Couverture de RHMC_683

Article de revue

Le moment libéral de la race

Pages 172 à 204

Notes

  • [1]
    A. Sudre, « D’une nouvelle philosophie de l’histoire. La doctrine des races », Revue européenne, I-4, 1858, p. 392 et 402.
  • [2]
    Michael Biddiss, Father of Racist Ideology. The Social and Political Thought of Count Gobineau, New York, Weibright & Talley, 1970 ; Janine Buenzod, La Formation de la pensée de Gobineau et l’Essai sur l’inégalité des races humaines, Paris, Nizet, 1967. C’est un lieu commun répété dans l’historiographie du racisme.
  • [3]
    Sur la droite sous la Restauration, Olivier Tort, La Droite française (1814-1830), Paris, CTHS, 2013.
  • [4]
    Selon un autre lieu commun popularisé par André Devyver, Le Préjugé de race chez les gentilshommes français de l’Ancien Régime (1560-1720), Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1973.
  • [5]
    Bernard Gainot, « La Décade et la “colonisation nouvelle” », AHRF, 339, 2005, p. 99-116 ; Marcel Dorigny, B. Gainot (éd.), La Colonisation nouvelle (fin xviiie-début xixe siècle), Paris, Éditions SPM, 2018.
  • [6]
    Selon une lecture qui joue des coïncidences de dates entre le rétablissement de l’esclavage en 1802 et la publication de l’Histoire naturelle du genre humain de Virey (1800-1801) pour invoquer un tournant, alors que Virey suit des naturalistes antérieurs et est opposé à l’esclavage. Voir par exemple Pierre Serna, Comme des bêtes. Histoire politique de l’animal en Révolution (1750-1830), Paris, Fayard, 2017. S’il est certain que la doctrine des races a servi à justifier le maintien de l’esclavage (notamment aux États-Unis à partir des années 1840), on ne peut l’y réduire.
  • [7]
    Jennifer Pitts, Naissance de la bonne conscience coloniale. Les libéraux français et britanniques et la question coloniale (1770-1879), Ivry-sur-Seine, L’atelier, 2008 ; Martin Staum, Labeling People. French Scholars on Society, Race, and Empire, 1815-1848, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2003 ; Thomas Bernon, « La science des races : la Société ethnologique de Paris et le tournant colonial », La Révolution française, 15, 2018, p. 1-56. Pour une critique très juste de ce prétendu « tournant » libéral, David Todd, « Retour sur l’expédition d’Alger : les faux-semblants d’un tournant colonialiste français », Monde(s), 10-2, 2016, p. 205-222.
  • [8]
    Voir Charles Mills, The Racial Contract, Ithaca, Cornell University Press, 1997 ou Uday Singh Mehta, Liberalism and Empire. A Study in Nineteenth Century British Liberal Thought, Chicago, University of Chicago Press, 1999.
  • [9]
    Selon l’arrêté signé par Villemain, Mémoires de la société ethnologique, Paris, Dondey Dupré, 1841, p. II.
  • [10]
    James Heatfield, The Aborigines Protection Society, Londres, Hurst & Co, 2011.
  • [11]
    Lawrence C. Jennings, French anti-slavery. The Movement for Abolition of Slavery in France, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
  • [12]
    Pour l’Algérie, Hélène Blais, « “Qu’est-ce qu’Alger ?” Le débat colonial sous la monarchie de Juillet », Romantisme, 2008-1, p. 19-32 ; sur la position de la gauche et des libéraux, Philippe Darriulat, « La gauche républicaine et la conquête de l’Algérie », Outre-Mers, 307, 1995, p. 129-147 ; Jean-Louis. Marçot, Comment est née l’Algérie française, 1830-1850. La belle utopie, Paris, La Différence, 2012 ; C. Pitts, Naissance…, op. cit. ; D. Todd, « Retour sur l’expédition… », art. cit.
  • [13]
    William Frédéric Edwards, Des caractères physiologiques des races humaines, Paris, Compère Jeune, 1829. Sur Edwards, Claude Blanckaert, « On the Origin of French Ethnology », in G.W. Stocking (éd.), Bones, Bodies and Behavior, Madison, University of Wisconsin Press, 1988, p. 18-55 ; Marie-France Piguet, « Observation et histoire. Race chez Amédée Thierry et William F. Edwards », L’Homme, 153, 2000, p. 93-106 ; Ian B. Stewart, « William Frédéric Edwards and the Study of Human Races in France », History of Science, 58-3, 2019, p. 275-300.
  • [14]
    A. Jacques, compte-rendu de « De l’esprit public en Hongrie depuis la révolution française », La Liberté de pensée, Joubert, 1848, II, p. 284-285.
  • [15]
    Sur le rôle des Saint-Simoniens dans la promotion de la doctrine des races, voir Philippe Régnier, « Du côté de chez Saint-Simon : question raciale, question sociale et question religieuse », Romantisme, 130-4, 2005, p. 23-37 ; Loïc Rignol, Les Hiéroglyphes de la nature. Le socialisme scientifique dans le premier xixe siècle, Dijon, Presses du Réel, 2014 ; M. Staum, Labeling People…, op. cit. Cet article cherche à montrer que ce rôle doit être resitué dans une généalogie libérale plus ancienne.
  • [16]
    Victor Courtet de l’Isle, La Science politique fondée sur la science de l’Homme, Paris, Arthus Bertrand, 1838 ; Gustave D’Eichthal, Ismayl Urbain, Lettres sur la race noire et la race blanche, Paris, Paulin, 1839. Sur Courtet, Jean Boissel, Victor Courtet 1813-1867, premier théoricien de la hiérarchie des races, Paris, PUF, 1972 ; L. Rignol, P. Régnier, « Races et politique dans l’Histoire de France chez Victor Courtet de L’Isle », Études saint-simoniennes, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2002, p. 127-152 ; L. Rignol, Les Hiéroglyphes…, op. cit., p. 739-760 ; C.-O. Doron, L’Homme altéré. Races et dégénérescence (xviie-xixe siècle), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016, p. 361-366. Sur d’Eichthal et la question des races, Voir notamment Sandrine Lemaire, « Gustave d’Eichthal, ou les ambiguïtés d’une ethnologie saint-simonienne », Études saint-simoniennes, op. cit., p. 153-175.
  • [17]
    Séance du 26 février 1847, Bulletin de la SEP, t. I, p. 45-47.
  • [18]
    En dépit de son importance, la SEP est mal connue. Voir néanmoins T. Bernon, « La science des races… », art. cit. ; M. Staum, Labeling People…, op. cit. Nous y reviendrons en détail dans un ouvrage à paraître.
  • [19]
    Rappelons que ces courants ne se différencient que progressivement dans les années 1825-1830 et que ces étiquettes sont encore relativement fluides, les allers-retours entre ces groupes étant fréquents.
  • [20]
    Sur la notion d’internationale (ou d’archipel) libérale et patriote, Isabella Maurizio, Risorigimiento in Exile. Italian Émigrés and the Liberal International in the Post-Napoleonic Era, Oxford, Oxford University Press, 2009 ; Walter Bruyère-Ostells, La Grande Armée de la liberté, Paris, Tallandier, 2009. Le cas de Kolletis illustre bien comment s’articulent la doctrine des races et la défense des nations opprimées : figure du « parti français », il est le promoteur de la « grande idée » visant à intégrer dans la patrie grecque l’ensemble des personnes de « race grecque », au-delà du seul royaume de Grèce alors libéré, ce que Guizot qualifiait précisément « d’affranchissement général de la race grecque ».
  • [21]
    Hervé Le Bret, Les Frères d’Eichthal, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2012.
  • [22]
    En témoigne la comparaison avec la Société de géographie, proche de la SEP dans ses objectifs et sa composition, mais où « il n’y a que très peu de négociants » (Dominique Lejeune, Les Sociétés de géographie en France et l’expansion coloniale au xixe siècle, Paris, Albin Michel, 1993, p. 32).
  • [23]
    C’est le cas de d’Eichthal ou Courtet, par exemple.
  • [24]
    D. Lejeune, Les Sociétés…, op. cit.
  • [25]
    François Manchuelle, « Origines républicaines de la politique d’expansion coloniale de Jules Ferry (1838-1865) », Outre-Mers, 279, 1988, p. 185-206.
  • [26]
    P. Darriulat, Les Patriotes. La gauche républicaine et la nation 1830-1870, Paris, Seuil, 2001.
  • [27]
    L’Industrie et la morale dans leurs rapports avec la liberté, Paris, Sautelet, 1825 (IM par la suite). Voir Courtet, La Science politique…, op. cit., p. 108 et A. Sudre, « D’une nouvelle philosophie de l’histoire… », art. cit., p. 403.
  • [28]
    Traité de législation ou exposition des lois générales suivant lesquelles les peuples prospèrent, dépérissent ou restent stationnaires, 4 tomes, Sautelet, Paris, 1826-1827 (TL par la suite).
  • [29]
    Sur Thierry, mieux travaillé que les autres mais rarement en lien avec le CE, Stanley Mellon, The Political Uses of History. A Study of Historians in the French Restoration, Stanford, Stanford University Press, 1958 ; M. Seliger, « The Idea of Conquest and Race-Thinking During the Restoration », Review of Politics, 22-4, 1960, p. 544-567 ; R. N. Smithson, Augustin Thierry, Social Consciousness in the Evolution of a Historical Method, Genève, Droz, 1972 ; Lionel Gossman, « Augustin Thierry and Liberal Historiography », History and Theory, 15-4, 1976, p. 3-83 ; Anne Denieul-Cormier, Augustin Thierry. L’histoire autrement, Paris, Publisud, 1996 ; Patrick Garcia, « Les régimes d’historicité : un outil pour l’historien ? Une étude de cas : la “guerre des races” », Revue d’histoire du xixe siècle, 25, 2002, p. 43-56 ; L. Rignol, « Augustin Thierry et la politique de l’histoire », Revue d’histoire du xixe siècle, 25, 2002, p. 87-100.
  • [30]
    Depuis quelques années, Comte et Dunoyer ont fait l’objet d’un regain d’intérêt en lien avec une revalorisation du libéralisme français du début du xixe siècle. David M. Hart, Class Analysis, Slavery and the Industrialist Theory of History in French Liberal Thought, 1814-1830. The Radical Liberalism of Charles Comte et Charles Dunoyer, 1997 (http://davidmhart.com/liberty/Papers/ComteDunoyer/CCCD-PhD/CCCD-Book-2010.pdf) ; D. M. Hart, Robert Leroux, L’Âge d’or du libéralisme français, Paris, Ellipses, 2014. Mais leur rôle dans l’élaboration des questions raciales a été négligé. Leurs travaux ont fait l’objet soit d’analyses d’histoire économique en lien avec la lutte des classes (Leonard Liggio, « Charles Dunoyer and French Classical Liberalism », Journal of Libertarian Studies, 1-3, 1977, p. 153-178 ; Ralph Raico, « Classical Liberal Exploitation Theory », Journal of Libertarian Studies, 1-3, p. 179-183), soit d’analyses d’histoire de la presse (voir l’ouvrage fondamental d’Ephraïm Harpaz, Le Censeur, Le Censeur européen. Histoire d’un journal libéral et industrialiste, Genève, Slaktine, 2000).
  • [31]
    Sur le Censeur, E. Harpaz, Le Censeur…, op. cit., p. 1-40.
  • [32]
    Voir par exemple l’article que lui consacre la Biographie des hommes du jour, Paris, Krabe, 1835, t. I., p. 304-308. Après la fin du CE, Comte s’exile en Suisse puis en Angleterre avant de revenir en France en 1826 et donner des cours de droit. Après la monarchie de Juillet, il devient procureur du roi mais sa charge lui est retirée après qu’il a poursuivi un député qui voulait restreindre la liberté de la presse. Il est élu en 1831 à la Chambre comme député de la Sarthe où il siège dans l’opposition dynastique, en même temps qu’il est secrétaire de l’Académie des sciences morales et politiques. Il meurt en 1837.
  • [33]
    Après la fin du CE, Dunoyer continue à lutter en France contre la Restauration, publiant des brochures appelant les électeurs à se mobiliser, donnant des cours à l’Athénée, se portant candidat pour le parti libéral et, lors des Ordonnances de juillet 1830, appelant à une grève des impôts. Avec la monarchie de Juillet, il entame une carrière administrative mouvementée, devenant préfet de l’Allier en 1831, de la Somme en 1837 puis de l’Ille-et-Vilaine en 1838, poste qu’il refuse. Il devient conseiller d’État en service extraordinaire et, brièvement, directeur de la Bibliothèque royale. En dépit de son opposition à la Révolution de 1848, il est maintenu conseiller d’État jusqu’en 1852, quand il s’oppose au nouveau régime. Il est membre de l’Académie des sciences morales et politiques depuis 1832 et membre et président de la Société d’économie politique à sa fondation en 1842. Voir la notice de G. de Puynode, Journal des économistes, 3-4/13, 1869, p. 5-28.
  • [34]
    Les autres contributeurs identifiables sont Saint-Simon, qui donne quelques articles au journal, Jacques-Étienne Dulaure, auteur d’un texte accusant l’émigration d’être la cause des crimes révolutionnaires et Lazare Carnot.
  • [35]
    Rappelons que le terme « libéral » et les expressions « parti libéral » ou « libéralisme » pour qualifier une tendance politique ne s’imposent que dans les années 1815-1820. Voir Javier Fernandez Sebastian (éd.), La aurora de la libertad, Madrid, Marcial Pons Historia, 2012 ; et, pour la structuration du parti libéral en France, Pierre Triomphe, « Un moment crucial dans la constitution du parti libéral. Les élections de 1818 », Histoire, économie et société, 33-1, 2014, p. 37-54. Pour une discussion stimulante sur la définition du libéralisme, Duncan Bell, Reordering the World. Essays on Liberalism and Empire, Princeton, Princeton University Press, 2016. Pour une perspective sur les libéraux français sous la Restauration, Lucien Jaume, L’Individu effacé ou le paradoxe du libéralisme, Paris, Fayard, 1997 ; Pierre Rosanvallon, Le Moment Guizot, Paris, Gallimard, 1985 ; Aurelian Craiutu, Le Centre introuvable. La pensée politique des doctrinaires sous la Restauration, Paris, Plon, 2006.
  • [36]
    Pour une généalogie de ces mouvements, Chinatsu Takeda, « Deux origines du courant libéral en France », Revue française d’histoire des idées politiques, 18, 2003/2, p. 233-257, et les travaux classiques de Sergio Moravia sur les Idéologues et Marc Régaldo sur la Décade (Marc Regaldo, Un Milieu intellectuel. La Décade philosophique, thèse, Paris, 1976).
  • [37]
    Stendhal, Souvenirs d’égotisme, Paris, Gallimard, 1983, p. 74-78 ; et, pour une analyse détaillée de ces réseaux, A. Denieul-Cormier, Augustin Thierry…, op. cit.
  • [38]
    M. Dorigny, B. Gainot, La Société des Amis des Noirs, Paris, Unesco, 1998. La proximité entre Grégoire et le CE se traduit dans le fait que son Essai historique sur les libertés de l’église gallicane (1818) est publié au bureau du Censeur européen.
  • [39]
    P. Triomphe, « Un moment crucial… », art. cit. ; Nicolas Boisson, Les Figures de Joseph Rey de Grenoble (1779-1855) : conspirateur libéral, « philosophe » et socialiste « utopique », Grenoble, Université de Grenoble 2 – IEP, 2001.
  • [40]
    Plus encore que Comte et Dunoyer, Thierry (1795-1856) est le produit des institutions éducatives du Directoire et de l’Empire : issu d’un milieu modeste de Blois, il est formé au collège de la ville avant d’intégrer l’École Normale. Il rencontre Saint-Simon et devient son secrétaire peu après sa sortie de l’École. Voir A. Denieul-Cormier, Augustin Thierry…, op. cit.
  • [41]
    Compte-rendu fait par Dunoyer, in CE, Paris, Bureau de l’administration, 1817, II, p. 222-246.
  • [42]
    A. Denieul-Cormier, Augustin Thierry…, op. cit., p. 87.
  • [43]
    E. Harpaz, Le Censeur…, op. cit., p. 41-288.
  • [44]
    Mary Pickering, Auguste Comte. An Intellectual Biography, Cambridge University Press, 1993, I, p. 140-142 et p. 271 sq. Comte, en plus de remplacer Thierry comme secrétaire de Saint-Simon, fut aussi le précepteur et proche de d’Eichthal.
  • [45]
    Au Brésil, les journaux libéraux Aurora Fluminense et Diario Fluminense diffusent activement les travaux de Dunoyer, dont ils publient des extraits entre 1829 et 1834 ; Comte et Dunoyer sont même invités par le Parlement brésilien à donner des cours au Brésil en 1830. À Cuba, le traité de Comte, et en particulier son 4e tome consacré à la critique de l’esclavage, connaît une réception considérable dans les milieux libéraux (Karim Ghorbal, « Esclavage et modernité à Cuba : la réception du Traité de législation de Charles Comte », in Jacques de Cauna, Éric Dubesset (éd.), Dynamiques caribéennes. Pour une histoire des circulations dans l’espace atlantique (xviiie-xixe siècles), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2014, p. 327-343).
  • [46]
    Sur les rapports entre le Censeur et le noyau du Producteur, M.-F. Piguet, Individualisme. Une enquête sur les sources du mot, Paris, CNRS éditions, 2018, p. 61-89 ; C.-O. Doron, « Races, liberté, égalité et fraternité », Zinbun, 総目次, 49, 2019, p. 123-157.
  • [47]
    Alan B. Spitzer, The French Generation of 1820, Princeton, Princeton University Press, 1987.
  • [48]
    O. Tort, La Droite française…, op. cit., p. 94-102.
  • [49]
    C. Comte, « De la multiplication des pauvres », CE, VII, 1818, p. 64-65.
  • [50]
    F. Guizot, Du gouvernement de la France depuis la Restauration et du ministère actuel, Paris, Ladvocat, 1820, p. 1-2.
