Notes
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[1]
Cet article est basé sur un mémoire de DEA de l'Institut d'Études Politiques de Grenoble, sous la direction des professeurs Lewin et Bernard, 1988. On n'a pas repris ici toutes les références utilisées, notamment celles des ouvrages et articles de Pierre Quillard, mais on a ajouté quelques travaux importants plus récents.
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[2]
On ne peut pas citer ici l'ensemble des ouvrages sur l'affaire Dreyfus. Sur la mobilisation pour les Arméniens, voir entre autres l'article récent de Vincent Duclert et Gilles Pecout, « La mobilisation intellectuelle face aux massacres d'Arménie », in André Gueslin et Dominique Kalifa (sous la dir. de), Les Exclus en Europe, 1830-1930, Paris, Éditions de l'Atelier, 1999, p. 323-344. 3 Cf. la préface de Victor Hugo pour son recueil Les Orientales (1829) qui note que « l'Orient, soit comme image, soit comme pensée, est devenu pour les intelligences autant que pour les imaginations une sorte de préoccupation générale ». H. Lynch (Armenia, Travels and Studies, Londres, 1901, rééd. 1965) recense plus d'une centaine d'ouvrages consacrés à l'Arménie au xixe siècle, contre une vingtaine pour les xviie et xviiie siècles.
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[1]
Terme volontiers usité au xixe siècle pour désigner les arménophiles.
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[2]
D'après Henri de Régnier, Nos rencontres, Paris, Mercure de France, 1931, p. 105- 107. Cf. également l'ouvrage À la mémoire de Pierre Quillard, Paris, Mercure de France, 1912.
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[1]
Paris, Imprimerie d'Alcoutevry, 1886.
-
[2]
In À la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 73.
-
[1]
Ibid., p. 179.
-
[2]
Il collabore à diverses feuilles libertaires : La Basoche (Bruxelles), La Révolte puis Les Temps nouveaux de Jean Grave.
-
[3]
Paris, Stock, 1899. Cf. Georges Bensoussan, L'Idéologie du rejet. Enquête sur Le Monument Henry ou archéologie du fantasme antisémite dans la France de la fin du xixe siècle, Paris, Manya, 1993.
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[4]
In À la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 79.
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[1]
Archives personnelles de Pierre Quillard, s.d.
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[2]
Cf. Archag Tchobanian, in À la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 75. Minas Tcheraz a notamment publié L'Arménie, journal anglo-français politique et littéraire (1891- 1898 à Londres et 1898-1906 à Paris).
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[1]
Lettre autographe trouvée dans le fonds A. Tchobanian des archives d'Erevan, et citée par E. Khayadjian, in Archag Tchobanian et le mouvement arménophile arménien, Marseille, CRDP, 1986, p. 25-27.
-
[2]
In Pro Armenia, n° 72-73, 1er – 15 novembre 1903. Discours lors de la réunion arménophile du 25 octobre 1903.
-
[3]
Cf. Livre jaune. Affaires arméniennes. Projets de réformes dans l'Empire ottoman, 1893-1897, et Supplément, 1896-1896, Paris, Imprimerie nationale, 1897.
-
[1]
« Les massacres d'Arménie. Quelques documents et remarques en l'honneur du sultan Abdul Hamid, de la civilisation européenne et de l'alliance franco-russe », in Mercure de France, sept. 1896, p. 395-403 (citation p. 387).
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[2]
In A la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 35.
-
[3]
Paris, Mercure de France, 1897.
-
[1]
L'Assassinat du père Salvatore, op. cit., p. IX.
-
[2]
Paris, Stock, 1897.
-
[3]
P. Quillard, « Pour l'Arménie : mémoire et dossier », Cahiers de la quinzaine (3e série, 19e année), Paris, 1902.
-
[1]
Quillard est également proche du rédacteur de Droschak, Aknouni (Khatchadour Maloumian), auteur notamment des Plaies du Caucase, Genève, 1905, préfacé par Francis de Pressensé, avec une introduction de P. Quillard.
-
[2]
À la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 220-221.
-
[1]
La première série paraît du 25 novembre 1900 au 28 octobre 1908.
-
[1]
Ibid., p. 225.
-
[1]
Paris, Mercure de France, 1901.
-
[1]
Préface à Georges Dorys, Abdul Hamid intime, op. cit., p. XI.
-
[2]
C'est notamment le cas en février 1901, lorsque l'arrivée en rade de Messine de trois cuirassés français, le Du Chayla, le Latouche Tréville et le Pothuau, empêche des massacres à Aïntab. Cf. Pro Armenia, « La Quinzaine », 1er mai 1904.
-
[1]
Pierre Quillard, « La Quinzaine », Pro Armenia, 15 octobre 1903.
-
[2]
Cet organe de la Jeune-Turquie paraît à Paris, avec un supplément français bimensuel, de 1896 à 1907.
-
[3]
Mechveret, 15 février 1902.
-
[1]
Pro Armenia, 25 février 1902.
-
[2]
Cf. lettre du 11 juin (sans mention lisible d'année : 1900 ?) dans archives personnelles de P. Quillard conservées par sa famille.
-
[3]
Pro Armenia, 20 août 1906.
-
[1]
Ibid., 15 octobre 1905.
-
[2]
Publiée dans ibid. du 25 février 1902.
-
[3]
Sont présents et signent l'appel : le comité ottoman d'Union et de Progrès (organes officiels : Chouraï, Ummet et Mechveret), la FRA-Dachnaktsoutioun (Droschak), la Ligue ottomane d'Initiative privée de Décentralisation et de Constitution (Teracqui), le Comité israélite d'Égypte (La Vare), les rédactions du Khilafet, d'Armenia (Marseille), du Razmig (pays balkanique), d'Haïrenik (Boston), le Comité Ahdi-Osmani (Égypte).
-
[4]
Pro Armenia, 5 janvier 1908.
-
[1]
Suite sous le titre Pour les peuples d'Orient, de décembre 1912 à novembre 1913, vingt-quatre numéros publiés ; sous le titre Pro Armenia, 2e série, 10 décembre 1913 au 25 juillet 1914, quinze numéros publiés.
-
[2]
Cf. l'article de Victor Bérard, « Le choix arménien », in Pour les peuples d'Orient, 10 janvier 1913.
-
[3]
L'adresse est reproduite dans Pro Armenia, 25 octobre 1901.
-
[1]
Pro Armenia, 25 novembre 1901.
-
[2]
Réponse de Delcassé à une interpellation de E. Vaillant, C. Rouanet et M. Sembat, in Pro Armenia, 25 janvier 1902.
-
[3]
Delcassé reçoit Pierre Quillard en 1901, puis une délégation rassemblant D. Cochin, A. de Mun, F. de Pressensé et de Roberty, le 15 juin 1902. Le 21 juin 1902, Quillard est reçu par le président du Conseil des Pays-Bas.
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[4]
Pro Armenia, 25 mars 1902.
-
[5]
Cf. E. Bernstein, Les Souffrances du peuple arménien et le devoir de l'Europe, Genève, 1902.
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[1]
Il a écrit notamment Les Arméniens et la question arménienne, Paris, 1896.
-
[2]
Cf. d'A. Vandal, Les Arméniens et la réforme de Turquie, Genève, 1903.
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[3]
Pro Armenia, 1er et 15 novembre 1903.
-
[4]
Ibid., 15 juillet 1904.
1De la fin du xixe siècle à la Grande Guerre, les massacres des Arméniens ne se sont pas déroulés dans l'ignorance et l'indifférence. Très tôt, ceux que l'on appellera, à partir de l'affaire Dreyfus, les « intellectuels », se sont mobilisés pour la défense des victimes [2], au Parlement, dans la presse, au cours de réunions publiques. Dans la liste des grandes figures arménophiles qui seront souvent aussi des dreyfusards, on peut citer Jaurès, Clemenceau, Anatole France, Péguy, etc. L'une des personnalités centrales du mouvement est certainement Pierre Quillard (1864-1912), indissociable du journal Pro Armenia dont il fut la cheville ouvrière de 1900 à 1908.
