Notes
-
[1]
Victor Martin, licencié ès sciences politiques, « Le Placement public des travailleurs de Belgique. Le fonctionnement des institutions existantes et les réformes nécessaires », Bruxelles, imprimerie de A. Wessens, 1938, 3 12 pages. Université de Louvain, Collection de l'Ecole des sciences commerciales et économiques.
-
[1]
Lucie Aubrac, préface à Bernard Krouck, Victor Martin, un résistant sorti de l'oubli, Éditions Les Éperonniers, Bruxelles, 1995, p. 9.
-
[1]
Ministère des Affaires étrangères, MAE, Europe, Bureau de M. Sarrien, Consul général de France. Source : Microfilm – Vichy – Vol. 139-145, Archives diplomatiques du Quai d'Orsay.
-
[2]
Cf. Lucien Steinberg, La Révolte des Justes. Les Juifs contre Hitler, Fayard, Paris, 1970, pp. 238-290.
-
[1]
Cf. Lucien Steinberg, Le Comité de défense des Juifs de Belgique 1942-1944. Centre national des hautes études juives, p. 37.
-
[1]
Cf. Lucien Steinberg, Le Comité de défense des Juifs de Belgique 1942-1944. Centre national des hautes études juives, p. 65. Aussi Maxime Steinberg, L'Étoile et le fusil, la question juive 1940-1942, Éditions Vie ouvrière, Bruxelles, 1983-1983 ; et Serge Klarsfeld, L'Étoile des Juifs, Éditions de l'Archipel, Paris, 1992, pp. 76-77.
-
[1]
NDLR. – On appelle « sionistes généraux » les militants sionistes centristes, fidèles à la ligne suivie par Haïm Weizmann, président de l'Organisation sioniste mondiale.
-
[2]
Maxime Steinberg, Hommage des Juifs de Belgique à leurs héros et sauveurs, 1940- 1945, bulletin périodique de documentation n° 4, avril 1979, p. 26.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », Le Patriote résistant, revue de la FNDIRP, pp. 14-15, n° 543, janvier 1985.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit., p. 14.
-
[2]
« Le rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300. En fait, les déportations de Belgique ont commencé, nous l'avons vu, le 4 août 1942.
-
[3]
Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz », Revue d'études wallonnes, t. LVI, 1982, p. 110.
-
[4]
L'histoire de la mission de Victor Martin est racontée par plusieurs auteurs : Lucien Steinberg (Le Comité de défense des Juifs de Belgique, 1942-1944, Centre national des hautes études juives, pp. 80, 81, 82). Lucien Steinberg, encore, La révolte des Justes. Les Juifs contre Hitler, Fayard, Paris, 1970, pp. 265, 266 et 267. Maxime Steinberg, L'Étoile et le fusil, tome I, pp. 243,250 et 261, Éditions Vie ouvrière, Bruxelles, 1983-1986 ; Léon Papeleux (ami très proche de Victor Martin), « En mission près d'Auschwitz (1942) », Éditions de la revue La Vie wallonne, tome LVI, 1982, pp. 110 à 124. (Raul Hilberg y fait une très brève allusion dans La Destruction des Juifs d'Europe, Fayard, Paris, 1988, dans deux notes, pp. 836 et 897.)
Les documents émanant de Victor Martin sont au nombre de trois : Victor Martin, « Le Rapport Victor Martin ». Ce texte d'une dizaine de pages, qui se trouvait auparavant à la Wiener Library de Londres avec la mention First information on Auschwitz (première information sur Auschwitz), se trouve à l'Institut Yad Vashem de Jérusalem, sous le numéro de référence 02/300. Le même document, ramassé en cinq pages, authentifié à la mairie de Thonon-les-Bains, (Haute-Savoie), le 24 juin 1980, m'a été adressé par le fils de Victor Martin, Philippe Martin. Il en sera fait mention sous la référence de Yad Vashem.
Au sujet de ce document, je tiens à réparer une injustice. Car ce rapport, sans lequel mon étude n'aurait sans doute pas pu être menée à bien, est le fruit d'un entretien mené à Bruxelles par Marc Goldberg, alors jeune juriste belge qui interrogeait des rescapés et des résistants pour fixer les événements. L'entretien de Marc Goldberg avec Victor Martin eut lieu en 1956. Je crois qu'il est juste de rendre hommage à Marc Goldberg, car son travail de médiateur nous a permis de sauver de l'oubli le résistant héroïque qu'était Victor Martin et sa mission, unique dans toute l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah.
– Victor Martin, procès-verbal d'audition du 15 juin 1948 (en néerlandais, avec traduction française). Ministère de la Santé publique et de l'Environnement, administration des victimes de guerre, Bruxelles.
– Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », Le Patriote résistant, revue de la FNDIRP, pp. 14 et 15, n° 543, janvier 1985.
Il faut enfin citer une série d'articles parus dans L'Indépendance en septembre 1944 et racontant l'expérience concentrationnaire de Victor Martin. -
[1]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[1]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[2]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[3]
Erlaubnisschein, 4 janvier 1943. Document fourni par Philippe Martin. Victor Martin résidait à Cologne, Domhof, n° 18.
-
[4]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (I), L'indépendance, 19 septembre 1944, p. 1.
-
[2]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[3]
Ibid.
-
[1]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[2]
Ibid.
-
[1]
Cf. Bernard Krouck, Victor Martin, un résistant sorti de l'oubli, éd. Les Éperonniers, Bruxelles, 1995, notes 1,2, 3, pp. 82, 83.
-
[2]
Lire à ce propos Rudolf Vrba (et Alan Bestic), Je me suis évadé d'Auschwitz, Ramsay, Paris, 1988, pp. 146, 147 et p. 154 ; Primo Levi, Si c'est un homme, Presse Pocket, Paris, 1990, pp. 77, 78 et p. 89 ; Elie Wiesel, La Nuit, pp. 87, 88 et 89.
-
[3]
Cf. B. Krouck, Victor Martin, un résistant sorti de l'oubli, op. cit., chapitre V, La mission Martin (II). Des Français à Auschwitz, pp. 85-116.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[2]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[3]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (I), L'Indépendance, 19 septembre 1944.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944, op. cit.
-
[2]
Victor Martin, Procès-verbal d'audition de l'intéressé. Ministère de la Reconstruction, Statut des prisonniers politiques, Bruxelles, 15 juin 1948.
-
[1]
Victor Martin, Procès-verbal d'audition, Bruxelles, 15 juin 1948.
-
[2]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300, op. cit.
-
[3]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944, op. cit.
-
[1]
Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz (1942) », La Vie wallonne, tome LVI, 1982, p. 116.
-
[2]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944, op. cit.
-
[3]
Ibid.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », Le Patriote résistant, n° 543, janvier 1985, p. 15.
-
[2]
Victor Martin, « La vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[5]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[6]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[1]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[2]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Cf. Jean-Pierre Vittori, Eux les STO, collection « La Vérité vraie », Messidor-Temps actuels, Pans, 1982, plus particulièrement l'annexe 11, p. 248, qui se fonde sur la liste des camps d'éducation par le travail, établie par le Service international de recherche d'Arolsen (Allemagne), du Comité international de la Croix-Rouge.
-
[5]
Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz (1942) », La Vie wallonne, tome LVI, 1982, p. 118.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944.
-
[2]
Victor Martin, « Les Bagnes hitlériens », L'Indépendance, 8 septembre 1944.
-
[3]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944.
-
[1]
Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz (1942) », La Vie wallonne, tome LVI, 1982, p. 118, 119.
-
[2]
Lucien Steinberg, Le Comité de défense des Juifs en Belgique 1942-1944, Centre national des hautes études juives, Bruxelles, p. 81 et Maxime Steinberg, La Traque des Juifs 1942-1944, vol. I, p. 249.
-
[3]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[4]
CDJC-CCVIII-2, Rapport de Maurice Heiber, 17 juillet 1945.
-
[1]
CDJC-CDXCI-15, Rapport de Ghert Jospa, fait après la guerre, sans date, pp. 31 et 32.
-
[1]
CDJC-CDXCI-15, Rapport de Ghert Jospa, fait après la guerre, sans date, pp. 31 et 32.
-
[2]
CDJC-CDLXII-12, Le Flambeau, 10 mai 1943, p. 7.
-
[3]
En octobre 1943, la seule grande communauté juive de l'Europe hitlérienne encore épargnée était celle de Hongrie. Elle fut déportée de mai à juillet 1944. Plus de 400 000 personnes furent exterminées en moins de trois mois.
-
[4]
CDJC-CDLXII-13, Le Flambeau, octobre 1943, p. 2.
-
[1]
CDJC-CCCLXI-41, Consistoire central israélite de Belgique, dossier 00811. Note de M. Gottschalk à l'attention du juge Moshe Landau, président du tribunal au procès Eichmann, Bruxelles, 4 juin 1961.
-
[2]
CDJC-CCVIII-2 – Rapport de Maurice Heiber, 15 juillet 1945.
-
[3]
Victor Martin, Procès-verbal d'audition. Ministère de la Reconstruction, Statut des prisonniers politiques, Bruxelles, 15 juin 1948.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (IV), L'Indépendance, 22 septembre 1944.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (IV), L'Indépendance, 22 septembre 1944.
-
[2]
D'après nos recherches, il semblerait que ce camarade n'était autre que Ghert Jospa, qui survécut heureusement à son arrestation. C'est également l'avis de Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz (1942) », La Vie wallonne, t. LVI, 1982, p. 120.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[2]
Victor Martin, Procès-verbal d'audition. Ministère de la Reconstruction, Statut des prisonniers politiques, Bruxelles, 15 juin 1948.
-
[3]
Lettre de Victor Martin à Jean Terfve, 4 avril 1952.
-
[1]
Victor Martin, « Les Bagnes hitlériens », L'Indépendance, 8 septembre 1944.
-
[2]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (IV), L'Indépendance, articles publiés du 19 septembre au 8 octobre 1944.
-
[1]
La Mission de Victor Martin, réalisé par Didier Roten, coproduit par la 8-Production (Paris), les Films de la Mémoire (Bruxelles), TV10 (Angers), RTBF (Charleroi).
1Blaton, 8 mai 1999. Sous un beau soleil printanier, cette petite bourgade de la Belgique wallonne située à quelques kilomètres de la frontière française s'apprête à honorer la mémoire d'un de ses enfants disparus, résistant exemplaire mais resté trop longtemps méconnu. À la faveur de la célébration de l'écrasement du Reich hitlérien, le bourgmestre de Bernissart (commune dont dépend Blaton), Freddy Wattiez, entouré des échevins et de nombreux citoyens, inaugure la place Victor-Martin (ancienne place de la Gare), dévoile une plaque apposée sur l'ancienne maison de la famille Martin, puis le groupe se dirige vers le monument aux morts de la Seconde Guerre mondiale, où le nom de Victor Martin vient d'être ajouté à la liste des Blatoniens victimes de ce conflit. Quelques instants auparavant, dans son homélie, le curé de Blaton a évoqué Victor Martin.
2En ce printemps 1999, où l'attention est dominée par les nouvelles du Kosovo, pour quelles raisons le nom de Victor Martin est-il mis brutalement à l'honneur ? Pour quelles raisons a-t-on déplacé deux équipes de télévision et des représentants de la presse écrite ? Pourquoi des Belges et des Français ont-ils fait le déplacement depuis Bruxelles et Paris ? Qui était donc Victor Martin ?
