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Article de revue

Protéger l’enfant ou le punir ? Œuvre de charité, œuvre de défense sociale : la maison d’éducation pour jeunes filles catholiques du Neuhof (1853-1918)

Pages 29 à 53

Notes

  • [1]
    Article élaboré d’après un mémoire de Master, présenté en septembre 2008 à l’Université de Strasbourg sous la direction de Mme Catherine MAURER, 264 p, 1er prix du Comité national d’histoire de la Sécurité sociale.
  • [2]
    Voir Imbs Paul, Trésor de la langue française : dictionnaire de la langue du XIXe et du XXesiècles (1789-1960), Paris, CNRS, 1971, vol 14, article « rééduquer ».
  • [3]
    Dupont- Bouchat Marie- Sylvie et Alii (sous la direction de), Enfants corrigés, enfants protégés : Genèse de la protection de l’enfance en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au Québec (1820-1914), Universités d’Angers, Louvain, Groeningen, Montréal, 1995, p.12-15.
  • [4]
    Voir Dekker Jeroen, The Will to change the child. Re-education homes for children at risk in nineteenth century western Europe, Peter Lang : Francfort, Berlin, Berne, 2001.
  • [5]
    Duprat Catherine, « Punir et guérir. En 1819, la prison des philanthropes », in Perrot Michelle, Foucault Michel, L’impossible prison : recherches sur le système pénitentiaire au XIXe siècle, Paris, Editions du Seuil, coll. « L’univers historique », 1980, p. 64-105.
  • [6]
    Dupont-Bouchat Marie-Sylvie et Alii (sous la direction de), op.cit., p.52-54.
  • [7]
    Ibidem, p. 69-78 ; p. 92-93 ; p. 100-113.
  • [8]
    Texte complet de la loi in Rossler Elsa, Protéger l’enfant ou le punir ? Œuvre de charité, œuvre de défense sociale : La maison d’éducation pour jeunes filles catholiques du Neuhof, 1853-1918, Mémoire de Master, Strasbourg, 2008, p. 201-203.
  • [9]
    Dupont-Bouchat Marie-Sylvie et Alii (sous la direction de), op. cit., p. 88.
  • [10]
    Voir texte complet de la loi in Rossler Elsa, op.cit., p. 201-203.
  • [11]
    Langlois Claude, Le catholicisme au féminin : les congrégations françaises à supérieure générale au XIXe siècle, Paris, Editions du Cerf, coll. « Histoire », p. 13.
  • [12]
    Pour plus de détails, voir chapitre IV « Que font les œuvres ? » de l’ouvrage d’habilitation de Catherine Maurer : Pour une histoire sociale et culturelle du fait religieux en Allemagne et en France XIXe-XXe siècles. Dieu dans la ville. Les catholiques et la demande sociale urbaine en Allemagne et en France XIXe-début XXe siècles,2007.
  • [13]
    Langlois Claude, « L’introduction des congrégations féminines dans le système pénitentiaire français (1839-1880) », in Petit Jacques-Guy (dir.), La prison, le bagne et l’histoire, Paris : Librairie des Méridiens ; Genève : Médecine et hygiène, coll. « Déviance et société », 1984, p. 129-140.
  • [14]
    Voir Herrmann Robert, Madame Adèle de Glaubitz, 1797-1858 : aux origines des Sœurs de la Croix de Strasbourg, Strasbourg, Les Sœurs de la Croix, 1989.
  • [15]
    ASC, CON 1 A 1, dossier 9, contrat, 15 octobre 1847.
  • [16]
    Lettre adressée au préfet en 1852. Citée par Herrmann, op.cit., p. 114.
  • [17]
    Matthieu (24 ; 13).
  • [18]
    Au sujet de l’évolution de l’effectif des pensionnaires, voir graphique joint en annexe. p. 53.
  • [19]
    Dupont-Bouchat Marie-Sylvie et Alii (sous la direction de), op.cit., p. 121.
  • [20]
    Paul Buquet, Tableau de la situation morale et matérielle en France des jeunes détenus et des jeunes libérés, et recherche statistique sur les colonies agricoles, les établissements correctionnels et les sociétés de patronage de jeunes détenus, Paris, Imprimerie administrative, 1853, 78 p., cité par Dupont-Bouchat Marie-Sylvie et alii (sous la direction de), op.cit, p. 132.
  • [21]
    Des contrôles sont en effet mentionnés pour les années 1855, 1857, 1859, 1860, 1862, 1863, 1866, 1868, 1869 et juillet 1870. Voir ADBR, série Y, dossiers Y 122, Y 126 et Y 127 ; ASC, ST/E 8 F, dossier F 10 ; ASC, ST/E, registres n° 4 et 6.
  • [22]
    Voir ADBR, série Y, dossier Y 126, lettre du ministre de l’Intérieur au préfet, 21 janvier 1864.
  • [23]
    ADBR, série Y, dossier Y 126, lettre du préfet du Bas-Rhin au ministre de l’Intérieur, 24 février 1864.
  • [24]
    ADBR, série Y, dossier Y 126, lettre du ministre de l’Intérieur au préfet, 30 décembre 1867 et lettre du ministre de l’Intérieur au préfet, 07 mai 1868.
  • [25]
    Herrmann Robert, Madame Adèle de Glaubitz, 1797-1858, aux origines des Sœurs de la Croix de Strasbourg, Strasbourg, Les Sœurs de la Croix, 1989, p. 154.
  • [26]
    ASC, ST/E 4 F, dossier F 9, lettre du préfet du Bas-Rhin à la directrice de l’IJSC, 16 mai 1871. Les enfants de nationalité « étrangère » sont les enfants de nationalité française, c’est-à-dire celles qui sont nées en dehors de la région Alsace-Moselle.
  • [27]
    La communauté des Sœurs de la Providence possède en effet des bâtiments à Bavilliers, en territoire français ; suite à la guerre franco-prussienne, les Sœurs de la Providence transfèrent sur le territoire de Belfort leur maison correctionnelle auparavant implantée à Ribeauvillé (Haut-Rhin).
  • [28]
    ADBR, série 27 AL, dossier 867, extraits de l’article « Über Zwangserziehung jugendlicher Personen. Unter besondere Berücksichtigung der Verhältnisse in Elsaß-Lothringen », in Straßburger Post, samedi 19 octobre 1889, édition du matin.
  • [29]
    Ibidem.
  • [30]
    ADBR, série 27 AL, dossier 513, lettre du ministère d’Alsace-Lorraine au Statthalter, 17 janvier 1883.
  • [31]
    Exception faite des enfants placés en correction paternelle. Ce phénomène reste néanmoins minoritaire.
  • [32]
    ADBR, série 27 AL, dossier 867, loi du 18 juillet 1890. Texte complet de la loi in Rossler Elsa, op.cit., p. 207-209. Cette loi relève du droit civil et non du droit pénal.
  • [33]
    ADBR, série 27 AL, dossier 867, projet de loi, justifications, 1er février 1890.
  • [34]
    Voir Grüneberg Paul, Beziehungen der Verunreinigung des Grundwassers zum Typhus abdominalis, erläutert am Beispiel der Typhus-Hausepidemie der kathol. Besserungs-Anstalt und des Hauses Polygonstrasse 8 zu Straßburg-Neuhof im Herbst 1894. Aus dem Laboratorium der medizinischen Klinik (bacteriologische Abteilung unter Leitung von E. Levy), Thèse, Strasbourg, Goeder C.J, 1896, 215 p.
  • [35]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 12, échanges épistolaires entre les directions de plusieurs établissements de correction rassemblées et le baron de Lichtenstein, 1908-1911.
  • [36]
    ADBR, série 281 D, dossier 101 et ASC, ST/3 7 M, dossier M 37.
  • [37]
    ASC, ST/E 7 M, dossier M 37, lettre de l’administration pénitentiaire à la direction, 1er décembre 1913.
  • [38]
    ASC, ST/E 7 M, dossier M 37, rapport de la direction à l’Administration pénitentiaire, 24 décembre 1913.
  • [39]
    ASC, registre n°2 (1848-1870) ; données pour 303 jeunes détenues.
  • [40]
    Ibidem.
  • [41]
    Cf. Migneret Jean-Baptiste-Stanislas-Martial (dir.), Description du Département du Bas-Rhin, Strasbourg, Veuve Berger-Levrault et Fils, Tome III, 1871, p. 372.
  • [42]
    ASC, registre n° 9 (1903-1918) ; données pour 513 pensionnaires.
  • [43]
    ASC, registres n° 2 et 9.
  • [44]
    ASC, ST/E 7 M 1, dossiers M 38 et M 39, dossiers personnels des pensionnaires, 1853-1918 ; ADBR, série 87 AL, dossiers 649/1, 649/2, 650/1, 651/1, 651/2, 652/1, 652/2, 653/1, 653/2, 653/3, 738 et 739. Aux archives des Sœurs de la Croix, 51 dossiers « français » (1853-1870) et 14 dossiers « allemands » (1871-1918) ont été archivés. 31 dossiers datant de la période du Reichsland, et retrouvés aux archives départementales du Bas-Rhin, ont complété le fond privé et permis de rétablir un certain équilibre entre les deux périodes étudiées.
  • [45]
    ASC, registre n°2, 1848-1870 ; données pour 303 jeunes détenues.
  • [46]
    Ibidem.
  • [47]
    ASC, série M 38, dossiers personnels des jeunes détenues, 1853-1870.
  • [48]
    ASC, registre n° 9, 1903-1918 ; données pour 515 pensionnaires.
  • [49]
    ASC, ST/E 7 M 1, dossiers M 38 et M 39, dossiers personnels des pensionnaires, 1853-1918 ; ADBR, série 87 AL, dossiers 649/1, 649/2, 650/1, 651/1, 651/2, 652/1, 652/2, 653/1, 653/2, 653/3, 738 et 739.
  • [50]
    Ibidem.
  • [51]
    ASC, ST/E série M, dossier M 39, dossiers personnels des pensionnaires, 1871-1918 ; ADBR, série 87 AL, dossiers 649/1, 649/2, 650/1, 651/1, 651/2, 652/1, 652/2, 653/1, 653/2, 653/3, 738 et 739.
  • [52]
    ASC, ST/E. Informations relevées dans divers documents, séries M et F.
  • [53]
    ASC, ST/E 3 K, dossier K 29, rapport concernant la formation pédagogique des religieuses, 08 janvier 1914.
  • [54]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 11, règlement intérieur de la maison, 1919.
  • [55]
    ASC, 2 G, Constitutions et règlements des Sœurs de la Croix du diocèse de Strasbourg, constitutions approuvées le 11 octobre 1884.
  • [56]
    Durkheim Emile, L’évolution pédagogique en France, 2e édition, Paris, PUF, coll. « Bibliothèque scientifique internationale, section pédagogie », 1969, p. 139, cité par Alain Vilbrod dans « Grandir tant bien que mal derrière les hauts murs d’une institution religieuse : les orphelins-apprentis d’Auteuil », in Delpal Bernard, Faure Olivier, Religion et enfermements : XVIIIe-XXe siècles, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Histoire », p. 55.
  • [57]
    ASC, ST/E 7 M 1, dossier M 39, dossiers personnels des pensionnaires, période allemande. Dossier de Joséphine R., décret d’entrée dans la maison d’éducation, 2 mai 1900.
  • [58]
    ASC, ST/E registre n° 5, registre des visites à l’arrivée des jeunes détenues, 1867-1870.
  • [59]
    Evaluation de l’aumônier retranscrite dans quelques dossiers personnels datant de la période allemande. ASC, ST/E 7 M 1, dossier M 39.
  • [60]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 11, règlement intérieur, 1919.
  • [61]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 12, lettre du Baron de Lichtenstein à la direction du Neuhof, 20 novembre 1905.
  • [62]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 12, lettre de la directrice à l’administration pénitentiaire, 02 décembre 1905.
  • [63]
    Au cours de la période française, il est prévu que les enfants insubordonnés des colonies pénitentiaires soient transférés dans un quartier d’éducation correctionnelle, au régime plus sévère. Ce n’est cependant qu’en 1868 que l’administration envisage la création d’un tel quartier pour les jeunes filles (aménagé dans la prison de Nevers). Cf. ASC, ST/E 8 F, dossier F 10, circulaire ministérielle relative à l’installation de quartiers correctionnels dans les maisons d’arrêt, 19 juin 1868.
  • [64]
    Texte complet in Rossler Elsa, op.cit., p. 216.
  • [65]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 12, lettre du ministère d’Alsace-Lorraine, section de la justice et des cultes, à la direction du Neuhof, 29 juin 1912.
  • [66]
    En ce qui concerne les emplois du temps des pensionnats, voir Bricard Isabelle, Saintes ou pouliches, l’éducation des jeunes filles au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1986, 352 p. et Rogers Rebecca, Les demoiselles de la Légion d’Honneur, Paris, Perrin, 2006, 373 p.
  • [67]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 11, règlement intérieur, 1919.
  • [68]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 11, règlement intérieur, 1919.
  • [69]
    ASC, registre n° 4, registre de statistique morale, 1867-1870.
  • [70]
    Ensemble des textes juridiques in Rossler Elsa, op.cit., annexe 3, « principales lois et ordonnances concernant la jeunesse délinquante et moralement abandonnée, qui ont été en vigueur en Alsace au cours de la période 1853-1918 ».
  • [71]
    ASC, ST/E registres n° 2 et n° 9.
  • [72]
    ASC, ST/E registre n° 2, registre d’écrou, 1848-1870.
  • [73]
    ASC, ST/E registre n° 9, 1903-1918.
  • [74]
    ASC, ST/E, registre n° 4, registre de statistique morale, 1867-1870.
  • [75]
    Ibidem.
  • [76]
    Ibidem.
  • [77]
    Gardet Mathias, Vilbrod Alain, Les Orphelins-Apprentis d’Auteuil : Histoire d’une œuvre, Paris, Belin, 2000.
  • [78]
    Bricard Isabelle, Saintes ou pouliches, l’éducation des jeunes filles au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1986, p. 78.

