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Article de revue

Hommes et femmes dans la lutte contre la mortalité infantile fin XIXe siècle - début XXe siècle : une perspective de recherche

Pages 113 à 119

Notes

  • [1]
    Rollet-Echalier Catherine, La politique à l’égard de la petite enfance sous la Troisième République, Paris, PUF, coll. : Travaux et documents/INED, cahier 127, 1990, 593 p. ; Antomarchi Véronique, Politique et famille sous la Troisième République, 1870-1914, Paris, L’Harmattan, 2000, 217 p. ; Cova Anne, Maternité et droits des femmes en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Anthropos historiques, 1997, 435 p. ; Ibid. ; Au service de l’Eglise, de la patrie et de la famille. Femmes catholiques et maternité sous la IIIe République, Paris, L’Harmatan, 2000, 232 p. ; Fuchs Rachel G., Poor and Pregnant in Paris. Strategies for survival in the Nineteenth Century, Rutgers University Press, New Brunswick, New Jersey, 1992, 325 p. ; Lefaucheur Nadine, « Union sacrée philanthropies et médecins militants dans le combat pour la puériculture », in AREPPOS, Philanthropies et politiques sociales en Europe, XVIIIe-XXe siècles, Paris, Anthropos historiques, 2000, p.159-170. Pour une présentation de divers travaux sur ce thème, et une première ébauche de la perspective de recherche mise en œuvre dans mes travaux : Battagliola Françoise, « Des aides aux familles aux politiques familiales, 1870-1914 », Genèses, 40 », sept. 2000, p. 144-161.
  • [2]
    Topalov Christian, « Langage de la réforme et déni du politique. Le débat entre assistance publique et bienfaisance privée », Genèses, 23, juin 1996, p.30-52.
  • [3]
    Renard Didier, « Assistance et bienfaisance : le milieu des congrès d’assistance, 1889-1911 », in Topalov Christian (dir.), Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, Paris, Editions de l’EHESS, 1999, p. 187-217.
  • [4]
    Loi Roussel en 1874, loi de 1889 sur les enfants maltraités, loi de 1904 sur les enfants assistés. D’autres lois, comme la loi sur la recherche de la paternité, votée en 1912 après vingt ans de débats, ou celle sur les congés maternité de 1909, votée également une vingtaine d’années après la première proposition qui ne prévoit pas d’indemnisation, suivie de la loi Strauss de 1913 qui instaure une indemnisation partielle des femmes en couches, alors qu’une telle pratique avait commencé à se répandre pour les employées de l’État.
  • [5]
    Topalov Christian (dir.), Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, Paris, Editions de l’EHESS, 1999, p. 187-217.
  • [6]
    Battagliola Françoise, « Associations de lutte contre la mortalité infantile. Milieu social et carrières réformatrices, Fin XIXe-début XXe siècles », in De Lucas Virginie. (dir.), Pour la famille. Avec les familles. Des associations se mobilisent, France, 1880-1950, Paris, l’Harmatan, 2008, p.15-40.
  • [7]
    Magri Susanna, Monnier Jean-Louis et Topalov Christian, Base Bio. Une base relationnelle : réseaux, biographies, bibiographies, Paris, CSU, 2001.
  • [8]
    Prochasson Christophe, « Les congrès, lieux de l’échange intellectuel, Mil neuf cent », Cahier Georges Sorel, 7/1989, p.5-8.
  • [9]
    Battagliola Françoise, « Philanthrope et féministe. Itinéraire d’une bourgeoise picarde et vision de la famille ». Sociétés contemporaines, n° 52, 2003, p. 123-140. Ibid., « Femmes auteurs de monographies ouvrières ». Les Études sociales, n° 138, 2ème semestre 2003, p. 55-72.
  • [10]
    Donzelot Jacques, La Police des familles, Ed. de Minuit, 1977. Pour une analyse critique de ces approches : Rancière Danièle « Le philanthrope et sa famille », Les révoltes logiques, n°8-9, hiver 1979, p. 99-115.
  • [11]
    Martin-Fugier Anne, La bourgeoise, Paris, Grasset, 1983, p.203-225. Smith Bonnie G., Ladies of the leisure Classe. The Bourgeoises of Northern France in the Nineteenth Century, Princeton N.J., Princeton University Press, 1981, 302 p.
  • [12]
    Duprat Catherine, Usage et pratiques de la philanthropie. Pauvreté, action sociale et lien social, à Paris, au cours du premier XIXe siècle, Comité d’histoire de la Sécurité Sociale, 1997, vol II, p.695.
  • [13]
    Borgatti S.P., Everett M.G. et Freeman L.C. 2002. Ucinet for Window : Software for Social Network Analysis, Harvard, Analytic Technologies.
  • [14]
    Id., « Les réseaux de parenté et la constitution de l’univers féminin de la réforme sociale, fin XIXe-début XXe siècles », Annales de démographie historique, 2006, N° 2, p.77-104.

