Notes
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[1]
Jean Bobé, dans sa thèse de médecine, évoque trois transferts, les 17, 22 et 27 décembre 1892 : Les Colonies familiales d’aliénés, assistance et réglementation, Paris, Legrand, 1933.
-
[2]
La loi du 10 juillet 1989 réglemente « l’accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes ». Voir Journal officiel de la République française, loi n° 89-475 publiée le 12 juillet 1989.
-
[3]
Les historiens de la psychiatrie ont consacré plusieurs travaux à d’autres dispositifs de prise en charge hors des asiles mis en place, pour la plupart, dans la deuxième moitié du xxe siècle : Isabelle von Bueltzingsloewen, « D’un lieu de vie à un lieu de soins ? Les transformations du recours à l’hôpital psychiatrique dans la France de l’après-guerre (1945-1960) », in Marcel Sassolas (éd.), Quels toits pour soigner les personnes souffrant de troubles psychotiques ?, Toulouse, Érès, 2012, p. 13-24 ; Nicolas Henckes, « Le Nouveau Monde de la psychiatrie française. Les psychiatres, l’État et la réforme des hôpitaux psychiatriques de l’après-guerre aux années 1970, thèse, Paris » EHESS, 2007. Les travaux sur les colonies familiales sont beaucoup plus rares : Aude Fauvel, « Les fous en liberté. La naissance des “colonies familiales” de la Seine », Revue de la Société française d’histoire des hôpitaux, 136, 2009, p. 16-22 ; Denise Jodelet, Folies et représentations sociales, Paris, PUF, 1969 ; Juliette Rigondet, Un Village pour aliénés tranquilles, Paris, Fayard, 2019.
-
[4]
Thomas Mueller, « Le placement familial des aliénés en France et en Allemagne, le Dr Mundy et l’Exposition universelle de 1867 », Romantisme. Revue du dix-neuvième siècle, 141, 2008, p. 37-50 ; Id., « Community Spaces and Psychiatric Family Care in Belgium, France and Germany. A Comparative Study », in Leslie Topp, James Moran et Jonathan Andrews (éd.), Madness, Architecture and the Built Environment : Psychiatric Spaces in Historical Context, Londres, Routledge, 2007, p. 171-189.
-
[5]
La loi du 30 juin 1838 encadre l’assistance aux aliénés en France. Elle impose à tous les départements d’organiser le placement et le traitement des malades mentaux indigents nés ou résidant sur leur territoire, soit en construisant un asile, soit en concluant un accord avec un établissement privé ou relevant d’un autre département.
-
[6]
Cet article s’inscrit ainsi dans la lignée des travaux récents qui ont renouvelé l’histoire des politiques d’assistance aux aliénés et de la médicalisation de la folie en s’appuyant sur les archives asilaires : I. von Bueltzingsloewen, « Réalité et perspectives de la médicalisation de la folie dans la France de l’entre-deux-guerres », Genèses, 82, 2011, p. 52-74 ; A. Fauvel, « Témoins aliénés et “Bastilles modernes” : une histoire politique, sociale et culturelle des asiles en France (1800-1914) », thèse, Paris, EHESS, 2005 ; Laurence Guignard, Hervé Guillemain, Stéphane Tison (éd.), Expériences de la folie. Criminels, soldats, patients en psychiatrie (xixe-xxe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 ; Benoît Majerus, Parmi les fous. Une histoire sociale de la psychiatrie au xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
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[7]
Antony Rodiet, « De la situation actuelle et de l’extension future de l’Assistance familiale des aliénés en France », 1910 ; « Le désencombrement des asiles d’aliénés du département de la Seine et les Colonies familiales », 1914 ; « L’assistance familiale aux « Aliénés » pendant la guerre », 1916. Le troisième manuscrit, qui porte sur la vie de la colonie durant le premier conflit mondial, prend la forme d’un journal intime. J’adresse tous mes remerciements à Jérôme van Wijland, directeur de la bibliothèque de l’Académie de médecine, pour son aide dans l’exploitation de ces sources.
-
[8]
Michel Caire, « Contribution à l’histoire de l’hôpital Sainte-Anne (Paris) : des origines au début du xxe siècle », thèse, Paris, Université Paris V, Cochin-Port-Royal, 1981, p. 25.
-
[9]
Quatre établissements ouvrent leurs portes : l’asile Sainte Anne en 1867, Ville-Évrard en 1868, Vaucluse en 1869 et Villejuif en 1884.
-
[10]
Société médico-psychologique, séance du 24 février 1862, Annales médico-psychologiques, 8, 1862, p. 504.
-
[11]
A. Fauvel, « Témoins aliénés… », op. cit., en particulier les p. 171 à 183 qui portent sur la polémique déclenchée par l’exemple de Gheel.
-
[12]
Achille de Foville, La Législation relative aux aliénés en Angleterre et en Écosse, Paris, J.-P. Baillière et fils, 1885.
-
[13]
A. Fauvel, « Le crime de Clermont et la remise en cause des asiles en 1880 », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 49-1, 2002, p. 195-216.
-
[14]
Théophile Roussel, Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi portant révision de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, annexe n° 157, t. 1, session 1884, p. 34.
-
[15]
Auguste Marie, L’Assistance des aliénés en Écosse, Paris, Librairies-Imprimeries réunies, 1892.
-
[16]
Le premier est médecin, le second dirige plusieurs sociétés de bienfaisance et a été chargé par le gouvernement, en 1881, d’enquêter sur les œuvres d’assistance en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne.
-
[17]
Paul Brousse, Note sur l’assistance familiale des aliénés, Rouen, Imprimerie Cagnard, 1898, p. 8-9.
-
[18]
Archives de Paris, D2 N1111 : lettre du ministre de l’Intérieur au préfet de la Seine le 2 mai 1892.
-
[19]
« Le service des aliénés d’Écosse jugé par un conseiller général de la Seine », Annales médico-psychologiques, 16, 1892, p. 504-505.
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[20]
Bulletin municipal officiel, 13 juillet 1892, p. 1719.
-
[21]
Archives de Paris, D2 N1111 : conseil général de la Seine, projet de délibération relatif à la création d’une colonie de déments séniles à Dun-sur-Auron, 12 juillet 1892.
-
[22]
Ancien interne des hôpitaux de Grenoble, prosecteur à l’école de médecine, Auguste Marie reçoit une médaille du ministère pour son dévouement lors d’une épidémie de scarlatine et diphtérie. Il poursuit ses études à Paris comme externe des hôpitaux. En 1888, il est nommé interne des asiles de la Seine. Classé deuxième au concours des médecins-adjoints du département, il est également reçu comme aide de clinique à l’hôpital des Quinze-Vingts où il complète sa formation en ophtalmologie. Marie remporte le prix Esquirol en 1890 puis le prix Belhomme en 1891. Voir Docteur Auguste Marie (1865-1934), Paris, J. Peyronnet, 1934.
-
[23]
A. Marie, « Note historique sur la colonisation familiale de la Seine », Congrès international de l’assistance des aliénés et spécialement de leur assistance familiale, Rapports et compte-rendu des séances, Paris, Librairie du Progrès Médical, 1903, p. 1.
-
[24]
Conseil général du département de la Seine, 2e et 3e sessions de 1891, Mémoires de M. le préfet de la Seine et de M. le préfet de police, Paris, Imprimerie nationale, 1891, p. 533-551.
-
[25]
Conseil général des Vosges, rapports et délibérations, Épinal, Conseil général des Vosges, 1869, p. 418-419.
-
[26]
Louis Pornain, Assistance et traitement des idiots, imbéciles, débiles, dégénérés amoraux, crétins, épileptiques adultes et enfants, Paris, F. Alcan, 1900, p. 11.
-
[27]
En 1886, le département de la Seine n’envoie aucun enfant dans le Cher, la Creuse, l’Indre, l’Eure et Loir et les Vosges. Voir Rachel Fuchs, Abandoned Children. Foundlings and Child Welfare in Nineteenth-Century France, Albany, State University of New York Press, 1984, p. 174. Dans l’Orne, qui reçoit environ 1 000 enfants, les recherches se focalisent sur la circonscription de Bellême qui n’en accueille que très peu.
-
[28]
Le fait que le département du Cher possède un asile d’aliénés, à la différence de la Creuse ou de l’Indre, ne semble pas avoir constitué un argument décisif. Une convention est certes signée avec cet établissement afin de pouvoir y évacuer les malades qui ne s’adapteraient pas à la vie en colonie, mais celle-ci date de février 1893 seulement. A. Marie, « Note historique sur la colonisation familiale de la Seine », Congrès international…, op. cit., p. 1.
-
[29]
Auguste Vigouroux rejoint d’ailleurs la colonie dès 1898 en tant que médecin-adjoint. Dictionnaire biographique du Cher, Paris, Flammarion, 1900, p. 351.
-
[30]
En 1893, alors que le conseil général de la Seine souhaite transférer des malades à l’asile du Cher, Lefèvre s’y oppose, refusant de mettre l’établissement « en communications fréquentes avec tous les asiles de Paris qui sont de véritables foyers d’infection ». Archives départementales du Cher, 1 X 268 : rapports du conseil général, séance du 11 avril 1893, .
-
[31]
Auguste Marie se rattache en effet au petit groupe des psychiatres réformateurs qui, tels Florentin Pactet, Henri Colin et Édouard Toulouse, prônent notamment l’abandon des moyens de contention et de l’isolement. Leurs initiatives sont évoquées dans la troisième partie de cet article.
-
[32]
Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française, Paris, Masson, 1897-1898, p. 521.
-
[33]
Archives de Paris, D2 N1111 : lettre du ministre de l’Intérieur au préfet de la Seine le 2 mai 1892.
-
[34]
Cette règle s’applique pour les placements d’office. Dans le cas des placements volontaires, très rares à cette époque, les malades peuvent sortir à la demande d’un parent ou, le cas échéant, de leur tuteur.
-
[35]
Bulletin municipal officiel, 13 juillet 1892, p. 1720.
