Notes
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[1]
M. de Volney, Considérations sur la guerre actuelle des Turcs, Londres, sans éditeur, 1788, p. 125-126. Volney s’exprime ici contre la campagne d’Égypte finalement menée par le général Bonaparte en 1798.
-
[2]
Cet article est issu d’une communication donnée lors de l’atelier « Construction et déconstruction du récit national égyptien, xixe-xxe siècle » du Congrès du GIS Moyen-Orient 2017. Je remercie les participants à cet atelier et, en particulier, Elena Chiti, Renaud Soler et Catherine Mayeur-Jaouen. Un autre article est issu du même atelier : Elena Chiti, « Buiding a Naitonal Case in Interwar Egypt : Taya and Sakina’s Crimes through the Pages of al-Ahram (Fall 1920) », History Compas, 18-2, 2020, p. 1-13. Je remercie également les relecteurs anonymes de la RHMC pour la qualité de leur travail.
-
[3]
Juan Ricardo Cole, Colonialism and Revolution in the Middle East. Social and Cultural Origins of Egypt’s Urabi Movement, Princeton, Princeton University Press, 1993.
-
[4]
Voici les orthographes employées par la BnF : Denchaoui, Denchawai, Denshawai, Denshaway, Densheway, Dinšawāy, Dinshaway, Denchaoui, Denshawai, Dinshaway, Denshewây.
-
[5]
The National Archives (Kew), Foreign Office 371/66, Findlay to Grey, 09/07/1906, folio 169 ; désormais : TNA, FO 371/66, Findley to Grey, 09/07/1906, 169.
-
[6]
Bernard Shaw, John Bull’s Other Island, Londres, Constable and Company Ltd, 1914 [1907], p. xlix.
-
[7]
TNA, FO 371/66, Grey to Findlay, 29/06/1906, 87.
-
[8]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 30/06/1906, 103 ; 03/07/1906, 120.
-
[9]
Robert L. Tignor, Modernization and British Colonial Rule in Egypt, 1882-1914, Princeton University Press, 1966, p. 284-5 ; John Marlowe, Cromer in Egypt, Londres, Elek, 1970, p. 266-267.
-
[10]
Gabriel Baer, « Submissiveness and Revolt of the Fellah », in Id., Studies in the Social History of Modern Egypt, Chicago, University of Chicago Press, 1969, p. 101 ; Jacques Berque, L’Égypte. Impérialisme et révolution, Paris, Gallimard, 1967, p. 201.
-
[11]
Frederick Cooper, Le Colonialisme en question. Théorie, connaissance, histoire, Paris, Payot, 2010 [2005], p. 210, passim.
-
[12]
Eric Hobsbawm, The Age of Empire. 1875-1914, New York, Vintage Book, 1989 [1987], p. 82, 83.
-
[13]
Ann Laura Stoler, Along the Grain. Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense, Princeton, Princeton University Press, 2009, p. 2.
-
[14]
François Georgeon, AbdülHamid II. Le sultan calife, Paris, Fayard, 2003, p. 14, 207-212.
-
[15]
Terme turc, « effendi » signifie « maître » mais, en Égypte, durant le xixe siècle, il désignait une catégorie de personne dont l’apparition fut « lié[e] à l’émergence de la bureaucratie moderne » (Lucie Ryzova, L’Effendiyya ou la modernité contesté, Le Caire, Cedej, 2004, p. 21).
-
[16]
François Pouillon, « Mort et résurrection de l’orientalisme », in Id., Jean-Claude Vatin (éd.), Après l’orientalisme. L’Orient créé par l’Orient, Paris, IISMM-Karthala, 2011, p. 16.
-
[17]
Albert Hourani, Arabic Thought in Liberal Age, 1798-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1983 [1962], p. 201 ; Anne-Claire de Gaffier-Bonneville, Histoire de l’Égypte moderne. L’éveil d’une nation, xixe-xxie siècle, Paris, Flammarion, 2016, p. 201-203 ; Joel Beinin, Workers and Peasants in the Modern Middle East, Cambridge, Cambridge University Press ; R. L. Tignor, Modernization…, op. cit., p. 280-286 ; J. Marlowe, Cromer…, op. cit., p. 265-259 ; Afaf Lutfi al-Sayyid-Marsot, Egypt and Cromer : a Study in Anglo-Egyptian Relations, Londres, John Murray, 1968, p. 169-175 ; J. Berque, L’Égypte…, op. cit., p. 241-242.
-
[18]
G. Baer, « Submissiveness… », art. cit., p. 93-108 ; Nathan Brown, Peasant Politics in Modern Egypt. The Struggle against the State, New Haven, Yale university press, 1990 ; Marc J. Carcanague, « Death at Denshawai : a Case Study in the History of British Imperialism in Egypt », Master of Arts, Rutgers University, 2012 ; Kimberly A. Luke, « Order or Justice : The Denshawai Incident and British Imperialism », History Compass, 5-2, 2007, p. 278-287 ; Id., « Peering through the Lens of Dinshwai : British Imperialism in Egypt 1882-1914 », PhD, Florida State University, 2010 ; Mohammad R. Salama, « Reading the Modernist Event from the Margins of History : the Denshawai Incident, the Trial of Djamila Bouired and the Question of Egyptian Modernity », PhD, University of Wisconsin, Madison, 2005 ; Maud Michaud, « L’affaire de Denshawai », mémoire de master, Université Lyon 2/ Université de Durham, 2006.
-
[19]
Muḥammad Gamâl al-Dîn ‘Alî al-Musadî, Dinshwây, Le Caire, Dâr al-kutub wa-l-wâthâ’iq alqawmiyya, 2006 [1974]. Dans cette étude, l’auteur reprend ses anciens travaux sur l’incident : « Dirasa ‘an Dinshwây », Le Caire, al-Gumhûriyya, 19-27/06/1969.
-
[20]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 22/06/1906, 28 ; 28/06/1906, 70 ; 01/07/1906, 169 ; 09/07/1906, 169 ; 11/07/1906, 196 ; 23/07/1906, 237 ; TNA, FO 371/66, Parliamentary question (désormais PQ), 05/07/1906, 157 ; 23/11/1906, 799 ; TNA, FO 141/397, Findlay to Grey, 01/07/1906, 355 ; FO 633/14, Cromer-Grey, 29/10/1909 cité dans J. Marlowe, Cromer…, op. cit., p. 285 ; R. L. Tignor, Modernization…, op. cit., p. 139-140 ; J. E. Marshall, The Egyptian Enigma 1890-1928, Londres, John Murray, 1928, p. 59.
-
[21]
TNA, FO 881/8986, « Denshawai Case : Summary of Evidence », p. 7.
-
[22]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 30/07/1906, 323 et 722 ; 24/09/1906, 605, 728 et 743-745.
-
[23]
Journal officiel égyptien (désormais JOE), 25/02/1895, cité dans TNA, FO 78/4668, Cromer to Kimberley, 28/02/1895, 25.
-
[24]
Paul Ruelens, La Législation égyptienne annotée. Première partie, Codes égyptiens pour les procès mixtes, précédés des Conventions internationales, suivis du Règlement d’organisation judiciaire, Paris/ Le Caire, A. Rousseau/Librairie Barbier, 1892.
-
[25]
JOE, 25/02/1895, article 1 du décret instituant le tribunal spécial, cité dans TNA, FO 78/4668, Cromer to Kimberley, 28/02/1895, 25.
-
[26]
JOE, 25/02/1895, articles 1 et 6 cités dans TNA, FO 78/4668, Cromer to Kimberley, 28/02/1895, 25.
-
[27]
TNA, FO 633/75, His Majesty’s Stationery Office, « Correspondence Respecting the Attack on British Officers at Denshawai », Egypt, n° 3 (1906), 1906, p. 24.
-
[28]
JOE, 25/02/1895, articles 4 et 5 cités dans TNA, FO 78/4668, Cromer to Kimberley, 28/02/1895, 25.
-
[29]
Wilfrid Scawen Blunt, Atrocities of Justice Under British Rule, T. Fisher Unwin, Londres 1906, p. 22.
-
[30]
TNA, FO 371/66, Cromer to Grey, 14/06/1906, 7 ; TNA, FO 371/66, PQ, 14/07/1906, 207.
-
[31]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 39-40 ; Arthur Jr Goldschmidt, « Ghali, Butros », Biographical Dictionary of Modern Egypt, Boulder, L. Rienner, 1999, p. 61 ; Khâlid ʽAZAB, Min wathâ’iq al- ʽâ’ilât al-qubṭiyya : qirâ’a fî awrâq ʽâ’ila Buṭrus Bâshâ Ghâlî, Le Caire, Dâr al-kutub wa-l-wâthâ’iq al-qawmiyya, 2012, p. 39-42.
-
[32]
TNA, FO 371/66, PQ, 02/08/1906, 326 ; « Hunted down », Egyptian Gazette, Alexandria, 03/07/1906, p. 3 ; W. S. Blunt, Atrocities… op. cit., p. 42.
-
[33]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 09/07/1906, 169.
-
[34]
« Denishwai again », Egyptian Gazette, Alexandria, 06/07/1906, p. 3.
-
[35]
The Earl of Cromer, Abbas II, Londres, MacMillian & co, 1915, p. x.
-
[36]
Viscount Grey of Fallodon, Twenty-Five Years : 1892-1916, vol. 1, New York, Frederick A. Stokes Company, 1927, p. 132.
-
[37]
TNA, FO 633/13, Grey to Cromer, 09/03/1907.
-
[38]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 50 ; Ahmad Amin, My Life. The Autobiography of an Egyptian Scholar, Writer, and Cultural Leader, Leiden, E. J. Brill, 1978 [1950], p. 60-61 et note 2 ; Aḥmad Shafîq Bâshâ, Mudhakkirâtî fî niṣf qurn, vol. 2, Le Caire, Maṭbaʽat Miṣr, Sharika Musâhima Miṣriyya, 1936, p. 99. Pour un exemple d’expression orientaliste particulièrement explicite sur la place centrale de l’honneur dans la morale des « fellahs », voir Thomas Russell, Egyptian Service, 1902-1946, Londres, John Murray, 1949, chapitre 4.
-
[39]
F. Robert Hunter, « Tourism and Empire : the Thomas Cook & Son enterprise on the Nile, 1868-1914 », Middle Eastern Studies, 40-5, 2004, p. 28-54. Tous les guides touristiques mentionnaient la chasse aux cailles et aux pigeons, à titre d’exemple : Karl Baedeker, Egypt. Handbook for Travellers, vol. 1, Leipsig, Karl Baedeker, 1895, p. lxxviii.
-
[40]
Allen Guttman, « La diffusion des sports à travers le monde : un impérialisme culturel ? », in Pierre Singaravélou, Julien Sorez (éd.), L’Empire des sports. Une histoire de la mondialisation culturelle, Paris, Belin, 2010, p. 26 ; TNA, FO 141/400, « Extract from Standing Orders for the British Force in Egypt, dated, 1904 », Findlay to Grey, 07/07/1906, telegram n° 207.
-
[41]
Dr Walter Francis Innes Bey, Mesure à prendre pour la protection des oiseaux en Égypte : Communication faite à l’Institut égyptien dans la séance du 5 mai 1902, Le Caire, Imprimerie nationale, 1903, p. 4-5.
-
[42]
Mohammed H. Benkheira et alii, L’Animal en islam, Paris, Les Indes savantes, 2005, p. 146, 149, 162.
-
[43]
Archives nationales égyptiennes (désormais ANE), ministère de l’Intérieur (désormais MI) 2001-013282.
-
[44]
John Mackenzie, « La chasse, un sport impérial ? », in P. Singaravélou, J. Sorez (éd.), L’Empire…, op. cit., p. 142.
-
[45]
Mes recherches menées dans les archives nationales britanniques et égyptiennes ont permis d’en dénombrer une dizaine entre 1882 et 1914. Mais, à la manière dont certains incidents sont relatés, on comprend qu’il s’agit d’un phénomène bien plus ample, voire routinier.
-
[46]
TNA, FO 371/66, Gromer to Grey, 14/06/1906, 1.
-
[47]
W. S. Blunt, « The Shooting Affray in Egypt », Manchester Guardian, 21/06/1906, p. 6.
-
[48]
J’ai résumé ici la version des faits que je me suis forgée à partir des différents éléments contenus dans les archives britanniques et, en particulier, à partir du carton qui est consacré à l’incident : TNA, FO 371/66.
-
[49]
F. Cooper, Le Colonialisme en question…, op. cit., p. 210.
-
[50]
TNA, FO 633/75, Egypt, n° 3 (1906), op. cit., p. 21.
-
[51]
« Occasional notes », Pall Mall Gazette, Londres, 15 juillet 1906, p. 2 ; « Execution in Egypt : Hanging and Flogging for Three Hours, a Gruesome Spectacle », Manchester Guardian, 29/07/1906, p. 6 ; The Illustrated London News, no 3507, vol. CXXIX, 07/07/1906, p. 16.
-
[52]
V. Grey, Twenty-Five Years…, op. cit., p. 130.
-
[53]
House of Commons debates (désormais HC Deb), 15/08/1907, vol. 180, chapitre 1706.
-
[54]
David Cannadine, Ornamentalism. How the British Saw their Empire, Londres, Allan Lane-Penguin Press, 2001, p. 134 ; Id., « The Context, Performance and Meaning of Ritual : the British Monarchy and the “Invention of Tradition”, c. 1820-1977 », in Eric Hobsbawm, Terence Ranger, The Invention of Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 2013 [1983], p. 101-164 (citation p. 108 et 138).
-
[55]
Voir Douglas Hay, « Property, Authority and the Criminal Law », in Id. et alii, Albion’s Fatal Tree : Crime and Society in Eithteenth-Century England, New York, Pantheon Books 1975 ; Edward P. Thompson, Whigs and Hunters. The Origins of the Black Act, Londres, Breviary Stuff Publications, 2013 [1975], p. 44-45.
-
[56]
Hervé Bleuchot, « Le Soudan au xixe siècle », in Marc Lavergne, Le Soudan contemporain. De l’invasion turco-égyptienne à la rébellion africaine (1821-1989), Paris, Karthala, 1989, p. 115-226 (ici p. 145). Sur les incursions mahdistes en Égypte : ANE, Conseil des ministres (dorénavant CM), 0075- 005073, 0075-005074, 0075-005075, 0075-003158, 0075-014469, 0075-003421.
-
[57]
F. Georgeon, « Chapitre XIII, Le dernier sursaut », in R. Mantran (éd), Histoire…, op. cit., p. 533-537 ; citation : Id., Abdulhamid II…, op. cit., p. 14 ; M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 63-65.
-
[58]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 22/07/1906, 27.
-
[59]
Nathan Brown, « Brigands and state building : the invention of banditry in modern Egypt », Comparative Studies in Society and History, 32-2, 1990, p. 258-281. Sur les commissions de brigandage, lire aussi : R. L. Tignor, Modernization…, op. cit., p. 132.
-
[60]
M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 221 ; Samir Seikaly, « Prime Minister and Assassin : Butrus Ghali and Wardani », Middle Eastern Studies, 13-1, janvier 1977, p. 112-123. Buṭrus Ghâlî Pacha était l’arrière-grand-père de Boutros Boutros Ghali, l’ancien secrétaire général des Nations unies. Après son assassinat, le procureur du procès de Dinshwây, rongé par le remords, assura la défense de l’assassin de Ghâlî Pacha. Cet assassinat a en outre contribué au ressentiment des coptes envers les musulmans et vice versa (Donald M. Reid, « Political assassination in Egypt, 1910-1954 », The International Journal of African Historical Studies, 15-4, 1982, p. 625-651).
-
[61]
Michael E. Gasper, The Power of Representation. Publics, Peasants, and Islam in Egypt, Stanford, Stanford University Press, 2009, p. 210.
-
[62]
J. R. Cole, Colonialism…, op. cit., p. 244.
-
[63]
Khaled M. Fahmy, In Quest of Justice. Islamic Law and Forensic Medicine in Modern Egypt, Oakland, University of California Press, 2018, p. 85-86.
-
[64]
A. Lutfi al-Sayyid-Marsot, Egypt and Cromer…, op. cit., p. 171-172 ; Charles Wendell, The Evolution of the Egyptian National Image. From its Origins to Aḥmad Luṭfī al-Sayyid, Berkeley, University of California Press, 1972, chapitre 6 ; Aḥmad Lutfi al-Sayyid, « Mudhakkirât Ustâdh al-Gîl », al-Muṣawwar, 01/09/1950-01/12/1950 cité dans C. Wendell, The Evolution…, op. cit., p. 205, note 5.