I. Victor Martin, le résistant exemplaire
A. Les années de formation
3Victor Martin est né le 19 janvier 1912 à Blaton, dans une région à la fois rurale et industrielle, où coexistaient l'industrie textile et l'activité charbonnière. Le père de Victor Martin possédait du reste une petite usine de bonneterie. À Blaton, il appartenait à cette bourgeoisie industrieuse qu'on trouve de part et d'autre de la frontière. Victor Martin fut du reste élevé dans cette tradition et étudia dans les écoles catholiques de la région. Très tôt, pourtant, il exprima son intérêt pour le monde du travail, pour les difficultés des milieux populaires, pour les moyens d'améliorer le sort des plus modestes. Victor Martin ne fut jamais un rejeton de la bourgeoisie ignorant des réalités sociales et méprisant à l'égard des plus pauvres. Bien au contraire, Victor Martin utilisa ses capacités intellectuelles, qui étaient grandes, pour travailler concrètement et utilement à rendre plus heureuse la condition des gens qu'il côtoyait au quotidien.
4C'est pourquoi Victor Martin s'engagea rapidement dans des études de sociologie, particulièrement de sociologie du travail. Il prépara une thèse de doctorat sur « le placement public des travailleurs en Belgique et à l'étranger [1] ». Dans cette Europe gangrenée par le fascisme, Victor Martin voyagea en France, en Suisse, en Allemagne. Il put ainsi observer non seulement l'engagement social dans la France du Front populaire mais aussi la mise en condition des esprits dans l'Allemagne hitlérienne.
5Est-ce à dire que Victor Martin se contenta d'être un parfait étudiant de l'Université catholique de Louvain, doté certes d'un grand sens de l'observation et d'une sensibilité réelle aux difficultés des gens du peuple, mais préoccupé surtout par son avenir universitaire et professionnel et sa recherche des lauriers académiques ? Certaines conversations consécutives à la parution de mon livre sur sa mission, en 1995, certaines lettres de lecteurs pourraient donner une autre impression. Il semble que Victor Martin s'enflamma pour les causes des nations agressées par le fascisme, particulièrement la République espagnole et la République de Chine. Certains correspondants évoquèrent même « des voyages en Europe centrale » (ont-ils confondu avec les voyages qu'il fit pour préparer sa thèse ou avec sa mission à Auschwitz ?), « des causeries » organisées sur ces thèmes à Blaton même. Il est vrai que le jeune Victor Martin, même issu d'un milieu bourgeois et catholique, n'avait pu rester à l'écart des débats de son époque. La petite Belgique, tout en proclamant sa neutralité, pouvait-elle ignorer la montée d'un phénomène d'une violence extrême à sa frontière orientale ? Même si le jeu politique mettait comme toujours essentiellement aux prises les partenaires obligés que sont les socialistes, les chrétiens-sociaux et les libéraux, eux-mêmes divisés entre Flamands et Wallons, la Belgique connaissait un mouvement d'inspiration fasciste (même si, à l'origine, il était appuyé sur une base catholique), le rexisme de Léon Degrelle. De même, la Belgique, victime comme d'autres pays de la crise économique et du chômage, était aussi une terre d'accueil pour ceux qui n'avaient plus rien, qui n'espéraient qu'un havre provisoire, fuyant des régimes de misère et d'oppression où sévissaient l'intolérance et l'antisémitisme. Comme l'écrit la résistante française Lucie Aubrac, « en 1939, la Belgique était cette halte au bord de l'océan où des Juifs de l'Est, des opposants aux régimes fascistes de l'Europe orientale posèrent leurs bagages, sûrs d'avoir atteint le monde de la démocratie et du respect des droits de l'homme [1] ».
6Victor Martin, homme engagé dans son époque, intellectuel tourné vers les réalités, ne pouvait échapper aux tensions qui agitaient l'Europe des années trente. Certes, on ne l'imagine pas comme un agitateur de rues, qui haranguerait les foules et jetterait des tracts du haut d'une camionnette. Mais le percevoir comme un rat de bibliothèque uniquement préoccupé par la conquête de ses diplômes serait aussi une grossière erreur. Victor Martin était un citoyen et c'est, sans doute, ainsi qu'il aimerait qu'on se souvienne de lui. Un citoyen et un homme de raison, sensible et humain, qui alliait en lui-même l'intelligence du cœur et celle de l'esprit.
B. La Belgique sous l'Occupation
7Quand la guerre éclate, en septembre 1939, du fait de l'invasion de la Pologne par les Allemands, la Belgique rappelle sa neutralité et espère rester à l'abri de la catastrophe qui s'annonce. Mais les plans de Hitler et de ses généraux sont tout autres. Le 10 mai 1940, les chars allemands soutenus par la Luftwaffe déferlent sur la France mais aussi sur les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique. En peu de temps, le royaume est occupé. Le roi demeure en Belgique et des secrétaires généraux dirigent les ministères, sous le contrôle du Gouvernement militaire de Bruxelles.
8La Résistance en Belgique est plus rapide et plus massive qu'en France et s'organise concrètement autour de quelques objectifs précis : cacher des prisonniers évadés et aider des soldats alliés à rejoindre la Suisse ou l'Espagne, confectionner de faux papiers et de fausses cartes de ravitaillement, faire franchir les diverses lignes de démarcation aux personnes pourchassées, publier des tracts et des journaux pour s'opposer à la propagande ennemie, récolter des renseignements militaires...
9La presse belge d'avant-guerre était libre et assez frondeuse. Dans la Résistance, le pluralisme était également la règle. Parmi les organes de presse publiés clandestinement, on peut citer La Libre Belgique, Le Courrier de la Meuse, L'Espoir, L'œuvre, Churchill Gazette, Le Monde du travail, La Vérité, Le Drapeau Rouge... Parmi les rédacteurs, on trouve des catholiques, des avocats, des syndicalistes, des socialistes, des communistes... et beaucoup de patriotes non engagés [1].
10Au sein de la population belge, la Communauté juive ne se distingue guère, si ce n'est par son inquiétude justifiée. Les Juifs de Belgique sont dans leur très grande majorité ressortissants étrangers ou apatrides, on peut affirmer sans craindre de se tromper que 90 % d'entre eux sont d'origine étrangère récente, ayant fui en plusieurs vagues les pays annexés par le Reich ou alliés de l'Allemagne.
11De ce fait, la première réponse à la menace que fait peser l'Occupation consiste à s'organiser. Un groupe d'étudiants juifs se forme à l'Université de Bruxelles dès juin 1940. Surtout, une organisation d'obédience communiste et yiddishophone, la Solidarité juive, reprend ses activités dès l'automne 1940 [2].
12Parmi les organisations « généralistes » de la Résistance qui apparaissent en Belgique en 1940 et en 1941, il en est une qui nous importe particulièrement : le Front de l'indépendance (FI). Car c'est un de ses agents, Victor Martin, qui va se retrouver au cœur d'une aventure extraordinaire en plein cœur du IIIe Reich.
13Le Front de l'indépendance est né le 15 mars 1941. À l'origine, on trouve trois hommes, le journaliste Fernand Demany, l'abbé André Boland, représentant des milieux chrétiens, le docteur Albert Marteaux, membre du comité central du Parti communiste belge. Dans ce mouvement, on note dès le départ une forte présence communiste mais non majoritaire. Certes le PCB est la seule force politique représentée en tant que telle à la direction du mouvement, mais, à l'époque, la faiblesse du mouvement communiste (consécutive à la signature du pacte germano-soviétique d'août 1939 et à la réalité politique belge de l'avant-guerre) interdit la transformation du FI en une simple courroie de transmission. En fait, cinq courants politiques existent au sein du Front de l'indépendance : les communistes, des catholiques de gauche, des démocrates-chrétiens, des socialistes et des libéraux.
14Par souci d'efficacité, le FI s'est doté de structures militaires : l'armée belge des Partisans (ABP), appelée aussi les Partisans armés, composée de résistants « permanents » et, notamment, d'anciens membres des Brigades internationales comme Raoul Baligand. Les Milices patriotiques, constituées en réserve à l'échelon local, doivent fournir un appui à l'ABP et préparer les combats de la Libération.
15Sur le plan civil, le FI chapeaute et anime des comités et des groupements très différents : à but professionnel (Médecine libre, Justice libre, le Comité de Résistance de l'enseignement moyen, le Mouvement de défense paysanne ou le Comité de lutte syndicale) ou plus général (comme l'Union des femmes, le Rassemblement national des jeunes et les Amis de l'URSS).
16Suivant les secteurs, l'influence communiste n'est en effet pas négligeable. C'est à ces mouvements que, dans le courant de 1942, va se joindre une nouvelle structure, le Comité de défense des Juifs, une association très efficace, compte tenu de ses faibles moyens du début [1].
17Les objectifs du Front de l'indépendance étaient connus d'emblée : le refus de l'occupation du territoire belge, la lutte contre l'occupant et la collaboration, le châtiment des traîtres, la défense des libertés publiques et la préparation d'un soulèvement général, en liaison avec l'avancée des armées alliées, autrement dit la préparation du « jour J ».
18Parmi les dirigeants du FI, on trouve Ghert Jospa, sujet belge d'origine bessarabienne. Cet ingénieur, conseiller d'une société pharmaceutique, est également militant communiste. Malgré ses origines, Ghert Jospa était peu introduit dans les milieux juifs. Or, il se rendit rapidement compte qu'une persécution systématique des Juifs de Belgique (et d'Europe) était engagée. Qu'on en juge : le 23 août 1941, une directive d'origine allemande interdit aux Juifs de vivre hors de quatre grands centres, à savoir Bruxelles, Liège, Charleroi et Anvers. Un couvre-feu est institué de 20 h à 7 h pour tous les Juifs.
19Le 25 novembre 1941, l'Association des Juifs en Belgique est constituée. C'est en quelque sorte le même procédé appliqué dans tous les pays occupés : créer une association, sorte de conseil juif, regroupant des personnalités civiles et religieuses, des notables, afin d'assurer un certain nombre de services administratifs à la place de l'autorité allemande. Les conseils juifs doivent avant tout établir un recensement, sorte de fichier qui servira plus tard à planifier les arrestations et les déportations. L'AJB n'a pas à assurer le ravitaillement de ghettos importants et fermés : la Belgique n'est pas la Pologne, mais les services administratifs de l'AJB servent concrètement les visées des SS, sans que ses dirigeants s'en rendent réellement compte.
20Le 1er décembre 1941, les Juifs sont exclus de l'enseignement. Les ordonnances des 11 mars et 8 mai 1942 les privent de tout droit aux congés payés et aux congés de maladie. Le 27 mai 1942, enfin, l'étoile jaune est instaurée.
21Les Belges n'acceptent pas cette nouvelle mesure discriminatoire. Le 5 juin 1942, à la demande du bourgmestre d'Uccle, Jean Hérinckx, la Conférence des bourgmestres de l'agglomération bruxelloise présente une lettre de protestation véhémente et refuse de s'associer à l'exécution de cette décision [1]. Cette lettre, unique dans l'histoire de la Résistance européenne, est un déclic. Jean Hérinckx, soupçonné à juste titre de sympathies pour la Résistance, est évincé par l'administration allemande. Hérinckx va très vite jouer un rôle concret.