2Depuis le début du xixe siècle, l'intérêt pour l'Orient en général et l'Arménie en particulier n'a fait que croître3. Mais il faudra au mouvement philarmène [1], outre une actualité douloureuse – les massacres hamidiens de 1894-1896 – une impulsion : elle est donnée par les premiers partis politiques arméniens qui font appel à l'opinion publique européenne. La toute jeune Fédération révolutionnaire arménienne-Dachnaktsoutioun, créée en 1890 à Tiflis, joue un rôle important dans la structuration du mouvement protestataire qui commence à apparaître. Dès 1896, elle participe comme observatrice au IVe Congrès de la IIe Internationale. Outre des actions d'autodéfense de la paysannerie arménienne de l'Empire ottoman, elle organise ce qui constitue probablement la première opération de « terrorisme publicitaire » internationale : la prise de la Banque ottomane à Constantinople (26 août 1896). L'objectif escompté – l'intervention de l'Europe pour arrêter les massacres et faire appliquer les réformes promises à Berlin – ne sera pas atteint, et cette action déclenche une nouvelle vague de massacres dans la capitale même, sous les yeux des diplomates et autres témoins européens, dont Pierre Quillard.
I. Poète, helléniste, anarchiste, humaniste
3Né à Paris le 14 juillet 1864, de formation classique (EPHE, école des Chartes), Pierre Quillard fut d'abord helléniste au siècle de l'orientalisme. Sa bibliographie (traductions d'auteurs grecs, études philologiques) est éloquente à cet égard. Mais il est intéressé autant par la littérature et l'histoire antique de la Grèce que par son actualité. En 1896, devenu journaliste, il va suivre comme correspondant de L'Illustration la guerre gréco-turque. L'hellénisme est aussi pour lui une porte d'entrée dans le monde des Lettres. Du cercle lycéen des « Moineaux francs », avec son journal lithographié Le Fou, à son adhésion aux mouvements poétiques qui essaient de s'émanciper du romantisme, il fait partie des jeunes qui veulent permettre à « la Beauté de reprendre son ascension », sous les auspices de Mallarmé, Leconte de Lisle, Villiers de l'Isle-Adam... Il fréquente ou organise lui-même des réunions littéraires avec Saint Pol Roux, Maeterlink, Henri de Régnier, Marcel Proust. Ce dernier a même pourvu le Bloch de À la recherche du temps perdu d'une des caractéristiques de Quillard, son « langage homérique [2] ». Il apparaît dans ces cercles littéraires comme un homme joueur, plein de bonhomie sympathique, cordial, courtois, érudit, affectant parfois de prendre des airs terribles, imitant une colère féroce. La poésie de Quillard subit les influences parnassiennes, restant fidèle à la prosodie classique et s'inspirant de la mythologie. Il cherche à dégager ce que la vie humaine peut avoir de pathétique et de dramatique, dans une langue parfaite, mais parfois un peu pompeuse. Son émotion l'entraîne vers le symbolisme, même si lui et ses amis récusent cette étiquette et optent pour La Pléiade, plutôt que Le Symbole, comme titre de leur revue. Dans une lettre à Bernard Lazare parue au Mercure de France en 1893, Pierre Quillard explique sa conception de la poésie et des poètes :
4La prose s'accommode de toutes les niaiseries et de toutes les emphases, mais le vers ne saurait sans déchéance exprimer telle ou telle manière de dire, spéciale à des individus déterminés ; il semble destiné uniquement à proférer des choses éternelles. [...] Le poème plongera toujours par ses racines obscures et douloureuses dans le noir enfer de la vie présente ; il sera nourri de ce que nous avons aimé, de ce que nous avons connu ou pressenti. Mais il jaillira pour nous-mêmes et pour autrui, hors de cette terre d'angoisse, comme une fleur prodigieuse, sans tige, planant dans l'éclatante lumière. [...] Laissez-chanter ceux à qui échut cette grâce jusqu'alors si rare ; laissez les chanter non pour en donner l'esprit de révolte mais afin que quiconque aura été affranchi un instant par leur parole étendue relève la tête et veuille demeurer libre. Et puisque les geôles sont trop solides et les géhennes trop avares, à d'autres heures, les porteurs de lyre prendront l'épée et la pioche.
5La poésie de Pierre Quillard donne plus d'un signe de cet idéal humanitaire qui sera le fil conducteur de la vie du poète militant. Quillard favorisera l'action aux dépens de la poésie. Cette originalité le distingue de ses amis littéraires. Il ne dédaignera pas de se jeter dans la « mêlée sociale ». Ferdinand Hérold ne voit d'ailleurs dans la vie du poète qu'une seule et même logique :
6Le poète de « Celle qu'on foule », « La fille aux mains coupées [1] », ne pouvait rester sourd à la grande plainte humaine, il fallait qu'il allât vers ceux qui souffrent, non pas pour les consoler par la tristesse des résignations mais pour les rendre conscients de leurs droits [2]. »
7Ses amis qui, dans leurs hommages posthumes, ont davantage insisté sur l'humaniste que sur le poète, ont vu dans L'Errante l'évocation du poète lui-même dans son rôle de « justicier » au service des hommes. Ce poème a été écrit au retour du voyage de 1893 dans l'Empire ottoman. Quillard connaît alors le traitement réservé aux Arméniens par le sultan. Pour expliquer le passage à l'action du poète, Stuart Merill avance que « Quillard ne pouvait pas imaginer qu'on prétendît aimer le beau et que l'on se détournât égoïstement des effroyables laideurs de notre temps ». Le poète américain pense même que Quillard aurait recherché « la réalisation pratique de l'harmonie qui régnait dans ses œuvres et dans celles qu'il admirait car il ne pouvait pas tolérer une dissonance dans la société et portait en lui le souci de la perfection [1] ».
8Les facteurs déterminants de son engagement auprès des opprimés seront néanmoins ses expériences et ses rencontres en dehors du monde littéraire, ainsi que son athéisme. Pierre Quillard ne croit pas à la fatalité et pense que seule l'action des hommes peut changer leur propre avenir. Ses amis ont vu en lui la réussite complète de l'alliance du rêve et de l'action. Il fera ses premières armes dans l'aventure boulangiste, l'anarchisme [2] et surtout l'affaire Dreyfus. Il témoigne au procès de Zola (7- 23 février 1898), à la suite duquel il publie le Monument Henry [3], recueil des souscriptions pour la révision du procès du capitaine Dreyfus. C'est le début d'une longue lutte qui ne le projettera pas sur le devant de la scène mais lui fera côtoyer Zola, Bernard Lazare, Francis de Pressensé et Octave Mirbeau. Dès la création de la Ligue des droits de l'homme, il en est l'un des premiers adhérents – c'est d'ailleurs la seule organisation à laquelle il ait adhéré de façon certaine, et cela est assez significatif. La Ligue est en effet un rassemblement de « volontés », conçu pour que cohabitent des individus, voire des courants d'opinions diverses. Pierre Quillard participe à des réunions multiples. Au comité central dès 1904 en même temps que Paul Painlevé, il devient vice-président de l'organisation en 1907 et secrétaire général en 1911, alors que Pressensé en est le président. Ce dernier rapportera que tous les deux ont « parcouru de nouveau à cinq reprises, l'étendue de la France entière », « plus de douze mille kilomètres » et « tenu plus de quatre-vingts réunions », rien que pour l'année 1911 [4]. Les dossiers dont il est chargé sont notamment les crimes commis au Congo, la violation des droits de l'homme en Pologne, les pogroms contre les Juifs en Russie et les affaires d'Arménie.