1Le XIXe siècle voit l’apparition d’un nouveau phénomène : dans toute l’Europe émergent des établissements de rééducation, structures spécifiques destinées à accueillir de jeunes délinquant(e)s. Créée en 1853 aux portes de Strasbourg, la maison d’éducation pour jeunes filles catholiques du Neuhof s’inscrit dans ce vaste mouvement : par bien des traits, elle est en effet une institution disciplinaire par excellence. En parallèle cependant, elle se révèle être aussi une entreprise originale ou ayant tout au moins un caractère propre et un destin particulier. Une vingtaine de pages ne peut malheureusement retranscrire toute la richesse des archives, mais ce résumé donnera peut-être à certains lecteurs l’envie d’en savoir davantage sur cette institution...[1]

figure im1
« L’éducation affaiblit le penchant au mal et fortifie le penchant au bien »
(Mlle de Somery)
« Le bonheur des peuples et la tranquillité des Etats dépendent de la bonne éducation de la jeunesse »
(J.-L. Mabire)

2Les établissements de rééducation, structures destinées à accueillir de jeunes délinquants, sont un phénomène nouveau qui émerge en Europe au cours du XIXe siècle. Le but de ces institutions est alors de « rééduquer » leurs pensionnaires, c’est-à-dire en ce temps-là « donner une éducation nouvelle, afin de corriger ou réformer une mauvaise orientation » [2]. Il faut dire qu’auparavant - et durant des siècles -, au sein des hospices, des hôpitaux généraux, des dépôts de mendicité et des prisons de force, le jeune enfant vagabond ou chapardeur était mélangé aux adultes, sans distinction, dans le cadre d’une politique de « grand renfermement ». Voilà pourquoi les premières décennies du XIXe siècle marquent une véritable rupture : une volonté de séparation et de distinction des traitements s’affirme progressivement. Les années 1820-1840 voient un profond changement des mentalités, l’on a désormais le sentiment que l’enfance est spécifique et qu’il est donc nécessaire de séparer complètement les jeunes détenus du monde adulte. Des maisons de correction particulières sont ainsi créées ; la rééducation y est pensée dans l’intérêt du délinquant, mais aussi dans celui de la société où ces groupes causent des troubles [3]. La rééducation en institution a été adoptée environ de façon simultanée par l’ensemble des pays occidentaux [4].

3L’histoire de la maison d’éducation pour jeunes filles catholiques du Neuhof s’inscrit sans conteste dans ce large phénomène -européen dans son étendue-, mais avec des spécificités inhérentes à chaque pays. En retraçant et analysant une partie de l’existence de cette institution, nous tenterons de découvrir son « identité » : en quoi l’œuvre a-t-elle pu évoluer en conformité avec les idées qui se développaient autour d’elle ? En quoi également a-t-elle pu manifester une certaine originalité ?

4Etablissement caritatif géré par une congrégation religieuse et établissement pénitentiaire tout à la fois, abritant en outre une « clientèle » spécifique (des jeunes filles), la maison d’éducation du Neuhof s’ouvre à nous…

La fondation

5La création de la maison d’éducation pour jeunes filles catholiques du Neuhof ne pourrait se comprendre détachée de son contexte ; elle est intimement liée au mouvement pénitentiaire et au mouvement congréganiste.

Sortir les enfants des prisons

6La prison des débuts du XIXe siècle s’avère être un lieu anarchique, désordonné, oisif, où tous les détenus se côtoient, sans distinction d’âge, du grand criminel au petit délinquant, en passant par le vagabond et l’émeutier. Les locaux sont en outre vétustes, insalubres et encombrés. Il est alors facile de présumer que le régime intérieur des prisons nourrit la récidive [5]

7Vers 1815, divers projets et expériences voient le jour en vue de perfectionner le système pénitentiaire, en particulier pour éviter aux enfants la dangereuse cohabitation. Ce sont des philanthropes, hommes laïcs ou ecclésiastiques, hommes privés ou hommes d’Etat, qui sont à l’origine de cette dynamique. La question des jeunes détenus intéresse de plus en plus, tous les protagonistes insistent sur l’importance de la question. Le premier constat pour ces spécialistes est que la croissance de la délinquance des jeunes trouve son origine dans les défauts du système d’éducation et dans un abaissement général de la moralité. Les classes pauvres de la société sont les premières visées. Le second constat est que, contrairement au prisonnier adulte, la réforme morale de l’enfant n’est pas considérée comme impossible ; il y a toujours un espoir et la prison peut permettre de replacer la jeune personne sur le droit chemin [6].

8Selon les philanthropes et les spécialistes, il est donc impératif de séparer les jeunes des détenus adultes : cette exigence est forte, claire, mais elle va s’avérer difficile à mettre en œuvre, principalement pour des raisons financières. Trois voies, très différentes, sont simultanément expérimentées entre 1820 et 1848 : après avoir entrepris dans les années 1820 la construction de quartiers spécifiques pour les jeunes au sein des prisons, après avoir ensuite tenté de placer les jeunes détenus en apprentissage chez des paysans ou des artisans (circulaire du Comte d’Argout, 1832), une troisième solution est envisagée : la construction d’établissements réservés aux mineurs. Entre 1830 et 1850, les spécialistes s’interrogent sur le meilleur établissement possible ; ils se divisent sur sa nature, mais assez vite le débat se polarise autour de l’affrontement de deux modèles :

  • La Petite Roquette (département de la Seine) incarne le modèle cellulaire : la séparation des jeunes y est continue. L’idée maîtresse de cet établissement est d’éviter tout contact entre des jeunes pervertis à des degrés variés,
  • Mettray (département d’Indre-et-Loire) est une colonie agricole privée fondée en 1839. L’idée est ici de regrouper les enfants et de les employer aux travaux des champs. L’on croyait alors en d’éventuelles vertus morales naturelles attachées au travail du sol et au contact avec la nature, loin des villes pernicieuses. L’ouverture de la colonie a un retentissement énorme ; dès le départ, la maison jouit d’une renommée sans égale. Mettray suscite un incroyable engouement : un grand nombre de colonies agricoles se crée à sa suite. Ces initiatives, qui constituent la première vague du secteur privé, ne répondent à aucun programme prédéfini par l’administration des prisons ; celle-ci accompagne alors, plus qu’elle ne suscite [7].

9La loi du 5 août 1850 « sur l’éducation et le patronage des jeunes détenus [8] » valide cette expérience des colonies agricoles et va marquer pour plus de cent ans l’éducation correctionnelle en France. Son principe de base est de donner une « éducation morale, religieuse et professionnelle » au mineur détenu et cette formation doit s’accomplir dans des établissements spécifiques. La loi donne pour cinq ans la priorité aux établissements privés -question d’économies budgétaires- et le vote de la loi du 5 août 1850 donne naissance, dans les années qui suivent, à une seconde vague d’ouverture de colonies agricoles privées. L’investissement de ce secteur par le monde catholique s’affirme, puisque la moitié des créations environ est réalisée par des congrégations ou des prêtres.

