérieux homme ! Pourtant, il semble procureur général à Poitiers vers 1880… Bien en évidence donc ! Ses livres sont à la Bibliothèque Nationale mais lui-même ne figure dans aucun dictionnaire ! [248] »
Conclusion
129Depuis le milieu du xxe siècle, la page du racisme « scientifique » paraît être tournée, en dépit de certaines survivances idéologiques observables [249]. Cette composante de l’héritage lapougien est assurément désuète. Mais tout n’est pas mort dans la synthèse doctrinale réalisée par Lapouge à la fin du siècle dernier. Ce qu’elle offrait à ses contemporains, c’était d’abord une théorie de l’inégalité des races susceptible de passer au politique en tant que mode de légitimation de pratiques discriminatoires et ségrégatives, voire génocidaires. Mais c’était aussi un projet d’amélioration de l’espèce humaine par le contrôle de ses modes de reproduction. Depuis un demi-siècle, on assiste à un processus de décomposition de la doctrine racio-eugéniste construite par Lapouge : alors que sa composante racialiste relève désormais de l’histoire des idées, sa composante eugéniste semble bien vivante dans l’imaginaire contemporain, derrière l’écran de fumée constitué par les dénonciations rhétoriques et l’indignation rétrospective suscitée par la mise en pratique, sous le régime hitlérien, du programme de l’eugénique raciale. C’est que les idéaux eugéniques semblent en parfaite consonance avec les valeurs et les normes sociales en cours, telles qu’elles sont observables, tout particulièrement, dans les pays occidentaux : le culte de la santé et de l’éternelle jeunesse, la néo-religion de la force surhumaine (dont le spectacle de la performance sportive forme le rituel), l’idolâtrie de « l’intelligence » (à identifier et à mesurer toujours plus précisément) – impliquant la survalorisation du calcul et de la vitesse –, le règne sans partage des normes utilitaristes – machine à multiplier les « bouches inutiles » et les « vies sans valeur » –, la volonté de contrôle et de maîtrise de tous les processus naturels, à commencer par la procréation, dont le caractère passionnel, « sauvage » et aléatoire devient de plus en plus insupportable à ceux qui veulent vivre « à l’âge de la science et de la technique [250] ». L’« anthroposociologie » lapougienne s’est ainsi dissociée en une théorie raciste scientifiquement réfutée et un projet eugéniste qui, métamorphosé, est revenu hanter les esprits. Le mythe aryen revisité par Lapouge est bien mort. Mais l’utopie eugéniste paraît renaître de ses cendres. Ce qui est en cours de réalisation et surtout de légitimation dans les sociétés contemporaines occidentalisées, c’est la désimplication des trois « fonctions » que sont la procréation, le plaisir sexuel et l’amour-passion (phénomène ni naturel ni nécessaire, et pathologique, selon Lapouge), abusivement réunies, selon notre médecin de la civilisation, par le mariage moderne à base de morale d’origine chrétienne. C’est sur la base de celle-ci qu’a été instituée la monogamie, allant de pair avec le mariage indissoluble. Voilà qui va à l’encontre de la morale sélectionniste, qui plaide à la fois pour la totale liberté du plaisir sexuel (sans visée procréatrice) et le contrôle eugénique de la reproduction humaine, impliquant la légalité de la polygamie. Car, pour Lapouge, un individu « eugénique » – aujourd’hui : un « bon » donneur de sperme, sélectionné comme tel par les responsables d’une quelconque « banque de sperme » – doit pouvoir féconder, en toute légalité et légitimité, un maximum de femmes. On assiste bien, aujourd’hui, à travers la procréation assistée au moyen du « don de sperme » soumis à différents types de tris, à un début de réalisation de cette utopie eugénique, fondée sur le principe, culturellement normalisé, qu’un seul reproducteur sélectionné est susceptible d’avoir une multitude de descendances parallèles.
130Du sélectionnisme lapougien, ce n’est donc pas le racisme aryaniste qui semble avoir de l’avenir. C’est le projet de « refonte » de la nature humaine, le programme d’un remodelage systématique, par des moyens biotechnologiques ou biomédicaux (tri génétique pré-implantatoire des embryons humains, thérapie génique germinale, clonage reproductif, etc.), du patrimoine génétique de l’espèce humaine. Le projet d’une auto-amélioration de l’espèce humaine est inscrit sur l’agenda du xxie siècle. Il est susceptible de satisfaire l’espérance progressiste, mais tout autant de constituer une bonne raison de craindre le pire. Ce projet prométhéen n’a pas perdu son double caractère de perspective fascinante et d’horizon terrifiant. Mais s’il convient de se méfier des prophètes, de malheur comme de bonheur, il faut aussi se méfier des prophéties. L’avenir reste ouvert.
Notes
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[1]
Directeur de recherche au CNRS, Paris, CEVIPOF.
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[2]
Sur l’influence pluridimensionnelle de la pensée de Haeckel, voir Daniel Gasman, The Scientific Origins of National Socialism : Social Darwinism in Ernst Haeckel and the German Monist League, Londres, Macdonald, 1971.
-
[3]
Voir Elazar Barkan, The Retreat of Scientific Racism : Changing Concepts of Race in Britain and the United States Between the World Wars, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 1992.
-
[4]
Voir Georges Vacher de Lapouge, « De l’inégalité parmi les hommes », Revue d’anthropologie, 17e année, 3e série, t. III, n° 1, 15 janvier 1888, p. 9-38.
-
[5]
Id., « La dépopulation de la France », Revue d’anthropologie, 16e année, 3e série, t. II, n° 1, 15 janvier 1887, p. 69-80.
-
[6]
Pour situer l’eugénique « darwinienne », socialiste et racialiste de Lapouge par rapport aux deux autres principaux courants de l’eugénique en France, le courant nataliste, « lamarckien », éducationniste et patriotique (incarné par les médecins puériculteurs) et le courant néo-malthusien, pacifiste et souvent libertaire (lié au mouvement féministe), voir Pierre-André Taguieff, « Eugénisme ou décadence ? L’exception française », Ethnologie française, t. 24, n° 1, janvier-mars 1994, p. 81-103 ; Anne Carol, Histoire de l’eugénisme en France. Les médecins et la procréation xixe-xxe siècle, Paris, Seuil, 1995, passim ; Jean Gayon, « Eugénisme », in Josué Feingold, Marc Fellous, Michel Solignac (dir.), Principes de génétique humaine, Paris, Hermann, 1998, p. 459-483 ; Alain Drouard, L’Eugénisme en questions. L’exemple de l’eugénisme « français », Paris, Ellipses, 1999, passim.
-
[7]
Georges Vacher de Lapouge, « Dies Irae. La fin du monde civilisé », Europe, n° 9, 1er octobre 1923, p. 59-67. Sur cet aspect, voir Pierre-André Taguieff, L’Effacement de l’avenir, Paris, Galilée, 2000, p. 321-326 ; id., Du progrès. Biographie d’une utopie moderne, Paris, Librio, 2001, p. 125-126.
-
[8]
Voir Philippe Raynaud, « L’utopie scientifique et le projet systématique. De d’Alembert à Saint-Simon », in Pierre Musso (dir.), Actualité du Saint-Simonisme. Colloque de Cerisy, Paris, PUF, 2004, p. 35-46.
-
[9]
Voir James Sully, Le Pessimisme. Histoire et critique [1877], traduction française A. Bertrand et P. Gérard, Paris, Germer Baillière, 1882, p. 378 (le terme meliorism a été emprunté par Sully à George Eliot) ; et P. A. Taguieff, Le Sens du progrès. Une approche historique et philosophique, Paris, Flammarion, 2004, p. 312-313, 320 sq.
-
[10]
Voir Stephen Jay Gould, La Mal-Mesure de l’homme [1981, 1996], nouvelle édition revue et augmentée, traduction française Jacques Chabert et Marcel Blanc, Paris, Éditions Odile Jacob, 1997, p. 183-272.
-
[11]
Ibid., p. 107-148.
-
[12]
Sur la carrière politico-administrative de Louis Liard (1846-1917), nommé recteur de l’académie de Caen en 1880, exerçant ensuite la fonction de directeur de l’enseignement supérieur de 1884 à 1902, puis vice-recteur et enfin recteur de l’université de Paris, voir Alain Renaut, « Une philosophie française de l’université allemande. Le cas de Louis Liard », Romantisme, XXVe année, n° 88, 1995, p. 85-100.
-
[13]
Georges Vacher de Lapouge, Souvenirs [10 pages dactylographiées, Archives Lapouge, Montpellier, université Paul Valéry], fin 1929 ; texte publié par Henri de La Haye Jousselin dans son livre : Georges Vacher de Lapouge (1854-1936). Essai de bibliographie, Paris, [chez l’auteur], 1986, p. 11. Cet article autobiographique avait été rédigé par Lapouge à la demande de la revue völkisch fondée et dirigée par l’antisémite Theodor Fritsch, le Hammer.
-
[14]
« Souvenirs », in op. cit., p. 12
-
[15]
Voir Georges Vacher de Lapouge, « Durand de Gros et l’analyse ethnique », Revue scientifique, 15 août 1903, p. 203-207 ; étude reprise dans id., Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, 1909, p. 273-287.
-
[16]
Nous citons cette conférence d’après son manuscrit, conservé aux Archives Lapouge, Montpellier, université Paul Valéry.
-
[17]
Voir notamment Georges Vacher de Lapouge, « L’hérédité », Revue d’anthropologie, 15e année, 3e série, t. I, 1er octobre 1886, p. 512-521 ; id., « L’anthropologie et la science politique », Revue d’anthropologie, 16e année, 3e série, t. II, n° 2, 15 mars 1887, p. 136-157.
-
[18]
Voir son témoignage dans Souvenirs, op. cit., p. 13.
-
[19]
L’approche biologique du droit est illustrée par une série d’études : « Études sur la nature et sur l’évolution historique du droit de succession. Étude première : Théorie biologique du droit de succession », Revue générale du Droit, de la Législation et de la Jurisprudence, t. IX, 3, mai-juin 1885, p. 205-232 ; 4, juillet-août 1885, p. 316-330 ; « Études sur la nature […]. Étude seconde : Les trois stades de l’évolution », ibid., t. x, 5, septembre-octobre 1886, p. 408-434. Sur cette esquisse d’une anthropologie biologique du droit, voir Pierre-André Taguieff, « Théorie des races et biopolitique sélectionniste en France. Aspects de l’œuvre de Vacher de Lapouge (1854-1936) », Sexe et Race, III, 1988, p. 12-60 (1re partie).
-
[20]
Voir Francis Galton, Inquiries into Human Faculty and its Development, Londres, Macmillan, 1883, XII-387 p. ; voir en particulier p. 24-25.
-
[21]
Voir Georges Vacher de Lapouge, « L’hérédité », art. cit. [1886], en particulier p. 516-517.