  • [51]
    Ces réflexions ne peuvent être séparées des débats qui portent sur les interprétations de la Révolution, en particulier celles de Montlosier (1814), de Mme de Staël (dont les Considérations, rédigées en 1817, sont publiées à titre posthume en 1818) et des Doctrinaires. Le CE s’inscrit dans les interprétations qui distinguent nettement 1789 et 1793, situent la Révolution dans un mouvement bien plus profond de la liberté depuis le Moyen Âge et mettent l’accent sur la dimension conflictuelle de la société.
  • [52]
    Francis Démier, La France de la Restauration (1814-1830). L’impossible retour du passé, Paris, Gallimard, 2012, p. 462-470.
  • [53]
    Sur l’importance du moment, F. Démier, « Adam Smith et la reconstruction de l’empire colonial français au lendemain de l’épisode révolutionnaire », Cahiers d’économie politique, 27/28, 1996, p. 241-276 ; Olivier Pétré-Grenouilleau, L’Argent de la traite. Milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle, Paris, Aubier, 1996, p. 197-196 ou Édouard Delobette, Ces Messieurs du Havre. Négociants, missionnaires et armateurs de 1680 à 1830, thèse, Université de Caen, 2005, p. 849-1042.
  • [54]
    Sur la famille Say, Joseph Valynseele, Les Say et leurs alliances. L’étonnante aventure d’une famille cévenole, Paris, [s.n.], 1971 ; Michel Lutfalla, « Jean-Baptiste Say et les siens : une famille d’économistes », Revue d’histoire économique, 89-3, 1979, p. 389-407 ; sur la philosophie politique et économique de Say, Evelyn L. Forget, The Social Economics of J-B Say. Markets and Virtue, Londres, Routledge, 1999 ; P. Steiner, « Say, les Idéologues et le Groupe de Coppet », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 18-2, 2003, p. 331-353 ; sur l’esclavage, Gilles Jacoud, « L’esclavage colonial : une comparaison des approches de Say, Sismondi et des Saint-Simoniens », Œconomia, 6-3, 2016, p. 363- 402, et sur ses positions sur la colonisation, Anna Plassart, « “Un impérialiste libéral” ? Jean-Baptiste Say on Colonies and the Extra-European World », French Historical Studies, 32, 2009, p. 223-250.
  • [55]
    Guy Martinière, « Horace Say et le Brésil », Cahier d’économie politique, 27-28, 1996, p. 211-239.
  • [56]
    Pour une mise en parallèle entre émigrés et colons, M. de Pradt, La France, l’émigration et les colons, Bruxelles, Tarlier, 1825.
  • [57]
    IM, p. 29-40.
  • [58]
    « Correspondance inédite et secrète du docteur Benjamin Franklin », CE, IV, 1817, p. 103.
  • [59]
    L’Industrie, cité dans le compte-rendu qu’en fait C. Dunoyer, CE, III, 1817, p. 194.
  • [60]
    « De la multiplication des pauvres », CE, VII, 1818, p. 64-65.
  • [61]
    C. Comte, « Considérations sur l’état moral de la nation française », CE, I, 1817, p. 47 et 26.
  • [62]
    Voir C. Dunoyer, IM, p. V ou C. Comte, TL, I, p. 152.
  • [63]
    B. Constant, « De M. Dunoyer et de quelques-uns de ses ouvrages », Mélanges de littérature et de politique, Louvain, Michel, 1830, p. 89.
  • [64]
    C. Dunoyer, IM, p. 4.
  • [65]
    La rupture entre le Censeur, centré sur le contrôle des institutions et un libéralisme attentif aux droits et formes de gouvernement, teinté de républicanisme, et le CE qui introduit les sciences économiques et l’analyse historique et anthropologique au sein des sciences politiques, mettant l’accent sur les modes de production et la lutte des classes/races au sein de la société, a été notée par E. Harpaz, Le Censeur…, op. cit. ; D. Hart, Class Analysis…, op. cit.
  • [66]
    CE, I, 1817, p. III.
  • [67]
    Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, VI, Paris, Moniteur Universel, p. 368.
  • [68]
    B. Constant, De l’esprit de conquête et d’usurpation (1813), in Id., Œuvres politiques, Paris, Charpentier, 1874, p. 379 et 388.
  • [69]
    « M. Augustin Thierry », Revue contemporaine, IX, 1853, p. 503.
  • [70]
    Voir par exemple la brochure de C. Dunoyer, Du droit de pétition à l’occasion des élections de 1824.
  • [71]
    Dunoyer, compte-rendu de Saint-Simon, L’Industrie, CE, II, p. 206 et compte-rendu de J-B. Say, Petit volume, CE, VII, 1818, p. 109.
  • [72]
    C. Comte, « Considérations… », art. cit., p. 82-84.
  • [73]
    TL, IV, p. 486.
  • [74]
    Augustin Thierry, « Commentaires sur L’Esprit des lois », CE, VII, 1818, p. 248 et Manuel électoral, CE, II, p. 133.
  • [75]
    C’est la leçon que tire le Constitutionnel du 3 mars 1829 des travaux de Comte, pour expliquer comment, dans les troubles que connaissent les Républiques sud-américaines, les institutions libérales ne sont pas en cause : ils s’expliquent par « des causes plus profondes et plus difficiles à détruire. Ce ne sont pas deux systèmes politiques qui sont en présence, ce sont les descendants des conquérants et les descendants des peuples vaincus. Toutes les races colorées, aspirant à sortir du long avilissement qui a pesé sur elles, semblent avoir déclaré la guerre à la race blanche qui forme la noblesse du pays ».
  • [76]
    Jean-Luc Chappey, La Société des Observateurs de l’Homme, Paris, Études Robespierristes, 2002 ; C.-O. Doron, L’Homme altéré…, op. cit., p. 388-418 ; Silvia Sebastiani, I limiti del progresso. Razza e genere nell’Illuminismo scozzese, Bologne, Il Mulino, 2008.
  • [77]
    C.-O. Doron, Races et dégénérescence : l’émergence des savoirs sur l’homme anormal, thèse de doctorat, Paris VII, 2011, p. 1090-1195 ; P. Rosanvallon, Le Moment Guizot, op. cit., marque ce point dans le cas de Guizot.
  • [78]
    « Vue des révolutions d’Angleterre. Première partie », CE, III, p. 2-3.
  • [79]
    C. Comte, TL, I, p. 38-39. Voir aussi « Considérations », art. cit., p. 3.
  • [80]
    Les ouvrages de d’Eichthal et Courtet illustrent ce point. Voir aussi A. Granier de Cassagnac, Histoire des classes laborieuses et des classes bourgeoises, Paris, Desrez, 1838, qui voit dans l’histoire la base du politique et dans les races les fondements de l’histoire.
  • [81]
    Par exemple C. Comte, compte rendu du Traité d’économie politique de Say, CE, I, p. 161-167 et TL, t. I.
  • [82]
    C.-O. Doron, « Un antiracisme ambigu. La critique spiritualiste de la science des races », à paraître. Dès 1834-1835, les bucheziens et d’autres catholiques sociaux se livrent à une critique de la mobilisation de la notion de race et du déterminisme matériel qu’elle supposerait en histoire et en sciences sociales ; ces arguments se retrouvent dans les réceptions critiques du livre de Courtet par des personnalités aussi diverses que C. Pecqueur ou Blanc de Saint-Bonnet.
  • [83]
    IM, p. 55.
  • [84]
    G. de Staël, Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la révolution, Paris, Viénot, 1906, p. 9. Voir Jean-Fabien Spitz, L’Amour de l’égalité. Essai sur la critique de l’égalitarisme républicain en France 1770-1830, Paris, Vrin, 2000 ; P. Rosanvallon, Le Moment Guizot, op. cit., C.-O. Doron, Races et dégénérescence…, op. cit., p. 1114-1147 ; John Carson, The Measure of Merit. Talents, Intelligence and Inequality in the French and American Republics, 1750-1940, Princeton, Princeton University Press, 2007 ; A. Craiutu, Le Centre introuvable…, op. cit.
  • [85]
    Ce lien entre développement d’une hiérarchie raciale et promotion d’un classement selon les capacités naturelles, fondé sur la concurrence et le concours, gagnerait à être étudié. Il est explicite chez Courtet : « ce qui domine et a toujours dominé le monde, c’est la capacité […] la capacité seule donne le classement [en livrant] les individualités à leur propre puissance […] au milieu du concours universel » (Mémoire adressé « Aux chefs de la hiérarchie saint-simonienne » (1831), in J. Boissel, Victor Courtet…, op. cit., p. 33-34). On le retrouve chez Dunoyer, chez Pecqueur ou chez Broca. Il explique le succès de la rhétorique de la concurrence et de la lutte raciale chez nombre de républicains et libéraux au long du xixe siècle, rhétorique bien antérieure au darwinisme social.
  • [86]
    Selon les expressions de F. Guizot, Des moyens de gouvernement et d’opposition dans l’état actuel de la France, Paris, L’Advocat, 1821, p. 151 et 160.
  • [87]
    IM, p. 279.
  • [88]
    Par exemple C. Comte, « De l’organisation sociale », CE, II, p. 57 ; F. Guizot, Des moyens de gouvernement…, op. cit., p. 164. Et pour une discussion générale, J.-F. Spitz, L’Amour de l’égalité…, op. cit. ; C.-O. Doron, Races et dégénérescence…, op. cit., p. 1117-1141.
  • [89]
    Par exemple, L. Raybeaud, « Recherches statistiques et historiques sur le mouvement et le progrès des races humaines », Journal des travaux de la Société française de Statistique Universelle, II-3/7, 1837, p. 551-555.
  • [90]
    C’est la position récurrente des saint-simoniens. L. Rignol, Les Hiéroglyphes…, op. cit.
  • [91]
    Par exemple Pecqueur ou Molinari.
  • [92]
    Pour plus de détails, C.-O. Doron, L’Homme altéré…, op. cit., p. 351-361.
  • [93]
    IM, p. 72 et 82.
  • [94]
    Ibidem, p. 87.
  • [95]
    Nouveau traité d’économie sociale, Paris, Sautelet, 1830, t. I, p. 80-81.
  • [96]
    Ibidem, p. 83-84.
  • [97]
    J. Boissel, Victor Courtet…, op. cit.
  • [98]
    Ibidem, p. 93.
  • [99]
    Cette logique se retrouve chez Domeny de Rienzi, à la fois défenseur de l’égalité des droits des libres de couleur aux colonies et partisan de l’inégalité radicale des races : « les inégalités physiologiques qui les distinguent ne doivent jamais autoriser aucun homme ou aucun corps social à oublier que les hommes doivent être égaux en droits, quoique ces différences produisent des infériorités physiques et morales, très remarquables entre les races […] qu’il faut corriger par un bon système d’éducation et de bonnes lois » (Dictionnaire de géographie, Paris, Pitois-Levrault, 1840, p. xii).
  • [100]
    TL, II, p. 48-49.
  • [101]
    Ibidem Cette extension des inégalités individuelles aux races est aussi contestée, par exemple, par Pecqueur et divers fouriéristes.
  • [102]
    Ibidem, p. 63. Pour une analyse plus détaillée, C.-O. Doron, « Races, liberté, égalité et fraternité », art. cit.
  • [103]
    N’en déplaise aux tenants d’une histoire manichéenne du racisme, Dunoyer, qui défend l’inégalité des races et le déterminisme racial est monogéniste et affi rme l’unité de l’espèce ; Comte, qui conteste l’inégalité des races et le déterminisme racial, est polygéniste.
  • [104]
    TL, III, p. 486.
  • [105]
    Ibidem, II, p. 50.
  • [106]
    Ibidem, III, p. 488.
  • [107]
    Ibidem, p. 427.
  • [108]
    Ibidem, t. IV, p. 488.
  • [109]
    Ibidem, p. 489.
  • [110]
    Ibidem, p. 490.
  • [111]
    C.-O. Doron, « Races, liberté, égalité et fraternité », art. cit., pour les exemples de Chevalier, Pecqueur, D’Eichthal et Courtet.
  • [112]
    C. Comte, « De la multiplication des pauvres », art. cit., p. 1-2.
  • [113]
    Censeur, V, p. 224 ou CE, IX, 1818, p. 157 sq et 316 sq.
  • [114]
    Philippe Darriulat, Les Patriotes..., op. cit. La défense par Sismondi de la conquête algérienne en offre un bel exemple.
  • [115]
    Pour les sociétés de colonisation de l’Afrique, Eric Burin, Slavery and the Peculiar Solution. A History of the American Colonization, Gainesville, Florida University Press, 2008 ; pour le cas de Grégoire et de la deuxième société des amis des Noirs, dont Dunoyer et Comte sont proches, M. Dorigny, « La société des amis des Noirs et les projets de colonisation de l’Afrique », AHRF, 293- 294, p. 421-429 ; Id., « Intégration républicaine des colonies et projets de colonisation de l’Afrique », Revue française d’histoire outre-mer, 328-329, 2000, p. 89-105.
  • [116]
    Anonyme, « Considérations sur la situation de l’Europe », Le Censeur, III, Paris, Marchant, 1815, p. 29-30.
  • [117]
    Ibidem, p. 30.
  • [118]
    A. Noirot, « Les vrais principes de la colonisation », R.M.C., 13, p. 405-406. F. Manchuelle, « Origines républicaines », art. cit., p. 197-198.
  • [119]
    Ibidem.
  • [120]
    C. Comte, « Considérations… », art. cit., p. 40.
  • [121]
    C. Dunoyer, « Du système de l’équilibre », CE, I, p. 101.
  • [122]
    TL, II, p. 257-270.
  • [123]
    TL, IV, p. 486.
  • [124]
    Histoire de la conquête de l’Angleterre, Paris, Sautelet, 1826, p. v-xviii.
  • [125]
    « Considérations », art. cit., p. 58 et p. 10.
  • [126]
    Ibidem, p. 15.
  • [127]
    TL, op. cit., III, p. 390 sq.
  • [128]
    C. Comte, « Considérations… », art. cit., p. 36-37.
  • [129]
    Compte-rendu de De la monarchie française, art. cit., in Censeur européen, IX, 1818, p. 178-183.
  • [130]
    C. Dunoyer, compte rendu de A. Thierry, « Des nations et de leurs rapports mutuels », in Censeur européen, II, 1817, p. 240-243.
  • [131]
    Voir la mise au point de Claude Nicolet, La Fabrique d’une nation, Paris, Perrin, 2006 [2003] et, pour le cas de Boulainvilliers, Harold A. Ellis, Boulainvilliers and the French monarchy. Aristocratic Politics in Early 18th Century France, Ithaca, Cornell University Press, 1988, ainsi que Diego Venturino, Le ragioni della tradizione. Nobiltà e mondo moderno in Boulainvilliers (1658-1722), Turin, Le Lettere, 1993.
  • [132]
    Rappelons que le discours sur la conquête et le joug normand est mobilisé par les Levellers, entre autres, lors des révolutions anglaises (« The Norman Yoke » in C. Hill, Puritanism and Revolution, Londres, Penguin, 1986, p. 58-125), et que le thème de la conquête et du joug étranger joue un rôle important tant dans la révolution américaine (Élise Marienstras, Nous, le peuple. Les origines du nationalisme américain, Paris, Gallimard, 1988) que dans la révolution française.
  • [133]
    A. Thierry, « Considérations sur l’histoire de France », Œuvres complètes, Paris, Furne, 1858, IV, p. 48 et p. 21.
  • [134]
    Pour une discussion sur la notion de race au sein de ce jeu de valeurs nobiliaires, Arlette Jouanna, L’Idée de race en France au xvie siècle, Paris, Champion, 1976 ; Ellery Schalk, L’Épée et le Sang, Seyssel, Champ Vallon, 1996 [1986] ; C.-O. Doron, L’Homme altéré, op. cit., p. 88-126, et É. Haddad dans le numéro 68-2 de la RHMC.
  • [135]
    « Sur la classification de l’histoire de France par races royales », Le Courrier Français, 1820, in Dix ans d’études historiques, Œuvres d’Augustin Thierry, Hauman, Bruxelles, 1839, p. 641-642.
  • [136]
    « Races et politique dans l’Histoire de France », art. cit., p. 133.
  • [137]
    « Commentaire sur L’Esprit des lois », CE, VII, 1818, p. 251-252.
  • [138]
    A. Thierry, « Des nations et de leurs rapports mutuels », L’industrie, t. I, 2e partie, Paris, Delaunay, 1817, p. 8.
  • [139]
    Sur l’histoire de la formation du Tiers-État, Paris, Furne, 1853, p. 13.
  • [140]
    Histoire de la conquête de l’Angleterre, op. cit., p. xxiii-xxv, nous soulignons.
  • [141]
    Ibidem, p. xxvi.
  • [142]
    Ibidem, p. 243.
  • [143]
    Ibidem, p. xvii.
  • [144]
    Après la conquête romaine, note Amédée Thierry, la race gauloise « a fi ni comme nation, non comme race car les races humaines ne meurent point ainsi » (Histoire des Gaulois, Paris, Sautelet, 1828, III, p. 508). Edwards écrit : « S’il n’est plus question des Bretons dans le territoire occupé par les Saxons, c’est qu’il n’était plus une nation indépendante, ni même un peuple ayant une histoire civile. Ils étaient donc morts pour l’histoire, surtout de la manière dont on l’écrivait alors ; mais ils n’avaient pas péri, ils vivaient encore » (W. F. Edwards, Des caractères physiologiques…, op. cit., p. 70).
  • [145]
    Histoire de la conquête de l’Angleterre, op. cit., p. xiv-xviii.
  • [146]
    Augustin Thierry prétend ainsi « éclaircir le problème […] des diverses variétés de l’espèce humaine en Europe et des grandes races primitives auxquelles ces variétés se rattachent » (Histoire de la conquête de l’Angleterre, op. cit., p. xiv). Voir aussi Histoire des Gaulois, op. cit., introduction.
  • [147]
    M.-F. Piguet, « “Contre-révolution”, “guerre civile”, “lutte entre deux classes” : Montlosier (1755-1838), penseur du conflit politique moderne », Astérion, 6, 2009, p. 22 sq.
  • [148]
    W. F. Edwards, Des caractères physiologiques…, op. cit., p. 41.
  • [149]
    « Sur la fausse couleur donnée aux premiers temps de l’histoire de France », Lettres sur l’histoire de France, Œuvres d’Augustin Thierry, op. cit., p. 422.
  • [150]
    P. Buchez, Histoire parlementaire de la Révolution française, t. III, Paris, Paulin, 1834, p. v-vii.