1Au début de la Troisième République, se développe un ensemble d’institutions et de lois visant à protéger la vie des nourrissons, la santé des mères et la diffusion des règles de puériculture naissantes. Elles s’appuient sur un corpus de connaissances émergentes et mobilisent médecins, hommes politiques et philanthropes, hommes et femmes. Cette histoire a fait l’objet de recherches approfondies tant sur les savoirs que sur la législation [1]. En revanche, les multiples associations qui se sont alors créées ont été peu étudiées. Or elles ont contribué de façon importante à la fois à l’action sociale dans ce domaine par la prise en charge des populations concernées et au développement des savoirs qui y ont été mis en œuvre. Médecins, hommes politiques, réformateurs et femmes investis dans la philanthropie ont collaboré à l’activité de ces institutions et à des congrès nationaux et internationaux permettant des échanges entre les différents acteurs. Ces associations ont également entretenu des relations avec divers comités fondés à cette même période. La collaboration entre l’assistance publique et la bienfaisance privée [2] se développe en effet au tournant du XIXe, favorisée par les courants du catholicisme social favorables à l’intervention de l’Etat et la publication de « Rerum Novarum » sur la question sociale, en 1891. Le congrès d’assistance et de bienfaisance privée de 1900 est à cet égard révélateur, mêlant les représentants de la bienfaisance privée et ceux de l’assistance publique. Ainsi, les questions concernant le secteur de l’enfance s’y font une place inégalée en intégrant les représentants du secteur privé et par là même augmentant la participation féminine [3]. Plusieurs points d’accord entre l’action des pouvoirs publics et celle des institutions privées se font alors jour : la conception d’une organisation rationalisée des secours et un partage des populations à secourir.

2La période étudiée est celle de la mise en place ou du développement de nombre d’institutions privées (mais subventionnées par les pouvoirs publics), de comités relevant de l’assistance publique, de la multiplication des congrès, du vote de grandes lois de protection des enfants et des femmes. [4]

Un programme de recherche en cours

3Cette recherche s’insère dans un projet plus vaste et vise à éclairer la formation et le fonctionnement d’un milieu, qui en défendant des réformes dans différents domaines, a été à l’origine de l’état social. Acteurs et actrices de différents horizons, savants, politiciens, militants ou philanthropes s’intéressant à diverses questions sociales et provenant de différents milieux sociaux s’y rencontrent, formant « une nébuleuse réformatrice » [5]. L’originalité de cette démarche est d’étudier conjointement action étatique et privée, assistance publique, philanthropie et militantisme, de croiser le traitement de différentes questions sociales. La mortalité infantile, érigée en problème majeur par les contemporains, constitue un terrain particulièrement fécond car elle mobilise l’action publique et privée, des savoirs en cours de constitution et leurs applications. Ce domaine apparaît également comme un terrain particulièrement pertinent pour étudier les engagements des hommes et des femmes, la division sexuée des pratiques et les enjeux concrets et symboliques qu’elle manifeste. La maternité et les soins aux petits enfants, plutôt du ressort des femmes, suscitent en effet à la fin du siècle l’investissement des médecins et des scientifiques, à l’époque surtout des hommes, mais aussi quelques pionnières.