10L’ensemble de ce que nous venons d’évoquer concerne cependant avant tout les jeunes détenus de sexe masculin. Concernant les jeunes filles, nous n’avons de manière générale que très peu d’informations. Leur rééducation n’a jamais suscité grand intérêt chez les philanthropes et les spécialistes. Il n’y a pas eu pour elles de batailles symboliques autour d’un établissement modèle. Leur nombre est inférieur à celui des garçons détenus et donc la situation apparaît peut-être moins inquiétante. Au final, les jeunes filles restent bien plus longtemps que les garçons dans les maisons d’arrêt et de sûreté, en compagnie des femmes adultes [9]. Bien que la loi de 1850 ne soit pas très explicite en ce qui concerne les jeunes détenues, elle témoigne néanmoins de la volonté d’attribuer, aux filles aussi, un établissement spécifique. Les jeunes filles doivent être détenues dans des « maisons pénitentiaires » où elles doivent être « appliquées aux travaux qui conviennent à leur sexe » - autrement dit couture et travaux ménagers et non travaux des champs, qui seraient réservés au départ aux garçons uniquement [10]. C’est sur ce point notamment que la maison du Neuhof semble montrer une certaine originalité car dès le départ, la fondatrice Adèle de Glaubitz, prévoit d’appliquer les jeunes détenues aux travaux agricoles.

Essor des congrégations féminines et réponses à de nouveaux besoins

11L’explosion congréganiste est « un phénomène marquant de l’histoire sociale de la France au XIXe siècle » [11]. Le renouveau vient principalement des congrégations féminines qui connaissent alors un essor exceptionnel et tout particulièrement des congrégations féminines à supérieure générale, modèle d’organisation devenu dominant. Cette extraordinaire efflorescence atteste le renouveau du catholicisme au XIXe siècle mais révèle également la place qui est faite aux congrégations dans la société et les fonctions qui leur sont reconnues. La nouveauté majeure de ces congrégations, et qui les distingue profondément du modèle antérieur de la religieuse, est en effet la volonté d’être au service du corps social pour répondre à ses besoins. Les demandes au XIXe siècle sont plus diversifiées et surtout plus massives. La société encourage alors à cette époque la multiplication des congrégations, dont le rôle est de suppléer aux carences du gouvernement en matière de social, éducatif et paramédical [12].

12Au mois d’avril 1839, une décision ministérielle marque officiellement l’introduction de religieuses dans les prisons de femmes. Dix ans après, la loi du 5 août 1850 ouvre encore de nouvelles perspectives aux congrégations féminines : il leur est désormais possible de créer des établissements de rééducation. Les congrégations qui recueillent des orphelines, des enfants abandonnées sont très vite intéressées, de même que celles qui possèdent des refuges pour femmes délaissées ou prostituées repenties [13].

L’œuvre d’Adèle de Glaubitz

13Bien que la multiplication des fondations engendre un large phénomène social, chaque création d’une congrégation est vécue comme un évènement unique pour celles qui l’expérimentent. Chaque fondation tient à affirmer sa singularité et la personnalité des fondatrices est déterminante : ces femmes marquent de leur empreinte l’œuvre à laquelle elles consacrent leur vie. Ce sont elles qui définissent l’esprit qui animera la congrégation.

14Dorothée Adèle de Glaubitz naît le 1er février 1797 dans un petit village situé aux environs de Sélestat (Bas-Rhin). En 1835, elle crée l’Institut des jeunes servantes catholiques (IJSC), une œuvre privée laïque à ses débuts, qui a pour but d’instruire et d’éduquer des jeunes filles indigentes, orphelines, abandonnées, afin de procurer à ces enfants un emploi de servante. L’institution dispose tôt d’une bonne renommée et le nombre des pensionnaires s’accroît au fur et à mesure, jusqu’à atteindre la soixantaine vers le milieu des années 1840. Le succès de l’institution étant avéré, Adèle de Glaubitz décide de créer en février 1848 la Congrégation des Sœurs de la Croix, qui consolide et assure un encadrement stable à l’IJSC [14].

15Quelques mois auparavant, à la fin de l’année 1847, l’IJSC accueille une nouvelle catégorie de pensionnaires : de jeunes détenues. En effet, suite à l’encombrement du quartier d’éducation correctionnelle de la prison de Strasbourg, le préfet demande à Adèle de Glaubitz d’accueillir des jeunes filles délinquantes. Avant la célèbre loi du 5 août 1850, un contrat est donc établi entre l’administration et la congrégation. Cette dernière doit se charger de l’entretien et de l’instruction des délinquantes comme elle le fait déjà pour les autres pensionnaires orphelines, mais pour les jeunes détenues, l’administration donne un prix de journée de 82 centimes par personne accueillie [15]. La promiscuité entre les jeunes filles abandonnées et les jeunes détenues pose cependant très vite problème à la directrice : dans une lettre adressée au préfet en 1852, Adèle de Glaubitz explique que parmi les délinquantes, « il s’en trouve un grand nombre dont les moyens ne peuvent être utilisés pour l’état de domestiques en ville ; on voit la nécessité de les élever à la campagne pour en faire de simples domestiques de laboureurs » [16]. La fondatrice envisage alors de créer une maison filiale réservée uniquement aux jeunes détenues et constituant un pénitencier agricole. Une grande quête permet de drainer vers la communauté l’argent et les vocations nécessaires à son expansion… En 1852, la congrégation des Sœurs de la Croix achète la vaste propriété du Neuhof : 18 ha et demi comprenant maison d’habitation avec grange, écurie, cour, jardin, terres arables et prés. Au printemps 1853, 18 jeunes détenues sont transférées dans cette nouvelle succursale spécialisée de l’IJSC. Le quartier disciplinaire du Neuhof ouvre ses portes…

« Celui qui persévèrera jusqu’à la fin sera sauvé » [17]. Chronique de la maison d’éducation du Neuhof, de sa naissance à l’Armistice de Rethondes

16Heures heureuses ou heures sombres, l’histoire d’un établissement est loin d’être monocorde. Tout au long de la période étudiée, la maison d’éducation du Neuhof a grandi, évolué, mais elle a aussi dû faire face à de multiples épreuves [18].

Critique ou soutien ? La position ambiguë de l’administration française (1853-1870)

17Les œuvres privées et l’administration publique, caricaturées souvent comme deux mondes antagonistes, entretiennent en réalité - et malgré une certaine défiance réciproque - un jeu subtil de va et vient, de délégation de mission. Suite au vote de la loi du 5 août 1850, qui donne dans un premier temps la priorité au secteur privé, l’administration française va adopter à l’égard des colonies agricoles créées par des particuliers ou des associations une attitude ambiguë, à la fois critique et dénonciatrice, mais en même temps utilitaire [19].

18Les établissements privés sont considérés par l’administration pénitentiaire comme des « instruments indispensables qu’un "bon gestionnaire" doit se garder d’éliminer » : en effet ils autorisent une gestion souple des populations de jeunes détenus (les effectifs sont modulables selon les besoins). Malgré tout, les œuvres privées ne sont pas sans susciter la méfiance et la critique. Paul Buquet, inspecteur général adjoint, tout en attribuant divers mérites aux institutions privées, insiste lourdement sur le poids des dépenses d’entretien de ces établissements pour le budget de l’Etat [20]. Ainsi, à l’aide de circulaires ou de divers moyens de pression (comme par exemple faire jouer la concurrence entre les divers établissements), l’Etat cherche à diminuer sa participation aux frais d’entretien des jeunes colons placés dans les instituts privés. L’établissement des Sœurs de la Croix n’est nullement épargné par ces mesures d’économie.

19Si aux yeux de l’Etat il est essentiel de parvenir à diminuer les frais occasionnés par les établissements privés, il est tout aussi crucial pour lui de réussir à contrôler cette kyrielle d’œuvres. De multiples instructions sont données à cet effet depuis la loi du 5 août 1850 : elles ont pour but de régler l’instruction primaire, l’enseignement professionnel etc. La mise en place de « normes » est censée diminuer la part d’autonomie des établissements particuliers. Mais que seraient tous ces écrits s’il n’y avait, sur le terrain, aucun employé de l’Etat dont le rôle serait de vérifier la bonne marche des établissements ? Les inspections, plus ou moins bienveillantes, sont-elles aussi de très efficaces moyens de pression. Il semblerait que la maison d’éducation du Neuhof ait reçu chaque année (ou presque) la visite de l’inspecteur général des prisons [21]. Les archives ne donnent cependant que très peu d’informations sur le résultat de ces visites, excepté pour l’inspection générale de 1863, au cours de laquelle Mme Muller, inspectrice, formule de nombreux griefs contre l’institut du Neuhof. Elle pointe l’insuffisance des bâtiments, le fait que les jeunes détenues sont négligées par la direction, ainsi que l’extrême sévérité des sœurs éducatrices [22]. Dans une longue lettre, la directrice répond point par point et réfute toutes les accusations de Mme Muller. Le préfet quant à lui, conformément aux instructions, donne au gouvernement son avis sur cette affaire. Il prend la défense de la congrégation des Sœurs de la Croix en précisant que c’est la première fois que des renseignements déplorables sont recueillis sur l’IJSC. Selon lui, l’inspectrice aurait visité l’établissement trop à la hâte [23]. L’« affaire » s’arrête ici selon les archives. Sans doute la haute administration préfère-t-elle l’immobilisme face à deux versions totalement contradictoires, d’autant plus que le préfet du département prend la défense de l’œuvre des Sœurs de la Croix.

20Au-delà de cette ambiance générale faite de méfiance et de critique vis-à-vis des établissements privés, il est important de souligner qu’au final chaque institution est unique et peut, suivant la politique de son directeur, recueillir le soutien de l’administration. Le ministère de l’Intérieur accorde ainsi à deux reprises (1867 et 1868) une subvention extraordinaire à l’IJSC [24]. De plus, en 1862, l’Etat donne une légitimité particulière aux Sœurs de la Croix en reconnaissant par décret impérial leur congrégation « Association religieuse de Charité » [25]. Enfin, le département et la ville de Strasbourg offrent tous deux à l’Institut une allocation annuelle (respectivement 500 et 300 francs).