-
[22]
Ibid., p. 516. On notera qu’avant de désigner une science, une science appliquée ou une technique, le terme eugénique apparaît chez Lapouge en tant qu’adjectif (« races eugéniques ») ou comme nom commun s’appliquant à des individus dotés d’aptitudes héréditaires supérieures à la moyenne (« des eugéniques »). Voir aussi id., « L’anthropologie et la science politique », art. cit., p. 147 (« Il y a des familles d’eugéniques », « familles eugéniques ») ; id., « L’hérédité dans la science politique », Revue d’anthropologie, 17e année, 3e série, t. III, n° 2, 15 mars 1888, [p. 169-191], p. 175-176 (« Il y a des familles de dégénérés […]. Chez d’autres, le talent vient par droit de naissance, comme la santé, la force, la beauté […]. Ceux-là sont les eugéniques et l’eugénisme est le sourire de l’hérédité, comme la dégénérescence est sa malédiction »). Sur l’introduction des termes eugénique et eugénisme, voir Jacques Léonard, Médecins, malades et société dans la France du xixe siècle (textes réunis et présentés par Claude Bénichou), Paris, Sciences en situation, 1992, p. 147 sq. [Article paru en 1983] ; Pierre-André Taguieff, « L’introduction de l’eugénisme en France : du mot à l’idée », Mots/Les langages du politique, n° 26, mars 1991, [pp. 23-45], p. 24 sq.
-
[23]
Voir notamment Paul Broca, « Les sélections », Revue d’anthropologie, t. I, 1872, p. 683-710 [en particulier p. 705 sq.] ; Alphonse de Candolle, Histoire des sciences et des savants depuis deux siècles, suivie d’autres études sur des sujets scientifiques, en particulier sur la sélection dans l’espèce humaine, Genève/Bâle/Lyon, H. Georg, 1873, VII-482 p. (2e éd. augmentée, 1885) ; Clémence Royer, préface à Charles Darwin, De l’origine des espèces par sélection naturelle ou des lois de transformation des êtres organisés, traduction française Clémence Royer, Paris, Guillaumin, 1862 [1re trad. française], rééd., Paris, Flammarion, 1918, p. I-XL ; id., Origine de l’homme et des sociétés, Paris, Masson et Guillaumin, 1870. Voir Georges Vacher de Lapouge, « Le sélectionnisme de Broca » (1908), mémoire publié dans Race et milieu social, op. cit., p. 289-308 (cette étude comporte un hommage à Clémence Royer).
-
[24]
Voir Georges Vacher de Lapouge, Souvenirs, op. cit., p. 15 : il s’agit des leçons des années 1886-1887 et 1887-1888.
-
[25]
Sur la formation, l’évolution et la réception de l’anthroposociologie lapougienne, voir Guy Thuillier, « Un anarchiste positiviste : Georges Vacher de Lapouge », in Pierre Guiral, Émile Temime (dir.), L’Idée de race dans la pensée politique française contemporaine, Paris, Éditions du CNRS, 1977, p. 48-65 ; Jean Boissel, « Georges Vacher de Lapouge : un socialiste révolutionnaire darwinien », Nouvelle École, n° 38, été 1980, p. 59-83 ; Linda L. Clark, Social Darwinism in France, The University of Alabama Press, 1984, en particulier p. 143-158 ; William H. Schneider, Quality and Quantity. The Quest for Biological Regeneration in Twentieth-Century France, Cambridge/New York, Cambridge University Press, 1990, p. 59 sq., 208 sq., 236 sq., 284 ; Marco Schütz, Rassenideologien in der Sozialwissenschaft, Berne/Berlin/Frankfurt/M., Peter Lang, 1994, p. 147-189 ; Anne Carol, op. cit., passim ; Jean-Marc Bernardini, Le Darwinisme social en France (1859-1918). Fascination et rejet d’une idéologie, Paris, CNRS Éditions, 1997, passim ; Pierre-André Taguieff, La Couleur et le Sang. Doctrines racistes à la française, Paris, Éditions Mille et une nuits, 1998, p. 91-163 (nouvelle édition refondue, 2002, p. 199-326).
-
[26]
Louis Liard, en 1886, venait d’être nommé directeur de l’enseignement supérieur et avait incité Lapouge, jeune marié, à se présenter au concours de bibliothécaire d’université, où il fut reçu premier. Dans l’esprit de Lapouge, le choix du métier de bibliothécaire n’était que provisoire, en attendant la création d’une chaire d’anthropologie qui lui serait destinée, à en croire son protecteur Louis Liard. Voir Souvenirs, op. cit., p. 15, ainsi que la lettre du 2 mars 1893 (destinataire inconnu), écrite le lendemain de la fermeture du laboratoire d’anthropologie de Montpellier : « On m’avait promis la création d’une chaire spéciale. On avait alors l’intention d’introduire peu à peu l’enseignement de l’anthropologie dans les Universités, mais on vient d’y renoncer brusquement, ce qui est une chose peu sensée. »
-
[27]
Leçon publiée dans la Revue d’anthropologie, 16e année, 3e série, t. II, n° 2, 15 mars 1887, p. 136-157.
-
[28]
Plus précisément, Lapouge commence par poser que « les sciences anthropologiques […] ne pouvaient naître que de nos jours » et que « leurs fondateurs sont Darwin et Spencer, Boucher de Perthes et Broca” (ibid., p. 137).
-
[29]
Ibid.
-
[30]
Ibid. Lapouge écrit par exemple : « L’hérédité pèse sur nous et littéralement nous écrase » (ibid., p. 146).
-
[31]
Lettre de Lapouge datée du 2 mars 1893, destinataire inconnu (Archives Lapouge). Voir aussi Georges Vacher de Lapouge, « Les sélections sociales », Revue d’anthropologie, 16e année, 3e série, t. II, n° 5, 15 septembre 1887, p. 519-550 [leçon prononcée le 24 février 1887].
-
[32]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales. Cours libre de science politique professé à l’Université de Montpellier (1888-1889), Paris, Albert Fontemoing, 1896 [XII-503 p. ; tirage : 1 000 exemplaires] ; Id., L’Aryen. Son rôle social. Cours libre de science politique professé à l’Université de Montpellier (1889-1890), Paris, A. Fontemoing, 1899 [V-XX/569 p. ; tirage : 1 000 exemplaires].
-
[33]
Georges Vacher de Lapouge, « L’anthropologie et la science politique », Revue d’anthropologie, 15 mars 1887, p. 155.
-
[34]
Ibid., p. 149-151.
-
[35]
Ibid., p. 151.
-
[36]
Bulletin de l’Association générale des étudiants de Montpellier, n° 1, 1er janvier 1888, p. 27-29.
-
[37]
Ibid. Je cite ce résumé programmatique d’après le manuscrit déposé aux Archives Lapouge (1 feuillet et demi). Voir aussi « L’enseignement de l’anthropologie à Montpellier » [article non signé], Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle de l’homme, vol. 22, 3e série, t. V, janvier 1888, p. 45-46.
-
[38]
Archives Lapouge, Montpellier. Lapouge se réfère à son article « Théorie plastidulaire et lois mécaniques de l’hérédité » (Bulletin de la Société des Sciences naturelles et physiques de Montpellier, n° 1-2-3, janvier-février-mars 1888, p. 4-11 [I] ; n° 4-5, avril-mai 1888, p. 17-21 [II]). Que le destinataire de cette lettre soit Haeckel est suffisamment établi par l’allusion lapougienne à la « théorie de la péri genèse » et à la « psychologie cellulaire ». Voir Ernst Haeckel, Essais de psychologie cellulaire, traduction française Jules Soury, Paris, Germer Baillière et Cie, 1880, 159 p. ; le premier essai (daté de 1876) est consacré à « la périgenèse des plastidules » (p. 1 sq.), le second à la « psychologie cellulaire » (p. 95 sq.). C’est en 1890 que Lapouge publiera son étude sur l’hérédité (voir infra, note 67).
-
[39]
Sur les démêlés du bibliothécaire Lapouge avec l’administration, voir Guy Thuillier, Bureaucratie et bureaucrates en France au xixe siècle, Genève, Droz, 1980, p. 601-603.
-
[40]
Paris, Firmin-Didot.
-
[41]
Voir le Bulletin de la Société languedocienne de géographie, 1893, p. 110.
-
[42]
Revue fondée en 1890 par E. Cartailhac, E. T. Hamy et P. Topinard.
-
[43]
Voir Jean Boissel, « Paul Valéry et Georges Vacher de Lapouge à Montpellier (1888-1893) », Revue des lettres modernes, « Paul Valéry 6 », Paris, Minard, 1989, p. 29-44.
-
[44]
Voir l’étude de Jean Boissel, art. cit. (1989).
-
[45]
Il s’agit du cimetière de Castelnau-le-Lez, village proche de Montpellier, où Lapouge retrouva, en 1891, un millier de sépultures sur un site habité depuis l’époque néolithique et l’âge du bronze ; voir Lapouge, « La Nécropole de Castelnau-le-Lez », Le Félibrige latin, juin 1891, p. 129-135.
-
[46]
Lettre de Paul Valéry du 7 juillet 1936 au comte Begouën, reproduite par celui-ci dans son feuilleton paru le 22 août 1936 dans le Journal des débats.
-
[47]
Archives Lapouge, Montpellier, université Paul-Valéry.
-
[48]
Cité par Guy Thuillier, Bureaucratie et bureaucrates…, op. cit., 1980, p. 602.
-
[49]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, Paris, Albert Fontemoing, 1896, p. v-vi.
-
[50]
Georges Vacher de Lapouge, Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, 1909, p. 294.
-
[51]
Paul Broca, « Les sélections », art. cit., p. 705.
-
[52]
Paul Broca, ibid., p. 705-706.
-
[53]
Georges Vacher de Lapouge, Race et milieu social, Paris, Marcel Rivière, 1909, p. 296.
-
[54]
N° 5, septembre-octobre 1893.
-
[55]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 1-3.
-
[56]
Voir Claude Blanckaert, « L’anthropologie au féminin : Clémence Royer (1830-1902) », Revue de synthèse, t. CIII (série générale), 105, janvier-mars 1982, p. 23-38 ; Geneviève Fraisse, Clémence Royer, philosophe et femme de sciences, Paris, La Découverte, 1985. Sur Broca anthropologue, voir l’étude très remarquable de Claude Blanckaert, « L’“anthropologie personnifiée”. Paul Broca et la biologie du genre humain », préface à Paul Broca, Mémoires d’anthropologie, Paris, Éditions Jean-Michel Place, 1989, p. I-XLIII (sur l’idée de « sélection sociale », voir p. XXXVII sq.).
-
[57]
Clémence Royer, préface de la première édition (1862) de : Charles Darwin, De l’origine des espèces par sélection naturelle ou des lois de transformation des êtres organisés, traduction française Clémence Royer, Paris, Ernest Flammarion, 1918, t. I, p. XXXIX-XL.
-
[58]
Clémence Royer, Origine de l’homme et des sociétés, op. cit., préface, p. V-VI.