-
[65]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 07/08/1906, 370.
-
[66]
Après vérification de son acuité, je reproduis ici la traduction française de l’article telle qu’elle figure dans les dossiers administratifs britanniques : TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 23/07/1906, 15. Sauf exception, la presse égyptienne a été analysée à partir de sources secondaires consacrées au traitement journalistique de l’incident : E. Gasper, The Power…, op. cit. ; Muḥammad Ḥâmid Sharîf, Ḥâditha Dinshwây wa-‘sadâhâ fîal-adâb al-‘arabî al-ḥadîth wa-l-ṣaḥâfa al-‘arabiyya, Le Caire, al-Hay’a al-miṣriyya al-‘âmma li-l-kitâb, 2006 ; M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 98-101 ; Sulaymân Ṣâliḥ, al-Shaykh ‘Alî Yûsuf wa-garîdat al-Mu‘ayyid : târîkh al-ḥaraka al-waṭaniyya fî rub’ qarn, vol. 2, Le Caire, al-Hay’a al-miṣriyya al-’âmma li-l-kitâb, 1998, p. 22-26 ; Muḥammad Naṣr, Dinshwây wa-alṣaḥâfa, Le Caire, Maktaba Nahḍat Miṣr, 1958 ; Taysîr Abû ‘Araga, al-Muqaṭṭam : garîdat al-iḥtilâl al-brîṭânî fî Miṣr 1889-1952, Le Caire, al-Hay‘at al-miṣriyya al-‘âmma li-l-kitâb, 1997, p. 65 ; W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 37.
-
[67]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 23/07/1906, 114.
-
[68]
Ibidem, Findlay to Grey, 02/07/1906, 237.
-
[69]
Al-Ahrâm, 15/06/1906, cité dans M. Ḥ. Sharîf, Ḥâdithat Dinshwây…, op. cit., p. 136.
-
[70]
M. Naṣr, Dinshwây…, op. cit., p. 109 (la référence exacte n’est pas précisée). Al-Muqaṭṭam, 15 juin et 10 juillet 1906, cités dans T. Abû ‘Araga, Al-Muqaṭṭam…, op. cit., p. 33 et 34.
-
[71]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 23/06/1906, 113 et 114.
-
[72]
Ibidem.
-
[73]
Ibidem, Findlay to Grey, 09/07/1906, 169.
-
[74]
Muṣṭafâ Kâmil Pacha, « À la Nation anglaise et au monde civilisé ! », Le Figaro, 11/07/1906, p. 1.
-
[75]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 23/07/1906, 115 et 116.
-
[76]
Ranajit Guha, Elementary Aspects of Peasant Insurgency in Colonial India, Delhi, Oxford University Press, 1997 [1983], p. 3.
-
[77]
Ibidem.
-
[78]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 07/08/1906, 367.
-
[79]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 50.
-
[80]
Zachary Lockman, « Imagining the Working Class : Culture, Nationalism, and Class Formation in Egypt, 1899-1914 », Poetics Today, 15-2, 1994, p. 158-190 (ici p. 179).
-
[81]
Maḥmûd Ṭâhir Ḥaqqî, ‘Adhrâ’ Dinshwây, reproduction du feuilleton publié dans le journal al-Minbar en 1906, sans lieu, publié à compte d’auteur, sans date, p. 12-17. Les noms propres arabes non translittérés suivent l’orthographe adoptée dans les documents administratifs britanniques.
-
[82]
Ḥasan Mar’î, Ṣayd al-ḥamâm, al-Gamâliyya (Le Caire), Directeur du journal al-Ṣaḥâ’if al-shahriyya, sans date (1906). Malgré l’absence de date imprimée sur la copie consultée, on peut estimer que la pièce date de 1906 car il est précisé en préambule qu’elle fut interdite de représentation. Or, en juillet 1906, une pièce de théâtre sur Dinshwây fut interdite de représentation en Égypte (ANE, CM 0075-011194 ; TNA, FO 141/404, Boyle to Grey, 12/07/1906).
-
[83]
« Qanun al-muntakhabat (loi des élus), janvier-février 1830 », Filib Jallad, Qamus al-idara wa-l-qada’, Alexandria, vol. 3, p. 1327, 1891, cité dans John Chalcraft, « Engaging the State : Peasants and Petitions in Egypt on the Eve of Colonial Rule », International Journal of Middle East Studies, 3, 2005, p. 303-325 (ici p. 306).
-
[84]
‘Imâd Aḥmad Hilâl, « Al-‘Arḍḥâl : maṣdar maghûl li-dirâsat tarîkh miṣr fî al-qarn al-tâsi’ ‘ashr », al-Ruzname, Hay’at al-‘âmma li-dâr al-kutub wa-l-wathâ’iq al-qawmiyya, no 2, Le Caire, 2004, p. 1-23 (ici p. 1-3) ; Lex Heerma van Voss, « Introduction », International Review of Social History : Petitions in Social History, 46-Supplement 9, 2001, p. 1-10 (ici p. 1).
-
[85]
ANE, CM, 0075-015916. Assemblée de grands propriétaires et de notables se réunissant deux fois par mois et ayant un rôle exclusivement consultatif auprès du gouvernement Pour une analyse du système « quasi parlementaire » égyptien sous l’occupation britannique du pays, lire : ʿAlî Barakât, Taṭawwur al-milkiyya al-zirâ‘iyya fî miṣr wa-athruhu ‘alâ al-ḥarakat al-siyâsiyya 1813-1914, Le Caire, Dâr al-thaqâfa al-gadîda, 1977, p. 441-453.
-
[86]
ANE, MI 2001-012426.
-
[87]
R. Guha, Elementary Aspects…, op. cit., p. 9.
-
[88]
Max Weber, Le Savant et le politique, Paris, UGE 10/18, 1963 [1919], p. 101.
-
[89]
ANE, CM, 0075-003046, 0075-003047, 0075-003029, 0075-003034 ; Philipp Gelat, « Loi du 28 novembre 1904 sur le port d’armes », Répertoire général annoté de la législation et de l’administration égyptiennes, 1840-1908, partie 1, 7 vol., Alexandrie, J. C. Lagoudakis, 1909, vol. 3, p. 842.
-
[90]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 09/07/1906, 170 ; ibidem, 23/07/1906, 240.
-
[91]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 49.
-
[92]
TNA, FO 881/8986, « Denshawai Case : Summary of Evidence » p. 5, 8 ; FO 371/66, Findlay to Grey, 09/07/1906, 170 ; Ibidem, 23/07/1906, 239-242 ; Ibidem, 07/08/1906, 332 et 369.
-
[93]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 50 ; A. Amin, My Life…, op. cit., p. 60-61 et note 2 ; A. Shafîq Bâshâ, Mudhakkirâtî…, op. cit., p. 99.
-
[94]
Nicolas Michel, L’Égypte des villages autour du xive siècle, Paris-Louvain-Peeters, 2018, p. 336 ; K. M. Fahmy, In quest…, op. cit. ; J. Chalcraft, « Engaging… », art. cit., p. 303-325. ; Maha A. Ghalwash, « On Justice : Peasants, Petitions and the State in Mid-Nineteenth-Century Egypt », British Journal of Middle Eastern Studies, 43-4, 2016, p. 523-540.
-
[95]
TNA, FO 633/44, His Majesty’s Stationery Office, « Reports by his Majesty Agent and Consul-General of the Finances, Administration, and Condition of Egypt and the Sudan in 1905 », Egypt, n° 1 (1906), 1906, p. 79.
-
[96]
His Majesty’s Stationery Office, « Correspondence Respecting the Attack Made on Two Officers of Her Majesty’s Army at Keneseh, in Egypt », Egypt, n° 10 (1887), 1887 ; al-Ahrâm, 28 mars 1887, Standard, 29 mars 1887, Egyptian Gazette, 29 mars 1887, cités (sans plus de référence) dans M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 25 ; W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 17.
-
[97]
TNA, FO 371/66, Grey to Findlay, 28/07/1906, 315 et 318 ; Ibidem, Findlay to Grey, 05/07/1906, 238].
-
[98]
J. R. Cole, Colonialism…, op. cit., p. 244 ; Nathan Brown, « Peasants and Notables in Egyptian Politics », Middle Eastern Studies, 26-2, p. 145-160.
-
[99]
‘Imâd Aḥmad Hilâl, « Al-‘Arḍḥâl : ṣawt al-failâḥ al-miṣrî al-muḥtagg : al-niṣf al-thânî min al-qarn al-tâsi’ ‘ashr », in Ru’ûf ‘Abâs (éd.), Al-Rafḍ wa-al-iḥtigâg fî al-mugtama’ al-miṣrî fî al-’aṣr al- ‘uthmânî, Le Caire, Gâm‘at al-Qâhira, 2004, p. 201-247.
-
[100]
Simona Cerutti, Massimo Vallerani, « Suppliques. Lois et cas dans la normativité de l’époque moderne – Introduction », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 13, 2015 (http://journals.openedition.org/acrh/6545).
-
[101]
Cette critique s’adresse plus particulièrement à J. Chalcraft, « Engaging the state… », art. cit. et à M. A. Ghalwash, « On Justice… », art. cit.
-
[102]
Sur la pétition comme prélude à la révolte, lire : L. H. van Voss, « Introduction », art. cit., p. 4.
-
[103]
Voir F. Cooper, Le Colonialisme…, op. cit., p. 41 et 269.
-
[104]
FO 371/66, Findlay to Grey, 23/07/1906, 240.
-
[105]
M. Kâmil, « À la Nation anglaise… », art. cit.
-
[106]
TNA, FO 633/Egypt, no 3 (1906), op. cit., p. 19.
-
[107]
Journal du Caire, cité (sans autre référence) dans W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 56 ; « Expiation. Last Act in Denishwai Drama. Execution of Sentences. The Scene at Denishwai », The Egyptian Gazette, 29/06/1906, p. 3.
-
[108]
Outre le roman et la pièce de théâtre déjà cités : ‘Abd al-Ḥalîm Dulâwar, Dinshwây : ḥimâm aw ḥamam, Ṭubit’t ‘alâ nafaqat Maḥmûd Tawfîq, al-Kutbî bi-al-Azhar, 1906 ; Selon Sharîf, l’un des prisonniers de Dinshwây aurait écrit un « roman poétique et politique » dans le journal satirique Khiyâl al-ẓill (M. Ḥ. Sharîf, Ḥâdithat Dinshwây…, op. cit., p. 149). Pour une vue générale des poésies traitant de l’incident : M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 107-113 ; M. Ḥ. Sharîf, Ḥâdithat Dinshwây…, op. cit., p. 31-130.
-
[109]
Le journal pro-allemand : The Fatherland, IV-3, 23/02/1916, p. 38 ; Id., IV-11, 20/10/1915, p. 188 ; le journal anti-impérialiste de gauche : The tribunal, 77, 04/10/1917, p. 4 ; Un manifeste du Parti national indien publié en 1915 : William Jennings Bryan, On british Rule in India, non daté, p. 1 ; un essai allemand de sociologie sur le nouvel impérialisme : Ferdinand Tönnies, Englische Weltpolitik in englischer Beleuchtung, Berlin, Verlag von Julius Springer, 1915, p. 65-66, 79.
-
[110]
Manṣûr Muṣṭafâ Rifa’at, « Lest we Forget : a Page From the History of the English in Egypt », in Album de la grande guerre, Édition pour l’Orient, Berlin, Deutscher Überseedienst Transocean, Nachrichtenstelle fûr den Orient, May 1915. Sur Rifa’at, lire Noor-Aiman I. Khan, Egyptian-Indian Nationalist collaboration and the British Empire, New York, Palgrave MAcmillian, 2011, p. 66-67.
-
[111]
M. E. Gasper, The Power…, op. cit., p. 211.
-
[112]
Maḥmûd Kâmil, Ashhar al-qaḍâyâ al-Miṣriyya, 1946.
-
[113]
Essais : Muḥammad ‘Abd al-Wahhâb Ṣaqar, Kafâḥ Dinshwây, gouvernorat al-munûfiyya, idârat al-‘alâqât al-‘âma, 1962 ; [anonyme], Dinshwây : al-shuhadâ’ lâ yamûtûn, Le Caire, Wizârat al-thaqafa, 1962 ; M. Naṣr, Dinshwây…, op. cit. M. G. ‘A. al-Musadî, « Dirasa… », art. cit. Théâtre : Rishâr Ḥigâzî, ‘Arûs Dinshwây, Le Caire, Wizârat al-tarbiyya wa-al-ta‘lîm, 1970 ; Raslân Ismâ‘îl, Dinshwây, Mu’asasat al-maṭbû‘ât al-ḥadîtha, 1961. Livre pour enfant : Muḥammad ‘Aṭiyya al-Ibrâshî, Madhâbiḥ Dinshwây, [éditeur non identifié], 1968.
-
[114]
Portail électronique du gouvernorat d’al-Munûfiyya (www.monofeya.gov.eg/tourism/musems/Lists/List/DispForm.aspx?ID=1).
-
[115]
Ahdaf Soueif, interview (enregistrement sur bande), 08/09/2009, citée dans K. A. Luke, « Peering… », art. cit. p. 130.
-
[116]
Joel Gordon, Nasser’s Blessed Movement. Egypt’s free officers and the July revolution, Oxford, Oxford University Press, 1992 ; Didier Inowlocki, Traduction, édition critique bilingue et analyse de La Philosophie de la Révolution de Gamal Abdel Nasser. Égypte, 1953-1956, Paris, Presses de l’Inalco, 2020, à paraître.
-
[117]
À la notable exception d’al-Musadî qui souligne un certain rapprochement entre les nationalistes et les autorités britanniques (M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 99).
-
[118]
Mis à part ‘Abd al-Mun‘im Muṣṭafâ al-Qabânî, Al-Isti‘amâr al-baghîḍ : Dinshwây, Le Caire, Dâr al-fikr al-‘arabî, 1987 ; Nuâl ‘Abd al-Azîz Mahdî Râmî, Ḥaraka wa-Dahbûba 1908, aw, Dinshwây al-Sûdân wa-ṣadâhâ fî Misr, Le Caire, Maktabat al-salâm al-‘âlamiyya, 1974.
-
[119]
Portail électronique du gouvernorat d’al-Munûfiyya (www.monofeya.gov.eg/tourism/musems/Lists/List/DispForm.aspx?ID=1) ; Yûnân Labîb (éd.), Matḥaf Dinshwây, Le Caire, Matḥaf Dinshwây, sans date (mais publié à l’occasion de l’inauguration du nouveau musée en 1999), p. 47.
-
[120]
Anonyme, Dinshwây : qiṣa, [éditeur non identifié], 2003 ; ‘Umrû Sharshar, Dinshwây wa-al-târîkh : ri’aya naqdiyya taḥlîliyya li-l-aḥdâth, Shbîn al-kawm, Dâr al-wathâ’iq al-gâmi‘iyya, 2010 ; Ṣalâḥ ‘Aṭiya, Ḥâdithat Dinshwây, Le Caire, Mu’asasat dâr al-târîkh li-l-ṭiba‘ wa-l-nashr, 2008 ; Hishâm al-Gabâlî, Yôm Dinshwây, al-Minya, Dâr al-hadâ li-l-nashr wa-l-tawzî‘, 2007 ; Muḥammad al-shâfa’î, Dinshwây mâ’iat ‘âm al-‘azza, [éditeur non identifié], 2006 ; M. Ḥ. Sharîf, Ḥâdithat Dinshwây…, op. cit. ; M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây…, op. cit.
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[121]
Recherche effectuée en novembre 2019.
-
[122]
Alain Gresh, « Dinshwaï 1906 », Le Monde Diplomatique, 2007, p. 10 ; Shaykh Amîn al-Ṭawâhrî, Galâdû Miṣr wa-‘umalâ’ amarîkâ yarḥibûn bi-Ûbâmâ, al-Saḥâb (muntadiyyat al-falûga al-islâmiyya_shabaka shumûkh al-islâm), 2009, en ligne, consulté le 05/02/2019 (https://archive.org/details/al-qaeda213).
« Nos Officiers même porteront avec eux ce ton léger, exclusif, méprifant, qui nous rend infupportables aux Etrangers, & ils aliéneront tous les coeurs. Ce feront des querelles & des séditions renaiffantes : on châtiera, on s›envenimera, on verfera le fang » [1].
