Couverture de RHMC_663

Article de revue

Pépinières coloniales : de la valeur des plantes des jardins botaniques au XIXe siècle

Pages 81 à 102

Notes

  • [1]
    Voir notamment Richard Drayton, Nature’s Government. Science, Imperial Britain, and the « Improvement » of the World, New Haven, Yale University Press, 2000 ; Ray Desmond, Kew. The History of the Royal Botanic Gardens, Londres, Harvill Press, 1998. Pour le cas français, on consultera Christophe Bonneuil, Mina Kleiche, Du jardin d’essai à la station expérimentale, 1880-1930. Éléments pour une histoire du CIRAD, Montpellier, CIRAD, 1993 ; Michael A. Osborne, « The System of Colonial Gardens and the Exploitation of French Algeria, 1830-1852 », Proceedings of the Meeting of the French Colonial Historical Society, 8, 1985, p. 160-168.
  • [2]
    Pour prendre le nom alors à la mode de « jardin d’acclimatation ». Mais il restera dans le langage commun le plus souvent désigné par son premier nom, celui de 1832, à savoir « jardin d’Essai ».
  • [3]
    Le catalogue du jardin de Calcutta publié en 1845 s’adresse explicitement, et notamment, aux « native gardeners » : A Catalogue of the Plants which have been Cultivated in the Hon. East India Company’s Botanical Garden, Calcutta, and the Serampore Botanical Gardens, Generally Known as Dr Carey’s Garden, from the Beginning of Both Establishments (1786 and 1800) to the End of August 1841, Calcutta, Bishop’s collec Pree, 1841.
  • [4]
    Auguste Chevalier, Catalogue des plantes du jardin botanique de Saïgon, Saïgon, Institut scientifique de l’Indochine, 1919.
  • [5]
    Catalogue of the Plants under Cultivation in the Botanical Gardens, Straits settlements, Singapour, Government Printing Office, 1879.
  • [6]
    Catalogue des plantes du parc colonial et du jardin botanique et d’acclimatation du gouvernement à Pondichéry, Pondichéry, Imprimerie du gouvernement, 1872.
  • [7]
    John Cameron, Catalogue of Plants in the Botanical Garden, Bangalore and its Vicinity, Bangalore, Mysore Government Central Press, 1880.
  • [8]
    L’objet frontière est ici celui défini par Star et Griesemer, une entité qui sert d’interface entre des mondes sociaux et des acteurs qui poursuivent des objectifs différents : S. L. Star, J. R. Griesemer, « Écologie institutionnelle, “traductions” et objets frontières : des amateurs et des professionnels au musée de zoologie vertébrée de Berkeley, 1907-1939 », in Bernard Lahire, C. Rosental (éd.), La Cognition au prisme des sciences sociales, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2008, p. 233-276.
  • [9]
    Adrian P. Thomas, « The Establishment of Calcutta Botanic Garden : Plant Tranfer, Science and the East India Company, 1786-1806 », Journal of the Royal Asiatic Society, 16-2, 2006, p. 165-177.
  • [10]
    Duncan Taylor, « Botanical Gardens and their Role in the Political Economy of Empire : Jamaïca (1846-1886) », Rural History, 28-1, 2017, p. 47-68.
  • [11]
    A. Chevalier, Catalogue des plantes…, op. cit.
  • [12]
    Max Bourke, « Trees on Trials : Economic Arboreta in Australia », Garden History, 35, 2007, p. 217-226.
  • [13]
    Il ne s’agit pas ici de reprendre le modèle diffusionniste de George Basalla, opposant un centre métropolitain à ses colonies, mais de souligner l’indépendance des pratiques de terrain. Voir George Basalla, « The Spread of Western Science », Science, 156-3775, 1967, p. 611-622 ; Roy Macleod, « On Visiting the “Moving Metropolis” : Reflections on the Architecture of Imperial Science », Historical Records of Australian Science, 5-3, 1982, p. 1-16.
  • [14]
    Fae Dussart, Alan Lester, Colonization and the Origins of Humanitarian Governance. Protecting Aborigines across the Nineteenth-Century British Empire, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.
  • [15]
    La caisse inventée par le docteur Ward permet aux plantes, grâce à l’utilisation du verre, de recevoir la lumière tout en étant protégées de l’eau et du sel marin lors des traversées maritimes. Elle est utilisée systématiquement à Kew à partir de 1847. Le docteur Ward a publié en 1842 un ouvrage qui permet à son invention d’être diffusée : On the Growth on Plants in Closely Glazed Cases.
  • [16]
    Sarah Easterby-Smith, Cultivating Commerce. Culture of Botany in Britain and France, 1760-1815, Cambridge, Cambridge University Press, 2017.
  • [17]
    Jardin du Hamma (près d’Alger). Végétaux et graine, catalogue général no 3. 1874-1875, Alger, Société générale algérienne, 1875.
  • [18]
    Catalogue des végétaux et graines disponibles et mis en vente au jardin d’acclimatation au Hamma (près d’Alger) pendant l’automne 1865 et le printemps 1866, Alger, Bastide libraire-éditeur, 1865.
  • [19]
    Archives nationales du Vietnam, Hanoi, centre no 1 (désormais ANV), « Rapport à Monsieur le Résident supérieur du Tonkin, par Lafitan », Direction de l’agriculture, des forêts et du commerce de l’Indochine, 12 avril 1904.
  • [20]
    ANV, RST 38530, « Rondes nocturnes de police au jardin botanique de Hanoi », 1905.
  • [21]
    Archives départementales de La Réunion (désormais AD Réunion), 4T37, « Le chef du jardin botanique au gouverneur », 12 mars 1913.
  • [22]
    Jim Endersby, « A Garden Enclosed : Botanical Barter in Sydney, 1818-1939 », The British Journal for the History of Science, 33-3, 2000, p. 313-334.
  • [23]
    Archives nationales d’Outre-mer (désormais ANOM), 10/109, « Gouvernement général de l’Algérie », Aix-en-Provence.
  • [24]
    AD Réunion, T345-346, lettre de Berg au directeur de l’Intérieur, 4 septembre 1871.
  • [25]
    « 1er octobre 1901, Arrêté au sujet de la vente au public des produits du jardin d’essai de Camayen », Agriculture des pays chauds, 1901, p. 421.
  • [26]
    Melchior Treub, « Un jardin botanique tropical », Revue des Deux Mondes, 1829, p. 162-183, ici p. 177.
  • [27]
    Joseph Chailley-Bert, « L’institut botanique de Buitenzorg », Revue générale des sciences pures et appliquées, 30 mai 1898, p. 408.
  • [28]
    Donal P. Mccracken, Gardens of Empire. Botanical Institutions of the Victorian British Empire, Londres, Leicester University Press, 1997.
  • [29]
    Bulletin of Miscellaneous Information (Royal Botanic Gardens, Kew), 1895, 102-103, p. 164. Le rapport de l’administrateur du nouveau protectorat précise : « By my instructions, Mr Bilington (curator of the Station) has drawn up a very useful little pamphlet which has been translated into Efik, the native language of Old Calabar, and distribuited gratis to the chiefs in this river ». La politique d’encouragement aux cultures imposées est explicite : « To further encourage this industry, free gifts of young coffee plants are made to chiefs who will clear the ground for their reception, and as the plant does not bear until its fourth year, a small grant is made yearly ». L’administrateur du protectorat pense que lorsque les « natives » auront appris « the lessons taught by the botanic garden », les exportations vont augmenter rapidement.
  • [30]
    D. S. Jones, « The Waterfall’Botanic Garden on Pulau Pinang : the Foundations of the Penang Botanic Gardens 1884-1910 », Journal of the Malaysian Branch of the Royal Asiatic Society, 70-2 (273), 1997, p. 75-96.
  • [31]
    Duncan Taylor, « Botanical Gardens and their Role in the Political Economy of Empire : Jamaica, 1846-1886 », Rural History, 28-1, 2017, p. 47-68.
  • [32]
    Session ordinaire et extraordinaire du Conseil général, Martinique, Conseil général, Fort-de-France, Impr. du Gouvernement, 1896.
  • [33]
    Françoise Thésée, Le jardin botanique de Saint Pierre – Martinique 1803-1902, Paris, Éditions caribéennes, 1990.
  • [34]
    « Le jardin d’essai, communication faite par Ch. Rivière à la séance du 23 novembre 1906 », Bulletin de la réunion d’Études algériennes, 1906, p. 23.
  • [35]
    Colonisation de l’ex-régence d’Alger. Documents officiels déposés sur le bureau de la Chambre des députés… avec une carte de l’État d’Alger, Paris, L. G. Michaud, 1834.
  • [36]
    AD Réunion, 4T41, Séance du conseil général de l’île de la Réunion, 9 août 1871.
  • [37]
    AD Réunion, 2Q51, Lettre du directeur de l’Intérieur à l’inspecteur des domaines, 1848.
  • [38]
    A. Chevalier, Catalogue des plantes…, op. cit.
  • [39]
    Bulletin de la Société nationale d’acclimatation de France, A44, 1896, p. 23.
  • [40]
    ANOM, GGA, 10/108, Mémoire sur l’opportunité de réorganiser la pépinière centrale du gouvernement, 28 mars 1861.
  • [41]
    AD Réunion, 2PER14, Colonial Reports. Annual. Mauritius and Rodrigues, publié à Londres : « The governor has been pleased to reduce by half the price of all forest plants sold to the public, and the transport of planting material by rail is free to the public for orders exceeding 500 plants ».
  • [42]
    ANV, DAFCI, 134, « Rapport sur le fonctionnement du jardin botanique de Hanoi et du service de l’agriculture 1898-1911 ».
  • [43]
    ANV, « Service local de l’agriculture », no 6.
  • [44]
    ANV, RST 20451, « Rapport du directeur des services agricoles et commerciaux locaux au Résident supérieur au Tonkin sur le jardin botanique de Hanoi », 8 février 1918.
  • [45]
    Résidence générale de la République française à Tunis, Rapport au président de la République sur la situation de la Tunisie, Paris, Imprimerie nationale, Tunis, Imprimerie A. Guenard, 1894.
  • [46]
    « Afin de permettre à l’industrie horticole privée de se développer, un certain nombre de plantes ornementales qui avaient figuré jusqu’alors sur la liste des espèces mise en distribution n’ont pas été produite en 1901 par le jardin d’essai », Résidence générale de la République française à Tunis, Rapport au président de la République sur la situation de la Tunisie, Paris, Imprimerie Nationale/Tunis, Imprimerie A. Guenard, 1902.
  • [47]
    Résidence générale de la République française à Tunis, Rapport au président de la République sur la situation de la Tunisie, Paris, Imprimerie Nationale, Tunis, Imprimerie A. Guenard, 1914.
  • [48]
    Revue des cultures coloniales, 1-1, 1897, p. 27.
  • [49]
    Ibidem, 1-7, 1897, p. 247.
  • [50]
    Ibidem, 2-8, 1898, p. 14.
  • [51]
    Paul Carra, Maurice Guet, Le Jardin d’essai du Hamma, Alger, Impr. du Gouvernement, 1952.
  • [52]
    Bulletin du jardin colonial et des jardins d’essai des colonies, 7, 1907, p. 184.
  • [53]
    Bulletin of Miscellaneous Information (Royal Botanic Gardens, Kew), 153-154, 1899, p. 193.
  • [54]
    Susan K. Martin, « Apples for Appels : Garden Gifts, Plant Acquisition and Exchange in Nineteenth Century Australia », Garden History, 19-1, 2011, p. 109-123.
  • [55]
    Jagjeet Lally, « Trial, Error and Economic Development in Colonial Punjab : the Agri-Horticultural Society, the State and Sericulture Experiments, c. 1840-1870 », The Indian Economic and Social History Review, 52-1, 2015, p. 1-27.
  • [56]
    Bulletin of Miscellaneous Information (Royal Botanic Gardens, Kew), 1895 p. 49-53.
  • [57]
    ANOM, FM, SG, Réunion 466, Projet de règlement du jardin colonial d’acclimatation, 1863.
  • [58]
    Auguste Rivière, Le Jardin du Hamma et la société générale algérienne, Paris, Imprimerie horticole de E. Donnaud, 1872.
  • [59]
    Ibidem : « À Paris chez M. Auguste Rivière, boulevard Saint Michel, 64, et à Alger au jardin du Hamma, à M. Charles Rivière, sous-directeur ».
  • [60]
    Ibidem : « Les palmiers, auxquels la vogue est si justement acquise comme végétaux décoratifs, y réussissent d’une façon toute particulière », p. 5.
  • [61]
    Jardin du Hamma (près d’Alger). Végétaux et graines, catalogue général no 3, 1874-1875, Alger, Société générale Algérienne, 1875, p. 159.
  • [62]
    Ibidem, p. 16.
  • [63]
    Ibidem, p. 133.
  • [64]
    Catalogue des végétaux et graines disponibles et mis en vente au jardin d’acclimatation au Hamma (près d’Alger) pendant l’automne 1865 et le printemps 1866, Alger, Bastide libraire-éditeur, 1865, p. 25.
  • [65]
    Londa Schiebinger, Claudia Swan (éd.), Colonial Botany, Science, Commerce and Politics in the Early Modern World, Philadephie, University of Pennsylvania Press, 2007.