Les années 1870 : une rupture. Agonie, mort et résurrection de la maison d’éducation du Neuhof (1870-1883)

21Le 19 juillet 1870, la France engage les hostilités contre la Prusse et dès le mois d’août, le sort de l’Alsace semble scellé… L’annexion de cette dernière ainsi que l’annexion du département de la Moselle devient définitive lors de la signature du Traité de Paix de Francfort, le 10 mai 1871. La maison des Sœurs de la Croix ne sort alors pas indemne de cette épreuve…

22Au mois de mai 1871, le préfet du Bas-Rhin informe la directrice de l’IJSC que la caisse du Land ne pourra plus prendre en charge les frais d’entretien des pensionnaires « de nationalité étrangère » [26]. Quelques mois plus tard, l’administration allemande décide le rapatriement de toutes les détenues françaises, cependant la situation des jeunes internes du Neuhof reste en suspend jusqu’à l’été 1872. Les évènements s’enchaînent par la suite : au mois d’août 1872, le ministre de l’Intérieur décide le transfert des jeunes détenues de nationalité française du Neuhof vers Bavilliers, chez les Sœurs de la Providence [27]. Ce transfert est effectif au mois de septembre. Malgré l’arrivée de quelques nouvelles détenues, la maison d’éducation du Neuhof n’a jamais connu d’effectif aussi bas (18 enfants en juin 1873).

23Parallèlement à tout cela, dès le mois d’août 1872, l’administration allemande envisage la fondation d’un établissement public de correction pour jeunes délinquantes. Une section destinée à accueillir ces jeunes filles est installée dans une aile du pénitencier pour femmes d’Haguenau et ouvre de manière effective le 1er janvier 1874 avec 34 enfants [28]. Toutes ces filles proviennent de divers établissements privés d’Alsace, sans distinction de confession. A cette date, vidée de sa substance, la maison disciplinaire de l’IJSC ferme ses portes…

24Le nombre de jeunes filles prises en charge à Haguenau augmente peu à peu, jusqu’à atteindre au début des années 1880 l’effectif de 110 détenues. En raison de la capacité limitée des locaux, ainsi qu’en raison « des divers inconvénients nécessairement engendrés par le rassemblement, sous un même toit, d’un si grand nombre de jeunes filles avec des femmes purgeant une peine d’emprisonnement », il paraît nécessaire de trouver une autre organisation. L’administration décide alors de revenir au mode de placement antérieur, c’est-à-dire de confier les jeunes pensionnaires à des établissements privés [29]. Dès l’année 1882, le ministère engage des pourparlers avec deux congrégations : les Sœurs de la Croix (catholiques) et les Diaconesses (protestantes). Après de âpres négociations (au sujet notamment du prix de journée et de l’étendue du contrôle de l’administration), un contrat est signé au mois de janvier 1883 entre les Sœurs de la Croix et l’administration du Land. Comme l’indique le secrétaire d’Etat Von Hofmann dans une lettre qu’il adresse au Statthalter impérial Von Manteuffel, les conventions établies avec les congrégations sont loin d’être défavorables du point de vue financier pour l’administration : la congrégation des Sœurs de la Croix, ainsi que la communauté des Diaconesses prennent en effet en charge l’intégralité des frais d’entretien des pensionnaires pour la somme de 70 Pfennigs par personne et par jour, tandis que les aides publiques exigées par la maison d’éducation de Haguenau en 1881/1882 s’élevaient à 73 Pfennigs par personne et par jour. De plus, même si l’administration accorde 2 000 Marks aux Sœurs de la Croix -ce qui équivaut environ à la moitié de la somme que la congrégation aura à dépenser pour les premiers aménagements, elle économise 250 000 Marks qui auraient été nécessaires à la construction d’un nouvel établissement public de correction spécialement destiné aux filles [30]. Le 2 juillet 1883, 66 jeunes détenues catholiques sont transférées d’Haguenau à la maison du Neuhof.

1883-1918 : une période contrastée. Croissance et souffrances

25Au cours de l’année 1890, une importante évolution a lieu au sein de l’institution des Sœurs de la Croix. Jusqu’à présent, dans le Reichsland Elsass-Lothringen, seuls les enfants ayant commis un acte répréhensible étaient placés, en vertu du Code Pénal, en maison de correction [31]. Le 10 juillet 1890 cependant, le Reichsland adopte, sur les traces d’autres Etats précurseurs -notamment la Bavière-, une loi concernant le placement d’enfants « moralement abandonnés » [32]. Le but de cette loi est de lutter efficacement contre la délinquance mais en prenant désormais « le mal à sa racine ». Selon les législateurs, l’attitude répressive et l’instruction publique se sont en effet montrées insuffisantes pour parer à l’augmentation de la délinquance. Parallèlement à cela, l’expérience aurait aussi montré qu’une éducation manquante ou insuffisante conduit des personnes de jeune âge à commettre des actes répréhensibles. Selon ces hommes, il est du devoir de l’Etat de réagir et de recourir à l’éducation forcée lorsqu’un enfant est en état d’abandon moral [33]. La volonté de protéger l’enfant, tout comme la volonté de protéger la société contre de potentiels futurs délinquants s’enchevêtrent. Avec cette loi, l’Etat intervient pleinement dans le domaine de l’éducation, qui demeurait jusque là une prérogative appartenant aux seuls parents. Le champ d’action des autorités s’est par cette loi considérablement élargi, puisque désormais l’accomplissement d’un acte répréhensible n’est plus la condition sine qua non pour un placement dans une autre famille ou dans une institution. Suite à la loi du 18 juillet 1890, deux grandes catégories d’enfants se côtoient donc au sein de l’institut des Sœurs de la Croix : d’une part les enfants placées en vertu du Code Pénal allemand et d’autre part les enfants « moralement abandonnées » placées en vertu de la loi du 18 juillet 1890. L’effectif des pensionnaires de la maison du Neuhof poursuit son ascension (environ 150 pensionnaires vers 1900), ce qui nécessite, encore une fois, d’agrandir les lieux - une première extension des bâtisses avait déjà été nécessaire en 1885/1886.

26Au cours des années 1883-1918, la maison d’éducation du Neuhof ne cesse donc de grandir et d’évoluer, mais dans le même temps elle doit également faire face à de multiples épreuves. Aux mois d’octobre et novembre 1894, une violente épidémie de typhus abdominal frappe l’institution [34]. Puis, dans les années 1910, la maison doit faire face à de grandes difficultés économiques suite aux modifications de la conjoncture (augmentation de toutes les denrées et matières premières). L’Institut d’éducation des Sœurs de la Croix, avec tous les autres établissements d’éducation et de correction catholiques du diocèse de Strasbourg, engage alors un bras de fer avec l’administration pour l’obtention d’une augmentation du prix de journée [35].

27Par ailleurs, en 1908/1909 et 1913, la maison d’éducation du Neuhof subit par deux fois les foudres du journal socialiste Freie Presse, relié ensuite par divers journaux libéraux. Les sœurs du Neuhof sont alors publiquement accusées de mauvais traitements vis-à-vis des enfants. Les accusations se fondent principalement sur le témoignage de jeunes filles évadées de la maison. Le combat fait rage entre la presse libérale et socialiste (accusatrice) et la presse catholique qui prend la défense de la congrégation [36]. Ces deux polémiques de presse sont au final révélatrices de deux choses : d’une part que les châtiments corporels dénoncés sont bien utilisés comme « méthode de redressement » dans la maison d’éducation du Neuhof, puisqu’en 1913 l’administration demande aux sœurs de réformer leur système de pénitence [37] ; d’autre part, ces polémiques sont aussi la preuve que les idées concernant l’éducation forcée sont réellement en train d’évoluer depuis le tournant du siècle. A l’échelle de l’ensemble du Reich s’opposent en effet les partisans du « disciplinaire » et du « pédagogique ». L’affaire de la maison des Sœurs de la Croix n’est en aucun cas un fait isolé, elle s’inscrit dans tout un contexte de tension : d’autres scandales éclatent et ils concernent d’autres institutions, publiques comme privées. Sans doute les deux polémiques de presse ont-elles fait beaucoup de tort à la congrégation des Sœurs de la Croix, néanmoins la dénonciation au grand jour du régime punitif de l’institution a permis à l’établissement d’évoluer : à partir du mois de février 1914, la sanction la plus sévère de la maison d’éducation du Neuhof n’est plus le châtiment corporel mais l’isolation [38]. Il convient en dernier lieu de souligner que le caractère « passionnel » des affaires a sans doute aussi été dû au fait que des journaux à tendances diamétralement opposées, à savoir tendance confessionnelle socio-libérale, se sont affrontés.

28Enfin, déclenchée le 3 août 1914 en vertu du jeu des alliances, la « Grande Guerre » touche profondément la maison d’éducation et de correction du Neuhof : projet de réquisition, difficultés économiques, participation à l’effort de guerre… L’organisation de l’établissement est bouleversée dans son ensemble sur une période de quatre ans et l’année 1918 s’achève par une épidémie de « grippe espagnole » dans la maison.

Enfants à rééduquer et adultes rééducateurs : qui sont-ils ?

29Enfants et adultes se côtoient de façon ininterrompue au sein du même lieu clos. Mais à quelle population s’adresse précisément la maison d’éducation du Neuhof ? Quels sont les principes d’action et la composition du personnel éducatif ?

Les pensionnaires

30Les pensionnaires sont le point central autour duquel gravite toute la vie de l’établissement. Définir qui elles sont révèle d’une part, les problèmes sociaux auxquels l’Europe du « Grand XIXe siècle » se trouve confrontée, et témoigne d’autre part, de la vision de la société sur ces enfants considérées comme marginales.