9Le parallèle entre les massacres d'Arménie et l'affaire Dreyfus sera souvent souligné par les arménophiles, soit pour montrer comment l'un et l'autre ont constitué des crimes monstrueux, soit pour déplorer que les massacres arméniens ne suscitent pas autant de polémique que « l'Affaire ». Quillard utilisera son expérience acquise dans l'action en faveur de Dreyfus pour organiser le mouvement arménophile : il le concevra, comme à la Ligue des droits de l'homme, de façon à accueillir toutes les volontés venues de tous les horizons politiques et sociaux. Mais c'est probablement aussi son expérience de la réalité ottomane et des massacres arméniens qui l'avait déjà sensibilisé concrètement à l'oppression des minorités.
II. Témoin oculaire des massacres hamidiens
10De l'avis de ses amis, la vie de Pierre Quillard fut changée après le voyage qu'il effectua en 1893 dans l'Empire ottoman. Il avait été invité à venir à Constantinople pour enseigner le latin et le français au collège des Arméniens catholiques de Péra. Dans une lettre à son cousin Charles, il annonce ainsi son départ :
11[...] Je partirai dans les premiers jours de janvier pour Constantinople ; je serai de retour à la fin de juin pour repartir en septembre. Je vais enseigner diverses sottises dans un collège arménien catholique : avantages matériels peu considérables, avantages intellectuels énormes, éventualités de situations officielles importantes [...] [1].
12Il est impossible de savoir si Quillard s'était penché sur le sort de l'Arménie avant son départ. Il semble que non, et que sa passion pour ce pays date de cette expérience professorale. Il est aussi invité à dispenser des cours de philosophie et d'histoire des littératures à l'École centrale de Galata, premier établissement d'instruction secondaire national gratuit, créé par Mgr. Nersès Varjabédian, l'un des promoteurs de la Question arménienne. Le premier directeur de l'École fut son secrétaire, Minas Tcheraz, écrivain et orateur patriote et libéral, ayant fait partie de la délégation arménienne au congrès de Berlin [2]... Pierre Quillard y fait connaissance d'élèves de Constantinople, mais aussi des provinces orientales de l'Empire. Il fréquente des collaborateurs du journal libéral Haïrenik (patrie), et en particulier le poète Archag Tchobanian en 1894, alors que s'annonce un tournant dans la politique turque :
13Vinrent en septembre de la même année, les premiers massacres de Constantinople, puis jour par jour, lentement, grandit la rumeur de monstrueux massacres méthodiquement exécutés dans les villes et les villages d'Asie.
14Quand je me souviens des sentiments de désespoir, d'horreur, de colère et de dégoût que j'éprouvais alors, quand je me revois à l'École centrale de Galata, au milieu de mes élèves arméniens, anxieux d'apprendre même les pires catastrophes ou déjà trop sûrs que leurs « bien-aimés », dans les provinces lointaines avaient été égorgés par ordre souverain, je comprends mieux encore que M. Archag Tchobanian n'ait pu vivre plus longtemps dans cette atmosphère de sang [1].
15Tchobanian quitte en effet Constantinople en décembre 1895. En exil en France, il vouera sa vie à la Question arménienne, mais en dehors de toute organisation politique et en accomplissant des démarches avant tout d'ordre culturel, pour faire connaître l'histoire et la civilisation de sa nation. Pierre Quillard l'introduit dans les milieux littéraires, présente la traduction française d'un chroniqueur médiéval publiée en décembre 1895 dans la Revue blanche. Mais l'engagement de Quillard ne tient pas seulement à cette amitié. Il a été lui-même le témoin oculaire des massacres :
16Ce n'est pas par hasard que Victor Bérard [...] et mon humble personne, nous nous sommes préoccupés les premiers en France des choses arméniennes [...]. C'est parce que nous avons connu sur place le long martyre de ces populations que nous nous sommes intéressés à elles et, en racontant ce que nous avons vu, nous n'avons fait que notre devoir, nous avons dit la vérité [2].
17Dès le premier massacre, Quillard envoie une longue et scrupuleuse étude sur les événements à la Revue de Paris. L'article paraît le 1er septembre 1895, sous le pseudonyme de Maurice Le Veyre, car Quillard ne veut pas compromettre ses élèves et les écoles où il enseigne. Pour le rédiger, il a utilisé les conclusions de la Commission d'enquête turque à laquelle se sont joints les représentants des Puissances [3], ainsi qu'une enquête personnelle menée par lui auprès de rescapés. Son souci est d'informer, avec une obsession de la précision qu'on retrouvera dans Pro Armenia. Elle s'explique par le climat de polémique qui entoure les massacres. En septembre 1896, Quillard réitère : sous le pseudonyme de M.L. Rogre, il publie dans le Mercure de France une analyse de l'ouvrage d'Archag Tchobanian, préfacé par Clemenceau, Les Massacres d'Arménie.
18Un livre vient de paraître : Les Massacres d'Arménie : recueil de lettres écrites, sous l'impression même des événements, dans diverses villes et villages d'Anatolie, au cours des massacres organisés ou tolérés par le gouvernement turc et autorisés en fait par l'attitude des « grandes puissances européennes », pendant les mois d'octobre, novembre et décembre 1895. Selon les évaluations les plus modestes, environ 60 000 hommes, à peu près sans défense, ont été égorgés, pendus, brûlés, écorchés, dépecés, écartelés. Des documents officiels qui seront analysés plus loin en témoignent, avec l'impartiale concision des procès-verbaux. Mais dans les tragiques feuilles rassemblées ici, c'est le cri même de la détresse, la clameur de la chair souffrante qui surgit des pages muettes et obsède les oreilles [1].
19Malgré sa précaution d'utiliser des pseudonymes, Quillard commence à devenir suspect. Tchobanian raconte :
20Le gouvernement turc sentit bientôt que cet homme qui ne professait que dans des écoles arméniennes, qu'on voyait si souvent en compagnie d'amis arméniens, devait être un personnage dangereux pour la sécurité du régime hamidien. Et un jour la police l'arrêta, l'ayant pris tout simplement pour un « agitateur » arménien. Quillard connut pendant quelques heures les douceurs de la prison turque ; comme il appartenait à une nation de ghiaours [infidèles] puissants, il fut relâché immédiatement sur les réclamations de l'ambassade de France, et le ministre de la police lui fit les plus plates excuses [2].
21Cette erreur de la police turque, Quillard va à tout prix chercher à la justifier en devenant un arménophile actif et constant. Après trois ans passés en Turquie (de 1893 à 1896), il rentre en France. Tchobanian l'a précédé de quelques mois. En 1897, Quillard préface une autre de ses traductions, L'Assassinat du Père Salvatore par les soldats turcs [3], fragment du journal d'un chef révolutionnaire, Aghassi, qui témoigne sur l'assassinat par les soldats turcs d'un père franciscain, protégé français, au couvent de Moudjik-Déré le 19 novembre 1895. Quillard a connu l'auteur à Constantinople :
22Je les ai rencontrés un après-midi pâle d'octobre, dans une chambre d'hôtel : les héros étaient pareils au commun des hommes, presque frêles et l'un d'eux grelottait de fièvre. Aghassi parla, d'une voix à peine gutturale. Par moments ses petits yeux un peu bridés fulguraient : un tressaillement imperceptible courait sous la peau des pommettes émaciées, faisait trembler la barbe courte. Et il disait simplement la joie sacrée de la révolte, les victoires et les défaites, les affres de la famine, le courage des réfugiés sans pain, privés de sel pendant tout un mois, l'acharnement des femmes prêtes à la mort [1].