1 Maîtriser la nature et afficher cette maîtrise, reproduire les plantes et les diffuser sont des éléments essentiels du répertoire des gouvernements coloniaux. Ils utilisent pour cela des institutions spécifiques, les jardins botaniques, dont la grande majorité des colonies s'est vue dotée entre la fin du xviiie siècle et le début du xxe siècle.

2 Aux fonctions scientifiques, pédagogiques et divertissantes que remplissent ces jardins s’ajoute une dimension économique, révélatrice du gouvernement de et par la nature mis en œuvre à l’échelle impériale par les métropoles européennes. Les jardins botaniques coloniaux sont ainsi des lieux où s’organise un commerce des plantes à différentes échelles, allant du local à l’inter-impérial. Ce commerce, entendu ici comme l’organisation d’un système d’échange et de diffusion des plantes, sans être systématiquement lucratif, constitue un enjeu essentiel de la gouvernementalité coloniale, dans la mesure où il est une manière d’orienter le choix des espèces cultivées et de manifester la maîtrise de la nature. La gouvernementalité coloniale repose notamment en effet sur le contrôle et l’ordonnancement de la nature. Ces fonctions sont assignées aux jardins botaniques qui, dans cette logique, constituent des outils de ce pouvoir. Quel que soit leur statut administratif, d’ailleurs, ils sont étroitement liés aux gouvernements coloniaux. Directeurs et gouverneurs correspondent entre eux, et les choix commerciaux qui sont faits au jardin dépendent aussi des orientations politiques coloniales.

3 La circulation des plantes en contexte colonial a été bien étudiée par les historiens des sciences, notamment à l’échelle de l’empire britannique. De nombreux travaux ont ainsi montré l’importance des réseaux et des correspondances de botanistes, ainsi que le rôle central des directeurs de jardins botaniques dans ces échanges [1]. Lieux d’acclimatation des espèces et de recherche scientifique, espaces d’agrément pour les sociétés urbaines coloniales, les jardins sont également des pépinières destinées à fournir une colonie en semences diverses, en arbres, en plantes utiles et ornementales. Le terme de pépinière, ou de nursery dans l’empire britannique, désigne d’ailleurs explicitement certains jardins, ou certaines parties de jardins dans les colonies. Le jardin d’essai d’Alger porte ainsi le nom officiel de « pépinière centrale du gouvernement » de 1836 à 1861 [2]. Ce sont donc les jardins botaniques en tant que pépinières qui feront l’objet de cet article. Sans pouvoir prétendre à l’exhaustivité, nous évoquerons ici des exemples pris dans divers territoires coloniaux, relevant principalement de l’empire britannique et de l’empire colonial français. Toutes les colonies ont eu un jardin botanique, même éphémère, et le choix des exemples ici traités vise à porter le regard le plus large possible, en évoquant des colonies d’Asie, d’Afrique ou des Caraïbes, des colonies de « peuplement » comme des colonies plus directement tournées vers l’exploitation des ressources naturelles. Sans négliger les contextes locaux, ce regard global vise à rendre compte d’une pratique commune du gouvernement de la nature en situation coloniale.

4 L’attention portée au rôle de pépinière, qui justifie les investissements coloniaux dans la fondation des jardins, éclaire un pan de l’histoire coloniale, celui du gouvernement de la nature, considéré ici dans ses aspects très matériels. Plusieurs aspects de la mise en œuvre et du fonctionnement de ces jardins botaniques comme pépinières permettent en effet d’interroger la manière dont la nature est prise en main, domptée et multipliée, afin d’en tirer le meilleur parti. Il s’agit de prendre en compte la circulation d’objets particuliers (notamment par leur fragilité et leur valeur fluctuante) et les modalités de cette circulation (dons, échanges, ventes). À travers l’histoire du commerce des plantes, dans et hors de la colonie, et du rôle essentiel des jardins botaniques dans l’organisation de ce commerce, l’enjeu est d’interroger la manière dont ces lieux spécifiques et les acteurs qui y sont liés déterminent un marché, et participent finalement à une forme de gouvernance coloniale qui fait intervenir les autorités, les savants métropolitains, les agents locaux, mais aussi des marchands, des colons, des voleurs et de petits fermiers locaux. Considérer l’histoire des jardins botaniques à partir des questions que pose le commerce des plantes permet ainsi de mettre au jour un aspect méconnu de la domination coloniale.