-
[36]
Arrêté ministériel du 28 février 1892, cité par Auguste Vigouroux, « Assistance des aliénés. Colonie familiale de Dun-sur-Auron », La Presse médicale, 73, 3 septembre 1898, p. 72.
-
[37]
Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française, Paris, Masson, 1897, p. 178.
-
[38]
L’asile de Beauregard à Bourges se situe à 27 kilomètres de la colonie de Dun-sur-Auron.
-
[39]
Les malades qui en ont les moyens peuvent être placés dans des bâtiments spéciaux, appelés pensionnats, lorsque les asiles en possèdent. À la colonie, le traitement reçu dépend également du statut social des malades. Les nourriciers choisis doivent être « le plus en rapport d’éducation ou de milieu » avec chaque pensionnaire. Auguste Vigouroux, « Assistance des aliénés… », art. cit., p. 72.
-
[40]
Préfecture de la Seine, Commission de surveillance des asiles publics d’aliénés de la Seine. Procès-verbaux des séances de l’année 1923, Paris, Imprimerie nouvelle, 1924, p. 85.
-
[41]
Jean-Étienne Esquirol, Question médico-légale sur l’isolement des aliénés. Mémoire présenté à l’Institut le 1er octobre 1832, Paris, Librairie médicale de Crochard, 1832.
-
[42]
Il est d’ailleurs décidé de placer à la colonie pour hommes une quinzaine de femmes qui s’occuperont d’un atelier de couture. Jean Bobé, « Les colonies familiales… », thèse citée, p. 128.
-
[43]
A. Marie, « Note historique sur la colonisation familiale de la Seine », Congrès international d’assistance des aliénés, Rapports et communications, Anvers, De nederlandsche Boekhandel, 1903, p. 22.
-
[44]
Bulletin municipal officiel, 13 juillet 1892, p. 1 720.
-
[45]
A. Rodiet, « Des inconvénients, imperfections et dangers des colonies familiales d’aliénés », Annales médico-psychologiques, 3, 1913, p. 437.
-
[46]
Entre 1892 et 1920, on compte tout de même deux naissances à la colonie. A. Rodiet, « L’Assistance familiale… », mss. cit., p. 322-323.
-
[47]
Ibidem, p. 113, p. 64-65, p. 125, p. 179, p. 123, p. 198.
-
[48]
Medici, « L’assistance familiale des aliénés de la colonie de la Seine à Levet (Cher) », thèse, Paris, Faculté de Paris, 1902.
-
[49]
P. Brousse, Note sur…, op. cit., p. 3-4.
-
[50]
A. Marie, Auguste Vigouroux, « Sur la colonisation familiale et les malades qui peuvent en bénéficier », Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des Pays de langue française, Lachèse et Cie, Angers, 1899, p. 540-560.
-
[51]
A. Rodiet, « De la situation actuelle… », mss. cit., p. 256.
-
[52]
Medici, L’Assistance familiale…, op. cit., p. 14.
-
[53]
Rapports et délibérations. Conseil général de la Sarthe, Le Mans, Conseil général de la Sarthe, 1910, p. 523.
-
[54]
H. Guillemain, « La fonction du “bon patient” dans l’institution psychiatrique (1910-1970) », in L. Guignard, H. Guillemain, S. Tison (éd.), Expériences de la folie…, op. cit., p. 241-250.
-
[55]
J. Bobé, Les Colonies…, op. cit., p. 130.
-
[56]
D. Jodelet, Folie et représentations…, op. cit., p. 59.
-
[57]
Le docteur Paul Brousse est cité dans Medici, L’Assistance familiale…, op. cit., p. 17.
-
[58]
Dr Belletrud, « Le régime de la vie normale à l’hôpital des maladies mentales du Var », Revue de psychiatrie, 1905, p. 237-252.
-
[59]
Voir par exemple A. Marie, Jules Voisin, « Patronage des aliénés guéris », Congrès international de l’assistance des aliénés. Rapports et communications, Vienne, Franz Doll, 1908, p. 211-213.
-
[60]
A. Marie, « L’hôpital ouvert pour l’observation des aliénés de Glasgow », La Presse médicale, 49, 1907, p. 393-395.
-
[61]
Emmanuel Régis, « Les délirants des hôpitaux. Leur assistance, leur utilité du point de vue de l’enseignement », La Presse médicale, 73, 1903, p. 645-648 ; Gilbert Ballet, « Le service des délirants de l’Hôtel-Dieu », La Presse médicale, 56, 1905, p. 441-444. À partir de 1912, la clinique d’Esquermes dirigée par le docteur Georges Raviart admet, à titre d’observation et sans arrêté préfectoral de placement, des patients atteints de maladies mentales.
-
[62]
A. Marie, La Réforme de l’assistance aux aliénés, Paris, Éditions médicales, 1928, p. 105-106.
-
[63]
A. Rodiet, « L’assistance familiale… », mss. cit., p. 250.
-
[64]
H. Guillemain, S. Tison, Du Front à l’asile, 1914-1918, Paris, Alma, 2013 ; Marie Derrien, « “La tête en capilotade”. Les soldats de la Grande Guerre internés dans les hôpitaux psychiatriques français (1914-1980) », thèse, Lyon 2, 2015.
-
[65]
I. von Bueltzingsloewen, « Quel(s) malade(s) pour quel asile ? Le débat sur l’internement psychiatrique dans l’entre-deux-guerres », in L. Guignard, H. Guillemain, S. Tison (éd.), Expériences de la folie…, op. cit., p. 263-274.
-
[66]
A. Rodiet, A. Marie, Paul Fleurot, « Comment secourir les éprouvés de la guerre ? », L’Assistance, 1920 ; A. Rodiet, « Le moyen de refaire une famille aux éprouvés de la guerre isolés », Le Progrès médical, 16, 1924, p. 255.
-
[67]
Archives départementales du Rhône (désormais AD 69), centre hospitalier Le Vinatier, colonies familiales, H Dépôt Vinatier L 57.
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[68]
Les dossiers établis à l’asile de Bron pour ces trois malades, Thérèse I., Marie-Françoise T. et Jacques S., sont disponibles aux archives départementales du Rhône (HDepot Vinatier, Q 697, 928 et 1062). Ceux qui ont été ouverts pour les deux femmes à la colonie de Dun-sur-Auron nous ont été aimablement communiqués par le service des archives du centre hospitalier Georges Sand.
-
[69]
Résolution relative à la transformation de la colonie familiale de Lurcy-Lévy, Bulletin municipal officiel de Paris, 5 mai 1929, p. 2393.
-
[70]
AD 69, centre hospitalier Le Vinatier, lettre du directeur des affaires départementales de la Seine au directeur de l’asile de Bron, 21 mars 1925, H Dépôt Vinatier L 57.
-
[71]
Archives départementales de l’Allier, 1 X 6 : plainte adressée au directeur de la colonie d’Ainay-le-Château par un syndicat d’ouvriers agricoles et forestiers, 1937.
-
[72]
Comme le déplore Jacques Vié, médecin-directeur à Ainay-le-Château, qui tente de faire connaître les colonies familiales à ses collègues. Jacques Vié, « Le placement familial des aliénés et des psychopathes. Sa portée médicale et sociale », Annales médico-psychologiques, 1, 1941, p. 1-31.
-
[73]
Alice Vermont, « Au village des folles en liberté », Le Matin, 10 novembre 1943, p. 1 et 3.
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[74]
N. Henckes, « Le nouveau monde… », op. cit., p. 175.
1Au mois de décembre 1892, à la gare de Dun-sur-Auron, une quarantaine de femmes descendent du train pour rejoindre la première colonie familiale d’aliénés créée en France [1]. L’homme qui a organisé leur voyage s’appelle Auguste Marie. Jeune psychiatre, il a été chargé par le conseil général de la Seine d’organiser dans cette petite ville du Cher un établissement destiné à recevoir des femmes qui, après avoir été internées de longues années dans des asiles parisiens, seront placées chez des habitants volontaires pour les accueillir. L’événement, passé presque inaperçu dans la presse nationale, marque le début d’une longue histoire. Alors qu’il faut attendre la fin des années 1980 pour que l’accueil familial thérapeutique soit encadré par la loi [2], ce dispositif d’assistance imaginé au tournant du siècle révèle la volonté des pouvoirs publics et des médecins de s’attaquer très tôt au problème de la chronicité en proposant une véritable alternative à l’asile. Pourtant, cette expérience pionnière et novatrice a suscité peu d’intérêt de la part des historiens [3]. On sait certes, grâce aux travaux de Thomas Mueller, quels transferts de pratiques et de connaissances sont à l’origine des colonies d’aliénés et dans quelle mesure l’exemple français se démarque de structures apparemment analogues mises en place à l’étranger, en particulier à Gheel en Belgique et dans le nord de l’Écosse [4]. Toutefois, pour que ces transferts puissent déboucher sur la création d’une colonie à Dun-sur-Auron et sur la définition d’un modèle hexagonal, encore fallait-il que des médecins acceptent de rompre radicalement avec les principes théoriques et pratiques qui fondaient la prise en charge de l’aliénation mentale en France depuis la loi du 30 juin 1838 [5]. L’objectif de cet article est de comprendre pourquoi et comment s’est opéré un tel bouleversement.
2Pour ce faire, la création de la colonie de Dun-sur-Auron, souvent présentée par ses promoteurs comme un évènement survenu ex nihilo, doit être replacée dans le temps long d’une histoire médicale et politique de la psychiatrie dont l’étude, bien qu’elle se soit considérablement développée depuis une dizaine d’années, tend encore à négliger la portée des réformes introduites durant la première moitié du xxe siècle [6]. C’est en observant le fonctionnement de la colonie, tel qu’il est défini par le conseil général de la Seine et mis en pratique sur le terrain, qu’il est possible de mesurer à quel point le cas de Dun-sur-Auron renverse les normes de l’assistance aux aliénés. Cette double approche suppose de recourir à différents types de sources : outre les documents produits par l’administration et les articles publiés dans la presse médicale, la découverte à la bibliothèque de l’Académie de médecine de trois manuscrits inédits rédigés par Antony Rodiet, médecin-directeur entre 1909 et 1921, a permis de recueillir des témoignages précieux sur le quotidien des psychiatres, des infirmiers et des malades [7]. L’ensemble de ces archives, en montrant combien l’organisation de la colonie diffère de celle des asiles, révèle l’ampleur de la rupture induite par ce dispositif, tout en soulignant ses limites. Il est ainsi possible de redonner toute son importance à cette expérience unique dans l’histoire de la psychiatrie en France, mais aussi de comprendre pourquoi l’exemple de Dun-sur-Auron, aujourd’hui méconnu, était déjà considéré à la veille de la Seconde Guerre mondiale comme une simple curiosité locale.