23Vont suivre une série d'ouvrages et d'articles sur l'Arménie et la politique des Puissances. En 1897 encore, il écrit en collaboration avec Louis Margery La Question d'Orient et la politique personnelle de M. Hanotaux [2] : il y décrit l'organisation du pouvoir ottoman, les massacres arméniens et l'insécurité des Européens, les réformes à apporter, vitupère contre la politique des dirigeants français. Sa dernière partie est un catalogue de preuves. Ce plan et ces thèmes seront repris dans d'autres ouvrages. En 1902, le Mercure de France publie un Cahiers de la quinzaine entièrement consacré à l'Arménie et rédigé par Quillard, dont le plan est le suivant : 1) la situation présente des Arméniens ; 2) la situation s'aggrave, suppression méthodique d'un peuple ; 3) contre les légendes sur les Arméniens : ils ne forment une majorité nulle part en Turquie, ils ne sont que des usuriers, ils sont incapables de se défendre, leurs mouvements révolutionnaires sont soudoyés par la Russie ou l'Angleterre. Quillard donne ensuite la liste des prisonniers politiques arméniens [3]. L'auteur souhaite, semble-t-il, faire de cet ouvrage un document de référence. Il devient d'ailleurs un véritable spécialiste, ayant l'avantage de la connaissance du terrain, et est souvent sollicité pour des renseignements par ses amis.
24À son retour de Constantinople, Quillard participe activement, on l'a vu, à la défense du capitaine Dreyfus. Mais son attention reste fixée sur l'Arménie. Il ne se contentera bientôt plus d'écrire irrégulièrement. Le 25 novembre 1900, paraît le premier numéro de Pro Armenia.
III. L'aventure de Pro Armenia
25L'idée de Pro Armenia revient au Dachnaktsoutioun. En 1895, le parti remet un mémorandum aux puissances signataires du traité de Berlin, avec le détail des réformes administratives à effectuer pour assurer la sécurité des Arméniens. Devant l'échec des démarches en direction des gouvernements, le parti change de stratégie, se tourne vers l'Internationale socialiste et décide d'accentuer les efforts de propagande. Une délégation arrive en Europe à cet effet. Parmi eux, Christapor Mikaélian, l'un des fondateurs du parti et le docteur Jean Loris-Mélikov (ou Mélikian), neveu de l'ancien ministre de l'Intérieur du tsar réformateur Alexandre II. C'est de la rencontre de ces hommes avec les socialistes français et Pierre Quillard [1] que naîtra Pro Armenia.
26La presse occidentale, souvent achetée, était en général indifférente, parfois ouvertement hostile aux Arméniens. D'où la nécessité d'inverser ces tendances. Plutôt que de forcer les portes des rédactions européennes, solution ponctuelle, les dachnaks choisirent de créer leur propre organe de presse pour agir sur l'opinion publique dont on espérait qu'elle ferait à son tour pression sur les gouvernements. Un des obstacles était de vaincre les sentiments arménophobes calqués sur les stéréotypes de l'antisémitisme. Un de ses amis arméniens rapportera que Pierre Quillard en avait bien conscience lorsqu'il lui expliquait :
27Savez-vous que tous nos efforts, toutes nos peines se heurtent à l'opinion générale que l'on a chez nous des commerçants arméniens. Bien des gens croient qu'on se fait des illusions sur le peuple arménien. Et dès que l'on juge l'Arménie paysanne, l'Arménie travailleuse, à travers ces individus riches et indifférents établis dans les centres de l'Europe et de l'Égypte, il est très difficile d'intéresser l'opinion publique, la majorité à votre cause. C'est ainsi que l'on peut expliquer le manque de sympathie. Votre pays est très lointain et le vrai Arménien tourmenté et crucifié, celui qui par sa lutte inlassable, par sa volonté et son énergie surhumaine incarne l'Arménie, est étranger à l'Europe. Donnez-nous un tableau de votre vie telle qu'elle est ; faites-en un sujet d'études pour des écrivains autorisés, reproduisez-les, distribuez-les dans tous les pays pour que l'on puisse connaître et comprendre au juste votre valeur [2].
28Outre une meilleure connaissance des Arméniens, le journal vise à créer une tribune de l'arménophilie pour permettre d'exercer un droit de réponse à ceux qui tentent de les discréditer. Au-delà, l'ambition est de résoudre la Question arménienne par l'intervention de l'Europe. Le recours à des intellectuels français apparaît nécessaire tant pour crédibiliser le message que pour raccourcir le chemin vers les autorités. Les premières tentatives de propagande en France, en 1885, avaient échoué. Les Arméniens étaient venus parler aux Français de l'amitié séculaire qui liait leurs deux pays, des croisades, du Mont Ararat, de l'arche de Noé et de Jean Althen qui avait introduit la culture de la garance en Avignon. Personne ne s'intéressa à ceux qui, naïvement, allaient fleurir la tombe de Léon de Lusignan à Saint-Denis. Pour faire réagir l'opinion publique, Pierre Quillard et Pro Armenia allaient trouver un moyen plus efficace que les liens historiques : le sensationnel et la détresse. Il réussira à faire inscrire dans le comité de rédaction des personnalités comme Jean Jaurès, Georges Clemenceau, Anatole France, Francis de Pressensé, E. de Roberty, Jean Longuet. Ce dernier est le secrétaire de rédaction.
29Comme dans le cas de la Ligue des droits de l'homme, créée sur le principe d'une adhésion minimum, Quillard l'anarchiste, qui est certainement celui qui conçoit la forme du journal et de son message – il est directeur de la rédaction – ne fait appel qu'aux « sentiments humanitaires de chacun » pour une exigence minimale : la préservation morale et physique d'un peuple. Certes Pro Armenia n'est pas « apolitique ». Le journal se dit favorable à l'émancipation des peuples et propose un ensemble de revendications qui font figure de programme, mais sans imposer ses vues aux collaborateurs ponctuels. Quillard et les Arméniens se féliciteront, au contraire, toujours de la parfaite cohabitation et communion dans leur mouvement d'hommes venus de régions adverses de la pensée. Se retrouveront en effet, dans le même souci humanitaire, des socialistes, des radicaux, des conservateurs, des religieux... Les fondateurs de Pro Armenia ne veulent exclure de leur mouvement que les turcophiles avec qui ils seront d'ailleurs sans pitié. Si Quillard possède cette capacité à rassembler et à créer le consensus, il n'est pas pour autant un tiède qui évite la polémique, si elle s'avère nécessaire et utile.
30Bimensuel d'une dizaine de pages, paraissant les 10 et 25 de chaque mois, Pro Armenia a une présentation très sobre et très dense, avec des clichés de bonne qualité dès 1903 et des rubriques régulières [1]. Seule la variation de leur importance montre l'évolution du journal. Une rubrique paraîtra avec une constance rigoureuse : celle signée de Pierre Quillard lui-même, « La Quinzaine ». Il y aborde les problèmes politiques (gravité des massacres, attitude négative des Puissances, pouvoir absolu du sultan, justification des revendications arméniennes). Deux autres rubriques régulières, « Les lettres de... » et « Les nouvelles d'Orient », donnent directement la parole aux Arméniens. La seconde, qui augmente en volume au cours du temps, offre des informations sur les autres populations de l'Empire : Macédoniens, Bulgares, Albanais, Kurdes, Turcs. Une partie des articles sont repris des autres organes du Dachnaktsoutioun, Droschak (l'étendard) de Genève, et Haïrenik (la patrie) de Boston. Mais les signatures arméniennes ne sont pas au premier plan, même si les Arméniens assurent la logistique et financent le journal. Jean Loris-Melikov en est l'administrateur jusqu'en 1906. Si les grandes figures comme Jaurès ou Clemenceau écrivent peu, le couple Quillard-Longuet est véritablement l'âme du journal. Ce sont aussi eux qui organisent les grandes réunions arménophiles.