1Au cours du dernier quart du xixe siècle, l’Égypte devint de plus en plus dépendante, aux plans économique et politique, des grandes puissances européennes et en particulier de la France et de la Grande-Bretagne [2]. Les tensions entre Européens et Égyptiens allaient grandissant et tournaient parfois, surtout à Alexandrie, à l’émeute. Celle particulièrement violente qui se déroula dans cette ville le 11 juin 1882 sur fond de confrontation politique entre un colonel de l’armée égyptienne, Ahmed Orabi Pacha et le khédive (vice-roi) d’Égypte, Tawfîq, convainquit les Britanniques que le temps était venu de rétablir l’ordre pour préserver leurs intérêts. Avec l’accord du khédive, ils bombardèrent Alexandrie le 23 juillet 1882. Orabi mit alors en place un Congrès national révolutionnaire de résistance ne reconnaissant plus le khédive. Les objectifs du Congrès étaient l’affirmation de l’égyptianité du pays, le recouvrement de sa souveraineté monétaire et l’instauration d’un régime parlementaire. Le Congrès national entama des réformes politiques et sociales mais fut écrasé par la Grande-Bretagne le 15 septembre 1882 lors de la bataille de Tall al-Kabîr. Subséquemment, les troupes de l’empire britannique occupèrent provisoirement l’Égypte. Le provisoire dura et la souveraineté de l’empire ottoman sur sa province égyptienne devint nominale. L’Égypte était dorénavant dirigée par ce que les Britanniques appelaient l’Agence, soit le centre administratif depuis lequel régnait le consul-général lord Cromer (1841- 1917). L’Égypte dépendait en effet du ministère des Affaires étrangères parce qu’elle n’était pas juridiquement une colonie britannique. Cependant, la domination britannique adopta progressivement les traits typiques d’un régime colonial. En 1906, l’Égypte était une colonie britannique qui ne disait pas son nom [3].
Le village de Dinshwây en 1906
Le village de Dinshwây en 1906
2Aujourd’hui encore, aucun Égyptien ou presque n’ignore les grandes lignes de l’incident qui s’est déroulé le 13 juin 1906 dans le village de Dinshwây situé dans le delta du Nil dans la province d’al-Minûfiyya [4].
3Fonctionnant comme une métonymie, l’incident est à lui seul devenu la preuve, d’une part, d’un amour ancestral idéalisé des Égyptiens pour leur patrie, et d’autre part, de l’indicible barbarie du colonialisme britannique pendant les soixante-quatorze années (1882-1956) que dura l’occupation du pays. Le 13 juin 1906, une partie de chasse aux pigeons entreprise par cinq militaires britanniques dans le village de Dinshwây tourna au pugilat. Un villageois et un soldat britannique moururent. Il y eut de plus des blessés de part et d’autre. Les soldats britanniques ne furent jamais sérieusement inquiétés mais les villageois furent en revanche très sévèrement châtiés. Cinquante-neuf d’entre eux furent inculpés et vingt-et-un furent condamnés : quatre à mort par pendaison, neuf aux travaux fermés (deux à perpétué, un à quinze ans et six à sept ans), trois à un an de travaux forcés assortis de cinquante coups de fouet. Enfin, les cinq derniers furent condamnés à cinquante coups de fouet chacun [5].
Traduction de la légende d’origine : « Lecture de la condamnation à mort d’un prisonnier juste avant son exécution »
Traduction de la légende d’origine : « Lecture de la condamnation à mort d’un prisonnier juste avant son exécution »
Traduction de la légende d’origine : « Érection de l’échafaud : la tour à pigeons est visible entre les poteaux »
Traduction de la légende d’origine : « Érection de l’échafaud : la tour à pigeons est visible entre les poteaux »
Traduction de la légende d’origine : « La flagellation : un coupable au triangle [tripode sur lequel le supplicié est attaché] »
Traduction de la légende d’origine : « La flagellation : un coupable au triangle [tripode sur lequel le supplicié est attaché] »
Traduction de la légende d’origine : « Une exécution : un meurtrier s’est éteint »
Traduction de la légende d’origine : « Une exécution : un meurtrier s’est éteint »
4Le lendemain du procès, les pendaisons et les flagellations eurent lieu en public dans le village même de Dinshwây.
5Parce que cela contredisait toutes les déclarations britanniques sur la mission « civilisatrice » coloniale, ce spectacle macabre provoqua un scandale qui dépassa les frontières de l’Égypte. Le célèbre dramaturge socialiste irlandais Bernard Shaw (1856-1950) témoigna du choc ressenti :
« Pendre, toutefois, est la forme la moins sensationnelle des exécutions publiques : elle manque de ces éléments essentiels que sont le sang et la torture dont l’imagination militaire et bureaucratique a soif. Ils avaient quatre hommes à tuer mais n’avaient la place que pour pendre un seul homme à la fois sur l’échafaud et ils devaient le laisser pendre une demi-heure pour faire du bon travail […] alors ils se trouvaient aussi avec deux heures à tuer. Pour maintenir le divertissement, huit hommes reçurent chacun 50 coups de fouet » [6].
7Le scandale moral fut si puissant qu’Edward Grey (1862-1933) – le ministre libéral des Affaires étrangères – finit par se demander si la morale des fonctionnaires britanniques en charge des exécutions n’avait pas été corrompue par les mœurs barbares de la « race indigène ». Dans un courrier resté secret, Grey témoigna de ses doutes les plus intimes :
« Il aurait fallu procéder aux pendaisons d’abord, puis aux flagellations. […] Ce n’est pas un sujet qui est venu à l’esprit des indigènes, mais il aurait dû venir à l’esprit des hommes blancs. Ce n’est pas bon pour notre propre morale que nous ignorions de tels sujets » [7].
9L’incident ne perturba pas en revanche l’agenda de lord Cromer. Avant le procès, il prit ses congés annuels en Europe. Il ne se trouvait donc pas en Égypte au moment où les peines furent exécutées. Ce fut au consul-général britannique par intérim, Sir Mansfeldt de Cardonnel Findlay (1861-1932), de répondre aux doutes de Grey. Sûr de sa connaissance de « l’indigène », celui-ci rétorqua que « les sentences [avaient] été exécutées avec toute la dignité requise [, ] en accord avec la loi [et] en toute humanité [mais que] les prisonniers fouettés criaient comme un Égyptien le fait toujours lorsqu’il est sous l’influence d’une douleur physique » [8].
10Les différents courants nationalistes égyptiens soutenus à la Chambre des Communes britanniques par un comité officieux – constitué de socialistes, nationalistes irlandais et des libéraux critiques de la politique impériale britannique – condamnèrent ces peines sans ménagement. Ces critiques conjointes provoquèrent moins d’un an plus tard, en mai 1907, la retraite anticipée de Lord Cromer. La campagne internationale d’indignation ne s’arrêta pas pour autant. La libération des villageois encore prisonniers fut finalement obtenue en janvier 1908. Ainsi, un an et demi plus tard, l’incident était enfin terminé [9].
11L’historiographie classique de l’Égypte affirme que la période qui précéda la Première Guerre mondiale fut calme et sans révolte [10]. Une historiographie plus récente a, au contraire, mis l’accent sur les doutes qu’éprouvaient les puissances européennes quant à la longévité de leurs empires [11]. Dans son histoire globale des empires, Eric Hobsbawm avait averti de l’existence, dès avant la Première Guerre mondiale, des incertitudes qui nourrissaient « les cauchemars des empires » [12]. Ann Laura Stoler, ethnographe des archives coloniales néerlandaises, a révélé l’existence d’angoisses coloniales fondées sur « des scénarios fantasmatiques de révoltes potentielles qui exigeaient que des milices armées se tiennent prêtes » [13]. Concernant l’empire ottoman, François Georgeon rappelle que « l’idée – ou plutôt le fantasme – d’un vaste complot islamique dirigé contre l’Occident appelé à l’époque “panislamisme” est formulée pour la première fois au cours de ces années […] par les chancelleries européennes ». Le sultan ottoman, Abdülhamid II (1842-1918), en avait conscience et affirmait que le « jihad [était une] force qui n’existait que dans l’imagination » des Européens [14].
12Selon lord Cromer, l’explication ultime de l’incident de Dinshwây se trouvait dans le « panislamisme », le « nationalisme » et le « fanatisme », termes synonymes à ses yeux. Face à ces accusations, les membres des élites nationalistes égyptiennes, les effendis – au premier titre desquels le principal militant de la cause nationale de l’époque, Muṣṭafâ Kâmil Pacha – ainsi que leurs partisans en Europe soutinrent une toute autre version [15]. Il s’agissait, selon eux, d’une rixe spontanée et apolitique provoquée par l’inculture et la brutalité atavique des « fellahs ».
13Au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, qui provoqua « la sanctuarisation […] des nations émergentes » [16], les historiens ont plus été portés à croire les élites nationalistes égyptiennes que les autorités britanniques. Pas une histoire de l’Égypte contemporaine n’omet de mentionner l’incident de Dinshwây, mais il est systématiquement réduit à une simple bagarre fortuite, aux conséquences gigantesques [17]. Cette version est si profondément ancrée chez les historiens que même ceux qui se sont penchés sur les révoltes paysannes en Égypte durant cette période n’ont pas inclus l’incident de Dinshwây dans leurs recherches. Ni Gabriel Baer ni Nathan Brown ne l’analysent car il ne s’agit pas selon eux d’une révolte. Les articles universitaires s’étant intéressé à l’incident ne remettent pas non plus cette version en cause [18].
14En 1974, fut publiée la première monographie consacrée à l’incident. Cet ouvrage, qui reste jusqu’à nos jours un travail de référence, abandonna la version de la rixe spontanée, mais, étrangement, ce fut au profit de l’interprétation britannique de l’incident selon laquelle les villageois auraient agi au nom de la lutte nationale [19]. Cet article cherche à dépasser ces deux grilles d’analyse pour montrer que les villageois de Dinshwây n’agissaient ni par instinct ni de manière téléguidés par les élites nationalistes, mais de manière autonome.
Un procès partial
15Les seules archives du procès dont nous disposons sont la traduction partielle par les autorités britanniques d’un dossier de témoignages de 200 pages en arabe. Jusqu’à aujourd’hui, le dossier original n’a pas été localisé et on peut douter de la fiabilité de la traduction. Non seulement le niveau d’arabe des fonctionnaires britanniques était faible, mais la traduction fut réalisée sous la supervision de l’un des juges du siège. À l’époque déjà, des parlementaires britanniques opposés à la politique impériale avaient sommé le gouvernement d’en fournir une version impartiale – en vain. Les documents traduits dont nous disposons sont les suivants : le procès-verbal d’enquête, l’acte d’accusation, le rapport médico-légal, le procès-verbal d’audience, le jugement. Il n’existe pas de minutes du procès. Selon Findlay, les tribunaux égyptiens n’en gardaient jamais. Il fut cependant demandé au secrétaire du tribunal de prendre en notes les déclarations des témoins de l’accusation. Cette prise de notes fut communiquée aux parlementaires sous le titre de « résumé des témoignages » (summary of evidence). Il s’agit en quelque sorte d’un compte rendu non officiel du procès mais pour sa partie accusation uniquement [20]. Deux hommes perdirent la vie à Dinshwây : un villageois et un chasseur-soldat. La différence de traitement réservée par la justice à l’élucidation des circonstances de ces deux morts illustre de manière particulièrement flagrante le caractère partial du procès. Concernant le chasseur-soldat, les villageois furent accusés d’homicide alors que le médecin légiste avait conclu que « les blessures trouvées sur le corps de la victime n’étaient pas, en elles-mêmes, de nature à causer la mort » [21]. Il ajouta que, pour s’enfuir, la victime avait réalisé une longue course sous le soleil ; ce qui avait pu causer une insolation en raison de la grande chaleur de ce jour-là. L’origine du décès n’était donc pas nécessairement criminelle. Quoi qu’il en soit, le soldat fut retrouvé agonisant à quelques kilomètres de Dinshwây, dans le village de Sarsanâ, situé à mi-chemin du campement militaire britannique.
16C’est là que le villageois décédé fut également découvert. Les raisons de sa mort étaient, elles, clairement délictuelles. Selon les versions, son « crâne [était soit] brisé en 50 morceaux [soit] littéralement coupée en deux comme un melon ». Le bruit courut que la troupe britannique venue en renfort avait voulu se venger après avoir découvert le soldat agonisant. Mais le seul témoin à charge fut disqualifié et le chef britannique du parquet conclut son rapport en soutenant que si les militaires britanniques avaient voulu se venger, ils n’auraient pas massacré un seul villageois mais le village tout entier. Findlay écarta ce rapport et fit en sorte que l’enquête sur ce crime ne fût pas publiée dans les livres bleus destinés aux parlementaires britanniques. L’affaire de Sarsanâ, imbriquée dans celle de Dinshwây, fut ainsi enterrée [22].
17Afin de poursuivre les villageois de Dinshwây, une procédure d’exception n’accordant aucune garantie d’impartialité fut activée. Il s’agissait du « tribunal spécial » instauré en 1895 par un décret du khédive, ‘Abbâs Ḥilmî II. Il avait pour mission de « connaître […] des crimes et délits commis par les indigènes contre des soldats ou officiers de l’armée d’occupation ou contre des marins britanniques attachés aux navires de guerre britanniques, stationnés dans un port égyptien » [23]. Son objectif premier était de contourner le droit commun selon lequel un « indigène » soupçonné de crime à l’encontre d’un étranger devait être traduit devant des tribunaux nationaux (appelés « tribunaux indigènes » et jugés peu fiables par les Européens) [24]. Dans des « cas spéciaux » [25] où un Égyptien était accusé d’avoir commis un crime contre un militaire britannique, le consul-général et le commandant de l’armée d’occupation britannique avaient la possibilité – mais non l’obligation – de demander au ministère égyptien des Affaires étrangères – qui théoriquement gardait le droit de refuser – d’y recourir [26]. Sa raison d’être fut, à l’époque de sa création, résumée ainsi : « tous les cas d’attaques contre les membres de l’armée d’occupation ont un effet politique même s’ils n’ont pas un objectif politique » [27].
18La perception systématiquement politique des crimes commis contre les militaires britanniques justifiait le caractère dérogatoire du tribunal spécial qui était, en réalité, l’équivalent d’une cour martiale. Sa saisine revenait à une suspension du droit commun. Les règles de la procédure du code d’instruction criminelle des tribunaux indigènes pouvaient être suspendues et les jugements du tribunal spécial n’étaient pas susceptibles d’appel. L’article cinq disposait, en outre, que « le tribunal spécial prononcera et appliquera, sans être lié par les dispositions du Code pénal, les peines qu’ils jugera nécessaire, y compris la peine de mort » [28]. Wilfried Scawen Blunt (1840-1922), le célèbre poète britannique libéral installé près du Caire, grand propriétaire foncier membre de la gentry, diplomate et farouche défenseur de l’indépendance égyptienne, écrivit qu’en théorie « selon le décret de 1895, un indigène égyptien pourrait être légalement condamné à mort – et même à mort par empalement ou crucifixion – pour ne pas avoir apprécié, ou avoir empêché par un coup, le viol de sa femme par un soldat anglais » [29].
19La décision de recourir au tribunal spécial fut prise avant que l’enquête de police n’ait lieu, avant que les autorités britanniques n’eussent la certitude que les conditions sine qua non étaient effectivement réunies (notamment, le fait que les chasseurs-soldats portaient bien l’uniforme au moment de l’incident) et qu’elles ne fussent assurées que le tribunal serait composé de personnalités compétentes pour une affaire de ce niveau. Le fait que les chasseurs-soldats n’étaient pas dans l’exercice de leur fonction au moment de l’incident n’empêcha nullement le tribunal spécial de se tenir, car l’administration britannique eut l’heureuse surprise de découvrir que ceux-ci n’avaient pas tombé l’uniforme avant de commencer leur partie de chasse [30]. En revanche, la question de la composition du tribunal fut plus délicate. Celui-ci devait être présidé par le ministre égyptien de la Justice. Or, il n’y avait plus alors de ministre de la Justice titulaire ; Buṭrus Ghâlî Pacha (1846/9-1910), ministre des Affaires étrangères, exerçait cette fonction par intérim. Son absence de compétence juridique entacha grandement la crédibilité du procès [31].