22La fermeture des écoles publiques aux enfants juifs entraîne un problème de garderie. Un jeune couple d'universitaires juifs, les Perelman, met sur pied un réseau d'écoles ou « maisons-gardiennes » pour ces enfants livrés à eux-mêmes. Plusieurs personnalités aident Fela Perelman dans son entreprise : Désiré Tits, directeur général de l'Instruction publique de Bruxelles, Jean Drapier, échevin de l'Instruction publique d'Anderlecht, David Adamski, secrétaire de l'Association des universitaires juifs de Bruxelles et, bien sûr, Jean Hérinckx. Mais, très vite, après l'introduction de l'étoile, les premiers internements commencent. L'école des Perelman change de nature : il faut assurer la dispersion des enfants juifs et, bientôt, des adultes dans des familles chrétiennes, des institutions civiles et religieuses.
23Ghert Jospa continue, parallèlement, à nouer des contacts avec des organisations juives. En juillet-août 1942, il rencontre ainsi Robert Mandelbaum, de Solidarité juive, Abouch Werber, du Secours mutuel, ce dernier représentant les sionistes de gauche des Poalei Zion.
24En août 1942, Jospa assiste au IIe comité national du Front de l'indépendance. Des discussions ont lieu sur la nécessité de créer un groupe d'aide spécifique aux Juifs, certains délégués craignant la dispersion de leurs forces encore maigres. Jospa obtient gain de cause et est désormais assisté par un résistant, catholique et homme de gauche, Émile Hambresin, président, avant-guerre, de la Ligue belge contre le racisme et l'antisémitisme, animateur d'une association d'amitié belgo-chinoise lorsque la Chine fut agressée par le Japon et grand soutien de la République espagnole. Jospa peut donc contacter Fela et Chaïm Perelman.
25Chaïm Perelman, ancien chargé de cours à l'Université de Bruxelles, militant sioniste, est de fait la cheville ouvrière du rapprochement du F.I. et d'un groupe de notables juifs de l'AJB hostiles aux ordonnances allemandes. Perelman contacte personnellement Benjamin Nykerk, industriel néerlandais et militant sioniste général [1], l'industriel belge Eugène Hellendael et le secrétaire de la Communauté Israélite de Bruxelles, Édouard Rotkel, d'origine hongroise.
26Jospa, Werber, Mandelbaum, Hambresin, Perelman, Nykerk, Hellendael et Rotkel se réunissent en septembre 1942 au domicile des Perelman, rue de la Pêcherie à Uccle. C'est le point de départ du Comité de défense des Juifs (CDJ). Le CDJ regroupe dès lors toutes les tendances politiques de la Communauté juive de Belgique, à l'exception du Bund, parti socialiste ouvrier juif de Belgique, qui refusait toute alliance avec les communistes.
27Du CDJ, Maxime Steinberg donne cette définition : « Des communistes laïcs aux Israélites pratiquants en passant par les sionistes organisés ou non, des Juifs belges et hollandais aux immigrés de Pologne, de Roumanie et de Hongrie, le CDJ incarne la résistance juive dans sa réplique à la persécution antisémite de l'occupant [2] ».
28Mais la création du CDJ s'est faite dans l'urgence : le premier convoi de déportés est parti le 4 août 1942. En riposte, un commando abat un dirigeant de l'AJB le 29 août. L'AJB est neutralisée et, progressivement, le travail social de solidarité de prise en charge des enfants, des malades, des vieillards va être assumé par le CDJ. On verra donc un mouvement juif de résistance supplanter une association créée sur ordre des nazis pour toutes les tâches de solidarité et d'assistance, tout en conservant un rôle spécifique de lutte et d'information.
29Pour combattre la déportation, il faut informer, publier des journaux (en français, en flamand, en yiddish), confectionner de faux papiers. Le CDJ crée quatre sections : aide matérielle, finances, presse et propagande, faux papiers.
30Mais les trains continuent à partir de Malines. Les Juifs de la caserne Dossin roulent inexorablement vers une destination inconnue et leur trace se perd quelque part en Europe orientale. Le CDJ cherche à connaître leur sort. Immatriculé au Front de l'indépendance depuis septembre 1942, Victor Martin va entrer en scène. Il ignore encore dans quelle incroyable aventure son engagement de résistant va le conduire.
31Que sont devenus les Juifs de Belgique ?
II. Mission pour Auschwitz
A. Pourquoi choisir Victor Martin ?
32En septembre 1942, Victor Martin entre officiellement au Front de l'indépendance. Ses motivations sont avant tout celles du patriotisme. Il précisera plus tard : « Ignorant, malgré la lecture de Mein Kampf [une divagation d'ancien opposant ?] la nature profonde du nazisme, mon adhésion à la Résistance ne procédait pas de l'antifascisme mais de la haine à l'égard d'une nation qui prétendait, par la guerre, asservir l'Europe à une race de maîtres [1]. »
33Victor Martin est le produit d'une culture classique humaniste, témoignage de la vieille civilisation européenne. Ses études, ses voyages dans le cadre de la préparation de sa thèse le prouvent. Il ne sera donc pas un résistant de base comme les autres.
34Sa connaissance des milieux universitaires allemands, avec lesquels il a conservé des liens, sa parfaite maîtrise de la langue allemande lui ont permis de proposer à ses chefs, si le besoin s'en faisait sentir, d'accomplir éventuellement une mission secrète en Allemagne. Du fait de ses relations, « il devait [lui] être relativement facile de pouvoir circuler en Allemagne sous un prétexte scientifique, sans éveiller les soupçons, ni faire l'objet d'une surveillance particulière [1] ». Mais, dans l'esprit de Victor Martin, il ne pouvait s'agir que d'espionnage industriel... La mission qu'on lui donnera sera en fait bien différente.
35Victor Martin l'a raconté lui-même : « Depuis septembre 1942, un grand nombre de Juifs, hommes, femmes, enfants, vieillards, avaient été déportés de la Belgique vers l'Allemagne. Les convois continuaient à quitter le pays. Où conduisait-on ces malheureux ? Que devenaient-ils ? Voilà ce qu'il s'agissait de savoir. Les renseignements dont disposait le FI parlaient de la Haute-Silésie, de Katowice. de la ville d'Auschwitz. Des bruits persistants circulaient sur le massacre systématique des femmes et des enfants, sur la mise au travail des hommes dans des camps de concentration. De même, le CDJ voulait connaître le sort de la communauté juive de Sosnowiec, ville peuplée presque exclusivement par des familles juives [2]. »
36Parmi les sources d'information, il y a ces fameuses cartes postales de Haute-Silésie « annonçant une heureuse arrivée à destination ». Puis, le silence... [3]
37C'est ici que commence réellement l'histoire de la mission de Victor Martin à Auschwitz [4].
38Victor Martin est chargé par le Front de l'indépendance et le Comité de défense des Juifs de partir en mission de renseignement pour connaître le sort exact des Juifs déportés de Belgique. Son objectif : l'Europe orientale. À la fin de 1942, un tel voyage ne s'improvise pas. Il faut donc le préparer soigneusement.
39Victor Martin n'a pas l'intention d'improviser. Il doit se rendre d'abord en Allemagne, puis aller ensuite en Pologne, aux confins du Reich et du Gouvernement général. Il lui faut d'abord une couverture scientifique solide et des papiers en règle.
40Parallèlement, la Résistance lui confie des lettres d'introduction pour deux familles juives de Sosnowiec, localité proche d'Auschwitz et transformée en ghetto. Son contact au CDJ n'est autre que Ghert Jospa.
41« Martin commença aussitôt ses préparatifs de départ. Il se rendit dans l'un des centres culturels ouverts par les nazis à Bruxelles. Il y exposa son désir d'effectuer des recherches scientifiques en Allemagne et de renouer, à cette fin, notamment avec le Professeur Léopold von Wiese, de Cologne, grand sociologue connu. Les recherches portaient sur des questions de sociologie, elles n'étaient pas dangereuses. Un passeport lui fut rapidement délivré et Martin partit pour Cologne [1] ».
42Mais, à Cologne, le voyage ne peut se poursuivre qu'à la condition de maintenir une solide couverture scientifique. Il revit là les professeurs de l'Université de Cologne qu'il avait connus avant la guerre et eut une série d'entretiens sur les sujets qui étaient censés l'avoir amené en Allemagne. Par surcroît de précautions, afin qu'aucun doute ne pût naître sur le sérieux de sa mission, les résultats étaient consignés sur fiches [1]. Le sujet de recherche était « la psychologie différentielle des classes sociales [2] ».
43De Cologne, la deuxième étape est Breslau, dans l'est du Reich (aujourd'hui Wroclaw en Pologne). Victor Martin écrit à un professeur de sociologie spécialiste de la psychologie différentielle des classes sociales, membre convaincu du parti nazi NSDAP et enseignant à l'Université de Breslau, afin de le rencontrer. Sa demande est reçue très favorablement. Le 4 janvier 1943, le service des étrangers de la police de Cologne lui accorde la permission (Erlaubnisschein) de se rendre, « en vertu de l'article 2 de l'ordonnance sur le traitement des étrangers du 5 septembre 1939 », à Francfort, Berlin et Breslau, entre le 4 et le 20 février 1943 [3]. L'administration nazie est stricte, mais rien n'indique une suspicion particulière à l'égard d'un jeune universitaire belge en apparence inoffensif.
44Après quelques jours à Breslau, Victor Martin prend le train pour Sosnowiec. Écoutons Victor Martin : « À Breslau, j'étais aux portes de la Haute-Silésie et de la région Katowice-Auschwitz. J'étais en possession des quelques noms et introductions pour divers Juifs belges qui avaient réussi à se faire hospitaliser à l'hôpital du ghetto de Sosnowiec proche d'Auschwitz et avaient pu brièvement communiquer leur situation en Belgique [4]. »
45Victor Martin est désormais à pied d'œuvre. Ce qu'il ignore, c'est qu'il va découvrir l'atroce réalité concentrationnaire du IIIe Reich. Et que sa mission de renseignement va dépasser, de très loin, tous les enjeux militaires qu'il imaginait au moment de son entrée en résistance.
B. La découverte d'Auschwitz
46Victor Martin n'est pas préparé à affronter ce qu'il va découvrir. Néanmoins, en cet hiver 1943, il a comme atout sa rigueur personnelle et professionnelle. Comme il se l'était fixé, il se rend d'abord à Sosnowiec. Ce ghetto « ouvert » ne sera liquidé par les SS que pendant l'été 1943. Il est déjà vidé des deux tiers de sa population. Victor Martin a raconté à la Libération comment il se retrouva en ce lieu et ce qu'il y apprit : « [...] Je me rends auprès des services administratifs juifs et, sans dire quel but m'y amène, je me fais passer pour un travailleur belge en Allemagne, recherchant des membres de sa famille. Ils se montrent très méfiants, se demandant si je ne suis pas un agent provocateur, mais, néanmoins, ils me communiquent qu'ils ont pu arracher des camps de concentration un certain nombre de Juifs belges malades et qu'ils me disent se trouver en traitement à l'hôpital juif de Sosnowitz. Je rendis visite à ceux-ci et, par eux, je parviens à savoir dans quels camps se trouvent la plupart des hommes et des femmes juifs déportés de Belgique [1] [...] »
47Mais le sort de ces malheureux est incroyable pour un Occidental extérieur à la tragédie juive : « Je réussis à pénétrer dans le ghetto. Les récits que j'entendis pouvaient se résumer ainsi : “Les Juifs de Belgique sont arrivés ensemble dans le camp d'Auschwitz. Certains ont été mis au travail ; quelques-uns, affectés à un commando extérieur, ont pu s'introduire dans le ghetto, notamment à l'hôpital. Si vous observez dans les environs, peut-être, par l'entremise de travailleurs volontaires, apprendrez-vous quelques nouvelles sur les Juifs déportés de Belgique. Mais vous ne retrouverez ni enfant, ni vieillard. Tout le monde a ici l'assurance qu'on les a tués et brûlés.