31Il n'a pas été possible de savoir si le travail de Quillard était rémunéré ou bénévole. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'il est ingrat. La cause arménienne est en effet impopulaire et l'on ne perçoit pas forcément en 1900 qu'elle puisse trouver une solution rapidement. La création d'un journal supposait un engagement à long terme, un travail de fond contraignant. Quillard s'implique aussi dans la stratégie du Dachnaktsoutioun, œuvrant pour l'union des oppositions au pouvoir ottoman. Toujours l'alliance du rêve et de l'action. Tchobanian parmi d'autres lui rendit cet hommage :
32Pendant de longues années, il mit son talent, son cœur, son éloquence, son érudition au service de cette douloureuse cause, comme il les mit, toute sa vie, au service de toutes les causes de justice et d'humanité. Presque tous les propagandistes arméniens et tous les comités arméniens l'ont eu pour collaborateur, ont trouvé en lui aide et encouragement. Il joua ce rôle noblement, avec passion, en tout désintéressement, se donnant tout entier. Il y sacrifiait non seulement son temps, ses forces, sa santé, mais aussi, un peu, son talent poétique [1].
33À ses funérailles au Père-Lachaise, en février 1912, les étudiants arméniens porteront sa dépouille, en signe d'une gratitude qui a traversé les générations. Quillard symbolise pour les Arméniens une époque qu'ils regardent avec d'autant plus de nostalgie qu'elle semble bien révolue. Les idées défendues dans Pro Armenia restent pourtant d'actualité. Comme le font aujourd'hui d'autres organes de mouvements de défense des droits de l'homme, pendant les huit années de son existence, Pro Armenia témoigne : il enregistre chaque crime commis, le situe, le raconte, comptabilise les victimes. En ce sens, Pro Armenia apparaît comme un véritable martyrologe, peut-être fastidieux par la répétition. Mais c'est parce que tous les crimes commis se déroulent selon le même scénario. Ce sont les mécanismes de l'oppression que le journal met ainsi en évidence. Il cherche à montrer que les massacres ne sont pas des « accidents », ni le résultat de guerres tribales, mais bien le déroulement d'un plan pensé sur le long terme, la création d'un cycle de violences et la manipulation des Kurdes par les Turcs.
34Là où Arméniens et Kurdes vivent côte à côte, explique Pro Armenia, l'administration ottomane tente de semer la division. Elle autorise les Kurdes à prélever ses impôts. Les Arméniens qui résistent à l'injuste imposition sont alors traités de rebelles révolutionnaires, et massacrés. Les soldats turcs qui interviennent pour « faire régner l'ordre » n'ont alors plus qu'à se joindre aux troupes kurdes... la pérennité du prétexte est assurée. Mais les ruses de l'administration ne s'arrêtent pas là ; des Turcs sont parfois obligés d'accuser, sous la menace, des Arméniens pour des crimes qu'ils n'ont pas commis. Les cadavres changent même d'identité : les victimes arméniennes deviennent des victimes turques, les représailles s'abattant alors une fois de plus sur les populations chrétiennes.
35Il n'y a pas qu'en Turquie que Pro Armenia dénonce les exactions ; en Russie, les rédacteurs mettent en évidence la volonté du tsar de « russifier » les Arméniens et de les mettre au pas. Là aussi les populations sont manipulées : les Tatars sont armés et excités. Les comparaisons sont constantes entre les pogroms juifs et les massacres arméniens. D'où l'urgence de sauver les peuples de leur souverain despote. Pour Quillard, les Kurdes comme les Tatars sont au pire des victimes. Les véritables responsables sont le sultan et le tsar.
36Abdul Hamid II – le « Sultan rouge » (Albert Vandal), « le despote fou d'épouvante » (Anatole France), « la bête » ou « la bête rouge » (Pierre Quillard) – est sans doute la cible principale du journal. Le sultan et sa cour sont accusés d'organiser les massacres des Arméniens qu'ils auraient envisagés dès 1890, en voyant fuir vers l'Empire ottoman les Juifs martyrisés par le tsarisme. Pierre Quillard, dans la préface au livre de Georges Dorys, Abdul Hamid intime [1], dresse la liste des exactions du sultan :
37Il a massacré des Arabes dans le Yémen,
38il a massacré des Druzes au Liban,
39 il a massacré en Asie des Kurdes, des Lazes, des Tcherkesses et des Albanais en Europe, toutes les fois qu'il ne s'en servait pas comme exécuteurs des massacres.
40Il a massacré près de Mossul des Yézidis parfaitement inoffensifs,
41il a massacré des Hellènes en Crète et en Épire,
42il a massacré en Macédoine des Bulgares, des Serbes et des Valaques,
43il a massacré des milliers de Turcs par les noyades dans le Bosphore, l'étranglement dans les prisons, la suppression en terre d'exil [1].
44Abdul Hamid n'est donc pas dénoncé seulement parce qu'il est hostile aux Arméniens mais parce qu'il est un assassin « universel ». Le nombre de ses crimes est effrayant, mais la façon dont ils ont été exécutés l'est plus encore : geôlier de son frère, Mourad V, légitime calife qu'il a détrôné, Abdul Hamid le garde en prison jusqu'à le faire mourir en 1906. Il fait tuer de même Midhat Pacha à qui il devait son accession au trône et n'est rassuré sur sa mort que lorsqu'un émissaire déterre le cadavre, en coupe la tête et lui envoie le colis avec l'inscription : « objets d'art, ivoire japonais ». Moins virulent contre Nicolas II, Quillard souhaite aussi la fin du tsarisme. Mais au-delà des souverains russe et turc, c'est l'Europe qui est désignée comme la véritable responsable de la situation des Arméniens : ces derniers sont maltraités parce que le sultan refuse de procéder aux réformes préconisées. S'il en est ainsi, c'est que les pays européens n'obligent pas le sultan à les mettre en œuvre et n'agissent pas pour empêcher les massacres, alors qu'ils se sont portés garants des chrétiens d'Orient. La bataille de Pro Armenia est donc aussi de rappeler les Puissances à leur devoir, sans qu'elles puissent se cacher, comme en 1894- 1896, derrière le manque d'informations. Pourtant, en 1904, lors des nouveaux massacres du Sassoun, les Européens ne veulent toujours pas en reconnaître l'ampleur et restent inactifs, alors que les précédents montrent qu'une simple démonstration d'autorité suffit à arrêter les exactions [2].
A. De l'ingérence humanitaire à l'union révolutionnaire des peuples de l'Empire : les différentes stratégies pour une solution à la Question arménienne
45Les revendications formulées par Pro Armenia sont modestes respectent le cadre légal de l'Empire ottoman : arrêt des massacres tout d'abord, application des réformes prévues par l'article 61 du traité de Berlin, puis de celles prévues par le mémorandum du 11 mai 1895 apporté par les dachnaks, et qui reprennent les propositions des Puissances au lendemain des massacres du Sassoun de 1894 : l'essentiel porte sur la nomination de gouverneurs locaux jouissant de la confiance de la population et sur la sécurité des personnes et des biens dans les provinces, en particulier par le contrôle des Kurdes. L'autre souci est l'obtention de réparations. L'autorité du sultan n'est pas remise en cause. Les projets les plus avancés des dachnaks n'envisagent pas la sécession, mais une plus grande autonomie. Si le socialisme n'est pas absent dans Pro Armenia, il s'inspire plus de Jaurès que de Marx. L'idée d'éducation des masses est fortement présente dans le mouvement arménophile. Pro Armenia est l'incarnation même de ce souci républicain d'apporter à tous la connaissance afin de former « l'homme nouveau ». Le journal ne s'adresse pas exclusivement aux « classes laborieuses ». Le mouvement arménophile cherche à toucher les hommes de raison pour les éduquer aux idéaux de liberté et faire vibrer en eux leur humanité. L'idée d'émancipation n'est pas, elle, synonyme d'indépendance. Dans le socialisme français d'avant-guerre, elle est l'antinomie de la domination, du joug, de la servitude. Aussi les voies qui mènent à l'émancipation peuvent-elles être diverses : indépendance, autonomie, fédération... L'idée d'autodéfense s'inspire aussi de cette haine de la servitude et de l'oppression qui fait qu'un opprimé se doit de répondre, même violemment, à celui qui l'asservit. Un des soucis des socialistes jauressiens est le légalisme qui sous-tend l'idée d'honnêteté : faire respecter les règles et les respecter soi-même. Dans Pro Armenia, un des arguments en faveur du peuple arménien sera justement ce légalisme et ce loyalisme dont ils ont toujours fait preuve face aux Turcs. L'illégalité se trouve du côté du sultan qui s'est mis hors-la-loi en refusant d'exécuter les réformes auxquelles il s'était engagé. Le vocabulaire employé – humanisme, solidarité, fraternité, liberté, nationalité, réformes – est révélateur de l'idéalisme et du réformisme, sinon d'une sensibilité chrétienne, ambiants, doublés d'une foi fervente du rôle de l'Europe en faveur de l'émancipation des peuples.