-
[59]
Ibid., p. IX.
-
[60]
Ibid., p. XI.
-
[61]
Ibid.
-
[62]
Clémence Royer, préface, in Charles Darwin, op. cit., p. XXXVIII.
-
[63]
Ibid.
-
[64]
Ibid.
-
[65]
Ibid.
-
[66]
Clémence Royer, ibid., p. XXXIV-XXXV.
-
[67]
Georges Vacher de Lapouge, « Les sélections sociales », art. cit., p. 540-541.
-
[68]
Revue d’anthropologie, 15 janvier 1888.
-
[69]
Georges Vacher de Lapouge, « De l’inégalité parmi les hommes », art. cit., p. 9, 20, 21, 26, 38.
-
[70]
Georges Vacher de Lapouge, « L’Hérédité », Revue d’anthropologie, 1886, p. 517.
-
[71]
Rembrandt als Erzieher. Vom einem Deutschen, Leipzig, G. L. Hirschfeld, 1890 (ainsi que l’indique son titre, l’ouvrage a été publié anonymement). L’ouvrage sera un best-seller (49e édition en 1909). Surnommé « l’Allemand de Rembrandt », Langbehn, né en 1851, mourra en 1907. Voir Fritz Stern, Politique et désespoir. Les ressentiments contre la modernité dans l’Allemagne préhitlérienne [1961], traduction française Catherine Malamoud, Paris, Armand Colin, p. 119-196 ; Hildegard Châtellier, « Julius Langbehn : un réactionnaire à la mode en 1890 », Revue d’Allemagne, t. XIX, n° 1, janvier-mars 1982, p. 55-70 ; Bernd Behrendt, « August Julius Langbehn, der “Rembrandtdeutsche” », in Uwe Puschner, Walter Schmitz und Justus H. Ulbricht (Hg.), Handbuch zur Völkischen Bewegung, 1871-1918, Munich, New Providence, Londres et Paris, K. G. Saur, 1996, p. 94-113.
-
[72]
Archives Lapouge.
-
[73]
Georges Vacher de Lapouge, « L’hérédité », Revue d’anthropologie, 1er octobre 1886, p. 517.
-
[74]
Georges Vacher de Lapouge, « Les lois de l’hérédité », Journal de médecine vétérinaire et de zootechnie [Lyon], 1890, p. 197-209, 243-255, 304-317 [préface et notes de Raoul Baron] ; édition en volume, Les Lois de l’hérédité, préface de R. Baron, Lyon, Imprimerie de L. Bourgeon, 1890, 45 p. Dans Les Sélections sociales, Lapouge présente cette « monographie spéciale » comme résumant ses « dernières leçons de 1887 » (op. cit., p. 50) et réexpose brièvement les « six lois majeures de la fonction héréditaire » (p. 50-57). Le professeur Raoul Baron était alors chef de service de zootechnie et d’histoire naturelle à l’École vétérinaire d’Alfort. Il venait de publier Méthodes de reproduction en zootechnie, Paris, Firmin-Didot, 1888, VII-501 p.
-
[75]
Dès sa première livraison, la Revue internationale de sociologie, fondée et dirigée par René Worms (1869-1926), publie un article-programme de Lapouge, « Le darwinisme dans la science sociale » (1re année, n° 5, septembre-octobre 1893, p. 414-436), qui sera repris avec quelques retouches, en 1896, dans Les Sélections sociales, pour en constituer le chapitre premier (op. cit., p. 1-60). Il en va de même pour les deux articles qui suivent : « Lois de la vie et de la mort des nations » (2e année, n° 6, juin 1894, p. 421-436), et « Transmutation et sélection par éducation » (3e année, n° 3, mars 1895, p. 85-111), repris respectivement, dans Les Sélections sociales, en tant que chapitres II (p. 61-80) et III-IV (p. 81-125).
-
[76]
Son mémoire intitulé « Les lois fondamentales de l’anthroposociologie », inédit en français jusqu’en 1909 (Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, p. 169-214), paraît en Italie puis aux États-Unis dès 1897 : « The Fundamental Laws of Anthropo-sociology », The Journal of Political Economy, vol. VI, n° 1, décembre 1897, p. 54-92.
-
[77]
De Carlos Carleton Closson, voir notamment : « Dissociation by Displacement : A Phase of Social Selection », The Quarterly Journal of Economics [Boston], vol. X, janvier 1896, p. 156-186 (traduction française Henri Muffang, « La dissociation par déplacement », Revue internationale de sociologie, vol. 4, n° 7, juillet 1896, pp. 511-537) ; « Recent Progress of Social-Anthropology », The Journal of Political Economy [Chicago], vol. IV, juin 1896, p. 410-412 ; « Social Selection », ibid., septembre 1896, p. 449-466 ; « The Hierarchy of European Races », The American Journal of Sociology [Chicago], vol. III, novembre 1897, p. 314-327 (traduction française Henri Muffang, « La hiérarchie des races européennes », Revue internationale de sociologie, vol. 6, n° 6, juin 1898, p. 416-430) ; « The Pedagogical Significance of the Cephalic Index », The Journal of Political Economy, vol. VI, mars 1898, p. 254-265.
-
[78]
Voir Thorstein Veblen, Théorie de la classe de loisir, traduction française Louis Évrard, précédé de Avez-vous lu Veblen ? par Raymond Aron, Paris, Gallimard, 1970, puis coll. « Tel », 1978, p. 140 sq., dans lequel Veblen discute de la question des « types raciaux » eu égard aux processus de sélection et d’adaptation.
-
[79]
Beilage zur Allgemeinen Zeitung [Munich], n° 184, 5 juillet 1890, p. 1-2. Que l’anthropologie puisse être repensée comme « science politique », c’est là le thème principal de la leçon d’ouverture prononcée par Lapouge le 2 décembre 1886, « L’anthropologie et la science politique » (art. cit.).
-
[80]
L’Anthropologie, 1893, p. 374 sq.
-
[81]
Iéna, Gustav Fischer, 1893, x-326 p.
-
[82]
Otto Ammon, Die Gesellschaftordnung und ihre natürlichen Grundlagen, Iéna, Gustav Fischer, 1895, VIII-408 p.
-
[83]
Paris, Albert Fontemoing, 1900, XXVII-516 p. ; traduit sur la 2e éd. allemande (1896).
-
[84]
Henri Muffang, « Avant propos du traducteur », in op. cit., p. V-XXIII. Voir aussi Otto Ammon,
« Histoire d’une idée. L’anthroposociologie » [1896 ; traduction française Henri Muffang, avec un avant-propos, une bibliographie et des instructions pratiques du traducteur], Revue internationale de sociologie, 6e année, n° 3, mars 1898, pp. 145-181. -
[85]
Henri Muffang, « Avant-propos à Otto Ammon », « Histoire d’une idée… », art. cit.
-
[86]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 8. Voir aussi id., « La nomenclature zoologique en anthropologie » [1907], in Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, 1909, p. 1-7.
-
[87]
« Il est bien entendu que dans l’état actuel de la science, on ne doit jamais parler de race latine, race germanique, race slave » (Les Sélections sociales, op. cit., p. 8).
-
[88]
Voir ibid., p. 30-32.
-
[89]
Sur les trois « races de l’Europe », voir Les Sélections sociales, op. cit., p. 10-28.
-
[90]
Ibid., p. 78.
-
[91]
Ibid., p. 14.
-
[92]
Ibid., p. 17.
-
[93]
Ibid., p. 17-18.
-
[94]
Voir ibid., p. 23-27. Voir aussi Id., « De l’inégalité parmi les hommes », art. cit., p. 17 ; Id., L’Aryen. Son rôle social, op. cit., p. 183-185.
-
[95]
Les Sélections sociales, op. cit., p. 198.
-
[96]
Voir ibid., p. 449, 456-458.
-
[97]
Voir ibid., p. 474, 489.
-
[98]
Ibid., p. 456.
-
[99]
Ibid., p. 67.
-
[100]
Chapitres VIII (« Sélection militaire ») à XIII (« Sélection économique »), ibid., p. 207-408.
-
[101]
Ibid., p. 391 : « Dans les régions où le type brachycéphale existe, il tend à se localiser dans les campagnes et les types dolichoïdes dans les villes. »
-
[102]
Ibid.
-
[103]
Voir ibid., p. 391-408.
-
[104]
Ibid., p. 407-408.
-
[105]
Ibid., p. 408.
-
[106]
Ibid., p. 306-307.
-
[107]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen. Son rôle social, op. cit., p. 501.
-
[108]
Id., Les Sélections sociales, op. cit., p. 443.
-
[109]
Ibid., p. 458.
-
[110]
Ibid., p. 459.
-
[111]
Ibid., p. 458.
-
[112]
Voir Otto Ammon, L’Ordre social et ses bases naturelles, op. cit., p. 489-490 : « […] Arrière le pessimisme ! […]. Le pessimisme use ; l’optimisme soutient et réconforte ». Henri Muffang, à la fin de son avant-propos, oppose Lapouge, « pessimiste avant tout », à l’« optimiste » Ammon (ibid., p. XXII). Certains comptes rendus des Sélections sociales mettent en évidence le pessimisme lapougien. Voir par exemple Léon Claux, « Du sélectionnisme optimiste au sélectionnisme pessimiste », La Revue socialiste, t. XXVI, n° 151, juillet 1897, p. 58-69 ; Jacques Novicow, L’Avenir de la race blanche. Critique du pessimisme contemporain, Paris, Félix Alcan, 1897 [2e éd., 1902], p. 178-180.
-
[113]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 489.
-
[114]
Ibid., p. 490.
-
[115]
Voir ibid., p. 458 sq., 484 sq.
-
[116]
Ibid., p. 240, 291 sq., 317-318, 487-488. Voir aussi L’Aryen. Son rôle social, op. cit., préface, p. VII-IX, 507-514, ainsi que les dernières pages du texte de la leçon inaugurale du Cours de 1887-1888, « L’hérédité dans la science politique », art. cit., p. 188-191.
-
[117]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 480.
-
[118]
Ibid., p. 472-473.
-
[119]
Jean Rostand, « Quelques précurseurs : Charles Morel de Vindé, Camille Dareste, le docteur Dufossé, G. Vacher de Lapouge », Revue d’histoire des sciences, t. XVI, n° 3, juillet-septembre 1963, p. 248-251 ; repris in J. Rostand, Biologie et humanisme, Paris, Gallimard, 1964, p. 161-165.
-
[120]
Georges Vacher de Lapouge, Les Sélections sociales, op. cit., p. 474.
-
[121]
Ibid., p. 487.
-
[122]
Ibid., p. 485.
-
[123]
Voir Paul Weindling, Health, Race and German Politics Between National Unification and Nazism, 1870-1945, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 119 sq.