4Une première phase de cette recherche a porté sur l’étude de trois associations visant à combattre la mortalité infantile en secourant les femmes enceintes et protégeant les nourrissons, tout en vulgarisant des règles de puériculture et en menant des études sur les causes de la mortalité et les moyens d’y remédier. Il s’agit de la Société protectrice de l’enfance, la Société de propagation de l’allaitement maternel et des refuges-ouvroirs pour les femmes enceintes et enfin de la Ligue contre la mortalité infantile. La première a été créée en 1865, la seconde, fondée en 1876, s’est développée jusqu’au début du XXe siècle, la troisième, dernière venue, a vu le jour en 1902 dans le but explicite de faire avancer les savoirs afin de mieux rationaliser les actions à mettre en œuvre [6].

5Ce travail s’appuie sur une recherche en archives sur les institutions philanthropiques - associations et congrès - et leurs membres, dont les listes de membres sont entrées dans une base de données constituée au CSU [7]. A partir de cette base, plusieurs approches méthodologiques concernant les associations et leurs membres peuvent être mises en œuvre, tant quantitatives que qualitatives. Le travail s’est intéressé au fonctionnement de ces associations et a mis l’accent sur la division sexuée du travail militant dans un univers où les médecins promoteurs d’une nouvelle spécialité, la puériculture, ont joué un rôle croissant, les femmes occupant des fonctions de visiteuses et d’assistantes. L’étude de la composition sociale de ce milieu et des itinéraires a mis au jour sa relative diversité particulièrement selon le sexe, les femmes apparaissant plus fréquemment issues d’un milieu aristocratique que les hommes. Les carrières des hommes et des femmes et les trajectoires de membres particulièrement actifs, hommes et femmes, ont été retracées, à travers leurs participations à diverses institutions philanthropiques, comme leur circulation entre le monde de la philanthropie, du champ politique ou administratif. Une minorité de femmes mais une majorité d’hommes ont cumulé plusieurs responsabilités, ces derniers jouant leur carrière sur plusieurs scènes sociale, associative, savante, politique.

Questions et hypothèses

6Cette recherche va se poursuivre, avec le soutien de l’Association pour l’Etude de l’histoire de la Sécurité sociale à partir de nouvelles archives. Différentes associations, comme la Société de charité maternelle viendront compléter le corpus, qui sera en outre élargi à des institutions relevant de l’assistance publique, comme différents comités. Des congrès nationaux ou internationaux seront aussi intégrés à cette étude. Les renseignements sur le fonctionnement, les pratiques et les membres de chaque institution seront réunis en recourant aux archives de première main.

7Elle permettra d’explorer plus avant les formes de coopérations entre action étatique et privée, philanthropie et militantisme en s’intéressant à la circulation des savoirs du fait notamment des multi-positions des acteurs clé. Une attention particulière sera accordée à la division du travail entre les sexes dans ce domaine particulier. On tentera également d’éclairer la position de ce milieu dans l’univers réformateur en étudiant les liens entre ce domaine d’action et d’autres institutions.

8Les collaborations ou les oppositions, entre associations (liées notamment aux rapports divers à l’investissement religieux ou laïque crucial à cette période du début du XXe siècle) et les rapports entre les institutions de bienfaisance et celles relevant de l’Assistance publique seront étudiés à partir des pratiques mises en œuvre, mais aussi à travers la circulation des savoirs et savoir-faire. On peut faire l’hypothèse que cette circulation est liée en grande partie aux personnes actives dans les diverses institutions privées et publiques ; le fait de « partager » des membres contribuant à rapprocher les diverses institutions et, au-delà des oppositions, à former des consensus sur les problèmes sociaux, les populations à « traiter », les schèmes cognitifs et d’action à mettre en œuvre. Les congrès nationaux et internationaux, lieux d’échanges [8], jouent aussi ce rôle en réunissant des membres provenant d’institutions diverses.