1Dans l’un des premiers essais historiographiques sur la doctrine des races, l’économiste Alfred Sudre s’étonne :

2

« Étrange contradiction ! cette doctrine est, en général, professée par des hommes dévoués aux principes de la liberté […] et d’égalité, si sympathiques à la cause des vaincus et des opprimés […], défenseurs du progrès [qui] ne pouvaient prévoir à quel excès certains de leurs imitateurs porteraient l’idée de la distinction des races et quelles doctrines d’inégalité, d’oppression et de servitude ils déduiraient de principes inspirés par une pensée de l’émancipation » [1].

3Aux lecteurs habitués à voir dans Gobineau le père de la doctrine des races [2] et dans celle-ci une doctrine justifiant l’exclusion et l’asservissement au nom d’inégalités naturelles, ces assertions semblent étranges. Elles inscrivent cette doctrine, selon laquelle l’histoire, l’ordre actuel et le destin des sociétés trouvent leur principe dans les rapports (de domination, de lutte, de mélange) entre les races qui les composent, dans une autre généalogie et pointent les affinités entre la définition de la race comme objet/sujet du politique et les courants libéraux et réformateurs qui, sous la Restauration et la monarchie de Juillet, ont défendu la liberté, le progrès et l’émancipation.

4Ces affinités ne se situent pas simplement au niveau des principes : elles sont passibles d’une histoire sociale. On peut confirmer les assertions de Sudre par une étude des réseaux qui promeuvent la science des races en France dans le premier xixe siècle. Ce n’est pas du côté des partisans de la droite [3], ni des défenseurs de l’ancien ordre colonial esclavagiste qu’on trouve ses promoteurs. En politique intérieure, elle est inséparable de la stratégie politique des libéraux et industrialistes entre 1816 et 1830 et n’est pas la simple répétition d’un thème présent depuis le xviie siècle du côté de la réaction nobiliaire [4]. Sudre a raison lorsqu’il la lie aux partisans de la liberté. Il faut saisir pourquoi et marquer la spécificité de ces discours qui érigent la race en sujet politique dans un contexte précis. Les mêmes groupes qui mobilisent la race sur le plan intérieur sont liés aux milieux financiers et industriels qui, suite aux réflexions sur la colonisation nouvelle [5], cherchent à développer un modèle d’expansion fondé non sur l’exclusif et l’esclavage mais sur le libre-échange, la mise en valeur du globe par l’industrie, le crédit et, parfois, des colonies de peuplement pour travailleurs européens. Ce serait une erreur de rattacher la science des races univoquement à la défense de l’esclavage [6]. En France, elle est largement le fait de groupes qui se projettent dans un univers après l’esclavage où des rapports nouveaux doivent s’établir entre groupes humains : rapports de tutelle et de hiérarchie selon les capacités, d’expansion et d’extinction, d’association et de fusion, de stimulation et de civilisation ; rapports de facto oppressifs et violents, mais qui ne passent pas par le maintien du régime esclavagiste.

5On peut donc parler d’un moment libéral de la race, qu’il faut étudier dans sa complexité. Notre article procédera en deux étapes. Nous commencerons par montrer le rôle des réseaux libéraux, réformateurs et républicains dans la promotion de la question des races en étudiant la première institution prenant explicitement les races pour objet : la Société ethnologique de Paris, fondée en 1839. Nous montrerons ensuite que, pour saisir la place complexe qu’occupe la question raciale dans la pensée libérale et réformatrice des années 1830, il faut remonter aux débats qui traversent ces mouvements depuis la Restauration et revenir, en particulier, sur un groupe qui a joué un rôle clé, pourtant négligé, dans la formation de la race comme sujet/objet du politique : le Censeur européen (CE) et ses figures que sont Charles Dunoyer, Charles Comte et Augustin Thierry.

6Nous le ferons en nous gardant d’une alternative souvent présente lorsqu’il s’agit d’envisager les rapports entre race et libéralisme. Contre une lecture qui y voit soit une trahison des principes libéraux, soit une contradiction, soit une réaction ou un tournant [7], nous montrerons qu’il existe, dans des répertoires libéraux eux-mêmes variés, des éléments qui expliquent « positivement » les places qu’y occupe la question des races. La race n’apparaît pas de manière accidentelle dans l’horizon libéral : elle s’insère dans ses rationalités politiques et la stratégie de certains de ses réseaux. Mais, d’un autre côté, on ne peut la réduire à une vérité cachée et homogène du libéralisme : celle d’un contrat racial qui conditionnerait le contrat social et fonderait l’ordre libéral sur l’exclusion et l’oppression des « autres racisés » [8]. Ce serait une erreur de ne voir dans la race, telle qu’elle est mobilisée par ces libéraux et s’impose dans l’espace politique des années 1830, qu’un simple outil de hiérarchisation et de domination. Son succès tient à sa plasticité et au fait qu’elle a pu servir à donner un corps stable, une identité et une mémoire à des groupes opprimés, autant qu’elle servait (dans le même mouvement) à penser des hiérarchies, des inégalités de capacités ou des obstacles dans la réalisation du progrès.

La Société ethnologique de Paris (1839-1848) : réseaux libéraux et science des races

7En août 1839 est créée, sous l’impulsion de W. F. Edwards, la Société ethnologique de Paris (SEP), première société vouée à « l’étude des races humaines d’après les traditions historiques, les langues et les traits physiques et moraux de chaque peuple » [9]. Il s’agit de la première institutionnalisation de la science des races, laquelle articule l’histoire naturelle de l’homme, consacrée aux variétés physiques héréditaires au sein de l’espèce, une généalogie des peuples fondée sur les matériaux historiques, les langues ou les traditions, et des préoccupations liées aux systèmes sociaux des groupes étudiés. Sa fondation répond à la création en 1836 de l’Aborigines’ Protection Society par T. F. Buxton et T. Hodgkin à la suite des campagnes visant à l’abolition de l’esclavage et des enquêtes portant sur le traitement des indigènes dans l’Empire Britannique [10]. La SEP s’inscrit dans cet horizon de réflexions dans une phase nouvelle de colonisation. En France, l’émancipation progressive des esclaves se trouve relancée en 1834 avec la formation de la Société française pour l’abolition de l’esclavage [11] ; la politique coloniale se pose à travers la question algérienne et ses ramifications en Afrique et, plus largement, la volonté de déterminer la position de la France dans un contexte où l’Angleterre démultiplie les implantations [12].

8La SEP hérite aussi d’une histoire qui ne se limite pas aux enjeux coloniaux. Les rapports de conquête, de lutte, de mélange ou d’association entre des races diverses par leurs langues, leurs traits moraux et physiques, servent de clé pour interpréter l’histoire européenne et nationale depuis la Restauration, chez les auteurs du CE puis un ensemble d’historiens et publicistes libéraux ou réformateurs. Ces études se multiplient dans les années 1830, la publication par Edwards en 1829 Des caractères physiologiques des races humaines dans leur rapport avec l’histoire où il articule l’analyse naturaliste des variétés héréditaires et l’étude historique des « races populaires » proposée par les frères Thierry, ayant joué un rôle essentiel [13]. La question des races sert à penser ce qu’on appellera ensuite le réveil des nationalités. Elle fait apparaître, sous des institutions et partages politiques jugés artificiels, sous des systèmes de domination fondés par la violence, « la persistance et l’antagonisme des races », « ces vieilles inimitiés transmises dans le sang de génération en génération », et surtout l’éveil de « populations qui, jusque-là, avaient paru résignées à la perte de leur nom et de leur nationalité » : « peuples de races diverses […] partagés, morcelés, mutilés au hasard, non pas d’hier mais depuis des siècles, mais qui se préparaient à réclamer des droits qui ne se peuvent prescrire », pour reprendre les formules du libéral Amédée Jacques [14].

9Certains voient dans les rapports de races la base matérielle de l’évolution des sociétés, en particulier du côté saint-simonien [15]. 1838-1839 sont d’ailleurs marquées par la publication de deux ouvrages clés, issus de débats qui traversent les groupes réformateurs depuis le début des années 1830 : La Science politique fondée sur la science des races de Victor Courtet de L’Isle et les Lettres sur la race noire et la race blanche de Gustave d’Eichthal et Ismayl Urbain, tous trois membres de la SEP [16]. Comme le note d’Eichthal en 1847, « les plus grandes questions sociales sont des questions ethnologiques » qui posent le problème des « affinités naturelles des races ». Cela vaut pour les rapports entre « la race noire et la race blanche » ou les « races indigènes » aux colonies, mais aussi en Europe, où « nous rencontrons à chaque pas la lutte de races opposées, lutte du Grec contre le Turc, du Slave contre le Germain ou le Magyare, du Français contre l’Arabe, de l’Irlandais contre l’Anglais ». Et en France « nous réunissons les débris des plus vieilles races européennes, conservant encore leurs caractères physiques, leurs langues, leurs mœurs mêmes » [17]. La question des races est perçue comme le fonds de la politique : la réduire à une question coloniale, c’est mal comprendre comment elle se pose aux yeux des contemporains.

10Il ne s’agit pas d’entrer dans les détails de la SEP [18] mais d’illustrer par sa composition les groupes qui promeuvent la science des races sous la monarchie de Juillet. On y trouve confirmation des assertions de Sudre : les réseaux libéraux, républicains et réformateurs représentent près de 30 % de ses membres ordinaires ou correspondants et, en vérité, près de 90 % de ceux auxquels il est possible d’assigner une étiquette politique. Parmi ses fondateurs, on relève, outre Edwards, Michelet, le sculpteur David d’Angers, l’historien Charles Auguste Filon, le publiciste et archéologue Charles Lenormant, ainsi que Flourens, tous liés aux milieux libéraux ou républicains. On peut rattacher aux sensibilités libérales, parmi d’autres, Vivien de Saint-Martin, Victor Lanjuinais, Pierre René Auguis, Eugène de Mofras, Armand Trousseau ou Victor Schoelcher et ses proches comme Auguste-François Perinnon et Henri Alexandre Wallon. D’autres sont républicains, comme Hippolyte Fortoul, Pascal Duprat, François Lallemand, Charles Bonaparte, Marchal de Calvi, Émile Thomas ou Alcide Pelletan. On y rencontre des figures de la gauche comme Joseph Rey ou des fouriéristes comme Toussenel. Une part considérable de ses membres est, enfin, issue des réseaux saint-simoniens, au premier rang desquels Gustave d’Eichthal (secrétaire adjoint puis secrétaire de la SEP) et Courtet, Verrollot, Cazeaux, Michel Chevalier ou Ismayl Urbain. C’est l’ensemble des rameaux de la gauche (libérale, républicaine, saint-simonienne et socialiste) qui sont représentés [19]. Si l’on se tourne vers les membres étrangers, on relève la présence de figures de l’internationale libérale et patriote comme le républicain polonais Joachim Lelewel, le poète et patriote Adam Mickiewiscz, le nationaliste grec Ioannis Kolletis ou l’anarchiste espagnol Ramon de la Sagra [20].

11Le second point qui mérite attention est la place qu’occupent banquiers et négociants (plus de 12 % des membres ordinaires et correspondants), ainsi que les membres issus des écoles d’ingénieurs (Polytechnique ou Centrale). Cela est dû en partie à la tonalité saint-simonienne de la SEP et au rôle joué par d’Eichthal, lié au milieu de la haute banque et du négoce [21]. Mais cette présence n’est pas anodine dans une société savante [22] et doit être reliée au contexte des années 1830 où se formule un projet d’expansion visant la quête de nouveaux débouchés et la mise en valeur des capitaux dans une exploitation générale du globe : les promoteurs des nouveaux systèmes de crédit et de l’industrialisme se retrouvent dans la SEP et des pionniers de la science des races se sont engagés dans des réflexions sur le crédit [23]. On est frappé par la forte présence des banquiers saint-simoniens que sont les Pereire (Émile et Isaac) et leurs proches (Géroult, Clapeyron, Javal) ou les Rodrigues (Édouard, Olinde, Henri, Hippolyte) eux-mêmes alliés aux Pereire et aux d’Eichthal, dont on retrouve des proches comme Adolphe Vieyra, Adolphe et Ferdinand Moreau ou Génuyt de Beaulieu. Ce ne sont pas les seuls banquiers et négociants présents : on y trouve, par exemple, Armand Félix Jourdan, directeur adjoint de la Société d’Assurance L’Urbaine ou Jean-Pierre Casimir Cheuvreux, négociant en textile, beau-frère d’Horace Say et de Charles Comte, inscrit au centre gauche. Moins surprenante est la part de membres issus de la Société de Géographie et des officiers de Marine dont le rôle dans l’expansion coloniale est connu [24]. La SEP traduit une nouvelle logique coloniale qui articule exploration géographique et militaire, expansion commerciale, mise en valeur des terres et des capitaux, quête de débouchés pour les industries et engagement politique en faveur de la liberté et de la civilisation. Ce sont ces réseaux et ces principes qu’on retrouve dans la redéfinition de la politique coloniale à la fin de la monarchie de Juillet et sous le Second Empire [25].

12Cette cartographie témoigne d’un fait : ceux qui promeuvent la science des races sous la monarchie de Juillet appartiennent aux défenseurs de la liberté des peuples, du progrès et de l’industrie. Ils défendent souvent – aussi étrange que cela paraisse – l’égalité des droits et le progrès social. Ce sont parfois les mêmes qui promeuvent une politique de colonisation et un patriotisme belliqueux [26], même si la doctrine des races n’est pas nécessairement corrélée à une logique coloniale. Cette inscription de la question des races au sein des répertoires libéraux et réformateurs, et les places ambivalentes qu’elle y occupe, ne tient pas du hasard. Tous héritent d’une grille d’analyse forgée sous la Restauration, du côté notamment du CE auquel collaboraient tant Augustin Thierry que Saint-Simon, et qui constitue un jalon essentiel dans la définition de la race comme sujet/objet du politique. C’est dans ce groupe que s’opèrent, dès 1816-1817, une série de déplacements dans la pensée libérale, capitaux pour la formation de la doctrine des races. Ils s’affirment dans les ouvrages publiés en 1825-1826 par les principaux contributeurs du CE : L’Industrie et la morale considérée dans ses rapports avec la liberté de Dunoyer, présenté par Courtet et Sudre comme le premier ouvrage ayant introduit la science naturaliste des races en politique pour déduire de l’inégalité naturelle entre races une inégalité dans l’accès à la civilisation et la liberté et à affirmer un net déterminisme racial [27] ; le Traité de législation de Charles Comte, qui réfute le déterminisme racial de Dunoyer mais érige la lutte entre races productives et races parasites en clé de l’histoire universelle [28] ; et l’Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands d’Augustin Thierry, dont l’impact sur la science historique fut considérable, qui fait de la « distinction de races » la base de l’histoire [29]. C’est vers eux qu’il faut se tourner pour comprendre la place qu’occupe la race dans les réseaux libéraux et réformateurs du premier xixe siècle.

À l’école du Censeur : milieux libéraux et question des races sous la Restauration

13Longtemps négligés par l’historiographie [30], Comte et Dunoyer constituent deux figures du parti libéral sous la Restauration. Comte (1782-1837) est issu d’une famille de propriétaires agricoles de Lozère. Formé en école centrale, il monte faire son droit à Paris en 1806, devient avocat et fonde en juin 1814 le principal journal d’opposition de la première Restauration : le Censeur[31]. Dunoyer (1786-1862) le rejoint dès le second numéro. Son profil est différent et leurs historiographes ont tendance à faire de Comte l’exemple du libéral ferme dans ses principes [32] et de Dunoyer une « girouette », car il s’engage à partir de la monarchie de Juillet dans une tortueuse carrière administrative [33]. Dunoyer, issu d’une famille noble désargentée du Quercy, est initialement destiné à l’ordre de Malte. Formé lui aussi en école centrale, il part à Paris faire son droit. Contrairement à Comte, il occupe des postes administratifs subalternes sous l’Empire avant de rejoindre le Censeur. Dunoyer et Comte codirigent et animent presque à eux seuls [34] ce journal qui se donne pour tâche de surveiller l’activité du gouvernement et l’application de la Charte, de réfléchir aux formes constitutionnelles appropriées à un régime préservant les libertés, de promouvoir le développement de l’opinion publique et la liberté de la presse, et qui mène une guerre contre les ultras. Le journal continue de paraître pendant les Cent-Jours, en dépit de l’opposition de Comte et Dunoyer à Napoléon, et cesse de paraître en 1815. Il connaît un succès considérable, avec des tirages de 4000 à 4500 exemplaires, plusieurs rééditions, et une diffusion en province et à l’étranger.

14Avec ce succès, Comte et Dunoyer deviennent deux membres incontournables d’un parti libéral en voie de formation [35]. Ils s’inscrivent dans le sillage du groupe d’Auteuil, des Idéologues et des membres de la Décade[36], fréquentent les salons de Destutt de Tracy et La Fayette [37], sont proches de Jean-Baptiste Say dont Comte devient le gendre en 1818. Ils ont des liens avec l’abbé Grégoire et défendent, sur l’esclavage ou la colonisation, des positions similaires aux membres de la seconde société des Amis des Noirs [38]. Ils fréquentent les salons de Victor de Broglie et Voyer d’Argenson ou du banquier Lafitte. On les retrouve dans la société secrète de l’Union fondée par Joseph Rey en 1816 ainsi que dans le comité parisien chargé de coordonner les efforts de lutte contre les ultras et l’Association de la liberté de la presse fondée par Broglie et Manuel en 1817 [39].

15C’est dans ces réseaux qu’ils rencontrent Saint-Simon, alors financé par Lafitte, et qui s’est attaché en 1814 les services d’Augustin Thierry [40]. Tous occupent le même immeuble et, tandis que Saint-Simon et Thierry travaillent en 1816-1817 à L’Industrie, dont Thierry publie la partie politique Des nations et de leurs rapports mutuels qui fera l’objet d’une recension dans le CE[41], Dunoyer et Comte se remettent à l’ouvrage. Ils lancent en février 1817 le Censeur européen, fer de lance de l’opposition libérale de gauche entre 1817 et 1820. Thierry s’y associe aussitôt. Sa relation avec Saint-Simon prend fin au printemps 1817. Contrairement à une vulgate qui le rattache fermement au saint-simonisme, il est plus proche des idéaux du CE et ses travaux se situent dans le programme politique de ce journal [42]. Thierry ne le quittera plus jusqu’à sa disparition et son absorption, en 1820, dans le Courrier Français auquel il collabore également. Entre-temps, il dirige par intermittence le CE lorsque Dunoyer et Comte se retrouvent en prison en juin-août 1817, puis à nouveau pour Dunoyer entre mai et juillet 1818, tandis que Comte, en cavale, se réfugie chez La Fayette.