48“Des trains entiers entrent chaque jour dans un camp qui ne peut loger que quelques milliers de détenus. Tirez vous-même la conclusion : nous sommes tous ici en sursis de mort” [2]. »
49Le commentaire de Victor Martin, quarante ans après la fin de la guerre, montre sa difficulté à concevoir, dans l'Europe de 1943, de telles atrocités :
50« Je dois avouer que je restais sceptique. Ces Juifs, obsédés par des persécutions millénaires, devaient exagérer. En outre, cela heurtait une opinion forgée depuis longtemps à l'égard d'un peuple allemand qui avait donné au monde Kant et Hegel, Beethoven et Mozart, Goethe et Schiller, Marx et Engels, Albert Einstein et tant d'hommes illustres.
51« Des prisonniers de guerre belges n'étaient-ils pas traités humainement conformément à la convention de Genève ? Un peuple de vieille civilisation pouvait-il commettre un génocide à l'égard de vieillards, d'enfants, d'inaptes ne présentant aucun danger pour son combat [3] ? »
52Sosnowiec était un cas à part, mais Victor Martin espérait, au fond de lui, que les déportés avaient survécu quelque part : « Ces informations étaient à ce point monstrueuses qu'elles en paraissaient incroyables. Martin avait devant les yeux l'exemple du ghetto de Sosnowiec. Cette communauté juive s'administrait elle-même, elle avait ses agents juifs, ses autorités passaient des contrats avec les Allemands, de façon à donner du travail à la population et à recevoir en échange les marchandises de première nécessité. Peut-être les femmes et les enfants, les vieillards et les malades avaient-ils été envoyés dans des institutions spécialisées, dans un ghetto éloigné ; peut-être les Allemands constituaient-ils de nouvelles communautés juives, quelque part, un petit État même ? Mais l'idée qu'ils avaient pu, par exemple, massacrer systématiquement et de sang-froid des milliers et des milliers d'enfants de tout âge était trop épouvantable pour ne pas croire, espérer une exagération dans les bruits rapportés. Mais les recoupements, les précédents, les contacts, tout montrait que ces gens ne se trompaient pas. Sans doute ses interlocuteurs n'avaient-ils pas été personnellement témoins des faits qu'ils rapportaient. Mais le blessé avait travaillé, lui, au camp d'Auschwitz. En outre, on savait ce qui se passait dans le camp par les déportés du service du travail obligatoire ou par les volontaires étrangers qui travaillaient dans le camp à la construction d'une usine de caoutchouc synthétique et qui ressortaient chaque jour de celui-ci. Enfin, le fait qu'on avait perdu toute trace de ces gens depuis leur arrivée à Auschwitz corroborait ces dires [1]. »
53Chercheur, Victor Martin décide d'appliquer les méthodes de la vérification scientifique à sa mission. Il lui faut trouver d'autres sources. Il va les trouver à Katowice, en la personne d'ouvriers français :
54« Martin ne voulut pas retourner en Belgique sans tenter une dernière vérification des faits qui, s'ils s'avéraient, dépassaient en horreur tout ce qu'il avait craint sur le sort des Juifs déportés. Il partit pour Katowice, proche d'Auschwitz. Le hasard lui fit rencontrer là, dans un café, un groupe de travailleurs français de Firminy, ouvriers volontaires et déportés du ST0 [2]. »
55Cette rencontre est déterminante pour la suite de sa mission. Elle prouve indiscutablement que l'existence d'Auschwitz et de ses crimes était connue par des témoins non concentrationnaires, elle va permettre à Martin de conclure efficacement sa mission, mais elle va aussi lui causer les pires ennuis.
56Surtout, elle prouve que l'on savait en Occident ce qui se passait à Auschwitz ; surtout, on peut affirmer aujourd'hui que Vichy savait quel était le sort des Juifs déportés. Non seulement ses services d'écoute connaissaient la réalité des massacres en URSS [1], mais la présence de Français à Auschwitz comme travailleurs libres ou STO est une pièce accablante dans le dossier de l'accusation.
57Il y avait, en effet, des entreprises allemandes installées à Auschwitz à partir de mars 1941, et non des moindres (Hermann Goering Werke, IG Farben...). La Haute-Silésie offrait en effet l'avantage d'être à l'abri des attaques des bombardiers britanniques (au moins dans un premier temps) et surtout la main-d'œuvre y était renouvelable et pratiquement gratuite. Le cynisme des industriels allemands égalait la cruauté des SS. Parmi les complexes industriels en construction, il y avait, à l'est du camp-souche d'Auschwitz, l'usine de caoutchouc synthétique de Buna-Monowitz. Cette usine employait, outre des concentrationnaires, des civils allemands, des Polonais, des travailleurs, volontaires ou non, venant de toute l'Europe, ainsi que des prisonniers de guerre alliés.
58Parmi ces travailleurs, il y avait 2 600 Français. Évoqués dans la littérature concentrationnaire par plusieurs témoins essentiels [2], ces Français étaient des témoins « privilégiés » et très bien informés sur l'horreur d'Auschwitz [3]. Et si Rudolf Vrba, Primo Levi et Elie Wiesel les ont approchés dans les conditions extrêmes du travail sur les chantiers, Victor Martin a vu en eux des sources fiables d'information pour mener à bien sa mission.
59Redonnons la parole à Victor Martin : « Je rencontrai des travailleurs français, occupés dans la région, originaires notamment de Firminy et du Creusot et qui, influencés par l'appel du gouvernement Pétain, s'étaient engagés pour “libérer des prisonniers de guerre”. M'étant présenté comme un étudiant belge occupé à l'Université de Breslau, je fus invité à leur rendre visite dans leur camp, aux portes d'Auschwitz. Ils travaillaient fréquemment en liaison avec des commandos extérieurs des camps de concentration comme avec des ouvriers allemands.
60Ayant manifesté quelque curiosité pour le traitement réservé aux détenus et notamment aux Juifs, j'obtins, en substance, les déclarations suivantes : « Ne cherche pas à savoir ce que sont devenus les femmes et les enfants. Tu ne les retrouveras plus. Les Allemands ont construit des fours crématoires de grande capacité qui fonctionnent jour et nuit. Suivant la direction du vent, on perçoit l'odeur des corps brûlés. Comment tuent-ils ces malheureux ? C'est un mystère pour nous. Un bon conseil : évite d'aborder ces questions avec les Allemands. Ici tout le monde sait et tout le monde se tait [1]. »
61« Le Rapport Victor Martin », conservé à Yad Vashem, précise :
62« Martin rendit visite à ses nouveaux amis et resta en leur compagnie toute la journée : il apprit et vit là beaucoup de choses. Que les Allemands avaient construit au centre d'Auschwitz un four crématoire d'une capacité de 2000 à 3000 personnes et que ce four travaillait jour et nuit. 24 heures sur 24, un panache de fumée noire et de flammes couronnait sa haute cheminée. Chaque nuit arrivaient en gare d'Auschwitz des trains bourrés de Juifs, originaires de Pologne, semblait-il ; tout cela était connu dans la région en raison des rapports entretenus entre les déportés travaillant au camp et l'extérieur. Des bruits circulaient sur l'arrivée – toujours nocturne – des convois, avec des femmes et des enfants hurlant, pleurant, qu'on ne revoyait jamais plus ni au travail, ni ailleurs.
63« Ainsi s'expliquait l'activité incessante du gigantesque four crématoire du camp, que ne pouvait justifier à lui seul le nombre de ceux qui mouraient là de maladie ou d'épuisement : le four travaillait comme instrument d'extermination systématique des Juifs amenés au camp et des détenus d'Auschwitz.
64« Au cours de cette même journée passée aux environs du camp de concentration, Martin eut l'occasion de s'approcher à différentes reprises de la barrière protégeant l'accès à ce dernier. Puis, le soir venu, il repartit pour Breslau, avec l'intention d'y passer une nuit et de prendre le lendemain, un train à destination de la Belgique [2]. »
65En fait, aussitôt après la Libération, Victor Martin, reconnaissait que sa mission de renseignement dépassait le sort des Juifs et qu'elle avait duré plusieurs jours à Auschwitz même [3] :
66« [À Katowice]. je fais ainsi la connaissance de divers travailleurs et ingénieurs français occupés dans des usines là-bas et qui au travail rencontrent des détenus des camps de concentration. Ayant gagné l'amitié d'un ouvrier français, je me fais inviter par lui à lui rendre visite au camp. Il me prenait pour un étudiant français. Je reste au camp français des travailleurs libres, pendant plusieurs jours comme passager clandestin. Je vais travailler avec eux et c'est alors que j'entre en contact avec non seulement les Juifs, mais avec un grand nombre de détenus des camps de concentration avec qui le travail se fait en commun. [...].
67« Un grand nombre de femmes juives détenues sont dans un camp spécial à quelques kilomètres et effectuent principalement des travaux de défrichement des bois. En même temps, par des ingénieurs français, je recueille des renseignements sur la fabrication dans les nouvelles usines, l'état des communications, le matériel, etc. J'avais préparé le vol de certains documents sur les usines, lorsque, ma présence là-bas ayant paru suspecte, je dois quitter la région [1]. »
68Victor Martin a donc accompli sa mission, qui consistait à percer le mystère de la déportation. À présent, il sait que les Juifs de Belgique et de toute l'Europe sont les cibles d'une tentative de meurtre de masse et qu'il faut enrayer par tous les moyens la machine de mort des nazis. Résistant par idéal patriotique, il devient dès lors l'instrument de la Vérité, un rôle écrasant qui dépasse sa simple vie et fait de lui le messager des victimes. Il faut tout faire pour arrêter de fournir au Moloch hitlérien sa ration de vies humaines, tout faire pour sauver ceux qui peuvent encore l'être en les soustrayant aux rafles de la Gestapo et aux convois en partance de Malines. Victor Martin n'est plus seulement un résistant courageux, il devient en quelque sorte le rempart ultime contre la barbarie.
69Mais il lui faut à présent faire parvenir son message. Ce ne sera pas chose facile.
III. Le messager
A. Sauver les enfants
70Le pire n'est pas toujours envisageable, mais ici le doute n'est plus permis. Victor Martin veut rentrer au plus tôt en Belgique, il n'en a pas le temps. Il raconte : « Je fus arrêté le 10 février 1943 à Breslau, à la suite d'une dénonciation [2]. »
71Cette dénonciation, Victor Martin l'impute à « un ouvrier français, également déporté, et auprès de qui j'avais demandé des renseignements. Cette personne m'a dénoncé auprès de la Gestapo, aux fins d'obtenir une promotion [1]. »
72Car, si discrète qu'ait été son enquête, une simple question de curiosité sur la nature des travaux effectués dans le camp avait suscité la méfiance d'un de ses interlocuteurs français. Quelques heures après son arrivée à Breslau, Martin recevait la visite d'un agent des services de sécurité qui l'amena au poste de police pour « vérification d'identité ». Il y fut immédiatement incarcéré [2].
73Victor Martin va connaître alors la descente aux enfers : il découvre la réalité des bagnes allemands.