5 Pour dresser une histoire des jardins botaniques en tant que pépinières (ce qui est une spécificité coloniale, puisque les jardins botaniques métropolitains ne pratiquent que très occasionnellement cette activité de vente), plusieurs types de sources peuvent être mobilisées. Le corpus utilisé ici repose principalement sur les catalogues de plantes produits par ces jardins, bien connus des spécialistes de l’histoire botanique, mais peu utilisés pour ce qu’ils disent des choix de diffusion, de l’affichage de prix de vente et des publics auxquels ils s’adressent. La mise en contexte de ce commerce implique aussi bien entendu de revenir sur les archives administratives des jardins, les correspondances des directeurs et les rapports réguliers que produit l’administration des jardins. L’enjeu est de rassembler la documentation qui met en avant les plantes des jardins botaniques comme objets d’un commerce bien particulier.

6 Les catalogues des jardins botaniques apparaissent comme des objets déterminant la circulation des végétaux, graines et plants à l’échelle de la colonie et au-delà. Ils contribuent aussi à dessiner une géographie des plantes utiles, révélatrice des enjeux économiques qui se jouent dans la circulation organisée des plantes. Ces éléments invitent alors à interroger les conditions de diffusion des plantes (gratuite ou payante, par exemple) et les choix politiques qui les déterminent et auxquelles cette diffusion fait écho.

Des jardins pépinières : diffuser et distribuer des plantes

Aux origines de la circulation des plantes : le « catalogue »

7 La publication de catalogues de plantes et de graines est l’une des activités essentielles des directeurs de jardins botaniques. À la fin du xviiie siècle, cette pratique permet d’afficher l’activité scientifique du jardin, sa richesse, et se révèle surtout être un outil de communication au sein des milieux savants. Les jardins botaniques s’enrichissent grâce aux botanistes et aux collecteurs de plantes, indépendants ou rattachés administrativement au jardin. Ils bénéficient aussi des échanges internationaux entre institutions similaires.

8 Pour que l’enrichissement des collections soit effectif, et afin d’éviter que le jardin ne reçoive des espèces déjà acclimatées, il faut faire savoir ce que l’on possède déjà. Publier un catalogue des collections et le rééditer régulièrement est au fondement du système de l’échange et de la circulation des plantes. En 1814, le directeur du jardin de Calcutta publie un catalogue, Hortus Bengalensis, qui engage les résidents britanniques du Bengale à collecter systématiquement, même s’ils ne sont pas botanistes, de nouvelles espèces afin d’enrichir le jardin. Dans la préface, l’auteur propose un vademecum à ces collecteurs putatifs afin qu’ils indiquent le nom de la plante, le lieu de sa cueillette, rappelant aussi les précautions à prendre pour l’envoi des plants. La méthodologie de la collecte accompagne la liste des richesses possédées, qui constitue le cœur du catalogue. Celui-ci apparaît ainsi comme un des lieux où se montre et s’institutionnalise la circulation des plantes à l’échelle de la colonie et au-delà.

9 Les catalogues sont généralement l’occasion de choix épistémologiques importants, concernant l’ordre de présentation des plantes du jardin (alphabétique, selon la classification du Jussieu ou celle de Linné…) ainsi que les langues utilisées pour désigner les plantes. Les choix, conscients et souvent justifiés dans les préfaces, disent aussi, au-delà des enjeux scientifiques, quelque chose du public auquel s’adressent ces catalogues, et donc de leur usage potentiel. Les noms locaux, quand ils sont connus, sont donc indiqués, essentiellement à destination des jardiniers, qui doivent pouvoir facilement aller chercher dans le jardin une plante qui leur serait réclamée par un acheteur ou un ayant droit. Les appellations locales, figurant souvent sur les étiquettes au pied des plants dans le jardin, doivent aussi permettre l’identification des plantes du jardin par ses ouvriers [3]. Le catalogue du jardin de Singapour, publié en 1879, contient ainsi une liste des noms malais des plantes, celui de Saïgon des noms « annamites » (vietnamiens). Dans ce dernier, l’auteur remercie son collaborateur « attaché depuis trente ans au jardin botanique de Saïgon, qui connaît l’emplacement affecté à chaque espèce, et qui nous a été de la plus grande utilité pour revoir les noms annamites cités dans ce catalogue » [4]. Dans le premier catalogue du jardin de Calcutta, de 1814, la page de garde liste les quinze langues vernaculaires utilisées pour désigner les plantes (repérées ensuite dans le catalogue par une série d’abréviations). Il s’agit moins là d’un affichage savant ou d’un désir d’exhaustivité par des botanistes ne maîtrisant qu’exceptionnellement les langues vernaculaires, que d’un souci pratique de communication avec les employés du jardin, permettant la circulation des plantes, dont des spécimens peuvent être envoyés à l’étranger, donnés ou vendus à des planteurs.

10 Au-delà de l’effet épistémologique recherché par leur mise en liste ou en tableau, l’aspect pratique de ces catalogues est manifeste. Certains sont pensés comme des « guide to residents » [5], au format adéquat pour que les visiteurs puissent les transporter et arpenter le jardin le guide à la main. Donner la liste des plantes disponibles est aussi une manière d’éviter de répondre à des demandes de plantes qui n’existent pas, souci constant des directeurs de jardins, submergés par une correspondance pleine de souhaits impossibles à satisfaire.

11 C’est enfin dans la logique d’un service distributif que sont élaborés ces catalogues : le terme d’échange (« exchange » ou « interchange » dans les sources britanniques) revient systématiquement dans les préfaces, échanges entre établissements, soit à l’échelle locale, soit à plus longue distance. Les référents peuvent varier en fonction de l’échelle, mais le catalogue est le même pour tous. À Pondichéry, « les demandes d’échanges devront être adressées, de la localité, au botaniste-agriculteur ; des pays éloignés, à M. le gouverneur des établissements français » [6], et le catalogue du jardin de Bangalore, en 1880, est rédigé afin de faciliter les échanges de plantes entre institutions apparentées « at home and abroad » [7].

12 Les catalogues de jardins botaniques semblent ainsi remplir un rôle d’objet frontière : ils sont à la fois des objets savants, des outils de vente, des recueils de conseils agricoles coloniaux, et réunissent des auteurs et des lecteurs issus de sphères très différentes [8]. Leur valeur et leur signification peuvent être interprétées en fonction des contextes de réception. Ils permettent d’analyser une communauté coloniale informelle, réunissant des amateurs et des professionnels : les directeurs de jardin, les savants, les jardiniers, les colons, les petits cultivateurs locaux, les marchands de plantes, les collecteurs. En ce sens, ils illustrent, dans toutes leurs différences formelles, la position spécifique des jardins entre science et commerce, au cœur d’enjeux coloniaux qu’il convient d’analyser.

Des plantes au service de l’utilité coloniale

13 Les jardins botaniques doivent avant tout servir l’acclimatation et la multiplication de certaines plantes dans la colonie. À l’origine, le jardin botanique de Calcutta, ouvert en 1787, vise, selon son fondateur Robert Kyd (1746-1793), le développement économique de l’Inde par l’acclimatation de plantes qui permettront d’en finir avec les famines récurrentes. Il appuie son argumentaire sur l’exemple du jardin de Pamplemousses, grâce auquel les Français ont réussi, estime-t-il, à développer les ressources de l’île Maurice [9].

14 L’utilité est pensée à la fois dans sa dimension « humanitaire », dans la logique du « fardeau de l’homme blanc », et dans une perspective de profit économique, l’un allant rarement sans l’autre en situation coloniale. À la Jamaïque, le premier jardin botanique, créé en 1774, joue un rôle important dans la distribution locale des plantes puisqu’avec la fin de l’économie de plantation, dans la première moitié du xixe siècle, il faut organiser un nouveau système d’exploitation de la nature [10]. Cent ans plus tard, le nouveau directeur, Morris, qui a vu les ravages de la maladie du café au jardin botanique de Peradeniya à Ceylan, où il était en poste auparavant, prône la diversification des cultures et distribue largement sur l’île (et gratuitement) de nombreuses plantes, dans l’espoir de convertir les planteurs à de nouvelles cultures. Le rôle prescripteur des jardins botaniques dans les choix agricoles qui sont faits par les métropoles pour les colonies est ainsi décisif et dessine un marché, dans la mesure où les plantes désignées comme les plus utiles pour la colonie deviennent des objets de valeur.