À l’origine des colonies familiales françaises : genèse d’une décision politique
3Qui s’intéresse à l’origine de la colonisation familiale en France est sans cesse confronté à la même histoire. En 1892, préoccupé par l’encombrement de plus en plus inquiétant de ses asiles, le département de la Seine confie à Auguste Marie le soin de réaliser en province le placement familial de malades chroniques et inoffensifs. La bourgade de Dun-sur-Auron est choisie pour expérimenter ce nouveau mode d’assistance, d’abord réservé aux femmes, non seulement plus nombreuses que les hommes dans les asiles mais aussi considérées comme plus faciles à encadrer. Dépassant rapidement les réticences des habitants, le docteur Marie remporte un véritable succès et, dès 1900, une annexe de la colonie, qui avait été ouverte à quelques kilomètres de Dun pour recevoir les malades hommes, prend son autonomie. Dès lors, il existe deux colonies familiales en France, gérées par le département de la Seine. En livrant invariablement le récit qui vient d’être résumé, les sources laissent néanmoins de nombreuses questions en suspens. Pourquoi avoir attendu 1892 pour prendre la décision d’installer une colonie familiale alors que les débats sur ce type de placement débutent en France plus de vingt ans auparavant ? Pourquoi avoir choisi d’implanter cette colonie dans le Cher, à Dun-sur-Auron ? Qui, outre le docteur Marie, est à l’origine de cette expérience et quels ont été les arguments avancés pour parvenir à convaincre le département de se lancer dans une telle aventure ?
4Répondre à ces questions nécessite de déconstruire le récit naturalisant qui vient d’être exposé pour comprendre que la création de la colonie ne résulte pas seulement d’un projet médical mais aussi, et avant tout, d’une décision politique. Il faut d’abord rappeler que l’augmentation rapide du nombre des internés et la surpopulation inquiétante des asiles français interrogent les pouvoirs publics bien avant 1892. Ainsi, le nombre des aliénés parisiens est passé de 2306 en 1836 à 3506 en 1856, puis à 4056 en 1860 [8]. À cette date, le département ne dispose toujours pas des asiles prescrits par la loi de 1838 et répartit ses malades entre les services de Bicêtre et de la Salpêtrière quand il ne les envoie pas en province. La construction d’asiles départementaux ne suffit pas à régler le problème puisque les quatre établissements qui ouvrent leurs portes entre 1867 et 1884 sont rapidement encombrés [9]. Il faut donc continuer à transférer de nombreux patients dans les asiles d’autres départements. Or les conseils généraux, chargés de fixer les tarifs, profitent de cette situation en imposant pour les patients de la Seine des prix supérieurs à ceux qu’ils appliquent à leurs propres malades.
5C’est dans ce contexte que débutent les débats sur le placement familial des aliénés. Plus de trente ans avant la création de Dun-sur-Auron, la Société médico-psychologique, qui réunit les médecins aliénistes français, décide de confier à une commission de spécialistes le soin d’évaluer l’exemple de la colonie belge installée à Gheel depuis le xviie siècle. Les grands noms de la psychiatrie française sont consultés sur le sujet, puis Jules Falret rédige un rapport concluant à l’inefficacité thérapeutique de la colonie. Il préconise d’annexer aux établissements pour aliénés des fermes agricoles où ils pourraient être traités, comme c’est le cas à l’asile privé de Clermont, situé dans l’Oise, qui fait alors figure d’établissement modèle. Le débat reprend en février 1862 lorsqu’Alexandre Brierre de Boismont rejette à son tour l’exemple de Gheel :
« d’un côté, rien de prêt, tout à créer, une expérience douteuse à faire, des dangers à redouter, de l’autre, des asiles nombreux et bien tenus où des milliers de malades sont humainement traités : ne sont-ce pas là des motifs suffisants pour faire ajourner la création d’un nouveau Gheel en France ? » [10]
7Ces discussions ont lieu alors que l’asile fait l’objet de critiques virulentes sous la plume d’écrivains, de journalistes et d’hommes politiques constituant un puissant mouvement anti-aliéniste. Pour les plus radicaux d’entre eux, l’exemple de Gheel est la seule alternative acceptable à l’asile d’aliénés. Attaqués, les aliénistes se divisent : quand certains décident de s’intéresser de près aux méthodes nouvelles développées à l’étranger, d’autres refusent toute réforme et défendent le modèle asilaire qui, censé protéger la société, leur garantit le monopole du traitement de la folie. Reconnaître son échec équivaudrait, pour ces derniers, à un aveu d’impuissance [11]. Or en 1880, un scandale vient fragiliser leur position et divise un peu plus la profession : à l’asile de Clermont, un malade est battu puis assassiné par l’un de ses gardiens, surveillant général d’une ferme. L’affaire discrédite l’établissement. Tandis que la presse réclame avec d’autant plus de vigueur la révision de la loi de 1838, une commission extra-parlementaire est chargée d’étudier la question de l’assistance aux aliénés. L’un de ses membres, le docteur Achille de Foville, inspecteur général des services administratifs au ministère de l’Intérieur, est envoyé à deux reprises en Angleterre et en Écosse pour observer comment y est réalisé le traitement des malades à la fois dans des asiles et dans des colonies [12]. Puis un projet de loi, déposé dès 1882 [13], fait l’objet au Sénat d’un rapport très détaillé dans lequel les parlementaires réclament l’établissement progressif d’une distinction entre, d’une part, des asiles destinés au traitement des maladies mentales et, d’autre part, des structures nouvelles consacrées aux aliénés incurables. Ces préconisations répondent ainsi au souhait formulé par les aliénistes qui, sommés d’expliquer le faible taux de guérison enregistré dans leurs établissements, affirment que l’encombrement des asiles est lié à l’accumulation de malades chroniques : occupant les lits, ces derniers empêcheraient les médecins de prendre en charge les malades aigus, encore curables. Cette interprétation satisfait alors autant les pouvoirs publics que la profession puisqu’elle évite de remettre directement en cause le système asilaire auquel la plupart des aliénistes restent, comme on l’a vu, très attachés. Sans réclamer une réforme radicale de l’assistance aux aliénés, les sénateurs, qui ont visité les colonies familiales écossaises sous la conduite du psychiatre parisien Gustave Bouchereau, invitent donc à réaliser de nouvelles études sur les expériences conduites à l’étranger. En effet, « la Commission estime qu’il faut tenir plus de compte qu’on ne l’a fait des résultats donnés chez des nations voisines par les établissements de type varié connus sous le nom d’asiles ouverts ou de colonies d’aliénés » [14].
8Cependant, faute de parvenir à un consensus, les débats sur la révision de la loi s’enlisent. Alors que la réforme ne semble pas pouvoir aboutir, seul le département de la Seine, où l’encombrement des asiles est particulièrement alarmant, s’intéresse de près aux recommandations du Sénat. Le conseil général, qui ne peut envisager de recourir à des fermes annexées aux asiles existants faute de terrains disponibles, a déjà pour habitude de placer les enfants de l’Assistance publique en province, chez des nourrices. Il s’est par ailleurs penché depuis plusieurs années sur l’exemple des colonies familiales et, en son sein, quelques hommes en sont de fervents promoteurs. Ainsi, dès 1882, une bourse de voyage est octroyée à Marcel Briand, jeune interne et futur médecin-chef de l’asile de Villejuif, pour étudier les colonies familiales écossaises. En 1889, Charles Féré, médecin de Bicêtre, publie une étude destinée à vulgariser les connaissances sur le placement familial des aliénés. En 1890, une nouvelle bourse de voyage est attribuée à Auguste Marie, médaillé d’or des internes de la Seine. Encouragé par Gustave Bouchereau, qui a été son maître à l’asile Sainte-Anne, Marie décide à son tour de consacrer sa mission médicale au placement familial des aliénés en Écosse [15]. La même année, Louis Deschamps et Georges Berry, tous deux membres de la 3e commission chargée des questions relatives aux aliénés [16], se rendent à Gheel puis dressent un bilan très positif de leur visite [17]. À l’appui de tous ces travaux, le conseil général décide, en juillet 1891, d’attribuer à l’administration préfectorale les crédits nécessaires pour réaliser une étude sur le coût et les modalités d’organisation d’une colonie familiale.
9Une enquête, lancée dans les asiles du département, permet d’estimer que 623 malades atteints de démence sénile ou de retard mentaux pourraient, au lieu d’encombrer les asiles, bénéficier de ce nouveau dispositif d’assistance. Fort de ce résultat, le préfet, Eugène Poubelle, fait part du projet à Émile Loubet, ministre de l’Intérieur et président du Conseil, qui donne son aval en mai 1892 [18]. Dès lors, il ne reste plus qu’à obtenir l’assentiment du conseil général. Le 12 juillet 1892, Louis Deschamps soumet donc à ses collègues un projet de délibération [19]. Le compte rendu des débats montre que les avis sont partagés. Au sein de la 3e commission, Henri Rousselle s’oppose à la création d’une colonie, considérant que la prise de risque est trop importante : qui portera la responsabilité des incidents qui pourraient se produire ? Désiré Bourneville, médecin de Bicêtre, propose de favoriser l’envoi des malades en province où, contrairement à l’administration préfectorale, il affirme qu’il reste possible de trouver des places. L’argument financier est alors mis en avant : tout en se défendant d’en faire « la cause déterminante du projet », le sous-directeur des affaires départementales rappelle l’économie qu’il sera possible de réaliser en envoyant les malades dans une colonie [20]. Si un accord est finalement trouvé, les amendements au projet de délibération soumis par Louis Deschamps trahissent les réticences des conseillers généraux. Ceux-ci ont souhaité préciser que la colonie n’était créée qu’« à titre d’essai » et que les malades seraient « exclusivement choisis parmi les incurables inoffensifs ». La colonie, utilisée comme un moyen de débarrasser l’asile de ceux qu’on ne peut pas guérir, n’est donc absolument pas conçue comme un établissement de traitement. Elle ne s’adresse pas à tous les malades chroniques mais uniquement à ceux qui sont considérés comme relevant le moins de l’asile d’aliénés et dont l’état est d’emblée jugé comme synonyme d’incurabilité. Enfin, très prudents, les conseillers généraux ont également fait supprimer la formule « une première colonie », l’emploi de l’adjectif numéral laissant entendre que d’autres expériences similaires pourraient être tentées [21].