74« Je suis arrêté dans un hôtel de Breslau et transféré à la prison de cette ville. La prison est encombrée, aussi nous met-on dans des caves-abris où nous sommes parqués, une cinquantaine à la fois, dans un espace d'environ vingt-cinq mètres carrés. Il y a des détenus de toutes les nationalités, mais en majorité ce sont des Polonais réfractaires au travail ou arrêtés généralement pour des futilités. Il y a quelques jeunes travailleurs de Russie, complètement déguenillés : on les a dépouillés de leurs bottes, de leurs vestes et ils ont les pieds enroulés de bandes d'étoffe. Ils me surprennent par leur maturité et leur culture intellectuelle. Ils connaissent notamment assez bien la littérature française. Il y a également parmi les détenus des Parisiens qui n'ont rien perdu de leur bagout et nous remontent le moral avec leurs blagues traditionnelles. Il y a des Juifs, toujours abattus, mornes, vides.
75« Pour la nuit, nous n'avons pas de paillasses, nous dormons sur le sol qui est en ciment ; et, comme la place manque, nous devons dormir assis dos à dos, la tête penchée mutuellement sur l'épaule l'un de l'autre. Quant à l'hygiène, elle est déplorable et nous sommes rongés de vermine.
76« Notre séjour là-bas n'est pas long. Un beau matin, on vient me chercher pour un transfert. Tous les détenus qui en font partie ont des têtes de condamnés à mort : ils partent pour Auschwitz et je crois d'abord que c'est également là qu'on m'envoie. Dans le train, un jeune Tchèque, à qui j'avais confié que mon cas n'était probablement pas grave, me fait jurer d'aller après la guerre voir sa famille qu'il pense ne plus revoir. J'ai constaté parmi les Tchèques une grande fierté nationale et l'acceptation du sacrifice comme une chose nécessaire [3]. »
77Selon l'historien belge Léon Papeleux, le jeune Tchèque aurait dit textuellement à Victor Martin : « Je ne vous connais pas. Mais je n'ai plus rien à perdre. La Gestapo sait tout. Puisque vous vous dites innocent, peut-être survivrez-vous. Si vous avez cette chance, écrivez à ma famille ou rendez-lui visite après la guerre. Dites que je n'ai livré aucun nom, aucun secret de notre organisation [1]. »
78Victor Martin est séparé de ses compagnons d'infortune à Katowice. Eux partent pour une destination inconnue, qu'il ne connaît que trop bien... Lejeune Belge est conduit à la prison où il retrouve une nouvelle fois les mêmes conditions de détention : « Je fais là-bas la connaissance d'un Polonais, arrêté pour avoir organisé des groupes de saboteurs dans les usines aéronautiques allemandes. Lors de son arrestation, il avait tenté de s'ouvrir le poignet avec une lame de rasoir, sachant ce qui l'attendait. Il y a là également un Allemand, dénoncé comme ayant écouté la radio de Londres et qui pleure à longueur de journée en pensant à sa famille.
79« Il y a même certains cas tenant du vaudeville. Un petit chef d'entreprise avait réuni un samedi soir quelques joyeux viveurs de son personnel, un de ceux-ci fêtant la fin de son célibat et devant se marier le lendemain. Un voisin, ayant remarqué que cinq ou six hommes étaient réunis à côté de chez lui, donna l'alerte à la Gestapo qui fit irruption revolver au poing, au milieu de la ripaille, soupçonnant un complot. Ils n'ont été relâchés qu'une douzaine de jours plus tard [2]. »
80Victor Martin affirme à ses compagnons de captivité qu'il est victime d'un malentendu et se présente comme étant un étudiant belge venu étudier en Allemagne. Il sait désormais (il a de bonnes raisons pour cela) qu'il lui faut se méfier de tous et de chacun, sinon il finira par retrouver le jeune Tchèque du convoi cellulaire. Il lui faut surtout ne rien faire qui puisse trahir sa véritable mission.
81« Quinze jours après mon arrivée à Katowice, la Gestapo vient me chercher et me conduit à son local pour un premier interrogatoire. Je passe d'abord dans la salle d'identification, on vérifie mes papiers, on prend mes empreintes et je suis photographié sous tous les angles. On me demande ensuite mon curriculum vitae détaillé. L'interrogatoire dure deux jours, de six à huit heures par jour. Il porte évidemment sur la justification de ma présence là-bas et sur une conversation que j'avais tenue avec un ouvrier français [3]. »
82Les questions pleuvent : « Que faisiez-vous dans cette région ? Qui avez-vous rencontré et quels renseignements avez-vous sollicités ? À quelles industries vous êtes-vous intéressé ? Vous serez libéré lorsque vous aurez fourni les indications relatives au service anglais pour lequel vous travaillez en Belgique [1]. »
83Victor Martin s'en tient coûte que coûte à son système de défense, il nie : « Je justifie mon voyage par l'enquête sociale dont j'ai parlé plus haut et je mets certaines paroles imprudentes sur le compte de la curiosité. Eux veulent me faire avouer que je suis en relation avec des organisations étrangères et ne ménagent pas les coups pour me faire parler [2]. »
84Mais Martin nie, nie et nie encore : « N'obtenant rien de moi, ils me renvoient à la prison [3]. »
85Victor Martin analysait ainsi la situation, quarante ans après la guerre :
86« Le gestapiste qui m'interrogeait avec la brutalité coutumière à ce service était donc sur une fausse piste [4]. »
87« Les questions posées au sujet de l'usine en construction à Auschwitz avaient fait croire à la police allemande qu'elle se trouvait devant un cas d'espionnage industriel. Aussi était-ce un officier des services industriels du contre-espionnage allemand qui menait l'enquête et c'est dans ce sens que les recherches furent poussées [5]. »
88« Brusquement, je suis en présence d'un nouvel interrogateur et comprends que j'étais passé sous la compétence de l'Abwehr, avec un officier spécialiste de contre-espionnage industriel. C'était plutôt rassurant. Il partageait le même préjugé de départ que la Gestapo. Il y avait tant d'industries nouvelles implantées dans la région, à l'abri des bombardements anglo-américains. Le suspect était donc pour lui à la recherche d'informations industrielles. Mais les éléments de l'enquête infirmèrent cette hypothèse : les renseignements recueillis auprès des professeurs universitaires (il était facile de les deviner), les conversations avec les travailleurs français, les documents et fiches de travail saisis n'avaient rien de commun avec de l'espionnage industriel [6]. »
89« Deux confrontations avec l'ouvrier français, auteur de la dénonciation, ne donnèrent aucun résultat, car l'ouvrier, regrettant certainement son acte, s'efforça d'atténuer fortement l'effet de ses premières déclarations [1]. »
90« Les conversations en allemand avec cet officier de vieille tradition de l'Abwehr qui substituait aux coups la finesse du raisonnement, aboutissent à une conclusion inattendue : “Nous avons vérifié votre emploi du temps en Allemagne. Il paraît normal, sauf votre présence inexplicable en Haute-Silésie. Un universitaire doit savoir que ce n'est pas précisément une région touristique. Je pourrais vous traduire en conseil de guerre, qui ne verra pas plus clair que moi. Je pourrais vous remettre à la Gestapo, en Schutzhaft [détention de protection]. Vous savez ce que cela signifie. Mais vous êtes peut-être innocent et un doute subsiste : il vous est interdit de rejoindre la Belgique avant la fin de la guerre. Vous travaillerez ici pour nous” [2] . »
91Victor Martin est ainsi affecté comme interprète au camp de Radwitz, qui regroupe un camp de travailleurs étrangers, volontaires et requis, et un camp de rééducation, Erziehungslager, « où les pires traitements étaient infligés aux récalcitrants [3] ».
92Rappelons simplement, pour conforter Martin dans son analyse, que le camp de Radwitz, ou Rattwitz, en Basse-Silésie, est connu comme ayant été un camp de rééducation du 25 juin 1942 au mois de juin 1944 et que ses détenus travaillaient pour les usines Krupp [4].
93Pour définir « l'ambiance », le Professeur Papeleux écrit de ce camp que « des détenus étaient attachés à des poteaux, dans le froid et la neige de février, et ce jusqu'à l'évanouissement. D'autres, pour se réchauffer, effectuaient des sauts de grenouilles sous les hurlements et les coups de bâtons de Kapos déchaînés » [5].
94Victor Martin y est donc transféré sur l'ordre du lieutenant Becker, l'officier de l'Abwehr. C'est là sans doute qu'il vit de près la réalité concentrationnaire. Mais pas seulement. En cellule à Katowice, il avait pour compagnon un résistant polonais condamné à mort, qui lui fit part de récits horribles et complémentaires sur la situation des détenus. En attendant, il n'est pas question pour notre ami de céder aux pressions et aux manipulations du lieutenant Becker. Il faut reprendre la mission et donc partir, au plus vite, pour la Belgique. Du reste, Martin ne peut endurer davantage son incarcération : « Il règne dans ce camp une épouvantable atmosphère de suspicion. Il y a des indicateurs de la police qui, au moindre soupçon ou parfois pour satisfaire des animosités personnelles, envoient pour quelques semaines de nombreux travailleurs français dans l'Erziehungslager, ou camp d'éducation ( !), voisin, pour y effectuer des travaux très durs de terrassement, avec une nourriture dérisoire. Là, lorsque les détenus rentrent le soir, épuisés du travail de la journée, on leur fait faire soi-disant de la gymnastique ; cela consiste à courir, à se rouler par terre, le tout agrémenté de coups de pied et de matraque. Dans un camp voisin se trouvent des Juifs de différentes nationalités que l'on pend en plein air à la moindre infraction à la discipline du camp [1]. »
95C'est cette expérience qui va lui permettre d'écrire à la Libération un article, Les Bagnes hitlériens [2], très documenté. Dans cet article, Victor Martin écrivait : « Je me souviens de l'arrivée d'un jeune Polonais que le bandit qui faisait fonction de chef de camp avait trouvé trop bien mis à son gré. Il le fit se rouler dans la poussière en l'accompagnant de coups de matraque et de pied lorsqu'il n'allait pas assez vite à son gré. »
96On peut comprendre que de pareils « spectacles » aient pu mener Martin à tenter l'évasion. Cette évasion, il va la réussir.
97L'histoire de l'évasion de Victor Martin n'est pas facile à reconstituer. On se doute qu'il n'a pas tenu un cahier de bord ou un journal intime en pareille situation. Martin n'a plus de papiers, les Allemands les ont confisqués. Il faudra donc s'en passer. Mais Martin a d'autres atouts. D'abord, il parle l'allemand à la perfection, pratiquement sans accent, et cela lui sera très utile.
98Le 1er avril 1943, Victor Martin est arrivé à Radwitz. « Après quelques semaines de séjour dans le camp surveillé des déportés français, je m'enfuis et reviens en Belgique en passant clandestinement la frontière près d'Aix-la-Chapelle [3]. » C'est bref, mais peu précis. Quand la fuite a-t-elle eu lieu ?
99Au début d'avril 1943, selon Léon Papeleux [1]. Le 15 mai, affirment Lucien Steinberg et Maxime Steinberg [2]. Victor Martin a donné des dates différentes : le 15 mai 1943, selon le rapport qu'il a fait, le 15 juin 1948, à Bruxelles. En mars 1943, si l'on en croit le récit fait en 1985 dans Le Patriote résistant. La date de mars 1943 est peu plausible, puisqu'elle réduit l'enquête de la Gestapo et de l'Abwehr à sa plus simple expression et, d'autre part, Martin est resté au camp de Radwitz le temps de toucher sa première paie. On peut pencher raisonnablement pour la date du 15 mai 1943.