20La partialité du procès émane également de la procédure elle-même. L’instruction fut menée à charge contre les villageois. Les témoignages accusant les officiers britanniques furent systématiquement écartés. L’un d’entre eux était pourtant celui d’un brigadier égyptien de police (ombâshî) qui accompagnait les chasseurs-soldats. Il les accusa d’avoir volontairement tiré sur les villageois. Selon le député nationaliste irlandais Dillon, ce fonctionnaire de police fut poursuivi en justice en raison de son témoignage [32]. Dans le verdict que prononça le président du tribunal, Ghâlî Pacha, le parti pris était caricatural : « le crime est aggravé par le fait qu’il soit commis contre des hommes connus pour leur bravoure et la qualité de leur état de service ainsi que par le fait que ces derniers auraient pu tirer sur leurs agresseurs comme ils l’ont fait sur les pigeons » [33]. Par ailleurs, comme le souligna la presse britannique de l’époque, la présence massive de policiers et de troupes de l’armée d’occupation aux abords du procès « créa une atmosphère intimidant les avocats de la défense et les témoins égyptiens » [34].
21Dans leurs écrits publics ultérieurs, Cromer et Grey se contentèrent de reconnaître que les sentences furent « excessivement » [35] et « étonnement » [36] sévères. Mais dans une lettre privée datant de mars 1907, Grey reconnut explicitement leur erreur et ses propres mensonges :
« J’ai défendu [au Parlement britannique] tout ce qui a été fait sans restriction. Je justifie ma position sur la base que lorsque des erreurs sont commises, tant qu’elles sont des erreurs de bonne foi commises par des hommes qui autrement auraient fait pour le mieux, la meilleure chose à faire est de soutenir l’autorité des hommes en question » [37].
23Ainsi, la partialité du procès finit par être officieusement reconnue par Grey et Cromer eux-mêmes. La décision des autorités britanniques en janvier 1908 de donner droit aux pétitionnaires qui réclamaient la libération avant terme des villageois encore prisonniers ne fut qu’un aveu implicite de cette reconnaissance officieuse.
Dinshwây : un banal incident de chasse
24Malgré la partialité des sources et du procès, il nous faut établir quelques faits a minima pour espérer comprendre les discours qui ont émergé autour de l’incident. Sans apporter de preuve ou de témoignage particulier, certains intellectuels de l’époque furent convaincus que la principale cause de l’hostilité des villageois à l’égard des soldats avait pour origine le fait qu’une femme avait été blessée au cours de l’affrontement. Par un mélange d’orientalisme et de mépris, ils supposèrent que la préservation de l’honneur des femmes surpassait toutes les autres valeurs villageoises [38]. Sans nier l’importance de l’épisode de la femme blessée, son caractère imprévu en fait une cause conjoncturelle, alors que le caractère prévisible de la chasse rend cette cause structurelle.
25Au début du xxe siècle, en Égypte, la pratique de la chasse était devenue massive. Les touristes européens, de plus en plus nombreux, pratiquaient en particulier la chasse aux cailles et aux hérons garde-bœufs [39]. Les colonisateurs européens durablement installés dans le pays et les militaires de l’armée d’occupation britannique aimaient, eux, à chasser les renards et les pigeons. Ce sport permettait une forme de distinction sociale propre aux élites européennes. Au sein de l’armée d’occupation, il fallait par exemple avoir au moins le grade d’officier pour être autorisé à pratiquer la chasse aux pigeons [40]. Jusqu’à aujourd’hui, les pigeons sont effectivement nombreux en Égypte : dans les campagnes, c’est un signe de notabilité que d’entretenir une ou plusieurs « tours aux pigeons » (burg al-hamâm). Il s’agit de pigeonniers en terre ayant la forme de tours coniques, parfois monumentales, dans lesquelles des accès sont réalisés pour que les pigeons puissent aller et venir librement. Cette liberté de mouvement n’excluait pas les pigeons de la propriété privée. Le propriétaire des pigeonniers était le propriétaire des pigeons.
26Les pigeons étaient appréciés pour plusieurs raisons. La principale d’entre elles était que leurs propriétaires récupéraient leur fiente, la colombine, comme engrais particulièrement efficace pour la culture des cucurbitacées ; la vente de ces dernières rapportant bien davantage que la vente des cultures ordinaires (blé, orge, fève, lentille, etc.) [41]. La chair des pigeons était aussi un met apprécié. Mais on estimait également l’esthétique du plumage de certaines espèces ou individus. Enfin, le plaisir de les voir tournoyer en bande au-dessus des villages participait à l’intérêt porté à cet animal. D’autant plus que certaines croyances voyaient en eux les âmes défuntes ou la métamorphose d’un saint après sa mort [42]. C’étaient donc des pigeons domestiques, précieux et appréciés, que les Européens chassaient pour se distraire et tenir leur rang.
27Dès 1885, Baker Pacha, commandant en chef de la gendarmerie et de la police, alerta son ministre de tutelle sur le fait que les empiétements des chasseurs-soldats sur les propriétés privés étaient « de nature à compromettre sérieusement la sécurité publique et pourr [aie] nt donner lieu à de [sic] complications d’une certaine gravité » [43]. Du point de vue des habitants des campagnes, la pratique de la chasse par les Européens équivalait à une appropriation abusive de leurs biens, un signe manifeste de domination ou, pour le dire comme John MacKenzie, historien de la chasse dans l’empire britannique : « les Européens affirmèrent leurs droits de conquête sur les animaux comme ils le firent sur les hommes » [44]. En conséquence et malgré des dispositifs juridiques mis en place, les accrochages entre chasseurs européens et riverains égyptiens ne manquèrent pas de se multiplier [45].
28Lorsqu’il eut connaissance de l’incident de Dinshwây, lord Cromer sut immédiatement que la chasse en était la cause. Dès le lendemain, il télégraphia à Grey, le ministre britannique des Affaires étrangères, pour lui assurer que « l’officier commandant général [de l’armée d’occupation] est sur le point de donner des ordres pour qu’à l’avenir plus aucun officier de l’armée ne chasse le pigeon sous aucun prétexte » [46]. Un observateur attentif et bon connaisseur du contexte comme Blunt comprit aussi sur-le-champ de quoi il retournait. Il écrivit :
« De mémoire, des échauffourées de ce genre […] ont lieu encore et encore en Égypte et elles ont toutes la même cause : l’incapacité des jeunes officiers anglais […] de se conformer aux lois et règlements du pays, plus particulièrement quand elles interfèrent avec leurs sports » [47].
30L’étude de la procédure juridique permet de déterminer que, le 13 juin 1906, cinq officiers d’infanterie de l’armée britannique d’occupation battant la campagne entre Le Caire et Alexandrie débarquèrent à Dinshwây afin de chasser les pigeons. Pendant la partie de chasse, sans que les responsabilités ni l’enchaînement des faits ne soient fermement établies, un incendie éclata dans une aire de battage, une femme du village fut blessée par un coup de fusil et les villageois essayèrent de mettre fin par eux-mêmes à la partie de chasse. Dans ce premier temps de l’incident, il s’agissait de désarmer les chasseurs-soldats, si possible sans violence, par l’intimidation et la dissuasion, en les encerclant.
31La violence fut utilisée dans un second temps lorsque les cinq Britanniques décidèrent de s’enfuir. Une centaine de villageois fondit alors sur eux afin de les maintenir sur place. Pendant la mêlée, des coups de feu furent tirés, mais, là encore, les responsabilités sont difficiles à établir. Plusieurs villageois furent touchés. Quant à l’officier, qui reçut la blessure la plus grave, il eut un bras cassé. Deux chasseurs-soldats réussirent à s’enfuir et coururent chercher de l’aide au campement installé à quelques kilomètres de là. L’un y parvient ; l’autre mourut en chemin, sous l’effet combiné des coups reçus et de la chaleur [48].
32Sur le fond, les éléments solidement établis sont peu nombreux. Des « fellahs » s’en sont pris à des soldats britanniques en uniforme et, indirectement, cela tua l’un de ces derniers. Cela fut cependant suffisant pour dégager un consensus entre les élites nationalistes égyptiennes et les dirigeants coloniaux britanniques : les villageois devaient être châtiés.
Le désir de punir
33Comme le souligne Frederick Cooper, « quelles que fussent les proclamations sur les missions civilisatrices ou le respect de la loi [, ] la terreur [et] les châtiments collectifs de villages » furent le fonctionnement normal des empires coloniaux [49]. L’utilisation du fouet lors de l’exécution des peines à Dinshwây contredisait la « mission civilisatrice » que les colonisateurs britanniques prétendaient mener en Égypte. Dès le début de l’occupation de l’Égypte, les autorités britanniques avaient affirmé vouloir débarrasser le pays de cette pratique barbare [50]. Mais il y allait d’un enjeu de prestige.
34Qu’ils soient critiques ou soutiens de la politique impériale britannique, les journaux de l’époque ont souligné les enjeux de prestige liés à l’incident de Dinshwây [51]. L’importance de la splendeur et de l’autorité de l’empire britannique ressort également des mémoires d’Edward Grey. Quand il introduit l’affaire de Dinshwây, il précise d’emblée qu’elle « est une illustration d’un certain genre de difficulté dans laquelle tout gouvernement britannique peut à tout moment se trouver quand il s’agit de gouverner un pays oriental dont la conduite ne dépend que de la force et du prestige » [52]. C’est cependant le député de Newbury (comté de Bershire, Angleterre), Frederick Mackarness (1854-1920), qui définit le plus clairement le « prestige » au sein de l’empire britannique. Lors d’un débat au parlement, il prit fait et cause pour la libération des villageois de Dinshwây encore détenus prisonniers, contesta la légitimité du tribunal spécial et déclara que, depuis sa création, le statut des troupes britanniques stationnées en Égypte touchait au « sacré » [53].
35La mort d’un soldat britannique s’apparentait donc à un sacrilège, que le rituel des exécutions publiques devait réparer. Comme l’a bien montré David Cannadine, l’empire britannique restait une royauté fondée sur une stricte hiérarchie alors même que progressaient les idées libérales et socialistes. Ce paradoxe donna naissance à un « âge d’or de l’invention des traditions » soit « une période durant laquelle les vieilles cérémonies étaient mises en scène avec une expertise et un attrait jusqu’alors inégalés » [54]. On retrouve à Dinshwây ce mélange de tradition et d’invention. Mais il ne faudrait pas se méprendre sur ces termes. La tradition, c’était la pendaison et l’exposition publique du corps des suppliciés ; la nouveauté, le tribunal spécial qui permettait de suspendre le droit commun en maintenant l’illusion que la loi continuait d’être appliquée. Ce mélange d’ancien et de moderne permettait, en dépit des doutes et des incertitudes, d’assouvir le désir de punir, d’affirmer l’intangibilité de l’empire britannique et de restaurer son prestige [55].
36La brutalité s’explique aussi par le fait que, pour les autorités britanniques, l’incident de Dinshwây ne pouvait être que l’expression d’un « fanatisme » musulman. Cette conviction, nourrie par la peur fantasmée du jihad, s’inscrivait dans un contexte de tensions fortes avec d’une part le Soudan et d’autre part l’empire ottoman. Jusqu’en 1898, les autorités anglo-égyptiennes combattirent au Soudan une insurrection dont le meneur se présentait comme le Mahdî, ou restaurateur de l’islam. Les hommes du Mahdî pénétraient régulièrement en territoire égyptien et, jusqu’à la défaite de l’insurrection, les autorités britanniques craignirent une propagation de la révolte mahdiste en Égypte [56].
37Depuis son accession au trône en 1876, Abdülhamid II, le sultan ottoman, mettait en avant son rôle de calife. En janvier 1906, dans un contexte de contentieux autour de la frontière égypto-ottomane, il décida de faciliter le pèlerinage à La Mecque en reliant la ligne de chemin de fer du Hejaz au lieu-dit de Ṭâbâ, situé au bord de la mer Rouge dans le Sinaï. Lord Cromer ne perçut dans ce geste qu’une politique « panislamiste » et redoutait que le sultan ne cherchât en réalité à acheminer des troupes rapidement en Égypte. Pour le stopper, il menaça son empire de conflit armé. Le projet ferroviaire ne vit pas le jour, mais, à cette occasion, la presse égyptienne se fit l’écho des revendications ottomanes. Cet épisode est resté connu sous le nom de crise de Ṭâbâ ou d’al-ʽAqaba. Le crise dura jusqu’en mai 1906, soit un mois seulement avant l’incident de Dinshwây. Cela renforça la crainte des autorités britanniques d’une insurrection généralisée [57].
38Pour les Britanniques, le panislamisme avait, de plus, sa branche égyptienne à travers le journal al-Liwâ’ et son propriétaire Muṣṭafâ Kâmil Pacha (1874-1908). Malgré sa licence de droit obtenue à Toulouse, ce dernier avait, en 1904, lorsque les Français et les Anglais signèrent l’Entente cordiale, abandonné sa francophilie pour se rapprocher du sultan ottoman qui le gratifia en retour du titre de Pacha. Dès lors, le qualificatif de « fanatique » colla à la peau de cet égyptien qui, en dépit de sa jeunesse, était déjà une figure de proue du mouvement national. C’est dans ce contexte que l’incident de Dinshwây fut interprété par les autorités britanniques comme une attaque suscitée de près ou de loin par les milieux ottomanistes, panislamistes et nationalistes.
39Avant le procès, les Britanniques avaient l’impression d’avoir les coudées franches. Findlay, qui se félicitait du consensus qui régnait dans le pays, écrivit à Grey : « j’entends dire que dans les cercles indigènes la conduite des villageois est regardée comme jetant le discrédit sur l’ensemble du peuple égyptien et est en elle-même indéfendable » [58]. Les élites égyptiennes, en effet, ne voyaient pas d’un bon œil cette irruption de violence incontrôlée de la paysannerie. De leur point de vue, il n’était ni souhaitable ni tolérable que le monde rural prenne l’initiative de la révolte. La participation des élites égyptiennes à une répression zélée de la paysannerie n’était, en réalité, pas nouvelle. Quelques années plus tôt, en 1883, le Premier ministre égyptien, Nûbâr Pacha, avait mis en place des commissions de brigandage pour sévir contre la criminalité organisée dans les campagnes. Comme l’a montré Nathan Brown, une partie des élites nationales cherchait, par leur participation à ces commissions, à préserver un domaine de souveraineté à l’intérieur de la situation coloniale. Participer à la répression permettait de prouver aux autorités britanniques que les Égyptiens étaient prêts à se gouverner eux-mêmes. Face aux allégations répétées, et finalement avérées, d’usage de la torture, les Britanniques parvinrent à retirer aux Égyptiens cette parcelle d’autonomie et reprirent en main la sécurité publique. En 1889, les commissions de brigandage n’existaient déjà plus [59].
40C’est néanmoins la même volonté de sévir qui poussa des membres éminents de l’élite nationaliste égyptienne à intégrer le tribunal spécial. Comme mentionné plus haut, le copte Buṭrus Ghâlî Pacha présidait le tribunal spécial. Sa réputation d’homme de compromis, puis finalement de compromission, lui valut d’être assassiné en 1910 par un nationaliste musulman. Lors de la Révolution menée par Orabi Pacha en 1882, Ghâlî Pacha était membre du parlement. Son opposition au khédive et son soutien à Orabi firent que le chef de cabinet du premier gouvernement orabiste, Maḥmûd Sâmî al-Bârûdî, l’honora du titre de Pacha. Ce qui était une première pour un copte [60].
41Le procureur du tribunal spécial était un avocat égyptien du nom de Ibrâhim al-Halbâwî (1858-1912). Il ne pouvait pas être suspecté de sentiments tièdes à l’égard du nationalisme égyptien puisqu’il était connu lui aussi pour avoir été un partisan de la Révolution de 1882. En outre, il fut plus tard membre du Wafd et du Parti libéral constitutionnel [61]. Le tribunal était par ailleurs composé de quatre juges, trois Britanniques et un Égyptien ; Aḥmad Fatḥî Zaghlûl (1863-1914), le frère de Sa’d Zahlûl fondateur du grand parti nationalise Wafd, nommé en sa qualité de président du « tribunal indigène » du Caire. Étudiant à l’époque de la Révolution Orabi, il y participa par ses écrits contre les Européens et le khédive [62]. Il partageait toutefois avec lord Cromer la conviction que la civilisation arabo-musulmane n’avait jamais élaboré un système juridique véritable [63]. Quant aux trois avocats de la défense, ils étaient tous égyptiens. L’un d’eux était Aḥmad Luṭfî al-Sayyid (1872-1963). Trop jeune pour avoir participé à la Révolution de 1882, il n’en était pas moins un nationaliste libéral. Il fonda en 1906 le Parti de la nation (ḥizb al-umma) et, en 1907, le journal al-Garîda. Plus tard, son influence fut telle qu’on le considéra le « professeur d’une génération » [64]. Sa plaidoirie prit des accents coloniaux lorsqu’il rappela l’arriération dans laquelle vivaient les « fellahs ». Il réclama néanmoins la « clémence » pour ses compatriotes ruraux [65].