10Émile Loubet, ministre de l’Intérieur, joue alors un rôle essentiel. Il accepte tout d’abord de créer, toujours à titre d’essai, un poste de médecin-adjoint des asiles de la Seine chargé de la création d’une colonie. Auguste Marie, qui s’est distingué par son intérêt pour la question autant que par un parcours brillant [22], est désigné pour occuper ce poste. Jeune psychiatre, Marie accepte ainsi de partir vivre avec sa famille loin de Paris et de ses prestigieux asiles, mais aussi de se voir confier des malades chroniques, incurables, et donc sans intérêt aux yeux de ses confrères. Il incarne une nouvelle génération de médecins, refusant le statu quo, décidée à expérimenter de nouvelles pratiques thérapeutiques et prête à prendre des risques, notamment celui d’affronter une partie de la profession. Le docteur Bouchereau, qui lui apporte son soutien, crée à l’asile Sainte-Anne un quartier d’observation où sont placées les malades susceptibles d’être envoyées à la colonie [23].
11Reste à expliquer le choix de Dun-sur-Auron. Les recherches de l’administration préfectorale se sont initialement portées sur le Cher, la Creuse, l’Eure-et-Loir, l’Indre, l’Orne et les Vosges [24]. Dans ce dernier département, des malades internés jugés non dangereux ont déjà été placés dans des familles afin de réduire les dépenses consacrées aux aliénés. En 1861, on comptait ainsi 21 malades sortis non guéris de l’asile et accueillis par des « nourriciers » [25]. L’expérience avait néanmoins tourné court car, disséminés dans la campagne, les placements étaient difficiles à surveiller et certains abus auraient été constatés [26]. L’hypothèse d’installer une colonie dans ce département est d’ailleurs rapidement écartée par l’administration préfectorale qui juge les habitations trop pauvres, le climat trop froid et la nourriture insuffisante. Les autres départements ont été sélectionnés suivant plusieurs critères. Accessibles depuis Paris par les chemins de fer, il s’agit de régions rurales où l’habitat n’est pas trop dispersé et où les habitants sont susceptibles de rechercher de petits revenus complémentaires. L’administration prévoit en effet de ne verser qu’un seul franc par malade et par journée. Enfin, les départements qui accueillent des enfants assistés de la Seine sont écartés afin de ne pas créer de concurrence avec ce service et parce qu’on refuse de placer des aliénés au contact de jeunes garçons et filles [27].
12Suite à des visites organisées dans chaque département retenu, l’Eure-et-Loir et l’Indre sont éliminés, les habitants se montrant peu intéressés. L’Orne est elle aussi écartée afin de préserver la possibilité d’y développer l’accueil d’enfants assistés. Dans la Creuse, le prix de journée proposé par le département de la Seine est jugé insuffisant. C’est donc le Cher qui est choisi puis, au sein de ce département, la commune de Dun-sur-Auron [28]. Située à cinq heures et demie de train de Paris, les loyers y sont peu élevés et permettent d’installer une infirmerie sans trop de dépenses. Surtout, la population accueille favorablement le projet. Les mines de fer où les Dunois s’employaient autrefois ne sont plus exploitées, la crise du phylloxéra a durement frappé la culture de la vigne et les grands domaines agricoles ne suffisent pas à fournir assez de travail en dehors des périodes de moisson et de vendanges. Les autorités locales affirment d’ailleurs avoir rapidement réuni plusieurs dizaines de volontaires pour accueillir les premières malades de la colonie et, bien qu’il ne soit jamais nommé, il est probable que Joseph Vigouroux, ancien maire, médecin généraliste dont le fils est psychiatre, a joué un rôle important auprès des habitants pour les convaincre de tenter l’expérience [29].
13Enfin, un dernier facteur explique le choix du Cher et, plus précisément, celui de Dun-sur-Auron. Le préfet du département, Gaston Carle, est un ancien conseiller général de la Seine. Au fait de la situation dans la capitale, il est en outre à même de guider le choix de son collègue et lui déconseille d’installer la colonie à Vailly, localité qui réunissait pourtant plusieurs des critères exigés. Le conseiller général du canton, Louis Lefèvre, nourrit en effet de sévères préjugés contre les asiles parisiens [30]. Au contraire, Casimir Lesage, conseiller général élu dans le canton de Dun-sur-Auron, accueille la nouvelle avec enthousiasme. Il est vrai que l’installation de la colonie est susceptible d’avoir des retombées électorales : l’apport d’une nouvelle source de revenus mais aussi la modernisation de la ville, à laquelle le conseil général de la Seine affirme vouloir participer, font en effet partie des bénéfices annoncés. De fait, les travaux d’installation de l’infirmerie et d’aménagement des logements apportent du travail. La création de la colonie procure donc un certain renouveau économique à la bourgade, en même temps qu’elle bouleverse les principes de l’assistance aux aliénés.
Un changement de paradigme dans la psychiatrie française
14Il peut paraître évident que la création de la colonie familiale de Dun-sur-Auron a constitué une expérience novatrice : pour la première fois à cette échelle en France, des malades sont remis en liberté et confiés à des particuliers. Grâce aux sources qui permettent d’observer le fonctionnement quotidien de la colonie, on mesure cependant mieux l’ampleur de cette innovation dont le succès suscite un certain agacement dans la profession au sein de laquelle les partisans de l’asile voient d’un fort mauvais œil les réformes introduites par ceux qui refusent de s’en tenir au modèle traditionnel [31]. Auguste Marie est d’ailleurs contraint, à de multiples reprises, de justifier son action. En 1897, il se défend ainsi devant ses collègues réunis en congrès, leur affirmant : « je ne crois être un révolté et un subversif. J’ai pu passer, paraît-il, pour tel, par suite de je ne sais quel quiproquo. Mais je ne me crois point un anarchiste en assistance » [32].
15De fait, en dépit des consignes très contraignantes dictées par le conseil général de la Seine, la colonie qui commence à fonctionner à partir de décembre 1892 devient rapidement un laboratoire dans lequel tester des idées et des pratiques réformatrices. L’innovation se situe d’abord sur le plan légal. Dans les premières années qui suivent sa création, la colonie fonctionne totalement en marge de la loi du 30 juin 1838, pourtant censée encadrer très strictement l’assistance aux aliénés en France. La mise en place de la colonie suppose en effet de contourner cette loi « monument » dont la réforme par la voie parlementaire, si elle devait aboutir, aurait de toute façon peu de chances de déboucher sur la légalisation du placement familial, comme le signale Émile Loubet à Eugène Poubelle en mai 1891 [33]. Il faut donc inventer un statut exceptionnel pour ces malades qui ne peuvent pas être considérées comme transférées depuis l’asile où elles étaient internées, puisque cette procédure les maintiendrait sous le coup de la loi de 1838 alors que celle-ci ne reconnaît pas l’existence de la colonie. Or, hormis le transfert, la loi ne prévoit qu’une seule façon de sortir d’un asile : la remise en liberté pure et simple qui suppose, en principe, l’amélioration ou la guérison constatée par le médecin [34]. Mais, dès lors, rien n’oblige les malades placées à Dun-sur-Auron à rester à la colonie. La question est d’ailleurs soulevée par plusieurs membres du conseil général, inquiets de savoir qui pourra être tenu responsable d’un éventuel incident impliquant une malade qui quitterait Dun de son propre chef. Conscient du problème, le sous-directeur des affaires départementales affirme néanmoins que l’administration préfectorale assume les risques encourus [35] et accepte donc de prendre sous sa responsabilité un système qui ne repose sur aucune base légale. La situation perdure jusqu’en 1896, date à laquelle l’existence des colonies est finalement inscrite dans la loi de 1838 par arrêté ministériel [36]. Cette régularisation, qui constitue un moyen de régler l’épineuse question de la responsabilité des malades sans entraîner de réforme législative, permet en outre de mettre fin à une difficulté qui semble avoir été mal anticipée par les promoteurs de la colonie : n’étant plus considérées comme internées, les malades sont libres de gérer leurs biens comme elles l’entendent et ne le font pas toujours dans leur meilleur intérêt [37].