46Par ailleurs, le parti dachnak, en plus de son activité de « mendicité politique », animera un mouvement de résistance. Pro Armenia rend compte du développement de la guérilla des fédaï (« dévoués »), dont les grandes figures héroïques sont exaltées :
47À moins d'admettre le principe tolstoïen de la non-résistance au mal, les hommes à qui répugnent le plus l'emploi de la violence se voient forcés d'admettre que la servitude et l'oppression sont des maux pires encore que la guerre, et que la résistance à la tyrannie est légitime. [...] Les Arméniens rappellent leurs droits aux puissances signataires du traité de Berlin autrement que par d'humbles requêtes et par des sollicitations inutiles, ceux qui spéculèrent sur leur patience illimitée ne pourront nier qu'ils soient dans un cas de légitime défense et ne devront pas s'étonner qu'abandonnés par leurs protecteurs désignés, sommés en vain d'intervenir, ils se décident désespérément à se faire justice eux-mêmes [1].
48Pro Armenia agite ainsi discrètement le risque révolutionnaire : la situation, explique Quillard, si l'Europe ne réagit pas, va mener tout droit à l'insurrection générale et menacer, par la déstabilisation de l'empire, les intérêts européens en Orient. L'idée d'une double stratégie – action politique et diplomatique auprès des Puissances, action d'auto-défense dans l'empire – défendue par Quillard, n'aboutissant pas, les Arméniens et leurs amis prennent conscience de la nécessité de s'allier aux autres peuples opprimés de l'empire pour abattre le despotisme : les Bulgares dont ils s'inspirent, puis surtout les Macédoniens dont le journal souligne l'analogie de la situation avec celle des Arméniens dès 1901 ; mais aussi les Kurdes, les Jeunes-Turcs, sans compter les nationalités de l'Empire tsariste. Avec les Jeunes-Turcs en exil à Paris, les relations sont diverses. La collaboration est encouragée par les arménophiles, notamment Quillard, même si elle n'est pas évidente avec les partisans d'Ahmed Riza, regroupés autour du journal Mechveret [2], en faveur d'une ligne centralisatrice. La polémique est parfois vive entre les deux journaux. Le principal point de divergence concerne la question de l'interférence des Puissances. Le 15 février 1902, après le congrès des libéraux ottomans à Paris qui a réuni Jeunes-Turcs et révolutionnaires arméniens, on peut lire dans le Mechveret :
49Il s'agit ici de dénoncer le recours aux Puissances pour forcer la main à la Turquie, comme si ces mêmes Puissances s'en étaient abstenues lorsque leurs intérêts le leur commandaient. Ce recours aux Puissances érigé en principe, nous le trouvons dangereux et nous le repoussons d'une façon absolue. En effet, l'intervention européenne s'est toujours exercée jusqu'ici aux dépens de la Turquie, quoi qu'en pensent certains de nos compatriotes. Quand elles interviennent dans nos affaires, c'est tantôt pour enlever une province à l'Empire, tantôt pour lui imposer un contrôle, et jamais elles ne sont intervenues pour son bien [3].
50Pierre Quillard reconnaît cette divergence, mais considère que ce « sentiment très respectable par soi des Jeunes-Turcs qui repoussent l'intervention n'est pas d'une grande importance politique » et qu'on ne peut espérer « qu'une grâce soudaine va toucher le cœur endurci de l'Assassin ». Les souffrances endurées docilement par le peuple ne peuvent qu'encourager au contraire « le criminel à poursuivre son crime [1] ». Pourtant, l'obsession des Jeunes-Turcs de conserver l'intégrité de l'empire va les conduire à accuser les Arméniens de séparatisme, même si ceux-ci s'en défendent. Au congrès des libéraux ottomans de 1902, les Arméniens n'ont cessé de déclarer que leur action était dirigée contre le régime hamidien et non contre « l'unité et l'existence organique de la Turquie ».
51Les Jeunes-Turcs accusent également les Arméniens de n'avoir pas de programme propre et de ne suivre que le projet « français » de réformes de 1895. Quant aux massacres, ils ne sont, selon eux, qu'une conséquence logique des actions des révolutionnaires. Enfin, les arménophiles sont accusés de ne prendre que la défense des Arméniens. Ahmed Riza va d'ailleurs solliciter Quillard pour qu'il manifeste publiquement des marques de sympathie envers les Jeunes-Turcs [2]. S'il est de ceux qui souhaitent l'union de l'opposition, celui-ci réalise très vite que « l'entente est impossible » avec cette fraction des Jeunes-Turcs. Ces propos apparaissent prémonitoires :
52Parmi eux, tout un parti se réclame des doctrines positivistes et sous cette étiquette philosophique, soutient une politique étroitement nationaliste et rêve d'introduire dans un pays de races et de religions diverses comme la Turquie, une centralisation et une unité administratives analogues à celle de la France napoléonienne. Même en France et de nos jours, le système a des vices graves. En Turquie, il deviendrait aisément un instrument de tyrannie plus méthodique, mais aussi dangereux que le régime actuel.
53D'ailleurs en toute occasion, depuis quelques années, cette fraction de la Jeune-Turquie qui attaque de moins en moins énergiquement la personne d'Hamid, a en fait approuvé presque tous les actes de la politique hamidienne. Elle a sans doute blâmé, surtout autrefois, les massacres arméniens ; mais elle a aussi trouvé des excuses au bourreau et rejeté sur les révolutionnaires arméniens la responsabilité de tueries qui étaient antérieures à leurs justes représailles [3].
54C'est avec la fraction alors majoritaire constituée autour du prince Sabaeddine, se gardant « de soutenir en Europe les thèses hamidiennes sous le couvert de libéralisme » et qui « accepte plus largement le principe de l'égalité politique et affirme sa volonté d'exécuter les traités et actes diplomatiques qui ont stipulé certaines garanties pour les Arméniens », même sans croire aux bienfaits de l'intervention européenne, que Quillard voit une possibilité d'union stable, durable et sûre. Les lettres du prince sont publiées par Pro Armenia qui s'engage totalement et loyalement dans cette politique d'union. Dans une de ses lettres, Sabaeddine se prononce pour le développement de l'instruction publique, la liberté religieuse, le respect des langues nationales, une large décentralisation administrative et le rétablissement de la paix dans l'Empire par la réalisation de l'égalité entre toutes les confessions [1]. À partir de 1906, si Pro Armenia est plus vigilant que jamais face aux massacres et aux exactions hamidiens, la voie nouvelle de l'alliance avec les Ottomans est de plus en plus mise en avant. De nombreuses colonnes sont consacrées aux Jeunes-Turcs, mais aussi aux autres nationalités de l'Empire.