31Pour la période 1853-1870, il s’avère que la majorité des pensionnaires de l’institution du Neuhof sont originaires de la région Lorraine (140 enfants sur 303, soit environ 46 %) ; l’Alsace n’est quant à elle qu’en seconde position (85 enfants sur 303, soit environ 28 % des jeunes filles) [39]. Il semblerait qu’il y ait eu une évolution dans le temps, car jusqu’au début des années 1860, la majorité des filles entrant dans l’établissement du Neuhof était née en Alsace (56 %) ; à partir de 1861-1862 cependant, et jusqu’en 1870, l’on ne retrouve qu’une seule nouvelle arrivante originaire de cette région [40]. M. Bernhard mentionne ce glissement dans l’institut du Neuhof : « La discipline est devenue plus facile depuis que les détenues du Bas-Rhin ont été retirées de l’établissement. Celles qui restent, appartenant à d’autres départements, n’ayant pas de relations extérieures, sont généralement assez dociles » [41]. Entre 1903 et 1918, l’aire de recrutement de la maison se limite principalement au Reichsland Elsass-Lothringen (479 enfants sur 513 soit environ 93,5 % des pensionnaires) et 52 % des jeunes filles sont originaires du Bas-Rhin [42].

32Sur l’ensemble de la période étudiée (1853-1918), lors de leur entrée dans la maison, la majorité des filles ont une moyenne d’âge de 12-13 ans [43]. Elles sont aussi, selon leurs dossiers personnels, en majorité des enfants légitimes et elles proviennent des couches inférieures de la société : la profession du père est souvent « journalier », « ouvrier », et l’on retrouve régulièrement dans les dossiers, au sujet de la situation financière des familles, les mots « misère », « indigence », « sans ressources ». Enfin, la majorité des pensionnaires vit, au moment du placement, dans une famille monoparentale (suite à un décès très souvent) ou dans une famille recomposée [44].

33De 1853 à 1870, seuls des enfants ayant commis un acte répréhensible et jugées selon le Code Pénal de 1810 sont envoyées au Neuhof. Selon le registre n° 2 des archives des Sœurs de la Croix, 296 jeunes filles soit 98 % des pensionnaires ont été placées selon l’article 66 du Code Pénal, c’est-à-dire qu’elles ont commis un acte répréhensible sans discernement (les 2 % restants ont été placées selon l’article 67, c’est-à-dire qu’elles ont été jugées comme ayant agi avec discernement) [45]. Le vol est le délit le plus récurrent (54,8 %) [46]. Plus précisément, ce sont avant tout des vols de denrées alimentaires, des vols d’habits ou des vols d’argent qui ont été commis [47] ; la délinquance des mineurs du XIXe siècle est donc bien le produit de la misère. Suite à la loi du 18 juillet 1890, ce sont les enfants « moralement abandonnées » qui sont majoritaires à la maison des Sœurs de la Croix (entre 1903 et 1918, 448 enfants soit 87 % des pensionnaires ont été placées selon les lois concernant les enfants moralement abandonnés et 67 enfants soit 13 % des pensionnaires ont été placées selon le Code Pénal allemand) [48].

34Sur le plan législatif, la distinction est donc bien nette entre les jeunes délinquantes et les enfants moralement abandonnées. Les premières relèvent du droit pénal tandis que les secondes relèvent du droit civil. Mais peut-on pour autant affirmer qu’il y a toujours une véritable dichotomie entre les enfants « dangereux » et les enfants « en danger » ?

35Les jeunes filles jugées selon le Code Pénal ont commis un acte répréhensible ; les « mauvais penchants », les « mauvaises mœurs » et le « mauvais caractère » de l’enfant sont mis en avant [49]. Assez tôt néanmoins, les autorités judiciaires et pénitentiaires se préoccupent de la moralité des parents des jeunes délinquantes et de leur autorité sur leur enfant. L’on cherche à repérer les dysfonctionnements familiaux et pour cela des acteurs locaux (maire, commissaire de police) interviennent en rédigeant un rapport. Un grand nombre de dossiers de jeunes détenues sont en fait ambigus, puisque des représentations d’enfant « coupable » et des représentations d’enfant « victime » s’entremêlent. Environ 2/3 des dossiers personnels de jeunes filles jugées selon l’article 66 du Code Pénal français ou l’article 56 du Code Pénal allemand mentionnent comme causes du délit « les mauvais exemples donnés par les parents aux enfants », « le défaut de surveillance », « la mauvaise éducation », ou « l’abandon dans lequel l’enfant était laissé » [50].

36L’observation du contexte dans lequel l’enfant évolue est dès le départ un des éléments essentiels à l’application des lois et ordonnances concernant les enfants moralement abandonnés. De véritables enquêtes sociales sont menées, les dossiers regorgent de descriptions et de jugements de valeur concernant l’environnement matériel et moral des jeunes. L’on se renseigne sur les conditions d’existence de l’enfant, sa fréquentation scolaire, sa sociabilité, sa morale sexuelle lorsqu’il s’agit d’une fille. Le but est ici de pointer avant tout la déviance de la famille. Il apparaît toutefois que dans la plupart des dossiers l’enfant moralement abandonnée est très proche de la jeune délinquante, puisque c’est souvent l’accomplissement d’un acte répréhensible, couplé avec l’idée d’« enfant victime de son milieu » qui a motivé le placement en éducation forcée [51].

37Jeunes filles issues des couches modestes de la société, vivant pour la plupart dans une famille monoparentale ou recomposée, ayant de plus très souvent dans leur famille proche une ou des personnes ayant déjà eu affaire à la justice : les statistiques montrent bien qu’entre les jeunes détenues et les enfants moralement abandonnées, les ressemblances sont multiples. Qu’elles relèvent du droit pénal ou du droit civil, les lois mentionnées souhaitent bien toucher la même catégorie de personnes : la jeunesse populaire.

Le personnel éducatif

38Peu de groupes de personnes ont été aussi décriés ou loués que les religieux et les religieuses œuvrant dans le domaine de l’éducation. Pour les détracteurs de l’enseignement chrétien, ces gens sont sans formation, sans qualification, et ils sont des agents secrets de la propagande religieuse ; pour leurs partisans, les éducateurs catholiques sont des serviteurs dévoués et désintéressés de Dieu et de la société, ils prennent en charge les plus miséreux…

39La maison d’éducation du Neuhof n’est en fait qu’un petit maillon d’une organisation bien plus vaste, très ordonnée, hiérarchique et centralisée, regroupant l’ensemble des œuvres fondées par la congrégation des Sœurs de la Croix. L’institut du Neuhof est géré par la sœur supérieure générale grande directrice de la congrégation -ainsi que par l’administration de l’établissement- avec à sa tête la supérieure locale. Le personnel éducatif de la maison se compose de la directrice (ou supérieure locale), de sœurs éducatrices et d’un aumônier. L’effectif des sœurs éducatrices a varié dans le temps : au 23 mai 1857, elles étaient 16 religieuses pour 100 jeunes détenues ; au 1er avril 1885, 14 religieuses pour 99 pensionnaires ; au 1er avril 1888, 21 sœurs pour 113 enfants ; au 1er avril 1891, 20 sœurs pour 133 enfants ; au 1er janvier 1898, 30 sœurs pour 150 pensionnaires ; au 18 janvier 1904, 30 sœurs pour 145 pensionnaires ; et au 17 février 1917, 28 sœurs pour 203 pensionnaires [52]. De façon générale, le personnel d’encadrement a toujours été relativement nombreux dans cette institution, puisqu’il y avait, selon les archives retrouvées, une sœur pour 7-8 enfants au minimum (en 1917), et en moyenne, une sœur pour 6 enfants. Selon un rapport datant de 1914, il est indiqué qu’avant leur entrée en religion, certaines sœurs se rendaient dans des écoles industrielles, exerçaient dans des écoles maternelles ou avaient été formées aux travaux domestiques. Toutes les sœurs destinées à être sœurs surveillantes ont une formation pédagogique théorique au cours du noviciat, puis, lorsqu’elles investissent le domaine de l’éducation, on les place sous la tutelle d’une sœur déjà expérimentée. L’aumônier résidant tient également quelquefois des conférences sur les moyens d’éducation. Presque toutes les sœurs surveillantes sont employées à l’établissement 24 h sur 24 et il règne une grande stabilité au sein du personnel éducatif [53]. Outre les sœurs surveillantes, il y a encore une ou deux sœurs institutrices, qui elles, à partir de 1883, doivent avoir un diplôme officiel pour exercer leur métier. Leur travail est de plus régulièrement contrôlé par l’inspecteur primaire.

40Selon l’esprit des Sœurs de la Croix, la maison d’éducation doit être pour les enfants le lieu de substitution de la maison parentale. Toutes les pensionnaires confiées à l’institution doivent recevoir une éducation « profonde et sérieuse ». A côté de l’éducation religieuse, une formation professionnelle « conforme à la position sociale des pensionnaires » doit être mise en œuvre [54]. Le but général de l’institution est, pour les sœurs, de fournir aux enfants « outre les moyens de gagner leur pain par le travail, ceux de se préserver de la contagion du monde, et de leur apprendre à mener une vie simple, honnête, et laborieuse » [55].

41Etablissement caritatif sans conteste, il ne faut cependant pas oublier que la maison d’éducation du Neuhof est aussi et avant tout une institution fermée et disciplinaire …

Punir, éduquer, sauver l’âme : le Neuhof au quotidien

La maison d’éducation et de correction des Sœurs de la Croix : une « institution totale » ?

42« L’internat est le moyen naturel de réaliser intégralement la notion chrétienne de l’éducation. Pour pouvoir agir aussi fortement sur les profondeurs de l’âme, il faut évidemment que les différentes influences auxquelles est soumis l’enfant ne se dispersent pas dans des sens divergents, mais soient au contraire énergiquement concentrées vers un même but. On ne peut arriver à ce résultat qu’en faisant vivre les enfants dans un même milieu moral, qui leur soit toujours présent, qui les enveloppe de toutes parts, à l’action duquel ils ne puissent pour ainsi dire pas échapper. L’éducation est alors organisée de manière à pouvoir produire l’effet profond et durable qu’on attendait d’elle » [56]

L’entrée dans la maison d’éducation

43Les premiers jours passés dans l’établissement sont très importants. Dès son arrivée, la jeune fille est informée du fonctionnement de l’institut : la directrice lui lit les règles de conduite telles qu’elles sont définies dans le règlement intérieur et l’enfant doit ensuite donner tout ce qu’elle porte sur elle (effets d’habillement, objets, argent). A la fin de l’entretien, la pensionnaire doit signer un « décret » qui reprend les « lois de la maison » ; ce contrat unilatéral marque l’entrée définitive de l’enfant dans l’univers de la maison d’éducation du Neuhof… [57] Déposer ses effets personnels puis se revêtir de l’uniforme de l’institution sont des actes chargés de symbolique. La nouvelle tenue est à la fois affaire de filiation au groupe, mais aussi de séparation d’avec le monde commun. Elle est de plus une certaine façon de tirer un trait sur le passé. La nouvelle arrivante n’est désormais plus qu’une pensionnaire parmi les autres, un certain nivellement des individualités est ainsi réalisé…

44Suite à l’interrogatoire de la directrice et suite à un examen médical [58], la pensionnaire est encore « étudiée » (ceci en règle générale dans le mois qui suit son admission) par l’aumônier de l’établissement [59]. L’ensemble de toutes les informations recueillies ces premiers jours, de toutes ces tentatives de « dissection » de la personnalité de la jeune fille, sont nécessaires aux éducateurs afin de mieux définir à quel « type » celle-ci appartient. Stigmatisées déjà par la société car on les considère en dehors des « normes », enfermées pour cette même raison à l’écart du monde, les pensionnaires sont de plus triées au sein même de l’institution.