16L’inscription de la colonisation familiale dans la loi de 1838 est également favorable aux psychiatres qui se trouvent ainsi autorisés à étendre leur monopole sur le traitement de la folie en intervenant hors des asiles d’aliénés. En effet, le conseil général a choisi de bien distinguer la colonie du système asilaire. Il a d’ailleurs refusé la proposition du docteur Camuzet, ancien médecin-adjoint des asiles de la Seine devenu directeur de l’asile de Bonneval dans l’Eure, qui suggérait d’ouvrir la colonie à proximité de son établissement. Le modèle de la colonie annexe a donc clairement été écarté [38], autant que celui de l’asile fermé. À Dun-sur-Auron, les pensionnaires sont en effet entièrement libres de leurs mouvements dans la journée et ont pour seule obligation de rejoindre chaque soir le logement de leurs nourriciers. Toutefois, là n’est pas la principale innovation. En effet, parmi les malades chroniques et inoffensives placées à la colonie, beaucoup étaient déjà autorisées à se déplacer dans les établissements où elles étaient internées. Selon Antony Rodiet, le véritable changement pour ces patientes réside plutôt dans le confort et l’intimité dont elles bénéficient à la colonie. Chez leurs nourriciers, elles disposent par exemple d’une véritable chambre dont la propreté est régulièrement vérifiée par le médecin, alors qu’elles se contentaient d’un lit dans un dortoir lorsqu’elles étaient à l’asile [39]. Il leur est par ailleurs possible de garder leurs effets personnels et, si toutes les pensionnaires portent les vêtements confectionnés à la colonie, on cherche à varier les tissus ainsi que les formes des robes. Les malades, dont il s’agit de ne pas « souligner la condition » [40], sont libres d’agrémenter leur tenue comme elles le souhaitent. Contrairement aux règles qui s’appliquent aux internées, elles reçoivent et adressent leur courrier sans qu’un contrôle soit systématiquement exercé par les médecins ou les infirmiers. Le système du placement familial leur permet donc, dans une certaine mesure, d’avoir une vie privée. Il leur offre aussi la possibilité de retrouver une vie sociale, en prenant le contre-pied de la doctrine de l’isolement formulée par Jean-Étienne Esquirol, selon lequel le seul moyen de soigner des aliénés est de les placer hors de la société [41]. Les médecins des colonies familiales considèrent au contraire la vie en communauté comme un outil thérapeutique. Leurs malades vivent quotidiennement au contact des habitants et leurs familles sont invitées à venir à Dun-sur-Auron quand elles le souhaitent, alors que les visites n’ont lieu que certains jours et selon des horaires spécifiques dans les asiles.
17Plusieurs autres principes fondamentaux du fonctionnement asilaire sont également remis en cause par le placement familial. Au lieu de répartir les aliénées dans différents services selon leur comportement, les médecins regroupent chez les mêmes nourriciers des malades dont les attitudes s’opposent. Une femme agitée est par exemple placée avec une compagne apathique, dans l’espoir que cette association leur sera profitable. Par ailleurs, les malades peuvent travailler mais n’y sont jamais obligées. Certaines s’emploient régulièrement à divers travaux tandis que d’autres se contentent d’apporter de l’aide à leurs nourriciers au moment des repas puis se promènent et se rendent visite les unes aux autres. Une salle a d’ailleurs été aménagée au siège de la colonie pour favoriser ces réunions. Ces menues occupations, considérées comme une forme d’oisiveté à l’asile, possèdent au contraire des vertus thérapeutiques aux yeux des médecins de la colonie pour lesquels le simple fait de marcher dans le village constitue le signe d’une activité physique et intellectuelle plus bénéfique que les corvées d’épluchage et de blanchisserie habituellement confiées aux internées. Enfin, le fonctionnement de la colonie constitue une véritable entorse à la stricte séparation des sexes en vigueur à l’asile. Alors que la mixité n’a été officiellement introduite dans les hôpitaux psychiatriques qu’à partir de 1969, les femmes de la colonie familiale sont, dès 1892, en contact permanent avec des hommes, ne serait-ce que leurs nourriciers. Plus étonnant encore, Dun-sur-Auron accueille dès sa création à la fois des femmes et des hommes puisque quelques malades de sexe masculin sont envoyés à la colonie afin d’y prendre en charge des travaux d’entretien dont on considère qu’ils ne peuvent pas être assurés par des femmes. Cette mixité perdure même après l’ouverture d’une colonie pour hommes, en 1900 [42]. Deux ans plus tard, le docteur Marie indique dans un congrès qu’un couple de pensionnaires partage le même foyer. Il s’agit d’époux qui, après quatre années de séparation imposées par l’internement, ont pu reprendre leur vie commune à la colonie. Prudent, Marie ajoute que « leurs âges réunis donnent 140 ans » [43] : l’une des principales craintes suscitée par le placement familial est en effet de voir les colonies se transformer en « fabriques d’aliénés », comme l’avait pronostiqué Léonce Levraud, conseiller général de la Seine et médecin, en rappelant à ses collègues les « appétits génésiques » des malades internés [44]. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le placement familial a d’abord été réservé à des vieillards [45]. Pour démontrer que cette mixité ne pose pas problème, les médecins ne manquent donc jamais de souligner qu’aucun incident fâcheux n’est survenu [46].
18Dans chacun de leurs rapports, ces derniers soulignent également que les habitants se sont habitués à vivre avec les malades de la colonie. Si, dans les premiers temps, Auguste Marie s’efforçait de rendre la présence des pensionnaires aussi discrète que possible, Antony Rodiet n’hésite pas, en 1910, à faire planter des rosiers devant les maisons des nourriciers afin de les repérer plus aisément lors de ses tournées d’inspection. Lorsque ce dernier note avoir croisé une malade qui parlait à un arbre, qui promenait une poupée ou dont la tenue était particulièrement excentrique, il s’empresse d’ajouter à quel point ce spectacle est devenu banal pour les habitants de la région. Ce récit idyllique mérite cependant d’être nuancé, Rodiet reconnaissant lui-même que la cohabitation ne se fait pas toujours sans heurts. Une marquise qui vit dans les environs refuse de croiser des aliénées car elle est enceinte et pense que cela pourrait lui être néfaste. Le curé, agacé par une malade qui trouble l’office, demande un jour depuis sa chaire « quand donc toute cette engeance [aura] quitté le pays ». Le maire de Dun-sur-Auron lui-même, visitant l’infirmerie de la colonie, s’interroge : l’installation n’est pas un peu trop belle pour des aliénés ? Face aux difficultés, les médecins réagissent avec beaucoup de pragmatisme. Pour apaiser les tensions avec le prêtre, Rodiet lui rappelle que les malades brodent des nappes pour l’autel et aident à l’entretien de l’église. Une pensionnaire qui vole des fruits et les entasse dans sa chambre est placée à l’infirmerie jusqu’à l’automne, en attendant que les récoltes soient terminées. De manière générale, le comportement des malades est surveillé afin qu’aucun ne nuise à l’image de la colonie : c’est pour cette raison que Rodiet rappelle à l’ordre une femme qui, tous les dimanches, va s’attabler en terrasse d’un café. Les habitants l’accusant de vouloir « aguicher les bourgeois », elle est invitée à rester chez ses nourriciers [47].
19Les exemples de Dun-sur-Auron puis, à partir de 1900, celui d’Ainay-le-Château, semblent donc témoigner de la réussite du placement familial. En dépit de cet apparent succès, ils ne sont suivis dans aucun autre département.
Les colonies d’aliénés de la seine : une expérience sans lendemains ?
20De 1892 à 1914, le nombre de malades envoyées à Dun-sur-Auron ne cesse d’augmenter : il dépasse 500 en 1898 et s’élève jusqu’à 973 en 1911. En 1898, une annexe de la colonie a été ouverte à Levet [48] et de plus en plus de villages ou hameaux voisins demandent à recevoir des pensionnaires. Devant cette réussite, le conseil général de la Seine envisage d’élargir le système du placement familial, comme l’indique le docteur Paul Brousse, membre du Conseil municipal de Paris :
« Il ressort […] des débats qui ont lieu dans l’assemblée départementale que, sans se départir de la prudence indispensable en la matière, le conseil général verrait sans peine étendre les admissions à d’autres catégories de malades que les déments séniles, par exemple à certaines psychoses mélancoliques tardives et aux tranquilles convalescents » [49].
22Dès 1898, les docteurs Marie et Vigouroux font savoir que seuls 32 % des malades placées à Dun-sur-Auron sont atteintes de démence sénile [50]. Les autres souffrent de psychoses chroniques, de démences précoces ou de retards mentaux, pathologies qui, en principe, étaient exclues du placement familial. En conséquence, l’âge moyen des pensionnaires a considérablement diminué et, si l’on en croit le docteur Medici, chargé de l’annexe ouverte à Levet, plus aucune limite n’est imposée en la matière dès 1902. La colonie accueille même des enfants, telle cette petite fille souffrant d’épilepsie, placée dans une famille et scolarisée à Dun qui, selon Antony Rodiet, obtient son certificat d’études en 1909 [51]. Enfin, la colonie ne s’adresse plus uniquement à des vieillards déments, mais elle souhaite également accueillir des malades curables. Ainsi, tout en luttant auprès de la population locale contre le préjugé selon lequel folie est synonyme de danger, ces psychiatres s’efforcent de dissocier dans l’esprit de leurs collègues chronicité et incurabilité. Auguste Marie et tous ses successeurs revendiquent donc un rôle thérapeutique bien que la colonie ne soit pas considérée comme un établissement de traitement. À leurs yeux, les asiles produisent et entretiennent la chronicité tandis que la vie à la colonie permet aux malades de retrouver une part d’autonomie et une existence qui ne soit pas entièrement définie par leur pathologie.
23Le début des années 1900 est donc marqué par un véritable engouement pour le modèle des colonies. Pourtant, le département de la Seine fait figure d’exception. Dans sa thèse, publiée en 1902, le docteur Medici affirme certes que les Basses-Pyrénées, les Bouches du Rhône, le Loiret, le Nord, la Sarthe, la Vendée ou encore les Vosges ont l’intention d’ouvrir des colonies [52]. Cependant, une fois la question mise à l’étude, tous finissent par renoncer car si le prix de journée à Dun-sur-Auron reste inférieur à celui d’un asile de la Seine, il n’en va pas de même partout. Dans la Sarthe par exemple, on applique un tarif de 1 franc et 15 centimes par malade en 1911, contre 2 francs et 40 centimes dans la Seine [53]. Aussi, on n’y voit guère d’intérêt à développer le placement familial. Bien au contraire, priver les asiles de leurs malades les moins gravement atteints, et donc capables de travailler, pourrait faire perdre une source de revenus à ces établissements ce qui provoquerait mécaniquement une hausse du coût de l’internement. L’administration comme les psychiatres refusent donc de voir partir ces internés car le malade chronique constitue l’archétype du « bon patient » [54] :
« La plupart des malades, disent-ils, désignées sur la liste pour la colonie étaient, à leur arrivée à l’asile, agitées et difficiles. Actuellement, grâce à nos soins, les voilà calmes et elles travaillent. Au moment où nous espérons en tirer quelques bénéfices vous nous les enlevez » [55].