-
[124]
De 1904-1905 (3e année, n° 4) à 1909-1910 (8e année, n° 8 et 9), Lapouge publie 9 articles dans la Politisch-Anthropologische Revue. Après la mort de Woltmann, Lapouge lui a rendu un hommage appuyé : « Ludwig Woltmann, ein Bahnbrecher der Sozialanthropologie », Politisch-Anthropologische Revue, 6e année, n° 1, avril 1907, p. 37-41 (repris dans Race et milieu social, op. cit., p. 325-331 : « L’œuvre de Woltmann »). Parmi les études réunies en hommage à Woltmann, on note des contributions d’Otto Ammon et de Ludwig Wilser, mais aussi un article d’Eduard Bernstein, « Ludwig Woltmanns Beziehungen zur Sozialdemokratie », ibid., p. 45-53.
-
[125]
Cette étude, restée inédite en langue française du vivant de Lapouge, a été traduite en allemand et publiée dans la revue fondée par Woltmann : « Die Krisis in der sexuellen Moral », Politisch-Anthropologische Revue, 7e année, n° 8, novembre 1908, p. 408-423. Je l’ai publiée intégralement, d’après le manuscrit en français (Archives Lapouge), avec un appareil critique, dans la revue Mil neuf cent, n° 18, 2000, p. 167-190.
-
[126]
Art. cit., p. 423.
-
[127]
Op. cit., p. 489.
-
[128]
Ibid.
-
[129]
Selon Carlos Paton Blacker, les expressions « eugénique positive » et « eugénique négative » ont été introduites par Caleb Williams Saleeby (1878-1940), et approuvées, puis reprises par Francis Galton dans les années 1900. Voir C. P. Blacker, Eugenics in Prospect and Retrospect, Londres, Hamish Hamilton, 1945, p. 17 ; id., Eugenics. Galton and After, Londres, Duckworth, 1952, p. 111. Voir aussi Carl Jay Bajema (éd.), Eugenics : Then and Now, Stroudsburg, Pennsylvania, Dowden, Hutchinson & Ross, 1976, p. 3, 11-13, p. 52-53 ; Daniel J. Kevles, Au nom de l’eugénisme. Génétique et politique dans le monde anglo-saxon [1985], traduction française M. Blanc, Paris, PUF, 1995, p. 121. On notera cependant qu’en 1901, Herbert George Wells, partisan d’un socialisme eugéniste, refusait de séparer les dimensions, nommées plus tard, respectivement, « négative » (ou « restrictive ») et « positive » (ou « constructive ») de l’eugénique : « L’éthique des citoyens de la République Nouvelle […] sera formée […] pour favoriser la procréation de tout ce qui est capable et beau dans l’humanité […] et pour enrayer la procréation des types bas et serviles […]. Travailler à la première tâche, c’est travailler aussi à la seconde : les deux sont inséparables. » (« Foi, morale et politique de la République Nouvelle », chap. IX de H. G. Wells, Anticipations ou de l’influence du progrès mécanique et scientifique sur la vie et la pensée humaines [1901], traduction française H.-D. Davray et B. Kozakiewicz, Paris, Mercure de France, 1904, p. 340).
-
[130]
Dans une conférence prononcée en 1901, Galton affirme que l’« enthousiasme pour améliorer la race est si noble dans son but qu’il pourrait bien donner naissance au sens d’une obligation religieuse » (Essays in Eugenics, Londres, Eugenics Education Society, 1909, p. 25). À la fin de sa fameuse conférence du 16 mai 1904 (« Eugenics : Its Definition, Scope, and Aims »), Galton justifie sa proposition d’introduire l’eugénique « dans la conscience nationale comme une nouvelle religion » par cette profession de foi : l’eugénique « peut fortement prétendre à devenir une doctrine religieuse orthodoxe dans l’avenir, car l’eugénique coopère à l’œuvre de la Nature pour permettre à l’humanité d’être représentée par les races les plus aptes [fittest races] » (ibid., p. 42 ; voir Carl Jay Bajema, op. cit., p. 45).
-
[131]
Voir Daniel J. Kevles, op. cit., p. 271-276. L’article de référence est : Herbert Brewer, « Eutelegenesis », Eugenics Review, 27, 1935, p. 121-126.
-
[132]
Julian S. Huxley, « Eugenics and Society », Eugenics Review, 28, n° 1, avril 1936, [p. 11-31], p. 29 ; repris et traduit dans id., L’Homme, cet être unique, traduction française J. Castier, Paris, Oreste Zeluck, 1948, p. 95.
-
[133]
Hermann Joseph Muller, Hors de la nuit. Vues d’un biologiste sur l’avenir, traduction française J. Rostand, Paris, Gallimard, 1938.
-
[134]
Ibid., traduction française modifiée, p. 176.
-
[135]
George Bernard Shaw, cité par Daniel J. Kevles, Au nom de l’eugénisme, op. cit., p. 275.
-
[136]
Voir Havelock Ellis, The Task of Social Hygiene, Londres, Constable, et Boston/New York, Houghton, 1912, XV-414 p.
-
[137]
Havelock Ellis, L’Art de l’amour. La science de la procréation, édition française revue et augmentée par l’auteur, trad. A. van Gennep, 5e éd., Paris, Mercure de France, 1932, p. 164-165.
-
[138]
[Georges Sorel], « Vacher de Lapouge. Sélections sociales » (compte rendu), Le Devenir social, vol. II, n° 6, juin 1896, p. 568-573. Quelques mois plus tard, Charles Gide publie un compte rendu qui commence ainsi : « Nous sommes surpris que le livre de M. de Lapouge n’ait pas fait plus de bruit dès son apparition. Il a pourtant tout ce qu’il faut pour secouer la curiosité du public, pour provoquer l’enthousiasme de ceux qui croient à l’infaillibilité de la science et l’indignation de ceux qui croient encore à la vieille morale chrétienne et humaine. […] Malgré ces allures bruyantes qui paraîtront déplaisantes à bien des gens, ce n’en est pas moins un livre remarquable […]. » (Revue d’économie politique, 10e année, n° 11, novembre 1896, [p. 926-932], p. 926).
-
[139]
René Worms note par exemple : « La lecture du livre de M. de Lapouge nous a paru pleine d’intérêt. Les suggestions fécondes y abondent. Presque à chaque page, un fait curieux, une idée originale mériterait d’y être relevée » (Revue internationale de sociologie, 5e année, n° 4, avril 1897, [p. 329-330], p. 330). Quant à D. Collineau, il ne cache pas son admiration au terme d’une longue analyse critique du livre : « Pessimiste souvent, paradoxal parfois, original toujours, documenté richement, l’ouvrage […] n’est pas seulement d’une lecture captivante ; la plume de l’auteur y a des envolées d’une troublante éloquence. Il est d’une lecture utile, il porte à la méditation » (Revue de l’École d’anthropologie, t. VIII, 15 janvier 1898, [p. 28-35], p. 35).
-
[140]
Voir Célestin Bouglé, « Anthropologie et démocratie », Revue de métaphysique et de morale, 5e année, n° 4, juillet 1897, [p. 443-461], p. 453 sq. ; Arsène Dumont, Natalité et démocratie, Paris, Schleicher, 1898, p. 106-115. Dans le même sens, voir Jacques Novicow, L’Avenir de la race blanche, op. cit., p. 42, 77, 86, 93-97, 118-121, 178-180.
-
[141]
Voir J. Rochette, S. J., compte rendu, Études, 34e année, t. 71, 20 avril 1897, p. 279-281 ; Léon Claux, « Du sélectionnisme optimiste au sélectionnisme pessimiste », art. cit. ; P. de L., « Outrages à l’armée », L’Autorité, 5 mars 1898 ; Charles Rappoport, compte rendu, La Revue socialiste, 16e année, t. 31, mai 1900, p. 637-639. On notera que même un sympathisant de l’anthropologie tel qu’Alfred Fouillée se permet d’ironiser sur les « prétendues “lois” » formulées par Lapouge (« L’anthroposociologie », Revue internationale de sociologie, 6e année, n° 5, mai 1898, p. 368-371).
-
[142]
Revue de l’École d’anthropologie de Paris, 9e année, t. IX, 15 août 1899, p. 233-259, et 15 septembre 1899, p. 280-296. Le jugement final de Manouvrier aura fonctionné comme un jugement dernier : « Ce n’est que de la pseudo-science » (art. cit., p. 296).
-
[143]
Dans une lettre du 13 juin 1900 adressée à Célestin Bouglé, Émile Durkheim précise, en tant que directeur de L’Année sociologique : « Pour l’anthroposociologie, j’ai écrit à Muffang que je supprimais la rubrique. Je ne demanderai plus de livres sur la matière […]. On fera à la fin une courte rubrique Anthropologie dont je partage les éléments. Le Lapouge [L’Aryen…] est entre les mains de Hubert qui s’en est déjà occupé. » (« Textes inédits ou inconnus d’Émile Durkheim » [réunis par Philippe Besnard], Revue française de sociologie, vol. XVII, n° 2, juin 1976, p. 174). Dans une lettre à Lapouge du 10 mai 1900, Muffang précisait : « Hier, j’ai reçu une lettre de Durkheim qui me débarque bien poliment de L’Année sociologique, sous prétexte que l’éditeur F. Alcan ne veut pas voir [y] figurer […] des matières étrangères et hétérodoxes, telles que l’anthroposociologie. » (Archives Lapouge). Voir aussi les lettres de Durkheim à Henri Hubert des 10 mars et 25 juin 1900 (« Lettres de Émile Durkheim à Henri Hubert » [présentées par Philippe Besnard], Revue française de sociologie, vol. XVIII, 1987, p. 504, 509). Dès 1898, dans l’« Avertissement » précédant la rubrique « Anthroposociologie » de Muffang, Durkheim suggérait que « l’anthroposociologie tendait à rendre inutile la sociologie », car, « en essayant d’expliquer les phénomènes historiques par la seule vertu des races, elle paraissait traiter les faits sociaux comme des épiphénomènes sans vie propre et sans action spécifique » (L’Année sociologique, vol. I, 1898, p. 519).
-
[144]
Pour situer Henri Hubert, voir I. Strenski, « Henri Hubert, Racial Science and Political Myth », Journal of the History of the Behavioral Sciences, 21, 1987, pp. 353-367 ; Laurent Mucchielli, La Découverte du social, op. cit., passim.
-
[145]
Henri Pierre, « L’Aryen, son rôle social » (compte rendu), Revue historique, 27e année, 78 (1), janvier-février 1902, p. 162-164. Henri Hubert avait déjà exécuté Lapouge dans L’Année sociologique, vol. IV, 1901, p. 145-146 : « Sa science est peu critique […]. M. de Lapouge supprime la sociologie en l’absorbant. » Dans la Revue de synthèse historique (fondée par Henri Berr en 1900), Georges Bourgin s’aligne sur la critique de Manouvrier et des sociologues durkheimiens en stigmatisant l’anthroposociologie comme une « pseudo-science » (compte rendu de L’Aryen…, op. cit., 1902, 5, p. 253-254).