100Victor Martin a conservé un peu d'argent et, avec sa paie, peut se permettre l'achat d'un billet de train pour traverser l'Allemagne. « La chance et une connaissance parfaite de la langue allemande me permirent d'éviter les contrôles occasionnels des trains [3]. » C'est en effet là que se situe le risque principal. Il arrive à la frontière germano-belge, facile à franchir à ce moment-là, affirme-t-il, et la passe à pied, à partir de Malmédy, ville belge alors annexée au Reich. Victor Martin est de retour chez lui, à Bruxelles !
101Il faut maintenant raconter. Mais avant son retour, il semble que Victor Martin a réussi à faire passer des informations en Belgique.
102En 1945, Maurice Heiber, résistant juif belge, racontait : « Une personne, membre du FI se rendant en Allemagne sous un bon alibi, fut chargée par nous de la mission de suivre nos déportés en Silésie et d'enquêter sur leur sort. Notre homme eut des déboires, fut arrêté mais réussit à s'en tirer. Le message qu'il nous fit parvenir était terrifiant ! “Femmes et enfants exterminés. Hommes esclaves travaillant jusqu'à l'épuisement, ensuite supprimés.” Ce court message fut par la suite complété par un rapport détaillé et précis. À cette époque nos cerveaux refusaient de s'assimiler cette horrible vérité [4]. »
103Ghert Jospa, le dirigeant du CDJ qui avait envoyé Victor Martin en Pologne, confirmait ce qu'avait déclaré Maurice Heiber : « Depuis quelque temps déjà, des rumeurs sinistres mais imprécises nous étaient parvenues d'Allemagne sur l'extermination des Juifs déportés, l'existence d'un camp d'extermination, doté de fours crématoires, situé à Auschwitz. [...]. Nous voulions avoir le cœur net. Il fallait coûte que coûte savoir ce que devenaient les convois de Juifs emmenés en Allemagne. Martin accepta le risque d'effectuer une enquête. Il croyait avoir de grandes chances de réussite en raison de ses liaisons allemandes. Je lui remis la documentation que nous possédions et qui avait trait aux bruits décrits plus haut. Il partit et pendant longtemps ne donna plus signe de vie. Un jour, cependant, nous avons reçu des informations par ses liaisons allemandes. Il avait réussi à pénétrer dans le camp d'Auschwitz... et à en ressortir. Il s'était entretenu avec des détenus, avec la population environnante [...]. Les réactions au seul nom d'Auschwitz montraient qu'ils étaient informés plus ou moins de ce qui s'y passait. Auschwitz était un endroit diabolique où l'on rentrait par la porte et d'où l'on sortait par la cheminée [...] [1]. »
104Ce texte de Ghert Jospa pose plusieurs questions importantes auxquelles l'historien doit essayer de répondre. D'abord, il semble que le nom d'Auschwitz était connu en Belgique avant l'envoi de Martin en Pologne. Ensuite, il apparaît évident que Victor Martin n'est pas entré dans le camp d'Auschwitz lui-même mais qu'il a circulé à proximité immédiate du complexe concentrationnaire, ce qui suffisait déjà, comme on l'a vu, à mettre en péril sa vie et sa sécurité. Enfin, concernant ses « liaisons allemandes », l'historien se perd en conjectures : Victor Martin avait-il contact avec des résistants allemands qui auraient pu appartenir à l'Intelligence Service ou au réseau de Léopold Trepper, le fameux « Orchestre Rouge » [Rote Kapelle] dont le centre névralgique se trouvait... à Bruxelles ! ce serait s'avancer sur des terrains mouvants. La réalité serait beaucoup plus prosaïque. Sur le chemin du retour, Victor Martin aurait rendu visite à des amis, prisonniers de guerre belges, parmi lesquels se trouvait Léon Papeleux ! On comprend dès lors pourquoi l'universitaire a longuement raconté dans La Vie wallonne la mission de son ami Martin. Ce serait par ce moyen que les premières informations auraient été transmises en Belgique !
105Au printemps 1943, Victor Martin est de retour à Bruxelles. Réunis d'urgence dans un appartement de la capitale belge occupée, des dirigeants du Front de l'indépendance et du Comité de défense des Juifs écoutent son rapport parcellaire mais accablant. Ils sont atterrés. Le pire était donc vrai.
106Martin a rédigé un résumé, celui-ci est transmis à toutes les structures dépendant du FI. Il ne faut plus laisser un Juif répondre aux convocations qui conduisent immanquablement à la caserne Dossin de Malines et, de là, à la mort. Tous les Juifs doivent entrer immédiatement dans la clandestinité avec l'aide de la population belge.
107Le rapport de Martin, « de plus de cent pages », selon Ghert Jospa, a constitué une documentation qui « a été utilisée aussitôt dans notre propagande pour dénoncer la monstruosité nazie [1] ».
108C'est le journal du CDJ, Le Flambeau, qui va répercuter la nouvelle. Mais il n'a, semble-t-il, pas attendu le retour de Victor Martin pour connaître et diffuser d'horribles nouvelles. Ainsi, le 10 mai 1943, Le Flambeau raconte (page 7) : « Pologne : les Juifs sont massacrés à raison de 6 000 personnes par jour. Les déportés de l'Europe occidentale travaillent dans les mines de Haute-Silésie et vivent dans des baraquements spécialement créés à cet effet. Ils sont vêtus de sacs de toile rayée rappelant l'habit de forçat et portent l'étoile jaune sur le dos et sur la poitrine. Les membres d'une même famille sont systématiquement séparés et ignorent tout du sort de leurs proches [2]. »
109En octobre 1943, Le Flambeau expliquait : « Quand Hitler a pris le pouvoir en 1933 et quand les bourreaux à sa solde ont commencé à sévir contre les Juifs, ceux-ci ont fait des démarches afin de pouvoir émigrer, mais ils se sont heurtés à des difficultés énormes. À leur étonnement, on leur a répondu : “Nous ne voulons pas l'émigration des Juifs, mais leur anéantissement.” Cette menace a été exécutée, non seulement en Allemagne, mais dans toute l'Europe occupée par les troupes d'Hitler, avec toute la méthode et la rigueur allemandes. La guerre déclarée aux Juifs par Hitler est gagnée. De toutes les communautés juives européennes, il n'en reste pas, actuellement, une seule qui aurait été épargnée par la peste brune [3]. Après le massacre de millions de Juifs en Pologne et dans les autres pays de l'Est, ainsi que dans les Balkans, le même sort a été réservé aux Juifs de l'Europe occidentale [4]. »
110Après l'information, il y eut l'action. Il n'est pas question de rappeler ici tous les actes de résistance et de solidarité de la population belge, où l'exemple venait de haut, puisque la Reine Élisabeth est intervenue elle-même « à de très multiples reprises auprès des autorités allemandes, directement ou, notamment, par l'entremise de la Croix-Rouge de Belgique.
111« C'est grâce à elle que nombre d'enfants en bas âge ont évité la déportation, que des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans furent placées dans des homes à Scheut et à Auderghem et échappèrent ainsi à la mort. Sa Majesté n'a jamais ménagé ses efforts pour obtenir des libérations individuelles [1] ». De même, le clergé catholique et la communauté protestante s'engagèrent massivement dans le secours aux Juifs, certains prêtres et certains logeurs furent arrêtés et périrent en déportation [2].
112Au Front de l'indépendance et au Comité de défense des Juifs, l'émotion était à son comble et nécessitait une action d'envergure. Le Rapport Martin ne fit qu'accentuer une démarche qui existait précédemment autour des époux Perelman, de l'épouse de Ghert Jospa, Yvonne et d'une jeune institutrice catholique, Andrée Gelen. L'ardeur militante de ces admirables jeunes femmes fit des miracles. Par ses réseaux et ses cachettes, ses filières et ses fermes isolées, le travail du CDJ aboutit à sauver trois mille enfants juifs.
113Trois mille jeunes vies furent ainsi épargnées. C'est le résultat d'un combat héroïque qui ne fut pas mené les armes à la main mais qui était fondamental. Ces trois mille vies représentent aujourd'hui la contribution belge à la sauvegarde des valeurs humaines.
114Et Victor Martin, le messager, y fut sans doute pour une large part...
B. Poursuivre le combat
115Dès qu'il revient dans son pays, Martin plonge dans la clandestinité. Il est désigné responsable pour le district de Charleroi, et ses activités sont variées : impression et diffusion de la presse clandestine, aide aux familles des prisonniers politiques, ce qu'on appelait à l'époque « L'Œuvre Solidarité [3] ». Il multiplie les rendez-vous et les contacts, dans des cafés, dans des maisons particulières, à des arrêts de train, à des coins de rue, parfois à la campagne... Car l'ennemi, ce n'est pas seulement l'occupant. Victor Martin a aussi pour mission de lutter contre la misère. Un résistant qui tombe dans les griffes des nazis, c'est bien sûr l'angoisse et la douleur pour toute une famille mais aussi le dénuement, la perte de tout revenu.
116Tous les mouvements de résistance ont un service social, dont les responsabilités et les dépenses augmentent avec le temps.
117Victor Martin s'en charge méthodiquement, comme il se charge de la presse, de trouver un imprimeur et du matériel d'impression. Enfin, une autre tâche importante consiste à soustraire les jeunes Belges au travail obligatoire en Allemagne et à leur fournir des cartes (vraies ou fausses) de ravitaillement.
118Charleroi, capitale du bassin minier de Belgique, compte de nombreuses industries et donc beaucoup d'ouvriers spécialistes. Ceux-ci intéressent les Allemands puisque les usines allemandes se vident progressivement de tous ceux qui peuvent porter les armes et être ainsi expédiés sur le front russe. La tâche de Victor Martin et de ses camarades n'était pas simple, car nombreux étaient les réfractaires. En 1943, la Résistance devient un mouvement de masse parce que le besoin s'en fait sentir, mais les cadres sont encore en effectif insuffisant pour encadrer les réfractaires, volontaires par nécessité et par conviction, très jeunes et donc souvent imprudents. Les chefs multiplient les actions, au détriment de la sécurité. La Gestapo parvient à introduire des « mouchards » ou à retourner des agents arrêtés et les réseaux tombent. Le Front de l'indépendance va, comme les autres, subir des coups très durs en 1943 et 1944.
119La voie qu'a choisie Victor Martin, c'est celle d'une insécurité quotidienne, de la pénurie, des repas rares et insuffisants, des déménagements fréquents, de la peur aussi, de la peur de l'arrestation.
120Le 21 juillet 1943, le pire arrive. La Gestapo organise un coup de filet et décapite le Front de l'indépendance. Un homme est arrêté et se met à parler. Victor Martin le connaît, il a rendez-vous avec lui ce 21 juillet 1943. Pendant son interrogatoire par la Gestapo, sous les pressions physiques et psychologiques que l'on imagine, l'homme a cédé. Il a dit que son contact était en possession d'une fausse carte d'identité et responsable local du Front de l'indépendance. Victor Martin se rend au rendez-vous : « Un camarade, arrêté peu avant, ayant donné le rendez-vous auquel je devais me rendre, y vient avec la Gestapo. Impossible de nier cette fois puisqu'on découvre sur moi des papiers et documents qui devaient être discutés au rendez-vous [1]. »
121Victor Martin n'a jamais voulu insister sur cette dénonciation. Son délateur a eu un grand rôle avant-guerre et dans la Résistance. Il est mort en déportation. Pour cette raison, il ne sera pas fait mention de son identité. À quoi bon ? Salir sa mémoire serait injuste. Les vrais responsables de ce désastre sont les bourreaux nazis qui utilisaient la torture ou la peur de la torture sur des hommes soumis à un stress permanent. Du reste, il était au courant du rapport Martin sur Auschwitz et il n'en a pas parlé. Et c'était cela le véritable risque...