16L’histoire du CE est marquée par deux périodes [43] : de 1817 à mars 1819, il paraît en douze volumes rédigés principalement par Comte, Dunoyer et Thierry. On y trouve les contributions de Say, de Daunou, de l’ami de Thierry Arnold Scheffer, secrétaire de La Fayette, et du général républicain Jean-Joseph Tarayre. Le tirage tourne autour de 3000 exemplaires. Les recommandations du CE en matière électorale permettent de situer les groupes dans lesquels il s’insère : on y trouve La Fayette, Lafitte, Voyer d’Argenson, Manuel, Ternaux et Delessert notamment. Le journal connaît une vie mouvementée, subissant la répression et la censure, ce qui assure une publicité considérable à ses auteurs. Il a une importante diffusion en province et à l’étranger. En juin 1819, profitant de la loi De Serre sur la liberté de la presse, avec les capitaux apportés par Broglie, Staël, Argenson et divers financiers, le CE devient quotidien. La liste de ses collaborateurs s’accroît : Odilon Barrot, Sismondi, Népocumène Lemercier, Amaury Duval, René-Théophile Chatelain, Paul-Louis Courier ou Auguste Comte, qui y publie ses premiers textes [44], s’ajoutent à ceux déjà cités. Le CE disparaît en juin 1820, emporté par la réaction qui suit l’assassinat du duc de Berry. Les principes qu’il a contribué à définir ont néanmoins un impact considérable sur la pensée libérale, au-delà de la France [45], et sur le noyau des saint-simoniens qui, à partir de 1825-1826, se réunissent autour du Producteur[46]. Il constitue une référence commune pour ces mouvements qui, à partir des années 1825-1830, commencent à diverger mais jouent, on l’a vu, un rôle essentiel dans la promotion de la question des races.

17Les réseaux dans lesquels les auteurs du CE évoluent, leurs parcours et la chronologie dans laquelle ils s’inscrivent permettent de préciser le point d’entrée de la race en politique. Les protagonistes du CE appartiennent soit à la « génération 1820 » décrite par Spitzer [47], soit à la génération immédiatement antérieure. Formés dans les institutions du Directoire ou de l’Empire, ils font partie de ces jeunes qui profitent des opportunités ouvertes à la fin de l’Empire (à travers la presse ou l’université), valorisent la logique méritocratique et un ordre social fondé sur les capacités et le travail, se trouvent frustrés par les mesures du pouvoir visant à contrôler les espaces intellectuels et politiques, et nourrissent une hostilité envers les « gens à place », l’armée et un service de l’État alors investi par la droite [48]. Le CE développe un libéralisme de combat tourné contre la « race de parasites » que représentent ces groupes [49]. Leur carrière est caractéristique de ces intellectuels montés à Paris qui alimentent le milieu de la presse ou jouent un rôle de secrétaire ou de précepteur auprès de personnalités libérales. Ils s’insèrent alors dans un réseau d’élites libérales parisiennes plus anciennes qui présentent plusieurs caractéristiques.

18D’abord, en dépit des liens de Comte et Dunoyer avec Broglie, ce n’est pas du côté des Doctrinaires qu’il faut les situer mais des libéraux de gauche ou indépendants. Ils portent une vision plus polémique et matérialiste des rapports entre groupes sociaux que les Doctrinaires (du moins jusqu’à ce que la répression ne s’abatte sur eux au printemps 1820). Quand Guizot, dans un pamphlet publié en 1820, affirme l’existence d’une lutte qui oppose en France depuis treize siècles « deux races distinctes », la « race conquérante » et la « race conquise », et que « notre histoire est l’histoire de cette lutte » [50], il ne fait que répéter ce qu’écrit le CE depuis 1817. Guizot publie son texte après l’assassinat du duc de Berry, quand la rupture entre les Doctrinaires et le gouvernement Richelieu est consommée. Pour le CE, le prisme de la lutte des races apparaît dès 1816, alors que Dunoyer et Comte redéfinissent la ligne de leur journal en s’inspirant des analyses de Montlosier, Constant et Say, et déplacent leur regard des institutions et enjeux constitutionnels vers la société et les groupes qui, en son sein, font obstacle à la réalisation du progrès. Leur perspective s’impose de manière élargie à partir de 1820 : la réaction qui s’affirme témoigne de la profondeur des luttes qui traversent le corps social ; les mouvements qui éclatent à l’échelle européenne indiquent qu’il s’agit d’un phénomène général, d’une loi de l’histoire dont attestent aussi les similitudes entre l’histoire de l’Angleterre et celle de la France [51]. Se forge entre 1816 et 1825 une grille qui met en avant les rapports de races comme moteur de l’histoire et analyse du corps social, permettant aussi de donner un corps et une mémoire aux peuples opprimés.

19Au point de vue intérieur, ces réflexions s’articulent à un débat qui porte sur le modèle économique et social qu’il convient d’adopter. Avec Saint-Simon, Comte, Dunoyer et Thierry sont les promoteurs de l’industrialisme qui définit le progrès industriel et social comme la condition de la réalisation de la liberté, fait du travail et des capacités les fondements de l’ordre social et promeut l’industrie, le négoce et la propriété mobilière, active et productive, aux dépens de la grande propriété foncière et des capitaux oisifs. Les auteurs du CE comptent parmi les théoriciens de l’opposition entre la classe des parasites, des improductifs et des oisifs qui ne dégagent pas, par leur travail ou leurs capitaux, de valeur ou d’utilité sociale et ceux qui, par leur travail et leurs actifs, produisent de la valeur. Lorsqu’ils recommandent des candidats aux élections, c’est l’industrie, la haute banque et les capitaux mobiliers qu’ils mettent en avant aux dépens de la propriété foncière. Les milieux qu’ils fréquentent sont à l’unisson de cette doctrine dans un contexte où « l’osmose entre la propriété foncière et la bourgeoisie industrielle » est loin d’être accomplie et fait l’objet d’un affrontement idéologique [52]. Il est important de situer la notion de race dans cet affrontement, d’autant que ces auteurs rabattent souvent la classe sur la race et parlent de races productives et parasites dans un schéma qui vaut à l’échelle globale et se lie à une réflexion sur l’esclavage.

20Sur le plan extérieur, en effet, les réseaux dans lesquels s’inscrit le CE sont nettement engagés contre le retour à une politique coloniale d’Ancien Régime fondée sur l’économie de plantation, l’exclusif et l’esclavage, à un moment où ce retour, défendu notamment par une partie de la droite, les planteurs des vieilles colonies et les milieux portuaires nantais, se trouve de plus en plus critiqué [53]. Ils sont liés aux armateurs, négociants et industriels qui, à Paris mais aussi au Havre ou à Bordeaux par exemple, s’efforcent de repenser les stratégies d’expansion commerciale, une politique visant la création de débouchés vers l’Amérique du Sud, la Méditerranée, l’Asie ou l’Afrique, qui va de pair avec une critique du système esclavagiste et une promotion du libre-échange. Rappelons sur ce point, outre le rôle de Grégoire, celui de Victor de Broglie, engagé pour l’abolition graduelle de l’esclavage dès les années 1820, fondateur et président de la Société française pour l’abolition de l’esclavage en 1834 et président de la commission créée en 1840 sur l’esclavage et la constitution politique des colonies. Le cas des Say, auxquels Comte est intimement lié à partir de 1818, illustre ces enjeux. Jean-Baptiste, bien sûr, qui fut directeur de La Décade, promoteur du libre-échange et de la colonisation nouvelle, est lié aux milieux protestants du négoce et de l’industrie textile : associé à Clavière et Delessert, il s’est lui-même engagé dans l’industrie du coton sous l’Empire [54]. Il est apparenté, via son frère Horace, aux Delaroche, détenteurs de maisons de commerce au Havre et à Nantes (dont Michel Delaroche, député de la Seine-Inférieure, critique de l’exclusif colonial). Son frère Louis, engagé dans l’industrie du coton puis du sucre à partir de la betterave, incarne les intérêts des raffineurs, critiques de l’Exclusif au nom de leur volonté de développer une consommation de masse. Enfin, son fils, Horace, beau-frère de Comte, travaille dans le négoce international pour le compte de Delaroche (aux États-Unis puis au Brésil) avant de fonder une maison de commission pour l’Amérique latine à Paris [55]. Collaborant avec Casimir Cheuvreux (issu d’une famille de riches négociants en textile parisien), il épouse sa fille en 1822. Il devient un membre important du tribunal et de la chambre de commerce de Paris, avant de se tourner vers une carrière politique. Il est, lui aussi, un inlassable critique de l’ancien régime colonial. On pourrait ajouter Ternaux ou Lafitte (dont le frère est armateur au Havre) qui défendent notamment le projet d’un entrepôt colonial à Paris dans un contexte où la haute banque et le négoce parisien renforcent leur position vis-à-vis des villes portuaires.

21Il faut noter les affinités qui existent entre situation intérieure et stratégie coloniale : les échos sont nombreux, et le CE ne cesse de les souligner. Les guerres d’indépendance en Amérique méridionale, le problème de l’affranchissement des esclaves et la résolution des tensions raciales qui s’y posent, le cas de Haïti et de l’indemnité à verser aux anciens propriétaires sont autant de sujets qui font écho à la situation métropolitaine où se pose le problème de la résolution des rapports entre une race industrieuse, anciennement asservie, qui a repris ses droits, et une race conquérante, oisive, imbue de ses privilèges, qui cherche à les contester, et où le problème de l’indemnisation des émigrés fait l’objet de débats houleux [56]. Il n’y a pas imperméabilité mais intrication entre la question des races telle qu’elle se pose aux colonies et dans l’espace européen, même si les auteurs du CE sont attentifs au problème spécifique que soulèvent le stigmate héréditaire de la couleur et le préjugé social qui l’accompagne aux colonies.

« Ce n’est pas dans les institutions qu’il faut mettre la liberté, c’est dans les hommes »

22Tentons de saisir pourquoi la race entre en politique dans ce groupe à ce moment précis. La question qui guide les auteurs du CE est celle des conditions concrètes de réalisation de la liberté envisagée comme fin naturelle de l’homme. Ils partagent la croyance dans la perfectibilité de l’espèce : la liberté définit un horizon universel mais qui reste de l’ordre de la potentialité et doit être réalisée à travers un processus de développement des facultés et d’émancipation. Sa réalisation dépend de conditions sur lesquelles on reviendra car c’est par elles que la question des races se pose : 1) capacités physiques, intellectuelles et morales ; 2) travail et activité ; 3) conditions matérielles et organisation sociale. Les définitions de la liberté que chacun adopte illustrent ces facteurs. Dunoyer définit la liberté comme l’état où l’homme se trouve quand il peut se servir de ses facultés sans obstacle. Or, pour qu’un homme use de ses facultés,

23

« il faut, premièrement, qu’il les ait développées […]. L’homme […] ne peut avoir de liberté […] qu’en raison de son industrie, de son instruction, des bonnes habitudes qu’il a prises […]. La liberté n’est pas quelque chose de fixe ou d’absolu […], elle est susceptible de plus et de moins ; elle se proportionne au degré de culture ».

24Sa conclusion est grave : « les hommes ne sont donc esclaves que parce qu’ils n’ont pas développé leurs facultés […], la vraie mesure de la liberté, c’est la civilisation » [57]. En conditionnant la liberté au développement des facultés, Dunoyer est conduit à poser la question des inégalités de capacités en fonction des races.

25Thierry, lui, lie la liberté à l’activité, l’indépendance et au travail : « la liberté, c’est de vivre pour soi-même ; c’est de valoir sa valeur réelle, c’est de jouir autant qu’on travaille, et rien de plus » [58]. Il définit le couple oisiveté/industrie comme décisif : la liberté passe par un combat contre l’oisiveté. « [L]’homme est naturellement paresseux [et] il y a autour de la société, il circule dans son sein, une foule d’hommes parasites qui […] n’ont pas pu surmonter […] la paresse naturelle [… et] vivent sur le travail d’autrui » [59]. Ce point est d’autant plus essentiel si on pense, avec Comte, que « ce qui constitue la liberté, ce n’est pas de pouvoir simplement exercer ses facultés sans obstacle, c’est de pouvoir les exercer à son profit » [60]. La liberté suppose qu’on ne soit pas empêché ou menacé dans la jouissance de ce qu’on produit. Elle pose la question de la propriété de la valeur produite et des rapports sociaux qui existent entre ceux qui vivent de leur industrie et ceux qui cherchent à s’accaparer leur production et exercer leur domination. C’est le cœur des réflexions du CE qui oppose les modes d’organisation sociale en fonction de leur compatibilité avec la liberté et célèbre le stade industriel comme celui qui réalise le mieux la nature humaine.

26Ces analyses ont une valeur normative universelle qui hiérarchise les hommes selon leur degré de développement. Elles dessinent une géographie et une histoire de la liberté : les hommes n’ont pas réalisé au même degré la nature humaine parce qu’ils n’ont pas atteint le même degré de civilisation, soit que l’infériorité de leurs facultés les en rende moins capables, soit qu’ils vivent sous des modes de subsistance (sauvage, barbare, féodal) moins favorables, soit qu’ils persistent dans l’oisiveté. Cela vaut aussi dans la société européenne où certains groupes bloquent la réalisation de la liberté. C’est le cas de ceux qui cherchent à revenir sur les acquis de la Révolution et à vivre dans l’oisiveté en s’appropriant le travail d’autrui. La marche de l’espèce repose sur l’affrontement entre « deux classes : celles des hommes libres ou des plus forts, et celles des esclaves ou des plus faibles », l’industrie permettant aux plus faibles de « détruire la domination qu’exerçait une partie de l’espèce humaine sur l’autre » et de faire émerger « un peuple nouveau, plus laborieux, plus riche, plus puissant et plus heureux que l’ancien », vouant à l’adaptation ceux qui n’ont d’autres moyens que « d’abandonner la vie oisive des sauvages ou des barbares » s’ils veulent survivre [61].

27Ces analyses font du parti libéral, plus qu’un simple défenseur des droits constitutionnels, le promoteur du mode d’organisation sociale le plus adéquat à la nature humaine [62]. Par-delà sa valeur stratégique, cette approche lie la politique à une téléologie de l’espèce. C’est un trait caractéristique des mouvements libéraux et réformateurs de la Restauration et la monarchie de Juillet que de faire de l’espèce ou de la famille humaine, et des races qui la composent, des sujets politiques centraux, et de la réalisation de la nature humaine l’horizon du politique. Cela implique de fonder la politique sur les sciences de l’homme et ce, non pas par une approche générale ou abstraite, fondée sur le droit naturel, mais par une approche concrète et différenciée, fondée sur l’observation des faits, inscrite dans l’histoire et les modes d’existence des peuples, mobilisant les données de l’histoire naturelle, de l’économie, de l’histoire et de l’ethnographie.

28La liberté ou l’égalité ne sont pas perçues comme des droits naturels qui seraient donnés mais comme des fins à réaliser, atteignables sous condition, à travers un processus qui requiert des efforts et du temps. La particularité du CE consiste sur ce point à chercher les principaux obstacles à la liberté non dans les institutions ou formes de gouvernement mais dans l’histoire concrète et la nature des peuples. C’est un point que leur reproche Constant, qui déplore « ce nouveau principe qui discrédite les peuples » en leur faisant porter la responsabilité des vices de leurs gouvernements [63], quand Dunoyer souligne au contraire qu’on « ne veut pas voir que les nations sont la matière dont les gouvernements sont faits […]. Lorsqu’ils sont mauvais, il faut bien qu’elles ne soient pas excellentes » [64]. Ce déplacement a lieu dans un contexte précis : après les Cent-Jours qui ont vu le peuple rappeler le tyran qu’il dénonçait puis des années 1815-1816 marquées par la contre-révolution à la Chambre et dans la société, parfois contre le gouvernement ; alors que, depuis septembre 1816, une alliance est établie entre royalistes constitutionnels, modérés et libéraux, on ne peut plus se contenter d’un rôle de censeur du gouvernement, contrôlant son respect de la Charte [65]. Comte et Dunoyer le soulignent dans leur Avant-propos au CE, ils doivent « donner à [leurs] écrits une direction nouvelle ». On a cru

29« que les dangers auxquels les libertés des peuples se trouvent exposées venaient tous du côté des gouvernements […], on n’a jamais vu que la partie la plus faible des dangers […]. Pour qu’un peuple soit libre, il ne suffit pas qu’il ait une constitution et des lois, il faut qu’il se trouve en son sein des hommes qui les entendent, d’autres qui veuillent les exécuter, et d’autres qui sachent les faire respecter » [66].

30Comme le résumera Dunoyer :

31

« Je me demandais si la liberté qu’on cherchait, si le despotisme dont on voulait se garantir, avaient bien leurs causes dans le petit nombre d’hommes qui, tour à tour, étaient entrés en possession du pouvoir […] si ces causes, au lieu d’être tout entières dans le gouvernement, n’existaient pas plutôt dans la population dont il sortait […] si ce n’était pas dans cette population même, dans ses idées, dans ses affections, dans ses habitudes, dans toute sa manière de sentir, de penser et d’agir qu’il fallait surtout étudier la liberté et en rechercher les véritables causes » [67].

32Le CE prend ainsi ses distances vis-à-vis des courants qui ont mis l’accent sur le rôle des institutions et du législateur dans la préservation de la liberté ou la corruption des peuples, que ce soit la tradition constitutionnaliste dénonçant le despotisme ou les Jacobins opposant vertu du peuple et corruption du gouvernement. Il vise aussi Constant qui opposait une nation dont la « tendance uniforme est vers la paix » et un gouvernement anachronique qui « travaill[e] à donner à sa nation une impulsion contraire à la nature », concluant que « ce gouvernement est seul coupable » [68]. Les Cent-Jours et les débuts de la Restauration ont montré qu’il n’en était rien. Les rédacteurs du CE articulent ici trois auteurs qu’ils ont lus en 1814-1815. De Constant, ils retiennent l’opposition entre esprit de conquête et esprit de commerce qui divise selon eux le peuple en races distinctes, organisées selon des modes de subsistance et des systèmes de valeurs distincts. L’un, celui des sociétés anciennes ou de ceux qui s’accrochent à la barbarie, fondé sur la conquête, l’appropriation de la valeur par la violence, va de pair avec une idéologie dévalorisant le travail, célébrant l’oisiveté, le pillage et la guerre. L’autre, fondé sur l’échange, le commerce et la production, est le plus adéquat à la liberté. De Say, ils retiennent le primat de la production de la valeur sous toutes ses formes comme règle d’organisation sociale. Aussi pointent-ils, dans la société, l’opposition entre les industriels qui produisent cette valeur et facilitent le progrès de l’espèce, et des parasites qui non seulement ne produisent rien, mais détruisent de la valeur. De Montlosier enfin, ils généralisent – et renversent – l’interprétation de l’histoire de France comme conflit entre un peuple ancien et un peuple nouveau, en montrant que ce dernier est plus ancien que le prétendu « ancien peuple de France », qu’il a une histoire glorieuse, qu’il est porteur des valeurs qui permettent le développement de l’espèce.

33C’est donc au sein de la société que se jouent les combats pour la liberté. On a pu qualifier le CE de « centre de l’école stoïque » [69] car il met l’accent sur la servitude volontaire, les habitudes serviles héritées par les peuples et la nécessité de s’en affranchir en se transformant par un effort commun. Comte et Dunoyer ne cessent de réitérer ce principe lors des élections [70]. L’émancipation suppose un effort qui va au-delà du changement des institutions et même de la diffusion des lumières.