15 La double circulation des plantes, internationale et intra-coloniale, peut avoir des conséquences sur la publicité des collections, et donc la présentation des catalogues. Auguste Chevalier publie ainsi en 1919 un Catalogue des plantes du jardin botanique de Saïgon, où ne figurent aucun prix, destiné spécifiquement aux échanges avec la métropole, les colonies françaises et l’étranger [11]. Il y ajoute un appendice intitulé « Collection de plantes utiles » qui concerne explicitement les habitants de la colonie. Y figurent des plantes qui peuvent leur être cédées à Saïgon, classées non plus selon un système scientifique comme dans la première partie du catalogue, mais en fonction de leur utilité coloniale présumée (« plantes ligneuses de grande culture, plantes herbacées de grande culture, arbres fruitiers, plantes à fibres, arbres d’avenues ; palmiers d’ornements (en pots), plantes pour former des haies vivantes, plantes d’ornement, plantes utiles diverses »). En Australie au début du xixe siècle, l’enjeu, pour le directeur du jardin de Sydney, est d’introduire et de diffuser des plantes européennes auprès des colons. Ces plantes, parfois sans aucune valeur en métropole, à l’instar des oignons par exemple, en acquièrent du simple fait qu’elles ont voyagé et qu’elles répondent au besoin de colons de retrouver des plantes familières, notamment dans le domaine ornemental. Dans ce cas, le jardin est moins une institution satellite de l’institution métropolitaine centrale, le jardin de Kew, qu’un organisme qui a ses propres priorités, ancrées dans le contexte local. Le directeur du jardin se préoccupe surtout d’envoyer des graines et des conseils dans les settlements de l’intérieur. C’est l’agriculture coloniale, bien plus que la satisfaction de réseaux internationaux savants, qui domine l’activité du jardin, auquel l’administration métropolitaine reproche d’ailleurs de ne faire pousser que « des choux et des pins » [12]. Les jardins botaniques représentent des lieux particuliers de science appliquée, qui ne sont pas systématiquement liés aux visées métropolitaines, tout en étant des instruments du prestige impérial [13].

16 L’utilité des jardins, telle qu’elle est mise en avant par les acteurs, peut être comprise à plusieurs échelles : celle de la colonie en tant qu’entité administrative au sein de l’empire, et celle des colons, des fermiers, de ceux qui, sur le terrain, doivent assurer la rentabilité de l’entreprise coloniale. L’interprétation du rôle d’assistance aux colons que jouent les jardins botaniques doit donc être discutée dans ce contexte. Richard Drayton y voit un symbole de la bienveillance de l’administration, comprise comme fonctionnant dans un système de patronage – surtout au bénéfice des grands propriétaires. Cette proposition renvoie plus largement à la thèse développée par Fae Dussart et Alan Lester sur le rôle de la pensée humanitaire des petits fonctionnaires locaux, déterminante dans leur mode de gouvernementalité [14]. Les superintendants ou directeurs de jardins botaniques participeraient donc à cet exercice d’« humanité », en agissant moins en fonction de visions impériales qu’avec des objectifs locaux. L’enjeu économique, toujours bien mesuré par les détenteurs de l’autorité dans les jardins, conduit à nuancer un peu cette idée de bienveillance, mais l’importance des intérêts locaux, mise en avant par ce type d’analyse, est à souligner. Pour les gouvernements coloniaux comme pour les directeurs de jardin, distribuer des plantes dans la colonie, et choisir en conséquence les espèces que l’on juge les plus utiles au développement de la colonie, est tout aussi essentiel que de pouvoir afficher son réseau savant international.

Échange, distribution et vente : le commerce au jardin

17 S’il semble y avoir unanimité à l’échelle des empires sur la nécessité de « distribuer » des plantes, la manière dont est opérée cette diffusion à l’échelle de la colonie fait l’objet de débats et de modalités diverses, d’une époque et d’une colonie à l’autre. La question est ici de savoir si l’idéal de diffusion des plantes prôné par les directeurs et les gouvernements coloniaux correspond à des pratiques spécifiques, et comment ces pratiques s’organisent matériellement. Les catalogues sont l’écho de pratiques d’échanges qui passent par des modalités diverses, et dont l’un des enjeux est précisément l’établissement d’un marché des plantes du jardin. Leur existence, les listes de plantes qu’ils contiennent, les conseils et les recommandations agricoles qui les nourrissent, leur objectif à l’échelle de la colonie sont autant d’éléments qui participent à l’élaboration d’une valeur marchande des plantes cultivées.

Quelle valeur marchande pour les plantes ?

18 L’organisation des échanges repose sur l’estimation d’une valeur des objets échangés, valeurs que les catalogues, de manière générale, suggèrent sans quantifier. La question de la valeur marchande des plantes cultivées dans les jardins et destinées aux colons surgit régulièrement dans ce contexte. Elle se pose d’abord eu égard à la spécificité des objets concernés : plantes et graines sont fragiles. Cette fragilité leur donne une valeur particulière par rapport à d’autres produits coloniaux, dont la stabilité est assurée en dépit des aléas du climat, du transport ou des maladies.

19 Plusieurs étapes précèdent l’arrivée d’une plante au jardin botanique, et chacune de ces étapes, dès lors qu’elle est franchie, lui donne un supplément de valeur, tant les chances de rester vivante sont faibles. Les conditions de transport font que la grande majorité des envois apporte des plantes desséchées, mortes, de graines germées prématurément ou moisies : tout plant vivant représente une denrée rare, et, par là même, chère. L’expédition et la réexpédition sont donc l’enjeu de soins attentifs, toujours renouvelés, et qui participent directement à l’établissement du prix accordé à ces objets naturels. Sarah Easterby-Smith a montré combien, au xviiie siècle, les questions d’emballage et de soin étaient centrales dans la correspondance entre marchands et botanistes, au point de fonctionner comme un indice de la fiabilité des collecteurs de plantes. Au xixe siècle, et même après que la diffusion de la caisse Ward, à partir des années 1840, a augmenté grandement leurs chances de survie [15], les directeurs de jardin continuent à se soucier de près des conditions matérielles de réception et d’envoi des plantes. Celles-ci sont notamment précisées dans les catalogues, dans une logique identique à celle qui présidait aux expéditions entre particuliers au xviiie siècle [16]. Un bon jardin est celui qui garantit les expéditions les plus sûres possible. À l’instar des entreprises privées de pépiniéristes, les jardins botaniques précisent donc les conditions d’expéditions. À Alger, au jardin d’Essai du Hamma, elles se font par exemple par l’intermédiaire des paquebots qui font le service des côtes, par diligence ou roulage [17]. Les conditions d’emballage et de fourniture de pots de transport sont détaillées dans le catalogue (emballage de ballots d’arbres, emballage de la motte d’un arbre extrait de pleine terre, fourniture de toile pour envelopper les branches et les feuilles, paniers pour les régimes de bananes) [18]. Le fait que ces éléments soient consignés explicitement rappelle les conditions particulières de ce commerce des plantes, et le soin nécessaire à y apporter pour rendre les produits réellement commercialisables. De fait, comment vendre un arbre qui n’a aucune chance d’arriver vivant à son acheteur ? Les coûts de transport sont donc une donnée essentielle.

20 La fragilité est aussi celles des aléas climatiques, pluies diluviennes ou typhons tropicaux, qui endommagent régulièrement les pépinières en zone tropicale. En 1904, le directeur du jardin botanique de Hanoï doit répondre à des plaintes de colons qui n’ont pas reçu leurs commandes, et s’en justifie par le typhon de l’année précédente qui a détruit tous les marcottages [19]. Il a beau avoir été chercher des graines à Singapour et à Colombo, les résultats des semis ont été mauvais, et le jardin est en rupture de stock. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande, qui ne peut être maîtrisé par l’administration, est une donnée particulièrement sensible en contexte colonial.

21 Un autre élément qui témoigne du prix accordé à ces plantes est la question du vol, sans cesse soulevée dans l’administration des jardins. Fleurs coupées, vols de fruits, de plantes (voire d’étiquettes) constituent un souci quotidien pour les gardiens et témoignent indirectement de la valeur marchande de ces biens. À Hanoï, le directeur souligne en 1905 que le jardin est très fréquemment victime de vols de ce genre et souhaite que la police municipale fasse des rondes plus fréquentes [20]. Dans la discussion sur le projet de règlement du jardin botanique de Saint-Denis de La Réunion, en 1913, la question du « défense de toucher » préoccupe les administrateurs :

22

« Il m’a maintes fois été donné de voir certaines personnes récolter des fruits ou cueillir des fleurs, sans autorisation préalable. Ce n’était évidemment pas dans le but de se soustraire au paiement infime qui leur aurait été réclamé. Ces actes condamnables reflètent plutôt l’amour excessif des fleurs qui caractérise la population de ce pays. Il n’en est pas moins vrai que la collection et les fleurs en général sont cruellement éprouvées par la manifestation répétée de cette manie fâcheuse » [21].