42Le traitement de l’affaire Dinshwây par les journaux égyptiens contribua également à convaincre les Britanniques de l’existence d’un consensus. Les seuls doutes exprimés par la presse concernaient la capacité du tribunal spécial à bien discerner entre le coupable et l’innocent et à prononcer des peines adéquates. Mais du quotidien pro-britannique al-Muqaṭṭam, tenu par des Syriens chrétiens d’Égypte, à al-Liwâ’, le plus radical à l’égard du pouvoir colonial, dirigé par Muṣṭafâ Kâmil Pacha, tous étaient d’avis que les villageois de Dinshwây, reconnus coupables, devaient être châtiés. Six jours après les faits, on pouvait par exemple lire dans les colonnes d’al-Liwâ’ :
« Le jugement de demain nous fera savoir que dans ce village il y a des innocents, des agresseurs et des victimes […] Le tribunal qui doit siéger à Chbîn [Shibîn al-Kawm] aura à entendre les dépositions des officiers anglais et des habitants, ainsi que la plaidoirie du Parquet et de la défense ; il vérifiera le tout, et son jugement sera le juste arbitre entre les deux parties » [66].
44Paradoxalement, ces déclarations d’al-liwâ’ renforcèrent chez Findlay la conviction que l’incident de Dinshwây était une attaque panislamiste. Le positionnement de ce journal relevait à ses yeux de l’hypocrisie et prouvait qu’il ne voulait pas assumer les conséquences de sa propre agitation politique. Parce qu’il était persuadé de la nécessité de sévir, Findlay se satisfit de ce consensus général, fusse-t-il feint [67]. Ce consensus ne dura de toute façon que le temps du procès.
Attaque nationaliste ou rixe spontanée ?
45Après le procès, le consensus vola en éclats par voie de presse interposée. Comme le fit remarquer Findlay, l’objet de la discorde n’était pas la culpabilité des condamnés, mais la nature et l’exécution des peines [68]. La question de savoir si les peines et la forme de leur exécution étaient proportionnées aux crimes commis trouva sa réponse dans le caractère nationaliste et prémédité, selon les uns, ou spontané et apolitique, selon les autres, de l’affaire.
46Ces questions avaient commencé à être débattues dès avant le procès. Mis à part al-Muqaṭṭam, les journaux refusèrent de considérer que les villageois avaient agi dans l’intention de nuire aux intérêts britanniques. Ils soutinrent que l’affaire n’avait aucune dimension nationaliste ou politique. Le journal à grand tirage al-Ahrâm se demanda, par exemple, « comment des paysans auraient de toute façon pu reconnaître des soldats britanniques » [69]. De son côté, al-Muqaṭṭam, donna de l’affaire une version religieuse en assurant que ce genre d’incident « disparaîtrait si on se débarrassait du fanatisme » et accusa, comme le faisaient les Britanniques, le mouvement national d’agiter les esprits [70].
47Afin de prouver le caractère nationaliste de l’incident et d’aggraver les peines à l’encontre des villageois, l’instruction soutint la thèse de la préméditation. L’incendie de l’aire de battage aurait alors été volontairement déclenché par les villageois pour servir de signal de ralliement avant l’assaut. À la veille du procès, Findlay était, lui aussi, convaincu que « la préméditation […] sera certainement prouvée ». En revanche, il ne croyait pas que les « motifs politiques de l’attaque […] puissent être prouvés » [71]. Malgré l’absence de preuves, Findlay resta persuadé du rôle joué par ceux qu’il appelait les « fanatiques » et au premier titre desquels Kâmil Pacha [72]. Quelques jours après le procès, le 9 juillet, il écrivit à lord Cromer, qui était toujours en congé en Europe, pour lui réaffirmer qu’il ne croyait pas « que cette attaque brutale contre des officiers britanniques ait quelque chose à voir avec de l’animosité politique ». Mais il ajouta, sans craindre de se contredire, que l’attaque « est toutefois due à l’esprit d’insubordination qui a été encouragé avec soin depuis un an par des agitateurs intéressés et sans scrupules » [73]. Ces deux assertions contradictoires prouvent que, malgré la connaissance des tensions liées à la chasse par les autorités britanniques, leurs craintes fantasmées de révoltes panislamistes et l’arriération dans laquelle elles tenaient les « fellahs » les empêchaient de comprendre l’affaire qu’elles avaient sous les yeux. Pour Findlay, « préméditation » signifiait « organisation » et prouvait le caractère nationaliste de l’incident. Car, dans son esprit, des fellahs ne pouvaient s’organiser seuls, sans le soutien de certains membres de l’élite nationaliste égyptienne.
48Le leader nationaliste égyptien, Kâmil Pacha, véritable bête noire des autorités britanniques, était bien entendu visé par ces accusations. En guise de réponse, il lança une campagne anti-britannique en Europe où, comme Cromer, il se trouvait alors. Le 11 juillet 1906, il publia un article incandescent à la une du Figaro. Niant farouchement les accusations de « fanatisme » dont il était l’objet, Kâmil Pacha affirma au contraire avoir « compris qu’il n’y a point d’existence possible pour les peuples s’ils ne prennent pas la voie de la civilisation occidentale ». Concernant l’incident de Dinshwây, il ne s’agissait que d’une simple « rixe » due à l’exaspération ressentie par les paysans face à la chasse et à leur volonté de défendre leur bien [74].
49Kâmil Bâchâ avait adopté cette ligne de défense dès avant le procès. Le 19 juin, alors qu’on savait que la circonstance aggravante de la préméditation risquait d’être retenue, son journal, al-Liwâ, se fondant, comme Findlay, sur le stéréotype de l’arriération paysanne, défendit sur un ton condescendant la version de la rixe apolitique survenue de manière spontanée :
« Pourquoi faut-il mêler la politique à tout ? Cette affaire a de pareilles par centaines au sein des tribunaux. […] Les fellahs sont les gens les plus éloignés de la politique, et leur intelligence n’y arrive point. [U]ne bagarre suivie de conséquences fâcheuses peut avoir lieu entre des fellahs par suite d’un différend sur une bague en fer, un pigeon, ou une poule. […] La question donc n’est pas préméditée, mais elle est la conséquence d’un emportement occasionnel poussé par la fureur du moment » [75] [souligné par nous].
51Dans ses travaux sur les révoltes paysannes en Inde britannique, Ranajit Guha définit la culture des nationalistes indiens comme « bourgeoise » dans le sens européen du terme. Il explique alors que la bourgeoisie nationaliste indienne perçut les révoltes de leurs compatriotes ruraux comme relevant de la « pure spontanéité ». Cela signifiait que ces révoltes manquaient à la fois de préparation, de maîtrise de soi et surtout d’une dimension politique. Cette réaction de la bourgeoisie nationaliste indienne correspond exactement à celle de Kâmil Pacha dans l’extrait ci-dessus.
52Kâmil Pacha avait effectivement reçu une éducation à l’européenne et incarnait la version égyptienne de ce nationalisme bourgeois en situation coloniale. Il était, disait-on alors, un « effendi ». Ainsi, tout en étant l’opposant le plus farouche à l’occupation britannique, il était, comme Findlay, incapable d’imaginer que les villageois aient pu s’organiser de manière autonome. En conséquence de quoi, le premier attribua l’encadrement de l’incident de Dinshwây aux nationalistes et Kâmil Pacha, qui savait que les nationalistes n’y étaient pour rien, en fit un conflit apolitique et spontané. Comme le dit Guha, le point de vue colonial, aussi bien que le point de vue national, déniaient aux paysans « le statut de sujet de l’histoire » [76].
Les villageois de Dinshwây, acteurs politiques
53L’analyse des révoltes rurales en Inde coloniale par Ranajit Guha nous aide également à mieux comprendre le contexte de l’incident de Dinshwây. Guha n’utilise pas le concept juridique de « préméditation », mais celui de « temporisation » [77]. Il entend par là le fait que les protagonistes des révoltes, le plus souvent, se concertent et attendent d’avoir épuisé les autres moyens à leur disposition avant de passer à l’acte. La version de l’incident soutenue par Ibrâhîm al-Halbâwî, le procureur du tribunal spécial, rend possible l’existence d’une « temporisation » telle que définie par Guha.
54Pour prouver la préméditation, al-Halbâwî mit l’accent sur le fait que les soldats britanniques étaient venus chasser dans le village de Dinshwây pour la troisième année consécutive. Ce faisant, al-Halbâwî insinuait que les villageois n’avaient pas agi de manière spontanée, mais avec « l’intention [78] » d’en découdre. Lors du procès aucun document ne vint prouver la préméditation mais il est exact qu’en inscrivant l’incident dans le temps long, le procureur donnait le temps aux villageois de se concerter et d’utiliser d’autres moyens que la révolte pour mettre fin aux parties de chasse dans leur village.
55On ne détient cependant pas de document antérieur à l’altercation qui viendrait corroborer les hypothèses de la concertation et de la résistance par d’autres moyens que la révolte. On dispose en revanche de plusieurs indices suffisamment concordants pour que cette éventualité soit sérieusement étudiée. Le poète Wilfried Scawen Blunt, écrivit, sans donner ses sources, que les villageois de Dinshwây avaient en vain transmis une pétition au responsable de leur village (‘umda) pour que cessent les parties de chasse [79]. Les écrits de Mahmûd Ṭâhir Ḥaqî et Ḥasan Mar’î allèrent dans le même sens. Ḥaqî est l’auteur du « best-seller » La Vierge de Dinshwây, un roman enquête paru très rapidement après les événements [80]. Le second chapitre de l’ouvrage met en scène Hassan Aly Mahfouz, un propriétaire de pigeons condamné à mort, participant à une réunion villageoise informelle. Il y est question des pertes occasionnées par les chasses aux pigeons annuelles réalisées par les soldats britanniques. Comme dans les écrits de Blunt, un villageois, également propriétaire de pigeons, raconte s’être plaint en vain auprès du responsable du village (‘umda) [81]. Quant à Ḥasan Mar’î, il est l’auteur d’une pièce de théâtre, La Chasse aux pigeons, dans laquelle figure une scène identique [82]. Malgré l’absence de source dans la déclaration de Blunt et la nature fictionnelle des œuvres de Ḥaqî et de Mar’î, on ne peut exclure que les habitants de Dinshwây se soient effectivement concertés et aient déposé une pétition contre la pratique de la chasse par les officiers britanniques dans leur village.
56On aime présenter la pratique pétitionnaire en Égypte comme une forme de revendication rurale ininterrompue depuis l’époque pharaonique. Quoi qu’il en soit, elle fut institutionnalisée en 1830 par le « Règlement agricole mettant en œuvre les dispositions gouvernementales pour la prospérité » qui prévoyait un droit de pétition. Tout sujet pouvait y être abordé mais des plaintes contre le personnel administratif étaient en particulier mentionnées. Tout paysan pouvait ainsi présenter une pétition au gouverneur de l’Égypte d’alors, Méhémet Ali, qui se présentait comme le « Sublime seuil » (al-a‘tab al-saniyya) soit « le refuge du pauvre et le sanctuaire du faible » [83]. En 1853 et 1855, deux lois vinrent successivement encadrer ce droit de manière plus stricte [84]. Aucune pétition des habitants de Dinshwây n’est conservée aux Archives nationales britanniques ni aux Archives nationales égyptiennes. Au sein de ces dernières, on trouve en revanche la trace de deux pétitions demandant l’interdiction pure et simple de la chasse dans deux villages de Moyenne-Égypte : l’une de 1905 émanant du village d’al-Mansh’ah du gouvernorat de Girgâ et l’autre de 1889 du village de Maydûm du gouvernorat de Banî Suwîf.
57L’original de la pétition de Mansh’ah n’est pas en notre possession. Cette pétition est uniquement brièvement évoqué dans un courrier adressé au président du Conseil de ministres (maglis al-nuẓâr) par le président du Conseil législatif (maglis shûrâ al-qawânîn). On sait qu’elle a bien une dimension collective parce que le président du Conseil législatif précise que ce sont les habitants du village qui lui ont envoyé la pétition (‘arîḍa) par la poste [85]. La pétition de Maydûm est, elle, en notre possession. Elle fut déposée au ministère de l’Intérieur par le responsable du village (‘umda). Elle contient, comme dans les assertions de Blunt, la possibilité d’un dysfonctionnement administratif puisqu’il y est précisé que c’est la seconde pétition pour le même motif. Elle semble elle aussi issue d’une concertation villageoise car il y est soutenu que l’élevage de pigeons bénéficie à l’ensemble des villageois [86]. Enfin et principalement, elle illustre très bien le concept de temporisation en ce qu’elle annonce la possibilité d’une révolte. La demande de l’interdiction des parties de chasse y est justifiée par le fait que l’on peut craindre à l’avenir pour la sûreté des aires de battage, des habitants et des officiers britanniques. Cette dernière information peut être entendue comme l’annonce d’une révolte si les autorités ne mettent pas fin par elle-même à ces troubles. Pour le dire avec les termes de Guha, il est probable qu’avant de se révolter les habitants de Dinshawây aient temporisé, que cela soit sous la forme de concertation, de pétitions ou les deux à la fois.
58Ici s’arrête le parallèle entre la thèse de la « préméditation » soutenue par le procureur du tribunal spécial, al-Halbâwî, et la « temporisation » de Guha. À travers la préméditation, al-Halbâwî reconnut certes aux paysans une capacité d’auto-organisation mais, comme ses compatriotes bourgeois, il déniait à leur action toute portée politique. À l’inverse, selon Guha, les insurrections affirment leur caractère politique en inversant les procédures et en substituant le dominant et le dominé dans la structure du pouvoir [87].
59L’inversion des rôles commença dès les premiers instants de l’incident. Les villageois encerclèrent les chasseurs-soldats afin de les désarmer. En essayant de les déposséder de leurs armes, ils cherchaient non seulement à dénier à l’État « le monopole de la violence physique légitime » [88] mais, en situation coloniale, ce geste avait une portée particulière. Après la défaite de la Révolution menée par Orabi, les nouvelles autorités avaient entrepris un désarmement général de la population. Puis, progressivement, les lois égyptiennes avaient rendu le port d’armes à feux quasiment impossible pour la vaste majorité de la population, tout en le permettant largement pour certaines catégories fortunées, dont les Européens [89].
60L’inversion de la procédure est surtout visible dans le second temps de l’incident lorsque les soldats voulurent fuir. Outre l’abatage des pigeons, les villageois les tenaient responsables de l’incendie de l’air de battage et des blessures infligées à l’une des femmes du village. Leur fuite constituait un délit supplémentaire. Ils cherchaient à échapper aux conséquences de leurs actes. Selon le jugement, « la foule [les] empêcha de monter dans leur calèche, les tira, les poussa, les frappa, leur jeta des briques et de la terre sèche, les traîna là où la femme fut blessée et les fit asseoir pendant que certains firent signe de leur couper la gorge ». Le guide qui les accompagnait précisa dans son témoignage que les villageois « ont frappé les officiers […] jusqu’à ce qu’ils s’assoient » [90] [nous soulignons]. La lecture de ces extraits de procédure, pourtant destinés à incriminer les villageois, révèle que ces derniers firent un usage proportionné de la violence, afin de maintenir sur place les soldats. Autrement dit, ils inversèrent la procédure en opérant ce que nous pourrions nommer en termes juridiques une « mise en détention provisoire » des Britanniques.
61L’inversion de la procédure se retrouve jusque dans les moindres détails. Dans leur témoignage, deux officiers britanniques affirmèrent avoir été traînés par les villageois jusqu’à l’air de battage qui avait pris feu et où la femme avait été blessée – soit sur les lieux du délit. À ce moment-là des villageois auraient fait signe de leur couper la gorge. Selon les officiers, cela signifiait que les villageois voulaient les tuer. Cependant, l’un des avocats de la défense fit remarquer que si les villageois avaient eu, à ce moment-là, l’intention de tuer, rien ne les en empêchait. De fait, selon le procès-verbal, les villageois avaient fait deux gestes simultanément : celui de couper la gorge et un autre pointant vers la femme blessée. La scène peut donc être interprétée autrement. Dans l’agitation générale et, en l’absence de l’interprète, les villageois pouvaient chercher par ce geste à informer les « détenus » des crimes dont ils étaient accusés, mais aussi leur signifier qu’ils méritaient la mort. En termes juridiques, après les avoir informés du chef d’accusation, on les informait de la peine encourue. Le poète britannique Blunt opta d’ailleurs pour cette hypothèse [91].