-
[146]
Voir Célestin Bouglé, La Démocratie devant la science. Études critiques sur l’hérédité, la concurrence et la différenciation, Paris, Félix Alcan, 3e éd. augmentée, 1923, p. 37-110. Pour une mise en contexte de ces combats contre l’école anthroposociologique et le camp antidreyfusard, voir Laurent Mucchielli, La Découverte du social. Naissance de la sociologie en France (1870-1914), Paris, La Découverte, 1998, p. 261-291. Voir aussi l’étude d’Alain Policar, « Science et démocratie. Célestin Bouglé et la métaphysique de l’hérédité », Vingtième Siècle, n° 61, janvier-mars 1999, p. 86-101.
-
[147]
Paris, Schleicher, 1897, 47 p. La « préface du traducteur » (Lapouge) est datée du 6 août 1896 (op. cit., p. 1-8).
-
[148]
Ibid., préface [de Lapouge], p. 1.
-
[149]
Ibid., p. 2.
-
[150]
Ibid., passim.
-
[151]
Ibid., p. 6, 8. Sur l’importance du monisme haeckélien dans la formation de la pensée de Lapouge, voir Daniel Gasman, Haeckel’s Monism and the Birth of Fascist Ideology, New York, Peter Lang, 1998, p. 135-147.
-
[152]
Georges Vacher de Lapouge, préface, ibid., p. 8.
-
[153]
Ibid.
-
[154]
Voir Les Sélections sociales, op. cit., chapitre XV (« La sélection systématique), p. 443-490.
-
[155]
Georges Vacher de Lapouge, préface à Ernst Haeckel, op. cit., p. 8. À la fin de son compte rendu plutôt négatif de cette édition française du Monisme, Abel Rey précise non sans ironie : « Elle est précédée d’une préface du traducteur, M. Vacher de Lapouge, véritable réquisitoire contre le christianisme, édifié avec les arguments d’usage » (Revue philosophique, XLIV, janvier 1898, [p. 89-92], p. 92).
-
[156]
Georges Vacher de Lapouge, préface à Ernst Haeckel, art. cit., p. 7.
-
[157]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen. Son rôle social, op. cit., préface, p. IX, et p. 511-512.
-
[158]
Chapitre VIII : « L’avenir des Aryens », op. cit., p. 463-514.
-
[159]
Ibid., p. 464. Le développement sur « Les Juifs » couvre les pages 464-481.
-
[160]
Ibid., p. 465.
-
[161]
Ibid., p. 466.
-
[162]
Ibid., p. 475.
-
[163]
Ibid.
-
[164]
Ibid.
-
[165]
Ibid., p. 476.
-
[166]
Lapouge se contente en effet de puiser dans le stock des stéréotypes antijuifs exploités par ses contemporains, tels Édouard Drumont ou Jules Soury. Voir par exemple Édouard Drumont, La France juive. Essai d’histoire contemporaine, Paris, C. Marpon & É. Flammarion, 1886, t. I, Livre I, p. 1-137 ; Jules Soury, Campagne nationaliste 1899-1901, Paris, Imprimerie de la Cour d’Appel, 1902, p. 3-14, 90-148. Et Drumont ne cessait de vanter les mérites de L’Aryen…, par exemple dans les articles suivants publiés par La Libre Parole : « La fin d’un siècle » (27 décembre 1899), « Napoléon antisémite » (26 mars 1900), [Conférence de Drumont au Grand Occident, 29 juin 1900] (30 juin 1900).
-
[167]
Sur la conception « biologique » de la nation chez Lapouge, voir Pierre-André Taguieff, « Le “nationalisme des nationalistes”. Un problème pour l’histoire des idées politiques en France », in Gil Delannoi et Pierre-André Taguieff (dir.), Théories du nationalisme. Nation, nationalité, ethnicité, Paris, Kimé, 1991, p. 87-94.
-
[168]
Voir P.A. Taguieff, La Couleur et le Sang, op. cit., p. 135-197.
-
[169]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen…, op. cit., p. 464, 481.
-
[170]
Ibid., préface, p. VII et IX.
-
[171]
Ibid., p. 510.
-
[172]
Ibid., préface, p. VIII-IX.
-
[173]
Voir ibid., p. 513-514.
-
[174]
Sur la réception négative des thèses lapougiennes, après la parution de L’Aryen…, voir par exemple Gustave Rouanet, « Les théories aristocratiques devant la science », La Petite République socialiste, 2 janvier 1900 [le socialiste Rouanet s’aligne sur la critique dirimante de Manouvrier] ; Salomon Reinach, compte rendu, Revue critique d’histoire et de littérature, nouvelle série, t. XLIX, n° 7, 12 février 1900, p. 121-125 ; Jacques Bainville, compte rendu, L’Action française, 2e année, n° 23, 1er juin 1900, p. 998-1001 ; Célestin Bouglé, « Castes et races », La Grande Revue, vol. 17, 1er avril 1901, p. 64-92 ; Henri Pierre [pseudonyme de Henri Hubert], compte rendu, Revue historique, 27e année, 78 (1), janvier-février 1902, p. 162-164. L’essayiste Jean Finot publie en 1905 une volumineuse synthèse de ces critiques, Le Préjugé des races (Paris, Félix Alcan, III-518 p.), ouvrage qui sera aussitôt traduit en anglais (Race Prejudice, Londres, Constable, 1906, XVI-320 p.). Rares sont les auteurs qui, en langue française, continuent de s’inspirer des thèses lapougiennes ou même de les discuter scientifiquement (selon les normes épistémologiques de l’époque). Voir cependant Léon Bazalgette, À quoi tient l’infériorité française, Paris, Fischbacher, 1900, p. 144-149, 170-171 ; id., Le Problème de l’avenir latin, Paris, Fischbacher, 1903, p. 132-134 et 160-163 ; Gabriel Tarde, « L’action inter-mentale », La Grande Revue, 1er novembre 1900, [p. 305-336], p. 319 sq. ; Georges Palante, compte rendu de L’Aryen…, Revue internationale de sociologie, 9e année, n° 2, février 1901, p. 142-143 ; id., Précis de sociologie, Paris, Félix Alcan, 1901, p. 39 sq., 150 sq. ; Henri Mazel, « Sociologues contemporains. I. M. Vacher de Lapouge », Mercure de France, mars 1899, p. 662-675 ; id., compte rendu de L’Aryen…, Mercure de France, juillet 1900, p. 230-232 ; René Worms, Les Principes biologiques de l’évolution sociale, Paris, V. Giard, 1910, p. 96-98.
-
[175]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen…, op. cit., préface, p. VI.176. Archives Lapouge, Montpellier. L’anti-rousseauisme radical, chez Lapouge, paraît être un héritage intellectuel reçu de Clémence Royer ; voir supra.
-
[176]
Georges Vacher de Lapouge, Race et milieu social. Essais d’anthroposociologie, Paris, Marcel Rivière, 1909 [VII-XXXII/399 p. ; tirage : 1 100 exemplaires]. Le mémoire intitulé « Observations sur l’infériorité naturelle des classes pauvres » est publié pour la première fois dans Race et milieu social (op. cit., p. 227-271), avant d’être traduit en allemand et publié dans la Politisch-Anthropologische Revue (8e année, 1909-1910, n° 8, p. 393-409 ; n° 9, p. 454-464). Lapouge y discute les thèses d’Alfredo Niceforo, sociologue italien engagé dans le mouvement socialiste, qui avait publié en français, dans la « Bibliothèque sociologique internationale » dirigée par René Worms, Les Classes pauvres. Recherches anthropologiques et sociales, Paris, V. Giard et E. Brière, 1905, 344 p. Niceforo était un élève de Napoleone Colajanni, sociologue et homme politique italien (député socialiste) qui, dans Latins et Anglo-saxons. Races supérieures et races inférieures (traduction française J. Dubois, Paris, Félix Alcan, 1905, XX-432 p.), avait soumis la raciologie lapougienne à une critique sévère. Niceforo poursuivra l’examen critique, notamment dans Les Germains. Histoire d’une idée et d’une « race », traduction française G. Hervo, 2e éd. revue et remaniée par l’auteur, Paris, Bossard, 1919, 181 p.
-
[177]
Résumé des travaux scientifiques de M. G. Vacher de Lapouge, Poitiers, Société française d’imprimerie et de librairie, mars 1909, 26 p.
-
[178]
Comte [Henri de] Begouën, « Vacher de Lapouge, le père de l’“Aryanisme” », Journal des débats, 148e année, n° 232, 22 août 1936, p. 3. Houston Stewart Chamberlain (1855-1927), le plus célèbre des théoriciens du pangermanisme racialiste, avait alimenté la rumeur d’un Lapouge pangermaniste, en notant par exemple en 1899 : « Ce type d’homme qui a nom Homo Europæus dans la terminologie Linné-de Lapouge, et que j’appelle plus simplement le Germain » (La Genèse du XIXe siècle [1899], traduction française Robert Godet [revue par l’auteur], Paris, Payot, 1913, t. I, p. 661-662). Dans la préface de la 4e éd. allemande de son livre, datée d’octobre 1902, Chamberlain enfonce le clou : « Il suffit de lire […] L’Aryen (p. 370 sq.) […] pour apercevoir l’exacte et parfaite concordance de son “Aryen moderne” et de mon “Germain”. » (op. cit., p. 1 410-1 411). Et de célébrer aussitôt Lapouge comme « un anthropologue […] riche en intuitions et en connaissances » (ibid., p. 1 412).
-
[179]
Après Race et milieu social, Lapouge ne publie cependant qu’un article relevant strictement de l’anthropologie physique : « Recherches anthropologiques sur les conscrits de Rennes », Bulletin de la Société scientifique et médicale de l’Ouest, 1909, p. 45-56. Dans un article resté inédit en français, « Comment l’anthropologie, science française, fut assassinée en France » (Archives Lapouge), Lapouge reviendra non sans amertume sur ses échecs universitaires (tr. allemande, « Wie die Anthropologie in Frankreich erdrosselt wurde », Die Sonne, VI, décembre 1929, p. 533-535).
-
[180]
Il est vrai que Lapouge était cité élogieusement par certains théoriciens du pangermanisme, tel Josef Ludwig Reimer, et ce dans l’ouvrage qui l’a rendu célèbre, Ein Pangermanisches Deutschland. Versuch über die Konsequenzen der gegenwärtigen wissenschaftlichen Rassenbetrachtung für unsere politischen und religiösen Probleme, Berlin et Leipzig, Friedrich Luckhardt, 1905, VIII-403 p. Reimer s’inspire à la fois de Gobineau, de Lapouge, de Woltmann, de Wilser et de Houston Stewart Chamberlain. Sur l’importance de ce livre-manifeste, qui vise à fonder raciologiquement le pangermanisme, voir Charles Andler, Le Pangermanisme philosophique (1800 à 1914), Paris, Louis Conard, 1917, p. 344 sq. ; Léon Poliakov, Le Mythe aryen, Paris, Calmann-Lévy, 1971, p. 319. Dans la bibliographie qui termine Race et milieu social, Lapouge note à propos du livre de Reimer : « Important pour l’étude de l’impérialisme aryo-germanique » (op. cit., p. 388).