23 La bienveillance n’empêche pas des problèmes récurrents de surveillance des plantes, et les règlements affichés dans tous les jardins, régulièrement actualisés, indiquant en creux la persistance des vols de plantes dans ces lieux conservant des spécimens naturels recherchés.

24 Autre signe de valeur, sans doute plus fréquent que les sources officielles ne le laissent apparaître : les détournements de fonds et trafics divers autour des plantes des jardins. Ainsi à Sydney, le directeur du jardin botanique accuse le gouverneur de la Nouvelle-Galles du Sud de vendre à son profit des plantes australiennes à des pépiniéristes londoniens [22]. Le marché parallèle des pépiniéristes privés, plus développés dans les métropoles que dans les colonies, existe aussi dans certaines colonies (en Algérie ou en Australie, notamment, et plus généralement dans toutes les colonies où le peuplement par des colons le justifie). Les jardins botaniques n’ont pas toujours un monopole et, dès lors, les tensions entre le service public et les entreprises privées sont inévitables. Pour les acteurs locaux, la tentation de s’associer avec des pépiniéristes privés en métropole est une promesse de profit personnel. Elle renvoie à toute l’ambiguïté du statut des jardins botaniques coloniaux : institutions scientifiques, comme leurs semblables métropolitains, ils sont impliqués de fait dans un commerce des plantes qui ne considère pas seulement la valeur scientifique de ces plantes mais également leur valeur marchande. Pour un directeur, imaginer pouvoir vendre des produits qu’il est censé distribuer gratuitement, mais qui se vendent de fait sur un marché parallèle, est une tentation permanente. Et dès lors qu’elle a une valeur, la plante peut être sujette à des trafics. À Alger par exemple, en 1867, le directeur du jardin signale au gouverneur un marchand qui possède une pépinière sur la route de Hussein Dey et une boutique place de la cathédrale à Alger, boutique qu’il gère avec ancien employé au jardin, « renvoyé pour cause de vol ». Les deux compères semblent avoir monté une affaire permettant d’obtenir du jardin les meilleurs plants, revendus ensuite dans la boutique avec l’appui de certains agents de l’établissement. Confondu, le marchand se tourne alors vers une pépinière secondaire, celle de Médéa, au grand dam du directeur du jardin d’essai [23].

25 À Saint-Denis de La Réunion, le responsable du jardin, alors sous le contrôle de la Société d’acclimatation, semble avoir pris des libertés avec ses fonctions :

26

« Depuis bientôt deux ans, M. Potier, qui n’a été et n’est encore que l’agent du comité d’acclimatation, vend les produits du jardin, sans aucun contrôle, et encaisse directement depuis deux ans. Il ne rend de comptes à personne, renvoie des jardiniers ou en prend d’autres, et tout ce désordre se fait au nom de l’administration. […] Le comité d’acclimatation dans sa séance du 3 de ce mois a décidé que M. Potier serait remercié immédiatement » [24].

27 Dans le même ordre d’idées, la mention qui est faite de respecter la réglementation au jardin de Camayen (Conakry) en 1901 suggère des pratiques sans doute répréhensibles : « Le directeur du jardin d’essai et les agents de culture qui pourraient lui être adjoints auront droit gratuitement à l’usage des produits pour leur consommation personnelle sans pouvoir ni en trafiquer ni les céder » [25]. Si ceux qui travaillent au jardin ont tendance à organiser des trafics de plantes, c’est bien que celles-ci ont une valeur marchande. La corruption n’est pas l’apanage des fonctionnaires coloniaux travaillant dans les jardins botaniques, mais son existence révèle une marchandisation souvent négligée par les historiens des plantes.

Les modalités de la distribution

28 La question de la valeur est d’autant plus difficile à appréhender que la distribution de plantes est généralement annoncée comme gratuite dans les catalogues, même s’il apparaît que ces objets sont aussi le support d’une activité mercantile plus ou moins explicite. En effet, la distribution des plantes est l’une des fonctions des jardins botaniques, censés acclimater de nouvelles espèces dans la colonie pour en augmenter les rendements agricoles. La mise en valeur passe donc par les plantations et les orientations agricoles que les jardins botaniques commencent et développent. Faut-il, dans cette logique d’incitation, les distribuer gratuitement ?

29 Dans de nombreuses colonies, notamment dans l’empire britannique, c’est le choix de la gratuité qui est fait. Les dons sont vus comme une manière d’orienter l’économie agricole et le mode le plus commun de répartition des plantes auprès des colons est celui de la distribution gratuite. Ainsi, « le gouvernement des Indes néerlandaises autorise le directeur du jardin de Buitenzorg à répandre gratuitement des graines et des plants de végétaux utiles. En 1888, quatorze cents lots de graines, de boutures et de jeunes pieds de plantes utiles ont été expédiés dans toutes les parties de l’archipel » [26]. Plus encore, Buitenzorg répand des plants au-delà de l’archipel, « même parmi les nations amies qui sont, au fond, des nations rivales » [27], comme le note un observateur étranger. Les plantes concernées sont toujours bien entendu les plantes « utiles », c’est-à-dire celles qui ont une valeur productive permettant d’engranger des bénéfices. Ces pratiques permettent aussi d’orienter les productions, voire de créer des besoins : en 1907, le jardin botanique fait passer une annonce dans les journaux locaux pour la distribution gratuite de graines de « pins du Tonkin » et reçoit immédiatement plusieurs demandes de colons

30 Localement, et en fonction de la nature de la colonie, les plants sont aussi distribués à des fermiers locaux. En Inde, le jardin de Saharanpur propose des graines aux fermiers indiens [28]. En Afrique, la station d’Abury donne des graines de café aux fermiers africains, et publie des instructions en langue vernaculaire [29]. À Penang dans les années 1880, le gouverneur fait venir au jardin botanique créé en 1884 des graines d’Europe, qui sont testées puis distribuées aux Chinois de Georges Town dans l’idée d’améliorer l’agriculture de subsistance [30]. Cette distribution gratuite aux populations colonisées reste cependant très marginale, et extrêmement contrôlée. À la Jamaïque, où les jardins botaniques ont une intense activité de distribution de plantes, principalement à destination de l’élite blanche, quelques tentatives sont faites auprès des nouveaux agriculteurs noirs, dans l’idée de les enrôler dans l’économie morale et politique de l’empire britannique [31]. Aux Antilles britanniques dans les années 1880, certains paysans locaux sont priés de planter les espèces dont ils reçoivent gratuitement des graines. Noix de muscade, cannelle et plantes ornementales sont ainsi distribuées à de petits fermiers, sans pour autant que le discours traditionnel sur la paresse naturelle de cette population ou sur la supériorité raciale des blancs ne soit en rien modifié.

31 La distribution gratuite peut aussi s’apparenter à une action de bienfaisance publique à destination des plus pauvres. Cette pratique est à relier au problème de prestige que posent les indigents aux gouvernements coloniaux. Comme institution publique, le jardin et ses productions peuvent être requis pour remédier, même ponctuellement, à cette question. Ainsi, en 1896, les besoins financiers du jardin botanique de Saint-Pierre (Martinique) sont tels que le Conseil général décide que les fruits et produits divers du jardin seront désormais vendus – et non plus distribués gratuitement, comme cela avait été arrêté en 1883 [32]. Une exception est faite, au nom du respect de la coutume, pour les indigents qui ont l’habitude d’obtenir gratuitement « des simples sans grande valeur ». La tradition du jardin médicinal pour les pauvres est ancienne à Saint-Pierre, puisqu’elle apparaît sous l’occupation anglaise (de 1809 à 1815), à l’instigation du gouverneur Charles Wale [33]. Elle semble se perpétuer ici ou là dans les jardins botaniques. Au début du xxe siècle, répondant à un critique du directeur du jardin colonial de Nogent, le directeur du Hamma, alors concédé à la Société générale algérienne, s’offusque de ce que l’on puisse mettre en doute la philanthropie de la société d’exploitation. Il rappelle que les plants restent à disposition de l’État à des prix très réduits, et en ajoutant que les malades « quels qu’ils soient » reçoivent « gratuitement les végétaux auxquels ils réclament guérison » [34]. Quelle que soit la véracité de cette affirmation, elle est intéressante car elle renvoie à une fonction sociale du jardin botanique traversant les lieux, les statuts et les siècles.

Du juste prix des plantes

32 La revendication de gratuité n’empêche pas l’élaboration parallèle d’un marché des plantes fondé sur des transactions financières, dont la mise en place est assortie de considérations diverses sur ce que devrait être un juste prix.