34

« Ce n’est pas dans les institutions qu’il faut mettre la liberté, c’est dans les hommes […] il est des pays qu’aucune institution ne saurait préserver de la servitude […] il est incontestablement des cas où un peuple se trouve en dessous de ses institutions, et ne peut accuser que lui-même du mal qu’il leur impute » [71].

35

« Les lois ni les constitutions [n’ont] le pouvoir de transformer les esclaves en hommes libres » [72].

36Si le CE attribue une grande responsabilité aux peuples dans leur servitude, c’est qu’il fait de la société et de ses composantes les sujets fondamentaux du politique et réduit le rôle des gouvernements. Il s’agit d’un appel aux peuples à se mobiliser. Le passé de servitude est un poids dont il faut s’arracher : « L’impression que la servitude produit sur les mœurs et sur les esprits des diverses classes de population est si profonde qu’elle se transmet des pères aux enfants et passe jusqu’aux générations les plus reculées » [73]. L’émancipation suppose, au-delà de l’égalité juridique, une lutte contre sa propre mentalité servile héritée du passé :

37

« Pour hâter ce temps [de la liberté], nous devons agir sur nous-mêmes, nos mœurs seules feront ce changement, impossible sans elles […]. Les habitudes de l’assujettissement durent souvent longtemps après que l’assujettissement est passé » [74].

38L’analyse vaut en Europe comme aux colonies : par-delà les transformations institutionnelles, l’abolition des privilèges ou de l’esclavage, la question qui se pose est celle de l’émancipation réelle des habitudes et des haines héritées du passé. Elle suppose un travail en profondeur sur la société qui prenne en compte les races qui la composent, leurs rapports de force, les tensions et préjugés héréditaires qui les opposent, leurs différences de capacités et leurs modes de subsistance [75].

39Se joue ici un déplacement décisif qu’on peut qualifier d’anthropologisation du politique au sens où il déporte le regard des formes de gouvernement aux masses d’hommes qui composent les sociétés et font la base du politique. À l’opposition entre peuple et gouvernement se substitue une analyse de la société qui décompose le peuple en groupes (classes, races ou nations) qui n’ont ni les mêmes besoins, ni les mêmes mœurs, ni la même histoire, ni les mêmes facultés, et dont les rapports sous-jacents déterminent les formes que prennent les institutions. Ce déplacement a certes des précédents chez les économistes et les Idéologues ou dans le Scottish Enlightenment [76]. Mais il est caractéristique des libéraux et réformateurs de la Restauration, qu’il s’agisse du CE, des Doctrinaires ou des saints-simoniens [77]. On ne saurait comprendre les critiques que Thierry, par exemple, adresse à la « pensée captive » de la philosophie politique, enfermée dans le « cercle de la souveraineté », condamnée à répéter les mêmes mots vieillis : « souveraineté, soumission, gouvernement, peuple, prince, sujet » ; son appel à remonter aux « choses », aux besoins matériels et à l’histoire effective des luttes qui sont à l’origine des institutions, si on ne les situe dans cette perspective [78]. Comme le note Comte, « les lois et les mœurs des nations ne sont […] que des effets de causes antérieures et plus puissantes. Si l’on ne remonte pas à celles-ci […] c’est vainement qu’on tenterait de modifier celles-là » [79]. Se dessine une forme de matérialisme qui distingue entre les lois et institutions (vues comme des épiphénomènes) et les réalités humaines, matérielles et sociales qui les déterminent. Il faut y insister car ce qui réunit les auteurs qui, à la suite du CE, vont faire des races les sujets/objets fondamentaux du politique, c’est la conviction que les mouvements des sociétés sont déterminés par les rapports de races sous-jacents, qu’il faut fonder la politique sur un savoir positif (historique et naturaliste) qui analyse ces rapports [80], et qu’il faut s’efforcer d’intervenir sur ce niveau particulier de la race pour établir les communautés. Il n’y a pas de doctrine des races possible sans cette anthropologisation du politique. Il y a de ce point de vue une rupture nette entre la question raciale telle qu’elle se pose au xixe siècle et les usages antérieurs de la race. Cela va de pair avec le souci de fonder la politique sur une science de l’homme positive qui observe les faits et en déduise des lois [81]. Inversement, les principales critiques de la doctrine des races à partir des années 1830 visent ce projet au nom d’une autre anthropologie, chrétienne et spiritualiste, qui défend la primauté de la volonté et de l’esprit et privilégie les principes religieux et moraux comme moteurs de l’histoire [82].

Capacités et développement

40C’est en posant la question des conditions qui modulent la réalisation de la nature humaine, en particulier la liberté, et en déplaçant cette question des institutions aux hommes qui composent la société, dans un contexte qui, en Europe comme aux colonies, se situe par-delà la simple émancipation juridique, que les libéraux du CE rencontrent la question des races. Il faut préciser qu’ils la rencontrent à plusieurs niveaux et que leurs positions sont loin d’être homogènes.

41Puisque la liberté est affaire de développement, une question se pose : « les facultés de toutes les races d’hommes sont[-elles] susceptibles du même degré de rectitude et de développement » [83] ? Toutes les races sont-elles capables du même degré de liberté ? Cette question des capacités est centrale dans la pensée libérale et réformatrice pour des auteurs qui, depuis le milieu du xviiie siècle, s’opposent à la « fausse passion de l’égalité » portée par le programme républicain néo-classique de Rousseau ou Mably. De Vauvenargues à Guizot, en passant par Mirabeau, Sieyès, Jefferson, Jackson ou Bolivar, l’accord est unanime : il existe des inégalités naturelles, légitimes car fondées en nature, liées à la diversité des facultés et des talents. Proclamer l’égalité des droits n’est pas affirmer l’égalité naturelle : c’est au contraire, selon la formule de Mme de Staël, permettre « le rétablissement de l’inégalité naturelle », c’est-à-dire d’un ordre où chacun devient ce qu’il peut être en fonction de ses capacités et de ses efforts [84]. Cette lecture qui préexiste à la Révolution sert aux libéraux et aux réformateurs de la Restauration tant pour se distinguer d’une passion de l’égalité contre-nature qui aurait été celle des Jacobins que pour attaquer les partisans de l’Ancien régime. Elle s’accorde aux revendications de la jeune génération passée par les concours pour qui le classement selon les capacités et les mérites est essentiel [85]. On sait sa force dans le saint-simonisme, dont le principe est « à chacun selon sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres ». Il s’agit de mettre en place une taxinomie sociale plus en accord avec l’ordre naturel que ne l’était « la classification légale et fixe de la société » d’Ancien régime, cet ordre qui maintenait des inégalités factices et artificielles aux dépens des « supériorités réelles » [86], de ceux que Jefferson appelle des « aristoi naturels ». Dunoyer adopte cette lecture : « bien loin que de chercher à détruire les inégalités naturelles, on voulût au contraire [par l’abolition des privilèges] les faire ressortir en ôtant les inégalités factices qui les empêchaient de se produire » [87]. Pour lui, la libre concurrence est le moyen de mettre en adéquation ordre social et ordre naturel. Ce principe va de pair avec la définition de hiérarchies faites de dépendances légitimes : il existe des subordinations naturelles qui découlent des différences de capacités et des liens entre les hommes. Mais ces hiérarchies varient selon les états de civilisation et l’on peut même tendre vers une égalité sociale progressive à travers les stades de civilisation [88].

42Ces jeux complexes et dynamiques entre inégalités naturelles, égalité de droits voire égalité sociale permettent de comprendre comment on peut être sans contradiction pour l’abolition de l’esclavage comme rapport juridico-économique et croire dans l’inégalité des races, que celle-ci soit le fruit de facultés naturelles inégales ou d’un passé de servitude qui demande du temps pour être surmonté ; de même que l’on peut être pour l’abolition des privilèges et inégalités de statuts et considérer qu’il existe des inégalités de capacités, voire souhaiter un ordre reflétant ces inégalités. Libéraux et réformateurs présentent sur ce point tout un spectre de positions entre ceux qui défendent la mise en place (via la concurrence et le classement) d’un ordre social reflétant les inégalités naturelles, estimant parfois que les races incapables de s’adapter sont vouées à disparaître et qu’il s’agit d’un processus nécessaire au progrès de l’espèce [89] ; ceux qui pensent que la disparition des tutelles juridiques (esclavage ou servage) implique la redéfinition des rapports entre races et suppose une politique d’association et d’organisation sociale fondée sur les capacités naturelles de chacune [90] ; ou ceux qui estiment que la réalisation de l’égalité sociale est un horizon désirable mais qui suppose un travail, du temps et, parfois, des dispositifs visant à améliorer les races par le métissage [91]. Dans tous les cas, libéraux et réformateurs placent au cœur du politique la question des inégalités naturelles, soit pour fonder l’ordre social, soit pour tenter de les réduire. On ne peut comprendre l’importance de la question des races dans la pensée libérale si on ne la situe dans cette tension : fonder une société qui reflète l’ordre naturel des capacités ; s’efforcer de travailler sur les obstacles anthropologiques, hérités de l’histoire et d’une habitude de servitude ou d’hostilité, ou liés à des inégalités naturelles, qui empêchent la réalisation immédiate du projet d’émancipation. Loin de se réduire à la question de l’abolition ou de la défense de l’esclavage, la question des races se pose avec acuité dans un univers qui se situe après l’esclavage.

43C’est dans ce cadre qu’il faut situer l’importation en politique par Dunoyer du savoir naturaliste, aboutissant à un déterminisme racial qui déduit des capacités naturelles inégales des races une inégale capacité de développement et d’accès à la liberté [92]. Pour Dunoyer, l’histoire naturelle établit l’existence de variétés physiques dans l’espèce (les races au sens naturaliste) qui présentent des différences d’organisation héréditaires. Ces différences produisent des capacités intellectuelles et morales inégales :

44

« La supériorité de civilisation coïncide généralement avec la supériorité d’organisation physique […] les races les mieux faites sont les plus civilisées […] les races obscures, inférieures à la race européenne sous le rapport de l’organisation, ne manifestent pas la même force d’intelligence […] n’ont pas le même fonds d’industrie […] ne savent pas au même degré accroître leur puissance naturelle […] elles ne sont pas capables de faire de leur force un usage aussi ingénieux, aussi grand, aussi varié » [93].

45Puisque la liberté suppose le développement des facultés et se proportionne au degré de culture, la conclusion est nette : « tout ce que je veux induire de l’infériorité des races obscures, c’est qu’étant moins susceptibles de culture que la race blanche, elles sont moins susceptibles de liberté » [94].

46L’analyse de Dunoyer découle de sa conception de la liberté et de sa volonté de chercher dans la population les obstacles à sa réalisation. Critiqué par Comte qui lui reproche de confondre l’influence des conditions d’existence et celle de l’organisation, Dunoyer durcit son déterminisme en 1830. La race est « l’arbre » dont la civilisation est « le fruit » : « le caractère des arts, des langues, de la religion, des mœurs, du gouvernement, de tout ce qui constitue la civilisation d’un pays, est particulièrement propre à montrer de quelle race d’hommes cette civilisation est l’ouvrage » [95]. Il souligne que l’inégalité des races n’est que la conséquence de l’inégalité naturelle des individus, que nul libéral ne conteste, les races n’étant qu’une suite d’individus se transmettant héréditairement leurs capacités [96]. C’est le même raisonnement qu’applique Courtet à partir de 1831 [97]. Il faut se garder de simplifier la position de Dunoyer : pour lui, constater l’inégalité des races n’a pas pour vocation de renforcer les barrières raciales ou d’affirmer une inégalité fatale mais d’inciter les hommes « à perfectionner leur race, comme le premier soin d’un propriétaire qui veut améliorer son troupeau […] est d’en perfectionner l’espèce par des croisements intelligents » [98]. Il pousse à des stratégies eugénistes pour réduire les inégalités naturelles en tirant les inférieurs vers le type supérieur : idée qu’on retrouve dans toute une tradition républicaine et qui guide les politiques de blanchiment de la population aux Amériques. Pour Dunoyer, par ailleurs, les inconvénients résultant des inégalités entre individus n’empêchent pas de « reconnaître qu’ils naissent avec des facultés très inégales », quitte à penser un ordre social qui corrige les effets négatifs de ces inégalités. Il doit en être de même des inégalités raciales [99].

47Sa position est contestée par Comte dont le Traité de législation est largement consacré à la réfuter. Comte admet que les individus sont inégaux en termes d’organisation et ne sont pas susceptibles du même perfectionnement. Mais, même au niveau individuel, il souligne que l’apprentissage et l’exercice comptent plus que l’organisation dans le développement des facultés [100]. Surtout, il refuse d’en déduire une différence héréditaire de capacité collective pour les races [101]. Comte est très critique de l’histoire naturelle : il juge ses observations biaisées, fondées sur peu de faits, comparant des peuples qui ne vivent pas dans des conditions similaires. Elle est, en outre, chargée de préjugés (sur la couleur et le type de l’espèce) et d’un ethnocentrisme lié à un « orgueil de race » auquel « il faut attribuer nos systèmes sur la formation et la division des peuples » [102]. Comte fait une revue critique des observations naturalistes pour tenter de démêler la part de ce qui est lié à l’organisation, au climat, aux modes de subsistances et surtout aux rapports de domination qui existent entre races pour expliquer les différences de développement entre peuples. Il montre que, si l’on compare des peuples issus de races différentes (Comte préfère parler d’espèces) [103] mais dans des conditions similaires en termes d’environnement et modes de subsistance, il est impossible de conclure à une limite liée à l’organisation. « Un système qui explique toutes les différences qu’on observe entre les nations par une différence d’organisation dans les facultés intellectuelles n’est pas […] conforme à la vérité » [104]. Il souligne combien la position de Dunoyer, en plus d’être fausse, est politiquement dangereuse, notamment dans les espaces coloniaux où « nous voyons paraître un genre d’aristocratie dont nous n’avions aucune idée, l’aristocratie des espèces » [105]. Il l’accuse de masquer et renforcer ce qui est, par contre, attesté : « les conséquences qui résultent de [la] position [des différentes races], de leur séparation et de leur mélange, de leur esclavage ou de leur liberté » : autrement dit, les effets des rapports sociaux entre races [106].

48Pour Comte, en effet, la question des races et des « conséquences morales et politiques […] de leur mélange » relève de l’urgence dans un contexte où il s’agit de sortir de la servitude. La question se pose avec encore plus d’acuité « quand le maître et l’esclave appartiennent à des espèces différentes » car, dans ce cas, « chacun porte sur lui-même, chacun transmet à ses descendants les marques indélébiles de la classe à laquelle il appartient » [107]. Pour Comte, la couleur est un « faux signe » des capacités, lié à des préjugés, de même que tous les caractères raciaux. En faire les « principes suivant lesquels on juge du mérite et du démérite des hommes » est une erreur liée au rapport de domination qui structure « tout pays où il existe deux races d’hommes, l’une qui se compose des descendants des peuples conquis, et l’autre des descendants des conquérants » [108]. Quand il s’agit de races issues d’une même espèce, les signes sur lesquels on se fonde sont artificiels (noms, occupations) ; quand il s’agit d’espèces différentes, on se sert de « différences physiques » comme la couleur [109]. Mais, au fond, tous renvoient à un même système de préjugés et un même rapport de domination : « la véritable cause d’orgueil se trouve dans les relations que la conquête et la domination établissent entre les races » [110]. Ces signes réfèrent à un ordre social artificiel qui dévalorise le travail, avilit les producteurs, célèbre l’oisiveté, et qui est voué à disparaître. Il l’est d’autant plus, aux colonies, que la couleur est aussi une marque qui permet aux exploités de se rallier dans la lutte. On ne rentrera pas dans les solutions que Comte propose pour résoudre cette situation. Notons qu’il revendique lui aussi le métissage pour effacer les barrières raciales : non plus pour surmonter l’infériorité native de certaines races mais pour diluer le faux signe qui structure les rapports sociaux dans ces territoires. Or, note-t-il, ce métissage se heurte aux préjugés des colons blancs aux Amériques : il recommande donc d’importer des populations pauvres venues d’Europe, qui ne partagent pas ces préjugés concernant la couleur et le travail, afin de faciliter les mélanges et l’exploitation des terres.

Lutte des races et renversement des valeurs

49L’analyse de Comte découle du second ensemble de facteurs modulant la réalisation de la liberté selon le CE. La liberté suppose l’activité et l’industrie ainsi qu’une lutte contre la passivité et l’oisiveté. Elle pose la question des modes de subsistance et des rapports sociaux organisant la société : il n’y a de liberté qu’autant que la « classe dévorante » des oisifs cesse de prospérer aux dépens des « hommes travaillant ». Les conséquences sur la question des races sont importantes. La polarisation activité-industrie/passivité-oisiveté constitue un facteur central de hiérarchisation raciale au xixe siècle qu’on retrouve chez les libéraux, les saint-simoniens ou les socialistes. Il y a des races plus ou moins actives et passives, les unes étant chargées d’éveiller les autres à l’industrie et la civilisation [111]. Cette opposition va à l’encontre du type particulier d’oppression raciale qu’est l’esclavage. Le CE dénonce aussi bien le « mode de production antique » fondé sur la guerre et l’esclavage, celui des féodaux fondé sur la rapine et le servage, qu’un système colonial fondé sur la traite. S’il « n’existe dans le monde que deux grands partis : celui des hommes qui veulent vivre du produit de leur travail ou de leurs propriétés et celui des hommes qui veulent vivre sur le travail et sur les propriétés d’autrui » et si, « depuis l’origine du monde, ces deux partis ont toujours été en état de guerre » [112], esclaves et industriels sont du même parti. On ne s’étonne donc pas de voir le CE assumer ce parallèle et célébrer l’expérience haïtienne [113]. Le Traité de Comte est d’ailleurs l’une des références anti-esclavagistes des années 1825-1830.