55Les arménophiles participent concrètement au rapprochement entre Arméniens et Jeunes-Turcs. Les congrès successifs des libéraux ottomans à Paris (4-9 février 1902 et 27-29 décembre 1907) font la une du journal. En 1902, les Arméniens n'ont pas voté les résolutions et se sont contentés d'une déclaration affirmant que leur action n'était pas dirigée « contre l'unité et l'existence organique de la Turquie », et n'avait « d'autre but que d'obtenir l'exécution immédiate de l'article 61 du traité de Berlin [2] ». Ils s'impliquent bien davantage dans le congrès de 1907 des « partis d'opposition de l'Empire ottoman [3] » rendu possible par les liens établis entre Jeunes-Turcs et dachnaks. Il est célébré comme marquant la fin des haines raciales et l'union de tous les peuples contre le sultan. Outre la chute du tyran, les objectifs communs approuvés sont le changement radical du régime et l'institution d'un système représentatif. Quant aux moyens, ils prévoient la résistance armée, la grève politique et économique, la grève des fonctionnaires, le refus de l'impôt, la propagande dans l'armée, l'insurrection générale [4]. Aucun détail n'est formulé sur l'après-révolution. Les Jeunes-Turcs ne font pas allusion dans leur programme à l'autonomie à accorder aux différents peuples. Après la révolution de juillet 1908, le Dachnaktsoutioun appellera cependant à déposer les armes et à soutenir le nouveau régime. Mais si la constitution de 1876 est rétablie, l'administration n'est pas épurée, ni le système ottoman réellement transformé. Favorable au rapprochement avec les Jeunes-Turcs et heureux de la « révolution démocratique », Quillard conserve une part de scepticisme. Il demandera en vain la poursuite de la parution de Pro Armenia. Le journal s'arrête en octobre 1908 après avoir publié 192 numéros en huit ans.
56En 1912, la situation sera néanmoins jugée suffisamment préoccupante par les arménophiles pour qu'un épigone de Pro Armenia soit créé : le premier numéro de Pour les peuples d'Orient paraît le 10 décembre 1912, quelques mois après la mort de Pierre Quillard (en février). Ce sont ses amis qui ont repris le flambeau. Le secrétariat de rédaction est à nouveau assuré par Jean Longuet, la direction comprend Francis de Pressensé, Victor Bérard et le rédacteur en chef de l'organe du parti dachnak de Genève (Droschak), Mikael Varandian. En décembre 1913, le journal reprend son ancien titre de Pro Armenia et paraît jusqu'au début de la Grande Guerre [1]. Malgré les déboires de l'union avec les Jeunes-Turcs, le journal exprime encore sa foi en des réformes sous le contrôle de l'Europe et en l'ottomanisme, plutôt qu'en l'indépendance [2].
B. Une vaste mobilisation internationale aux effets décevants
57Arméniens et philarmènes ont-ils été « victimes » d'une illusion d'optique, du fait de la popularité acquise par leur cause en Europe ? Très tôt, on assiste à des prises de position de divers courants politiques, en particulier les socialistes. Dès 1900, le Bureau socialiste international publie une adresse aux partis socialistes d'Europe, revenant sur l'extrême gravité de la situation des Arméniens, et appelant à la « solidarité prolétarienne et internationale » et demandant aux socialistes de tous les pays de mettre leur presse et leur force parlementaire au service de l'Arménie [3]. Fin 1901, Pro Armenia rappelle toutes les initiatives déjà mises en œuvre aux quatre coins de l'Europe : vote d'une motion au congrès socialiste de Vienne, interpellation au Parlement hollandais par H. Van Kol, démarches auprès des élus socialistes en Allemagne, interpellations à la Chambre des députés en France, etc [1]. En France en particulier, le gouvernement Waldeck-Rousseau semble aller dans le sens des revendications arméniennes. Ainsi Delcassé répond à une interpellation en faveur des Arméniens :
58Il semble fatal que des populations dont on continuerait à laisser impunément piller les biens ou qui ne cesseraient pas de se voir exposer à des attentats, à des meurtres trop souvent impunis, finissent par se dire que tout vaut mieux que la vie sans le cauchemar d'une hécatombe [2].
59La Question arménienne est évoquée en toute occasion au Parlement par les socialistes, mais aussi par quelques députés conservateurs comme Denys Cochin et Albert de Mun : lors de la discussion du budget des Affaires étrangères, lors des débats de politique étrangère ou sur la Question d'Orient. Des démarches sont faites auprès des gouvernements [3], et de grandes réunions organisées. Le premier grand congrès arménophile est celui de Bruxelles (17-18 juillet 1902). L'initiative en revient aux philarmènes danois qui préconisent « l'établissement d'un rapprochement, d'une coopération purement humaine et sans aucun caractère politique entre les nations qui ont témoigné de la sympathie pour ces frères et sœurs de l'agonie [4] ». Pro Armenia commence à publier la liste des signataires en faveur de ce congrès : ils seront plus de 2 000, « parterre prestigieux » de personnalités allemandes (Rosa Luxembourg et Édouard Bernstein [5] en tête), anglaises (comme James Bryce), austro-hongroises, belges, danoises, hollandaises, italiennes, norvégiennes, russes, suédoises, suisses et françaises (dont Bernard Lazare). Le congrès aura lieu à Bruxelles, malgré les pressions ottomanes. Les absents enverront des dépêches de soutien lues à la tribune. Devant le succès, l'initiative danoise se répètera en octobre 1903. Auparavant, Loris-Melikov a organisé un congrès des arménophiles français au théâtre du Château d'Eau à Paris en février 1903, qui réunit près de quatre cents personnes, hors clivages politiques. D'Estournelles de Constant, délégué français à la conférence de paix à La Haye, Jaurès, Pressensé, Denys Cochin, Jaurès, Ernest Lavisse, Anatole Leroy-Beaulieu [1], Paul Lerolle (député de la Seine), Albert Vandal [2], Séverine, le père Charmetant, Marcel Sembat, Aristide Briand, la comtesse Colonna, Seignobos, Seailles, A. Molinier, Paul Violet, M. Bréat, Sully Prudhomme, Anatole France, Frédéric Passy : tels sont quelques-uns des noms qui reviennent au fil des réunions et des appels. En octobre 1903, au théâtre Sarah Bernhardt, le Comité arménophile de France réussit à rassembler 3 000 personnes pour une conférence internationale [3] : on y découvre les mouvements philarmènes de Belgique, des États-Unis, d'Italie (avec le fils de Giuseppe Mazzini, Pietro), des Balkans, d'Angleterre et de France. À la tribune, les Anglais sont les premiers à rappeler la nécessité d'une entente franco-anglaise pour la résolution du problème arménien. Si finalement la création d'une instance internationale de l'arménophilie n'aboutit pas, la nécessité apparaît d'harmoniser les actions. En 1904, un nouveau meeting mondial a lieu à Londres. Le discours de James Bryce révèle l'auto-perception des arménophiles comme « mauvaise conscience » de l'Europe, engagés dans une démarche « humanitaire et universelle » :
60Je craindrais fort qu'on pût supposer que nous sommes réunis ici aujourd'hui pour l'intérêt d'une race en particulier. Les races qui se plaignent ne sont pas toujours d'accord entre elles, mais nous ne sommes pas ici les défenseurs d'une race pour les intérêts qu'elle peut opposer aux autres, mais nous sommes les soutiens des intérêts communs à toutes les races. Nous ne sommes pas réunis pour nous faire les avocats d'une religion contre une autre religion. Il est vrai que beaucoup [...] ont un élan de sympathie plus vif à l'égard des peuples chrétiens, [...], mais nos sympathies ne doivent pas se restreindre à ceux qui professent notre foi [4].
61Outre ces démonstrations spectaculaires de leur capacité à rassembler, les arménophiles organisent dans leurs pays respectifs une multitude de réunions de proximité qui rappellent la méthode employée lors de l'affaire Dreyfus et reprise par la Ligue des droits de l'homme. Mais des commentaires de Pro Armenia, on retire finalement l'impression d'une certaine déception quant à son impact sur l'action des gouvernements. La stratégie humanitaire consensuelle échoue à porter le problème arménien au cœur du débat politique ; de même, la médiation par l'opinion publique ne s'opère pas, en raison du manque d'ampleur du mouvement. Car la machine arménophile ne repose en fait que sur un nombre réduit d'hommes qui, comme Pierre Quillard, font vivre la Question arménienne dans la conscience de l'opinion par leur énergie. Et s'il est difficile d'évaluer l'audience du mouvement à l'époque, ou de comprendre comment, après une telle mobilisation, les Arméniens tomberont dans l'oubli au lendemain du génocide, des années 1920 au cinquantenaire de 1965, on peut penser que ce type de mobilisation et cet engagement d'hommes d'idéal au service d'une cause humaniste ont constitué un modèle tout au long du xxe siècle.