25Dans le département de la Seine lui-même, le tableau doit être nuancé car le nombre de malades ne paraît pas pouvoir continuer à augmenter indéfiniment. On craint d’une part de rompre l’équilibre entre la population locale et le nombre d’internés. Les médecins signalent dès 1903 les inquiétudes de certains habitants qui craignent que « les malades trop agglomérés finissent par modifier totalement l’aspect d’une ville ou d’un village » [56]. Ces appréhensions existent cependant depuis l’ouverture de la colonie et la stagnation des effectifs paraît plutôt trouver son origine dans des motifs financiers : il est en effet impossible d’envoyer de nouveaux malades sans embaucher plus de personnel pour surveiller les placements, ce qui occasionnerait des coûts supplémentaires. Par ailleurs, les conseillers généraux comme les médecins savent que les colonies ne pourront pas régler à elles seules le problème de l’encombrement des asiles. Tel n’était d’ailleurs pas le but des promoteurs du placement familial pour lesquels les colonies ne constituent qu’une pièce au sein d’un dispositif plus large visant à construire une vraie alternative à l’asile. C’est ce qu’indique, non sans un certain lyrisme, le docteur Paul Brousse dans la Revue municipale en décembre 1897 :
« La poussée du progrès entraîne les médecins de tendances arriérées les plus timides… Le département de la Seine et Paris marchent en tête. Nettement, on perçoit, dans la masse jadis organique de l’asile, les grandes lignes de l’être organisé nouveau, la clinique, l’hôpital, l’hospice, la colonie, l’outil se modifiant avec la division du travail, s’appropriant à la besogne diverse. Les jours de l’asile, de la garderie d’aliénés, sont comptés » [57].
27On ne peut donc pas comprendre la création des colonies et le développement limité qui a été le leur sans tenir compte de l’ensemble des projets qui voient le jour à la même époque. Parallèlement à l’ouverture de Dun-sur-Auron, certains psychiatres réclament la création dans les asiles de pavillons réservés aux malades en voie de guérison. Des expériences sont lancées en divers endroits, comme dans le Var où le docteur Belletrud tente de « faire suivre à l’aliéné un régime semblable à celui de la vie normale » [58] en donnant à l’asile l’apparence d’une petite ville, avec ses commerces, son salon de coiffure et son kiosque à journaux. Toutes ces initiatives sont portées par des médecins décidés à revoir en profondeur les modalités de l’assistance psychiatrique. Pour ces derniers, la réforme ne doit pas seulement concerner la prise en charge des aliénés chroniques, mais aussi celle des convalescents et des malades aigus. De plus, il ne s’agit pas seulement de favoriser la sortie des asiles mais aussi, en amont, d’éviter l’internement. Après avoir quitté Dun-sur-Auron pour l’asile de Villejuif, Marie s’investit au sein de la société de patronage des aliénés guéris de la Seine [59] et milite pour la création de services ouverts dans les asiles, où les malades seraient reçus sans être internés. Ses travaux sur cette question érigent à nouveau la Belgique et l’Écosse en modèles. En 1900, lors d’un congrès d’assistance organisé à Anvers, il vante les mérites de l’hôpital psychiatrique ouvert créé par son confrère le docteur Fritz Sano. En 1905, il rend compte dans La Presse médicale d’une visite à l’hôpital ouvert pour malades mentaux de Glasgow [60]. Au même moment, plusieurs psychiatres réalisent les premières hospitalisations de malades mentaux dans des services ouverts. C’est le cas d’Emmanuel Régis à Bordeaux, de Gilbert Ballet à Paris ou encore de Georges Raviart à Lille [61]. À partir de 1908, Marie lui-même collabore avec le docteur Caussade pour organiser à l’hôpital Tenon un service d’observation pour malades délirants [62]. La Première Guerre interrompt ces tentatives avant qu’elles aient eu le temps de se faire connaître.
28À Dun-sur-Auron, le conflit met provisoirement fin à la stagnation des effectifs en raison de l’évacuation des asiles de la Seine, décidée en catastrophe au mois de septembre 1914 face à l’avancée des troupes allemandes et afin de faire place au Service de santé militaire. Antony Rodiet accepte alors de recevoir dans l’urgence de nouveaux malades. La guerre constitue donc une opportunité de montrer que la colonie peut fonctionner avec plus de pensionnaires d’autant que, face aux pénuries et en raison du manque de bras, les volontaires ne manquent pas pour accueillir des patients. Toutefois Rodiet n’ignore pas qu’il court un risque : le moindre incident pourrait nuire gravement à la réputation de la colonie et donc à son avenir. Or les malades qui lui sont envoyés ont été sélectionnés dans l’urgence, sans toutes les précautions habituelles. De plus, l’augmentation du coût de la vie conduit les nourriciers à se montrer plus exigeants, voire revendicatifs, au sujet du prix de journée payé par le département. En 1915, des nourricières rédigent une pétition pour obtenir un meilleur tarif. Effrayé à l’idée que ce mouvement puisse déboucher sur la naissance d’un syndicat, Rodiet les menace de reprendre les malades qu’il leur a confiées [63].
29Pendant que ce dernier tente d’éviter une rébellion à Dun-sur-Auron, ses collègues mobilisés dans le Service de santé militaire s’appuient sur la nécessité de soigner de nombreux « blessés psychiques » pour faire aboutir les réformes réclamées depuis de longues années. Les soldats sont pris en charge dans des centres situés près de la ligne de feu et à l’arrière du front, sans être internés. Seuls ceux qui sont jugés dangereux ou incurables sont évacués vers les asiles d’aliénés. La guerre permet donc aux psychiatres d’expérimenter à grande échelle les services ouverts que défendaient Auguste Marie et ses collègues avant 1914 [64]. Une fois l’armistice signé, ces médecins reprennent leur mobilisation pour obtenir la mise en place de dispositifs similaires destinés aux malades civils. Le premier service ouvert, baptisé hôpital Henri Rousselle, est créé dans la Seine, sous l’égide d’Édouard Toulouse, proche collaborateur d’Auguste Marie [65]. Cet exemple monopolise l’attention durant l’entre-deux-guerres, reléguant celui des colonies familiales à l’arrière-plan. Rodiet et Marie ne rencontrent d’ailleurs guère de succès lorsqu’ils suggèrent de recourir au placement familial pour prendre en charge les anciens combattants atteints de maladies mentales légères [66]. En mai 1922, Paul Strauss, ministre de la Santé, tente bien de relancer l’expérience en invitant les préfets à mettre à l’étude la création de nouvelles colonies mais ses efforts sont vains. Dans le Rhône par exemple, les psychiatres de l’asile départemental, consultés par le conseil général, sont opposés à cette idée. Tout en soulignant le manque à gagner pour leur établissement, qui risquerait d’être privé de malades travailleurs, ils estiment que la priorité réside dans la prise en charge des malades aigus pour lesquels il convient justement d’éviter le basculement dans la chronicité. Jean Lépine, médecin-chef du service des hommes, milite alors pour l’ouverture d’un service ouvert et souhaite voir le maximum de crédits attribués à ce projet [67]. Désormais, s’il existe un dispositif innovant à imiter, ce ne sont plus les colonies familiales mais bien l’hôpital Henri Rousselle. Si le préfet parvient tout de même à faire transférer, à titre d’essai, trois malades de l’asile départemental à Dun-sur-Auron et Ainay-le-Château, ces trois patients sont bien vite oubliés : tous meurent à la colonie sans que leur décès ne suscite de réaction particulière, ni de la part de la direction de l’asile, ni de la part du conseil général qui a abandonné l’idée de pratiquer dans le Rhône le placement familial [68].
30Le département de la Seine lui-même manifeste de moins en moins d’intérêt pour ses colonies. En 1924, sur le conseil d’Auguste Marie, le conseil général accepte toutefois de tenter l’envoi d’aliénés convalescents dans une colonie installée à Lurcy-Lévy, dans l’Allier. Quatre ans plus tard, une centaine de malades seulement y a été reçue et, dès 1929, il est décidé de transformer l’institution en colonie de vacances [69]. La difficulté à recruter des malades tient à la fois aux réticences des médecins et aux critères de sélection devenus de plus en plus sévères. Ainsi, en 1925, lorsque le conseil général du Rhône envisage d’envoyer à titre expérimental trois de ses malades dans les colonies de Dun-sur-Auron et Ainay-le-Château, les consignes adressées par le service des aliénés de la Seine rendent l’opération presque impossible. La liste des malades « indésirables » est en effet plus que décourageante :
« Les épileptiques, les demi-agités et les gâteux sont évidemment exclus […]. De même d’ailleurs les infirmes […] les suspects (à tort ou à raison) de contagion (maladies cutanées ou dégoûtants) cela va de soi. Les malades doivent naturellement être capables d’aller et venir sans trop de risques […]. Les vieillards sujets aux étourdissements ou trop impotents (à habiller, à boutonner, à assister aux cabinets) ne sont pas plaçables. […] Les pensionnaires doivent être recherchés de préférence parmi les délirants à réactions très amorties, silencieuses, parmi les résignés et éteints. Un minimum de 10 ans environ d’internement continu donne une bonne règle générale pour une première élimination » [70].
32On mesure là l’écart entre la position des médecins de la colonie – qui n’énoncent jamais de tels critères – et celle de l’administration, nettement plus frileuse : à la lecture de ce courrier, la boutade selon laquelle il serait plus difficile d’entrer à Dun qu’à Polytechnique prend tout son sens. Dans ce contexte déjà difficile, la crise économique qui frappe la France dans les années 1930 fragilise un peu plus un modèle dont la réussite tenait pour beaucoup aux avantages qu’il présentait sur le plan économique : face au coût de la vie, les nourriciers réclament régulièrement une hausse des tarifs, tandis que certains habitants estiment que les malades représentent une concurrence déloyale sur le marché du travail [71].