50Mais ces analyses, en mettant l’accent sur l’industrie, la lutte contre les oisifs, peuvent aussi légitimer un modèle colonial nouveau, fondé sur la volonté d’insérer les peuples dans un système d’activation, de mise en valeur des terres et des hommes, ainsi que dans les jeux du libre-échange. La volonté d’émanciper les peuples des races parasites qui les oppressent peut aussi servir à fonder d’autres dominations [114]. Le CE s’inscrit ici dans la chaîne qui va de la colonisation nouvelle aux saint-simoniens. Après s’être livré à un réquisitoire contre l’esclavage, Dunoyer fait jouer l’alternative consistant à « civiliser les Nègres » plutôt que les « asservir », « les policer » plutôt que les soumettre, « en change[ant] leurs gouvernements et leurs mœurs » en Afrique même, faisant écho aux revendications des sociétés de colonisation de l’Afrique. Il invite à développer des établissements commerciaux sur les côtes africaines [115]. Un article plaide pour une confédération européenne qui mette fin à l’esprit de conquête en Europe et réalise l’union pour « le commerce du monde, la civilisation du globe et les colonies [qui] peuvent peupler les parties du globe qui sont encore désertes » [116]. L’auteur évoque les États-Unis, le Canada, le Bengale et l’Afrique, témoignant que « désert » vaut ici pour absence de mise en valeur plutôt qu’absence d’hommes. L’appel répété du CE visant à détourner l’esprit de conquête qui exerce sa violence sur les hommes vers l’exploitation des choses signifie en effet aussi mettre en activité peuples oisifs et terres inactives :

51

« La confédération devrait s’occuper de grands travaux d’utilité générale, établir les grandes communications, ouvrir des canaux, couper des isthmes, jeter des colonies au milieu des peuples barbares pour hâter la civilisation et étendre les relations de commerce : tel devrait être le grand but d’une confédération de peuples libres » [117].

52On ne peut mieux résumer la transition entre la colonisation nouvelle promue par la Décade et ce que défendront les saint-simoniens. Ce basculement fonde un discours légitimant la colonisation au nom de la mise en valeur du globe, la liberté de commerce et l’avancement de la civilisation que reprendront libéraux, républicains et socialistes dans les années 1830. Adolphe Noirot, directeur de la Revue du monde colonial, héritier de ces réseaux, illustre comment ce discours établit la continuité entre émancipation et colonisation lorsqu’il note que la colonisation, c’est « la révolution de 1789 qui continue en dehors des limites du monde européen sa phase de transformation » :

53

« La conquête d’un pays et son assimilation […] ne peut avoir lieu que lorsque les indigènes s’isolent du monde par des lois prohibitives, que lorsqu’ils renoncent à leurs droits naturels en méprisant les principes communs à toute nation civilisée […] la terre n’est pas assez grande pour que nous laissions l’ignorance en mettre sous séquestre les meilleures fractions […] le droit de colonisation n’est qu’une application aux sociétés imparfaites du principe d’expropriation pour cause d’utilité publique » [118].

54Les indigènes qui se coupent de l’humanité, se ferment au commerce, bloquent la marche de l’espèce et empêchent la mise en valeur du globe au profit de la famille humaine, sont dans une situation similaire à ces parasites que furent les nobles et le clergé. Et, de même que la Révolution n’a pas « respecté les droits acquis de notre noblesse et de notre clergé », il n’est guère besoin de respecter les « traditions, [l]es habitudes et [l]es droits acquis » des indigènes pour réaliser l’œuvre d’émancipation et de progrès [119].

55Le CE établit de fait une identité entre les parasites des sociétés européennes et les sauvages ou barbares : « parmi tous les peuples, même parmi les plus civilisés, il existe, comme dans les bois, un certain nombre d’individus incapables de rien produire de bon et ne sachant que vivre sur le travail des autres [une…] espèce de sauvages » [120], « peuple[s] de barbares [qui] conservent toujours leurs anciennes mœurs […] la même horreur invincible pour le travail […] n’honorent que la guerre et la rapine » [121]. Pour Comte, il s’agit même d’une opposition universelle entre races productives et parasites, qui explique les inégalités de développement entre nations. Selon lui, les conditions environnementales agissent de manière médiate sur le développement des peuples en favorisant tel mode de subsistance (chasse et pêche ; agriculture et sédentarité) [122]. Ces modes de subsistance déterminent des rapports sociaux distincts (en termes de propriété, d’organisation sociale, de rapports homme/femme) et le développement différencié des facultés, dans la mesure où on exerce et valorise plus ou moins telle faculté selon le mode de subsistance dans lequel on vit. Se définit ainsi une polarité entre la civilisation sédentaire, fondée sur le travail et le commerce, avec un régime de propriété et, dans les zones peu favorables à la culture, un mode de vie sauvage, fondé sur le nomadisme, l’absence de rapports politiques stables, la chasse et la prédation. Si ce dernier est en soi inférieur en termes d’épanouissement des facultés, il aboutit à développer certaines facultés et certaines valeurs liées à la guerre et la prédation qui rendent ces races relativement supérieures, en ce domaine, aux populations productives.

56Le point est essentiel : une différence dans les modes de subsistance produit des besoins différents et induit le développement de facultés distinctes, définissant des races qui n’auront ni les mêmes habitudes, ni les mêmes valeurs. Ces différences se transmettent à travers les générations si bien qu’on peut effectivement parler de races, même si c’est le maintien d’un mode de subsistance et de mœurs distinctes qui explique leurs caractères. « Lorsque la conquête a rassemblé sur le même sol des peuples de diverses races, chacune d’elles conserve et transmet à ses descendants les préjugés, les mœurs, et jusqu’aux caractères physiques qui les distinguent » [123]. Ce principe est fondamental pour le CE et l’on sait que Thierry s’en sert pour interpréter l’histoire de l’Europe. Chaque nation est « créée par le mélange de plusieurs races. La race des envahisseurs [qui] est restée une classe privilégiée dès qu’elle a cessé d’être une nation à part » et « la race envahie, dépouillée de la propriété du sol, du commandement et de la liberté, ne vivant pas des armes, mais du travail ». Ces races, « violemment réunies sur le même sol » ont des mœurs, des besoins, des langues distinctes ; elles ont des haines et « une hostilité encore vivante » [124]. Comte affirme ce principe pour la France dès 1817 retraçant, depuis la conquête de la Gaule par les Francs, l’opposition entre « deux partis […] en guerre ouverte […] dont chacun a ses lois, ses mœurs, son langage, sa patrie ». Celui issu des Francs conserve ses habitudes barbares :

57

« La guerre, la chasse et la pêche doivent être les seules occupations dignes d’eux […] l’habitude de s’approprier le produit de l’industrie des hommes qu’ils ont asservis doit leur inspirer un grand mépris pour les occupations industrielles et une grande inclination à s’emparer des richesses des producteurs [ils] continuent de vivre sans rien produire, c’est-à-dire en sauvages » [125].

58Ces habitudes « se conservent » dans leurs descendants et sont héréditaires [126]. La notion de race vient décrire la manière dont les habitudes liées à des modes de subsistance s’inscrivent dans les générations et définissent des obstacles profonds à la réalisation de la liberté. D’autant plus que le même phénomène, on l’a vu, vaut pour les descendants des vaincus qui héritent des habitudes de servitude. La véritable émancipation implique le déracinement des haines et habitudes héréditaires, tant chez les dominants que chez les dominés. Comte érige cette opposition en principe universel et constate l’existence d’une lutte entre races barbares conquérantes et races sédentaires conquises [127]. Ce fait explique, dans chaque peuple, la différenciation sociale en castes puis en régimes féodaux où l’armée conquérante, plutôt que de détruire la population vaincue, la réduit en esclavage, s’empare des institutions, définit un régime social dans lequel le travail est jugé ignoble, réservé aux races conquises tandis que les descendants des vainqueurs vivent de l’appropriation des ressources produites, dans un système de privilèges héréditaires, séparés du reste de la population. Cette dialectique peut valoir à l’intérieur d’une espèce comme entre espèces humaines distinctes : le régime esclavagiste colonial est ainsi le prolongement de l’« aristocratie de race » en une « aristocratie d’espèce ».

59La pleine émancipation suppose une lutte en profondeur contre ces rapports héréditaires de domination et, en particulier, implique de renverser les valeurs qui les perpétuent, ainsi que d’en faire la généalogie : « si nous remontions à la source de nos opinions, nous trouverions que, pour la plupart, elles ont été faites par nos ennemis » [128]. Les auteurs du CE se livrent à une critique systématique de ces valeurs dominantes, résumées selon eux par Montlosier pour qui le « travail est essentiellement vil », « l’honneur […] le courage, la gloire, les grands emplois […] appartiennent exclusivement aux gentilshommes légitimes » et « l’oisiveté et la dissipation [sont] le caractère distinctif de la caste » [129]. On reconnaît, poussées à la caricature, les valeurs de la noblesse d’arme qui établissent un partage entre activités nobles et ignobles et définissent un lien étroit entre noblesse, vertu et service au Roi. Le CE ramène ces valeurs à leur vérité : prédation, parasitisme et oppression. De même, il se livre à une critique du vocabulaire politique, des institutions et de l’histoire officielle pour montrer combien ils masquent le fait brut de la lutte des races, de la violence et de l’oppression. Et il propose un autre jeu de valeurs qui renverse l’ancien, clamant que la vertu « n’est pas plus étrangère à l’industrieux qu’au guerrier », que seuls le travail, l’industrie et le respect des personnes et des biens font des vertus utiles, et qu’il y a plus d’honneur dans « les forces de l’esprit et de l’intelligence » que dans la force des corps [130].

60Loin d’être une répétition du prétendu vieux discours de la lutte des races développé par la noblesse depuis Boulainvilliers, l’usage de la notion même de race par les libéraux s’inscrit dans ce travail de renversement des valeurs. Boulainvilliers ne parle jamais de race pour décrire la situation issue de la conquête mais de peuples ou nations. Il réserve « race » aux races royales et à la noblesse. La même remarque vaut pour l’ensemble de ceux qui prennent position, aux xviie-xviiie siècles, dans la querelle sur les origines des institutions françaises : c’est par anachronisme qu’on en fait les précurseurs de la lutte des races telle qu’elle se trouve définie au xixe siècle [131]. Il ne faut pas confondre le discours de la conquête, vieux récit assurément, qui a aussi des racines non nobiliaires [132], et la lutte des races comme infrastructure déterminant l’histoire et le destin des sociétés. Il est significatif que ce soit Thierry qui, dans ses gloses sur ces débats, y introduise la notion de race là où elle n’était pas présente pour parler de la « race germanique » ou de la « domination d’une race sur l’autre » [133]. Si Boulainvilliers réserve « race » aux lignées nobles, c’est qu’il adhère au cadre conceptuel dans lequel cette notion fonctionne dans les discours nobiliaires, qui la lient au partage entre nobles et ignobles : lignées illustres, dont la généalogie est connue, marquée par une suite d’actes vertueux, et roturiers d’origine obscure, aux activités viles. Ce cadre conceptuel articule étroitement race, vertu et noblesse [134]. C’est précisément ce cadre que (dans la suite d’une tradition liée notamment à l’économie politique et aux améliorateurs) renverse le CE et la notion de race se trouve prise dans cette lutte. Thierry consacre un texte entier pour discréditer les « races royales » comme principe d’écriture de l’histoire et met à leur place les « races populaires », ces « diverses populations, soit gauloises, soit étrangères, dont le mélange […] a formé la nation française », qui constituent de « grands arbres » et des « fleuves » là où les races nobiliaires ne sont que des « buissons » et « petits ruisseaux » [135]. Comme le notent Rignol et Régnier, « le mot race […] brille par son éclat polémique » [136]. Il n’est pas indifférent que ce soit dans le CE que le discours de la conquête devienne lutte des races : cela participe du combat idéologique des libéraux industrialistes entre 1817 et 1825.

61Il s’agit de montrer que le peuple aussi a une race, c’est-à-dire une généalogie faite d’ancêtres illustres et vertueux, une mémoire qui a été occultée par une histoire tenue par l’ennemi. « La roture, en effet, aussi bien que la noblesse de France [a] une histoire et des ancêtres ».

62

« Nous sommes les fils de ces serfs, de ces tributaires, de ces bourgeois que des conquérants dévoraient à merci […]. À leur nom se rattachent des souvenirs de vertu et de gloire ; mais ces souvenirs brillent peu, parce que l’histoire, qui devait les transmettre, était aux gages des ennemis de nos pères […] notre mémoire ne nous a rappelé longtemps que les familles et les actions de nos maîtres. Il n’y a pas trente ans que nous nous avisâmes que nos pères étaient la nation […] nous sommes patriotes, et nous ne parlons jamais de ceux qui, durant quatorze siècles, ont cultivé la patrie souvent dévastée par d’autres mains : les Gaulois étaient avant la France » [137].

63Par-delà le renversement de la conception nobiliaire, cette popularisation de la race a plusieurs effets. Elle vise, d’abord, à rallier les producteurs en leur faisant prendre conscience qu’ils forment une nation, « une portion de l’espèce humaine unie pour la poursuite d’un même objet et par la volonté de le poursuivre » [138]. Dans ce cadre, l’histoire et la mémoire sont essentielles : il faut, selon Thierry, « écrire une histoire qui, à proprement parler, manquait de corps ; il s’agissait de lui en former un » [139]. Selon lui, la conquête et la domination d’une race par une autre passe, après l’envahissement territorial, par une phase d’envahissement politique : une « série d’efforts tentés par le conquérant pour désorganiser et dénationaliser […] la population vaincue ». Ainsi la race saxonne finit par « perdre son caractère national dans les actes publics et dans l’histoire, et descendre à l’état de classe inférieure. Ses révoltes [ne sont plus qualifiées que] de querelles entre les pauvres et les riches » [140]. L’historien doit donc procéder à une renationalisation des querelles, rétablir la « distinction de races » et manifester comment des « querelles de races » logent sous les « querelles de gouvernement ». Thierry est très attentif au décalage entre classe et race. Les « différences nationales sont devenues une distinction de classe affaiblie de plus en plus avec le temps » [141]. La notion de race est un élément essentiel du travail de renationalisation qui vise à fournir aux dominés la conscience de leur cohérence : elle passe par une histoire qui racialise jusqu’aux « noms des familles conquérantes et leur postérité » et rappelle la race des acteurs de l’histoire et des historiens qui la racontent (car, « en général, le récit […] varie selon que l’écrivain est Normand ou Anglais de race ») [142].

64Surtout, ce faisant, cette histoire découvre, sous les institutions, les « grandes masses d’hommes » qui forment les vrais sujets de l’histoire. L’existence de ces masses, leurs combats contre l’oppression, perdurent en deçà des transformations politiques de surface, dans la société. « Un grand peuple ne se subjugue pas aussi promptement que sembleraient le faire croire les actes officiels de ceux qui gouvernent par le droit de la force » [143]. D’où l’insistance de Thierry à répéter que la défaite d’une race, actée dans le droit, ne signifie pas la disparition de cette race et de sa résistance : celle-ci se manifeste dans divers éléments que l’histoire monumentale ne peut saisir. Le niveau des institutions ne coïncide pas avec la vérité du peuple-race. C’est un point que répéteront Amédée Thierry et Edwards [144]. La notion de race joue un rôle central pour donner un corps et une continuité aux peuples opprimés, ces « populations négligées »« dont l’histoire est presque totalement ignorée » et qu’il faut établir par des archives nouvelles : « légendes et traditions populaires », « instincts moraux et croyances » [145]. Un ensemble de traces indignes de l’histoire officielle mais qui donnent une substance et une durée à un peuple. Il est facile de voir comment les types physiques et les données ethnographiques vont s’y insérer, l’histoire naturelle venant relayer l’histoire civile défaillante pour donner corps aux peuples-races. La popularisation des races est donc une condition de l’articulation de la conception historique de la race et de la conception naturaliste qui s’opère dans les années 1820 : Augustin et Amédée Thierry inscrivent ainsi explicitement leurs analyses dans la continuité de l’histoire naturelle [146]. On voit comment la race peut être mobilisée pour penser les luttes des peuples opprimés, de la Pologne à la Grèce ou à l’Italie, et le lien qui unit l’internationale patriote libérale et la science des races.

65La formule « les Gaulois étaient avant la France » traduit une ambiguïté. D’un côté, le travail de racialisation rend aux descendants des serfs une fierté en les lavant de l’accusation, répétée par Montlosier, d’être un « peuple nouveau » qui ne tient son existence que des affranchissements, et qu’il oppose à l’ancien peuple de France [147]. Augustin Thierry montre, en continuité avec une stratégie dont Sieyès offrait un exemple, que ce sont les « Franks » qui sont nouveaux sur le sol de France et que le peuple, issu des Gaulois entre autres, constitue la « race indigène » enracinée sur ce sol. Cette stratégie se retrouve chez son frère, qui fournit une histoire des Gaulois, et chez Edwards qui souligne combien les Francs constituent une infime minorité, « disséminés et comme perdus dans la masse de la population » [148]. Il s’agit aussi de mettre en cause l’« unité factice » (qui n’est qu’un autre visage de la domination) sous laquelle on raconte l’histoire de France en lui :

66

« donn[ant] pour base […] la seule histoire du peuple frank […] Le premier mérite d’une histoire nationale […] serait de n’oublier personne, de ne sacrifier personne […] comment veut-on qu’un Languedocien ou qu’un Provençal aime l’histoire des Franks et l’accepte comme l’histoire de son pays ? » [149]

67D’où ce principe : « distinguer, au lieu de confondre » ; manifester une histoire qui excède les Franks et leur ôte toute revendication à constituer l’ancien peuple. Ce qui n’empêche pas, d’un autre côté, en accord avec une position qu’on retrouve chez Guizot, de célébrer l’unité comme un projet qu’il convient de réaliser et valoriser la « fusion des races », le mélange, comme constitutif de l’identité française. L’unité est ici un horizon à réaliser, mais qui valorise l’ensemble des contributions et particularités de chacun ; elle conditionne l’émergence d’une véritable identité nationale.


68Réagissant en 1834 à la mobilisation de la « doctrine des races humaines » par les libéraux, Buchez leur reprochait d’« avoir agi en jeunes gens » en empruntant les concepts naturaliste et nobiliaire de race pour les appliquer à la politique et à l’histoire, et d’avoir ainsi « travaill[é] à renverser l’idée qui leur est certainement la plus chère, celle de l’égalité » [150]. L’histoire ne lui a pas donné tort. Mais il faut se déprendre de toute illusion rétrospective pour tenter de restituer la complexité des logiques qui conduisirent effectivement certains libéraux et réformateurs de la Restauration et de la monarchie de Juillet à introduire la race en politique. Cet article a montré qu’on ne peut se satisfaire d’un discours invoquant des contradictions, des trahisons ou des tournants : la race s’inscrit pleinement dans la manière dont certains libéraux conçoivent la liberté et la perfectibilité ; son assomption comme principe d’analyse sociale est inséparable de l’anthropologisation du politique qui marque libéraux et réformateurs sous la Restauration ; elle s’insère dans les rapports complexes que les uns et les autres établissent entre égalité de droits, capacités et inégalités naturelles, dans un contexte où il s’agit de refonder une taxinomie sociale plus en accord avec l’ordre naturel et travailler sur les conditions réelles de l’émancipation. De ce point de vue, les réflexions qui portent sur les colonies et celles sur l’espace européen sont inséparables. Pour comprendre l’ancrage de la race dans les stratégies libérales, il est essentiel de voir qu’elle a pu être à la fois un outil de hiérarchisation et de domination des peuples au nom d’inégalités naturelles (qu’il s’agissait, par des dispositifs divers, de réduire ou d’éliminer) et un outil d’essentialisation stratégique pour donner un corps, une généalogie et une identité à des peuples dominés. Il est aussi important de voir comment elle fut dès le départ un concept discuté, entre des lectures mettant l’accent sur une conception naturaliste, ou plus sociale et historique, des rapports de races ; et comment la stratégie même consistant à mobiliser cette arme à double tranchant de la race au nom de l’émancipation fut, dès le départ, contestée par certains libéraux et réformateurs, dont Constant ou Buchez sont l’exemple.