9En adoptant une optique plus subjective, on se demandera comment est saisi ce « mal social » qu’est la mortalité infantile, à une période où domine la hantise de la baisse des naissances. Quels rapports aux femmes des milieux populaires, population principalement visée, entretiennent les divers intervenants ? [9] Peuvent-ils se ramener à de purs rapports de domination comme des travaux des années 70 l’ont affirmé [10] ? Quelle était la marge d’autonomie des familles populaires et la place de leurs éventuelles stratégies de survie face à la sollicitude philanthropique ? En se gardant de chausser d’emblée les lunettes des technologies de pouvoir, le milieu réformateur sera décrypté comme lieu où s’échangent et s’entrecroisent des préoccupations, se construisent des problèmes, s’élaborent des modes d’action mis en œuvre par divers acteurs et actrices.

10La thématique de la division du travail entre les sexes sera approfondie : les hommes détenant le savoir médical (les femmes médecins étant encore peu nombreuses), ou le pouvoir politique, quelle place est réservée aux femmes, qu’elles soient fondatrices d’associations ou « dames patronnesses », comment s’organisent les collaborations entre ces divers intervenants, en prenant en compte les ressources diverses mobilisées ? L’historiographie perçoit le plus souvent l’activité philanthropique des femmes comme une forme de sociabilité susceptible d’entretenir le capital social familial [11]. L’approche plus fine des caractéristiques de leur milieu social et de leurs connaissances (certaines occupant des professions en relation avec l’enfance) permettra de mettre au jour la diversité des positions et des fonctions des femmes dans l’univers réformateur. Ainsi, on peut faire l’hypothèse, à vérifier sur un échantillon plus nombreux, que coexistent dans ce milieu les pratiques charitables traditionnelles des femmes de la haute société et les prémisses d’une professionnalisation parmi des femmes de milieux plus modestes, ayant suivi des études.

11En comparant différents domaines d’action, et en menant des analyses de réseaux, on s’interrogera également sur les liens qu’entretient le milieu de la protection de l’enfance avec d’autres domaines du milieu réformateur. La naissance d’un corps de médecins spécialisés dans la surveillance des femmes enceintes et dans la puériculture naissante donne la part belle à ces spécialistes dans ce milieu qu’il soit public ou privé. Aussi on se demandera dans quelle mesure ces associations et leurs membres tendent à former un milieu à part dans le champ réformateur, prélude à la spécialisation des savoirs et des professionnels qui prévaudra après la première guerre mondiale, médecins, mais aussi infirmières visiteuses et travailleuses sociales.

Méthodologie

12Les données recueillies dans les archives concernant les institutions ou les personnes seront entrées dans une base de données 4D, qui permet leur relevé systématique. Les listes des membres des différentes institutions sont entrés dans la base selon les fonctions qu’ils y occupent : membres du conseil d’administration (président, trésorier etc.), membres, donateurs etc. les dénominations restant fidèles à la source. Ces listes comportent aussi fréquemment l’adresse et la « qualité » que la personne a choisi de s’attribuer (mettant en avant par exemple une profession, une fonction élective ou un titre). Comme l’avait déjà souligné Catherine Duprat pour la première moitié du XIXe siècle, les œuvres de femmes sont condamnées à un injuste oubli, faute de sources [12]. Il en est de même pour la période étudiée, les listes de membres ou de participantes aux congrès sont plus souvent omises lorsqu’il s’agit de femmes (par exemple le congrès des œuvres catholiques de 1900 inclut pour la première fois une présentation des œuvres de femmes, mais omet de joindre une liste de ses membres féminins, alors que le volume comprend une liste des participants masculins), on peut alors seulement repérer les membres dans les actes. Les femmes, alors exclues des fonctions politiques et faisant une timide entrée dans les professions supérieures, déclarent rarement une « qualité », ce qui rend plus difficile leur identification, outre le fait qu’elles changent de noms en se mariant. Cette recherche vise à combler en partie la sous-estimation de l’action sociale féminine dans l’historiographie, par recoupement de renseignements provenant de diverses sources et des échanges entre chercheurs. Les données conservées telles qu’elles apparaissent dans les sources historiques pouvant donner lieu à diverses exploitations. Au CSU, la mise en commun de données concernant différents « segments » du milieu réformateur est à cet égard très précieuse, chaque chantier de recherche venant enrichir cette base et profitant des renseignements déjà collectés. De même des échanges entre chercheurs dans le cadre de séminaires ou de groupes informels.