Un espace ordonné : séparation du monde extérieur et classification à l’intérieur

45La maison d’éducation et de correction des Sœurs de la Croix n’est pas une construction ex nihilo, un bâtiment dont l’emplacement et l’architecture auraient été réfléchis en vue d’accueillir de jeunes détenues. Il apparaît néanmoins que la position géographique de la maison est symbolique et similaire à toutes les autres colonies agricoles. Mise en pleine campagne, loin de la ville et de ses « influences pernicieuses », la maison du Neuhof semble être totalement coupée du monde extérieur. Diverses barrières naturelles entourent les bâtiments : de vastes champs, des forêts et une rivière préservent l’institution. Dans les années 1898-1910, un mur de clôture est même construit. En ce qui concerne les relations entre les pensionnaires et leurs familles, elles s’avèrent extrêmement limitées : les jeunes filles peuvent écrire à leurs proches tous les trois mois en règle générale et il est également « permis » aux enfants de recevoir, une fois par trimestre, une visite de leurs parents (ces visites ne sont cependant autorisées que le premier et le troisième dimanche du mois, de 12 h 30 à 14 h) [60]. La distance physique avec le monde extérieur a pour but de créer une distance morale par rapport au milieu dans lequel les jeunes filles ont évolué avant leur entrée dans l’institution. La coupure est synonyme à la fois d’isolement et d’emprisonnement, mais aussi de sécurité et de protection tout dépend du point de vue adopté.

46L’établissement des Sœurs de la Croix ne sépare pas seulement les jeunes délinquantes ou enfants moralement abandonnées des gens « normaux », elle opère aussi un tri en son sein. Une première classification est effectuée selon l’âge des pensionnaires et une seconde selon le degré de « corruption sexuelle ». Au début de l’année 1906, le quartier Saint Vincent, destiné à l’accueil de « filles perdues », est ouvert suite à une demande de l’administration pénitentiaire [61]. Ce complexe « se trouve dans l’établissement mais en est entièrement coupé » [62], afin que les filles « dépravées » n’exercent pas de mauvaise influence sur les autres pensionnaires « non encore corrompues sexuellement ».

47Le troisième et dernier critère de classification est celui d’« éducabilité ».

48Ici la séparation ne se manifeste pas en la création de sections spéciales au sein de l’institut, mais les pensionnaires reconnues comme non éducables à la maison de correction du Neuhof sont transférées vers d’autres établissements. Il y a tout d’abord le cas des jeunes insubordonnées, en conflit constant avec les sœurs. Selon les dispositions juridiques allemandes, les enfants pour lesquels les moyens d’éducation appliqués en institution privée se sont révélés insuffisants peuvent être transférés vers un établissement public [63]. Il ne semble pas que les Sœurs de la Croix aient fréquemment eu recours à cette solution extrême. Une autre limite de l’éducation en maison de correction est l’enfant intellectuellement déficient ou atteint de troubles nerveux. Le 29 juin 1912, une ordonnance ministérielle « concernant l’éducation correctionnelle des mineurs d’une mentalité inférieure ou atteints d’une affection nerveuse » est édictée en Alsace-Lorraine [64]. Une lettre du sous-secrétaire d’Etat précise que les mineurs malades mentaux ou atteints de maladies nerveuses, pour qui aucun succès de l’éducation forcée n’est à attendre, ou dont le séjour en maison d’éducation est dangereux pour eux-mêmes ou pour les autres pensionnaires, ne sont pas aptes à l’éducation forcée et sont donc à transférer au plus vite dans une maison de santé. En revanche, il existe aussi des pensionnaires faibles d’esprit, épileptiques ou ayant d’autres maladies nerveuses, mais moins touchés que ceux de la catégorie précédente ; pour ces enfants-là, un succès total de l’éducation forcée ne peut être atteint, ou alors il ne peut l’être que par une prise en charge particulière, où la pédagogie doit s’allier avec la médecine [65]. A cette date, l’administration alsacienne-lorraine a pour projet de créer un établissement spécifique, destiné à accueillir de tels enfants, et ce « à la suite de ce qui a pu être fait dans d’autres Etats ».

Le temps qui discipline : une organisation minutieuse de chaque journée

49Chaque institution « fermée », que ce soit une prison, une maison d’éducation et de correction, ou un pensionnat privé pour jeunes filles socialement plus favorisées, s’impose un règlement qui fixe les horaires de chaque activité de la journée [66]. Chaque occupation est minutieusement programmée, et le strict ordonnancement des journées se répète de façon quasi immuable. Le rôle de cet emploi du temps est de coordonner la vie en commun d’une centaine de pensionnaires, mais il est aussi établi dans le but d’inculquer aux enfants un rythme de vie ordonné, qu’elles seront sensées suivre après leur libération. Selon le règlement intérieur de la maison du Neuhof, datant de 1919, la « journée-type » (6 jours sur 7) s’ordonne ainsi : 5 h 20 : réveil. Au premier son de cloche, les enfants se lèvent, font un signe de croix et commencent la journée avec ces mots : « Tout pour la grandeur de Dieu et le Salut de notre âme ». Sur le signe de la sœur, les filles se rendent toutes en ordre dans leur séjour et font, agenouillées, la prière du matin. 6 h 30 : Sainte Messe puis petit déjeuner. 8 h-11 h 50 : Travail, entrecoupé d’un goûter à 10 h. A 11 h 50, tout le monde se rend en silence et en ordre au réfectoire. 12 h : Repas de midi. 13 h-15 h 30 : Travail puis « Vesperbrot » (petite collation de l’après-midi). 16 h-19 h (samedi : 16 h-18 h) : Travail. 19 h (samedi 18 h) : Repas du soir puis récréation jusqu’à 20 h. Enfin, prière de soir et ensuite les filles se rendent en silence dans les dortoirs. Avant de s’endormir, toutes les pensionnaires doivent répondre en chœur à « Chéri soit Jésus-Christ » : « Pour l’Eternité, Amen » [67].

L’isolement émotionnel : raison de groupe et méthode punitive

50Institution qui se voudrait l’« ersatz » de la maison familiale, la maison d’éducation du Neuhof n’en est pas moins un lieu clos où chaque jeune fille est totalement isolée sur le plan émotionnel. La parole des enfants tout d’abord est constamment sous contrôle : il est en effet strictement interdit de parler la journée durant le travail et les repas, et encore plus la nuit au dortoir. Les sœurs ont pour devoir de surveiller tous les liens qui pourraient se tisser entre les filles ; aucune amitié particulière ne doit être tolérée selon le règlement. En ce qui concerne les relations entre les sœurs et les pensionnaires, malgré la figure charitable des religieuses, les rapports n’en sont pas moins d’une stricte hiérarchie [68].

51Diverses punitions ont également pour but de mettre à l’écart telle ou telle pensionnaire : privation de récréation, manger à terre, dîner à la table de pénitence, bonnet gris ou robe grise (couleur qui symbolise le caractère sournois), cellule. Les sœurs confectionnent en outre divers écriteaux (« mensonge », « vol »…) que les pensionnaires doivent « porter sur la tête » lorsqu’elles ont commis la faute énoncée [69]. Tout ce système de contrôle et de mise à l’écart est en réalité mis en place afin de briser les liens émotionnels entre les pensionnaires, des liens qui pourraient en effet se révéler « dangereux » car ils pourraient concurrencer le pouvoir de l’institution…

Sortir. Des libérations contrôlées ?

52Au cours de la période « française » (1853-1870), le juge lui-même détermine le nombre d’années de placement dans une maison de correction ; ce placement ne peut toutefois excéder l’époque où l’accusé aura accompli sa vingtième année. Entre 1870 et 1918, le droit français est en partie abrogé et remplacé par des lois d’Empire ou des lois particulières. Que ce soit pour des enfants placés en maison d’éducation selon le paragraphe 56 du StGB, ou bien selon les lois concernant la prise en charge des enfants moralement abandonnés, la durée du séjour dans l’institution n’est désormais plus définie à l’avance par les tribunaux. Le placement a lieu aussi longtemps que l’autorité administrative compétente le juge nécessaire, c’est-à-dire jusqu’à ce que le but éducatif soit considéré comme atteint. L’éducation forcée doit néanmoins, selon les textes, prendre fin aux 18 ans accomplis, sauf si une prolongation a été demandée par l’établissement ; cette prolongation ne peut au final dépasser les 20 ans accomplis [70]. Selon les registres retrouvés aux archives des Sœurs de la Croix, la majorité des filles sont dans l’institution environ 4 ans. Entre 1850 et 1870, la majorité des jeunes filles (38 %) quittent l’institution à 18 ans ; entre 1903 et 1918, 27 % des filles quittent le Neuhof à 19 ans, 23 % à 20 ans [71].

53Entre 1853 et 1870, lorsque vient le moment de la libération (définitive), les jeunes filles retournent pour la grande majorité dans leur famille, les quelques autres sont placées comme domestiques par les Sœurs [72]. La directrice de l’établissement doit remplir un « bulletin de libération » qui établit un certain bilan de l’état de la santé de l’enfant, de son « état religieux et moral », de son degré d’instruction. Ce bulletin est pratiquement la seule formalité que l’on remplisse au moment du départ. Globalement, il est fort probable que ni l’institut, ni l’administration ne connaissent rien du devenir de la majorité des jeunes libérées.