Mots-clés éditeurs : colonisation, inégalités naturelles, lutte des races, libéralisme, doctrine de race

Mise en ligne 13/10/2021

https://doi.org/10.3917/rhmc.683.0174

Notes

  • [1]
    A. Sudre, « D’une nouvelle philosophie de l’histoire. La doctrine des races », Revue européenne, I-4, 1858, p. 392 et 402.
  • [2]
    Michael Biddiss, Father of Racist Ideology. The Social and Political Thought of Count Gobineau, New York, Weibright & Talley, 1970 ; Janine Buenzod, La Formation de la pensée de Gobineau et l’Essai sur l’inégalité des races humaines, Paris, Nizet, 1967. C’est un lieu commun répété dans l’historiographie du racisme.
  • [3]
    Sur la droite sous la Restauration, Olivier Tort, La Droite française (1814-1830), Paris, CTHS, 2013.
  • [4]
    Selon un autre lieu commun popularisé par André Devyver, Le Préjugé de race chez les gentilshommes français de l’Ancien Régime (1560-1720), Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1973.
  • [5]
    Bernard Gainot, « La Décade et la “colonisation nouvelle” », AHRF, 339, 2005, p. 99-116 ; Marcel Dorigny, B. Gainot (éd.), La Colonisation nouvelle (fin xviiie-début xixe siècle), Paris, Éditions SPM, 2018.
  • [6]
    Selon une lecture qui joue des coïncidences de dates entre le rétablissement de l’esclavage en 1802 et la publication de l’Histoire naturelle du genre humain de Virey (1800-1801) pour invoquer un tournant, alors que Virey suit des naturalistes antérieurs et est opposé à l’esclavage. Voir par exemple Pierre Serna, Comme des bêtes. Histoire politique de l’animal en Révolution (1750-1830), Paris, Fayard, 2017. S’il est certain que la doctrine des races a servi à justifier le maintien de l’esclavage (notamment aux États-Unis à partir des années 1840), on ne peut l’y réduire.
  • [7]
    Jennifer Pitts, Naissance de la bonne conscience coloniale. Les libéraux français et britanniques et la question coloniale (1770-1879), Ivry-sur-Seine, L’atelier, 2008 ; Martin Staum, Labeling People. French Scholars on Society, Race, and Empire, 1815-1848, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2003 ; Thomas Bernon, « La science des races : la Société ethnologique de Paris et le tournant colonial », La Révolution française, 15, 2018, p. 1-56. Pour une critique très juste de ce prétendu « tournant » libéral, David Todd, « Retour sur l’expédition d’Alger : les faux-semblants d’un tournant colonialiste français », Monde(s), 10-2, 2016, p. 205-222.
  • [8]
    Voir Charles Mills, The Racial Contract, Ithaca, Cornell University Press, 1997 ou Uday Singh Mehta, Liberalism and Empire. A Study in Nineteenth Century British Liberal Thought, Chicago, University of Chicago Press, 1999.
  • [9]
    Selon l’arrêté signé par Villemain, Mémoires de la société ethnologique, Paris, Dondey Dupré, 1841, p. II.
  • [10]
    James Heatfield, The Aborigines Protection Society, Londres, Hurst & Co, 2011.
  • [11]
    Lawrence C. Jennings, French anti-slavery. The Movement for Abolition of Slavery in France, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
  • [12]
    Pour l’Algérie, Hélène Blais, « “Qu’est-ce qu’Alger ?” Le débat colonial sous la monarchie de Juillet », Romantisme, 2008-1, p. 19-32 ; sur la position de la gauche et des libéraux, Philippe Darriulat, « La gauche républicaine et la conquête de l’Algérie », Outre-Mers, 307, 1995, p. 129-147 ; Jean-Louis. Marçot, Comment est née l’Algérie française, 1830-1850. La belle utopie, Paris, La Différence, 2012 ; C. Pitts, Naissance…, op. cit. ; D. Todd, « Retour sur l’expédition… », art. cit.
  • [13]
    William Frédéric Edwards, Des caractères physiologiques des races humaines, Paris, Compère Jeune, 1829. Sur Edwards, Claude Blanckaert, « On the Origin of French Ethnology », in G.W. Stocking (éd.), Bones, Bodies and Behavior, Madison, University of Wisconsin Press, 1988, p. 18-55 ; Marie-France Piguet, « Observation et histoire. Race chez Amédée Thierry et William F. Edwards », L’Homme, 153, 2000, p. 93-106 ; Ian B. Stewart, « William Frédéric Edwards and the Study of Human Races in France », History of Science, 58-3, 2019, p. 275-300.
  • [14]
    A. Jacques, compte-rendu de « De l’esprit public en Hongrie depuis la révolution française », La Liberté de pensée, Joubert, 1848, II, p. 284-285.
  • [15]
    Sur le rôle des Saint-Simoniens dans la promotion de la doctrine des races, voir Philippe Régnier, « Du côté de chez Saint-Simon : question raciale, question sociale et question religieuse », Romantisme, 130-4, 2005, p. 23-37 ; Loïc Rignol, Les Hiéroglyphes de la nature. Le socialisme scientifique dans le premier xixe siècle, Dijon, Presses du Réel, 2014 ; M. Staum, Labeling People…, op. cit. Cet article cherche à montrer que ce rôle doit être resitué dans une généalogie libérale plus ancienne.
  • [16]
    Victor Courtet de l’Isle, La Science politique fondée sur la science de l’Homme, Paris, Arthus Bertrand, 1838 ; Gustave D’Eichthal, Ismayl Urbain, Lettres sur la race noire et la race blanche, Paris, Paulin, 1839. Sur Courtet, Jean Boissel, Victor Courtet 1813-1867, premier théoricien de la hiérarchie des races, Paris, PUF, 1972 ; L. Rignol, P. Régnier, « Races et politique dans l’Histoire de France chez Victor Courtet de L’Isle », Études saint-simoniennes, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2002, p. 127-152 ; L. Rignol, Les Hiéroglyphes…, op. cit., p. 739-760 ; C.-O. Doron, L’Homme altéré. Races et dégénérescence (xviie-xixe siècle), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2016, p. 361-366. Sur d’Eichthal et la question des races, Voir notamment Sandrine Lemaire, « Gustave d’Eichthal, ou les ambiguïtés d’une ethnologie saint-simonienne », Études saint-simoniennes, op. cit., p. 153-175.
  • [17]
    Séance du 26 février 1847, Bulletin de la SEP, t. I, p. 45-47.
  • [18]
    En dépit de son importance, la SEP est mal connue. Voir néanmoins T. Bernon, « La science des races… », art. cit. ; M. Staum, Labeling People…, op. cit. Nous y reviendrons en détail dans un ouvrage à paraître.
  • [19]
    Rappelons que ces courants ne se différencient que progressivement dans les années 1825-1830 et que ces étiquettes sont encore relativement fluides, les allers-retours entre ces groupes étant fréquents.
  • [20]
    Sur la notion d’internationale (ou d’archipel) libérale et patriote, Isabella Maurizio, Risorigimiento in Exile. Italian Émigrés and the Liberal International in the Post-Napoleonic Era, Oxford, Oxford University Press, 2009 ; Walter Bruyère-Ostells, La Grande Armée de la liberté, Paris, Tallandier, 2009. Le cas de Kolletis illustre bien comment s’articulent la doctrine des races et la défense des nations opprimées : figure du « parti français », il est le promoteur de la « grande idée » visant à intégrer dans la patrie grecque l’ensemble des personnes de « race grecque », au-delà du seul royaume de Grèce alors libéré, ce que Guizot qualifiait précisément « d’affranchissement général de la race grecque ».
  • [21]
    Hervé Le Bret, Les Frères d’Eichthal, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2012.
  • [22]
    En témoigne la comparaison avec la Société de géographie, proche de la SEP dans ses objectifs et sa composition, mais où « il n’y a que très peu de négociants » (Dominique Lejeune, Les Sociétés de géographie en France et l’expansion coloniale au xixe siècle, Paris, Albin Michel, 1993, p. 32).
  • [23]
    C’est le cas de d’Eichthal ou Courtet, par exemple.
  • [24]
    D. Lejeune, Les Sociétés…, op. cit.
  • [25]
    François Manchuelle, « Origines républicaines de la politique d’expansion coloniale de Jules Ferry (1838-1865) », Outre-Mers, 279, 1988, p. 185-206.
  • [26]
    P. Darriulat, Les Patriotes. La gauche républicaine et la nation 1830-1870, Paris, Seuil, 2001.
  • [27]
    L’Industrie et la morale dans leurs rapports avec la liberté, Paris, Sautelet, 1825 (IM par la suite). Voir Courtet, La Science politique…, op. cit., p. 108 et A. Sudre, « D’une nouvelle philosophie de l’histoire… », art. cit., p. 403.
  • [28]
    Traité de législation ou exposition des lois générales suivant lesquelles les peuples prospèrent, dépérissent ou restent stationnaires, 4 tomes, Sautelet, Paris, 1826-1827 (TL par la suite).
  • [29]
    Sur Thierry, mieux travaillé que les autres mais rarement en lien avec le CE, Stanley Mellon, The Political Uses of History. A Study of Historians in the French Restoration, Stanford, Stanford University Press, 1958 ; M. Seliger, « The Idea of Conquest and Race-Thinking During the Restoration », Review of Politics, 22-4, 1960, p. 544-567 ; R. N. Smithson, Augustin Thierry, Social Consciousness in the Evolution of a Historical Method, Genève, Droz, 1972 ; Lionel Gossman, « Augustin Thierry and Liberal Historiography », History and Theory, 15-4, 1976, p. 3-83 ; Anne Denieul-Cormier, Augustin Thierry. L’histoire autrement, Paris, Publisud, 1996 ; Patrick Garcia, « Les régimes d’historicité : un outil pour l’historien ? Une étude de cas : la “guerre des races” », Revue d’histoire du xixe siècle, 25, 2002, p. 43-56 ; L. Rignol, « Augustin Thierry et la politique de l’histoire », Revue d’histoire du xixe siècle, 25, 2002, p. 87-100.
  • [30]
    Depuis quelques années, Comte et Dunoyer ont fait l’objet d’un regain d’intérêt en lien avec une revalorisation du libéralisme français du début du xixe siècle. David M. Hart, Class Analysis, Slavery and the Industrialist Theory of History in French Liberal Thought, 1814-1830. The Radical Liberalism of Charles Comte et Charles Dunoyer, 1997 (http://davidmhart.com/liberty/Papers/ComteDunoyer/CCCD-PhD/CCCD-Book-2010.pdf) ; D. M. Hart, Robert Leroux, L’Âge d’or du libéralisme français, Paris, Ellipses, 2014. Mais leur rôle dans l’élaboration des questions raciales a été négligé. Leurs travaux ont fait l’objet soit d’analyses d’histoire économique en lien avec la lutte des classes (Leonard Liggio, « Charles Dunoyer and French Classical Liberalism », Journal of Libertarian Studies, 1-3, 1977, p. 153-178 ; Ralph Raico, « Classical Liberal Exploitation Theory », Journal of Libertarian Studies, 1-3, p. 179-183), soit d’analyses d’histoire de la presse (voir l’ouvrage fondamental d’Ephraïm Harpaz, Le Censeur, Le Censeur européen. Histoire d’un journal libéral et industrialiste, Genève, Slaktine, 2000).
  • [31]
    Sur le Censeur, E. Harpaz, Le Censeur…, op. cit., p. 1-40.
  • [32]
    Voir par exemple l’article que lui consacre la Biographie des hommes du jour, Paris, Krabe, 1835, t. I., p. 304-308. Après la fin du CE, Comte s’exile en Suisse puis en Angleterre avant de revenir en France en 1826 et donner des cours de droit. Après la monarchie de Juillet, il devient procureur du roi mais sa charge lui est retirée après qu’il a poursuivi un député qui voulait restreindre la liberté de la presse. Il est élu en 1831 à la Chambre comme député de la Sarthe où il siège dans l’opposition dynastique, en même temps qu’il est secrétaire de l’Académie des sciences morales et politiques. Il meurt en 1837.
  • [33]
    Après la fin du CE, Dunoyer continue à lutter en France contre la Restauration, publiant des brochures appelant les électeurs à se mobiliser, donnant des cours à l’Athénée, se portant candidat pour le parti libéral et, lors des Ordonnances de juillet 1830, appelant à une grève des impôts. Avec la monarchie de Juillet, il entame une carrière administrative mouvementée, devenant préfet de l’Allier en 1831, de la Somme en 1837 puis de l’Ille-et-Vilaine en 1838, poste qu’il refuse. Il devient conseiller d’État en service extraordinaire et, brièvement, directeur de la Bibliothèque royale. En dépit de son opposition à la Révolution de 1848, il est maintenu conseiller d’État jusqu’en 1852, quand il s’oppose au nouveau régime. Il est membre de l’Académie des sciences morales et politiques depuis 1832 et membre et président de la Société d’économie politique à sa fondation en 1842. Voir la notice de G. de Puynode, Journal des économistes, 3-4/13, 1869, p. 5-28.
  • [34]
    Les autres contributeurs identifiables sont Saint-Simon, qui donne quelques articles au journal, Jacques-Étienne Dulaure, auteur d’un texte accusant l’émigration d’être la cause des crimes révolutionnaires et Lazare Carnot.
  • [35]
    Rappelons que le terme « libéral » et les expressions « parti libéral » ou « libéralisme » pour qualifier une tendance politique ne s’imposent que dans les années 1815-1820. Voir Javier Fernandez Sebastian (éd.), La aurora de la libertad, Madrid, Marcial Pons Historia, 2012 ; et, pour la structuration du parti libéral en France, Pierre Triomphe, « Un moment crucial dans la constitution du parti libéral. Les élections de 1818 », Histoire, économie et société, 33-1, 2014, p. 37-54. Pour une discussion stimulante sur la définition du libéralisme, Duncan Bell, Reordering the World. Essays on Liberalism and Empire, Princeton, Princeton University Press, 2016. Pour une perspective sur les libéraux français sous la Restauration, Lucien Jaume, L’Individu effacé ou le paradoxe du libéralisme, Paris, Fayard, 1997 ; Pierre Rosanvallon, Le Moment Guizot, Paris, Gallimard, 1985 ; Aurelian Craiutu, Le Centre introuvable. La pensée politique des doctrinaires sous la Restauration, Paris, Plon, 2006.
  • [36]
    Pour une généalogie de ces mouvements, Chinatsu Takeda, « Deux origines du courant libéral en France », Revue française d’histoire des idées politiques, 18, 2003/2, p. 233-257, et les travaux classiques de Sergio Moravia sur les Idéologues et Marc Régaldo sur la Décade (Marc Regaldo, Un Milieu intellectuel. La Décade philosophique, thèse, Paris, 1976).
  • [37]
    Stendhal, Souvenirs d’égotisme, Paris, Gallimard, 1983, p. 74-78 ; et, pour une analyse détaillée de ces réseaux, A. Denieul-Cormier, Augustin Thierry…, op. cit.
  • [38]
    M. Dorigny, B. Gainot, La Société des Amis des Noirs, Paris, Unesco, 1998. La proximité entre Grégoire et le CE se traduit dans le fait que son Essai historique sur les libertés de l’église gallicane (1818) est publié au bureau du Censeur européen.
  • [39]
    P. Triomphe, « Un moment crucial… », art. cit. ; Nicolas Boisson, Les Figures de Joseph Rey de Grenoble (1779-1855) : conspirateur libéral, « philosophe » et socialiste « utopique », Grenoble, Université de Grenoble 2 – IEP, 2001.
  • [40]
    Plus encore que Comte et Dunoyer, Thierry (1795-1856) est le produit des institutions éducatives du Directoire et de l’Empire : issu d’un milieu modeste de Blois, il est formé au collège de la ville avant d’intégrer l’École Normale. Il rencontre Saint-Simon et devient son secrétaire peu après sa sortie de l’École. Voir A. Denieul-Cormier, Augustin Thierry…, op. cit.
  • [41]
    Compte-rendu fait par Dunoyer, in CE, Paris, Bureau de l’administration, 1817, II, p. 222-246.
  • [42]
    A. Denieul-Cormier, Augustin Thierry…, op. cit., p. 87.
  • [43]
    E. Harpaz, Le Censeur…, op. cit., p. 41-288.
  • [44]
    Mary Pickering, Auguste Comte. An Intellectual Biography, Cambridge University Press, 1993, I, p. 140-142 et p. 271 sq. Comte, en plus de remplacer Thierry comme secrétaire de Saint-Simon, fut aussi le précepteur et proche de d’Eichthal.
  • [45]
    Au Brésil, les journaux libéraux Aurora Fluminense et Diario Fluminense diffusent activement les travaux de Dunoyer, dont ils publient des extraits entre 1829 et 1834 ; Comte et Dunoyer sont même invités par le Parlement brésilien à donner des cours au Brésil en 1830. À Cuba, le traité de Comte, et en particulier son 4e tome consacré à la critique de l’esclavage, connaît une réception considérable dans les milieux libéraux (Karim Ghorbal, « Esclavage et modernité à Cuba : la réception du Traité de législation de Charles Comte », in Jacques de Cauna, Éric Dubesset (éd.), Dynamiques caribéennes. Pour une histoire des circulations dans l’espace atlantique (xviiie-xixe siècles), Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2014, p. 327-343).
  • [46]
    Sur les rapports entre le Censeur et le noyau du Producteur, M.-F. Piguet, Individualisme. Une enquête sur les sources du mot, Paris, CNRS éditions, 2018, p. 61-89 ; C.-O. Doron, « Races, liberté, égalité et fraternité », Zinbun, 総目次, 49, 2019, p. 123-157.
  • [47]
    Alan B. Spitzer, The French Generation of 1820, Princeton, Princeton University Press, 1987.
  • [48]
    O. Tort, La Droite française…, op. cit., p. 94-102.
  • [49]
    C. Comte, « De la multiplication des pauvres », CE, VII, 1818, p. 64-65.
  • [50]
    F. Guizot, Du gouvernement de la France depuis la Restauration et du ministère actuel, Paris, Ladvocat, 1820, p. 1-2.
