Couverture de RHSHO1_163

Article de revue

Henri Amouroux et l'histoire

Pages 243 à 251

1L'Histoire passionne. L'intérêt pour l'Histoire de la dernière guerre mondiale s'amplifie. La télévision multiplie les émissions et une chaîne spécifique a vu le jour. Le prétoire devient un lieu où se dit l'Histoire. La succession des anniversaires et des commémorations, les procès, les “révélations” concernant la spoliation des Juifs, les compromissions de la Suisse, de la Suède, relancent en permanence le sujet sans que l'on puisse imaginer un quelconque épuisement. De nombreux ouvrages paraissent.

2Un auteur a précédé cette vague : Henri Amouroux. Cet auteur a construit sa notoriété en publiant une liste impressionnante de livres depuis 1960 :

3

  • huit titres sous la dénomination générale “La grande histoire des Français sous l'Occupation”,
  • deux titres sous la dénomination générale “La grande histoire des Français après l'Occupation”.

4Cette double série a été éditée chez Robert Laffont.

5Pour clore cette séquence, trois autres livres paraissent chez Fayard :

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  • La vie des Français sous l'Occupation,
  • Le 18 juin 1940,
  • Pétain avant Vichy.

7Enfin, Henri Amouroux annonce une nouvelle série en publiant fin 1997, le tome I : “Les oublis de la mémoire 1940”, sous la dénomination générale, “Pour en finir avec Vichy”.

8Le succès de ces livres est saisissant et il importe de comprendre ce phénomène.

9Tous les écrits d'Henri Amouroux se caractérisent par leur construction en forme de chroniques, rédigées dans un style journalistique correspondant au métier de base de l'auteur. Les chapitres sont courts, d'un ton alerte, agréable, nourris d'anecdotes. La multiplication de ces anecdotes, souvent constituées par ces milliers de lettres d'époque, provoque un sentiment de “vécu” et le lecteur plonge dans la période. Une certaine identification avec les hommes et les femmes de ce jadis s'opère.

10Mais cette identification n'est pas neutre car entre les Français d'aujourd'hui et ceux d'hier existent des solidarités familiales indestructibles. Elles résistent le plus souvent aux pires fautes et donc aussi à toutes les petites compromissions, lesquelles lorsqu'on les nomme, apparaissent coupables, mais qui enfouies dans la nébuleuse de l'histoire familiale, sont “oubliées”.

11Peu de familles françaises échappent à cette situation, car rares sont celles où une tache plus ou moins foncée n'a pas été faite par un de ses membres, directs ou alliés. En ces années 1940-1943, les opposants résolus furent rares.

12Maréchalistes, lavalistes, doriotistes ou directement nazis, la palette offerte permettait à chacun de se situer sans que les conséquences de ce choix soient perçues. Les autres Français, les premiers gaullistes, les communistes, quelques socialistes, quelques chrétiens de gauche, quelques nationalistes farouches, se manifestèrent progressivement.

13Les maréchalistes imaginaient qu'un vague accord existait entre Pétain et de Gaulle, l'un tentant de protéger la France et les Français des violences de l'occupant, l'autre poursuivant la guerre. Les lavalistes prônaient une France forte dans une Europe allemande, certains qu'ils étaient de la victoire hitlérienne. Quant aux doriotistes et autres excités de la collaboration, ils s'inséraient naturellement dans le modèle nazi.

14Les lavalistes, doriotistes et autres, ne furent certes qu'une petite minorité ; les dénonciateurs furent plus nombreux, le plus souvent par intérêt : les temps s'y prêtaient. Mais les maréchalistes emplissaient l'espace.

15À partir de mi-1942, les mentalités évoluèrent. La victoire des Alliés pointait à l'horizon, mais ceux qui s'étaient engagés dans l'infamie ne modifièrent pas leur comportement, fort de la certitude de leur triomphe final.

16Quant aux maréchalistes, ils s'éloignèrent progressivement de Pétain, tout en continuant de le vénérer, se moquant de lui, le traitant gentiment de “gâteux”, de “vieille baderne”, et contradictoirement, considéraient qu'il était prisonnier des Allemands, d'où cette vénération constante qui leur interdisaient le qualificatif de traître.

17L'écrasante majorité des Français attendait.

18À l'aide d'exemples tirés de deux livres : La Vie des Français sous l'Occupation, Fayard, (1re édition 1961, nouvelle édition 1990), et Pour en finir avec Vichy. I- Les oublis de la mémoire 1940, (Robert Laffont 1997), nous allons montrer comment Henri Amouroux répond aux désirs des Français. Il le déclare d'ailleurs nettement dans la 4e de couverture du premier ouvrage : “... Se faire l'historien de ces millions d'anonymes.”

19Il plaît ainsi aux Français d'être plaint, de lire leurs misères et malheurs. “Les routes de l'exode – Le pain de chaque jour” (chapitres 1 et 5 de “La vie...”). “Les prisonniers de juin 1940” ne sont pas oubliés. Ils sont près de deux millions ce qui signifie qu'une forte majorité de familles françaises est concernée. “La pensée du Maréchal Pétain sera quotidiennement tournée vers les prisonniers” et il obtiendra la libération de cent mille hommes (personnel sanitaire et blessés), puis quatre cent vingt sept mille hommes de 1941 à 1944 au titre de “congé de captivité” et enfin de cinquante mille hommes au titre de la relève.

20Le chapitre “La vie quotidienne dans les prisons” permet à l'identification de fonctionner : entre les arrêtés pour marché noir et les prisonniers politiques, un étrange rapprochement s'effectue : “Quel résistant n'a jamais fait de marché noir ? Et ne trouve-t-on pas, parmi les trafiquants, des opposants courageux ?...” À présent, à l'identification peut succéder la compassion, la tristesse face aux futurs fusillés, communistes ou catholiques, inconnus ou connus tels Timbaud, Moquet ou d'Estienne d'Orves.

21L'armée de l'armistice apparaît comme une armée patriotique, anti-allemande qui prépare la revanche. Les “chefs rallument le sentiment de fierté avec toujours le ‘vive la France, vive Pétain'”. Au milieu des vingt-cinq pages de ce chapitre, on lit incidemment qu'Henry Frenay démissionne de cette armée car il a perdu la foi en Pétain. Critiquée par les excités de la collaboration (Marcel Déat), cette armée “camoufle des armes”. Elle imagine obéir à la “pensée secrète du Maréchal”. Mais lors de l'occupation de la zone sud par les forces allemandes, “les plans, les recensements, les cachettes variées où l'on a entreposé des milliers d'armes, ne serviront à rien”. Amouroux nous avait prévenus dans le paragraphe précédent : ‟... Contrariée par les événements qui, en Afrique et au Levant, opposent constamment troupes françaises et anglaises, l'armée n'engrange-t-elle pas des armes, ne prépare-t-elle pas clandestinement la mobilisation par instinct et tradition, beaucoup plus que par vocation résistante” ? Cette absence de “vocation résistante” n'a-t-elle pas été créée sinon renforcée par les Anglais ?

22Ces premiers exemples montrent le mode d'exposition d'Amouroux : l'ambiguïté orientée.

23

  • Les prisonniers de guerre. Pétain espérait le traité de paix qui aurait permis le retour au foyer des prisonniers. Cela n'a pas été possible, mais Pétain fait de son mieux et réussit à faire libérer près de six cent mille hommes de 1940 à 1944.
  • Les prisons. Affaiblir l'image des résistants et redresser la représentation habituellement négative des “trafiquants”, car si tous les Français n'ont pas été des résistants, tous les Français ont peu ou prou fait du marché noir.
  • L'armée d'armistice. C'est l'armée de Pétain, une armée courageuse...

24Poursuivons.

25Le 4 juillet 1940, le ministère de la Guerre du gouvernement de Vichy confie au général de la Porte du Theil, le commandement de cent mille garçons de vingt ans. Ce professeur à l'École de Guerre et chef scout rêve de donner à ces jeunes “une mystique patriotique ou religieuse”. Il ne faut pas que “ces jeunes... déracinés... errent au milieu des armées défaites Ils doivent travailler ; le travail “le plus simple, le plus rude, le plus sain”, Le général les installera “loin des villes, en pleine nature, au milieu des bois, loin de toute cause de trouble ou d'agitation”. “Bénissez la souffrance qui vous a menés là, vous en recueillerez les fruits...” leur dit le général et Amouroux de commenter : “La leçon est dans la droite ligne des Messages du maréchal Pétain. Ce pétainisme viril s'exprime... par des garçons en short, chemise kaki et béret vert...”. Tous ces jeunes “... sont fidèles à la personne morale et à l'image du maréchal Pétain... ils animent une tentative de rénovation paysanne et morale”.

26La fin de ce chapitre traite du STO et de l'Organisation Todt, l'occupant se faisant employeur des jeunes. Amouroux écrit : “Les autorités administratives françaises s'efforcent généralement d'entraver les exigences allemandes qui désorganisent toute la vie...” Ce commentaire est à rapprocher de la note en bas de la page suivante : “Pierre Taittinger, président du Conseil municipal de Paris, intervient à plusieurs reprises pour mettre à l'abri de toute réquisition les 7 à 8 000 membres de la Défense passive de Paris. Sont également exemptés de tout départ, les Alsaciens et Lorrains, les anciens prisonniers de guerre, les anciens combattants de la LVF.”

27“Il y aura donc, presque dès le début de l'aventure, un bon et un mauvais maquis”. Ainsi débute le chapitre consacré au maquis. Le bon est celui dirigé par “des officiers chassés de leurs casernes par l'armée allemande...” et le mauvais, le maquis FTPF dont “... on se demande, en effet, parfois, si la guerre civile et la prise du pouvoir au moment de la Libération ne sont pas les plus importants” (des objectifs). Les bons maquis ont souvent “un complexe d'invulnérabilité” et nombreux seront “surpris et massacrés pour avoir fait preuve d'insouciance ou de témérité”. Amoureux rappelle que “le capitaine Parisot, qui commande le bataillon de l'Armagnac et sera tué au combat, interdit – au nom des principes mêmes de la Résistance – toute exécution sommaire de miliciens ou de collaborateurs”. Car il y a les mauvais maquis, “dans lesquels le règlement de comptes politique occupe une place de choix”. Et d'indiquer “pour la période du 20 avril au 25 mai 1944, l'activité d'un bataillon FTPF... : un franc-tireur fusillé, un prisonnier allemand tué, dix-neuf miliciens ou collaborateurs exécutés, six sabotages...”. Certes, écrit Amouroux, “... il y a parmi les hommes ou les femmes fusillés, des traîtres authentiques”. Il donne quelques exemples mais conclut néanmoins ainsi :

28‘‘Du 15 juin à la fin du mois de juillet 1944, il y eut, dans l'ancienne zone sud, 7 000 attentats contre les personnes, dont 6 000 contre des Français et 1 000 contre les Allemands.” Et d'ajouter, parlant de la débâcle des troupes allemandes et de la victoire des maquis : “Triomphe qui est souvent celui des ouvriers de la onzième heure, d'une masse humaine qui emporte tout sur son passage, se barbouille d'héroïsme, de sang, de rouge à lèvres...”

29Dans Les oublis de la mémoire, Amoureux reprend, à propos du discours de Pétain du 17 juin 1940, la question des prisonniers de guerre. Alors que durant les cinquante deux mois de la Première Guerre mondiale il y eut 506 000 prisonniers français, pour les six semaines de mai et juin 1940, on en dénombre plus de 1 900 000 ! Cela est dû en partie à “la phrase malheureuse (de Pétain) : ... C'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat.” Amouroux précise que malheureusement, cette phrase démobilisatrice aurait du succéder et non précéder la suivante : “qu'il avait demandé à l'adversaire s'il était prêt à rechercher... les moyens de mettre un terme aux hostilités.”. Cela dit d'une “voix blessée par l'âge et la douleur”. Le maréchal serait-il responsable, en partie, de la débâcle de “régiments entiers.” ? Non ! C'est d'abord Reynaud “qui n'a ni voulu demander l'armistice au lendemain de la bataille perdue sur la Somme, ce qui eût sans doute évité aux trois quarts du pays de connaître l'occupation et certainement sauvé des milliers de vie...” C'est aussi Churchill qui, obstinément, refuse la mise à disposition du commandement français des avions de la Royal Air Force, sachant que Pétain a entamé le processus de l'armistice... C'est aussi Roosevelt qui ne répond pas aux appels de Reynaud...

30– L'affaire du Massilia.

31Après avoir exposé que l'accord s'était réalisé pour que la plus grande partie du gouvernement, sous l'autorité du vice-président du gouvernement Chautemps, se rende à Alger pour continuer la lutte, Pétain et quelques ministres restant en France, vingt-sept parlementaires partent pour Casablanca le 21 juin suite à l'accord donné par Pétain le 18 juin et la mise à disposition du paquebot par l'amiral Darlan. C'est Casablanca qui fut choisi car le résident de France au Maroc, le général Noguès, s'était déclaré un farouche partisan de la poursuite du combat. Lebrun, Chautemps et les autres ne partiront pas à Alger car Hitler donne l'ordre de “neutraliser” Bordeaux. Henri Amouroux écrit, à propos des passagers du Massilia : “... à ces hommes politiques qui ne trouvaient plus grâce devant une population exaspérée qui les tenait – surtout lorsqu'ils s'appelaient Mandel, Zay, Mendès France, Grumbach -pour responsables de la guerre plus encore que de la défaite...” L'auteur insiste : “... Massilia, rebaptisé paquebot Trouillacity par l'hebdomadaire Gringoire..“Ceux qui arrivaient à Casablanca n'étaient ni des déserteurs ni des rebelles. Ils avaient quitté Bordeaux avec l'accord quelque peu dédaigneux donné par-Pétain... l'amiral Darlan avait mis à leur disposition (un bateau) par une note affichée... dans ce cinéma de la rue Judaïque où se retrouvaient les sénateurs”. Mais il ajoute : “... Partent-ils tous avec l'intention de poursuivre la guerre en Afrique du Nord ?... puisqu'on ne peut aisément séparer ce qui, dans leurs motivations, est courage de ce qui est peur, “frousse”, écrira Darlan...”

32– À propos des hauts fonctionnaires, dans le chapitre Revanche et contrition figurant dans “Les oublis de la mémoire”, Amouroux consacre deux pages au livre de François Bloch-Lainé et Claude Gruson : Hauts fonctionnaires sous l'Occupation, utilisant quelques phrases bien choisies pour “tirer” ces auteurs de son coté. Ainsi, de Claude Gruson : “... Ni l'un ni l'autre à ce moment là, nous ne nous sommes posé la question de savoir si nous quitterions la fonction publique métropolitaine... je venais de me marier, ma femme était enceinte... j'avais une place dans le monde...– un métier –... qui imposait des obligations.” Et de Bloch-Lainé : “J'avais déjà trois enfants. Il s'agissait pour moi comme pour tant d'autres, de retrouver une assise dans mon métier.” Bloch-Lainé ajoute : “Tout ce que l'on peut dire, c'est que dans la conjoncture française de l'été 1940, l'abandon du service public n'était pas un devoir...” Henri Amouroux ne signale pas que ces phrases sont écrites pour la période de l'été 1940, même si dans la suite du paragraphe, il reprend le texte de Bloch-Lainé : “On n'est jamais obligé de prêter la main à des crimes en servant de près quelque pouvoir que ce soit, de nier par son soutien actif ou passif des convictions fondamentales... Dans la fonction publique, on peut toujours se mettre à l'abri des compromissions, au prix de quelque courage, à l'appui d'un clair discernement.”

33Mais toutes ces phrases extraites par Amouroux de ce livre ne répondent pas aux questions que se posent les auteurs : Pourquoi n'a-t-on pas pu empêcher les criminels d'agir ? Comment a-t-on pu renoncer si facilement aux exigences fondamentales de la démocratie ? Pourquoi a-t-on pu laisser faire des persécutions insupportables ? Ces hauts fonctionnaires “avaient-ils les outils qui leur permettaient de comprendre ce qui se passait, ce qui se jouait” et “pouvons-nous dire que nos successeurs se préparent aujourd'hui mieux qu'hier à ce qui peut advenir demain...”

34“La lucidité, la mesure et la noblesse “des auteurs ne se trouvent pas dans les extraits sélectionnés par Amouroux, mais dans les questions posées parce que justement, ils n'ont pas toujours pu ou su, dans les premiers temps de Vichy, éviter le piège de la “technicité” qui pouvait alors se déployer en “toute liberté” sans contrainte de contrôle démocratique. Et s'ils ont pu échapper à la vilenie, comme ils l'écrivent eux-mêmes, c'est pour l'un, parce qu'une maladie bienvenue le délivra d'une tâche honteuse, et pour l'autre, parce qu'il pût se dégager quand il apprit que le travail qu'il effectuait servirait l'occupant.

Pétain et le Statut des Juifs

35Amouroux rappelle que les textes fondateurs du pétainisme se trouvent dans les discours des 11 juillet, 13 août, 10 octobre et 9 novembre 1940. Il reprend la conclusion de R. Marrus et O. Paxton dans Vichy et les Juifs : “À la vérité, le Maréchal ne parla jamais publiquement à notre connaissance des Juifs. Il préférait voir les choses de très haut en mentionnant une politique générale d'exclusion.” Il ajoute : “Le mardi 13 août, le Maréchal évoque...‘l'épuration de nos administrations, parmi lesquelles se sont glissés trop de Français de fraîche date'... il parle...‘de la révision des naturalisations'...”. Mais il nous signale le “précieux travail” de Jean-Claude Barbas, Philippe Pétain, Discours aux Français, dans lequel il est fait mention d'une “note manuscrite jointe à un des deux projets du message du 10 octobre...“Un de ces projets (élaborés les 8 et 20 septembre) prévoyait “que soient annoncés, avec la dissolution des partis politiques, l'exclusion des francs-maçons de l'administration française et le Statut des Juifs...” Or, “sur la note manuscrite, retrouvée par Jean-Claude Barbas, les six lignes du projet concernant les Juifs sont rayés. En marge, cette annotation non identifiée, mais d'un évident intérêt : “Pas encore, le pays n'est pas antisémite et Paris se contente de mesures contre avocats et médecins juifs.” D'où la conclusion d'Amouroux : “Donc Pétain ne se trouverait pas directement mêlé à l'élaboration de ce statut des Juifs qui porte, évidemment, sa signature...”