-
[181]
« Le paradoxe pangermaniste », Mercure de France, 1er août 1915, p. 640-654. Voir aussi Race et milieu social, op. cit., introduction, p. VIII et XXIV, où Lapouge récuse les théories fausses fabriquées en Allemagne par les « caricaturistes de l’anthroposociologie ». Dans une interview publiée en décembre 1933, Lapouge déclare, en réponse à une question sur Hitler : « En ce qui concerne la race aryenne, il l’a déformée de singulière façon. Il n’a fait en cela, d’ailleurs, que continuer la tradition des savants allemands qui avaient dénaturé Gobineau et moi-même. » (Guy Laborde, « Un maître français de Hitler : Vacher de Lapouge », Le Temps, 17 décembre 1933, p. 8).
-
[182]
C’est là pour Lapouge manière de répondre aux études historiques et critiques d’Ernest Seillière, qui le classait parmi les théoriciens de « l’impérialisme mystique ». Voir Ernest Seillière, « Une école d’impérialisme mystique, les plus récents théoriciens du pangermanisme », Revue des Deux Mondes, 1er mars 1909, notamment p. 198-208 ; id., Les Mystiques du néo-romantisme, Paris, Plon, 1911, notamment p. 7-22.
-
[183]
Race et milieu social, introduction, p. viii, xxiv.
-
[184]
Op. cit., chap. IX, « Sélection politique », p. 243-262.
-
[185]
« Sénile », par opposition à la « démocratie des peuples naissants », « où la différenciation n’est pas faite encore » : selon Lapouge, il en va ainsi de la démocratie aux États-Unis (op. cit., 1896, p. 261).
-
[186]
Ibid., p. 261-262.
-
[187]
Ibid., p. 480.
-
[188]
Ibid., p. 481.
-
[189]
Ibid., p. 480.
-
[190]
Ibid., p. 481.
-
[191]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen. Son rôle social, op. cit., chap. VIII : « L’avenir des Aryens », [p. 463 sq.], p. 491 sq.
-
[192]
Ibid., p. 491.
-
[193]
Ibid., p. 502.
-
[194]
Ibid.
-
[195]
Ibid.
-
[196]
Ibid.
-
[197]
Ibid., p. 504.
-
[198]
Ce recueil d’articles (publiés ou restés inédits) est précédé d’une longue introduction (p. VII-XXXII) datée du 16 avril 1909.
-
[199]
Georges Vacher de Lapouge, op. cit., 1909, Introduction, p. XX-XXI.
-
[200]
Ibid., p. XXIII. C’est dans les années 1898-1900 que Ludwig Woltmann s’engage avec vigueur dans le mouvement socialiste en Allemagne. Au sein du SPD, il soutient le « révisionniste » Eduard Bernstein contre les attaques lancées par August Bebel. Voir Marco Schütz, « Socialisme “darwinien” et anthropologie raciale chez Ludwig Woltmann », Mil neuf cent, n° 18, 2000, p. 109-136.
-
[201]
Voir August Weismann, « La continuité du plasma germinatif comme base d’une théorie de l’hérédité » (1885), in A. Weismann, Essais sur l’hérédité et la sélection naturelle, traduction française Henry de Varigny, Paris, C. Reinwald et Cie, 1892, p. 159-243. Dans sa « Causerie scientifique » du Temps, le 6 février 1901 (« La nature et la vie. Question de parenté »), Henry de Varigny s’interroge encore sur les preuves scientifiques de la continuité du plasma germinatif et de la non hérédité des caractères acquis, en référence aux travaux de Weismann et de Nussbaum ainsi qu’à ceux, plus récents, du biologiste américain John Beard. Dans L’Ordre social et ses bases naturelles (1895), traduit en français par le lapougien Henri Muffang, Otto Ammon expose les thèses de Weismann et les reprend pour l’essentiel à son compte (op. cit., 1900, p. 21-28). Ammon se déclare notamment en accord avec le rejet weismannien de la « transmissibilité héréditaires des qualités acquises » (p. 27-28).
-
[202]
August Weismann (1834-1914) est plusieurs fois cité par Lapouge dans Les Sélections sociales (op. cit., p. 43-44, 48-49, 106-107, 140, 150). Voir aussi la discussion des conceptions de l’hérédité dans Race et milieu social, op. cit., p. 312 sq. Sur la problématique et les thèses de Weismann, voir Jean Gayon, Darwin et l’après-Darwin. Une histoire de l’hypothèse de sélection naturelle, Paris, Kimé, 1992, p. 156 sq. ; id., « Eugénisme », in Josué Feingold et al. (dir.), op. cit., p. 465 ; André Pichot, Histoire de la notion de vie, Paris, Gallimard, 1993, p. 860 sq. ; id., Histoire de la notion de gène, Paris, Flammarion, 1999, p. 43-72.
-
[203]
Georges Vacher de Lapouge, Race et milieu social, op. cit., p. XXX.
-
[204]
Ibid.
-
[205]
Ibid., p. XXIII.
-
[206]
Ibid.
-
[207]
Ibid. Lapouge réplique ici, douze années plus tard, aux critiques de Célestin Bouglé visant Les Sélections sociales. Voir Célestin Bouglé, « Anthropologie et démocratie », Revue de Métaphysique et de Morale, 5e année, n° 4, juillet 1897, [p. 443-461], p. 453 sq. (Les principaux éléments de cet examen critique seront repris par Bouglé dans son livre : Les Idées égalitaires. Étude sociologique, Paris, Félix Alcan, 1899). Pour des analyses plus détaillées, voir Alain Policar, « De la critique de la sociologie biologique à l’autonomie de la morale : itinéraire de Célestin Bouglé », Mil neuf cent, n° 18, 2000, p. 137-166.
-
[208]
Le postulat héréditariste de la théorie lapougienne des « sélections sociales » est particulièrement bien mis en évidence dans la correspondance échangée par Lapouge et Durand de Gros (1826-1901) entre 1888 et 1899 (seules les lettres du second ayant été retrouvées), discussion scientifique idéal-typique entre un héréditariste strict (dont la thèse est que toute l’évolution humaine s’explique par le jeu de l’hérédité et de la sélection) et un environnementaliste modéré, partisan d’un transformisme de tradition lamarckienne. Voir Jean Boissel, « À propos de l’indice céphalique. Lettres de Durand de Gros à Vacher de Lapouge », Revue d’histoire des sciences, 1982, n° 4, p. 289-319. Voir aussi Joseph-Pierre Durand de Gros, Questions de philosophie morale et sociale, Paris, Félix Alcan, 1901 [recueil d’études posthume], p. 81-82, 96-100.
-
[209]
Voir Jacques Léonard, La Médecine entre les pouvoirs et les savoirs. Histoire intellectuelle et politique de la médecine française au xixe siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1981, p. 270 sq.
-
[210]
Madison Grant s’était rendu célèbre par son livre The Passing of the Great Race or the Racial Basis of European History, New York, Charles Scribner’s Sons, 1916, XXI-245 p. ; nouvelle éd., 1918, xXV-296 p. Auteur d’un grand nombre d’articles publiés dans des revues scientifiques, le biologiste Charles B. Davenport avait présenté ses conceptions eugénistes d’une façon systématique dans Heredity in Relation to Eugenics, New York, Henry Holt and Co., 1911, III-xI/298 p. Voir notamment Charles C. Alexander, « Prophet of American Racism : Madison Grant and the Nordic Myth », Phylon, 23, 1962, p. 73-90 ; Thomas F. Gossett, Race : The History of an Idea in America [1963], New Edition, New York, Oxford University Press, 1997, p. 353-364, 387-390, 396-398 (sur M. Grant) ; Geoffrey G. Field, « Nordic Racism », Journal of the History of Ideas, vol. XXXVIII, n° 3, juillet-septembre 1977, p. 523-540 ; Daniel J. Kevles, Au nom de l’eugénisme, op. cit., p. 55-78 [sur Davenport] ; Stefan Kühl, The Nazi Connection : Eugenics, American Racism, and German National Socialism, Oxford et New York, Oxford University Press, 1994, passim.
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[211]
Georges Vacher de Lapouge, « La race chez les populations mélangées » [1921], Transactions II International Congress of Eugenics, vol. II : Eugenics in Race and State, Baltimore, Williams and Wilkins, 1923, p. 1-6. Dans la « Revue des sciences » du Journal des Débats, le 3 mai 1923, Henry de Varigny consacre la moitié de sa chronique à rendre compte des travaux du Second Congrès international d’eugénique, à travers les deux volumes d’actes qui viennent d’être publiés. Il y fait la part belle à Lapouge : « La poussée en faveur de l’élevage humain produira-t-elle ses effets ? Les enthousiastes n’en doutent pas. Lisez plutôt l’étude de M. G. V. de Lapouge sur “La Race chez les populations mélangées” où il dénonce la substitution générale, par les sélections sociales, des races inférieures aux supérieures, et il en va ainsi dans toute population à races mélangées, ce qui est le cas le plus fréquent. La guerre de classes est une véritable guerre de races et, dit l’auteur, le moment est venu où l’homme doit choisir entre devenir un demi-dieu ou retourner à la barbarie des contemporains du mammouth.” L’organisation d’une sélection artificielle, ajoute-t-il, n’est qu’une question de temps. Il sera possible de renouveler en bloc, en quelques siècles, toute l’humanité, et de remplacer la masse par une race bien supérieure dans laquelle la sélection pourra être ultérieurement continuée. J’ai confiance dans les Anglo-saxons pour mener à bien cette entreprise sans pareille, et faire passer dans la pratique une théorie dont ils ont eu jusqu’ici le monopole.” »
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[212]
Référence au séjour de Lapouge à New York, en septembre 1921, à l’occasion du Second Congrès international d’eugénique.
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[213]
Il s’agit du texte de la communication faite par Lapouge au Second Congrès.
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[214]
Archives Lapouge. Lorsqu’il rédige cette lettre, Lapouge vient tout juste de prendre sa retraite (le 1er août 1922), après 41 ans de service. Voir Jean Boissel, « Une correspondance inédite… », art. cit. [1987], p. 747, note 10.
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[215]
Fonds Davenport, American Philosophical Society.
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[216]
Europe, n° 9, 1er octobre 1923, p. 59-67 (numéro consacré au « comte de Gobineau »). Voir Pierre-André Taguieff, « Face à l’immigration : mixophobie, xénophobie ou sélection. Un débat français dans l’entre-deux-guerres », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 47, juillet-septembre 1995, [p. 103-131], p. 127-128.
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[217]
Voir Jean Boissel, « Une correspondance inédite : Jean-Richard Bloch et Vacher de Lapouge (À propos du numéro d’Europe consacré à Gobineau) », Revue d’histoire littéraire de la France, 1987, n° 4, p. 744-752.
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[218]
Margaret Sanger avait fondé l’American Birth Control League en 1914 (siège à New York), dont l’organe officiel, lancé en 1917, était The Birth Control Review. Le Cinquième Congrès international du Birth Control s’était tenu à Londres en 1922. En 1920, Margaret Sanger publie un essai, Woman and the New Race (New York, Brentano’s Inc.), qui deviendra un best-seller – Marie-Thérèse Nisot, dans sa vaste étude, mentionne le chiffre de 200 000 exemplaires diffusés (La Question eugénique dans les divers pays, Bruxelles, Georges Van Campenhout, 1927, t. I, p. 383). En 1922 suit un autre essai, The Pivot of Civilization (New York, Brentano’s Inc. ; réimpression, Washington Summit Publishers, 2003), où, dans le chapitre qu’elle consacre à l’eugénisme, la théoricienne et militante néo-malthusienne se félicite de ce que le Birth Control ait été adopté comme une « partie du programme de l’eugénique » : le Birth Control « a été accepté par la plupart des esprits lucides et capables de voir loin, parmi les eugénistes eux-mêmes, comme le plus nécessaire et le plus constructif des moyens de la santé raciale » (op. cit., p. 189) ; voir Carl Jay Bajema, Eugenics : Then and Now, Stroudsburg, Pennsylvania, Dowden, Hutchinson & Ross, Inc., 1976, p. 129, où le chapitre 7 du livre de M. Sanger est intégralement reproduit, aux pages 112-129). En 1919, Margaret Sanger résumait ainsi sa vision d’un contrôle des naissances ordonné à l’idéal eugénique : « Davantage d’enfants issus de personnes capables, moins d’enfants issus d’incapables – tel est l’objectif fondamental du contrôle des naissances » (« Why Not Birth Control in America ? », Birth Control Review, mai 1919, p. 10-11 ; cité par Linda Gordon, Woman’s Body, Woman’s Right : A Social History of Birth Control in America, New York, Grossman, 1976, p. 281 ; Daniel J. Kevles, op. cit., p. 128). Margaret Sanger n’hésitait pas à prôner, parmi les mesures d’eugénique dite « négative » ou « restrictive », la stérilisation (Daniel J. Kevles, ibid., p. 134). Voir par exemple M. Sanger, The Pivot of Civilization, op. cit., p. 184 sq. Admirateur de Margaret Sanger, Havelock Ellis a théorisé l’alliance à ses yeux nécessaire entre le mouvement féministe, le mouvement néo-malthusien et le programme eugéniste (« Birth-Control and Eugenics », Eugenics Review, 9, 1917, p. 32-41 ; article reproduit dans Carl J. Bajema, op. cit., p. 102-111). Voir aussi Frank H. Hankins, « The Interdependence of Eugenics and Birth Control », Birth Control Review, 15, 1931, p. 170-171.
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[219]
Dans sa lettre du 20 février 1925 à Davenport, Lapouge confie à son correspondant américain : « Je partirai peut-être pour l’Amérique par la France, le 11 mars. J’ai été réquisitionné avec énergie par Miss Margaret Sanger pour la Conférence qu’elle organise à New York fin mars. Il paraît que ma présence est indispensable au bien de la cause sélectionniste. »
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[220]
Le pédagogue libertaire Paul Robin (1837-1912), pionnier en France de l’eugénique néo-malthusienne, avait fondé en août 1896 la Ligue de la régénération humaine. Voir Gabriel Giroud [disciple de P. Robin], Paul Robin. Sa vie, ses idées, son action, Paris, Éditions G. Mignolet et Storz, 1937 ; Alain Drouard, « Aux origines de l’eugénisme en France : le néo-malthusianisme (1896-1914) », Population, 2, mars-avril 1992, p. 435-459 ; Christiane Demeulenaere-Douyère, Paul Robin (1837-1912). Un militant de la liberté et du bonheur, Paris, Éditions Publisud, 1994, en partic. p. 305 sq.
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[221]
Lapouge, lettre à Davenport du 20 février 1925.
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[222]
Archives Lapouge. Voir Margaret Sanger, Margaret Sanger : An Autobiography, New York, W. W. Norton, 1938, p. 372-373. Voir aussi Georges Vacher de Lapouge, « A Eugenic Birthrate for France », in Margaret Sanger (éd.), Sixth International Neo-Malthusian and Birth Control Conference, New York, Baltimore, American Birth Control League, 1925, p. 227-231. Sur la rencontre Lapouge/Sanger, voir William H. Schneider, Quality and Quantity, op. cit., p. 209, 238.
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[223]
Telle est la caractérisation de Lapouge qu’on trouve dans la brève présentation faite par la rédaction d’Eugenical News d’extraits d’une lettre adressée par le maître français du sélectionnisme à Madison Grant, le 28 décembre 1927 (« Races Studies in Europe », Eugenical News, vol. XIII, n° 6, juin 1928, p. 82).
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[224]
Il reste que cette alliance ne se concrétisera pas, les disciples de Paul Robin, notamment, continuant de garder leurs distances vis-à-vis de Lapouge. Voir par exemple Manuel Devaldès, La Maternité consciente. Le rôle des femmes dans l’amélioration de la race, Paris, Édition Radot, 1927 (l’ouvrage se situe expressément dans la perspective illustrée par Margaret Sanger). Pourtant, dans sa lettre du 24 avril 1925 à Margaret Sanger, Lapouge mentionne plutôt amicalement le nom de Gabriel Giroud, en compagnie duquel il avait fait le voyage de retour en France : « J’ai quitté M. Giroud à Cherbourg, en parfaite santé. » Sous le pseudonyme de Georges Hardy, Giroud avait publié en 1919 La Question de population et le problème sexuel (Paris, Librairie Scientifique, x-432 p.), qui était vite devenu le texte de référence du courant néo-malthusien en France (l’ouvrage avait fait l’objet, en 1914, d’une première édition sous le titre L’Avortement. Sa nécessité, ses procédés, ses dangers, Paris, chez l’auteur, x-428 p.).
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[225]
Voir les lettres de Lapouge à M. Payot des 1er et 28 juin 1924, ainsi que la lettre à Gustave Le Bon (directeur littéraire chez Flammarion) du 22 décembre 1924 (Archives Lapouge). Il n’est pas dénué d’intérêt de noter que la traduction française de l’un des livres de Theodore Lothrop Stoddard (1883-1950), théoricien raciste et eugéniste américain, disciple de Madison Grant et ami de Henry F. Osborn, sera publiée chez Payot en 1925, sous le titre Le Flot montant des peuples de couleur contre la suprématie mondiale des blancs (traduction française A. Doysié ; 1re édition américaine, New York, 1920). Voir Thomas F. Gossett, op. cit., p. 390-398 ; Stefan Kühl, op. cit., p. 61-63, 99-100.
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[226]
Georges Vacher de Lapouge, préface à Madison Grant, Le Déclin de la grande race, traduction française Emmanuel Assire, Paris, Payot, 1926, pp. 7-21.
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[227]
Op. cit., p. 267-282. Dans son livre sur les États-Unis publié un an après la traduction du Déclin de la grande race, André Siegfried consacre un chapitre à « L’eugénisme, conscience ethnique » (Les États-Unis d’aujourd’hui, Paris, Armand Colin, 2e éd., 1927 ; chap. VII, p. 104-113) suivi par un autre traitant de « La défense de l’Amérique contre l’Europe : l’immigration » (chap. VIII, p. 114-124), dans lequel, citant notamment Madison Grant, il aborde à la fois la question du Birth Control, celle des stérilisations eugéniques et celle de la restriction de l’immigration (lois de 1917, 1921 et 1924). André Siegfried ne cachait pas son inquiétude : « Entre les mains d’un peuple conscient de sa supériorité, qui stériliserait sans remords les nègres, les jaunes, les “inférieurs”, dont nous serions peut-être, l’eugénisme intégral reléguerait éventuellement à l’état de souvenir cette conquête démodée que sont les “droits de l’Homme” » (op. cit., p. 113). Le double rejet de l’individualisme et de l’universalisme, qu’implique en effet le programme racio-eugéniste, avait été clairement pointé par Lapouge en 1899 dans les dernières pages de L’Aryen. Son rôle social (op. cit., p. 509-514). L’eugénique raciale présuppose à la fois que « l’individu est écrasé par sa race, et n’est rien » (ibid., p. 511), qu’« il n’y a […] pas de droits de l’Homme » (ibid.), et que « l’idée même de droit est une fiction » car « il n’y a que des forces » (ibid., p. 512).
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[228]
Georges Dequidt, Georges Forestier, « Les aspects sanitaires du problème de l’immigration en France », Revue d’hygiène, t. XLVIII, n° 12, décembre 1926, p. 999-1049. Voir William H. Schneider, « Hérédité, sang et opposition à l’immigration dans la France des années trente », Ethnologie française, t. 24, n° 1, janvier-mars 1994, [p. 104-117], p. 105-106 ; Pierre-André Taguieff, « Face à l’immigration… », art. cit., p. 113-115. Pour situer dans son contexte politico-scientifique le rapport de Dequidt et Forestier, voir Lion Murard, Patrick Zylberman, « De l’hygiène comme introduction à la politique expérimentale, 1875-1925 », Revue de synthèse, IIIe série, 115, 1984, p. 313-341 ; id., L’Hygiène dans la République. La santé publique en France, ou l’utopie contrariée 1870-1918, Paris, Fayard, 1996, en particulier p. 299-330.
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[229]
Voir Georges Dequidt, Georges Forestier, art. cit., p. 1001-1003.
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[230]
Lapouge fait ici référence à la prophétie sur laquelle se conclut son « cours libre de science politique » de 1889-1890, publié dix ans plus tard sous le titre L’Aryen. Son rôle social : « En face des dogmes nouveaux [du monisme sélectionniste], l’alliance des hommes de l’Église et de ceux de la Révolution [française] sera le fait de demain. » (op. cit., p. 514).
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[231]
Archives Lapouge.
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[232]
Dirigé par Hanno Konopath, ce numéro spécial comprend des articles de Hans F. K. Günther, Madison Grant, Jon Alfred Mjoen, Bertha Berblinger Ammon, Luis Huerta, Ludwig Schemann, du Dr Buttersack et d’« un Français » (Auguste-François Dupont, dit Du Pont). Précisons que Luis Huerta Naves avait publié en 1918 Eugenica, maternologia y puericultura (Madrid, Fortanet, 328 p.). Quant à Jon Alfred H. Mjoen, spécialiste de la question des croisements inter-raciaux, il avait lui-même participé au Second Congrès international d’eugénique de septembre 1921, et sa communication suit de quelques pages celle de Lapouge, dans le second volume des actes du Congrès (« Harmonic and Disharmonic Race Crossings », Eugenics in Race and State, op. cit., p. 41-61).
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[233]
Voir Jean Boissel, « Autour du gobinisme, correspondance inédite entre L. Schemann et G. Vacher de Lapouge », Annales du CESERE, n° 4, 1981, p. 91-119.
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[234]
Les premiers membres français de la « Société Gobineau » furent le wagnérien Édouard Schuré et l’écrivain traditionaliste Paul Bourget. Les rejoignent Vacher de Lapouge, Jacques de Boisjolin, le comte Paul de Leusse, Jean Finot, Gabriel Monod, Célestin Bouglé, Albert Sorel, etc. Voir Albert Sorel, « Le comte de Gobineau et la ligue gobinienne en Allemagne », Le Temps, 22 mars 1904 (repris in A. Sorel, Notes et portraits, Paris, Plon, 1909, p. 227-239) ; Jacques Morland, « Le comte de Gobineau », in Comte de Gobineau, Pages choisies, Paris, Mercure de France, 1905, p. 5 ; Robert Dreyfus, La Vie et les prophéties du comte de Gobineau, Paris, Cahiers de la Quinzaine, puis Calmann-Lévy, 1905, p. 5-6. Voir aussi Jean Boissel, « Autour du gobinisme… », art. cit., p. 91, 93-95, 100-101, 102, 111 (note 4), 112 (note 4 de la lettre du 17 février 1899), 114 (notes 6, 7 et 8), 115 (notes 3 et 6).
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[235]
Julius Friedrich Lehmann (1864-1935) était le plus important des éditeurs qui publiaient en Allemagne des écrits relevant à la fois du mouvement völkisch et de l’« hygiène raciale » (eugénisme, sélectionnisme). Il était par exemple l’éditeur d’eugénistes racistes tels que Ernst Rüdin, Erwin Baur, Eugen Fischer, Fritz Lenz ou Géza von Hoffmann. En 1926, il avait fondé Volk und Rasse, à Munich, où l’on pourra lire, après la mort de Lapouge, un article d’un collaborateur de Die Sonne, Werner Kulz, « Marquis de Lapouge zum Gedenken », in Volk und Rasse, 11e année, n° 6, juin 1936, p. 255-258. Éditeur de Schemann et de Günther, Lehmann avait fondé en 1917 la revue nationaliste Deutschlands Erneuerung, dans laquelle Günther publie en 1927 une étude sur les doctrines lapougiennes : « Der nordische Gedanke in Frankreich », in 11e année, p. 490-496. Sur les activités de cet éditeur engagé, voir Max Weinreich, Hitler’s Professors [1946], New Haven et Londres, Yale University Press, 1999, p. 27 sq. ; Robert Proctor, Racial Hygiene. Medicine under the Nazis, Cambridge, Mass., et Londres, Harvard University Press, 1988, passim ; Paul Weindling, op. cit., en particulier p. 299-313, 471 sq. Sur les revues völkisch, voir Armin Mohler, La Révolution conservatrice en Allemagne 1918-1932, traduction française H. Plard et H. Lipstick [d’après la 3e édition allemande, 1989], Puiseaux, Pardès, 1993, p. 361-366 ; Uwe Puschner, Walter Schmitz und Justus H. Ulbricht (Hg.), op. cit., passim.
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[236]
Voir notamment les articles suivants (études ou extraits de lettres) de Lapouge : « Contribution to the Fundamentals of a Policy of Population », Eugenics Review, vol. XIX, n° 3, octobre 1927, p. 192-197 ; « The Numerous Families of Former Times », ibid., p. 198-202 ; « Race Studies in Europe », Eugenical News, vol. XIII, n° 6, juin 1928, p. 82-84 ; « The Nordic Movement in Europe », ibid., vol. XIII, n° 10, octobre 1928, p. 132-133 ; « Thoughts of Count of Lapouge », ibid., vol. xIV, n° 6, juin 1929, p. 78-80 ; « From Count de Lapouge », ibid., vol. XV, n° 8, août 1930, p. 116-117 ; « Post-War Immigration into France », ibid., vol. XVII, n° 4, juillet-août 1932, p. 94-95 ; « A French View », ibid., vol. XIX, n° 2, mars-avril 1934, p. 39-40. Voir aussi son ultime article synthétique sur la théorie et la pratique de l’eugénique, « Note sur le programme du monisme sélectionniste », Records of Progress, vol. XIII, n° 1, février 1930, p. 37-45 (traduction allemande, « Anmerkungen zum rassenhygienischen Ausleseprogramm », Die Sonne, VIII, n° 11, novembre 1931, p. 481-490).
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[237]
Die Sonne, VI (1), janvier 1929, p. 3-8. Cet article, « Origine biologique de l’inégalité des classes » (1928, manuscrit conservé aux archives Lapouge), est resté inédit en français.
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[238]
Archives Lapouge. Les prétentions scientifiques de l’anthroposociologie ont fait l’objet d’une discussion critique savante dans la seconde moitié des années vingt. Voir notamment Pitirim A. Sorokin, Social Mobility, New York, Harper, 1927 (2e éd. augmentée, Social and Cultural Mobility, New York, The Free Press of Glencoe, 1959, puis 1964, en particulier p. 217-257) ; id., Les Théories sociologiques contemporaines [1928], traduction française R. Verrier, Paris, Payot, 1938, p. 180-197, 205-233 ; Frank H. Hankins, La Race dans la civilisation. Une critique de la théorie nordique [1926], traduction française [Anonyme], Paris, Payot, 1935, p. 117-163.
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[239]
Archives Lapouge.
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[240]
Archives Lapouge. Le disciple autodidacte de Lapouge, Auguste-François Dupont (qui signait Warren C. Kincaid), négociant en vins (né le 3 août 1869 à Calais), était décédé le 13 avril 1935 à Paris. C’est Dupont qui, actif dans les milieux gobiniens et parmi les défenseurs de la « race nordique », avait mis Lapouge en relations avec Günther au début de 1927 (Jean Boissel, « Autour du gobinisme… », art. cit., p. 113, 117 et 118). Sur l’importance des références à Lapouge chez les théoriciens « nordicistes » dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, voir Hans-Jürgen Lutzhöft, Der nordische Gedanke in Deutschland 1920-1940, Stuttgart, Ernst Klett, 1971, p. 99-100, 185-186 et 247-248.
-
[241]
Georges Vacher de Lapouge, L’Aryen, op. cit., p. 463.
-
[242]
Voir l’article nécrologique consacré à Lapouge dans Miscellanea entomologica, vol. XXXVII, n° 4, 1936, p. 39-40. Voir aussi E. Barthe, « G. Vacher de Lapouge, sa vie et ses œuvres », ibid., vol. XXXVIII, n° 3, 1937, p. 29-31.
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[243]
Henri-Victor Vallois, in L’Anthropologie, t. XLVI, 1936, p. 481. Voir aussi la longue étude critique d’Étienne Patte, « Georges Vacher de Lapouge (1854-1936) », in Revue générale du Centre-Ouest de la France, 12e année, n° 46, juillet 1937, p. 769-789.
-
[244]
Paris, La Jeune République ; Cahiers de la démocratie, n° 52, novembre-décembre 1938, 64 p., dédié « À notre grand ami Marc Sangnier ».
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[245]
Paris, Hermann, fin 1938.
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[246]
Voir par exemple Jean Colombat, La Fin du monde civilisé. Les prophéties de Vacher de Lapouge, Paris, Vrin, 1946 ; Pierre-Paul Grassé, L’Homme en accusation. De la biologie à la politique, Paris, Albin Michel, 1980, p. 38 sq., 319. Plus récemment, le médecin-anthropologue Pierre-André Gloor s’est efforcé de soumettre à un réexamen critique la théorie anthroposociologique ; voir notamment P.-A. Gloor, « Vacher de Lapouge et l’anthroposociologie », Revue européenne des sciences sociales, t. XXIII, n° 69, 1985, p. 157-170. On notera que les doctrines racistes et eugénistes de Lapouge n’ont pas cessé d’être abordées, suivant une tradition persistante, dans le cadre des études sur le « darwinisme social ». Voir Linda L. Clark, op. cit. [1984] ; Jean-Marc Bernardini, op. cit. [1997] ; Mike Hawkins, Social Darwinism in European and American Thought, 1860-1945, New York, Cambridge University Press, 1997, p. 191-200.
-
[247]
Voir Milton Hindus, L.-F. Céline tel que je l’ai vu, traduction française A. Belamich, Paris, Éditions de L’Herne, 1969, p.166-167 ; Philippe Alméras, Les Idées de Céline. Mythe de la race, politique et pamphlets, Paris, Berg International, 1991, p. 463. Philippe Alméras suppose que Céline ne connaissait de Lapouge que « ce que lui en avait dit Montandon » (Céline. Entre haine et passion, Paris, Robert Laffont, 1994, p. 430).
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[248]
Cette lettre est partiellement reproduite dans le Bulletin de la N.R.F., n° 139, juin 1959, p. 10-11 ; je la cite d’après Louis-Ferdinand Céline, Lettres à la N.R.F. 1931-1961, édition établie, présentée et annotée par Pascal Fouché, Paris, Gallimard, 1991, p. 463. Il faudra en effet attendre 1984 pour pouvoir trouver dans un dictionnaire un article spécialement consacré à la pensée de Lapouge. Voir mon article dans le Dictionnaire des philosophes, Paris, PUF, 1984, t. II, p. 2 559-2 565 : « Vacher de Lapouge Georges 1854-1936 ». On doit aux travaux pionniers de Jean Boissel sur le racisme à la française d’avoir initié une approche savante de l’école sélectionniste. Parallèlement, ceux de Zeev Sternhell ont fait entrer dans le champ de l’histoire des idées politiques l’étude des doctrines biopolitiques situées au croisement du socialisme, de l’eugénisme et du racisme. Voir Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Paris, Le Seuil, 1978, p. 16-18, 25, 151-169.
-
[249]
Voir par exemple l’ouvrage de J. Philippe Rushton (né en 1943) : Race, Evolution, and Behavior : A Life History Perspective, New Brunswick (USA) et Londres, Transaction Publishers, 1995. Les travaux de Rushton (publiés avant cet ouvrage de synthèse) sont abondamment cités et utilisés par Richard J. Herrnstein et Charles Murray dans leur livre controversé The Bell Curve (New York, The Free Press, 1994). Dès les deux premières pages de l’ouvrage, un hommage est rendu par les co-auteurs à Francis Galton, en tant que pionnier des travaux sur les facteurs héréditaires des aptitudes intellectuelles, dont témoigne notamment son livre Hereditary Genius, paru en 1869 (op. cit., p. 1-2). Sur le débat anglo-saxon, voir Russell Jacoby and Naomi Glauberman (éd.), The Bell Curve Debate : History, Documents, Opinions, New York, Random House, 1995.
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[250]
Voir mes livres Du progrès, op. cit., p. 144-145, 170 sq., et Résister au bougisme, op. cit., p. 153 sq.