62Une fois les soldats maîtrisés, l’inversion de la procédure continua. Certains villageois accordèrent des droits élémentaires aux détenus. Ils leur vinrent en aide en leur donnant de l’eau, en les mettant à l’ombre sous un arbre et en faisant cesser la violence inutile. Enfin, le jugement décrit une dernière phase clôturant l’incident : « les ghaffir [gardes armés] commencèrent à arriver. La foule commença alors à se retirer. Un officier de police d’un poste proche de la scène de l’incident fut appelé par téléphone et arriva. Les officiers britanniques furent alors raccompagnés à leur campement » [92].
63Loin de témoigner d’une spontanéité ou d’une perte de contrôle, ces éléments montrent indéniablement que les villageois suivaient un but bien précis : remettre les soldats aux autorités. À l’époque, cette interprétation des faits s’imposa comme une évidence pour un certain nombre de personnalité. Blunt, Aḥmad Amîn (1886-1954) – homme de lettre, magistrat et historien – et Aḥmad Shafîq (1860-1940) – historien et directeur du cabinet du khédive – en furent tous les trois convaincus. Le premier et le second écrivirent que les villageois avaient mis les chasseurs-soldats en détention. Le second et le troisième racontèrent, dans leurs mémoires respectives, que le mari de la femme blessée voulait amener le chasseur-soldat, auteur du coup de fusil, au poste de police [93].
64Ainsi, ce qui eut lieu à Dinshwây peut être tenu pour une révolte délibérée (dans les deux du sens du terme) au sein de laquelle les insurgés se substituaient à la police afin d’inverser l’exercice de l’autorité. Pour justifier la répression, les autorités britanniques et les effendis agirent comme si les villageois avaient cherché à se poser en justiciers. Or, tel n’était pas leur propos. Rendre la justice eux-mêmes était, au contraire, le seuil que les villageois n’avaient pas franchi. C’était précisément la limite au-delà de laquelle l’inversion de la procédure s’arrêtait. Les villageois avaient décidé de remettre les coupables aux autorités afin de les mettre face à leurs responsabilités, dont celle de rendre la justice.
65Cette analyse de l’incident de Dinshwây vient ainsi nourrir une historiographie qui met au jour la volonté des couches subalternes de la société égyptienne d’impliquer l’État pour obtenir justice [94]. L’espoir placé dans l’État de la part des villageois de Dinshwây n’est pas un cas isolé. La pratique pétitionnaire, courante au sein de la paysannerie, était justement le signe d’une volonté rurale de voir l’État exercer son autorité afin de faire régner un ordre juste. Au-delà des pétitions, lord Cromer reconnut lui-même que l’augmentation du nombre de crimes en Égypte était due, non pas à une augmentation des délits, mais au fait que les Égyptiens, y compris les ruraux, utilisaient de plus en plus les tribunaux pour régler leurs conflits [95]. Si on compare l’incident de chasse de Dinshwây à celui dit des Pyramides, qui eut lieu en 1887, on s’aperçoit qu’ils se déroulent de manière similaire : les villageois désarment les soldats, les « interpellent », les mettent en « détention provisoire » et enfin les livrent aux autorités compétentes [96].
66À l’intérieur du monde rural, il est nécessaire toutefois de nuancer la notion de « subalternes ». Posséder des pigeons était un signe de notabilité villageoise. Grâce à l’instruction, on apprend qu’Hassan Aly Mahfouz, un propriétaire de pigeons condamné à mort, appartenait à « la famille la plus importante [de Dinshhwây] et l’un de ses membre fut Omdeh [‘umda, responsable du village] ». Selon le témoignage de l’un des chasseurs-soldats, Mahfuz était responsable adjoint de Dinshawây lors de la partie de chasse de l’an dernier. Enfin, Mahfouz a un parent responsable adjoint de Dinshwây et un autre qui porte le titre d’effendi [97]. Suite au réquisitoire du procureur, les juges furent convaincus que Hassan Aly Mahfouz avait eu un rôle de leadership. Si on se souvient que seule la nature des peines fit polémique, mais que la culpabilité des condamnés fit consensus, nous pouvons également suivre ce raisonnement. Si à cette théorie on ajoute la possibilité d’une temporisation avant la révolte, alors ce rôle de leadership a pu s’exercer lors de réunions villageoises comme dans le roman de Ḥaqî et la pièce de Mar’î. Cette interprétation des faits donne un rôle central au petit notable de village qu’était Hassan Aly Mahfouz. La révolte de Dinshwây ne serait alors pas advenue à la seule initiative de ceux qui sont au plus bas de l’échelle sociale rurale. Cette hypothèse vient enrichir le débat entre Nathan Brown et Juan Cole. Le premier soutient que les notabilités villageoises eurent un rôle moteur dans l’émergence des contestations rurales alors que les recherches du second penchent davantage du côté de l’autonomie des couches rurales subalternes [98].
67L’éventuel leadership de Hassan Aly Mahfouz nuance de plus un article pionnier d’‘Imâd Hilâl sur la pratique pétitionnaire en Égypte dans la seconde moitié du xixe siècle. Selon cet auteur, le système pétitionnaire instauré en Égypte avait d’abord pour objectif de créer un lien direct entre les échelons les plus bas de la société et ceux les plus hauts afin de lutter contre les abus potentiels des échelons intermédiaires (responsable et responsable adjoint de village) [99]. Ainsi, en usant de la typologie établie par Simona Cerutti et Massimo Vallerani, on pourrait qualifier les pétitions en Égypte de « lieu de rencontre et de médiation entre sujets et seigneurs » [100]. La pétition du village d’al-Mansh’ah, qui fut directement adressée à un membre du Conseil législatif, correspond absolument à ce type. Pour Hilâl, la révolte naît de la rupture du lien entre les deux extrémités de l’échelle sociale. La pratique récurrente de la chasse et les multiples plaintes déposées en vain ont pu finir par convaincre les habitants de Dinshwây, sous le leadership d’Hasan Aly Mahfouz, de la légitimité de leur révolte. Dans ce cas de figure, il est remarquable que Mahfouz, lui-même un échelon intermédiaire inférieur en tant que petit notable de village dépourvu de charge officielle, ait pris part à la révolte.
68D’autre part, il n’est plus question d’avoir d’un coté des révoltes violentes contre l’État et de l’autre des pétitions pacifiques sollicitant l’État [101]. La révolte peut ne pas être dirigée contre l’État [102]. À Dinshwây, en ne rendant pas justice eux-mêmes et en remettant les contrevenants aux autorités, la révolte des villageois avait pour fonction de renouer le dialogue avec l’administration centrale en lui délivrant les chasseurs-soldats contrevenants. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, on peut interpréter la révolte comme une manifestation de loyauté envers le sommet de la hiérarchie étatique. Les révoltés attendaient du souverain qu’il fasse régner un ordre juste.
69Au terme de l’analyse, il convient d’explorer la crédibilité de la version nationaliste de l’incident. La loyauté envers l’État, que nous venons d’établir, ne se confond pas à une loyauté envers la nation. L’État dans lequel vivaient les villageois de Dinshwây n’était pas un État-Nation. Il était une configuration qu’il serait plus approprié d’appeler « État-Empire » [103]. À l’époque qui nous occupe, la province égyptienne est disputée entre les empires ottoman et britannique. L’entité nationale qu’on appelle « Égypte » est, elle, en voie de construction. Dans les documents étudiés, la sollicitation de l’État au nom de la justice est avérée mais rien ne permet d’affirmer que l’action des villageois fut entreprise au nom de la nation égyptienne.
70Les sources ne témoignent pas d’une solidarité particulière entre Égyptiens. Lors de l’épisode de violence – quand il s’agit d’empêcher les Britanniques de fuir – les villageois s’en prirent également au cocher égyptien de la calèche des soldats [104]. Sur l’échafaud, les dernières paroles de Hassan Aly Mahfouz – entourées d’une aura de vérité absolue – ne témoignent pas non plus d’un sentiment d’appartenance à la nation égyptienne. Il existe plusieurs versions de ses dernières paroles. Selon la figure de proue du nationalisme égyptien, Muṣṭafâ Kâmil Pacha, Hassan Aly Mahfouz aurait dit « maudits soient les tyrans ! » [105] À l’autre bout du spectre, selon la version officielle britannique, Hassan Aly Mahfouz, « implora à haute voix pour que la ruine frappe les maisons de ceux qui ont témoigné contre lui » [106]. Enfin, selon le titre francophone égyptien, Le Journal du Caire, et celui anglophone The Egyptian Gazette, Hassan Aly Mahfouz désigna même ses délateurs : le responsable du village et son fils ainsi que deux villageois [107]. Aucune de ces versions n’exprime un propos nationaliste. On comprend qu’Hassan Aly Mahfouz s’est senti trahi par ceux sur qui il croyait pouvoir compter. Mais rien n’indique que ces derniers forment une communauté nationale. La version britannique de ses propos, à travers la référence aux « maisons », laisse entendre que la communauté à laquelle Hassan Aly Mahfouz fait référence se limite au village. Quant aux versions journalistiques, non seulement elles confirment la version britannique mais, de plus, elles corroborent les analyses d’‘Ismâd et de Blunt ainsi que les fictions de Ḥaqî et de Mar’î : le responsable du village n’aurait pas joué son rôle d’intermédiaire entre les villageois et les autorités centrales.
71Ainsi, la dimension politique de la révolte de Dinshwây dépasse l’horizon du village parce qu’elle sollicite l’État dans ses fonctions régaliennes de justice, mais le sentiment d’appartenance exprimé semble, au contraire, se limiter à l’entité villageoise. Cet espoir de justice fut de toute façon étouffé par le discours « colonial-national ». Seuls demeurèrent vivaces les interprétations des élites nationalistes, qui continuèrent de soutenir que l’événement n’avait rien de politique, et des autorités britanniques, convaincues qu’il s’agissait d’une attaque islamo-nationaliste.
L’inversion des récits et la mémoire de Dinshway
72Très rapidement après l’incident, deux ou trois romans, des poèmes et une pièce de théâtre lui furent consacrés [108]. Par la suite, la Première Guerre mondiale joua un rôle de premier ordre dans l’inscription de l’incident dans la durée. Tous les ennemis de la Grande-Bretagne exploitèrent l’incident de Dinshwây dans leurs écrits respectifs [109]. En particulier, en 1915, Manṣûr Muṣṭafâ Rifa’at, proche du nationaliste égyptien Kâmil Pacha, publia, certainement depuis Genève où il s’était réfugié en 1912, une brochure bilingue anglo-arabe sur le sujet [110]. Dans ces publications, c’est le récit de l’incident proposé par Kâmil Pacha, à savoir l’apolitisme des paysans, qui est retenu et inséré dans la propagande de guerre anti-britannique. Au sein de ces discours, la fonction de l’incident n’est pas de faire des paysans des acteurs de l’histoire, mais uniquement de dénoncer la barbarie de l’empire britannique. La pérennité du récit de Kâmil Pacha est conforme à la périodisation de l’évolution de la représentation de la paysannerie dans les journaux égyptiens établie par l’historien Michael Gasper. Ce dernier a montré que, jusqu’à la Révolution égyptienne de 1919, « la campagne [était représentée] comme un lieu apolitique et sans aucune dynamique interne de changement » [111].
73Après la Première Guerre mondiale, mis à part une publication isolée en 1946, il faut attendre les années 1960 pour constater un intérêt renouvelé pour l’incident, qui intègre alors le récit national [112]. À cette époque glorieuse, qui fait suite à la nationalisation de la Compagnie du canal de Suez et à la victoire égyptienne face à l’agression tripartite de 1956, on trouve des publications au sujet de l’incident parmi les nombreux textes aux accents nationalistes et anticoloniaux : cinq essais politico-historiques, deux pièces de théâtre éducatives et un livre pour enfants [113]. En 1963, un musée, destiné à commémorer l’événement, fut créé dans le village même de Dinshwây [114]. Au-delà des œuvres savantes ou éducatives, l’incident de Dinshwây était dans tous les esprits et sur toutes les lèvres. « Dans les années 1960, tu ne pouvais pas être égyptien sans entendre parler de Dinshwây » raconte Ahdaf Soueif (1950-), auteure d’un roman d’amour à succès, Maps of Love, se déroulant au tournant du xixe et du xxe siècle, sur un fond historique très documenté [115]. De même, la chanson populaire d’Abdel Halim Hafez (1929-1977), Ḥikâyat sha‘b (Histoire du peuple), sortie à l’occasion de la pose de la première pierre du Haut barrage d’Assouan en 1960 pour célébrer la victoire contre le colonialisme, contient un couplet sur l’incident de Dinshwây.
74Après la prise de pouvoir des Officiers libres en 1952, Gamal Abdel Nasser voulut transformer le coup d’État en révolution. Cette transformation se concrétisa principalement par le lancement d’une réforme agraire [116]. C’est dans ce nouveau contexte politique que le souvenir de l’incident de Dinshwây fut convoqué et intégré au récit national. Il n’était cependant plus question de présenter « le fellah » comme une figure apolitique, dénué de sentiments patriotiques. Désormais, il était le représentant ancestral de la patrie éternelle. Pour ce faire, on adopta l’interprétation qu’avaient fait de l’événement, au moment où il eut lieu, les autorités britanniques. À l’Égypte récemment indépendante, l’idée de l’action impulsée par le nationalisme convenait davantage que celle, spontanéiste, qu’avaient soutenu les nationalistes de l’époque.
75Au sein de ce nouveau récit, le désir de punir les paysans, que les élites nationalistes égyptiennes avaient exprimé conjointement aux Britanniques, fut complètement effacé [117]. La révolte des villageois de Dinshwây était non seulement un acte de résistance légitime, mais surtout la preuve de l’existence ancienne d’un sentiment patriotique, au fin fond même de l’Égypte, c’est-à-dire en milieu rural. Ainsi, était précisément repris le discours que tenait le consul-général britannique à la période de l’incident. Dans le même ordre d’idée, Kâmil Pacha devint un héros national : celui qui, comme le disaient là encore les Britanniques, avait su mobiliser les masses paysannes pour la cause nationale. En 1963, lorsque le musée de Dinshwây fut érigé, personne ne doutait plus que l’action des paysans était bel et bien le fruit d’une conscience nationale « déjà là » et mobilisable.
76Après la ferveur des années 1960, le souvenir de l’événement fut à nouveau mobilisé en 1999 [118]. À l’occasion des 80 ans de la Révolution de 1919, le musée de Dinshwây fut agrandi et augmenté d’une nouvelle collection artistique illustrant l’incident. Conformément à la nouvelle doxa faisant des paysans les porteurs de la conscience nationale, une brochure publiée à l’occasion de l’inauguration des nouvelles installations présente l’incident Dinshwây comme le signe avant-coureur de la Révolution de 1919 [119]. Le centenaire de l’incident donna lieu à de nouvelles publications [120]. Si bien qu’entre ces écrits, le musée toujours ouvert aujourd’hui, le fait que l’incident est enseigné dans les écoles égyptiennes et l’existence de plusieurs travaux académiques occidentaux récents, l’incident continue d’être présent dans les mémoires égyptiennes voire arabes. Le mot clef « incident Dinshwây » écrit en arabe dans Youtube donne par exemple des vidéos mises en ligne très récemment [121].
77Cette actualité de l’événement explique sans aucun doute que l’organisation al-Qaïda revendiqua l’attaque de Londres en 2005 au nom des victimes de Dinshwây. De même, en prévision de la venue du président États-unien Barak Obama au Caire en 2009, l’organisation diffusa un discours évoquant à nouveau l’événement [122]. Toutefois, dans ces nouveaux usages, l’incident de Dinshwây reste enfermé dans le carcan colonial-national. L’organisation al-Qaïda fait certes écho aux fantasmes d’attaque panislamique de jadis mais dénie toujours l’autonomie des villageois de Dinshwây. Près de cent ans après, ces derniers apparaissent uniquement comme martyrs de la barbarie britannique ou, chose nouvelle, de celle des « collaborateurs » égyptiens. Le statut de sujet politique de l’histoire continue d’être refusé aux paysans de Dinshwây.