33 En 1834, juste après la création du jardin d’essai à Alger, le Gouvernement général souhaite encourager la plantation d’arbres fruitiers par les colons. Il faut alors initier le mouvement, en dépensant le moins possible, selon une règle générale du gouvernement colonial. Les colons sont donc invités à venir chercher au jardin des plants d’arbres. Cependant, l’administration écarte l’idée de la gratuité, au prétexte qu’elle risque de faire perdre toute implication individuelle : « On sait que le petit cultivateur n’attache de prix qu’à ce qu’il paie, et qu’un arbre qu’on donnerait pour rien serait reçu par lui avec indifférence. Le gouvernement vendrait donc, plus qu’il ne donnerait, le produit de ses pépinières et de ses jardins : mais il aurait soin que les prix fussent tellement modérés qu’ils se trouvassent à la portée de tout le monde » [35]. Ce souci du prix raisonnable renvoie à l’ambiguïté de ces pépinières de gouvernement, qui ne sont pas censées être des entreprises commerciales, qui doivent avoir un rôle initiateur, et qui sont en même temps soumises à des contraintes budgétaires importantes. À La Réunion, les plantes sont aussi distribuées largement « moyennant une légère contribution versée au domaine » [36] pendant un temps. Cependant, face à la multiplication des demandes, le gouverneur cesse la pratique du don gratuit en 1848 :

34

« Considérant que la distribution des plants cultivés dans le jardin du roi a pris un accroissement hors de proportion avec les moyens de reproduction que possède l’établissement ; que la facilité d’en obtenir à titre gratuit multiplie les demandes sans profit réel pour l’agriculture, qu’il importe d’intéresser ceux qui en demandent à leur conservation, qu’il est d’ailleurs nécessaire de compenser par quelques recettes les frais de culture qu’exige le jardin du roi » [37].

35 De fait, et sans que cela soit toujours très explicite, des prix sont établis soit par l’administration de la colonie soit par celle du jardin pour certains spécimens. Ainsi, le catalogue du jardin de Trinidad, paru en 1870, souligne qu’il doit servir à augmenter les ventes des plans dupliqués au jardin, vente de plantes qui permettent le financement du jardin. Ce catalogue ne comporte pas de prix, mais il est clair ici que des ventes sont organisées et que la rentabilité constitue l’une des activités du jardin. À Saïgon en 1919, un catalogue sans prix est publié [38]. Pour la France et l’étranger, les « graines et échantillons ne sont pas vendus, ils sont distribués gratuitement », mais pour les particuliers de Cochinchine, « les graines et plantes utiles peuvent être cédées aux particuliers […] suivant un tarif local arrêté par M. le gouverneur de la Cochinchine ». La valeur d’une plante dépend donc aussi de sa destination. Fonctionnant comme des institutions savantes pour l’extérieur, les jardins donnent, ou plus précisément échangent, mais redeviennent des entreprises lucratives lorsqu’il s’agit de diffuser des plantes localement et dans la perspective d’une exploitation commerciale.

36 Faire payer ne signifie pas nécessairement faire du profit mais, souvent, trouver simplement l’équilibre entre ce qui peut s’apparenter à un service public à l’échelle de la colonie, et un minimum de rentabilité. À Tunis est ainsi fondé en 1896 un jardin d’essai, destiné à répandre les végétaux utiles dans la colonie. Il s’agit surtout de soutenir les efforts de colonisation, alors que les barrières commerciales établies en raison de la crise du phylloxéra empêchent les colons de se fournir en métropole. Le jardin d’essai est donc créé pour répondre à un besoin spécifique, et accompagne scientifiquement les colons, en leur donnant des conseils sur l’acclimatation et en leur fournissant des plants, « libéralement », c’est-à-dire « pour une somme la plus faible possible » [39]. À Alger, les plantes sont distribuées gratuitement jusqu’en 1848, puis un régime de vente est introduit au jardin, mais avec des tarifs bien en deçà des prix courants : un oranger, par exemple, se vend alors 1 franc à Alger quand il coûte 5 ou 6 francs à Gênes [40]. Tout se passe comme si les plantes des jardins botaniques coloniaux constituaient un marché parallèle, non concurrentiel parce qu’associé à un service public.

37 En pratique, l’oscillation entre le gratuit et le payant plus ou moins symbolique semble donc être la règle, sans que l’on puisse identifier précisément qui paye quoi et qui reçoit gratuitement les plants et la graine. La question du juste prix semble parcourir toutes les administrations des jardins. Si les rapports officiels parlent de distribution ou de mise à disposition des plantes aux colons, les rapports financiers laissent apparaître des rentrées d’argent qui témoignent, à l’échelle locale, de transactions marchandes parfois importantes. En 1906 à Maurice, 173000 plants d’arbres ont été vendus au public, d’autres délivrés aux institutions publiques, mais il s’agit bien d’un marché organisé, même si les prix sont variables : « Le gouverneur a eu le plaisir de réduire de moitié le prix de toutes les plantes forestières vendues au public, et le transport de matériel de plantation par rails est gratuit pour le public pour les commandes supérieures à 500 plantes » [41].

38 Des effets de concurrence, d’opportunités, de configuration locale semblent conduire les administrations des jardins à varier leur position sur ce point. À Hanoï en 1898, il a été distribué 79798 plants à titre gratuit, 30624 onéreux, 940 kg de graines à titre gratuit, 24 kg à titre onéreux [42]. En 1896, le directeur de ce même jardin constate la demande croissante de plants de café. Il a eu 381000 demandes, et en a distribué 100000, aussi bien à des Européens qu’à des « indigènes ». C’est fort de ce constat qu’il décide de faire payer ces plants [43]. En 1899, le jardin supprime même la multiplication de ces plants dans les pépinières du jardin et la vente au public, sur la demande de plusieurs planteurs, qui veulent pouvoir vendre eux-mêmes de jeunes caféiers provenant de leurs propres pépinières. La même logique conduit les colons de Hanoï à se mobiliser pour la création d’un jardin botanique et la distribution gratuite de plantes, puis à s’y opposer ensuite au motif que le jardin concurrence les horticulteurs installés en ville [44].

39 Les revirements dans la politique de distribution des plantes renvoient à des marchés fragiles, que les jardins peuvent servir à réguler. À Tunis, 15800 arbres du jardin d’essai sont distribués au public, « vendus à très bas pris afin d’encourager les plantations » [45]. En 1902, cependant, l’offre des plantes mises en vente est volontairement réduite, afin de laisser les pépinières privées se développer [46]. Ce lien avec l’industrie privée dans les colonies est extrêmement complexe à gérer. À Tunis toujours, quelques années plus tard, en 1913, il est décidé de vendre les arbres plus chers « au prix auquel ils reviennent, afin de ne pas concurrencer le commerce local ». Toutefois, « l’administration s’est réservé le droit de produire les arbres que les horticulteurs ne pourraient mettre en quantité suffisante sur le marché auquel elle sert ainsi de régulateur » [47].

40 Les jardins botaniques apparaissent ainsi comme une variable d’ajustement à l’échelle du système local de circulation et de vente de plantes. Initiateurs et prescripteurs, ils offrent ou vendent les plantes en fonction des intérêts mouvants de l’administration coloniale ou des groupes de colons.

Don ou vente : un outil de gouvernement colonial

41 La variabilité des modalités de cession de plantes dans la colonie n’est pas due au hasard, et peut aussi nous renseigner sur les choix politiques du gouvernement colonial. Le commerce des plantes des pépinières de jardin botanique est aussi l’objet de régulations politiques.

Des choix politiques

42 C’est généralement en fonction de l’utilité coloniale des plantes que l’administration justifie le choix de faire ou de ne pas faire payer les plantes. Le don est un acte fort au moment de la création des colonies et de la mise en place de l’administration civile dans les colonies. Gallieni crée un jardin d’essai à Madagascar dès 1897 par lequel les plants et graines « qu’il serait avantageux de répandre à Madagascar pourront […] être délivrés gratuitement » [48]. À la même époque, après la création d’une station au Sierra Leone en 1895, il est rappelé que « les plantes utiles sont distribuées à des prix raisonnables sur des demandes adressées au curateur de la station botanique. Les personnes désireuses de se procurer des plantes ayant une valeur économique mais qui ne sont pas en position de les acheter s’adressent au curateur qui, après s’être assuré de leur utilisation, les accorde en conséquence » [49]. Le principe est identique à Libreville (Gabon), où un jardin a été créé en 1887. Comme le rappelle le directeur, « quand un colon désire des plantes ou des graines, il adresse une demande au gouverneur ou plutôt au directeur de l’Intérieur. Ce dernier la transmet au jardin d’essai avec la mention “donner satisfaction dans la mesure du possible” ». Les plants sont cédés gratuitement, à moins qu’il ne s’agisse de grandes quantités. Dans ce cas, on fait payer, mais seulement aux personnes étrangères à la colonie, une petite somme pour couvrir « les frais d’arrachage et d’emballage des plants » [50]. Dans toutes ces situations, ce sont bien des décisions politiques qui président aux modalités de distribution des plantes.