13La particularité de la méthodologie mise en œuvre est de combiner des analyses statistiques, comme l’analyse des correspondances pour étudier les caractéristiques sociales du milieu étudié et identifier ses différents pôles, et des techniques de la micro-histoire ou de la sociohistoire comme la reconstitution des trajectoires sociales de certains acteurs et actrices. L’analyse des réseaux sociaux mobilise également des approches quantitatives sophistiquées (théorie des graphes), menées avec des logiciels comme « Ucinet » [13] et des analyses plus qualitatives de construction des données.

14Les documents concernant les institutions (brochures, actes des congrès etc. réunis au cours de la recherche permettront une analyse de leur organisation et de leur mode de fonctionnement, et l’étude de la division sexuelle du travail qui y règne. Une attention particulière sera portée aux modes d’application des savoirs médicaux et hygiénistes, les études menées dans les associations privées et la circulation des savoirs d’un lieu à l’autre. S’agissant des relations aux personnes secourues, il sera fait appel à plutôt des souvenirs, témoignages, courriers personnels, recherchés dans les archives personnelles.

15S’il peut apparaître évident que le milieu réformateur est celui de la bourgeoisie, il est utile de cerner plus précisément le milieu social concerné par ce type d’actions Une approche prosopographique sera donc mise en œuvre à l’aide des divers dictionnaires biographiques et les bottins et annuaires de l’époque. Cette prosopographie ou biographie collective, qui synthétise des données systématiques sur le milieu social et les caractéristiques sociodémographiques des acteurs, fera l’objet d’une analyse statistique. Elle sera complétée par une approche de l’itinéraire biographique plus approfondie des personnes particulièrement centrales dans ce milieu.

16L’étude en cours au CSU du milieu réformateur dans laquelle s’insère cette recherche permet d’autre part d’étudier de près les multi-positions des personnes concernées, telles que le cumul de fonctions publiques et associatives, de l’exercice de la médecine et d’un mandat politique, de positions dans diverses institutions, de l’engagement féministe et associatif etc., multi-positions qui contribuent à éclairer les « stratégies » des personnes ou du moins d’éclairer les logiques de leurs investissements réformateurs. Les multiples appartenances permettent aussi de cerner les noyaux les plus actifs du milieu et de dégager différents types d’engagements : de la simple adhésion de soutien aux fonctions de responsabilités, de l’engagement dans une association dont les personnes ont été à l’origine à de véritables carrières dans l’univers de la philanthropie.

17L’analyse des réseaux sociaux entre les institutions et entre les personnes met au jour les liens entre les différentes institutions à travers leurs membres communs et les réseaux de sociabilité entre personnes par leur appartenance aux mêmes institutions. Elle permet d’identifier les institutions les plus importantes et les personnages centraux du milieu étudié (entretenant le plus de liens avec les autres), de faire apparaître des sous-groupes ou « cliques », ainsi que les acteurs et actrices qui jouent le rôle d’intermédiaire entre ces sous-groupes, de comparer la densité des liens entre groupes (par exemple parmi les femmes, parmi les médecins etc.). On peut faire l’hypothèse que des réseaux d’interconnaissance sont à l’origine de la création de nouvelles institutions comme de la circulation des idées de réforme et de l’élaboration de consensus sur des façons de faire. Ils peuvent être initiés ou renforcés par des liens existants hors du milieu de l’action sociale, comme la fréquentation des mêmes cercles mondains ou des liens familiaux [14].