33En novembre 1943, le journal Le Matin publie le compte rendu d’une visite à Dun-sur-Auron. À cette époque, 1100 malades vivent chez des nourriciers. Le placement familial des aliénés est alors un dispositif mal connu, y compris des psychiatres [72]. L’article, qui décrit la colonie comme un lieu unique et étrange, porte d’ailleurs un titre évocateur : « Au village des folles en liberté » [73]. Considérées aujourd’hui encore comme une expérience restée marginale, les colonies familiales ont pourtant marqué une étape importante dans l’histoire de la psychiatrie en France. En prenant cette initiative inédite, les conseillers généraux de la Seine sont devenus d’importants promoteurs de la réforme de l’asile, et ce pour des raisons principalement économiques et non médicales ou professionnelles. Ainsi, il faut souligner à quel point le rôle de ces acteurs, souvent négligé par une historiographie qui a longtemps fait la part belle au point de vue des médecins, est crucial dans la définition des politiques et des dispositifs d’assistance aux aliénés. Par ailleurs, l’exemple des colonies familiales montre que la loi du 30 juin 1838 n’est pas aussi rigide et contraignante qu’on pourrait le croire. Dans la Seine, certains psychiatres, l’administration départementale et l’État lui-même n’ont pas attendu sa réforme pour agir. Or, si leur but était avant tout de réduire le coût de l’assistance aux aliénés et de désencombrer les asiles, l’expérience conduite à Dun-sur-Auron et Ainay-le-Château, loin de signifier un abandon des malades chroniques, a montré grâce aux efforts de médecins courageux que ces patients n’étaient pas obligatoirement des incurables destinés à finir leur vie enfermés.
34Tirant partie d’une situation a priori peu favorable, Auguste Marie et ses successeurs sont ainsi parvenus à initier au sein d’une profession réticente, car fragilisée par l’augmentation constante du nombre des malades et divisée face à des attaques répétées, une réflexion sur le sens de la chronicité et de la guérison qui s’est poursuivie bien après la Libération. En effet, quand bien même elles sont demeurées des exceptions, les colonies de Dun-sur-Auron et Ainay-le-Château ont continué à faire partie du dispositif d’assistance aux malades mentaux jusqu’à nos jours. Après la Seconde Guerre mondiale, la nouvelle génération de psychiatres qui cherchait, à son tour, à provoquer une réforme de l’assistance psychiatrique, continuait à penser que le placement familial était une solution pertinente. Les colonies sont d’ailleurs mentionnées dans le projet de révision de la loi de 1838 élaboré lors des Journées psychiatriques nationales de mars 1945 [74]. Depuis la mise en place de la politique de secteur, au début des années 1970, ces établissements possèdent le statut de centres hospitaliers et continuent à pratiquer ce que l’on appelle désormais l’accueil familial thérapeutique.
Mots-clés éditeurs : xx, e, -, siècles, assistance psychiatrique, modes et pratiques de soin en psychiatrie, xix, France, action publique
Date de mise en ligne : 24/03/2020
https://doi.org/10.3917/rhmc.671.0024Notes
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[1]
Jean Bobé, dans sa thèse de médecine, évoque trois transferts, les 17, 22 et 27 décembre 1892 : Les Colonies familiales d’aliénés, assistance et réglementation, Paris, Legrand, 1933.
-
[2]
La loi du 10 juillet 1989 réglemente « l’accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes ». Voir Journal officiel de la République française, loi n° 89-475 publiée le 12 juillet 1989.
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[3]
Les historiens de la psychiatrie ont consacré plusieurs travaux à d’autres dispositifs de prise en charge hors des asiles mis en place, pour la plupart, dans la deuxième moitié du xxe siècle : Isabelle von Bueltzingsloewen, « D’un lieu de vie à un lieu de soins ? Les transformations du recours à l’hôpital psychiatrique dans la France de l’après-guerre (1945-1960) », in Marcel Sassolas (éd.), Quels toits pour soigner les personnes souffrant de troubles psychotiques ?, Toulouse, Érès, 2012, p. 13-24 ; Nicolas Henckes, « Le Nouveau Monde de la psychiatrie française. Les psychiatres, l’État et la réforme des hôpitaux psychiatriques de l’après-guerre aux années 1970, thèse, Paris » EHESS, 2007. Les travaux sur les colonies familiales sont beaucoup plus rares : Aude Fauvel, « Les fous en liberté. La naissance des “colonies familiales” de la Seine », Revue de la Société française d’histoire des hôpitaux, 136, 2009, p. 16-22 ; Denise Jodelet, Folies et représentations sociales, Paris, PUF, 1969 ; Juliette Rigondet, Un Village pour aliénés tranquilles, Paris, Fayard, 2019.
-
[4]
Thomas Mueller, « Le placement familial des aliénés en France et en Allemagne, le Dr Mundy et l’Exposition universelle de 1867 », Romantisme. Revue du dix-neuvième siècle, 141, 2008, p. 37-50 ; Id., « Community Spaces and Psychiatric Family Care in Belgium, France and Germany. A Comparative Study », in Leslie Topp, James Moran et Jonathan Andrews (éd.), Madness, Architecture and the Built Environment : Psychiatric Spaces in Historical Context, Londres, Routledge, 2007, p. 171-189.
-
[5]
La loi du 30 juin 1838 encadre l’assistance aux aliénés en France. Elle impose à tous les départements d’organiser le placement et le traitement des malades mentaux indigents nés ou résidant sur leur territoire, soit en construisant un asile, soit en concluant un accord avec un établissement privé ou relevant d’un autre département.
-
[6]
Cet article s’inscrit ainsi dans la lignée des travaux récents qui ont renouvelé l’histoire des politiques d’assistance aux aliénés et de la médicalisation de la folie en s’appuyant sur les archives asilaires : I. von Bueltzingsloewen, « Réalité et perspectives de la médicalisation de la folie dans la France de l’entre-deux-guerres », Genèses, 82, 2011, p. 52-74 ; A. Fauvel, « Témoins aliénés et “Bastilles modernes” : une histoire politique, sociale et culturelle des asiles en France (1800-1914) », thèse, Paris, EHESS, 2005 ; Laurence Guignard, Hervé Guillemain, Stéphane Tison (éd.), Expériences de la folie. Criminels, soldats, patients en psychiatrie (xixe-xxe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013 ; Benoît Majerus, Parmi les fous. Une histoire sociale de la psychiatrie au xxe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
-
[7]
Antony Rodiet, « De la situation actuelle et de l’extension future de l’Assistance familiale des aliénés en France », 1910 ; « Le désencombrement des asiles d’aliénés du département de la Seine et les Colonies familiales », 1914 ; « L’assistance familiale aux « Aliénés » pendant la guerre », 1916. Le troisième manuscrit, qui porte sur la vie de la colonie durant le premier conflit mondial, prend la forme d’un journal intime. J’adresse tous mes remerciements à Jérôme van Wijland, directeur de la bibliothèque de l’Académie de médecine, pour son aide dans l’exploitation de ces sources.
-
[8]
Michel Caire, « Contribution à l’histoire de l’hôpital Sainte-Anne (Paris) : des origines au début du xxe siècle », thèse, Paris, Université Paris V, Cochin-Port-Royal, 1981, p. 25.
-
[9]
Quatre établissements ouvrent leurs portes : l’asile Sainte Anne en 1867, Ville-Évrard en 1868, Vaucluse en 1869 et Villejuif en 1884.
-
[10]
Société médico-psychologique, séance du 24 février 1862, Annales médico-psychologiques, 8, 1862, p. 504.
-
[11]
A. Fauvel, « Témoins aliénés… », op. cit., en particulier les p. 171 à 183 qui portent sur la polémique déclenchée par l’exemple de Gheel.
-
[12]
Achille de Foville, La Législation relative aux aliénés en Angleterre et en Écosse, Paris, J.-P. Baillière et fils, 1885.
-
[13]
A. Fauvel, « Le crime de Clermont et la remise en cause des asiles en 1880 », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 49-1, 2002, p. 195-216.
-
[14]
Théophile Roussel, Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner le projet de loi portant révision de la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés, annexe n° 157, t. 1, session 1884, p. 34.
-
[15]
Auguste Marie, L’Assistance des aliénés en Écosse, Paris, Librairies-Imprimeries réunies, 1892.
-
[16]
Le premier est médecin, le second dirige plusieurs sociétés de bienfaisance et a été chargé par le gouvernement, en 1881, d’enquêter sur les œuvres d’assistance en Angleterre, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne.
-
[17]
Paul Brousse, Note sur l’assistance familiale des aliénés, Rouen, Imprimerie Cagnard, 1898, p. 8-9.
-
[18]
Archives de Paris, D2 N1111 : lettre du ministre de l’Intérieur au préfet de la Seine le 2 mai 1892.
-
[19]
« Le service des aliénés d’Écosse jugé par un conseiller général de la Seine », Annales médico-psychologiques, 16, 1892, p. 504-505.
-
[20]
Bulletin municipal officiel, 13 juillet 1892, p. 1719.
-
[21]
Archives de Paris, D2 N1111 : conseil général de la Seine, projet de délibération relatif à la création d’une colonie de déments séniles à Dun-sur-Auron, 12 juillet 1892.
-
[22]
Ancien interne des hôpitaux de Grenoble, prosecteur à l’école de médecine, Auguste Marie reçoit une médaille du ministère pour son dévouement lors d’une épidémie de scarlatine et diphtérie. Il poursuit ses études à Paris comme externe des hôpitaux. En 1888, il est nommé interne des asiles de la Seine. Classé deuxième au concours des médecins-adjoints du département, il est également reçu comme aide de clinique à l’hôpital des Quinze-Vingts où il complète sa formation en ophtalmologie. Marie remporte le prix Esquirol en 1890 puis le prix Belhomme en 1891. Voir Docteur Auguste Marie (1865-1934), Paris, J. Peyronnet, 1934.
-
[23]
A. Marie, « Note historique sur la colonisation familiale de la Seine », Congrès international de l’assistance des aliénés et spécialement de leur assistance familiale, Rapports et compte-rendu des séances, Paris, Librairie du Progrès Médical, 1903, p. 1.
-
[24]
Conseil général du département de la Seine, 2e et 3e sessions de 1891, Mémoires de M. le préfet de la Seine et de M. le préfet de police, Paris, Imprimerie nationale, 1891, p. 533-551.
-
[25]
Conseil général des Vosges, rapports et délibérations, Épinal, Conseil général des Vosges, 1869, p. 418-419.
-
[26]
Louis Pornain, Assistance et traitement des idiots, imbéciles, débiles, dégénérés amoraux, crétins, épileptiques adultes et enfants, Paris, F. Alcan, 1900, p. 11.
-
[27]
En 1886, le département de la Seine n’envoie aucun enfant dans le Cher, la Creuse, l’Indre, l’Eure et Loir et les Vosges. Voir Rachel Fuchs, Abandoned Children. Foundlings and Child Welfare in Nineteenth-Century France, Albany, State University of New York Press, 1984, p. 174. Dans l’Orne, qui reçoit environ 1 000 enfants, les recherches se focalisent sur la circonscription de Bellême qui n’en accueille que très peu.
-
[28]
Le fait que le département du Cher possède un asile d’aliénés, à la différence de la Creuse ou de l’Indre, ne semble pas avoir constitué un argument décisif. Une convention est certes signée avec cet établissement afin de pouvoir y évacuer les malades qui ne s’adapteraient pas à la vie en colonie, mais celle-ci date de février 1893 seulement. A. Marie, « Note historique sur la colonisation familiale de la Seine », Congrès international…, op. cit., p. 1.
-
[29]
Auguste Vigouroux rejoint d’ailleurs la colonie dès 1898 en tant que médecin-adjoint. Dictionnaire biographique du Cher, Paris, Flammarion, 1900, p. 351.
-
[30]
En 1893, alors que le conseil général de la Seine souhaite transférer des malades à l’asile du Cher, Lefèvre s’y oppose, refusant de mettre l’établissement « en communications fréquentes avec tous les asiles de Paris qui sont de véritables foyers d’infection ». Archives départementales du Cher, 1 X 268 : rapports du conseil général, séance du 11 avril 1893, .
-
[31]
Auguste Marie se rattache en effet au petit groupe des psychiatres réformateurs qui, tels Florentin Pactet, Henri Colin et Édouard Toulouse, prônent notamment l’abandon des moyens de contention et de l’isolement. Leurs initiatives sont évoquées dans la troisième partie de cet article.
-
[32]
Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française, Paris, Masson, 1897-1898, p. 521.
-
[33]
Archives de Paris, D2 N1111 : lettre du ministre de l’Intérieur au préfet de la Seine le 2 mai 1892.
-
[34]
Cette règle s’applique pour les placements d’office. Dans le cas des placements volontaires, très rares à cette époque, les malades peuvent sortir à la demande d’un parent ou, le cas échéant, de leur tuteur.
-
[35]
Bulletin municipal officiel, 13 juillet 1892, p. 1720.
-
[36]
Arrêté ministériel du 28 février 1892, cité par Auguste Vigouroux, « Assistance des aliénés. Colonie familiale de Dun-sur-Auron », La Presse médicale, 73, 3 septembre 1898, p. 72.
-
[37]
Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française, Paris, Masson, 1897, p. 178.
-
[38]
L’asile de Beauregard à Bourges se situe à 27 kilomètres de la colonie de Dun-sur-Auron.
-
[39]
Les malades qui en ont les moyens peuvent être placés dans des bâtiments spéciaux, appelés pensionnats, lorsque les asiles en possèdent. À la colonie, le traitement reçu dépend également du statut social des malades. Les nourriciers choisis doivent être « le plus en rapport d’éducation ou de milieu » avec chaque pensionnaire. Auguste Vigouroux, « Assistance des aliénés… », art. cit., p. 72.
-
[40]
Préfecture de la Seine, Commission de surveillance des asiles publics d’aliénés de la Seine. Procès-verbaux des séances de l’année 1923, Paris, Imprimerie nouvelle, 1924, p. 85.
-
[41]
Jean-Étienne Esquirol, Question médico-légale sur l’isolement des aliénés. Mémoire présenté à l’Institut le 1er octobre 1832, Paris, Librairie médicale de Crochard, 1832.
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[42]
Il est d’ailleurs décidé de placer à la colonie pour hommes une quinzaine de femmes qui s’occuperont d’un atelier de couture. Jean Bobé, « Les colonies familiales… », thèse citée, p. 128.
-
[43]
A. Marie, « Note historique sur la colonisation familiale de la Seine », Congrès international d’assistance des aliénés, Rapports et communications, Anvers, De nederlandsche Boekhandel, 1903, p. 22.
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[44]
Bulletin municipal officiel, 13 juillet 1892, p. 1 720.
-
[45]
A. Rodiet, « Des inconvénients, imperfections et dangers des colonies familiales d’aliénés », Annales médico-psychologiques, 3, 1913, p. 437.
-
[46]
Entre 1892 et 1920, on compte tout de même deux naissances à la colonie. A. Rodiet, « L’Assistance familiale… », mss. cit., p. 322-323.
-
[47]
Ibidem, p. 113, p. 64-65, p. 125, p. 179, p. 123, p. 198.
-
[48]
Medici, « L’assistance familiale des aliénés de la colonie de la Seine à Levet (Cher) », thèse, Paris, Faculté de Paris, 1902.
-
[49]
P. Brousse, Note sur…, op. cit., p. 3-4.
-
[50]
A. Marie, Auguste Vigouroux, « Sur la colonisation familiale et les malades qui peuvent en bénéficier », Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des Pays de langue française, Lachèse et Cie, Angers, 1899, p. 540-560.
-
[51]
A. Rodiet, « De la situation actuelle… », mss. cit., p. 256.
-
[52]
Medici, L’Assistance familiale…, op. cit., p. 14.
-
[53]
Rapports et délibérations. Conseil général de la Sarthe, Le Mans, Conseil général de la Sarthe, 1910, p. 523.
-
[54]
H. Guillemain, « La fonction du “bon patient” dans l’institution psychiatrique (1910-1970) », in L. Guignard, H. Guillemain, S. Tison (éd.), Expériences de la folie…, op. cit., p. 241-250.
-
[55]
J. Bobé, Les Colonies…, op. cit., p. 130.
-
[56]
D. Jodelet, Folie et représentations…, op. cit., p. 59.
-
[57]
Le docteur Paul Brousse est cité dans Medici, L’Assistance familiale…, op. cit., p. 17.
-
[58]
Dr Belletrud, « Le régime de la vie normale à l’hôpital des maladies mentales du Var », Revue de psychiatrie, 1905, p. 237-252.
-
[59]
Voir par exemple A. Marie, Jules Voisin, « Patronage des aliénés guéris », Congrès international de l’assistance des aliénés. Rapports et communications, Vienne, Franz Doll, 1908, p. 211-213.
-
[60]
A. Marie, « L’hôpital ouvert pour l’observation des aliénés de Glasgow », La Presse médicale, 49, 1907, p. 393-395.
-
[61]
Emmanuel Régis, « Les délirants des hôpitaux. Leur assistance, leur utilité du point de vue de l’enseignement », La Presse médicale, 73, 1903, p. 645-648 ; Gilbert Ballet, « Le service des délirants de l’Hôtel-Dieu », La Presse médicale, 56, 1905, p. 441-444. À partir de 1912, la clinique d’Esquermes dirigée par le docteur Georges Raviart admet, à titre d’observation et sans arrêté préfectoral de placement, des patients atteints de maladies mentales.
-
[62]
A. Marie, La Réforme de l’assistance aux aliénés, Paris, Éditions médicales, 1928, p. 105-106.
-
[63]
A. Rodiet, « L’assistance familiale… », mss. cit., p. 250.
-
[64]
H. Guillemain, S. Tison, Du Front à l’asile, 1914-1918, Paris, Alma, 2013 ; Marie Derrien, « “La tête en capilotade”. Les soldats de la Grande Guerre internés dans les hôpitaux psychiatriques français (1914-1980) », thèse, Lyon 2, 2015.
-
[65]
I. von Bueltzingsloewen, « Quel(s) malade(s) pour quel asile ? Le débat sur l’internement psychiatrique dans l’entre-deux-guerres », in L. Guignard, H. Guillemain, S. Tison (éd.), Expériences de la folie…, op. cit., p. 263-274.
-
[66]
A. Rodiet, A. Marie, Paul Fleurot, « Comment secourir les éprouvés de la guerre ? », L’Assistance, 1920 ; A. Rodiet, « Le moyen de refaire une famille aux éprouvés de la guerre isolés », Le Progrès médical, 16, 1924, p. 255.
-
[67]
Archives départementales du Rhône (désormais AD 69), centre hospitalier Le Vinatier, colonies familiales, H Dépôt Vinatier L 57.
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[68]
Les dossiers établis à l’asile de Bron pour ces trois malades, Thérèse I., Marie-Françoise T. et Jacques S., sont disponibles aux archives départementales du Rhône (HDepot Vinatier, Q 697, 928 et 1062). Ceux qui ont été ouverts pour les deux femmes à la colonie de Dun-sur-Auron nous ont été aimablement communiqués par le service des archives du centre hospitalier Georges Sand.
-
[69]
Résolution relative à la transformation de la colonie familiale de Lurcy-Lévy, Bulletin municipal officiel de Paris, 5 mai 1929, p. 2393.
-
[70]
AD 69, centre hospitalier Le Vinatier, lettre du directeur des affaires départementales de la Seine au directeur de l’asile de Bron, 21 mars 1925, H Dépôt Vinatier L 57.
-
[71]
Archives départementales de l’Allier, 1 X 6 : plainte adressée au directeur de la colonie d’Ainay-le-Château par un syndicat d’ouvriers agricoles et forestiers, 1937.
-
[72]
Comme le déplore Jacques Vié, médecin-directeur à Ainay-le-Château, qui tente de faire connaître les colonies familiales à ses collègues. Jacques Vié, « Le placement familial des aliénés et des psychopathes. Sa portée médicale et sociale », Annales médico-psychologiques, 1, 1941, p. 1-31.
-
[73]
Alice Vermont, « Au village des folles en liberté », Le Matin, 10 novembre 1943, p. 1 et 3.
-
[74]
N. Henckes, « Le nouveau monde… », op. cit., p. 175.