43 De manière générale, les jardins accompagnent des politiques environnementales et agricoles, et le jeu sur la gratuité ou la vente est au cœur de ces politiques. Un décret du 27 septembre 1836 impose ainsi aux concessionnaires de fermes domaniales en Algérie de planter 50 pieds d’arbres par hectares concédés. C’est dans ce contexte que le jardin distribue des plants, gratuitement aux organismes publics, et « bon marché » aux colons [51]. Le jardin du Hamma nourrit aussi en plants les pépinières régionales qui répondent à la demande des colons.

44 Lorsque le don gratuit n’est pas retenu, ce sont les gouverneurs eux-mêmes qui fixent les prix des plantes distribuées par les jardins botaniques. Une décision d’Ernest Roume en 1907 fixe ainsi les prix des arbres mis en distribution à la fin de l’hivernage en AOF [52]. À Sainte-Lucie, aux Antilles, lorsqu’il est question de multiplier les cultures industrielles, le rapport du directeur de la station botanique précise en 1897 que 21138 plants ont été distribués dans toute l’île, dont 9000 plants de gingembre donné gratuitement à ceux qui ont acheté des terres du domaine. Un effort particulier a été fait sur le café, le cacao, les noix de muscade et de cola, très majoritairement distribuées gratuitement, mais pas systématiquement cependant [53].

Document 1

Ventes et distributions gratuites au jardin botanique de Sainte-Lucie (Antilles britanniques), 1897

Ventes ou échanges Don gratuit Total
Café libérien 10942 5994 16936
Cacao 44 1302 1346
Noix de muscade 444 463 907
Noix de cola 214 705 918
Ventes et distributions gratuites au jardin botanique de Sainte-Lucie (Antilles britanniques), 1897

Ventes et distributions gratuites au jardin botanique de Sainte-Lucie (Antilles britanniques), 1897

Source : Bulletin of Miscellaneous Information, Royal Botanic Gardens, Kew, 153-154, 1899, p. 193.

45 L’oscillation entre vente, échange et gratuité est le reflet de la politique coloniale à l’échelle du jardin. Le commerce des plantes constitue un outil de gouvernement, puisqu’il permet de dispenser, ou pas, aux colons, des plantes utiles, de déterminer quelles sont ces plantes utiles, et de juger de l’opportunité d’une diffusion gratuite ou payante. Les théories du don ont bien montré qu’il n’était lui-même jamais totalement gratuit mais s’intégrait dans des hiérarchies sociales et participait au fonctionnement social. Dans le cas des plantes et des graines, qu’elles soient distribuées libéralement ou vendues à un prix plus ou moins symbolique, l’enjeu est de taille : entre le jardin et les particuliers, des relations sont créées, négociées, affichées et l’on retrouve là des éléments propres à l’établissement des réseaux, les colons étant de fait largement dépendants des options du jardin botanique, et conduits aussi à participer à un même projet de transformation du paysage et de l’agriculture [54].

Service public et impératifs de rentabilité coloniale

46 La question de la gratuité dépend du contexte colonial et du mode de gestion adopté pour les jardins. L’idée que le jardin botanique est un service public colonial ne résiste pas toujours aux impératifs budgétaires de la colonie, et l’administration peut chercher à déléguer cet outil, dès lors qu’il coûte plus cher qu’il ne rapporte. Ainsi peut-on observer le passage en concession de certains jardins sur des budgets privés dans des périodes où l’État colonial ne peut plus assurer la viabilité du jardin (Alger avec la Société générale algérienne, Saint-Denis de La Réunion avec la Société impériale d’acclimatation en 1863). Au Penjab dans les années 1850, c’est une société semi-privée, la Société d’horticulture et d’agriculture, qui se voit chargée par l’État de faire des essais agricoles à partir de jardins aménagés à Lahore. Cette société, financée par l’État colonial et rassemblant un certain nombre d’administrateurs, est censée travailler au bien public et organiser l’agriculture localement, à l’instar d’autres jardins botaniques, en introduisant de nouvelles céréales utiles à l’économie d’exportation [55]. Au Cap, le jardin botanique est une institution particulière, en partie subventionnée par le gouvernement mais qui, depuis 1849, vit des recettes de la vente des graines et des plantes. Il en est de même à Port Elisabeth et Graham’s Town. Fonctionnant uniquement comme des pépinières pour colons, ces « jardins botaniques » de la colonie du Cap n’ont d’ailleurs pas de flore locale, ce qui déçoit régulièrement les visiteurs. Pour les directeurs de ces jardins de cette colonie, qui est la seule à fonctionner sur ce mode dans l’empire britannique, la contrainte budgétaire est permanente [56].

47 L’enjeu de cette délégation est-il de faire des jardins des exploitations rentables ? Il s’agit pour le moins d’en alléger le coût pour le budget colonial, tout en conservant le prestige de l’institution, sans la brader complètement puisque les divers bricolages sont toujours des concessions temporaires. La vente des plantes constitue l’un des aspects contrôlés de cette délégation, les jardins étant censés « satisfaire aux demandes de plants qui lui seront adressées par les services ou par des particuliers » [57]. Il est précisé par exemple à La Réunion en 1863 que ces envois seront payés « dans le but de couvrir une partie des frais occasionnés par les jardins (payants pour les particuliers, pas pour les services qui n’ont à prendre en charge que l’emballage) ».

48 L’exemple du jardin du Hamma, à Alger, illustre bien la dimension stratégique de la diffusion et de la vente des plantes en situation coloniale. En 1867, le jardin d’essai est confié en gestion à la Société générale algérienne, une entreprise privée à but lucratif qui va s’attacher à rentabiliser le jardin. L’acte de concession stipule bien les trois tâches confiées à la Société générale : outre une promenade publique et un jardin scientifique, l’enjeu est de créer une pépinière « pour la production et la diffusion des végétaux indigènes ». En réalité, la nouveauté n’est pas tant dans l’affichage de ces objectifs (déjà présent lors de la création coloniale du jardin en 1831) que dans les modalités de sa mise en œuvre.

49 Le jardin est réorganisé en fonction de ces objectifs, le personnel de la Société constatant un certain abandon du jardin :

50

« La partie basse, qui constitue la pépinière et qui présente une superficie de trente hectares, se compose de quarante carrés. La plupart étaient improductifs, un certain nombre même en friche. Ceux qui étaient plantés, vides aux trois quarts, offraient un mélange bizarre des espèces les plus hétérogènes : essences fruitières, forestières, exotiques et indigènes, végétaux à feuilles persistantes et à feuilles caduques, s’y rencontraient pêle-mêle. Des arbres de huit à neuf ans, à l’aspect souffreteux, et trop grands pour pouvoir être transplantés ou livrés au commerce, semblaient y avoir été oubliés » [58].

51 En pratique, la société réorganise le jardin comme un lieu marchand, avec une clientèle explicitement visée, celle des colons. Les ventes, qui se font au comptant, sont désormais « journalières » tout comme les livraisons, qui ont lieu toute l’année [59].

52 Les catégories du catalogue informent sur le rapport à la vente des plantes dans la colonie. La première rubrique concerne les « végétaux d’ornement », détaillant par exemple les plantes pour la décoration des appartements, les palmiers [60], les arbres forestiers ou encore les « végétaux propres à former des haies » ou les « plants pour talus de chemin de fer en Algérie », ou encore un « choix de végétaux à employer pour la décoration des jardins, sous la zone algérienne ». C’est bien la vie des colons et de la colonie qui apparaît en négatif : aménagement d’un chez soi, appartement ou jardin, travaux d’embellissement de la colonie, le commerce des plantes dit aussi à sa manière le projet colonial. La deuxième rubrique détaille les végétaux alimentaires, la troisième les végétaux économiques et industriels, puis les graines et les animaux qui sont vendus au jardin. La vente de graines est vantée notamment pour leur qualité, présentée comme bien supérieure à celle des graines produites en métropole. On trouve enfin à vendre des autruches et des autruchons (prix « emballage non compris »), des cochenilles mères et des graines de vers à soie, et des plantes sèches à l’usage des fabricants et marchands de fleurs. Tout ne figure cependant pas dans le catalogue, et la possibilité de trouver au jardin des espèces inattendues fait aussi partie d’une offre qui se veut attractive : « Grâce à ses nombreuses relations dans toutes les parties du monde, le jardin du Hamma est souvent en possession de graines rares que nous pourrions en certains cas mettre à la disposition de nos clients » [61].