122De toute façon, Martin avait de faux papiers. Il existe dans les archives de la famille Martin plusieurs cartes d'identité de cette époque. Victor Martin y apparaît grimé et vieilli, avec des lunettes et un chapeau : tour à tour architecte, sous le nom d'Ernest Lemaire (marié à une dame Léa Beaufort), ou agent réceptionniste connu comme étant Georges De Bauve, marié à Léona Morain, Victor Martin a l'habitude de l'illégalité. C'est un professionnel de la clandestinité. Et ce qu'il a vécu à Auschwitz et à Breslau, à Katowice et à Radwitz lui permet de prendre cette arrestation avec un peu plus de sang-froid, semble-t-il.
123La Gestapo trouve sur notre héros une liste de rendez-vous, mais celle-ci comporte une clef que Martin se garde bien de leur fournir. Les Gestapistes vont donc aux rendez-vous et attendent en vain. Évidemment, la Gestapo n'a pas beaucoup le sens de l'humour et ses méthodes sont bien connues : « Cela se termine par une séance de boxe, sous prétexte que je me suis fichu d'eux. La Gestapo veut connaître l'identité véritable des camarades dont je n'indiquais que le prénom. N'obtenant aucun résultat, elle n'insiste pas et, pratiquement, m'oublie pendant cinq mois à la prison de Charleroi d'abord, puis durant trois mois à Saint-Gilles [1]. »
124Victor Martin va donc connaître à nouveau les geôles nazies, la promiscuité dans les cellules, la cruauté des gardiens, les bobards qu'on fait circuler pour se remonter le moral (comme la rumeur d'un débarquement allié imminent), l'ennui, l'absence d'hygiène, le manque d'air.
125Mais Victor Martin connaît aussi une peur bien personnelle, celle d'être identifié comme l'auteur du rapport d'Auschwitz dont la Gestapo va découvrir un exemplaire. En 1985, Martin racontait ainsi cet épisode : « C'est au cours de ma détention à la prison de Charleroi que j'appris par un codétenu que la Gestapo recherchait l'auteur d'un rapport sur les camps de Silésie, dont un exemplaire avait été découvert lors d'une perquisition au domicile d'un camarade qui l'avait imprudemment conservé. Le document n'était pas signé et ce camarade ne parla pas [2]. L'Abwehr, qui me recherchait depuis ma fuite de Radwitz, n'avait pas communiqué mon nom aux services de la Gestapo. J'espère que la rivalité et le manque de collaboration des services secrets allemands auront contribué à sauver également un certain nombre de résistants et de détenus [1]. »
126Incarcéré à la prison de Charleroi le 21 juillet 1943, Victor Martin y resta jusqu'au 7 janvier 1944, date de son transfert à la prison de Saint-Gilles. Le 8 avril 1944, il fut transféré à Vught, un camp d'internement situé aux Pays-Bas.
127« Comme accusation à mon encontre, il fut retenu que j'étais caissier pour le Front de l'indépendance de Belgique [2]. »
128L'instruction avait duré longtemps car, au total, la Gestapo avait arrêté une quinzaine de membres du Front de l'indépendance. À Saint-Gilles, Martin s'était lié d'amitié avec un jeune Néerlandais nommé Vogué. Celui-ci habitait près de Bréda. Les agents de la Gestapo l'avaient arrêté pour avoir aidé un aviateur britannique, abattu par la DCA. Cette rencontre allait être utile à Victor Martin.
129Victor Martin découvre donc un nouvel aspect du monde concentrationnaire. Mais il est évident, connaissant Victor Martin, son caractère obstiné, son tempérament indépendant et ses craintes fondées (et si la Gestapo découvrait le nom de l'auteur du rapport sur les camps de Haute-Silésie ?), que l'évasion est devenue sa première préoccupation.
130Il va donc saisir la première occasion.
131« Après huit jours de quarantaine », écrit-il en 1952, « j'ai été envoyé en commando extérieur dans les dépendances du champ d'aviation de Gilsen-Ryen, à 10 ou 15 km du camp de Vught lui-même [3]. » Dans ce groupe, Martin a des amis : Maurice Ledain, de Verviers ; Charensol, de Wiheries ; Deghilage, de Binche. Ces trois hommes mourront en déportation à Sachsenhausen, au cours de l'hiver 1944-1945. D'autres auront la chance de survivre : Richard Pelletier, Roger De Smedt, Marcel Duez.
132Après avoir envisagé une évasion avec Maurice Ledain, qui y renonce, croyant à une libération prochaine, Victor Martin profite, le 20 avril 1944, d'un certain flottement parmi les Allemands (dû à l'anniversaire du Führer ?). Parti chercher de l'eau, il oublie de revenir. Mais il est vêtu d'un pyjama rayé et risque d'être repris. Heureusement, dans une ferme, une femme de résistant l'accueille. Son mari étant lui-même interné à Vught, elle donne à Martin des vêtements civils qui vont lui permettre de poursuivre sa route.
133Il se rend à Hilvarenbeck, chez les parents de son ami Vogué (qui sera malheureusement exécuté à Berlin). Ceux-ci lui donnent de l'argent et le mettent en rapport avec des membres de la Résistance néerlandaise qui l'aident à franchir la frontière. Prenant le tram puis le train, Victor Martin, dépourvu encore une fois de tout papier d'identité, rentre à Bruxelles.
IV. Conclusion : Victor Martin, ou la leçon d'humanisme
134La suite de cette histoire doit être racontée. Rentré chez lui, Victor Martin renoua les contacts et participa aux combats de la Libération à Charleroi. Dès le 8 septembre 1944, il publiait une série d'articles sur « les bagnes hitlériens [1] » puis sur « la vie d'un illégal [2] ». Puis il reprit sa vie là où les nazis l'avaient interrompue en 1940. Il partit rejoindre le ministère du Travail à Bruxelles, où, dans le cadre de l'Office national de l'emploi (Onem), il dirigea la mise en place d'un système de formation professionnelle des adultes en Belgique. Son expérience fut grandement appréciée et s'élargit dans les années cinquante-soixante au plan international. Détaché par la Belgique auprès du Bureau international du travail, un organisme des Nations unies basé à Genève, il fut chargé de missions assez longues au Chili, en Uruguay, à Cuba. Il travailla également pour l'OCDE et accomplit des missions ponctuelles en Europe et au Maroc.
135Mais Victor Martin eut aussi une vie privée heureuse. Marié en 1946 à Rose, une amie d'enfance, il eut un fils, Philippe, né en 1947 et auquel il donna son propre prénom dans la Résistance. Il eut également la joie d'avoir trois petits-enfants.
136Mais jamais Victor Martin n'oublia Auschwitz. Ponctuellement, à la demande d'organismes officiels qui enquêtaient pour lui attribuer une pension ou une décoration, d'amis résistants qui souhaitaient obtenir une précision, d'historiens belges ou étrangers qui se penchaient sur la Seconde Guerre mondiale, il eut à répondre à certaines questions. Il le fit toujours de bonne grâce mais sans ostentation. Retraité en 1977 et installé en France, il participa aux activités de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP) et alla parler dans les collèges et lycées de Haute-Savoie, dans le cadre de la préparation du Concours national de la Résistance et de la Déportation.
137Victor Martin mourut en novembre 1989, comme il avait vécu, discrètement, laissant le souvenir d'un esprit ouvert, chaleureux et humain à tous ceux qui avaient eu le privilège de le connaître.
138Je n'ai pas connu personnellement Victor Martin. Et pourtant j'ai passé beaucoup de temps à retrouver sa trace et à reconstituer son action. Pendant l'été 1992, à l'occasion de la commémoration du cinquantième anniversaire des rafles du Vel d'Hiv, je me suis replongé dans la lecture de nombreux ouvrages sur cette sinistre époque qui vit partir tant d'innocents vers les usines de la mort, au nombre desquels se trouvait mon grand-père.
139Mon attention fut attirée par les deux notes que Raul Hilberg a consacrées à Victor Martin. Incomplètes et succinctes, elles constituaient la première trace de cet homme extraordinaire dont j'allais écrire l'histoire. Je commençai alors mon enquête, persuadé de trouver un livre sur cette affaire. Je fis la tournée des centres de recherche, des dépôts d'archives, des grandes bibliothèques publiques. Au CDJC, on me conseilla de contacter Yad Vashem à Jérusalem. Ce que je fis.
140Plusieurs mois plus tard, Yad Vashem m'envoyait un document en français, point de départ de mon travail, qui m'absorba complètement pendant deux ans. Je ne remercierai jamais assez toutes celles et tous ceux, résistants et déportés belges et français, historiens et chercheurs de Belgique et d'ailleurs, amis et parents de Victor Martin, qui m'adressèrent des documents, me mirent sur des pistes. La Fédération internationale des Résistants, sise à Vienne en Autriche, me donna l'adresse de Victor Martin en France. J'arrivais trop tard, sa veuve me répondit. Avec son accord et celui de son fils, je poursuivis néanmoins mes recherches. Il en résulta un livre, que Lucie Aubrac accepta de préfacer, et qui parut à Bruxelles aux éditions Les Éperonniers. Grâce à cette chaîne, à mon éditrice Lysiane d'Haeyère et au Professeur Claude Javeau, de l'Université de Bruxelles, Victor Martin était enfin sorti de l'oubli.
141Finalement, que peut nous révéler l'histoire de Victor Martin ? Que peut-elle apporter aux jeunes qui s'éveillent à la chose publique, à l'aube du troisième millénaire ?
142Victor Martin fut un homme courageux. Alors que son passé, son appartenance à une catégorie sociale instruite et préservée, sa non-judéité auraient pu le mettre à l'abri des problèmes qu'il a rencontrés, il n'hésita pas à mettre sa situation en jeu, voire à se servir de ses relations universitaires et de sa connaissance de la langue allemande pour connaître une vérité qu'on supposait atroce mais dont on ne savait que peu de choses.
143Cet homme intelligent et rigoureux ne fut certes pas un romantique fougueux, mais il parvint, par son sang-froid et son sens des opportunités, à échapper à de multiples dangers. Sans ce cœur ouvert au malheur d'autrui, aurait-il pu trouver la force d'aller au cœur de l'Allemagne hitlérienne, jusqu'aux portes de l'enfer ?
144Le courage, l'humanité, la compassion ne sont d'aucune époque et de toutes à la fois. Sans les horreurs du nazisme, trouverait-on un tel écho dans les combats humanitaires qui mobilisent la communauté internationale ? Le Cambodge, le Rwanda ont certes été le théâtre de crimes abominables, mais le rappel des atrocités du IIIe Reich (et d'autres crimes dont ce siècle fut fécond) a favorisé une intervention humanitaire, même limitée, même tardive.
145Victor Martin ne voulait pas être un modèle. Le héros était modeste, discret, peu enclin à faire sa propre promotion [1].