Mots-clés éditeurs : incident Dinshwây, colonialisme, nationalisme, Égypte contemporaine, ruralité, Empire britannique
Date de mise en ligne : 07/10/2020
https://doi.org/10.3917/rhmc.673.0142Notes
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[1]
M. de Volney, Considérations sur la guerre actuelle des Turcs, Londres, sans éditeur, 1788, p. 125-126. Volney s’exprime ici contre la campagne d’Égypte finalement menée par le général Bonaparte en 1798.
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[2]
Cet article est issu d’une communication donnée lors de l’atelier « Construction et déconstruction du récit national égyptien, xixe-xxe siècle » du Congrès du GIS Moyen-Orient 2017. Je remercie les participants à cet atelier et, en particulier, Elena Chiti, Renaud Soler et Catherine Mayeur-Jaouen. Un autre article est issu du même atelier : Elena Chiti, « Buiding a Naitonal Case in Interwar Egypt : Taya and Sakina’s Crimes through the Pages of al-Ahram (Fall 1920) », History Compas, 18-2, 2020, p. 1-13. Je remercie également les relecteurs anonymes de la RHMC pour la qualité de leur travail.
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[3]
Juan Ricardo Cole, Colonialism and Revolution in the Middle East. Social and Cultural Origins of Egypt’s Urabi Movement, Princeton, Princeton University Press, 1993.
-
[4]
Voici les orthographes employées par la BnF : Denchaoui, Denchawai, Denshawai, Denshaway, Densheway, Dinšawāy, Dinshaway, Denchaoui, Denshawai, Dinshaway, Denshewây.
-
[5]
The National Archives (Kew), Foreign Office 371/66, Findlay to Grey, 09/07/1906, folio 169 ; désormais : TNA, FO 371/66, Findley to Grey, 09/07/1906, 169.
-
[6]
Bernard Shaw, John Bull’s Other Island, Londres, Constable and Company Ltd, 1914 [1907], p. xlix.
-
[7]
TNA, FO 371/66, Grey to Findlay, 29/06/1906, 87.
-
[8]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 30/06/1906, 103 ; 03/07/1906, 120.
-
[9]
Robert L. Tignor, Modernization and British Colonial Rule in Egypt, 1882-1914, Princeton University Press, 1966, p. 284-5 ; John Marlowe, Cromer in Egypt, Londres, Elek, 1970, p. 266-267.
-
[10]
Gabriel Baer, « Submissiveness and Revolt of the Fellah », in Id., Studies in the Social History of Modern Egypt, Chicago, University of Chicago Press, 1969, p. 101 ; Jacques Berque, L’Égypte. Impérialisme et révolution, Paris, Gallimard, 1967, p. 201.
-
[11]
Frederick Cooper, Le Colonialisme en question. Théorie, connaissance, histoire, Paris, Payot, 2010 [2005], p. 210, passim.
-
[12]
Eric Hobsbawm, The Age of Empire. 1875-1914, New York, Vintage Book, 1989 [1987], p. 82, 83.
-
[13]
Ann Laura Stoler, Along the Grain. Epistemic Anxieties and Colonial Common Sense, Princeton, Princeton University Press, 2009, p. 2.
-
[14]
François Georgeon, AbdülHamid II. Le sultan calife, Paris, Fayard, 2003, p. 14, 207-212.
-
[15]
Terme turc, « effendi » signifie « maître » mais, en Égypte, durant le xixe siècle, il désignait une catégorie de personne dont l’apparition fut « lié[e] à l’émergence de la bureaucratie moderne » (Lucie Ryzova, L’Effendiyya ou la modernité contesté, Le Caire, Cedej, 2004, p. 21).
-
[16]
François Pouillon, « Mort et résurrection de l’orientalisme », in Id., Jean-Claude Vatin (éd.), Après l’orientalisme. L’Orient créé par l’Orient, Paris, IISMM-Karthala, 2011, p. 16.
-
[17]
Albert Hourani, Arabic Thought in Liberal Age, 1798-1939, Cambridge, Cambridge University Press, 1983 [1962], p. 201 ; Anne-Claire de Gaffier-Bonneville, Histoire de l’Égypte moderne. L’éveil d’une nation, xixe-xxie siècle, Paris, Flammarion, 2016, p. 201-203 ; Joel Beinin, Workers and Peasants in the Modern Middle East, Cambridge, Cambridge University Press ; R. L. Tignor, Modernization…, op. cit., p. 280-286 ; J. Marlowe, Cromer…, op. cit., p. 265-259 ; Afaf Lutfi al-Sayyid-Marsot, Egypt and Cromer : a Study in Anglo-Egyptian Relations, Londres, John Murray, 1968, p. 169-175 ; J. Berque, L’Égypte…, op. cit., p. 241-242.
-
[18]
G. Baer, « Submissiveness… », art. cit., p. 93-108 ; Nathan Brown, Peasant Politics in Modern Egypt. The Struggle against the State, New Haven, Yale university press, 1990 ; Marc J. Carcanague, « Death at Denshawai : a Case Study in the History of British Imperialism in Egypt », Master of Arts, Rutgers University, 2012 ; Kimberly A. Luke, « Order or Justice : The Denshawai Incident and British Imperialism », History Compass, 5-2, 2007, p. 278-287 ; Id., « Peering through the Lens of Dinshwai : British Imperialism in Egypt 1882-1914 », PhD, Florida State University, 2010 ; Mohammad R. Salama, « Reading the Modernist Event from the Margins of History : the Denshawai Incident, the Trial of Djamila Bouired and the Question of Egyptian Modernity », PhD, University of Wisconsin, Madison, 2005 ; Maud Michaud, « L’affaire de Denshawai », mémoire de master, Université Lyon 2/ Université de Durham, 2006.
-
[19]
Muḥammad Gamâl al-Dîn ‘Alî al-Musadî, Dinshwây, Le Caire, Dâr al-kutub wa-l-wâthâ’iq alqawmiyya, 2006 [1974]. Dans cette étude, l’auteur reprend ses anciens travaux sur l’incident : « Dirasa ‘an Dinshwây », Le Caire, al-Gumhûriyya, 19-27/06/1969.
-
[20]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 22/06/1906, 28 ; 28/06/1906, 70 ; 01/07/1906, 169 ; 09/07/1906, 169 ; 11/07/1906, 196 ; 23/07/1906, 237 ; TNA, FO 371/66, Parliamentary question (désormais PQ), 05/07/1906, 157 ; 23/11/1906, 799 ; TNA, FO 141/397, Findlay to Grey, 01/07/1906, 355 ; FO 633/14, Cromer-Grey, 29/10/1909 cité dans J. Marlowe, Cromer…, op. cit., p. 285 ; R. L. Tignor, Modernization…, op. cit., p. 139-140 ; J. E. Marshall, The Egyptian Enigma 1890-1928, Londres, John Murray, 1928, p. 59.
-
[21]
TNA, FO 881/8986, « Denshawai Case : Summary of Evidence », p. 7.
-
[22]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 30/07/1906, 323 et 722 ; 24/09/1906, 605, 728 et 743-745.
-
[23]
Journal officiel égyptien (désormais JOE), 25/02/1895, cité dans TNA, FO 78/4668, Cromer to Kimberley, 28/02/1895, 25.
-
[24]
Paul Ruelens, La Législation égyptienne annotée. Première partie, Codes égyptiens pour les procès mixtes, précédés des Conventions internationales, suivis du Règlement d’organisation judiciaire, Paris/ Le Caire, A. Rousseau/Librairie Barbier, 1892.
-
[25]
JOE, 25/02/1895, article 1 du décret instituant le tribunal spécial, cité dans TNA, FO 78/4668, Cromer to Kimberley, 28/02/1895, 25.
-
[26]
JOE, 25/02/1895, articles 1 et 6 cités dans TNA, FO 78/4668, Cromer to Kimberley, 28/02/1895, 25.
-
[27]
TNA, FO 633/75, His Majesty’s Stationery Office, « Correspondence Respecting the Attack on British Officers at Denshawai », Egypt, n° 3 (1906), 1906, p. 24.
-
[28]
JOE, 25/02/1895, articles 4 et 5 cités dans TNA, FO 78/4668, Cromer to Kimberley, 28/02/1895, 25.
-
[29]
Wilfrid Scawen Blunt, Atrocities of Justice Under British Rule, T. Fisher Unwin, Londres 1906, p. 22.
-
[30]
TNA, FO 371/66, Cromer to Grey, 14/06/1906, 7 ; TNA, FO 371/66, PQ, 14/07/1906, 207.
-
[31]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 39-40 ; Arthur Jr Goldschmidt, « Ghali, Butros », Biographical Dictionary of Modern Egypt, Boulder, L. Rienner, 1999, p. 61 ; Khâlid ʽAZAB, Min wathâ’iq al- ʽâ’ilât al-qubṭiyya : qirâ’a fî awrâq ʽâ’ila Buṭrus Bâshâ Ghâlî, Le Caire, Dâr al-kutub wa-l-wâthâ’iq al-qawmiyya, 2012, p. 39-42.
-
[32]
TNA, FO 371/66, PQ, 02/08/1906, 326 ; « Hunted down », Egyptian Gazette, Alexandria, 03/07/1906, p. 3 ; W. S. Blunt, Atrocities… op. cit., p. 42.
-
[33]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 09/07/1906, 169.
-
[34]
« Denishwai again », Egyptian Gazette, Alexandria, 06/07/1906, p. 3.
-
[35]
The Earl of Cromer, Abbas II, Londres, MacMillian & co, 1915, p. x.
-
[36]
Viscount Grey of Fallodon, Twenty-Five Years : 1892-1916, vol. 1, New York, Frederick A. Stokes Company, 1927, p. 132.
-
[37]
TNA, FO 633/13, Grey to Cromer, 09/03/1907.
-
[38]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 50 ; Ahmad Amin, My Life. The Autobiography of an Egyptian Scholar, Writer, and Cultural Leader, Leiden, E. J. Brill, 1978 [1950], p. 60-61 et note 2 ; Aḥmad Shafîq Bâshâ, Mudhakkirâtî fî niṣf qurn, vol. 2, Le Caire, Maṭbaʽat Miṣr, Sharika Musâhima Miṣriyya, 1936, p. 99. Pour un exemple d’expression orientaliste particulièrement explicite sur la place centrale de l’honneur dans la morale des « fellahs », voir Thomas Russell, Egyptian Service, 1902-1946, Londres, John Murray, 1949, chapitre 4.
-
[39]
F. Robert Hunter, « Tourism and Empire : the Thomas Cook & Son enterprise on the Nile, 1868-1914 », Middle Eastern Studies, 40-5, 2004, p. 28-54. Tous les guides touristiques mentionnaient la chasse aux cailles et aux pigeons, à titre d’exemple : Karl Baedeker, Egypt. Handbook for Travellers, vol. 1, Leipsig, Karl Baedeker, 1895, p. lxxviii.
-
[40]
Allen Guttman, « La diffusion des sports à travers le monde : un impérialisme culturel ? », in Pierre Singaravélou, Julien Sorez (éd.), L’Empire des sports. Une histoire de la mondialisation culturelle, Paris, Belin, 2010, p. 26 ; TNA, FO 141/400, « Extract from Standing Orders for the British Force in Egypt, dated, 1904 », Findlay to Grey, 07/07/1906, telegram n° 207.
-
[41]
Dr Walter Francis Innes Bey, Mesure à prendre pour la protection des oiseaux en Égypte : Communication faite à l’Institut égyptien dans la séance du 5 mai 1902, Le Caire, Imprimerie nationale, 1903, p. 4-5.
-
[42]
Mohammed H. Benkheira et alii, L’Animal en islam, Paris, Les Indes savantes, 2005, p. 146, 149, 162.
-
[43]
Archives nationales égyptiennes (désormais ANE), ministère de l’Intérieur (désormais MI) 2001-013282.
-
[44]
John Mackenzie, « La chasse, un sport impérial ? », in P. Singaravélou, J. Sorez (éd.), L’Empire…, op. cit., p. 142.
-
[45]
Mes recherches menées dans les archives nationales britanniques et égyptiennes ont permis d’en dénombrer une dizaine entre 1882 et 1914. Mais, à la manière dont certains incidents sont relatés, on comprend qu’il s’agit d’un phénomène bien plus ample, voire routinier.
-
[46]
TNA, FO 371/66, Gromer to Grey, 14/06/1906, 1.
-
[47]
W. S. Blunt, « The Shooting Affray in Egypt », Manchester Guardian, 21/06/1906, p. 6.
-
[48]
J’ai résumé ici la version des faits que je me suis forgée à partir des différents éléments contenus dans les archives britanniques et, en particulier, à partir du carton qui est consacré à l’incident : TNA, FO 371/66.
-
[49]
F. Cooper, Le Colonialisme en question…, op. cit., p. 210.
-
[50]
TNA, FO 633/75, Egypt, n° 3 (1906), op. cit., p. 21.
-
[51]
« Occasional notes », Pall Mall Gazette, Londres, 15 juillet 1906, p. 2 ; « Execution in Egypt : Hanging and Flogging for Three Hours, a Gruesome Spectacle », Manchester Guardian, 29/07/1906, p. 6 ; The Illustrated London News, no 3507, vol. CXXIX, 07/07/1906, p. 16.
-
[52]
V. Grey, Twenty-Five Years…, op. cit., p. 130.
-
[53]
House of Commons debates (désormais HC Deb), 15/08/1907, vol. 180, chapitre 1706.
-
[54]
David Cannadine, Ornamentalism. How the British Saw their Empire, Londres, Allan Lane-Penguin Press, 2001, p. 134 ; Id., « The Context, Performance and Meaning of Ritual : the British Monarchy and the “Invention of Tradition”, c. 1820-1977 », in Eric Hobsbawm, Terence Ranger, The Invention of Tradition, Cambridge, Cambridge University Press, 2013 [1983], p. 101-164 (citation p. 108 et 138).
-
[55]
Voir Douglas Hay, « Property, Authority and the Criminal Law », in Id. et alii, Albion’s Fatal Tree : Crime and Society in Eithteenth-Century England, New York, Pantheon Books 1975 ; Edward P. Thompson, Whigs and Hunters. The Origins of the Black Act, Londres, Breviary Stuff Publications, 2013 [1975], p. 44-45.
-
[56]
Hervé Bleuchot, « Le Soudan au xixe siècle », in Marc Lavergne, Le Soudan contemporain. De l’invasion turco-égyptienne à la rébellion africaine (1821-1989), Paris, Karthala, 1989, p. 115-226 (ici p. 145). Sur les incursions mahdistes en Égypte : ANE, Conseil des ministres (dorénavant CM), 0075- 005073, 0075-005074, 0075-005075, 0075-003158, 0075-014469, 0075-003421.
-
[57]
F. Georgeon, « Chapitre XIII, Le dernier sursaut », in R. Mantran (éd), Histoire…, op. cit., p. 533-537 ; citation : Id., Abdulhamid II…, op. cit., p. 14 ; M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 63-65.
-
[58]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 22/07/1906, 27.
-
[59]
Nathan Brown, « Brigands and state building : the invention of banditry in modern Egypt », Comparative Studies in Society and History, 32-2, 1990, p. 258-281. Sur les commissions de brigandage, lire aussi : R. L. Tignor, Modernization…, op. cit., p. 132.
-
[60]
M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 221 ; Samir Seikaly, « Prime Minister and Assassin : Butrus Ghali and Wardani », Middle Eastern Studies, 13-1, janvier 1977, p. 112-123. Buṭrus Ghâlî Pacha était l’arrière-grand-père de Boutros Boutros Ghali, l’ancien secrétaire général des Nations unies. Après son assassinat, le procureur du procès de Dinshwây, rongé par le remords, assura la défense de l’assassin de Ghâlî Pacha. Cet assassinat a en outre contribué au ressentiment des coptes envers les musulmans et vice versa (Donald M. Reid, « Political assassination in Egypt, 1910-1954 », The International Journal of African Historical Studies, 15-4, 1982, p. 625-651).
-
[61]
Michael E. Gasper, The Power of Representation. Publics, Peasants, and Islam in Egypt, Stanford, Stanford University Press, 2009, p. 210.
-
[62]
J. R. Cole, Colonialism…, op. cit., p. 244.
-
[63]
Khaled M. Fahmy, In Quest of Justice. Islamic Law and Forensic Medicine in Modern Egypt, Oakland, University of California Press, 2018, p. 85-86.