54Pour la période 1903-1918, les choses se présentent de façon différente. A cette époque la notion de « libération provisoire » a pris tout son sens : les enfants sont alors mis à l’épreuve durant six mois au maximum, avant leur éventuelle libération définitive. L’on remarque que, sur l’ensemble des départs entre 1903 et 1918, plus de la moitié des jeunes filles sont placées en tant que domestiques et 37 % seulement sont rendues à leur famille [73]. Assurément l’administration, tout comme la direction du Neuhof, considère les proches des enfants comme un danger potentiel. Après la libération définitive, l’institution doit encore suivre les jeunes filles sur une période d’au moins 5 ans. Pour cela l’administration demande que chaque année la direction de l’établissement envoie un questionnaire à la personne désignée comme assistant ou aux autorités de police. Le règlement intérieur de 1919 de la maison du Neuhof accorde lui-même une grande importance à l’étape de la libération.

Les pensionnaires, des sujets agissants

55Tenter de cerner la réalité d’une maison d’éducation sans en étudier la structure et l’organisation générale qui reflètent une volonté d’un contrôle totalitaire de l’espace, du temps, du corps et des esprits, serait de façon incontestable un non-sens. Toutefois, il est intéressant aussi de se détacher de cette vision normative de l’institution, et d’essayer de discerner les attitudes des enfants vis-à-vis de cet univers qui se veut clos et très ordonné. En effet, bien que les jeunes filles soient cantonnées dans un espace régi par de multiples règles, elles ne deviennent pas pour autant de simples automates, et au contraire, affirment toutes - avec plus ou moins de force - des formes d’autonomie. C’est principalement à travers l’étude des « registres de punitions et récompenses », ainsi que des « registres de statistique morale », que nous découvrons un aspect de la « vraie vie » de l’institution. Loin de constituer toujours cette « grande famille » voulue par le règlement, loin de se comporter toujours comme de « bons frères et sœurs », les pensionnaires se disputent et s’affrontent au quotidien. Inversement, alors que l’institution voudrait aussi gérer toutes les amitiés et contrôler toutes les paroles entre pensionnaires, il s’avère que diverses jeunes filles ont été punies pour « causeries » ou « entretiens particuliers » [74].

56Afin de maintenir l’ordre entre les pensionnaires, ainsi que la stricte hiérarchie entre élèves et adultes rééducateurs, les sœurs utilisent le traditionnel système « de la carotte et du bâton » (celui-ci est usité de manière générale dans toutes les institutions éducatives d’alors - pensionnats, écoles etc -). Si certaines filles parviennent à s’adapter au mode d’éducation qui leur est imposé, d’autres s’y opposent ouvertement : on retrouve beaucoup parmi les motifs de punition : « méchanceté, désobéissance, insolence, … » [75]. Une autre façon de faire de l’obstruction -visiblement très usitée par les pensionnaires- est l’opposition « passive » : un grand nombre d’entre elles sont punies pour « paresse, inattention à l’étude, mauvaise volonté » [76]. Parfois il arrive aussi que les choses dégénèrent ; il n’y a dans les archives aucune trace de révolte à la maison d’éducation du Neuhof, néanmoins plusieurs cas d’évasions sont recensés.

« L’identité, paradoxalement, veut dire la dissonance et l’altérité tout autant que la conformité et la congruité » [77]

57Au fil de la recherche, l’œuvre d’Adèle de Glaubitz n’a cessé en effet de se montrer tantôt comme une institution similaire à tant d’autres et « fille de son époque », tantôt comme une entreprise ayant un caractère propre et un destin particulier. La situation géographique de l’établissement lui confère sans conteste une originalité certaine : au début de l’année 1871, le destin de la maison d’éducation du Neuhof est officiellement séparé de celui des autres institutions correctionnelles françaises. En outre, alors que l’établissement se veut un monde à part derrière ses grilles claustrales, il s’avère que la maison du Neuhof a fait preuve, sur de nombreux points, d’un certain esprit d’ouverture : ouverture à l’influence croissante de la psychiatrie par exemple, ouverture également en ce qui concerne les relations avec les autorités administratives… Ces évolutions et cette communication auraient pu être beaucoup plus limitées si la direction de l’institution ne les avait pas acceptées ; le rôle des sœurs éducatrices, tout comme le rôle des religieuses à la tête de la maison ou de la congrégation toute entière n’est pas à négliger. L’esprit des Sœurs de la Croix a donné à cette institution son caractère particulier.

58Au mois de novembre 1918, au sortir de la guerre, la maison du Neuhof est affaiblie certes, mais elle se relève, encore une fois, et poursuit son œuvre. Elle vivra et évoluera encore de longues années puisqu’elle ne fermera ses portes qu’en 1973…


Principales abréviations

ADBRArchives Départementales du Bas-Rhin
AMSArchives Municipales de Strasbourg
ASCArchives des Sœurs de la Croix
IJSCInstitut des Jeunes Servantes Catholiques
StGBStrafliche Gesetzbuch ou Code Pénal allemand.

« Toutes pareilles, toutes différentes ? L’uniforme des pensionnaires ou « vêtir celles qui ne sont jamais nues »[78]

figure im2

« Toutes pareilles, toutes différentes ? L’uniforme des pensionnaires ou « vêtir celles qui ne sont jamais nues »[78]

SOURCE : ASC, ST/E 3 S, photographies, avant 1914.

La maison d’éducation des Sœurs de la Croix, un « arrachement physique au monde » ? Carte des environs de Strasbourg, village du Neuhof, 1861

figure im3

La maison d’éducation des Sœurs de la Croix, un « arrachement physique au monde » ? Carte des environs de Strasbourg, village du Neuhof, 1861

SOURCE : AMS, Carte des environs de Strasbourg, Veuve Berger-Levrault et fils, 1861.

Les travaux des champs

figure im4

Les travaux des champs

SOURCE : ASC, ST/E 3 S, photographies, avant 1914.

La couture

figure im5

La couture

SOURCE : ASC, ST/E 3 S, photographies, avant 1914.
Annexe

Effectif des pensionnaires de la maison d’éducation de Neuhof, 1853-1873 et 1883-1918

1853-1873

tableau im6
120 100 80 60 40 20 0 déc1856 déc1856 déc1856 déc1856 déc1856 déc1856 déc1856 déc1856 déc1856 déc1856déc1856 déc1856 déc1856 déc1856 déc1856 juin1856

1853-1873

1883-1918

tableau im7
250 200 150 100 50 0 juil.1883 av.1884 av.1885 av.1887 av.1888 av.1890 oct.1894 sept.1896 janv.1898 juin1904 été1908 fév.1917

1883-1918

SOURCES : ADBR, série Y, dossiers Y93, 94, 95, 96 et 121 ; ASC, ST/E séries 8F et 2M, renseignements épars.

Date de mise en ligne : 31/12/2015.