Notes

  • [1]
    Rollet-Echalier Catherine, La politique à l’égard de la petite enfance sous la Troisième République, Paris, PUF, coll. : Travaux et documents/INED, cahier 127, 1990, 593 p. ; Antomarchi Véronique, Politique et famille sous la Troisième République, 1870-1914, Paris, L’Harmattan, 2000, 217 p. ; Cova Anne, Maternité et droits des femmes en France, XIXe-XXe siècles, Paris, Anthropos historiques, 1997, 435 p. ; Ibid. ; Au service de l’Eglise, de la patrie et de la famille. Femmes catholiques et maternité sous la IIIe République, Paris, L’Harmatan, 2000, 232 p. ; Fuchs Rachel G., Poor and Pregnant in Paris. Strategies for survival in the Nineteenth Century, Rutgers University Press, New Brunswick, New Jersey, 1992, 325 p. ; Lefaucheur Nadine, « Union sacrée philanthropies et médecins militants dans le combat pour la puériculture », in AREPPOS, Philanthropies et politiques sociales en Europe, XVIIIe-XXe siècles, Paris, Anthropos historiques, 2000, p.159-170. Pour une présentation de divers travaux sur ce thème, et une première ébauche de la perspective de recherche mise en œuvre dans mes travaux : Battagliola Françoise, « Des aides aux familles aux politiques familiales, 1870-1914 », Genèses, 40 », sept. 2000, p. 144-161.
  • [2]
    Topalov Christian, « Langage de la réforme et déni du politique. Le débat entre assistance publique et bienfaisance privée », Genèses, 23, juin 1996, p.30-52.
  • [3]
    Renard Didier, « Assistance et bienfaisance : le milieu des congrès d’assistance, 1889-1911 », in Topalov Christian (dir.), Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, Paris, Editions de l’EHESS, 1999, p. 187-217.
  • [4]
    Loi Roussel en 1874, loi de 1889 sur les enfants maltraités, loi de 1904 sur les enfants assistés. D’autres lois, comme la loi sur la recherche de la paternité, votée en 1912 après vingt ans de débats, ou celle sur les congés maternité de 1909, votée également une vingtaine d’années après la première proposition qui ne prévoit pas d’indemnisation, suivie de la loi Strauss de 1913 qui instaure une indemnisation partielle des femmes en couches, alors qu’une telle pratique avait commencé à se répandre pour les employées de l’État.
  • [5]
    Topalov Christian (dir.), Laboratoires du nouveau siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en France, Paris, Editions de l’EHESS, 1999, p. 187-217.
  • [6]
    Battagliola Françoise, « Associations de lutte contre la mortalité infantile. Milieu social et carrières réformatrices, Fin XIXe-début XXe siècles », in De Lucas Virginie. (dir.), Pour la famille. Avec les familles. Des associations se mobilisent, France, 1880-1950, Paris, l’Harmatan, 2008, p.15-40.
  • [7]
    Magri Susanna, Monnier Jean-Louis et Topalov Christian, Base Bio. Une base relationnelle : réseaux, biographies, bibiographies, Paris, CSU, 2001.
  • [8]
    Prochasson Christophe, « Les congrès, lieux de l’échange intellectuel, Mil neuf cent », Cahier Georges Sorel, 7/1989, p.5-8.
  • [9]
    Battagliola Françoise, « Philanthrope et féministe. Itinéraire d’une bourgeoise picarde et vision de la famille ». Sociétés contemporaines, n° 52, 2003, p. 123-140. Ibid., « Femmes auteurs de monographies ouvrières ». Les Études sociales, n° 138, 2ème semestre 2003, p. 55-72.
  • [10]
    Donzelot Jacques, La Police des familles, Ed. de Minuit, 1977. Pour une analyse critique de ces approches : Rancière Danièle « Le philanthrope et sa famille », Les révoltes logiques, n°8-9, hiver 1979, p. 99-115.
  • [11]
    Martin-Fugier Anne, La bourgeoise, Paris, Grasset, 1983, p.203-225. Smith Bonnie G., Ladies of the leisure Classe. The Bourgeoises of Northern France in the Nineteenth Century, Princeton N.J., Princeton University Press, 1981, 302 p.
  • [12]
    Duprat Catherine, Usage et pratiques de la philanthropie. Pauvreté, action sociale et lien social, à Paris, au cours du premier XIXe siècle, Comité d’histoire de la Sécurité Sociale, 1997, vol II, p.695.
  • [13]
    Borgatti S.P., Everett M.G. et Freeman L.C. 2002. Ucinet for Window : Software for Social Network Analysis, Harvard, Analytic Technologies.
  • [14]
    Id., « Les réseaux de parenté et la constitution de l’univers féminin de la réforme sociale, fin XIXe-début XXe siècles », Annales de démographie historique, 2006, N° 2, p.77-104.
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