-
[64]
A. Lutfi al-Sayyid-Marsot, Egypt and Cromer…, op. cit., p. 171-172 ; Charles Wendell, The Evolution of the Egyptian National Image. From its Origins to Aḥmad Luṭfī al-Sayyid, Berkeley, University of California Press, 1972, chapitre 6 ; Aḥmad Lutfi al-Sayyid, « Mudhakkirât Ustâdh al-Gîl », al-Muṣawwar, 01/09/1950-01/12/1950 cité dans C. Wendell, The Evolution…, op. cit., p. 205, note 5.
-
[65]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 07/08/1906, 370.
-
[66]
Après vérification de son acuité, je reproduis ici la traduction française de l’article telle qu’elle figure dans les dossiers administratifs britanniques : TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 23/07/1906, 15. Sauf exception, la presse égyptienne a été analysée à partir de sources secondaires consacrées au traitement journalistique de l’incident : E. Gasper, The Power…, op. cit. ; Muḥammad Ḥâmid Sharîf, Ḥâditha Dinshwây wa-‘sadâhâ fîal-adâb al-‘arabî al-ḥadîth wa-l-ṣaḥâfa al-‘arabiyya, Le Caire, al-Hay’a al-miṣriyya al-‘âmma li-l-kitâb, 2006 ; M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 98-101 ; Sulaymân Ṣâliḥ, al-Shaykh ‘Alî Yûsuf wa-garîdat al-Mu‘ayyid : târîkh al-ḥaraka al-waṭaniyya fî rub’ qarn, vol. 2, Le Caire, al-Hay’a al-miṣriyya al-’âmma li-l-kitâb, 1998, p. 22-26 ; Muḥammad Naṣr, Dinshwây wa-alṣaḥâfa, Le Caire, Maktaba Nahḍat Miṣr, 1958 ; Taysîr Abû ‘Araga, al-Muqaṭṭam : garîdat al-iḥtilâl al-brîṭânî fî Miṣr 1889-1952, Le Caire, al-Hay‘at al-miṣriyya al-‘âmma li-l-kitâb, 1997, p. 65 ; W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 37.
-
[67]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 23/07/1906, 114.
-
[68]
Ibidem, Findlay to Grey, 02/07/1906, 237.
-
[69]
Al-Ahrâm, 15/06/1906, cité dans M. Ḥ. Sharîf, Ḥâdithat Dinshwây…, op. cit., p. 136.
-
[70]
M. Naṣr, Dinshwây…, op. cit., p. 109 (la référence exacte n’est pas précisée). Al-Muqaṭṭam, 15 juin et 10 juillet 1906, cités dans T. Abû ‘Araga, Al-Muqaṭṭam…, op. cit., p. 33 et 34.
-
[71]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 23/06/1906, 113 et 114.
-
[72]
Ibidem.
-
[73]
Ibidem, Findlay to Grey, 09/07/1906, 169.
-
[74]
Muṣṭafâ Kâmil Pacha, « À la Nation anglaise et au monde civilisé ! », Le Figaro, 11/07/1906, p. 1.
-
[75]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 23/07/1906, 115 et 116.
-
[76]
Ranajit Guha, Elementary Aspects of Peasant Insurgency in Colonial India, Delhi, Oxford University Press, 1997 [1983], p. 3.
-
[77]
Ibidem.
-
[78]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 07/08/1906, 367.
-
[79]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 50.
-
[80]
Zachary Lockman, « Imagining the Working Class : Culture, Nationalism, and Class Formation in Egypt, 1899-1914 », Poetics Today, 15-2, 1994, p. 158-190 (ici p. 179).
-
[81]
Maḥmûd Ṭâhir Ḥaqqî, ‘Adhrâ’ Dinshwây, reproduction du feuilleton publié dans le journal al-Minbar en 1906, sans lieu, publié à compte d’auteur, sans date, p. 12-17. Les noms propres arabes non translittérés suivent l’orthographe adoptée dans les documents administratifs britanniques.
-
[82]
Ḥasan Mar’î, Ṣayd al-ḥamâm, al-Gamâliyya (Le Caire), Directeur du journal al-Ṣaḥâ’if al-shahriyya, sans date (1906). Malgré l’absence de date imprimée sur la copie consultée, on peut estimer que la pièce date de 1906 car il est précisé en préambule qu’elle fut interdite de représentation. Or, en juillet 1906, une pièce de théâtre sur Dinshwây fut interdite de représentation en Égypte (ANE, CM 0075-011194 ; TNA, FO 141/404, Boyle to Grey, 12/07/1906).
-
[83]
« Qanun al-muntakhabat (loi des élus), janvier-février 1830 », Filib Jallad, Qamus al-idara wa-l-qada’, Alexandria, vol. 3, p. 1327, 1891, cité dans John Chalcraft, « Engaging the State : Peasants and Petitions in Egypt on the Eve of Colonial Rule », International Journal of Middle East Studies, 3, 2005, p. 303-325 (ici p. 306).
-
[84]
‘Imâd Aḥmad Hilâl, « Al-‘Arḍḥâl : maṣdar maghûl li-dirâsat tarîkh miṣr fî al-qarn al-tâsi’ ‘ashr », al-Ruzname, Hay’at al-‘âmma li-dâr al-kutub wa-l-wathâ’iq al-qawmiyya, no 2, Le Caire, 2004, p. 1-23 (ici p. 1-3) ; Lex Heerma van Voss, « Introduction », International Review of Social History : Petitions in Social History, 46-Supplement 9, 2001, p. 1-10 (ici p. 1).
-
[85]
ANE, CM, 0075-015916. Assemblée de grands propriétaires et de notables se réunissant deux fois par mois et ayant un rôle exclusivement consultatif auprès du gouvernement Pour une analyse du système « quasi parlementaire » égyptien sous l’occupation britannique du pays, lire : ʿAlî Barakât, Taṭawwur al-milkiyya al-zirâ‘iyya fî miṣr wa-athruhu ‘alâ al-ḥarakat al-siyâsiyya 1813-1914, Le Caire, Dâr al-thaqâfa al-gadîda, 1977, p. 441-453.
-
[86]
ANE, MI 2001-012426.
-
[87]
R. Guha, Elementary Aspects…, op. cit., p. 9.
-
[88]
Max Weber, Le Savant et le politique, Paris, UGE 10/18, 1963 [1919], p. 101.
-
[89]
ANE, CM, 0075-003046, 0075-003047, 0075-003029, 0075-003034 ; Philipp Gelat, « Loi du 28 novembre 1904 sur le port d’armes », Répertoire général annoté de la législation et de l’administration égyptiennes, 1840-1908, partie 1, 7 vol., Alexandrie, J. C. Lagoudakis, 1909, vol. 3, p. 842.
-
[90]
TNA, FO 371/66, Findlay to Grey, 09/07/1906, 170 ; ibidem, 23/07/1906, 240.
-
[91]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 49.
-
[92]
TNA, FO 881/8986, « Denshawai Case : Summary of Evidence » p. 5, 8 ; FO 371/66, Findlay to Grey, 09/07/1906, 170 ; Ibidem, 23/07/1906, 239-242 ; Ibidem, 07/08/1906, 332 et 369.
-
[93]
W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 50 ; A. Amin, My Life…, op. cit., p. 60-61 et note 2 ; A. Shafîq Bâshâ, Mudhakkirâtî…, op. cit., p. 99.
-
[94]
Nicolas Michel, L’Égypte des villages autour du xive siècle, Paris-Louvain-Peeters, 2018, p. 336 ; K. M. Fahmy, In quest…, op. cit. ; J. Chalcraft, « Engaging… », art. cit., p. 303-325. ; Maha A. Ghalwash, « On Justice : Peasants, Petitions and the State in Mid-Nineteenth-Century Egypt », British Journal of Middle Eastern Studies, 43-4, 2016, p. 523-540.
-
[95]
TNA, FO 633/44, His Majesty’s Stationery Office, « Reports by his Majesty Agent and Consul-General of the Finances, Administration, and Condition of Egypt and the Sudan in 1905 », Egypt, n° 1 (1906), 1906, p. 79.
-
[96]
His Majesty’s Stationery Office, « Correspondence Respecting the Attack Made on Two Officers of Her Majesty’s Army at Keneseh, in Egypt », Egypt, n° 10 (1887), 1887 ; al-Ahrâm, 28 mars 1887, Standard, 29 mars 1887, Egyptian Gazette, 29 mars 1887, cités (sans plus de référence) dans M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 25 ; W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 17.
-
[97]
TNA, FO 371/66, Grey to Findlay, 28/07/1906, 315 et 318 ; Ibidem, Findlay to Grey, 05/07/1906, 238].
-
[98]
J. R. Cole, Colonialism…, op. cit., p. 244 ; Nathan Brown, « Peasants and Notables in Egyptian Politics », Middle Eastern Studies, 26-2, p. 145-160.
-
[99]
‘Imâd Aḥmad Hilâl, « Al-‘Arḍḥâl : ṣawt al-failâḥ al-miṣrî al-muḥtagg : al-niṣf al-thânî min al-qarn al-tâsi’ ‘ashr », in Ru’ûf ‘Abâs (éd.), Al-Rafḍ wa-al-iḥtigâg fî al-mugtama’ al-miṣrî fî al-’aṣr al- ‘uthmânî, Le Caire, Gâm‘at al-Qâhira, 2004, p. 201-247.
-
[100]
Simona Cerutti, Massimo Vallerani, « Suppliques. Lois et cas dans la normativité de l’époque moderne – Introduction », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 13, 2015 (http://journals.openedition.org/acrh/6545).
-
[101]
Cette critique s’adresse plus particulièrement à J. Chalcraft, « Engaging the state… », art. cit. et à M. A. Ghalwash, « On Justice… », art. cit.
-
[102]
Sur la pétition comme prélude à la révolte, lire : L. H. van Voss, « Introduction », art. cit., p. 4.
-
[103]
Voir F. Cooper, Le Colonialisme…, op. cit., p. 41 et 269.
-
[104]
FO 371/66, Findlay to Grey, 23/07/1906, 240.
-
[105]
M. Kâmil, « À la Nation anglaise… », art. cit.
-
[106]
TNA, FO 633/Egypt, no 3 (1906), op. cit., p. 19.
-
[107]
Journal du Caire, cité (sans autre référence) dans W. S. Blunt, Atrocities…, op. cit., p. 56 ; « Expiation. Last Act in Denishwai Drama. Execution of Sentences. The Scene at Denishwai », The Egyptian Gazette, 29/06/1906, p. 3.
-
[108]
Outre le roman et la pièce de théâtre déjà cités : ‘Abd al-Ḥalîm Dulâwar, Dinshwây : ḥimâm aw ḥamam, Ṭubit’t ‘alâ nafaqat Maḥmûd Tawfîq, al-Kutbî bi-al-Azhar, 1906 ; Selon Sharîf, l’un des prisonniers de Dinshwây aurait écrit un « roman poétique et politique » dans le journal satirique Khiyâl al-ẓill (M. Ḥ. Sharîf, Ḥâdithat Dinshwây…, op. cit., p. 149). Pour une vue générale des poésies traitant de l’incident : M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 107-113 ; M. Ḥ. Sharîf, Ḥâdithat Dinshwây…, op. cit., p. 31-130.
-
[109]
Le journal pro-allemand : The Fatherland, IV-3, 23/02/1916, p. 38 ; Id., IV-11, 20/10/1915, p. 188 ; le journal anti-impérialiste de gauche : The tribunal, 77, 04/10/1917, p. 4 ; Un manifeste du Parti national indien publié en 1915 : William Jennings Bryan, On british Rule in India, non daté, p. 1 ; un essai allemand de sociologie sur le nouvel impérialisme : Ferdinand Tönnies, Englische Weltpolitik in englischer Beleuchtung, Berlin, Verlag von Julius Springer, 1915, p. 65-66, 79.
-
[110]
Manṣûr Muṣṭafâ Rifa’at, « Lest we Forget : a Page From the History of the English in Egypt », in Album de la grande guerre, Édition pour l’Orient, Berlin, Deutscher Überseedienst Transocean, Nachrichtenstelle fûr den Orient, May 1915. Sur Rifa’at, lire Noor-Aiman I. Khan, Egyptian-Indian Nationalist collaboration and the British Empire, New York, Palgrave MAcmillian, 2011, p. 66-67.
-
[111]
M. E. Gasper, The Power…, op. cit., p. 211.
-
[112]
Maḥmûd Kâmil, Ashhar al-qaḍâyâ al-Miṣriyya, 1946.
-
[113]
Essais : Muḥammad ‘Abd al-Wahhâb Ṣaqar, Kafâḥ Dinshwây, gouvernorat al-munûfiyya, idârat al-‘alâqât al-‘âma, 1962 ; [anonyme], Dinshwây : al-shuhadâ’ lâ yamûtûn, Le Caire, Wizârat al-thaqafa, 1962 ; M. Naṣr, Dinshwây…, op. cit. M. G. ‘A. al-Musadî, « Dirasa… », art. cit. Théâtre : Rishâr Ḥigâzî, ‘Arûs Dinshwây, Le Caire, Wizârat al-tarbiyya wa-al-ta‘lîm, 1970 ; Raslân Ismâ‘îl, Dinshwây, Mu’asasat al-maṭbû‘ât al-ḥadîtha, 1961. Livre pour enfant : Muḥammad ‘Aṭiyya al-Ibrâshî, Madhâbiḥ Dinshwây, [éditeur non identifié], 1968.
-
[114]
Portail électronique du gouvernorat d’al-Munûfiyya (www.monofeya.gov.eg/tourism/musems/Lists/List/DispForm.aspx?ID=1).
-
[115]
Ahdaf Soueif, interview (enregistrement sur bande), 08/09/2009, citée dans K. A. Luke, « Peering… », art. cit. p. 130.
-
[116]
Joel Gordon, Nasser’s Blessed Movement. Egypt’s free officers and the July revolution, Oxford, Oxford University Press, 1992 ; Didier Inowlocki, Traduction, édition critique bilingue et analyse de La Philosophie de la Révolution de Gamal Abdel Nasser. Égypte, 1953-1956, Paris, Presses de l’Inalco, 2020, à paraître.
-
[117]
À la notable exception d’al-Musadî qui souligne un certain rapprochement entre les nationalistes et les autorités britanniques (M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây, op. cit., p. 99).
-
[118]
Mis à part ‘Abd al-Mun‘im Muṣṭafâ al-Qabânî, Al-Isti‘amâr al-baghîḍ : Dinshwây, Le Caire, Dâr al-fikr al-‘arabî, 1987 ; Nuâl ‘Abd al-Azîz Mahdî Râmî, Ḥaraka wa-Dahbûba 1908, aw, Dinshwây al-Sûdân wa-ṣadâhâ fî Misr, Le Caire, Maktabat al-salâm al-‘âlamiyya, 1974.
-
[119]
Portail électronique du gouvernorat d’al-Munûfiyya (www.monofeya.gov.eg/tourism/musems/Lists/List/DispForm.aspx?ID=1) ; Yûnân Labîb (éd.), Matḥaf Dinshwây, Le Caire, Matḥaf Dinshwây, sans date (mais publié à l’occasion de l’inauguration du nouveau musée en 1999), p. 47.
-
[120]
Anonyme, Dinshwây : qiṣa, [éditeur non identifié], 2003 ; ‘Umrû Sharshar, Dinshwây wa-al-târîkh : ri’aya naqdiyya taḥlîliyya li-l-aḥdâth, Shbîn al-kawm, Dâr al-wathâ’iq al-gâmi‘iyya, 2010 ; Ṣalâḥ ‘Aṭiya, Ḥâdithat Dinshwây, Le Caire, Mu’asasat dâr al-târîkh li-l-ṭiba‘ wa-l-nashr, 2008 ; Hishâm al-Gabâlî, Yôm Dinshwây, al-Minya, Dâr al-hadâ li-l-nashr wa-l-tawzî‘, 2007 ; Muḥammad al-shâfa’î, Dinshwây mâ’iat ‘âm al-‘azza, [éditeur non identifié], 2006 ; M. Ḥ. Sharîf, Ḥâdithat Dinshwây…, op. cit. ; M. G. ‘A. al-Musadî, Dinshwây…, op. cit.
-
[121]
Recherche effectuée en novembre 2019.
-
[122]
Alain Gresh, « Dinshwaï 1906 », Le Monde Diplomatique, 2007, p. 10 ; Shaykh Amîn al-Ṭawâhrî, Galâdû Miṣr wa-‘umalâ’ amarîkâ yarḥibûn bi-Ûbâmâ, al-Saḥâb (muntadiyyat al-falûga al-islâmiyya_shabaka shumûkh al-islâm), 2009, en ligne, consulté le 05/02/2019 (https://archive.org/details/al-qaeda213).