https://doi.org/10.3917/rhps.003.0029

Notes

  • [1]
    Article élaboré d’après un mémoire de Master, présenté en septembre 2008 à l’Université de Strasbourg sous la direction de Mme Catherine MAURER, 264 p, 1er prix du Comité national d’histoire de la Sécurité sociale.
  • [2]
    Voir Imbs Paul, Trésor de la langue française : dictionnaire de la langue du XIXe et du XXesiècles (1789-1960), Paris, CNRS, 1971, vol 14, article « rééduquer ».
  • [3]
    Dupont- Bouchat Marie- Sylvie et Alii (sous la direction de), Enfants corrigés, enfants protégés : Genèse de la protection de l’enfance en Belgique, en France, aux Pays-Bas et au Québec (1820-1914), Universités d’Angers, Louvain, Groeningen, Montréal, 1995, p.12-15.
  • [4]
    Voir Dekker Jeroen, The Will to change the child. Re-education homes for children at risk in nineteenth century western Europe, Peter Lang : Francfort, Berlin, Berne, 2001.
  • [5]
    Duprat Catherine, « Punir et guérir. En 1819, la prison des philanthropes », in Perrot Michelle, Foucault Michel, L’impossible prison : recherches sur le système pénitentiaire au XIXe siècle, Paris, Editions du Seuil, coll. « L’univers historique », 1980, p. 64-105.
  • [6]
    Dupont-Bouchat Marie-Sylvie et Alii (sous la direction de), op.cit., p.52-54.
  • [7]
    Ibidem, p. 69-78 ; p. 92-93 ; p. 100-113.
  • [8]
    Texte complet de la loi in Rossler Elsa, Protéger l’enfant ou le punir ? Œuvre de charité, œuvre de défense sociale : La maison d’éducation pour jeunes filles catholiques du Neuhof, 1853-1918, Mémoire de Master, Strasbourg, 2008, p. 201-203.
  • [9]
    Dupont-Bouchat Marie-Sylvie et Alii (sous la direction de), op. cit., p. 88.
  • [10]
    Voir texte complet de la loi in Rossler Elsa, op.cit., p. 201-203.
  • [11]
    Langlois Claude, Le catholicisme au féminin : les congrégations françaises à supérieure générale au XIXe siècle, Paris, Editions du Cerf, coll. « Histoire », p. 13.
  • [12]
    Pour plus de détails, voir chapitre IV « Que font les œuvres ? » de l’ouvrage d’habilitation de Catherine Maurer : Pour une histoire sociale et culturelle du fait religieux en Allemagne et en France XIXe-XXe siècles. Dieu dans la ville. Les catholiques et la demande sociale urbaine en Allemagne et en France XIXe-début XXe siècles,2007.
  • [13]
    Langlois Claude, « L’introduction des congrégations féminines dans le système pénitentiaire français (1839-1880) », in Petit Jacques-Guy (dir.), La prison, le bagne et l’histoire, Paris : Librairie des Méridiens ; Genève : Médecine et hygiène, coll. « Déviance et société », 1984, p. 129-140.
  • [14]
    Voir Herrmann Robert, Madame Adèle de Glaubitz, 1797-1858 : aux origines des Sœurs de la Croix de Strasbourg, Strasbourg, Les Sœurs de la Croix, 1989.
  • [15]
    ASC, CON 1 A 1, dossier 9, contrat, 15 octobre 1847.
  • [16]
    Lettre adressée au préfet en 1852. Citée par Herrmann, op.cit., p. 114.
  • [17]
    Matthieu (24 ; 13).
  • [18]
    Au sujet de l’évolution de l’effectif des pensionnaires, voir graphique joint en annexe. p. 53.
  • [19]
    Dupont-Bouchat Marie-Sylvie et Alii (sous la direction de), op.cit., p. 121.
  • [20]
    Paul Buquet, Tableau de la situation morale et matérielle en France des jeunes détenus et des jeunes libérés, et recherche statistique sur les colonies agricoles, les établissements correctionnels et les sociétés de patronage de jeunes détenus, Paris, Imprimerie administrative, 1853, 78 p., cité par Dupont-Bouchat Marie-Sylvie et alii (sous la direction de), op.cit, p. 132.
  • [21]
    Des contrôles sont en effet mentionnés pour les années 1855, 1857, 1859, 1860, 1862, 1863, 1866, 1868, 1869 et juillet 1870. Voir ADBR, série Y, dossiers Y 122, Y 126 et Y 127 ; ASC, ST/E 8 F, dossier F 10 ; ASC, ST/E, registres n° 4 et 6.
  • [22]
    Voir ADBR, série Y, dossier Y 126, lettre du ministre de l’Intérieur au préfet, 21 janvier 1864.
  • [23]
    ADBR, série Y, dossier Y 126, lettre du préfet du Bas-Rhin au ministre de l’Intérieur, 24 février 1864.
  • [24]
    ADBR, série Y, dossier Y 126, lettre du ministre de l’Intérieur au préfet, 30 décembre 1867 et lettre du ministre de l’Intérieur au préfet, 07 mai 1868.
  • [25]
    Herrmann Robert, Madame Adèle de Glaubitz, 1797-1858, aux origines des Sœurs de la Croix de Strasbourg, Strasbourg, Les Sœurs de la Croix, 1989, p. 154.
  • [26]
    ASC, ST/E 4 F, dossier F 9, lettre du préfet du Bas-Rhin à la directrice de l’IJSC, 16 mai 1871. Les enfants de nationalité « étrangère » sont les enfants de nationalité française, c’est-à-dire celles qui sont nées en dehors de la région Alsace-Moselle.
  • [27]
    La communauté des Sœurs de la Providence possède en effet des bâtiments à Bavilliers, en territoire français ; suite à la guerre franco-prussienne, les Sœurs de la Providence transfèrent sur le territoire de Belfort leur maison correctionnelle auparavant implantée à Ribeauvillé (Haut-Rhin).
  • [28]
    ADBR, série 27 AL, dossier 867, extraits de l’article « Über Zwangserziehung jugendlicher Personen. Unter besondere Berücksichtigung der Verhältnisse in Elsaß-Lothringen », in Straßburger Post, samedi 19 octobre 1889, édition du matin.
  • [29]
    Ibidem.
  • [30]
    ADBR, série 27 AL, dossier 513, lettre du ministère d’Alsace-Lorraine au Statthalter, 17 janvier 1883.
  • [31]
    Exception faite des enfants placés en correction paternelle. Ce phénomène reste néanmoins minoritaire.
  • [32]
    ADBR, série 27 AL, dossier 867, loi du 18 juillet 1890. Texte complet de la loi in Rossler Elsa, op.cit., p. 207-209. Cette loi relève du droit civil et non du droit pénal.
  • [33]
    ADBR, série 27 AL, dossier 867, projet de loi, justifications, 1er février 1890.
  • [34]
    Voir Grüneberg Paul, Beziehungen der Verunreinigung des Grundwassers zum Typhus abdominalis, erläutert am Beispiel der Typhus-Hausepidemie der kathol. Besserungs-Anstalt und des Hauses Polygonstrasse 8 zu Straßburg-Neuhof im Herbst 1894. Aus dem Laboratorium der medizinischen Klinik (bacteriologische Abteilung unter Leitung von E. Levy), Thèse, Strasbourg, Goeder C.J, 1896, 215 p.
  • [35]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 12, échanges épistolaires entre les directions de plusieurs établissements de correction rassemblées et le baron de Lichtenstein, 1908-1911.
  • [36]
    ADBR, série 281 D, dossier 101 et ASC, ST/3 7 M, dossier M 37.
  • [37]
    ASC, ST/E 7 M, dossier M 37, lettre de l’administration pénitentiaire à la direction, 1er décembre 1913.
  • [38]
    ASC, ST/E 7 M, dossier M 37, rapport de la direction à l’Administration pénitentiaire, 24 décembre 1913.
  • [39]
    ASC, registre n°2 (1848-1870) ; données pour 303 jeunes détenues.
  • [40]
    Ibidem.
  • [41]
    Cf. Migneret Jean-Baptiste-Stanislas-Martial (dir.), Description du Département du Bas-Rhin, Strasbourg, Veuve Berger-Levrault et Fils, Tome III, 1871, p. 372.
  • [42]
    ASC, registre n° 9 (1903-1918) ; données pour 513 pensionnaires.
  • [43]
    ASC, registres n° 2 et 9.
  • [44]
    ASC, ST/E 7 M 1, dossiers M 38 et M 39, dossiers personnels des pensionnaires, 1853-1918 ; ADBR, série 87 AL, dossiers 649/1, 649/2, 650/1, 651/1, 651/2, 652/1, 652/2, 653/1, 653/2, 653/3, 738 et 739. Aux archives des Sœurs de la Croix, 51 dossiers « français » (1853-1870) et 14 dossiers « allemands » (1871-1918) ont été archivés. 31 dossiers datant de la période du Reichsland, et retrouvés aux archives départementales du Bas-Rhin, ont complété le fond privé et permis de rétablir un certain équilibre entre les deux périodes étudiées.
  • [45]
    ASC, registre n°2, 1848-1870 ; données pour 303 jeunes détenues.
  • [46]
    Ibidem.
  • [47]
    ASC, série M 38, dossiers personnels des jeunes détenues, 1853-1870.
  • [48]
    ASC, registre n° 9, 1903-1918 ; données pour 515 pensionnaires.
  • [49]
    ASC, ST/E 7 M 1, dossiers M 38 et M 39, dossiers personnels des pensionnaires, 1853-1918 ; ADBR, série 87 AL, dossiers 649/1, 649/2, 650/1, 651/1, 651/2, 652/1, 652/2, 653/1, 653/2, 653/3, 738 et 739.
  • [50]
    Ibidem.
  • [51]
    ASC, ST/E série M, dossier M 39, dossiers personnels des pensionnaires, 1871-1918 ; ADBR, série 87 AL, dossiers 649/1, 649/2, 650/1, 651/1, 651/2, 652/1, 652/2, 653/1, 653/2, 653/3, 738 et 739.
  • [52]
    ASC, ST/E. Informations relevées dans divers documents, séries M et F.
  • [53]
    ASC, ST/E 3 K, dossier K 29, rapport concernant la formation pédagogique des religieuses, 08 janvier 1914.
  • [54]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 11, règlement intérieur de la maison, 1919.
  • [55]
    ASC, 2 G, Constitutions et règlements des Sœurs de la Croix du diocèse de Strasbourg, constitutions approuvées le 11 octobre 1884.
  • [56]
    Durkheim Emile, L’évolution pédagogique en France, 2e édition, Paris, PUF, coll. « Bibliothèque scientifique internationale, section pédagogie », 1969, p. 139, cité par Alain Vilbrod dans « Grandir tant bien que mal derrière les hauts murs d’une institution religieuse : les orphelins-apprentis d’Auteuil », in Delpal Bernard, Faure Olivier, Religion et enfermements : XVIIIe-XXe siècles, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. « Histoire », p. 55.
  • [57]
    ASC, ST/E 7 M 1, dossier M 39, dossiers personnels des pensionnaires, période allemande. Dossier de Joséphine R., décret d’entrée dans la maison d’éducation, 2 mai 1900.
  • [58]
    ASC, ST/E registre n° 5, registre des visites à l’arrivée des jeunes détenues, 1867-1870.
  • [59]
    Evaluation de l’aumônier retranscrite dans quelques dossiers personnels datant de la période allemande. ASC, ST/E 7 M 1, dossier M 39.
  • [60]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 11, règlement intérieur, 1919.
  • [61]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 12, lettre du Baron de Lichtenstein à la direction du Neuhof, 20 novembre 1905.
  • [62]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 12, lettre de la directrice à l’administration pénitentiaire, 02 décembre 1905.
  • [63]
    Au cours de la période française, il est prévu que les enfants insubordonnés des colonies pénitentiaires soient transférés dans un quartier d’éducation correctionnelle, au régime plus sévère. Ce n’est cependant qu’en 1868 que l’administration envisage la création d’un tel quartier pour les jeunes filles (aménagé dans la prison de Nevers). Cf. ASC, ST/E 8 F, dossier F 10, circulaire ministérielle relative à l’installation de quartiers correctionnels dans les maisons d’arrêt, 19 juin 1868.
  • [64]
    Texte complet in Rossler Elsa, op.cit., p. 216.
  • [65]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 12, lettre du ministère d’Alsace-Lorraine, section de la justice et des cultes, à la direction du Neuhof, 29 juin 1912.
  • [66]
    En ce qui concerne les emplois du temps des pensionnats, voir Bricard Isabelle, Saintes ou pouliches, l’éducation des jeunes filles au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1986, 352 p. et Rogers Rebecca, Les demoiselles de la Légion d’Honneur, Paris, Perrin, 2006, 373 p.
  • [67]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 11, règlement intérieur, 1919.
  • [68]
    ASC, ST/E 8 F, dossier F 11, règlement intérieur, 1919.
  • [69]
    ASC, registre n° 4, registre de statistique morale, 1867-1870.
  • [70]
    Ensemble des textes juridiques in Rossler Elsa, op.cit., annexe 3, « principales lois et ordonnances concernant la jeunesse délinquante et moralement abandonnée, qui ont été en vigueur en Alsace au cours de la période 1853-1918 ».
  • [71]
    ASC, ST/E registres n° 2 et n° 9.
  • [72]
    ASC, ST/E registre n° 2, registre d’écrou, 1848-1870.
  • [73]
    ASC, ST/E registre n° 9, 1903-1918.
  • [74]
    ASC, ST/E, registre n° 4, registre de statistique morale, 1867-1870.
  • [75]
    Ibidem.
  • [76]
    Ibidem.
  • [77]
    Gardet Mathias, Vilbrod Alain, Les Orphelins-Apprentis d’Auteuil : Histoire d’une œuvre, Paris, Belin, 2000.
  • [78]
    Bricard Isabelle, Saintes ou pouliches, l’éducation des jeunes filles au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1986, p. 78.
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