  • [51]
    Ces réflexions ne peuvent être séparées des débats qui portent sur les interprétations de la Révolution, en particulier celles de Montlosier (1814), de Mme de Staël (dont les Considérations, rédigées en 1817, sont publiées à titre posthume en 1818) et des Doctrinaires. Le CE s’inscrit dans les interprétations qui distinguent nettement 1789 et 1793, situent la Révolution dans un mouvement bien plus profond de la liberté depuis le Moyen Âge et mettent l’accent sur la dimension conflictuelle de la société.
  • [52]
    Francis Démier, La France de la Restauration (1814-1830). L’impossible retour du passé, Paris, Gallimard, 2012, p. 462-470.
  • [53]
    Sur l’importance du moment, F. Démier, « Adam Smith et la reconstruction de l’empire colonial français au lendemain de l’épisode révolutionnaire », Cahiers d’économie politique, 27/28, 1996, p. 241-276 ; Olivier Pétré-Grenouilleau, L’Argent de la traite. Milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle, Paris, Aubier, 1996, p. 197-196 ou Édouard Delobette, Ces Messieurs du Havre. Négociants, missionnaires et armateurs de 1680 à 1830, thèse, Université de Caen, 2005, p. 849-1042.
  • [54]
    Sur la famille Say, Joseph Valynseele, Les Say et leurs alliances. L’étonnante aventure d’une famille cévenole, Paris, [s.n.], 1971 ; Michel Lutfalla, « Jean-Baptiste Say et les siens : une famille d’économistes », Revue d’histoire économique, 89-3, 1979, p. 389-407 ; sur la philosophie politique et économique de Say, Evelyn L. Forget, The Social Economics of J-B Say. Markets and Virtue, Londres, Routledge, 1999 ; P. Steiner, « Say, les Idéologues et le Groupe de Coppet », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 18-2, 2003, p. 331-353 ; sur l’esclavage, Gilles Jacoud, « L’esclavage colonial : une comparaison des approches de Say, Sismondi et des Saint-Simoniens », Œconomia, 6-3, 2016, p. 363- 402, et sur ses positions sur la colonisation, Anna Plassart, « “Un impérialiste libéral” ? Jean-Baptiste Say on Colonies and the Extra-European World », French Historical Studies, 32, 2009, p. 223-250.
  • [55]
    Guy Martinière, « Horace Say et le Brésil », Cahier d’économie politique, 27-28, 1996, p. 211-239.
  • [56]
    Pour une mise en parallèle entre émigrés et colons, M. de Pradt, La France, l’émigration et les colons, Bruxelles, Tarlier, 1825.
  • [57]
    IM, p. 29-40.
  • [58]
    « Correspondance inédite et secrète du docteur Benjamin Franklin », CE, IV, 1817, p. 103.
  • [59]
    L’Industrie, cité dans le compte-rendu qu’en fait C. Dunoyer, CE, III, 1817, p. 194.
  • [60]
    « De la multiplication des pauvres », CE, VII, 1818, p. 64-65.
  • [61]
    C. Comte, « Considérations sur l’état moral de la nation française », CE, I, 1817, p. 47 et 26.
  • [62]
    Voir C. Dunoyer, IM, p. V ou C. Comte, TL, I, p. 152.
  • [63]
    B. Constant, « De M. Dunoyer et de quelques-uns de ses ouvrages », Mélanges de littérature et de politique, Louvain, Michel, 1830, p. 89.
  • [64]
    C. Dunoyer, IM, p. 4.
  • [65]
    La rupture entre le Censeur, centré sur le contrôle des institutions et un libéralisme attentif aux droits et formes de gouvernement, teinté de républicanisme, et le CE qui introduit les sciences économiques et l’analyse historique et anthropologique au sein des sciences politiques, mettant l’accent sur les modes de production et la lutte des classes/races au sein de la société, a été notée par E. Harpaz, Le Censeur…, op. cit. ; D. Hart, Class Analysis…, op. cit.
  • [66]
    CE, I, 1817, p. III.
  • [67]
    Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, VI, Paris, Moniteur Universel, p. 368.
  • [68]
    B. Constant, De l’esprit de conquête et d’usurpation (1813), in Id., Œuvres politiques, Paris, Charpentier, 1874, p. 379 et 388.
  • [69]
    « M. Augustin Thierry », Revue contemporaine, IX, 1853, p. 503.
  • [70]
    Voir par exemple la brochure de C. Dunoyer, Du droit de pétition à l’occasion des élections de 1824.
  • [71]
    Dunoyer, compte-rendu de Saint-Simon, L’Industrie, CE, II, p. 206 et compte-rendu de J-B. Say, Petit volume, CE, VII, 1818, p. 109.
  • [72]
    C. Comte, « Considérations… », art. cit., p. 82-84.
  • [73]
    TL, IV, p. 486.
  • [74]
    Augustin Thierry, « Commentaires sur L’Esprit des lois », CE, VII, 1818, p. 248 et Manuel électoral, CE, II, p. 133.
  • [75]
    C’est la leçon que tire le Constitutionnel du 3 mars 1829 des travaux de Comte, pour expliquer comment, dans les troubles que connaissent les Républiques sud-américaines, les institutions libérales ne sont pas en cause : ils s’expliquent par « des causes plus profondes et plus difficiles à détruire. Ce ne sont pas deux systèmes politiques qui sont en présence, ce sont les descendants des conquérants et les descendants des peuples vaincus. Toutes les races colorées, aspirant à sortir du long avilissement qui a pesé sur elles, semblent avoir déclaré la guerre à la race blanche qui forme la noblesse du pays ».
  • [76]
    Jean-Luc Chappey, La Société des Observateurs de l’Homme, Paris, Études Robespierristes, 2002 ; C.-O. Doron, L’Homme altéré…, op. cit., p. 388-418 ; Silvia Sebastiani, I limiti del progresso. Razza e genere nell’Illuminismo scozzese, Bologne, Il Mulino, 2008.
  • [77]
    C.-O. Doron, Races et dégénérescence : l’émergence des savoirs sur l’homme anormal, thèse de doctorat, Paris VII, 2011, p. 1090-1195 ; P. Rosanvallon, Le Moment Guizot, op. cit., marque ce point dans le cas de Guizot.
  • [78]
    « Vue des révolutions d’Angleterre. Première partie », CE, III, p. 2-3.
  • [79]
    C. Comte, TL, I, p. 38-39. Voir aussi « Considérations », art. cit., p. 3.
  • [80]
    Les ouvrages de d’Eichthal et Courtet illustrent ce point. Voir aussi A. Granier de Cassagnac, Histoire des classes laborieuses et des classes bourgeoises, Paris, Desrez, 1838, qui voit dans l’histoire la base du politique et dans les races les fondements de l’histoire.
  • [81]
    Par exemple C. Comte, compte rendu du Traité d’économie politique de Say, CE, I, p. 161-167 et TL, t. I.
  • [82]
    C.-O. Doron, « Un antiracisme ambigu. La critique spiritualiste de la science des races », à paraître. Dès 1834-1835, les bucheziens et d’autres catholiques sociaux se livrent à une critique de la mobilisation de la notion de race et du déterminisme matériel qu’elle supposerait en histoire et en sciences sociales ; ces arguments se retrouvent dans les réceptions critiques du livre de Courtet par des personnalités aussi diverses que C. Pecqueur ou Blanc de Saint-Bonnet.
  • [83]
    IM, p. 55.
  • [84]
    G. de Staël, Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la révolution, Paris, Viénot, 1906, p. 9. Voir Jean-Fabien Spitz, L’Amour de l’égalité. Essai sur la critique de l’égalitarisme républicain en France 1770-1830, Paris, Vrin, 2000 ; P. Rosanvallon, Le Moment Guizot, op. cit., C.-O. Doron, Races et dégénérescence…, op. cit., p. 1114-1147 ; John Carson, The Measure of Merit. Talents, Intelligence and Inequality in the French and American Republics, 1750-1940, Princeton, Princeton University Press, 2007 ; A. Craiutu, Le Centre introuvable…, op. cit.
  • [85]
    Ce lien entre développement d’une hiérarchie raciale et promotion d’un classement selon les capacités naturelles, fondé sur la concurrence et le concours, gagnerait à être étudié. Il est explicite chez Courtet : « ce qui domine et a toujours dominé le monde, c’est la capacité […] la capacité seule donne le classement [en livrant] les individualités à leur propre puissance […] au milieu du concours universel » (Mémoire adressé « Aux chefs de la hiérarchie saint-simonienne » (1831), in J. Boissel, Victor Courtet…, op. cit., p. 33-34). On le retrouve chez Dunoyer, chez Pecqueur ou chez Broca. Il explique le succès de la rhétorique de la concurrence et de la lutte raciale chez nombre de républicains et libéraux au long du xixe siècle, rhétorique bien antérieure au darwinisme social.
  • [86]
    Selon les expressions de F. Guizot, Des moyens de gouvernement et d’opposition dans l’état actuel de la France, Paris, L’Advocat, 1821, p. 151 et 160.
  • [87]
    IM, p. 279.
  • [88]
    Par exemple C. Comte, « De l’organisation sociale », CE, II, p. 57 ; F. Guizot, Des moyens de gouvernement…, op. cit., p. 164. Et pour une discussion générale, J.-F. Spitz, L’Amour de l’égalité…, op. cit. ; C.-O. Doron, Races et dégénérescence…, op. cit., p. 1117-1141.
  • [89]
    Par exemple, L. Raybeaud, « Recherches statistiques et historiques sur le mouvement et le progrès des races humaines », Journal des travaux de la Société française de Statistique Universelle, II-3/7, 1837, p. 551-555.
  • [90]
    C’est la position récurrente des saint-simoniens. L. Rignol, Les Hiéroglyphes…, op. cit.
  • [91]
    Par exemple Pecqueur ou Molinari.
  • [92]
    Pour plus de détails, C.-O. Doron, L’Homme altéré…, op. cit., p. 351-361.
  • [93]
    IM, p. 72 et 82.
  • [94]
    Ibidem, p. 87.
  • [95]
    Nouveau traité d’économie sociale, Paris, Sautelet, 1830, t. I, p. 80-81.
  • [96]
    Ibidem, p. 83-84.
  • [97]
    J. Boissel, Victor Courtet…, op. cit.
  • [98]
    Ibidem, p. 93.
  • [99]
    Cette logique se retrouve chez Domeny de Rienzi, à la fois défenseur de l’égalité des droits des libres de couleur aux colonies et partisan de l’inégalité radicale des races : « les inégalités physiologiques qui les distinguent ne doivent jamais autoriser aucun homme ou aucun corps social à oublier que les hommes doivent être égaux en droits, quoique ces différences produisent des infériorités physiques et morales, très remarquables entre les races […] qu’il faut corriger par un bon système d’éducation et de bonnes lois » (Dictionnaire de géographie, Paris, Pitois-Levrault, 1840, p. xii).
  • [100]
    TL, II, p. 48-49.
  • [101]
    Ibidem Cette extension des inégalités individuelles aux races est aussi contestée, par exemple, par Pecqueur et divers fouriéristes.
  • [102]
    Ibidem, p. 63. Pour une analyse plus détaillée, C.-O. Doron, « Races, liberté, égalité et fraternité », art. cit.
  • [103]
    N’en déplaise aux tenants d’une histoire manichéenne du racisme, Dunoyer, qui défend l’inégalité des races et le déterminisme racial est monogéniste et affi rme l’unité de l’espèce ; Comte, qui conteste l’inégalité des races et le déterminisme racial, est polygéniste.
  • [104]
    TL, III, p. 486.
  • [105]
    Ibidem, II, p. 50.
  • [106]
    Ibidem, III, p. 488.
  • [107]
    Ibidem, p. 427.
  • [108]
    Ibidem, t. IV, p. 488.
  • [109]
    Ibidem, p. 489.
  • [110]
    Ibidem, p. 490.
  • [111]
    C.-O. Doron, « Races, liberté, égalité et fraternité », art. cit., pour les exemples de Chevalier, Pecqueur, D’Eichthal et Courtet.
  • [112]
    C. Comte, « De la multiplication des pauvres », art. cit., p. 1-2.
  • [113]
    Censeur, V, p. 224 ou CE, IX, 1818, p. 157 sq et 316 sq.
  • [114]
    Philippe Darriulat, Les Patriotes..., op. cit. La défense par Sismondi de la conquête algérienne en offre un bel exemple.
  • [115]
    Pour les sociétés de colonisation de l’Afrique, Eric Burin, Slavery and the Peculiar Solution. A History of the American Colonization, Gainesville, Florida University Press, 2008 ; pour le cas de Grégoire et de la deuxième société des amis des Noirs, dont Dunoyer et Comte sont proches, M. Dorigny, « La société des amis des Noirs et les projets de colonisation de l’Afrique », AHRF, 293- 294, p. 421-429 ; Id., « Intégration républicaine des colonies et projets de colonisation de l’Afrique », Revue française d’histoire outre-mer, 328-329, 2000, p. 89-105.
  • [116]
    Anonyme, « Considérations sur la situation de l’Europe », Le Censeur, III, Paris, Marchant, 1815, p. 29-30.
  • [117]
    Ibidem, p. 30.
  • [118]
    A. Noirot, « Les vrais principes de la colonisation », R.M.C., 13, p. 405-406. F. Manchuelle, « Origines républicaines », art. cit., p. 197-198.
  • [119]
    Ibidem.
  • [120]
    C. Comte, « Considérations… », art. cit., p. 40.
  • [121]
    C. Dunoyer, « Du système de l’équilibre », CE, I, p. 101.
  • [122]
    TL, II, p. 257-270.
  • [123]
    TL, IV, p. 486.
  • [124]
    Histoire de la conquête de l’Angleterre, Paris, Sautelet, 1826, p. v-xviii.
  • [125]
    « Considérations », art. cit., p. 58 et p. 10.
  • [126]
    Ibidem, p. 15.
  • [127]
    TL, op. cit., III, p. 390 sq.
  • [128]
    C. Comte, « Considérations… », art. cit., p. 36-37.
  • [129]
    Compte-rendu de De la monarchie française, art. cit., in Censeur européen, IX, 1818, p. 178-183.
  • [130]
    C. Dunoyer, compte rendu de A. Thierry, « Des nations et de leurs rapports mutuels », in Censeur européen, II, 1817, p. 240-243.
  • [131]
    Voir la mise au point de Claude Nicolet, La Fabrique d’une nation, Paris, Perrin, 2006 [2003] et, pour le cas de Boulainvilliers, Harold A. Ellis, Boulainvilliers and the French monarchy. Aristocratic Politics in Early 18th Century France, Ithaca, Cornell University Press, 1988, ainsi que Diego Venturino, Le ragioni della tradizione. Nobiltà e mondo moderno in Boulainvilliers (1658-1722), Turin, Le Lettere, 1993.
  • [132]
    Rappelons que le discours sur la conquête et le joug normand est mobilisé par les Levellers, entre autres, lors des révolutions anglaises (« The Norman Yoke » in C. Hill, Puritanism and Revolution, Londres, Penguin, 1986, p. 58-125), et que le thème de la conquête et du joug étranger joue un rôle important tant dans la révolution américaine (Élise Marienstras, Nous, le peuple. Les origines du nationalisme américain, Paris, Gallimard, 1988) que dans la révolution française.
  • [133]
    A. Thierry, « Considérations sur l’histoire de France », Œuvres complètes, Paris, Furne, 1858, IV, p. 48 et p. 21.
  • [134]
    Pour une discussion sur la notion de race au sein de ce jeu de valeurs nobiliaires, Arlette Jouanna, L’Idée de race en France au xvie siècle, Paris, Champion, 1976 ; Ellery Schalk, L’Épée et le Sang, Seyssel, Champ Vallon, 1996 [1986] ; C.-O. Doron, L’Homme altéré, op. cit., p. 88-126, et É. Haddad dans le numéro 68-2 de la RHMC.
  • [135]
    « Sur la classification de l’histoire de France par races royales », Le Courrier Français, 1820, in Dix ans d’études historiques, Œuvres d’Augustin Thierry, Hauman, Bruxelles, 1839, p. 641-642.
  • [136]
    « Races et politique dans l’Histoire de France », art. cit., p. 133.
  • [137]
    « Commentaire sur L’Esprit des lois », CE, VII, 1818, p. 251-252.
  • [138]
    A. Thierry, « Des nations et de leurs rapports mutuels », L’industrie, t. I, 2e partie, Paris, Delaunay, 1817, p. 8.
  • [139]
    Sur l’histoire de la formation du Tiers-État, Paris, Furne, 1853, p. 13.
  • [140]
    Histoire de la conquête de l’Angleterre, op. cit., p. xxiii-xxv, nous soulignons.
  • [141]
    Ibidem, p. xxvi.
  • [142]
    Ibidem, p. 243.
  • [143]
    Ibidem, p. xvii.
  • [144]
    Après la conquête romaine, note Amédée Thierry, la race gauloise « a fi ni comme nation, non comme race car les races humaines ne meurent point ainsi » (Histoire des Gaulois, Paris, Sautelet, 1828, III, p. 508). Edwards écrit : « S’il n’est plus question des Bretons dans le territoire occupé par les Saxons, c’est qu’il n’était plus une nation indépendante, ni même un peuple ayant une histoire civile. Ils étaient donc morts pour l’histoire, surtout de la manière dont on l’écrivait alors ; mais ils n’avaient pas péri, ils vivaient encore » (W. F. Edwards, Des caractères physiologiques…, op. cit., p. 70).
  • [145]
    Histoire de la conquête de l’Angleterre, op. cit., p. xiv-xviii.
  • [146]
    Augustin Thierry prétend ainsi « éclaircir le problème […] des diverses variétés de l’espèce humaine en Europe et des grandes races primitives auxquelles ces variétés se rattachent » (Histoire de la conquête de l’Angleterre, op. cit., p. xiv). Voir aussi Histoire des Gaulois, op. cit., introduction.
  • [147]
    M.-F. Piguet, « “Contre-révolution”, “guerre civile”, “lutte entre deux classes” : Montlosier (1755-1838), penseur du conflit politique moderne », Astérion, 6, 2009, p. 22 sq.
  • [148]
    W. F. Edwards, Des caractères physiologiques…, op. cit., p. 41.
  • [149]
    « Sur la fausse couleur donnée aux premiers temps de l’histoire de France », Lettres sur l’histoire de France, Œuvres d’Augustin Thierry, op. cit., p. 422.
  • [150]
    P. Buchez, Histoire parlementaire de la Révolution française, t. III, Paris, Paulin, 1834, p. v-vii.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.84

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions