Couverture de RHSHO1_163

Article de revue

La Suisse, terre d'asile ?

Pages 25 à 49

Notes

  • [1]
    Cf. La politique pratiquée par la Suisse à l'égard des réfugiés au cours des années 1933 à 1955. Rapport adressé au Conseil fédéral à l'intention des conseils législatifs par le professeur Carl Ludwig, Bâle, Berne, 1957 (cité dorénavant : Ludwig). Pour la préparation de notre contribution, nous nous sommes abondamment appuyé sur ce travail, mais aussi sur la collection des Documents Diplomatiques Suisses. Parmi les travaux les plus récents et importants consacrés à ce thème, signalons l'ouvrage de Jacques Picard, Die Schweiz und die Juden 1933-1945. Schweizerischer Antisemitismus, jüdische Abwehr und internationale Migrations und Flüchtlingspolitik, Zürich, Chronos Verlag, 1994, et André Lasserre, Frontières et camps. Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne, Payot, 1995.
  • [1]
    Sur le retour des internés français, cf. notamment le vol. 14 (1.1.1941-8.9.1943) des Documents Diplomatiques Suisses (dorénavant : DDS), Berne, Benteli, 1997, p.10 ss.
  • [1]
    Cf. Ludwig, op. cit., p. 303.
  • [2]
    Ibid., p. 303.
  • [3]
    Cf. l'article de Gérald Arlettaz, “Les effets de la Première Guerre mondiale sur l'intégration des étrangers en Suisse”, in Relations internationales, n° 54, été 1988, pp. 161-179.
  • [1]
    Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 26 mars 1931, in Feuille Fédérale [suisse], 1931, pp. 437-446.
  • [2]
    Ce principe est clairement expliqué dans le Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la réglementation du séjour et de l'établissement des étrangers en Suisse par le droit fédéral, du 2 juin 1924, in Feuille Fédérale. 1924, pp. 511-535.
  • [1]
    Il ne semble pas que cet article ait été souvent appliqué jusqu'à la guerre. Nous n'avons en tout cas rencontré aucun cas où il l'ait été en faveur des réfugiés antifascistes italiens dans la Confédération. Cf. notre article, “La Suisse et les réfugiés antifascistes italiens”, in L'émigration politique en Europe aux XIXe et XXe siècles. Actes du colloque organisé par l'École française de Rome, ... (3-5 mars 1988), École française de Rome, 1991, pp. 305-326.
  • [2]
    Cf. DDS, vol. 10 (1930-1933), Berne, Benteli Verlag, 1982, p. 623, note 1.
  • [3]
    Ibid., p. 631.
  • [4]
    Circulaire du Département de Justice et Police du 31 mars 1933, ibid., pp. 624-625.
  • [1]
    Cf. Ladislas Mysyrowicz et Jean-Claude Favez, “Refuge et représentation d'intérêts étrangers”, in Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 121, janvier 1981, pp. 109-120. Cf. aussi Ludwig, op. cit., p. 156 et p. 303. Selon le même auteur (ibid., p. 150), au début des hostilités il y a en Suisse encore environ 5 000 Juifs, qui n'avaient pu poursuivre leur voyage pour un autre pays.
  • [2]
    Rapport de Heinrich Rothmund, délégué suisse à la conférence d'Evian, du 23 juillet 1938, in DDS, vol. 12 (1937-1938), Berne, 1994, p. 798.
  • [3]
    Cf. Guido Koller, “Entscheidung über Leben und Tod. Die behördliche Praxis in der schweizerischen Flüchtlingspolitik während des Zweiten Weltkrieges”, in Etudes et Sources, Revue des Archives fédérales, La Suisse et les réfugiés 1933-1945, Berne, Haupt, 1996, pp. 17-106 (p. 24 pour le nombre des réfugiés politiques admis jusqu'en 1939, qui sont exactement 392).
  • [4]
    Ludwig, op. cit., p. 156.
  • [5]
    Cf. le tableau avec le nombre des civils admis, classés par année et par mois, publié par G. Koller, op. cit., p. 87.
  • [6]
    Ibid., tableau avec le nombre des personnes renvoyées, classées par année et par mois, p. 94. Parmi les 999 refoulés en 1940, il se trouve un groupe de 803 personnes, qualifiées de “non-Français et éléments indésirables”, qui ont vraisemblablement cherché à pénétrer en Suisse à la suite du 45e corps d'armée français, en juin 1940.
  • [1]
    Cf. le tableau chronologique des convois de déportation, in Serge Klarsfeld, Le calendrier de la persécution des Juifs en France 1940-1944, Paris, Les Fils et Filles des Déportés juifs de France, 1993, pp. 1122-1125.
  • [2]
    La Sentinelle, quotidien socialiste pour la Suisse romande paraissant à La Chaux-de-Fonds, réagit aux nouvelles de la rafle en publiant le 13 août un article en première page intitulé “Une Saint-Barthélémy moderne”. Cet article vaut au directeur du journal, le député socialiste Paul Graber, un avertissement personnel que lui adressent les responsables militaires chargés de la censure de la presse. Cf. Marc Perrenoud, “La Sentinelle” sous surveillance. Un quotidien socialiste et le contrôle de la presse (1939-1945)”, Revue Suisse d'Histoire, vol. 37, 1987, pp. 137-168.
  • [3]
    Rapport daté du 14 septembre 1942, vol. 14 des DDS, pp. 763-766.
  • [1]
    Trad. personnelle d'après le texte original allemand. Certaines phrases de Laval sont déjà en français dans le texte de Stucki. À noter qu'une semaine avant l'entretien avec Stucki, Laval s'était secrètement mis d'accord avec le chef des SS et de la police allemande en France, Oberg, sur la réponse à fournir aux diplomates étrangers qui s'adressaient à lui pour connaître la destination des Juifs déportés par les Allemands dans l'Est européen. Le 4 septembre, une “convention de langage” avait été souscrite par Laval et Oberg, dans laquelle, suivant la proposition de Oberg, “il a été convenu que le président Laval communique en réponse à de telles questions que les Juifs transférés de la zone non occupée aux Autorités d'occupation sont transportés pour être employés au travail dans le Gouvernement général”. Cf. Denis Peschanski, Vichy 1940-1944. Contrôle et exclusion, Bruxelles, Complexe, 1997, pp. 174-175. Peschanski commente ainsi l'attitude de Laval : “À lire cette “convention de langage”, on conclura pour le moins que Laval n'a pas voulu savoir”. Le 14 octobre suivant, dans une lettre au chef du Département politique fédéral (dorénavant : DPF), M. Pilet-Golaz, consacrée aux mesures adoptées par les autorités françaises contre les Juifs, le ministre Stucki écrit aussi ce qui suit : “D'une source tout à fait digne de confiance j'ai appris que les hommes juifs déportés à l'Est sont placés dans des camps de travail où ils sont traités d'une façon particulièrement mauvaise, tandis que les femmes sont acheminées dans les bordels pour les soldats du front de l'Est. Cette dernière information est tellement monstrueuse que je ne puis vous la transmettre que sous réserve, bien qu'elle émane de l'entourage immédiat de l'ambassadeur Scapini”. Trad. personnelle de l'original allemand. Archives fédérales suisses, Berne (dorénavant : AFB), E 2001 (D) 3/274.
  • [2]
    Rapport du ministre P. Ruegger au chef du DPF, M. Pilet-Golaz, du 24 novembre 1941, DDS, vol. 14, pp. 385-388.
  • [1]
    Lettre du 19 novembre 1941, ibid., pp. 380-381.
  • [2]
    Rapport du 8 décembre 1941 au ministre de Suisse à Berlin, H. Frölicher, qui le fait suivre à Berne, ibid., pp. 395-398.
  • [3]
    Rapport du 19 novembre 1941. AFB, E 2300 Köln 5/6.
  • [4]
    Lettre du 29 novembre 1941, ibid., pp. 388-390. Sur l'action de René de Weck en faveur de la communauté juive de Roumanie, cf. les mémoires d'Alexandre Safran, à l'époque Grand rabbin de Roumanie, devenu après la guerre Grand rabbin de Genève, “Un tison arraché aux flammes”. La communauté juive de Roumanie 1939-1947, Paris, Stock, 1989 (trad. de l'anglais), p. 109.
  • [1]
    Ludwig, op. cit., pp. 219-220. Bûcher répétera ce témoignage à Alfred A. Häsler, auteur de La barque est pleine. La Suisse, terre d'asile ? La politique de la Confédération envers les réfugiés, de 1933 à 1945, Zurich, Editions M, 1992 (la première édition originale en allemand avait paru en 1967), p. 94 ss. Cf. aussi Daniel Heller, Eugen Bircher. Arzt, Militär und Politiker, Zurich, Verlag NZZ, 1988, p. 208 ss. Sur l'organisation des missions médicales suisses sur le front de l'Est, cf. aussi DDS, vol. 14.
  • [1]
    Le procès-verbal de l'interrogatoire de ce déserteur, qui compte une centaine de pages, contenant surtout des informations d'ordre militaire, est daté du 28 février 1942. La partie consacrée aux informations sur les massacres des populations juives est reproduite dans les DDS, vol. 14, pp. 981-983. Ce témoignage avait déjà été publié dans le Journal de Genève du 21 avril 1979 par Jean-Claude Favez et Ladislas Mysyrowicz (“Que savait-on en Suisse, en 1942, des crimes commis par les nazis ?”).
  • [2]
    Pour un tableau plus complet et détaillé de l'état des informations reçues en Suisse sur les persécutions contre les Juifs, je renvoie à l'ouvrage de Gaston Haas, “Wenn man gewusst hätte, was sich drühen im Reich abspielte.” 1941-1943 Was man in der Schweiz von der Judenvernichtung wusste, Base ! und Frankfurt am Main, Helbing & Lichtenhahn, 1994.
  • [3]
    La première allusion au “gazage” des Juifs dont nous ayons trouvé trace dans les fonds des Archives fédérales suisses, se trouve dans une notice datée du 17 novembre 1942, rédigée par un fonctionnaire du DPF, F. Schnyder, et lue par le chef du département, M. Pilet-Golaz (AFB, E 2001 (D) 3/39). F. Schnyder y relate son entretien avec un industriel suisse, Alphons Burri, qui revenait d'Allemagne où il avait rencontré des industriels haut placés, actifs dans le secteur de l'énergie électrique. L'un de ces industriels, un certain Dr Zimmermann, “ami de la Suisse et ennemi du régime nazi”, lui avait longuement parlé de la situation en Allemagne, de l'opposition au régime, des difficultés de celui-ci (“la guerre était déjà perdue pour le Reich”), et des menées de certains milieux nazis contre la Suisse. Zimmermann lui avait également parlé, très franchement, des horribles persécutions contre les Juifs, et avait évoqué le bruit suivant lequel on prévoyait comme prochaine mesure “le gazage de tous les Juifs mâles de 16 à 60 ans”.
  • [4]
    Lettre du capitaine Mayr, du service d'informations de l'armée, à R. Jezler, de la Division de police, du 9 février 1942. AFB, E 27/9981/5.
  • [1]
    Ce passage du rapport est cité dans l'original allemand dans les DDS, 14, p. 722. Nous avons repris dans notre texte la traduction française publiée par Ludwig, op. cit., pp. 184-185.
  • [2]
    Notice de Rothmund, du 6 septembre 1943. DDS, vol. 15 (sept. 1943-mai 1945), Beme, 1992, pp. 53-54.
  • [1]
    DDS, 14, pp. 721-724.
  • [2]
    Ibid., p. 720. Il n'y a pas eu, le 4 août, de réunion du Conseil fédéral (le gouvernement suisse), la plupart de ses membres étant alors en vacance. Il s'agit donc d'une “décision présidentielle”, adoptée à l'issue de consultations téléphoniques entre le président de la Confédération, le chef du département de Justice et Police, Ed. von Steiger, et d'autres membres du conseil.
  • [3]
    Ludwig, op. cit., pp. 190-193.
  • [4]
    Allocution prononcée par Rothmund le 30 décembre 1954, au moment de prendre sa retraite, in Ludwig, op. cit., p. 193.
  • [1]
    Ibid., p. 222. Ludwig avait pu consulter le procès-verbal de la séance, établi par un avocat bâlois. Cf. aussi Alfred A. Häsler, op. cit., p. 151ss. Gerhard Riegner avait été informé par l'industriel allemand Edouard Schulte, d'un plan d'extermination générale par les gaz, élaboré par les nazis. Cf. Jean-Claude Favez, Une mission impossible ? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis, Lausanne, Payot, 1988, p. 96. Cf. aussi, naturellement, le témoignage personnel de G. Riegner dans ce même recueil.
  • [2]
    Ludwig, op. cit., p. 194, et G. Koller, op. cit., p. 34.
  • [3]
    Ludwig, op. cit., p. 194.
  • [4]
    41 951 Juifs (en grande majorité étrangers) sont déportés en 1942 à Auschwitz, quasi exclusivement à partir de Drancy, sur un total de 75 721 Juifs déportés jusqu'au mois d'août 1944. Il n'y aura en tout que 2 564 survivants. Cf. Serge Klarsfeld, op. cit., p. 1091, et 1122-1125. Ce chiffre est assez proche de l'estimation fournie par le gérant du consulat de Suisse à Paris, qui écrit le 18 novembre 1942 au DPF que “à l'heure actuelle 40 000 Juifs étrangers plus quelques français ont été déportés dans l'Est ; le dernier convoi prévu pour cette année est parti la semaine dernière”. DDS, 14, p. 895.
  • [1]
    Ludwig, op cit., p. 227.
  • [2]
    Ibid., p. 216.
  • [3]
    Ibid., p. 377.
  • [4]
    Ludwig, op. cit., p. 206.
  • [1]
    Alfred Häsler, op. cit, p. 208.
  • [2]
    Ludwig, op. cit., p. 194.
  • [3]
    Ibid., pp. 199-200.
  • [4]
    Le général Guisan, commandant en chef de l'armée, réclame à plusieurs reprises du gouvernement l'introduction de la censure préventive, mais se heurte chaque fois à un net refus. Sa première intervention a lieu le 21 juin 1940. Cf. DDS, 13, pp. 745-746.
  • [5]
    Cf. les Instructions pour la surveillance de la presse et des agences de presse, du 12 septembre 1939, AFB, E 4450/33.
  • [6]
    Il s'agit du St-Galler Tagblatt, du 12 octobre. Cf. AFB, E 4450/6231.
  • [1]
    Circulaire du 2 juin 1943 de la Division presse et radio (nom de l'organisme chargé de la censure). DDS, 14, p. 1162.
  • [2]
    Lettre du 16 septembre 1942, in DDS, 14, pp. 778-779. En parlant de “tierce puissance”, Pilet-Golaz fait allusion à la Grande-Bretagne, qui en 1838 avait réussi à apaiser le conflit entre la Suisse et le roi Louis-Philippe, qui exigeait du gouvernement helvétique l'expulsion du prince Louis-Napoléon, le futur Napoléon III.
    Le 17 septembre, Pilet-Golaz utilise le même argument devant la Commission des affaires étrangères du Conseil national (la chambre basse du Parlement helvétique) : “Il est extrêmement douloureux de ne pas pouvoir ouvrir toutes grandes nos portes aux réfugiés. C'est une nécessité de fait. Nous devons rester maîtres chez nous, nous en avons l'obligation aussi vis-à-vis de l'étranger. Songeons à l'affaire Wohlgemuth et à celle du Prince Napoléon et n'oublions pas que cette fois-ci il n'y aurait pas de tierce puissance pour s'entremettre.” (Ibid., pp. 785-786). Cf. aussi l'annotation manuscrite de Pilet-Golaz, datée du 16 septembre (ibid., p. 776) : “Nous devrions [...] savoir que dans les 100 dernières années, 2 fois la Suisse fut à la veille d'une guerre à cause de réfugiés. Cette fois-ci il ne se trouvera plus une Angleterre pour ‘s'interposer'.”
  • [1]
    Pilet-Golaz n'ignore pas que l'arme dissuasive la plus efficace dont dispose alors la Suisse à l'égard de l'Allemagne est constituée par les fournitures de son industrie au Reich et par le franc suisse, seule devise acceptée alors par tous les belligérants. En novembre 1942, après l'occupation de la zone sud de la France par la Wehrmacht, le commandant en chef de l'armée suisse, le général Guisan, réclame du gouvernement une mobilisation supplémentaire des troupes pour faire face à un danger possible venant du Reich. Le gouvernement n'est pas du même avis et minimise le danger, soulignant le fait que l'Allemagne a tout intérêt au maintien de ses relations économiques avec la Suisse. Pour sa part, Pilet-Golaz déclare qu'“en nous attaquant, l'Allemagne perdrait tout et ne gagnerait rien”. Procès-verbal de la séance entre le général Guisan et une délégation du Conseil fédéral, du 23 novembre 1942. DDS, 14, pp. 940-943.
  • [2]
    Cité par G. Koller, op. cit., p. 29. Cf. aussi Ludwig, op. cit., p. 240 ss.
  • [1]
    Dans son étude, G. Koller, fournit de nombreux exemples sur le zèle mis en œuvre par le commandant Frédéric Rapp, officier responsable du Ve Arrondissement des douanes : op. cit., pp. 48, 51, 61, 63, 66.
  • [2]
    7857 exactement. Cf. ibid., p. 87 (tableau statistique avec le nombre des entrées mensuelles pendant la durée de la guerre).
  • [3]
    Je me permets de renvoyer ici à ma contribution, “I rifugiati italiani nelle Confederazione elvetica durante la seconda guerra mondiale. Bilancio provvisorio e presentazione delle fonti archivistiche”, in Una storia di tutti. Prigionieri, internati, deportati italiani nella seconda guerra mondiale [actes du colloque de Turin, 2-4 novembre 1987], Milano, Franco Angeli, 1989, pp. 205-228. L'ouvrage le plus complet sur le sujet est celui de Renata Broggini, Terra d'asilo. I rifugiati italiani in Svizzera 1943-1945, Bologna, Il Mulino, 1993.
  • [1]
    En tout, du 14 avril 1941 au 31 juillet 1943, 357 trains avec 180 981 personnes ont traversé la Suisse dans le sens sud-nord, et 226 trains avec 131 711 personnes ont transité dans le sens nord-sud. DDS, 14, pp. 46-47.
  • [2]
    Cf. Brunello Mantelli, “I lavoratori italiani trasferiti in Germania dal 1938 al 1945 : un tema dimenticato”, in Passato e Presente. Rivista di storia contemporanea, n° 38, mai-août 1996, pp. 101-111.
  • [3]
    Lettre du conseiller fédéral von Steiger à H. Rothmund, du 22 octobre. AFB, E 2001 (D) 3/278.
  • [4]
    Lettre du 23 septembre 1943, du DPF à Rothmund (ibid.). Cf. aussi la notice manuscrite d'un fonctionnaire du DPF, C. Stucki, du 22 septembre : “M. Rothmund [...] a les plus graves objections contre la reprise de ce trafic qui se ferait dans des conditions modifiées. Il n'y a plus accord à ce sujet entre les gouvernements allemand et italien : c'est plutôt l'enlèvement par la force d'une main-d'œuvre étrangère dans un pays occupé et son transport à travers un pays neutre.” Ibid.
  • [1]
    Cf. Liliana Picciotto Fargion, Il libro della memoria. Gli Ebrei deportati dall'Italia (1943-1945). Ricerca del Centro di documentazione ebraica contemporanea, Milano, Mursia, 1991. Voir aussi la contribution du même auteur dans l'ouvrage collectif publié par Wolfgang Benz, Dimension des Völkermords. Die Zahl der jüdischen Opfer des Nationalsozialismus, München, Oldenbourg Verlag, 1991, pp. 199-227.
  • [2]
    Cf. G. Koller (op. cit., p. 86 ss.), qui rectifie à la baisse les chiffres fournis par Ludwig sur le total des réfugiés civils.
  • [3]
    Cf. Raul Hilberg (La Destruction des Juifs d'Europe, Paris, Gallimard/Folio, 1991, t. II, p. 383), qui signale les pressions répétées d'Eichmann auprès du ministère des Affaires étrangères allemandes afin que les Juifs appartenant aux États neutres et vivant dans les territoires occupés soient également soumis aux mesures antijuives.
  • [4]
    Dans une lettre au DPF du 19 mars 1943, le ministre de Suisse à Berlin en dénombre en tout 22, et ajoute que les consulats suisses se chargent de leur rapatriement. DDS, 14, p. 1034.
  • [5]
    Ibid., pp. 737-738.
  • [1]
    Lettre au DPF du 18 novembre. Ibid., pp. 894-895.
  • [2]
    Ibid., p. 896.
  • [3]
    P. Bonna au consul Naville, 7 janvier 1943. Ibid., p. 960.
  • [4]
    Aux Archives fédérales suisses (E 2001 (D) 3/143), on trouve des rapports sur les conditions d'internement du camp de Drancy. Un collaborateur du consulat de Suisse à Paris a en effet pu se rendre à l'intérieur du camp pour y visiter les internés suisses.
  • [5]
    DDS, 14, pp. 962-963. Pour plus d'informations, cf. AFB, E 2001 (D) 3/458.
  • [1]
    S. Koller, op. cit., pp. 94-95. Dans son tableau à p. 94, Koller comptabilise 10 782 personnes refoulées en mars 1944, mais ajoute dans une note que parmi les refoulés en février et mars 1944 il n'y avait que 10 réfugiés juifs.
  • [2]
    Op. cit., p. 304.
  • [3]
    Cf. le récent témoignage de Rudolf Vrba, “Die missachtete Warnung. Betrachtungen über das Auschwitz-Bericht von 1944”, dans la revue Viertelsjahrshefte für Zeitgeschichte, 1996, n° 1, pp. 1-24. L'auteur y fournit de précieuses informations sur la rédaction du rapport et sur son cheminement jusqu'en Suisse. Pour d'autres détails sur l'arrivée du rapport en Suisse et sa diffusion dans le pays, cf. AFB, E 2001 (D) 1968/74/14.
  • [1]
    Le 25 juin, le Pr. Karl Barth transmet une copie du rapport au conseiller fédéral socialiste, Ernst Nobs. Le lendemain, A. Koechlin, président de la Fédération des Églises protestantes de Suisse, en envoie une autre copie à Marcel Pilet-Golaz (ibid). Le 28 juin, le ministre de Suisse à Budapest expédie à son tour un exemplaire du rapport au chef du DPF (DDS, 15, p. 480).
  • [2]
    Sur le rôle de la presse helvétique dans la diffusion du rapport sur Auschwitz, cf. AFB, E 2001 (D) 3/172.

1Entre 1939 et 1945, la Suisse a été une terre d'asile pour plus de 250 000 militaires et civils qui y ont trouvé refuge pendant des périodes plus ou moins longues ; mais elle ne l'a pas été pour quelques dizaines de milliers de personnes – dont beaucoup de Juifs – qui ont été refoulées à la frontière ou qui n'ont pas obtenu de visa d'entrée. Elle ne l'a pas été non plus pour tous ceux – en majorité juifs – que la sévère législation mise en place par les autorités helvétiques à partir d'août 1942, a dissuadés de toute tentative d'entrée. Dans l'immédiat après-guerre, c'est l'image de la Suisse “terre d'asile” qui domine : on met en évidence le nombre de ceux qui ont trouvé refuge dans la Confédération. Les critiques alors adressées à Berne visent ses relations économiques et financières avec le Reich. Les Alliés eux-mêmes – à commencer par les États-Unis – sont conscients de ne pas avoir fait tout ce qu'ils auraient pu pour venir en aide aux Juifs persécutés.

2La politique d'asile de la Suisse commence à être véritablement remise en question au début des années 50, après la publication de documents allemands révélant la part prise par les autorités helvétiques en 1938 dans la décision de Berlin d'apposer le signe “J” (initiale de “Jude”) sur les passeports des Juifs du Grand Reich. Devant les réactions de la presse et suite à l'initiative d'un parlementaire socialiste, le Conseil fédéral (le gouvernement suisse), charge alors le professeur Carl Ludwig de rédiger un rapport sur la politique d'asile pratiquée par la Confédération entre 1933 et la fin de la guerre. Ce rapport, publié en 1957, et connu sous le nom de “Rapport Ludwig”, constitue aujourd'hui encore un texte incontournable pour quiconque veut se pencher sur cette question [1].

3Dans ma présentation de la politique d'asile de la Confédération helvétique, j'aborderai d'abord rapidement le cas des réfugiés admis en Suisse pendant le conflit mondial. J'exposerai ensuite plus longuement la politique adoptée à l'égard des réfugiés civils, les Juifs en particulier. Ces derniers, qui étaient de loin les plus menacés, étaient aussi les moins bien protégés par le droit international. Les réfugiés militaires, en revanche, pouvaient compter sur la protection juridique que leur assuraient des conventions internationales souscrites également par la Suisse.

4La Convention de La Haye de 1907 sur les droits et devoirs des puissances neutres en cas de guerre sur terre, prévoyait notamment la possibilité pour les États neutres d'accueillir des armées appartenant aux États belligérants, ainsi que des prisonniers de guerre évadés. En juin 1940, lors de la débâcle française et peu de jours avant la signature de l'armistice, le 45e Corps d'armée français, fort de 43 000 hommes, est admis en Suisse où il est interné dans des camps sous la responsabilité des autorités militaires helvétiques. Une division polonaise qui compte environ 10 000 hommes et qui s'était constituée en France, fait également partie de ce corps d'armée. Elle pourra rester en Suisse jusqu'à la fin du conflit. En revanche, les 30 000 militaires français retourneront dans la France de Vichy en janvier-février 1941, suite à des négociations entre le gouvernement Pétain et les Allemands [1].

5Un autre afflux massif de réfugiés militaires se produira au mois de septembre 1943, après la chute de Mussolini et l'annonce de l'armistice conclu entre le gouvernement Badoglio et les Alliés : au moins 20 000 militaires italiens en débandade trouveront refuge en Suisse dans les semaines suivant l'armistice du 8 septembre, pour échapper aux représailles de la Wehrmacht. En tout, environ 30 000 réfugiés militaires italiens seront internés dans la Confédération jusqu'à la fin de la guerre.

6Si l'on prend en compte également les prisonniers de guerre évadés – notamment britanniques et américains –, les déserteurs, les blessés de guerre hospitalisés, on aboutit à un total d'environ 103 000 militaires internés pour des périodes de durée variable, le séjour le plus long étant celui des 10 000 Polonais arrivés en juin 1940 et restés en Suisse jusqu'à la fin du conflit [1].

7Les entrées de militaires sur le sol suisse étaient parfois suivies de celles de populations civiles vivant dans les zones proches de la frontière suisse : c'est ce qui se produit en juin 1940, lorsqu'environ 7 500 frontaliers français se réfugient en Suisse à la suite du 45e Corps d'armée. Ils n'y feront qu'un séjour de courte durée, avant de regagner la France. Le même phénomène se produira en septembre 1943 du côté de la frontière italienne ; en octobre 1944, lors de la chute de l'éphémère République créée par les partisans italiens dans le Val d'Ossola, une nombreuse population frontalière trouvera également asile pendant une courte période dans la Confédération. On a ainsi pu comptabiliser un total d'environ 66 000 civils vivant dans des régions frontalières et hébergés en Suisse pour de brèves périodes entre 1939 et 1945 [2].

8Une autre catégorie qu'il faut mentionner est celle des enfants étrangers, pris en charge par différents comités de secours suisses, principalement par la Croix-Rouge suisse : ces enfants, qui proviennent de régions où la guerre sévit – un grand nombre d'entre eux viennent de France – sont accueillis en Suisse pour des séjours de santé qui durent en général quelques mois. Il y en aura en tout environ 55 000.

La politique officielle de la Suisse face aux réfugiés civils et en particulier face aux Juifs

9Avant d'aborder le chapitre de la politique suisse à l'égard des réfugiés civils pendant la Seconde Guerre mondiale, il nous faut effectuer un rapide retour en arrière.

10La Première Guerre mondiale avait fortement accentué en Suisse le sentiment de peur face à une présence des étrangers jugée excessive : la peur d'un surpeuplement, d'un “envahissement” du pays par les étrangers. Il s'agit là d'un phénomène bien connu en Suisse sous le nom d'“Ueberfremdung”. La publication en 1915 des résultats du recensement fédéral de 1910, avait révélé que les étrangers représentaient désormais 15 % de la population [3]. Il faut prendre en compte aussi les peurs et les fantasmes liés au climat de guerre, sans oublier la présence de nombreux déserteurs et réfractaires, considérés comme “indésirables”. Dans cette attitude de peur et de rejet à l'égard des étrangers il y avait aussi une bonne dose de xénophobie, voire d'antisémitisme, amplifié par la présence de réfugiés politiques d'origine juive. La Révolution bolchevique avait naturellement accru la crainte face à des étrangers vus comme des agents potentiels de la révolution. En novembre 1918, au moment où la guerre se terminait, la grève générale avait éclaté, organisée par les socialistes et syndicalistes suisses. Elle fut un événement véritablement traumatisant pour les élites politiques, économiques et militaires du pays, qui y virent le résultat d'une manœuvre inspirée par les Bolcheviques. L'attitude des autorités suisses, qui mobilisèrent l'armée pour réprimer le mouvement de grève, fut encouragée par l'intervention des gouvernements alliés qui firent savoir à Berne qu'en aucun cas ils ne toléreraient que la Suisse se transforme en un “foyer révolutionnaire”.

11On assiste dans ce contexte à une reprise en main énergique, par les autorités fédérales, de la politique concernant les étrangers, jusqu'alors confiée presque complètement aux autorités cantonales. Une ordonnance fédérale est adoptée en novembre 1917 et en mars 1919 est créée la Police fédérale des étrangers, dont la tâche immédiate est d'éloigner du pays les “étrangers suspects”. Ce nouvel organisme est dirigé par Heinrich Rothmund, qui en 1929 deviendra le chef de toute la Division de police au niveau fédéral, et qui jouera, comme nous le verrons, un rôle de tout premier plan dans la politique à l'égard des réfugiés civils pendant la Seconde Guerre mondiale.

12La première Loi fédérale sur les étrangers est adoptée en 1931 [1] : c'est la preuve que la législation dans ce domaine est désormais unifiée au niveau fédéral, alors que les autorités cantonales de police gardent d'importantes compétences en matière d'application de la loi. Celle-ci s'inspire du principe que par droit d'asile il ne faut pas entendre un droit du réfugié à se faire accorder l'asile, mais plutôt la faculté de l'État suisse à accorder ce droit, selon sa propre convenance [2]. Un article de la loi (art. 21) prévoit cependant que “si une autorisation est refusée à un étranger et que celui-ci rende vraisemblable qu'il cherche à se soustraire à des persécutions politiques, le Conseil fédéral peut lui accorder l'asile en obligeant un canton à le tolérer [1]”.

13L'arrivée au pouvoir de Hitler en janvier 1933, à un moment où la grande dépression frappe désormais fortement l'économie suisse, et surtout le boycottage des commerçants juifs organisé le 1er avril 1933 par les nazis, amènent les autorités suisses à adopter des dispositions importantes à l'égard des réfugiés allemands, tout particulièrement juifs.

14Dans les premiers jours d'avril, suite au boycottage, environ 4 000 réfugiés juifs entrent à Bâle [2]. Le 20 avril, le Département fédéral de justice et police transmet aux gouvernements des cantons une circulaire, rédigée principalement par H. Rothmund, qui précise l'attitude à adopter face aux réfugiés allemands. C'est un texte important car il établit un critère qui sera respecté jusqu'en 1944 :

15“Les Israélites ne doivent pas être considérés comme réfugiés politiques [...], que s'ils ont dû fuir pour des motifs d'ordre politique ; le boycottage n'est pas considéré comme un motif de ce genre. [3]

16Cette décision est motivée par la nécessité pour la Suisse de défendre son marché du travail étant donné la crise et le fort taux de chômage. L'argument de la défense contre la “surpopulation étrangère”, dont nous avons déjà parlé, est également mis en avant. La troisième justification est la nécessité de s'opposer à ce que des “éléments de mœurs différentes des nôtres” s'établissent en Suisse [4].

17Les Juifs ne doivent donc être admis à l'asile que s'ils sont poursuivis en Allemagne à cause de leur activité politique : le fait qu'ils sont victimes déjà de discriminations et de violences d'origine raciale n'est pas considéré comme un motif suffisant.

18Voilà pour le principe général fixé en 1933. Des entorses seront cependant faites à cette règle et environ 6 500 Juifs, fuyant principalement l'Allemagne et l'Autriche après l'Anschluss, pourront se réfugier en Suisse jusqu'au début de la guerre. Berne refusera cependant de leur accorder la qualité de réfugié politique, et ils seront inclus dans la catégorie créée spécialement pour eux, des “émigrants”, c'est-à-dire qu'ils seront tolérés dans l'attente de leur départ pour une autre destination [1]. En effet, comme le rappelle le délégué helvétique à la Conférence d'Évian de juillet 1938, la Suisse “ne peut être qu'un pays de transit pour les réfugiés” [2].

19Quant aux réfugiés politiques proprement dits, on en dénombre au total un peu moins de 400 jusqu'en septembre 1939 [3].

20Le début du conflit mondial n'entraîne pas de changements fondamentaux dans les directives visant les étrangers désireux d'entrer en Suisse, si l'on excepte l'obligation du visa, exigé désormais pour tout le monde. L'arrêté fédéral adopté le 17 octobre 1939 par le Conseil fédéral (le gouvernement suisse), précise que tous les étrangers dépourvus de visa ou entrés illégalement doivent être refoulés, à l'exception des déserteurs et des réfugiés politiques. Les Juifs ne sont toujours pas compris dans cette catégorie [4].

21En 1940 et 1941, le nombre des civils qui parviennent à se réfugier en Suisse est peu élevé : 47 personnes sont admises en 1940 et 120 en 1941 [5]. Pendant ces mêmes années, le nombre des refoulés est sensiblement plus élevé, si l'on se base sur les chiffres des renvois notifiés : 999 en 1940 et 236 en 1941 [6]

22La situation change radicalement à partir de juin-juillet 1942. Au printemps 1942 débute la déportation des Juifs de Belgique et de Hollande. Nombreux sont les Juifs qui ont alors fui ces pays pour se mettre à l'abri en France et de là tenter de passer en Suisse. En France en mars 1942, un premier train quitte le camp de Drancy pour Auschwitz, et depuis juin les convois partent de Drancy à un rythme soutenu [1]. Les 16 et 17 juillet a lieu à Paris la Rafle du Vel'd'Hiv' lors de laquelle plus de 13 000 Juifs étrangers sont arrêtés par la police française [2] ; au mois d'août, plus de 10 000 Juifs étrangers sont raflés dans la zone sud, soumise aux autorités de Vichy.

23Un rapport du ministre de Suisse à Vichy, Walter Stucki, publié dans les Documents Diplomatiques suisses [3], confirme que le président du Conseil français, Pierre Laval, est alors véritablement déchaîné contre les Juifs, au point qu'il ne cherche même pas à se justifier face aux diplomates étrangers en invoquant les pressions exercées sur lui par les Allemands. Stucki avait demandé une audience à Laval pour protester contre les agissements de la police française : celle-ci venait de procéder à l'arrestation, pendant la nuit, de 45 enfants juifs âgés de 16 à 17 ans, hébergés au château de La Hille (Ariège), et placés sous la protection de la Croix-Rouge suisse. Le 10 septembre 1942, Laval reçoit Stucki avec ses mots : “Est-ce que vous aussi, vous voulez venir me faire de [sic] la morale à cause de mes mesures contre les Juifs ?” Suit une diatribe virulente contre les responsabilités des Juifs : “Ceux-ci – selon Laval – sont largement responsables de l'effondrement de la France. Cependant, les mesures qu'il [Laval] a adoptées contre eux, ne répondent pas tellement à un désir de revanche, mais sont surtout d'ordre prophylactique : les Juifs sont, sans exception, contre lui et contre le régime, ils sont anglophiles et surtout gaullistes, ils sont à la source de menées souterraines et si l'on devait assister un jour à des agitations révolutionnaires, on les trouverait sans doute au premier rang. Ils sont largement responsables du marché noir et des difficultés qui en résultent. Par conséquent, il [Laval] voulait et devait libérer la France, autant que possible, de cette calamité.” En conclusion, Laval réitère sa détermination à poursuivre la politique entreprise contre les Juifs étrangers, “même si tous les jours 50 diplomates étrangers et les représentants de toutes les églises du monde venaient protester auprès de lui” [1].

24Avant d'aborder la politique suisse devant l'afflux de réfugiés juifs dès l'été 1942, il est nécessaire de voir quelles sont les informations sur les persécutions en cours dont disposent à la même époque les autorités helvétiques.

25Ces informations sont parvenues à Berne à travers différents canaux. Il y a d'abord le canal diplomatique. En novembre 1941 déjà, le ministre de Suisse à Rome a appris du secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Maglione, que “les procédés actuellement appliqués par les Autorités d'occupation dans les pays de l'Est tendent, en partie sciemment, vers une extermination biologique d'une grande partie des populations des régions occupées” [2].

26De leur côté, plusieurs consuls de Suisse en Allemagne font parvenir à Berne des descriptions dramatiques sur les déportations en cours. En novembre 1941, le consul à Cologne, Franz von Weiss – le plus actif dans la transmission de rapports sur les persécutions des Juifs – décrit dans une lettre destinée à la Police fédérale des étrangers, les scènes dramatiques qui précèdent le départ de 1 000 Juifs de la ville à destination de Minsk. Plusieurs d'entre eux sont venus au consulat à la recherche d'aide, et le consul se dit persuadé que nombreux sont ceux qui vont préférer le suicide à la déportation [1]. Von Weiss rapporte peu après ce que lui a raconté un grand industriel allemand de retour de Pologne, où il a pu se rendre dans les ghettos de Varsovie et de Lodz, là où “les Juifs meurent de faim comme des mouches” [2]. Après avoir lu ce rapport, le chef du Département politique (l'actuel Département des affaires étrangères), Marcel Pilet-Golaz, décide que ce texte doit être considéré comme confidentiel et ne doit même pas circuler à l'intérieur du département. C'est encore le consul von Weiss qui en novembre 1941 informe le ministre de Suisse à Berlin (une copie du rapport est envoyée directement à Berne), de l'aventure incroyable arrivée à un citoyen suisse vivant en Allemagne, employé comme chauffeur de camion dans une entreprise de transports de la région de Cologne. Sur ordre de son employeur, ce chauffeur avait dû se mettre au service de la Wehrmacht. Il avait dû revêtir un uniforme militaire et avait été intégré dans une colonne de camions qui avait suivi l'armée allemande dans sa progression à l'intérieur du territoire russe, jusqu'aux environs de Leningrad. À de nombreux endroits, ce Suisse avait été le témoin oculaire de massacres de populations juives, y compris femmes et enfants en bas âge, perpétrés par des commandos de SS [3].

27Le ministre de Suisse à Bucarest, René de Weck, s'adresse à la même époque à un membre du Comité international de la Croix-Rouge, J. Chenevière, pour lui faire part de la persécution systématique à laquelle sont soumis les Juifs roumains depuis l'entrée en guerre de ce pays contre l'Union soviétique, persécution “auprès de laquelle les massacres d'Arménie, qui indignaient la conscience européenne à l'aube de notre siècle, semblent des jeux d'enfants”. Le diplomate ajoute : “J'en tiens notre gouvernement aussi exactement informé qu'il m'est possible, mais je ne puis guère espérer, dans les circonstances actuelles, qu'il élève une protestation officielle [4].”

28D'autres informations sur les persécutions en cours contre les Juifs parviennent par des membres des Missions médicales suisses sur le front de l'Est (il y en aura quatre en tout, entre octobre 1941 et mars 1943), patronnées par des milieux privés germanophiles et par la Croix-Rouge suisse. Ces missions, composées de médecins et d'infirmiers, étaient censées soigner exclusivement les blessés de la Wehrmacht, ce qui constituait pour le moins un geste de bonne volonté en faveur de l'Allemagne. Avant leur départ, médecins et infirmiers devaient s'engager à observer, à leur retour, le secret sur ce qu'ils avaient pu observer sur le front russe. La consigne du silence n'est cependant pas respectée par Rudolf Bucher, un médecin appartenant à la première équipe, envoyée dans la région de Smolensk et de Minsk en octobre 1941. À son retour en Suisse à la fin janvier 1942, Bucher cherche par tous les moyens à alerter les milieux médicaux et militaires, ainsi que les autorités politiques et la population, sur les persécutions contre les Juifs dont il avait été témoin ou dont il avait entendu parler sur place. Dans ce but, il tiendra en tout plus de cent conférences. Comme il le confiera dans l'après-guerre au professeur Ludwig, qui l'interrogeait pour la préparation de son rapport, à Smolensk, un médecin de la Wehrmacht lui avait même parlé “d'extermination dans des chambres à gaz, suivies de l'incinération des cadavres dans d'immenses crématoires. Il [ce médecin] savait pertinemment que des installations de ce genre, qui n'étaient peut-être pas achevées partout, avaient été essayées à Auschwitz” [1].

29Pendant l'hiver 1941-1942, plusieurs déserteurs allemands, qui avaient combattu en Russie, pénètrent en Suisse où ils sont pris en charge puis interrogés par le Service de renseignements de l'armée. Ils livrent des informations sur l'organisation et l'armement de la Wehrmacht, ce qui intéresse en tout premier lieu les officiers suisses qui les interrogent, mais apportent également des témoignages sur les massacres des populations juives par les Einsatzgruppen, auxquels ils ont souvent assisté. Un des tout premiers témoignages parvenus par ce canal est aussi l'un des plus bouleversants et précis : il est livré en février 1942 par un officier autrichien – ancien de la Légion Condor – qui a assisté directement en Ukraine à différents massacres de masse. Ce déserteur fournit même aux militaires qui l'interrogent un croquis qui illustre les méthodes d'exécution utilisées par les Einsatzgruppen. Le témoin est pris très au sérieux par les officiers suisses, auxquels il fournit au cours d'un interrogatoire de plusieurs jours des informations très précises, sans jamais se contredire [1].

30On pourrait sans peine fournir d'autres exemples d'informations parvenues à Berne à travers différents canaux, mais ceux qu'on a cités permettent sans autre d'affirmer qu'à l'été 1942, lorsque de nombreux réfugiés juifs cherchent à entrer en Suisse, les autorités helvétiques disposent déjà de renseignements multiples et parfois de première main sur le sort des populations juives dans l'Est européen, en particulier sur les massacres auxquels se livrent les Einsatzgruppen [2]. Il n'est pas encore question, à notre connaissance, de renseignements concernant les chambres à gaz [3], mis à part celui transmis par le docteur Rudolf Bucher, dont nous ne sommes pas certains qu'il soit parvenu à l'époque aux autorités fédérales. Il nous paraît évident que ces différentes informations ont dû circuler, au moins partiellement, entre les différents services de l'administration centrale : ce que nous savons de façon certaine c'est que le service de renseignements de l'armée a correspondu avec la Division de police, dirigée par H. Rothmund, à propos du déserteur autrichien dont nous avons parlé ci-dessus [4].

31De toute façon, il existe un document qui prouve de façon incontestable que bon nombre des informations dont nous venons de parler étaient parvenues aux responsables de la Division de police à Berne. C'est le rapport rédigé le 30 juillet 1942, à la demande de H. Rothmund, par l'adjoint de ce dernier, Robert Jezler, à un moment où nombreux sont les Juifs qui cherchent asile en Suisse. L'auteur du rapport écrit que certains de ces candidats à l'asile avaient déjà été refoulés, mais il ajoute :

32

“Ces derniers temps, nous ne pûmes cependant plus nous résoudre à ordonner ces refoulements. Des rapports sûrs et concordants sur la manière dont ces déportations sont exécutées et sur les conditions de vie dans les “régions juives” de l'Est donnent des informations si bouleversantes qu'on doit comprendre les efforts désespérés qui sont tentés par les fugitifs pour échapper à pareil sort et qu'on ne peut plus guère prendre la responsabilité d'un refoulement [1].”

33Ce passage, fondé sur des “rapports sûrs et concordants” établit donc un lien direct entre les déportations et les Juifs qui cherchent à y échapper en s'enfuyant en Suisse, et ce qui se passe à l'Est, dans les “régions juives”. L'auteur du rapport dit comprendre les “efforts désespérés” de ceux qui tentent d'échapper à un tel sort, un sort dont il est en mesure d'imaginer la gravité, étant donné les informations dont il dispose sur les “conditions de vie” des Juifs dans l'Est de l'Europe. Vraisemblablement, on n'est pas encore au courant à Berne, en juillet 1942, de l'existence de camps d'extermination. À notre connaissance, ce n'est que bien plus tard, en septembre 1943, que Rothmund fera pour la première fois la distinction, dans un texte écrit, entre camps de concentration et camps d'extermination, sur la base de renseignements fournis par la Légation de Pologne à Berne [2]. Il n'en reste pas moins qu'en juillet 1942 déjà, comme le prouve le rapport Jezler, peu de doutes sont permis sur ce qui attend les Juifs qui sont déportés dans l'Est européen.

34On aurait donc pu s'attendre à un assouplissement des directives de police concernant les réfugiés juifs, qui n'avaient pas droit au statut de réfugiés politiques. Or, c'est précisément le contraire qui se produit. Le 30 juillet, en transmettant le rapport de son adjoint Jezler à son supérieur, le conseiller fédéral von Steiger, chef du Département de Justice et Police, Heinrich Rothmund l'accompagne d'une lettre où il demande la fermeture hermétique de la frontière, afin d'exercer un effet dissuasif radical sur les candidats à l'asile. Rothmund se dit très inquiet à cause de l'activité des passeurs professionnels, mais craint surtout que l'Allemagne ne favorise l'afflux en Suisse des Juifs belges et hollandais, pour demander ensuite des comptes aux autorités helvétiques [1]. Le 4 août 1942, le gouvernement suisse adopte la proposition de l'influent Rothmund et décide que les dispositions de police en vigueur doivent être appliquées avec plus de rigueur. Les réfugiés entrés illégalement doivent être refoulés, même s'ils courent danger de mort [2].

35Le 13 août, Rothmund – dont la responsabilité personnelle dans les graves décisions prises par la Suisse dans cette période cruciale apparaît comme centrale – prend l'initiative d'envoyer aux polices des cantons une circulaire où il est dit notamment que “ceux qui n'ont pris la fuite qu'en raison de leur race, les Juifs par exemple, ne doivent pas être considérés comme des réfugiés politiques”. Ils doivent donc être refoulés [3].

36Le chef de la Division de police s'expliquera dans l'après-guerre sur les raisons qui l'avaient amené à prendre une telle décision : “... J'étudiai le problème tout un jour durant dans mon bureau et raisonnai comme suit : si nous fermons hermétiquement la frontière pendant deux ou trois semaines et refoulons les réfugiés qui auraient réussi à se faufiler entre les postes frontières, on le saura immédiatement en Belgique et en Hollande, et les fugitifs prendront une autre route. Cette route ne pourrait être, il est vrai, que celle de l'Espagne et du Portugal. Si nous nous contentons d'une demi-mesure, on ne tardera pas à apprendre en Belgique et en Hollande que la fermeture n'est pas hermétique. Chacun espérera être au nombre de ceux qui seront admis, de sorte que le flot ne diminuera pas et que nos difficultés se prolongeront durant des semaines et des mois. C'est pourquoi je me décidai, à contrecœur, à ordonner, sous ma responsabilité, la fermeture complète de la frontière [4].”

37Le 20 août 1942, Rothmund participe à une séance du Comité central de la fédération suisse des communautés israélites, où le président de la fédération, Saly Mayer, confie ce qu'il a entendu de Gerhart Riegner, secrétaire à Genève du Congrès juif mondial : “Le bruit court que les vieillards et les malades sont gazés et que leurs corps sont utilisés chimiquement.” Mayer ajoute qu'il n'est pas possible de croire les Allemands lorsqu'ils affirment que les déportés vont être employés au travail en Pologne, étant donné qu'il y a parmi eux des personnes manifestement inaptes au travail, comme les vieillards, les malades et les enfants [1]. Rothmund ne semble pas convaincu par ces déclarations, et répète au comité ce que deux commissaires de douane allemands à la frontière franco-suisse avaient affirmé : les Juifs refoulés étaient simplement renvoyés chez eux et contraints au travail [2]. Le chef de la Division de police résume ainsi sa position devant les dirigeants de la communauté israélite suisse :

38“La Suisse représente maintenant pour les Juifs un îlot en Europe. Pour qu'elle puisse le demeurer, il importe de garder la situation en main et de ne pas se laisser déborder. L'adoption des instructions du 13 août a été la décision la plus pénible que j'aie jamais eu à prendre. [...] Je sais que des centaines de milliers de Juifs sont en danger et que des millions d'autres personnes se sentent menacées. La Suisse ne serait cependant pas en état d'accueillir tous les réfugiés venant des pays voisins. Le mieux est de nous occuper des réfugiés qui sont chez nous et de chercher à assurer leur existence [3].”

39La période commençant en août 1942, et coïncidant avec les déportations les plus massives depuis la France [4], a été à juste titre qualifiée de chapitre le plus noir de l'histoire de la politique suisse en matière d'asile. Les directives radicales adoptées en août, seront ensuite par moment assouplies devant les protestations émanant de l'opinion et de la population suisse, mais elles seront aggravées après l'occupation de la zone sud par la Wehrmacht en novembre 1942. Le 17 décembre, pourtant, Antony Eden lit devant la Chambre des communes la déclaration des Nations unies qui condamne les “méthodes brutales d'extermination” utilisées par les nazis, déclaration partiellement reproduite par la presse suisse, dans les dépêches relatant les travaux du parlement britannique [1]. Il n'empêche que le 29 décembre, la Division de police transmet aux organes chargés de la surveillance à la frontière de nouvelles directives. Elles ont été préparées par Robert Jezler, en l'absence de Rothmund, malade, mais avec l'assentiment du Conseil fédéral. Elles réaffirment la nécessité du refoulement, et ajoutent :

40“Dans tous les cas, il faut veiller à ce que les réfugiés qui doivent être refoulés ne puissent pas entrer en relation, directement ou indirectement (notamment par téléphone), avec des tiers (parents, connaissances, avocats, légations, consulats, organisations d'aide aux réfugiés, etc.) [2].”

41La nouvelle disposition adoptée en décembre est due principalement aux pressions exercées par les responsables de l'armée, inquiets devant l'entrée en Suisse de nombreux réfugiés, malgré la fermeture officielle des frontières.

42La position adoptée par la Confédération en matière d'asile est justifiée officiellement – on l'a déjà vu dans les propos tenus par Rothmund – par l'impossibilité du pays à accueillir un trop grand nombre de réfugiés, et par la nécessité d'assurer la survie de ceux qui sont déjà en Suisse. Dans une conférence tenue à Zurich le 30 août 1942, le conseiller fédéral von Steiger exprime la même idée, lorsqu'il compare la Suisse à une “embarcation de sauvetage déjà lourdement chargée”. Pas question, donc, pour ceux qui sont au commandement de cette embarcation, de prendre tout le monde à bord [3]. Cette métaphore deviendra célèbre par la formule : “La barque est pleine.” Plusieurs auteurs ont déjà relevé l'aspect excessif de cette justification officielle, si l'on se souvient qu'il y a en Suisse, à la même époque, environ 10 000 réfugiés civils. Vers la fin de la guerre, le pays sera en mesure d'héberger en même temps plus de 110 000 réfugiés civils et militaires, sans que leur poids ne fasse couler la barque helvétique.

43La position de Rothmund et du gouvernement suisse est confortée à l'époque par le parlement, qui approuve à une nette majorité en septembre 1942 les mesures adoptées à la frontière. Une dizaine de députés ne taisent cependant pas leur opposition, tel le socialiste Paul Graber qui estime entre autre que les mesures prises sont révélatrices d'une mentalité nettement antisémite [4]. “N'y a-t-il pas – se demande Graber – dans certains bureaux fédéraux, surtout à la Police des étrangers, un courant antisémite très net qui se manifeste ? Je le crois. On est inspiré par un courant antisémite. [1]” Le libéral bâlois Albert Oeri, pour sa part, reprend l'image de l'“embarcation de sauvetage” utilisée précédemment par von Steiger, mais ajoute : “Notre bateau de sauvetage n'est pas encore surchargé, il n'est même pas plein, et, aussi longtemps qu'il ne l'est pas, acceptons encore ce qui peut y tenir, sinon nous commettons un péché. [2]

44L'armée, qui participe à côté des garde-frontières à la surveillance des frontières et au refoulement des réfugiés, fait pression sur les autorités politiques pour qu'elles limitent sévèrement le nombre des entrées. Les autorités cantonales, enfin, font preuve pour le moins de peu d'empressement lorsque Berne s'adresse à elles en septembre 1942 pour leur demander si elles sont prêtes à accueillir des réfugiés. Certains cantons ne daignent même pas répondre [3].

45Certains journaux suisses, malgré la censure de la presse, prennent pourtant position contre la politique officielle, dénonçant les refoulements et faisant paraître des articles sur le sort qui attend les Juifs à l'Est. Précisons que la censure instituée depuis septembre 1939, n'est pas une censure préventive, mais qu'elle s'exerce a posteriori [4]. Les organes qui outrepassent les directives générales en vigueur, peuvent faire l'objet d'avertissements, voire de suspensions. Ces directives demandent aux journaux d'“éviter les nouvelles sensationnelles, malsaines et dangereuses”, ainsi que “les nouvelles incertaines, non contrôlées, provenant surtout de sources étrangères non officielles” [5]. Les nouvelles concernant les persécutions des Juifs, qui évidemment ne proviennent pas des sources officielles allemandes, ne doivent donc pas apparaître dans les organes de presse. Il y a cependant plusieurs journaux qui osent enfreindre ces directives et publient des articles sur le refoulement de Juifs à la frontière, voire sur les déportations en cours. En octobre 1942, un quotidien de Saint-Gall évoque les “transports de la mort” qui quittent Berlin [6]. En juin 1943, une circulaire adressée par les responsables de la censure à tous les journaux suisses critique la publication d'articles de ce genre : “Ces derniers temps, plusieurs articles sur le traitement des Juifs et des prêtres polonais ont été publiés sans indication d'une source suffisamment sûre. Il est bien compréhensible que certains actes inhumains révoltent notre conscience ; pour autant, il est nécessaire de se tenir rigoureusement aux dispositions du contrôle de la presse qui font un devoir à la presse suisse de ne point propager de simples rumeurs et d'éliminer la propagande étrangère [1].”

46Par ailleurs, même si la presse allemande publie parfois des articles menaçants pour la Suisse et pour les Juifs qui y avaient trouvé refuge, à aucun moment de la guerre les autorités du Reich n'ont demandé officiellement à Berne de fermer les frontières.

47Voici ce qu'écrit en septembre 1942 le chef de la diplomatie helvétique, M. Pilet-Golaz, à son collègue du gouvernement, Édouard von Steiger :

48“Je vous confirme [...] qu'aucune démarche quelconque n'a été faite auprès de moi par un représentant étranger, au sujet du problème des réfugiés, qui puisse être considéré comme une invite directe ou indirecte à fermer nos frontières. Ce serait bien plutôt le contraire : certains diplomates auraient voulu qu'on exerce une pression pour que nous ouvrions davantage nos portes.

49Que le problème ait une importance de politique étrangère capitale, c'est ce qui saute aux yeux. Que nous devions nous montrer dignes, fermes et prudents, mais sans illusions comme sans sentimentalité, c'est ce que les menaces de guerre au cours du siècle dernier, à cause des réfugiés, doivent nous rappeler. Aujourd'hui, nous n'aurions plus une tierce puissance qui s'interposerait pour apaiser les conflits [2]

50Ces propos du chef de la diplomatie helvétique nous paraissent contradictoires : d'un côté Pilet-Golaz affirme qu'aucune démarche étrangère – et donc allemande – n'a été effectuée pour demander à la Suisse de fermer ses frontières, mais de l'autre côté il associe l'accueil des réfugiés à un risque de guerre, comme cela s'était produit au XIXe siècle, lorsque la France de Louis-Philippe avait réclamé à la Confédération l'expulsion du prince Louis-Napoléon. On peut se demander si Pilet-Golaz ne craint pas – comme Rothmund en juillet 1942 lorsqu'il avait demandé la fermeture des frontières – que le Reich ne favorise de façon machiavélique l'afflux de réfugiés juifs en Suisse, pour se retourner ensuite contre les autorités fédérales. Mais le chef du Département politique est bien placé pour savoir que ce qui intéresse au premier degré les autorités allemandes c'est le maintien des liens économiques et financiers étroits tissés avec la Confédération à la faveur de la guerre [1] : dans cette perspective, la politique de la Suisse à l'égard des réfugiés, doit paraître aux responsables nazis comme un sujet tout compte fait secondaire. En définitive, les propos de Pilet-Golaz, et plus généralement sa position à l'égard des réfugiés juifs (on a vu qu'il disposait pourtant d'informations précises et abondantes sur les persécutions en cours), nous apparaissent dictés avant tout par la politique de l'“égoïsme sacré” et par la volonté de “rester maître chez soi”.

51On constate donc que les décisions adoptées en août 1942 par le gouvernement sont approuvées par le parlement, appuyées par l'armée et par la plupart des autorités cantonales. Seuls des représentants des Églises, des députés et quelques journaux manifestent leur opposition.

52Il est cependant important de préciser que les mesures officielles introduites en août 1942 ne sont qu'imparfaitement respectées, voire même interprétées d'une façon plus ou moins généreuse suivant les endroits et les périodes.

53Il semble que c'est à Genève, canton où afflue un nombre important de demandeurs d'asile, que les directives de Berne sont appliquées avec le moins de sévérité. En août 1942, la police genevoise, “est portée à interpréter largement la notion de “réfugié politique”, voire à suggérer à tout individu entrant clandestinement qu'il appartient à cette catégorie” [2]. Le dépouillement actuellement en cours du fichier genevois comportant le nom des individus appréhendés à la frontière pendant la guerre – seul cas où une source de ce genre soit disponible – semble montrer que les refoulements de Juifs ont été relativement peu nombreux, quelques centaines en tout, alors qu'on a enregistré de très nombreux cas de citoyens français cherchant à fuir en Suisse le service du travail obligatoire (STO), mais renvoyés en France.

54Tout semble montrer, en revanche, que les officiers des douanes responsables du 5e arrondissement (qui recouvre la frontière de l'arc jurassien, ainsi qu'une partie du Valais, à l'exclusion toutefois de la frontière genevoise) aient fait preuve de beaucoup de zèle dans l'application des ordres venus de Berne [1].

55Il semble aussi que le corps des garde-frontières, habitué professionnellement au respect de l'ordre hiérarchique, ait appliqué scrupuleusement, en général, les directives en vigueur, sans trop d'états d'âme. Plusieurs témoignages montrent en revanche que les soldats placés à la surveillance des frontières, parce que membres d'une armée de milice, ont montré plus de bienveillance à l'égard des réfugiés.

56Ces différents facteurs expliquent pourquoi, malgré des directives officielles sévères, il y ait néanmoins presque 8 000 réfugiés civils, en grande majorité juifs, admis en Suisse entre août et décembre 1942 [2]. La moyenne des entrées diminue dès janvier 1943, après l'occupation de la zone sud de la France et les mesures plus draconiennes adoptées le 29 décembre 1942.

57Dès septembre 1943, après l'écroulement du régime fasciste italien et l'armistice publié le 8 septembre entre l'Italie et les Alliés, on assiste à un nouvel afflux de civils. En tout, presque 15 000 réfugiés civils italiens (dont presque 4 000 Juifs) pourront entrer en Suisse, ce qui en fait le groupe national le plus important admis dans la Confédération pendant la guerre [3].

58Un film produit par la BBC en juin 1997 (Nazi Gold), et retransmis aussi par une chaîne de télévision française, adresse à la Suisse, entre autre, l'accusation d'avoir permis le transit de trains de déportés juifs italiens dirigés à Auschwitz. Cette accusation se base principalement sur un témoignage anonyme. Disons d'emblée qu'une telle mise en cause nous paraît dénuée de tout fondement. Une des origines de cette accusation se trouve probablement dans le fait qu'entre avril 1941 et juillet 1943, soit jusqu'à la chute de Mussolini, le gouvernement suisse avait autorisé le transit des trains de travailleurs italiens destinés à l'Allemagne. Ces trains, composés de voitures de troisième classe fermées à clé, traversaient le pays pendant la nuit [1]. Il ne s'agissait pas cependant de travailleurs forcés, comme le souligne le meilleur spécialiste italien de la question [2]. Il s'agissait d'ouvriers recrutés par les syndicats fascistes, ayant choisi d'aller travailler en Allemagne, dans l'espoir notamment d'y percevoir de meilleurs salaires. Leur cas ne peut donc être comparé à celui des travailleurs recrutés de force en France par le STO. Après l'armistice du 8 septembre 1943 entre l'Italie et les Alliés, Berlin chercha avec insistance d'obtenir à nouveau des autorités suisses l'autorisation de transit pour ces trains, ce qui. aurait permis aux Allemands de soulager le trafic à travers le Brenner. Le gouvernement suisse décida le 22 octobre 1943 de ne pas entrer en matière et de ne plus autoriser le passage de ces convois [3]. Des documents internes de l'administration fédérale montrent qu'on était conscient à Berne du fait qu'il s'agirait désormais “tout simplement d'esclaves”, soit d'ouvriers recrutés de force par les Allemands dans l'Italie occupée [4]. Il y a donc la certitude qu'aucun train de travailleurs italiens n'a plus traversé la Suisse après le 8 septembre 1943. À fortiori, aucun train de déportés juifs n'a pu passer. On peine d'ailleurs à imaginer pour quelle raison les responsables nazis auraient couru le risque d'ébruiter le “terrible secret” en cherchant à faire passer à travers la Confédération des trains de déportés. De leur côté, les historiens du “Centro di documentazione ebraica contemporanea” de Milan, ont reconstitué le parcours des trains ayant conduit, à Auschwitz principalement, les 6 746 Juifs italiens déportés à partir du 16 septembre 1943 [1]. La plupart des trains sont passés par le Brenner, le reste par le Tarvisio. Du reste, dans les travaux des spécialistes du Centre de documentation juive contemporaine de Milan, l'éventualité d'un passage de trains de déportés à travers la Suisse n'est même jamais évoquée.

59Au total, pendant toute la durée de la guerre, environ 51 000 réfugiés civils, dont 21 304 Juifs, sont acceptés dans la Confédération. Si l'on y ajoute les 6 600 personnes déjà présentes sur sol helvétique à la veille du conflit et considérées comme “émigrants”, on constate que 28 000 réfugiés israélites ont pu ainsi échapper à la déportation [2].

60Un cas à part, mais qui doit être signalé ici, est celui des Juifs de nationalité suisse, résidant dans les territoires occupés et rapatriés par les autorités helvétiques pour les soustraire aux mesures de déportation. Dès janvier 1943, ces mesures devaient frapper aussi les Juifs ressortissants d'États neutres [3]. Fort peu nombreux sont à l'époque les Juifs suisses qui résident encore dans le Reich [4]. En revanche, une communauté israélite suisse de plus de 150 personnes, existe toujours dans la France occupée, principalement à Paris. Au mois d'août 1942 déjà, le consul de Suisse à Paris, Naville, fait savoir à Berne que les autorités allemandes sont en train d'examiner le statut des Juifs étrangers appartenant à des pays neutres. Naville soulève également la question du rapatriement des Suisses, tout en ajoutant que “les services de la Sicherheitspolizei paraissent décidés à résoudre le plus tôt possible et d'une façon radicale le problème juif en France” [5]. En novembre, lorsque le consul intervient auprès des autorités allemandes pour plaider la libération de la dizaine de Juifs suisses détenus au camp de Drancy, ses interlocuteurs lui demandent si la Confédération n'est pas prête à rapatrier l'ensemble de la communauté juive suisse de la France occupée. Si oui, un convoi pourrait être organisé immédiatement. Pour Naville, il s'agit là d'une question urgente [1]. À Berne, cependant, on paraît moins pressé. Pierre Bonna, un haut fonctionnaire du Département politique, répond le 29 décembre au consul que “nous estimons qu'il ne faudrait y recourir [à un rapatriement général] que si toute autre solution paraissait d'emblée exclue”, et lui demande de soumettre encore toute la question à un examen approfondi [2]. Les dernières hésitations des responsables du Département politique sont levées le 4 janvier suivant, lorsque le ministre d'Allemagne informe officiellement Berne que les mesures appliquées actuellement en France à l'égard des Juifs, “telles que port de l'étoile, domicile forcé et déportation, seront étendues dorénavant également aux Juifs ressortissants de pays neutres”. Les autorités allemandes sont disposées à autoriser le rapatriement des Suisses, mais précisent que le dernier délai pour leur retour est fixé à la fin du mois [3]. “Une autre solution paraissant exclue, nous avons estimé devoir nous incliner”, écrit le. 7 janvier Pierre Bonna au consul Naville. Deux convois ferroviaires sont alors organisés, qui comprennent environ 180 personnes, soit la totalité de la communauté juive suisse de la France occupée. Parmi elles il y a les dix détenus du camp de Drancy, dont le consulat de Suisse avait entre-temps réussi à obtenir la libération [4]. Le dernier convoi quitte Paris le 1er février et arrive en gare de Genève-Cornavin le lendemain [5].

61Le rapatriement des Juifs suisses de la France occupée est la plus importante opération du genre effectuée par les autorités helvétiques, d'ailleurs sur instigation du gouvernement allemand. S'il en était encore besoin, l'avertissement allemand de janvier 1943 comportait une information implicite sur le sort qui attendait les Juifs déportés. Puisque l'on disposait déjà à Berne, à l'époque, de renseignements concordants sur les persécutions auxquelles les Juifs étaient soumis à l'Est, l'ultimatum allemand devait permettre d'appuyer et de corroborer ces informations.

62Nous avons indiqué plus haut le nombre de réfugiés civils admis en Suisse pendant la guerre. Il est en revanche impossible de connaître le nombre de civils refoulés. Dans son rapport de 1957, le Pr. Ludwig avait indiqué le chiffre de 10 000 personnes, mais il s'agissait uniquement de cas où un procès-verbal de refoulement avait été établi. Une recherche récente menée par les Archives fédérales suisses a abouti au chiffre d'au moins 25 000 personnes renvoyées à la frontière [1]. Cette estimation est probablement incomplète. De nombreux refoulements ont été effectués sans qu'un rapport écrit ait été établi, et cela à l'encontre des directives de Rothmund. Par ailleurs, les dossiers de refoulement, que Carl Ludwig avait pu voir, ont en grande partie été détruits après la publication de son rapport. Il n'est donc pas possible de connaître le nombre des demandeurs d'asile renvoyés de Suisse, ni le nombre de Juifs auxquels la Suisse a fermé ses frontières. Tous les refoulés n'étaient cependant pas juifs, loin de là, comme paraît le confirmer le dépouillement du fichier genevois, qui fait plutôt ressortir le nombre élevé de Français cherchant à fuir le STO et renvoyés à la frontière.

63Il est a fortiori impossible de connaître le nombre de ceux qui ont été détournés de leur projet de fuite en Suisse par les mesures prises par Rothmund en août 1942 et qui visaient avant tout les Juifs. Par ces mesures, le chef de la Division de police cherchait d'ailleurs à obtenir un effet dissuasif sur les candidats potentiels à l'asile, qu'ils résident en Belgique, en Hollande ou en France. Cet effet dissuasif a certainement été atteint. Le Pr. Ludwig estimait d'ailleurs dans son rapport que le nombre de ceux qui avaient renoncé à tenter la fuite en Suisse devait être bien plus élevé que celui des fugitifs refoulés [2].

64Ce n'est qu'en juin-juillet 1944, avec l'arrivée en Suisse des nouvelles accablantes sur le sort des Juifs de Hongrie, massivement déportés par Eichmann, que les autorités fédérales se décident finalement à modifier les directives concernant les réfugiés juifs. La Confédération est d'ailleurs un des tout premiers pays où parvient le témoignage de deux Juifs slovaques, Rudolf Vrba et Alfred Wetzler, qui avaient réussi à s'enfuir d'Auschwitz [3]. Leur rapport, qui décrit minutieusement la lugubre réalité du camp d'extermination, est transmis à des membres du gouvernement fédéral [1]. Dans un contexte international marqué par le débarquement allié et par la libération de la France, la presse suisse se fait abondamment l'écho du rapport sur Auschwitz et du massacre des Juifs hongrois, contribuant ainsi au revirement, beaucoup trop tardif, des autorités suisses en matière d'asile [2]. Le 12 juillet 1944, la Division de police de Rothmund révoque les instructions qu'elle avait prises en 1942, et reconnaît aux Juifs menacés, de facto, le statut de réfugié politique.

Conclusion

65La politique suisse en matière d'asile doit bien évidemment être replacée dans un contexte plus général où les grands États démocratiques, à commencer par les États-Unis, ont “abandonné les Juifs”, pour reprendre l'expression de l'historien américain David Wyman. Pendant la guerre, la priorité absolue des puissances alliées est d'obtenir d'abord la victoire militaire sur le Reich allemand.

66Ce constat de responsabilité générale et partagée, ne doit cependant pas nous amener à justifier la politique suivie par les autorités helvétiques durant la guerre.

67Cette politique a des racines lointaines, qui remontent en tout cas au premier conflit mondial et au développement d'une peur très diffuse face au surpeuplement étranger.

68Une décision de principe lourde de conséquence est adoptée peu après la victoire de Hitler, lorsqu'à Berne on fixe la règle que les Juifs ne doivent pas être considérés, ipso facto, comme des réfugiés politiques.

69Ce principe est réaffirmé par Heinrich Rothmund (qui porte une grande responsabilité en tant qu'inspirateur de la politique de la Suisse) en août 1942, lorsque de nombreux Juifs cherchent à fuir en Suisse les déportations, et qu'on dispose déjà au sommet de l'administration fédérale d'informations concordantes et fiables sur le sort qui attend les personnes déportées vers l'Est européen.

70Le gouvernement ainsi que le parlement approuvent les directives du chef de la Division de police. Les raisons évoquées sont qu'il faut éviter de trop charger la “barque” helvétique, et qu'il est nécessaire de préserver l'“îlot suisse” au sein de l'Europe. Voire qu'il faut éviter, en accueillant trop de Juifs, de fournir à Hitler un prétexte pour se retourner ensuite contre la Confédération.

71Les autorités politiques savent pourtant, en 1942, que le Reich est bien plus intéressé par les prestations industrielles et financières que l'économie suisse est en mesure de lui fournir. Il n'y aura jamais, d'ailleurs, de mises en garde officielles venant de Berlin pour demander à la Suisse de fermer ses frontières.

72Il n'en reste pas moins qu'il y a un décalage significatif entre les principes officiellement fixés et leur application concrète, ce qui a finalement permis à plusieurs milliers de persécutés juifs d'échapper en Suisse à la déportation.

Notes

  • [1]
    Cf. La politique pratiquée par la Suisse à l'égard des réfugiés au cours des années 1933 à 1955. Rapport adressé au Conseil fédéral à l'intention des conseils législatifs par le professeur Carl Ludwig, Bâle, Berne, 1957 (cité dorénavant : Ludwig). Pour la préparation de notre contribution, nous nous sommes abondamment appuyé sur ce travail, mais aussi sur la collection des Documents Diplomatiques Suisses. Parmi les travaux les plus récents et importants consacrés à ce thème, signalons l'ouvrage de Jacques Picard, Die Schweiz und die Juden 1933-1945. Schweizerischer Antisemitismus, jüdische Abwehr und internationale Migrations und Flüchtlingspolitik, Zürich, Chronos Verlag, 1994, et André Lasserre, Frontières et camps. Le refuge en Suisse de 1933 à 1945, Lausanne, Payot, 1995.
  • [1]
    Sur le retour des internés français, cf. notamment le vol. 14 (1.1.1941-8.9.1943) des Documents Diplomatiques Suisses (dorénavant : DDS), Berne, Benteli, 1997, p.10 ss.
  • [1]
    Cf. Ludwig, op. cit., p. 303.
  • [2]
    Ibid., p. 303.
  • [3]
    Cf. l'article de Gérald Arlettaz, “Les effets de la Première Guerre mondiale sur l'intégration des étrangers en Suisse”, in Relations internationales, n° 54, été 1988, pp. 161-179.
  • [1]
    Loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers, du 26 mars 1931, in Feuille Fédérale [suisse], 1931, pp. 437-446.
  • [2]
    Ce principe est clairement expliqué dans le Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la réglementation du séjour et de l'établissement des étrangers en Suisse par le droit fédéral, du 2 juin 1924, in Feuille Fédérale. 1924, pp. 511-535.
  • [1]
    Il ne semble pas que cet article ait été souvent appliqué jusqu'à la guerre. Nous n'avons en tout cas rencontré aucun cas où il l'ait été en faveur des réfugiés antifascistes italiens dans la Confédération. Cf. notre article, “La Suisse et les réfugiés antifascistes italiens”, in L'émigration politique en Europe aux XIXe et XXe siècles. Actes du colloque organisé par l'École française de Rome, ... (3-5 mars 1988), École française de Rome, 1991, pp. 305-326.
  • [2]
    Cf. DDS, vol. 10 (1930-1933), Berne, Benteli Verlag, 1982, p. 623, note 1.
  • [3]
    Ibid., p. 631.
  • [4]
    Circulaire du Département de Justice et Police du 31 mars 1933, ibid., pp. 624-625.
  • [1]
    Cf. Ladislas Mysyrowicz et Jean-Claude Favez, “Refuge et représentation d'intérêts étrangers”, in Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 121, janvier 1981, pp. 109-120. Cf. aussi Ludwig, op. cit., p. 156 et p. 303. Selon le même auteur (ibid., p. 150), au début des hostilités il y a en Suisse encore environ 5 000 Juifs, qui n'avaient pu poursuivre leur voyage pour un autre pays.
  • [2]
    Rapport de Heinrich Rothmund, délégué suisse à la conférence d'Evian, du 23 juillet 1938, in DDS, vol. 12 (1937-1938), Berne, 1994, p. 798.
  • [3]
    Cf. Guido Koller, “Entscheidung über Leben und Tod. Die behördliche Praxis in der schweizerischen Flüchtlingspolitik während des Zweiten Weltkrieges”, in Etudes et Sources, Revue des Archives fédérales, La Suisse et les réfugiés 1933-1945, Berne, Haupt, 1996, pp. 17-106 (p. 24 pour le nombre des réfugiés politiques admis jusqu'en 1939, qui sont exactement 392).
  • [4]
    Ludwig, op. cit., p. 156.
  • [5]
    Cf. le tableau avec le nombre des civils admis, classés par année et par mois, publié par G. Koller, op. cit., p. 87.
  • [6]
    Ibid., tableau avec le nombre des personnes renvoyées, classées par année et par mois, p. 94. Parmi les 999 refoulés en 1940, il se trouve un groupe de 803 personnes, qualifiées de “non-Français et éléments indésirables”, qui ont vraisemblablement cherché à pénétrer en Suisse à la suite du 45e corps d'armée français, en juin 1940.
  • [1]
    Cf. le tableau chronologique des convois de déportation, in Serge Klarsfeld, Le calendrier de la persécution des Juifs en France 1940-1944, Paris, Les Fils et Filles des Déportés juifs de France, 1993, pp. 1122-1125.
  • [2]
    La Sentinelle, quotidien socialiste pour la Suisse romande paraissant à La Chaux-de-Fonds, réagit aux nouvelles de la rafle en publiant le 13 août un article en première page intitulé “Une Saint-Barthélémy moderne”. Cet article vaut au directeur du journal, le député socialiste Paul Graber, un avertissement personnel que lui adressent les responsables militaires chargés de la censure de la presse. Cf. Marc Perrenoud, “La Sentinelle” sous surveillance. Un quotidien socialiste et le contrôle de la presse (1939-1945)”, Revue Suisse d'Histoire, vol. 37, 1987, pp. 137-168.
  • [3]
    Rapport daté du 14 septembre 1942, vol. 14 des DDS, pp. 763-766.
  • [1]
    Trad. personnelle d'après le texte original allemand. Certaines phrases de Laval sont déjà en français dans le texte de Stucki. À noter qu'une semaine avant l'entretien avec Stucki, Laval s'était secrètement mis d'accord avec le chef des SS et de la police allemande en France, Oberg, sur la réponse à fournir aux diplomates étrangers qui s'adressaient à lui pour connaître la destination des Juifs déportés par les Allemands dans l'Est européen. Le 4 septembre, une “convention de langage” avait été souscrite par Laval et Oberg, dans laquelle, suivant la proposition de Oberg, “il a été convenu que le président Laval communique en réponse à de telles questions que les Juifs transférés de la zone non occupée aux Autorités d'occupation sont transportés pour être employés au travail dans le Gouvernement général”. Cf. Denis Peschanski, Vichy 1940-1944. Contrôle et exclusion, Bruxelles, Complexe, 1997, pp. 174-175. Peschanski commente ainsi l'attitude de Laval : “À lire cette “convention de langage”, on conclura pour le moins que Laval n'a pas voulu savoir”. Le 14 octobre suivant, dans une lettre au chef du Département politique fédéral (dorénavant : DPF), M. Pilet-Golaz, consacrée aux mesures adoptées par les autorités françaises contre les Juifs, le ministre Stucki écrit aussi ce qui suit : “D'une source tout à fait digne de confiance j'ai appris que les hommes juifs déportés à l'Est sont placés dans des camps de travail où ils sont traités d'une façon particulièrement mauvaise, tandis que les femmes sont acheminées dans les bordels pour les soldats du front de l'Est. Cette dernière information est tellement monstrueuse que je ne puis vous la transmettre que sous réserve, bien qu'elle émane de l'entourage immédiat de l'ambassadeur Scapini”. Trad. personnelle de l'original allemand. Archives fédérales suisses, Berne (dorénavant : AFB), E 2001 (D) 3/274.
  • [2]
    Rapport du ministre P. Ruegger au chef du DPF, M. Pilet-Golaz, du 24 novembre 1941, DDS, vol. 14, pp. 385-388.
  • [1]
    Lettre du 19 novembre 1941, ibid., pp. 380-381.
  • [2]
    Rapport du 8 décembre 1941 au ministre de Suisse à Berlin, H. Frölicher, qui le fait suivre à Berne, ibid., pp. 395-398.
  • [3]
    Rapport du 19 novembre 1941. AFB, E 2300 Köln 5/6.
  • [4]
    Lettre du 29 novembre 1941, ibid., pp. 388-390. Sur l'action de René de Weck en faveur de la communauté juive de Roumanie, cf. les mémoires d'Alexandre Safran, à l'époque Grand rabbin de Roumanie, devenu après la guerre Grand rabbin de Genève, “Un tison arraché aux flammes”. La communauté juive de Roumanie 1939-1947, Paris, Stock, 1989 (trad. de l'anglais), p. 109.
  • [1]
    Ludwig, op. cit., pp. 219-220. Bûcher répétera ce témoignage à Alfred A. Häsler, auteur de La barque est pleine. La Suisse, terre d'asile ? La politique de la Confédération envers les réfugiés, de 1933 à 1945, Zurich, Editions M, 1992 (la première édition originale en allemand avait paru en 1967), p. 94 ss. Cf. aussi Daniel Heller, Eugen Bircher. Arzt, Militär und Politiker, Zurich, Verlag NZZ, 1988, p. 208 ss. Sur l'organisation des missions médicales suisses sur le front de l'Est, cf. aussi DDS, vol. 14.
  • [1]
    Le procès-verbal de l'interrogatoire de ce déserteur, qui compte une centaine de pages, contenant surtout des informations d'ordre militaire, est daté du 28 février 1942. La partie consacrée aux informations sur les massacres des populations juives est reproduite dans les DDS, vol. 14, pp. 981-983. Ce témoignage avait déjà été publié dans le Journal de Genève du 21 avril 1979 par Jean-Claude Favez et Ladislas Mysyrowicz (“Que savait-on en Suisse, en 1942, des crimes commis par les nazis ?”).
  • [2]
    Pour un tableau plus complet et détaillé de l'état des informations reçues en Suisse sur les persécutions contre les Juifs, je renvoie à l'ouvrage de Gaston Haas, “Wenn man gewusst hätte, was sich drühen im Reich abspielte.” 1941-1943 Was man in der Schweiz von der Judenvernichtung wusste, Base ! und Frankfurt am Main, Helbing & Lichtenhahn, 1994.
  • [3]
    La première allusion au “gazage” des Juifs dont nous ayons trouvé trace dans les fonds des Archives fédérales suisses, se trouve dans une notice datée du 17 novembre 1942, rédigée par un fonctionnaire du DPF, F. Schnyder, et lue par le chef du département, M. Pilet-Golaz (AFB, E 2001 (D) 3/39). F. Schnyder y relate son entretien avec un industriel suisse, Alphons Burri, qui revenait d'Allemagne où il avait rencontré des industriels haut placés, actifs dans le secteur de l'énergie électrique. L'un de ces industriels, un certain Dr Zimmermann, “ami de la Suisse et ennemi du régime nazi”, lui avait longuement parlé de la situation en Allemagne, de l'opposition au régime, des difficultés de celui-ci (“la guerre était déjà perdue pour le Reich”), et des menées de certains milieux nazis contre la Suisse. Zimmermann lui avait également parlé, très franchement, des horribles persécutions contre les Juifs, et avait évoqué le bruit suivant lequel on prévoyait comme prochaine mesure “le gazage de tous les Juifs mâles de 16 à 60 ans”.
  • [4]
    Lettre du capitaine Mayr, du service d'informations de l'armée, à R. Jezler, de la Division de police, du 9 février 1942. AFB, E 27/9981/5.
  • [1]
    Ce passage du rapport est cité dans l'original allemand dans les DDS, 14, p. 722. Nous avons repris dans notre texte la traduction française publiée par Ludwig, op. cit., pp. 184-185.
  • [2]
    Notice de Rothmund, du 6 septembre 1943. DDS, vol. 15 (sept. 1943-mai 1945), Beme, 1992, pp. 53-54.
  • [1]
    DDS, 14, pp. 721-724.
  • [2]
    Ibid., p. 720. Il n'y a pas eu, le 4 août, de réunion du Conseil fédéral (le gouvernement suisse), la plupart de ses membres étant alors en vacance. Il s'agit donc d'une “décision présidentielle”, adoptée à l'issue de consultations téléphoniques entre le président de la Confédération, le chef du département de Justice et Police, Ed. von Steiger, et d'autres membres du conseil.
  • [3]
    Ludwig, op. cit., pp. 190-193.
  • [4]
    Allocution prononcée par Rothmund le 30 décembre 1954, au moment de prendre sa retraite, in Ludwig, op. cit., p. 193.
  • [1]
    Ibid., p. 222. Ludwig avait pu consulter le procès-verbal de la séance, établi par un avocat bâlois. Cf. aussi Alfred A. Häsler, op. cit., p. 151ss. Gerhard Riegner avait été informé par l'industriel allemand Edouard Schulte, d'un plan d'extermination générale par les gaz, élaboré par les nazis. Cf. Jean-Claude Favez, Une mission impossible ? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis, Lausanne, Payot, 1988, p. 96. Cf. aussi, naturellement, le témoignage personnel de G. Riegner dans ce même recueil.
  • [2]
    Ludwig, op. cit., p. 194, et G. Koller, op. cit., p. 34.
  • [3]
    Ludwig, op. cit., p. 194.
  • [4]
    41 951 Juifs (en grande majorité étrangers) sont déportés en 1942 à Auschwitz, quasi exclusivement à partir de Drancy, sur un total de 75 721 Juifs déportés jusqu'au mois d'août 1944. Il n'y aura en tout que 2 564 survivants. Cf. Serge Klarsfeld, op. cit., p. 1091, et 1122-1125. Ce chiffre est assez proche de l'estimation fournie par le gérant du consulat de Suisse à Paris, qui écrit le 18 novembre 1942 au DPF que “à l'heure actuelle 40 000 Juifs étrangers plus quelques français ont été déportés dans l'Est ; le dernier convoi prévu pour cette année est parti la semaine dernière”. DDS, 14, p. 895.
  • [1]
    Ludwig, op cit., p. 227.
  • [2]
    Ibid., p. 216.
  • [3]
    Ibid., p. 377.
  • [4]
    Ludwig, op. cit., p. 206.
  • [1]
    Alfred Häsler, op. cit, p. 208.
  • [2]
    Ludwig, op. cit., p. 194.
  • [3]
    Ibid., pp. 199-200.
  • [4]
    Le général Guisan, commandant en chef de l'armée, réclame à plusieurs reprises du gouvernement l'introduction de la censure préventive, mais se heurte chaque fois à un net refus. Sa première intervention a lieu le 21 juin 1940. Cf. DDS, 13, pp. 745-746.
  • [5]
    Cf. les Instructions pour la surveillance de la presse et des agences de presse, du 12 septembre 1939, AFB, E 4450/33.
  • [6]
    Il s'agit du St-Galler Tagblatt, du 12 octobre. Cf. AFB, E 4450/6231.
  • [1]
    Circulaire du 2 juin 1943 de la Division presse et radio (nom de l'organisme chargé de la censure). DDS, 14, p. 1162.
  • [2]
    Lettre du 16 septembre 1942, in DDS, 14, pp. 778-779. En parlant de “tierce puissance”, Pilet-Golaz fait allusion à la Grande-Bretagne, qui en 1838 avait réussi à apaiser le conflit entre la Suisse et le roi Louis-Philippe, qui exigeait du gouvernement helvétique l'expulsion du prince Louis-Napoléon, le futur Napoléon III.
    Le 17 septembre, Pilet-Golaz utilise le même argument devant la Commission des affaires étrangères du Conseil national (la chambre basse du Parlement helvétique) : “Il est extrêmement douloureux de ne pas pouvoir ouvrir toutes grandes nos portes aux réfugiés. C'est une nécessité de fait. Nous devons rester maîtres chez nous, nous en avons l'obligation aussi vis-à-vis de l'étranger. Songeons à l'affaire Wohlgemuth et à celle du Prince Napoléon et n'oublions pas que cette fois-ci il n'y aurait pas de tierce puissance pour s'entremettre.” (Ibid., pp. 785-786). Cf. aussi l'annotation manuscrite de Pilet-Golaz, datée du 16 septembre (ibid., p. 776) : “Nous devrions [...] savoir que dans les 100 dernières années, 2 fois la Suisse fut à la veille d'une guerre à cause de réfugiés. Cette fois-ci il ne se trouvera plus une Angleterre pour ‘s'interposer'.”
  • [1]
    Pilet-Golaz n'ignore pas que l'arme dissuasive la plus efficace dont dispose alors la Suisse à l'égard de l'Allemagne est constituée par les fournitures de son industrie au Reich et par le franc suisse, seule devise acceptée alors par tous les belligérants. En novembre 1942, après l'occupation de la zone sud de la France par la Wehrmacht, le commandant en chef de l'armée suisse, le général Guisan, réclame du gouvernement une mobilisation supplémentaire des troupes pour faire face à un danger possible venant du Reich. Le gouvernement n'est pas du même avis et minimise le danger, soulignant le fait que l'Allemagne a tout intérêt au maintien de ses relations économiques avec la Suisse. Pour sa part, Pilet-Golaz déclare qu'“en nous attaquant, l'Allemagne perdrait tout et ne gagnerait rien”. Procès-verbal de la séance entre le général Guisan et une délégation du Conseil fédéral, du 23 novembre 1942. DDS, 14, pp. 940-943.
  • [2]
    Cité par G. Koller, op. cit., p. 29. Cf. aussi Ludwig, op. cit., p. 240 ss.
  • [1]
    Dans son étude, G. Koller, fournit de nombreux exemples sur le zèle mis en œuvre par le commandant Frédéric Rapp, officier responsable du Ve Arrondissement des douanes : op. cit., pp. 48, 51, 61, 63, 66.
  • [2]
    7857 exactement. Cf. ibid., p. 87 (tableau statistique avec le nombre des entrées mensuelles pendant la durée de la guerre).
  • [3]
    Je me permets de renvoyer ici à ma contribution, “I rifugiati italiani nelle Confederazione elvetica durante la seconda guerra mondiale. Bilancio provvisorio e presentazione delle fonti archivistiche”, in Una storia di tutti. Prigionieri, internati, deportati italiani nella seconda guerra mondiale [actes du colloque de Turin, 2-4 novembre 1987], Milano, Franco Angeli, 1989, pp. 205-228. L'ouvrage le plus complet sur le sujet est celui de Renata Broggini, Terra d'asilo. I rifugiati italiani in Svizzera 1943-1945, Bologna, Il Mulino, 1993.
  • [1]
    En tout, du 14 avril 1941 au 31 juillet 1943, 357 trains avec 180 981 personnes ont traversé la Suisse dans le sens sud-nord, et 226 trains avec 131 711 personnes ont transité dans le sens nord-sud. DDS, 14, pp. 46-47.
  • [2]
    Cf. Brunello Mantelli, “I lavoratori italiani trasferiti in Germania dal 1938 al 1945 : un tema dimenticato”, in Passato e Presente. Rivista di storia contemporanea, n° 38, mai-août 1996, pp. 101-111.
  • [3]
    Lettre du conseiller fédéral von Steiger à H. Rothmund, du 22 octobre. AFB, E 2001 (D) 3/278.
  • [4]
    Lettre du 23 septembre 1943, du DPF à Rothmund (ibid.). Cf. aussi la notice manuscrite d'un fonctionnaire du DPF, C. Stucki, du 22 septembre : “M. Rothmund [...] a les plus graves objections contre la reprise de ce trafic qui se ferait dans des conditions modifiées. Il n'y a plus accord à ce sujet entre les gouvernements allemand et italien : c'est plutôt l'enlèvement par la force d'une main-d'œuvre étrangère dans un pays occupé et son transport à travers un pays neutre.” Ibid.
  • [1]
    Cf. Liliana Picciotto Fargion, Il libro della memoria. Gli Ebrei deportati dall'Italia (1943-1945). Ricerca del Centro di documentazione ebraica contemporanea, Milano, Mursia, 1991. Voir aussi la contribution du même auteur dans l'ouvrage collectif publié par Wolfgang Benz, Dimension des Völkermords. Die Zahl der jüdischen Opfer des Nationalsozialismus, München, Oldenbourg Verlag, 1991, pp. 199-227.
  • [2]
    Cf. G. Koller (op. cit., p. 86 ss.), qui rectifie à la baisse les chiffres fournis par Ludwig sur le total des réfugiés civils.
  • [3]
    Cf. Raul Hilberg (La Destruction des Juifs d'Europe, Paris, Gallimard/Folio, 1991, t. II, p. 383), qui signale les pressions répétées d'Eichmann auprès du ministère des Affaires étrangères allemandes afin que les Juifs appartenant aux États neutres et vivant dans les territoires occupés soient également soumis aux mesures antijuives.
  • [4]
    Dans une lettre au DPF du 19 mars 1943, le ministre de Suisse à Berlin en dénombre en tout 22, et ajoute que les consulats suisses se chargent de leur rapatriement. DDS, 14, p. 1034.
  • [5]
    Ibid., pp. 737-738.
  • [1]
    Lettre au DPF du 18 novembre. Ibid., pp. 894-895.
  • [2]
    Ibid., p. 896.
  • [3]
    P. Bonna au consul Naville, 7 janvier 1943. Ibid., p. 960.
  • [4]
    Aux Archives fédérales suisses (E 2001 (D) 3/143), on trouve des rapports sur les conditions d'internement du camp de Drancy. Un collaborateur du consulat de Suisse à Paris a en effet pu se rendre à l'intérieur du camp pour y visiter les internés suisses.
  • [5]
    DDS, 14, pp. 962-963. Pour plus d'informations, cf. AFB, E 2001 (D) 3/458.
  • [1]
    S. Koller, op. cit., pp. 94-95. Dans son tableau à p. 94, Koller comptabilise 10 782 personnes refoulées en mars 1944, mais ajoute dans une note que parmi les refoulés en février et mars 1944 il n'y avait que 10 réfugiés juifs.
  • [2]
    Op. cit., p. 304.
  • [3]
    Cf. le récent témoignage de Rudolf Vrba, “Die missachtete Warnung. Betrachtungen über das Auschwitz-Bericht von 1944”, dans la revue Viertelsjahrshefte für Zeitgeschichte, 1996, n° 1, pp. 1-24. L'auteur y fournit de précieuses informations sur la rédaction du rapport et sur son cheminement jusqu'en Suisse. Pour d'autres détails sur l'arrivée du rapport en Suisse et sa diffusion dans le pays, cf. AFB, E 2001 (D) 1968/74/14.
  • [1]
    Le 25 juin, le Pr. Karl Barth transmet une copie du rapport au conseiller fédéral socialiste, Ernst Nobs. Le lendemain, A. Koechlin, président de la Fédération des Églises protestantes de Suisse, en envoie une autre copie à Marcel Pilet-Golaz (ibid). Le 28 juin, le ministre de Suisse à Budapest expédie à son tour un exemplaire du rapport au chef du DPF (DDS, 15, p. 480).
  • [2]
    Sur le rôle de la presse helvétique dans la diffusion du rapport sur Auschwitz, cf. AFB, E 2001 (D) 3/172.
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