Notes
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[1]
Cet article est basé sur un mémoire de DEA de l'Institut d'Études Politiques de Grenoble, sous la direction des professeurs Lewin et Bernard, 1988. On n'a pas repris ici toutes les références utilisées, notamment celles des ouvrages et articles de Pierre Quillard, mais on a ajouté quelques travaux importants plus récents.
-
[2]
On ne peut pas citer ici l'ensemble des ouvrages sur l'affaire Dreyfus. Sur la mobilisation pour les Arméniens, voir entre autres l'article récent de Vincent Duclert et Gilles Pecout, « La mobilisation intellectuelle face aux massacres d'Arménie », in André Gueslin et Dominique Kalifa (sous la dir. de), Les Exclus en Europe, 1830-1930, Paris, Éditions de l'Atelier, 1999, p. 323-344. 3 Cf. la préface de Victor Hugo pour son recueil Les Orientales (1829) qui note que « l'Orient, soit comme image, soit comme pensée, est devenu pour les intelligences autant que pour les imaginations une sorte de préoccupation générale ». H. Lynch (Armenia, Travels and Studies, Londres, 1901, rééd. 1965) recense plus d'une centaine d'ouvrages consacrés à l'Arménie au xixe siècle, contre une vingtaine pour les xviie et xviiie siècles.
-
[1]
Terme volontiers usité au xixe siècle pour désigner les arménophiles.
-
[2]
D'après Henri de Régnier, Nos rencontres, Paris, Mercure de France, 1931, p. 105- 107. Cf. également l'ouvrage À la mémoire de Pierre Quillard, Paris, Mercure de France, 1912.
-
[1]
Paris, Imprimerie d'Alcoutevry, 1886.
-
[2]
In À la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 73.
-
[1]
Ibid., p. 179.
-
[2]
Il collabore à diverses feuilles libertaires : La Basoche (Bruxelles), La Révolte puis Les Temps nouveaux de Jean Grave.
-
[3]
Paris, Stock, 1899. Cf. Georges Bensoussan, L'Idéologie du rejet. Enquête sur Le Monument Henry ou archéologie du fantasme antisémite dans la France de la fin du xixe siècle, Paris, Manya, 1993.
-
[4]
In À la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 79.
-
[1]
Archives personnelles de Pierre Quillard, s.d.
-
[2]
Cf. Archag Tchobanian, in À la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 75. Minas Tcheraz a notamment publié L'Arménie, journal anglo-français politique et littéraire (1891- 1898 à Londres et 1898-1906 à Paris).
-
[1]
Lettre autographe trouvée dans le fonds A. Tchobanian des archives d'Erevan, et citée par E. Khayadjian, in Archag Tchobanian et le mouvement arménophile arménien, Marseille, CRDP, 1986, p. 25-27.
-
[2]
In Pro Armenia, n° 72-73, 1er – 15 novembre 1903. Discours lors de la réunion arménophile du 25 octobre 1903.
-
[3]
Cf. Livre jaune. Affaires arméniennes. Projets de réformes dans l'Empire ottoman, 1893-1897, et Supplément, 1896-1896, Paris, Imprimerie nationale, 1897.
-
[1]
« Les massacres d'Arménie. Quelques documents et remarques en l'honneur du sultan Abdul Hamid, de la civilisation européenne et de l'alliance franco-russe », in Mercure de France, sept. 1896, p. 395-403 (citation p. 387).
-
[2]
In A la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 35.
-
[3]
Paris, Mercure de France, 1897.
-
[1]
L'Assassinat du père Salvatore, op. cit., p. IX.
-
[2]
Paris, Stock, 1897.
-
[3]
P. Quillard, « Pour l'Arménie : mémoire et dossier », Cahiers de la quinzaine (3e série, 19e année), Paris, 1902.
-
[1]
Quillard est également proche du rédacteur de Droschak, Aknouni (Khatchadour Maloumian), auteur notamment des Plaies du Caucase, Genève, 1905, préfacé par Francis de Pressensé, avec une introduction de P. Quillard.
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[2]
À la mémoire de Pierre Quillard, op. cit., p. 220-221.
-
[1]
La première série paraît du 25 novembre 1900 au 28 octobre 1908.
-
[1]
Ibid., p. 225.
-
[1]
Paris, Mercure de France, 1901.
-
[1]
Préface à Georges Dorys, Abdul Hamid intime, op. cit., p. XI.
-
[2]
C'est notamment le cas en février 1901, lorsque l'arrivée en rade de Messine de trois cuirassés français, le Du Chayla, le Latouche Tréville et le Pothuau, empêche des massacres à Aïntab. Cf. Pro Armenia, « La Quinzaine », 1er mai 1904.
-
[1]
Pierre Quillard, « La Quinzaine », Pro Armenia, 15 octobre 1903.
-
[2]
Cet organe de la Jeune-Turquie paraît à Paris, avec un supplément français bimensuel, de 1896 à 1907.
-
[3]
Mechveret, 15 février 1902.
-
[1]
Pro Armenia, 25 février 1902.
-
[2]
Cf. lettre du 11 juin (sans mention lisible d'année : 1900 ?) dans archives personnelles de P. Quillard conservées par sa famille.
-
[3]
Pro Armenia, 20 août 1906.
-
[1]
Ibid., 15 octobre 1905.
-
[2]
Publiée dans ibid. du 25 février 1902.
-
[3]
Sont présents et signent l'appel : le comité ottoman d'Union et de Progrès (organes officiels : Chouraï, Ummet et Mechveret), la FRA-Dachnaktsoutioun (Droschak), la Ligue ottomane d'Initiative privée de Décentralisation et de Constitution (Teracqui), le Comité israélite d'Égypte (La Vare), les rédactions du Khilafet, d'Armenia (Marseille), du Razmig (pays balkanique), d'Haïrenik (Boston), le Comité Ahdi-Osmani (Égypte).
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[4]
Pro Armenia, 5 janvier 1908.
-
[1]
Suite sous le titre Pour les peuples d'Orient, de décembre 1912 à novembre 1913, vingt-quatre numéros publiés ; sous le titre Pro Armenia, 2e série, 10 décembre 1913 au 25 juillet 1914, quinze numéros publiés.
-
[2]
Cf. l'article de Victor Bérard, « Le choix arménien », in Pour les peuples d'Orient, 10 janvier 1913.
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[3]
L'adresse est reproduite dans Pro Armenia, 25 octobre 1901.
-
[1]
Pro Armenia, 25 novembre 1901.
-
[2]
Réponse de Delcassé à une interpellation de E. Vaillant, C. Rouanet et M. Sembat, in Pro Armenia, 25 janvier 1902.
-
[3]
Delcassé reçoit Pierre Quillard en 1901, puis une délégation rassemblant D. Cochin, A. de Mun, F. de Pressensé et de Roberty, le 15 juin 1902. Le 21 juin 1902, Quillard est reçu par le président du Conseil des Pays-Bas.
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[4]
Pro Armenia, 25 mars 1902.
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[5]
Cf. E. Bernstein, Les Souffrances du peuple arménien et le devoir de l'Europe, Genève, 1902.
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[1]
Il a écrit notamment Les Arméniens et la question arménienne, Paris, 1896.
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[2]
Cf. d'A. Vandal, Les Arméniens et la réforme de Turquie, Genève, 1903.
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[3]
Pro Armenia, 1er et 15 novembre 1903.
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[4]
Ibid., 15 juillet 1904.