146Enfin, dans un temps où certains engagements paraissent fades, le combat de Victor Martin était clair, il s'agissait de lutter pour la vie et la liberté et de donner un contenu concret aux valeurs enseignées dans les écoles avant-guerre. Le combat des résistants était un combat solidaire, où des gens qui s'ignoraient auparavant apprenaient à se connaître et à se respecter, où des adversaires politiques qui s'affrontaient la veille luttaient contre un ennemi commun et ne devaient leur propre survie qu'à la confiance qu'ils plaçaient dans leurs anciens rivaux. Les convenances sociales cédaient la place à la nécessité, les « grands idéaux » n'étaient plus objet de discours pour remises de prix mais formaient l'arrière-plan d'une action concrète et dangereuse.
147L'action de Victor Martin prouve qu'on peut difficilement soutenir qu'on ne savait pas. Leçon de courage et d'humanisme, sa mission à Auschwitz, en 1943, est porteuse d'espérance. Pour paraphraser Anatole France évoquant Zola, on peut dire de ce résistant belge qu'il « fut un moment de la conscience humaine ».
Notes
-
[1]
Victor Martin, licencié ès sciences politiques, « Le Placement public des travailleurs de Belgique. Le fonctionnement des institutions existantes et les réformes nécessaires », Bruxelles, imprimerie de A. Wessens, 1938, 3 12 pages. Université de Louvain, Collection de l'Ecole des sciences commerciales et économiques.
-
[1]
Lucie Aubrac, préface à Bernard Krouck, Victor Martin, un résistant sorti de l'oubli, Éditions Les Éperonniers, Bruxelles, 1995, p. 9.
-
[1]
Ministère des Affaires étrangères, MAE, Europe, Bureau de M. Sarrien, Consul général de France. Source : Microfilm – Vichy – Vol. 139-145, Archives diplomatiques du Quai d'Orsay.
-
[2]
Cf. Lucien Steinberg, La Révolte des Justes. Les Juifs contre Hitler, Fayard, Paris, 1970, pp. 238-290.
-
[1]
Cf. Lucien Steinberg, Le Comité de défense des Juifs de Belgique 1942-1944. Centre national des hautes études juives, p. 37.
-
[1]
Cf. Lucien Steinberg, Le Comité de défense des Juifs de Belgique 1942-1944. Centre national des hautes études juives, p. 65. Aussi Maxime Steinberg, L'Étoile et le fusil, la question juive 1940-1942, Éditions Vie ouvrière, Bruxelles, 1983-1983 ; et Serge Klarsfeld, L'Étoile des Juifs, Éditions de l'Archipel, Paris, 1992, pp. 76-77.
-
[1]
NDLR. – On appelle « sionistes généraux » les militants sionistes centristes, fidèles à la ligne suivie par Haïm Weizmann, président de l'Organisation sioniste mondiale.
-
[2]
Maxime Steinberg, Hommage des Juifs de Belgique à leurs héros et sauveurs, 1940- 1945, bulletin périodique de documentation n° 4, avril 1979, p. 26.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », Le Patriote résistant, revue de la FNDIRP, pp. 14-15, n° 543, janvier 1985.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit., p. 14.
-
[2]
« Le rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300. En fait, les déportations de Belgique ont commencé, nous l'avons vu, le 4 août 1942.
-
[3]
Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz », Revue d'études wallonnes, t. LVI, 1982, p. 110.
-
[4]
L'histoire de la mission de Victor Martin est racontée par plusieurs auteurs : Lucien Steinberg (Le Comité de défense des Juifs de Belgique, 1942-1944, Centre national des hautes études juives, pp. 80, 81, 82). Lucien Steinberg, encore, La révolte des Justes. Les Juifs contre Hitler, Fayard, Paris, 1970, pp. 265, 266 et 267. Maxime Steinberg, L'Étoile et le fusil, tome I, pp. 243,250 et 261, Éditions Vie ouvrière, Bruxelles, 1983-1986 ; Léon Papeleux (ami très proche de Victor Martin), « En mission près d'Auschwitz (1942) », Éditions de la revue La Vie wallonne, tome LVI, 1982, pp. 110 à 124. (Raul Hilberg y fait une très brève allusion dans La Destruction des Juifs d'Europe, Fayard, Paris, 1988, dans deux notes, pp. 836 et 897.)
Les documents émanant de Victor Martin sont au nombre de trois : Victor Martin, « Le Rapport Victor Martin ». Ce texte d'une dizaine de pages, qui se trouvait auparavant à la Wiener Library de Londres avec la mention First information on Auschwitz (première information sur Auschwitz), se trouve à l'Institut Yad Vashem de Jérusalem, sous le numéro de référence 02/300. Le même document, ramassé en cinq pages, authentifié à la mairie de Thonon-les-Bains, (Haute-Savoie), le 24 juin 1980, m'a été adressé par le fils de Victor Martin, Philippe Martin. Il en sera fait mention sous la référence de Yad Vashem.
Au sujet de ce document, je tiens à réparer une injustice. Car ce rapport, sans lequel mon étude n'aurait sans doute pas pu être menée à bien, est le fruit d'un entretien mené à Bruxelles par Marc Goldberg, alors jeune juriste belge qui interrogeait des rescapés et des résistants pour fixer les événements. L'entretien de Marc Goldberg avec Victor Martin eut lieu en 1956. Je crois qu'il est juste de rendre hommage à Marc Goldberg, car son travail de médiateur nous a permis de sauver de l'oubli le résistant héroïque qu'était Victor Martin et sa mission, unique dans toute l'histoire de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah.
– Victor Martin, procès-verbal d'audition du 15 juin 1948 (en néerlandais, avec traduction française). Ministère de la Santé publique et de l'Environnement, administration des victimes de guerre, Bruxelles.
– Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », Le Patriote résistant, revue de la FNDIRP, pp. 14 et 15, n° 543, janvier 1985.
Il faut enfin citer une série d'articles parus dans L'Indépendance en septembre 1944 et racontant l'expérience concentrationnaire de Victor Martin. -
[1]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[1]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[2]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[3]
Erlaubnisschein, 4 janvier 1943. Document fourni par Philippe Martin. Victor Martin résidait à Cologne, Domhof, n° 18.
-
[4]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (I), L'indépendance, 19 septembre 1944, p. 1.
-
[2]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[3]
Ibid.
-
[1]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[2]
Ibid.
-
[1]
Cf. Bernard Krouck, Victor Martin, un résistant sorti de l'oubli, éd. Les Éperonniers, Bruxelles, 1995, notes 1,2, 3, pp. 82, 83.
-
[2]
Lire à ce propos Rudolf Vrba (et Alan Bestic), Je me suis évadé d'Auschwitz, Ramsay, Paris, 1988, pp. 146, 147 et p. 154 ; Primo Levi, Si c'est un homme, Presse Pocket, Paris, 1990, pp. 77, 78 et p. 89 ; Elie Wiesel, La Nuit, pp. 87, 88 et 89.
-
[3]
Cf. B. Krouck, Victor Martin, un résistant sorti de l'oubli, op. cit., chapitre V, La mission Martin (II). Des Français à Auschwitz, pp. 85-116.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[2]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[3]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (I), L'Indépendance, 19 septembre 1944.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944, op. cit.
-
[2]
Victor Martin, Procès-verbal d'audition de l'intéressé. Ministère de la Reconstruction, Statut des prisonniers politiques, Bruxelles, 15 juin 1948.
-
[1]
Victor Martin, Procès-verbal d'audition, Bruxelles, 15 juin 1948.
-
[2]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300, op. cit.
-
[3]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944, op. cit.
-
[1]
Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz (1942) », La Vie wallonne, tome LVI, 1982, p. 116.
-
[2]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944, op. cit.
-
[3]
Ibid.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », Le Patriote résistant, n° 543, janvier 1985, p. 15.
-
[2]
Victor Martin, « La vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[5]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[6]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[1]
« Le Rapport Victor Martin », Yad Vashem, 02/300.
-
[2]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Cf. Jean-Pierre Vittori, Eux les STO, collection « La Vérité vraie », Messidor-Temps actuels, Pans, 1982, plus particulièrement l'annexe 11, p. 248, qui se fonde sur la liste des camps d'éducation par le travail, établie par le Service international de recherche d'Arolsen (Allemagne), du Comité international de la Croix-Rouge.
-
[5]
Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz (1942) », La Vie wallonne, tome LVI, 1982, p. 118.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944.
-
[2]
Victor Martin, « Les Bagnes hitlériens », L'Indépendance, 8 septembre 1944.
-
[3]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (II), L'Indépendance, 20 septembre 1944.
-
[1]
Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz (1942) », La Vie wallonne, tome LVI, 1982, p. 118, 119.
-
[2]
Lucien Steinberg, Le Comité de défense des Juifs en Belgique 1942-1944, Centre national des hautes études juives, Bruxelles, p. 81 et Maxime Steinberg, La Traque des Juifs 1942-1944, vol. I, p. 249.
-
[3]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[4]
CDJC-CCVIII-2, Rapport de Maurice Heiber, 17 juillet 1945.
-
[1]
CDJC-CDXCI-15, Rapport de Ghert Jospa, fait après la guerre, sans date, pp. 31 et 32.
-
[1]
CDJC-CDXCI-15, Rapport de Ghert Jospa, fait après la guerre, sans date, pp. 31 et 32.
-
[2]
CDJC-CDLXII-12, Le Flambeau, 10 mai 1943, p. 7.
-
[3]
En octobre 1943, la seule grande communauté juive de l'Europe hitlérienne encore épargnée était celle de Hongrie. Elle fut déportée de mai à juillet 1944. Plus de 400 000 personnes furent exterminées en moins de trois mois.
-
[4]
CDJC-CDLXII-13, Le Flambeau, octobre 1943, p. 2.
-
[1]
CDJC-CCCLXI-41, Consistoire central israélite de Belgique, dossier 00811. Note de M. Gottschalk à l'attention du juge Moshe Landau, président du tribunal au procès Eichmann, Bruxelles, 4 juin 1961.
-
[2]
CDJC-CCVIII-2 – Rapport de Maurice Heiber, 15 juillet 1945.
-
[3]
Victor Martin, Procès-verbal d'audition. Ministère de la Reconstruction, Statut des prisonniers politiques, Bruxelles, 15 juin 1948.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (IV), L'Indépendance, 22 septembre 1944.
-
[1]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (IV), L'Indépendance, 22 septembre 1944.
-
[2]
D'après nos recherches, il semblerait que ce camarade n'était autre que Ghert Jospa, qui survécut heureusement à son arrestation. C'est également l'avis de Léon Papeleux, « En mission près d'Auschwitz (1942) », La Vie wallonne, t. LVI, 1982, p. 120.
-
[1]
Victor Martin, « J'ai connu l'extermination des Juifs à Auschwitz, début 1943 », op. cit.
-
[2]
Victor Martin, Procès-verbal d'audition. Ministère de la Reconstruction, Statut des prisonniers politiques, Bruxelles, 15 juin 1948.
-
[3]
Lettre de Victor Martin à Jean Terfve, 4 avril 1952.
-
[1]
Victor Martin, « Les Bagnes hitlériens », L'Indépendance, 8 septembre 1944.
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[2]
Victor Martin, « La Vie d'un illégal » (IV), L'Indépendance, articles publiés du 19 septembre au 8 octobre 1944.
-
[1]
La Mission de Victor Martin, réalisé par Didier Roten, coproduit par la 8-Production (Paris), les Films de la Mémoire (Bruxelles), TV10 (Angers), RTBF (Charleroi).