36Ainsi, vers la mi-septembre, dans le travail de préparation de son futur message, Pétain refuse d'annoncer publiquement le Statut des Juifs, signe le 3 octobre la loi portant Statut des Juifs, et reste silencieux sur ce sujet dans son message du 10 octobre !

37C'est pourquoi Amouroux dégage Pétain de sa responsabilité... D'ailleurs, quelques lignes plus loin, il insiste : “Que Pétain ait eu bon nombre d'amis juifs... qu'il n'ait personnellement pas été antisémite, il faut l'écrire...”

38Après avoir indiqué que tous les témoignages désignaient Raphaël Alberti comme principal responsable du Statut des Juifs, l'auteur nous fait part de la réaction du grand rabbin de France, Isaïe Schwartz et de celle du grand rabbin de Paris, Julien Weil : le premier “protesta, le 10 octobre, contre une discrimination contraire aux règles du droit public internatio-, nal, aussi bien qu'à l'idéal de civilisation que notre pays représente dans la plus grande France et dans le monde entier” ; le second “fit part, le 23 octobre, au maréchal Pétain de la ‘douloureuse émotion ' de la communauté israélite de Paris... Quelles que soient les rigueurs de la loi nouvelle, je vous prie de croire, Monsieur le Maréchal, que les ciyoyens français de religion juive restent fidèlement attachés à leur patrie. Ils savent que, si la France a été battue par les armes, aucune force humaine n'a pu et ne pourra jamais avoir raison de son âme noble et chevaleresque. La France doit se relever et nous sommes unanimes à donner notre entier concours, malgré l'état d'infériorité où nous sommes réduits...” L'auteur ajoute “Des mots qui étonnent de la part du Grand Rabbin... comme ces mots : ‘Français, qui ne séparons pas le culte de nos pères de l'amour du sol natal, nous continuerons à respecter les lois de l'État ' peuvent se comprendre, en 1940, à travers ce que Raul Hilberg écrit, dans La Destruction des Juifs d'Europe, des deux caractéristiques essentielles du schéma de comportement des Juifs consistant en une ‘alternance de supplique et de soumission'. Ils espéraient que, d'une façon ou d'une autre, la pression allemande s'émousserait. Cet espoir se fondait sur deux mille ans d'expérience”.

39De ces quelques exemples, nous pouvons déduire que Henri Amouroux pratique un relativisme historique qui ferait que, les Français face à cette défaite inouïe se seraient relativement bien comportés, à l'image de leur chef le Maréchal Pétain.

40C'est l'entourage de Pétain qui a fauté ! Raphaël Alibert, garde des Sceaux, est seul responsable du Statut des Juifs.

41Nous aurions pu donner d'autres exemples : ainsi, c'est Churchill qui ne faisant pas confiance à Darlan, jette les Français dans les bras des Allemands en faisant couler la Flotte à Mers-el-Kébir ; c'est Roosevelt qui, ne répondant pas aux appels au secours répétés de Reynaud, trahit la France et oblige Pétain à l'armistice !

42L'ambition énoncée de l'auteur de décrire la complexité et les ambiguïtés de la situation de Vichy dans cet “autre monde” qu'est celui de 1940, que l'on confond trop souvent selon Amouroux, avec celui d'aujourd'hui, n'est en réalité que celle, insidieuse, de relativiser sinon de nier les fautes et crimes de Philippe Pétain, Chef de l'Etat.

43Dans la quatrième de couverture de Pour en finir avec Vichy, on lit cette phrase tirée de l'introduction : “Je sais d'autant mieux ce que l'on peut reprocher à Vichy, les compromissions, les complicités, les initiatives, que je conserve, avec les photos de mes enfants, la photo de Régine Adjelson, petite juive de huit ans, déportée vers Auschwitz dans le convoi du 17 août 1942...”


Date de mise en ligne : 31/12/2020

https://doi.org/10.3917/rhsho1.163.0244

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