53 L’entreprise pourrait être comparée à celle d’une pépinière privée dans un contexte colonial. Cependant, l’utilité coloniale demeure un élément déterminant : les plantes sont mises en vente en fonction d’orientations économiques qui transparaissent notamment dans les indications qualitatives que comporte le catalogue de vente. La première partie comporte l’ensemble des plantes mises en vente, classées par ordres alphabétiques, avec un prix en francs pour chaque plant. La liste n’est cependant pas uniquement descriptive. Ainsi, pour certaines espèces d’acacia, un astérisque signale : « Ces cinq dernières espèces d’acacia peuvent être employées à former des haies, dans les parties de l’Algérie où il ne gèle pas » [62]. Il est parfois donné quelques détails sur l’acclimatation plus ou moins facile de la plante, en Algérie ou ailleurs, ou ses qualités ornementales, et d’assez longs développements accompagnent les tentatives d’introduction de plantes nouvelles (les bambous par exemple). Les conditions climatiques (à Alger, à Paris sous serres ou en appartement) sont aussi précisées pour certaines espèces, et les hauteurs atteintes dans le jardin du Hamma servent d’appât de vente. Suit ensuite la liste classée par catégorie, sans les prix, mais à nouveau avec quelques mentions qualitatives. Des indications purement économiques peuvent même entrer en ligne de compte, ainsi de l’olivier, dont il est dit : « Il serait à désirer, dans l’intérêt des cultivateurs, que l’Olivier ne fût pas délaissé et qu’on en propageât les bonnes variétés dans les localités qui leur sont favorables » [63]. De fait, tous les commentaires portent sur l’adaptation des plantes sur les sols algériens, et sur l’utilité coloniale. Ainsi à propos du noyer noir d’Amérique : « C’est l’un des grands arbres à feuilles caduques les plus utiles à répandre en Algérie » [64].

54 À l’instar des jardins botaniques gouvernementaux, ceux qui sont gérés par des sociétés privées continuent à tenter d’orienter les cultures dans la colonie. Par la concession à des sociétés ou des organismes privés ou semi-privé, l’État colonial assume une politique agricole dirigiste sans en subir les inconvénients. Il y a dans le système de concession, que l’on retrouve dans d’autres domaines de l’économie coloniale, une manière de désengagement sans renoncement au profit assez caractéristique de la gestion de l’environnement dans les colonies au xixe siècle. Au-delà des différences entre les empires et d’une colonie à l’autre, les plantes et leur commerce constituent bien, globalement, un élément de la gouvernementalité coloniale, en partie déléguée localement, mais jamais complètement abandonnée.

55 Graines et plantes ont un statut particulier dans l’économie et la politique coloniale. Échange, dons et ventes sont des outils de gouvernement, qui se fondent sur des objets qui peuvent être propagés, répliqués, multipliés. Du fait de cette spécificité, les logiques marchandes habituellement associées aux produits coloniaux diffèrent. Le commerce des plantes est en effet soumis à un marché de l’offre et de la demande largement dépendant des orientations politiques prises par l’administration coloniale. Enfin, les jardins n’achètent pratiquement jamais (même s’ils financent occasionnellement des collecteurs), mais revendent. Tout se passe comme si le passage par le jardin botanique, souvent synonyme de réussite dans l’acclimatation, faisait office de mise en valeur et donnait, au sens propre, valeur à des plantes qui n’en avaient pas auparavant. Aussi, suivre le commerce des plantes à travers l’activité des jardins botaniques coloniaux conduit à interroger la spécificité coloniale du commerce des plantes. Le débat soulevé par Schiebinger sur la botanique comme big science ou big business concerne d’abord le xviiie siècle [65], mais il se rejoue finalement à l’âge des empires à travers les jardins botaniques, qui articulent enjeux scientifiques et enjeux commerciaux dans une logique tout à fait propre et adaptée à chaque contexte colonial. Certaines plantes circulent comme des dons, d’autres comme des marchandises. Si les réseaux internationaux sont essentiellement fondés sur l’échange, les circulations intra-coloniales reposent sur un système mixte, tout à fait révélateur des formes de gouvernementalité liée à la maîtrise de la nature, à l’agriculture et aux choix qui furent tentés pour rendre les colonies « utiles ».


Mots-clés éditeurs : empires, e, Indochine, Algérie, siècles, plantes, jardins botaniques, xix

Mise en ligne 04/09/2019

https://doi.org/10.3917/rhmc.663.0081

Notes

  • [1]
    Voir notamment Richard Drayton, Nature’s Government. Science, Imperial Britain, and the « Improvement » of the World, New Haven, Yale University Press, 2000 ; Ray Desmond, Kew. The History of the Royal Botanic Gardens, Londres, Harvill Press, 1998. Pour le cas français, on consultera Christophe Bonneuil, Mina Kleiche, Du jardin d’essai à la station expérimentale, 1880-1930. Éléments pour une histoire du CIRAD, Montpellier, CIRAD, 1993 ; Michael A. Osborne, « The System of Colonial Gardens and the Exploitation of French Algeria, 1830-1852 », Proceedings of the Meeting of the French Colonial Historical Society, 8, 1985, p. 160-168.
  • [2]
    Pour prendre le nom alors à la mode de « jardin d’acclimatation ». Mais il restera dans le langage commun le plus souvent désigné par son premier nom, celui de 1832, à savoir « jardin d’Essai ».
  • [3]
    Le catalogue du jardin de Calcutta publié en 1845 s’adresse explicitement, et notamment, aux « native gardeners » : A Catalogue of the Plants which have been Cultivated in the Hon. East India Company’s Botanical Garden, Calcutta, and the Serampore Botanical Gardens, Generally Known as Dr Carey’s Garden, from the Beginning of Both Establishments (1786 and 1800) to the End of August 1841, Calcutta, Bishop’s collec Pree, 1841.
  • [4]
    Auguste Chevalier, Catalogue des plantes du jardin botanique de Saïgon, Saïgon, Institut scientifique de l’Indochine, 1919.
  • [5]
    Catalogue of the Plants under Cultivation in the Botanical Gardens, Straits settlements, Singapour, Government Printing Office, 1879.
  • [6]
    Catalogue des plantes du parc colonial et du jardin botanique et d’acclimatation du gouvernement à Pondichéry, Pondichéry, Imprimerie du gouvernement, 1872.
  • [7]
    John Cameron, Catalogue of Plants in the Botanical Garden, Bangalore and its Vicinity, Bangalore, Mysore Government Central Press, 1880.
  • [8]
    L’objet frontière est ici celui défini par Star et Griesemer, une entité qui sert d’interface entre des mondes sociaux et des acteurs qui poursuivent des objectifs différents : S. L. Star, J. R. Griesemer, « Écologie institutionnelle, “traductions” et objets frontières : des amateurs et des professionnels au musée de zoologie vertébrée de Berkeley, 1907-1939 », in Bernard Lahire, C. Rosental (éd.), La Cognition au prisme des sciences sociales, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2008, p. 233-276.
  • [9]
    Adrian P. Thomas, « The Establishment of Calcutta Botanic Garden : Plant Tranfer, Science and the East India Company, 1786-1806 », Journal of the Royal Asiatic Society, 16-2, 2006, p. 165-177.
  • [10]
    Duncan Taylor, « Botanical Gardens and their Role in the Political Economy of Empire : Jamaïca (1846-1886) », Rural History, 28-1, 2017, p. 47-68.
  • [11]
    A. Chevalier, Catalogue des plantes…, op. cit.
  • [12]
    Max Bourke, « Trees on Trials : Economic Arboreta in Australia », Garden History, 35, 2007, p. 217-226.
  • [13]
    Il ne s’agit pas ici de reprendre le modèle diffusionniste de George Basalla, opposant un centre métropolitain à ses colonies, mais de souligner l’indépendance des pratiques de terrain. Voir George Basalla, « The Spread of Western Science », Science, 156-3775, 1967, p. 611-622 ; Roy Macleod, « On Visiting the “Moving Metropolis” : Reflections on the Architecture of Imperial Science », Historical Records of Australian Science, 5-3, 1982, p. 1-16.
  • [14]
    Fae Dussart, Alan Lester, Colonization and the Origins of Humanitarian Governance. Protecting Aborigines across the Nineteenth-Century British Empire, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.
  • [15]
    La caisse inventée par le docteur Ward permet aux plantes, grâce à l’utilisation du verre, de recevoir la lumière tout en étant protégées de l’eau et du sel marin lors des traversées maritimes. Elle est utilisée systématiquement à Kew à partir de 1847. Le docteur Ward a publié en 1842 un ouvrage qui permet à son invention d’être diffusée : On the Growth on Plants in Closely Glazed Cases.
  • [16]
    Sarah Easterby-Smith, Cultivating Commerce. Culture of Botany in Britain and France, 1760-1815, Cambridge, Cambridge University Press, 2017.
  • [17]
    Jardin du Hamma (près d’Alger). Végétaux et graine, catalogue général no 3. 1874-1875, Alger, Société générale algérienne, 1875.
  • [18]
    Catalogue des végétaux et graines disponibles et mis en vente au jardin d’acclimatation au Hamma (près d’Alger) pendant l’automne 1865 et le printemps 1866, Alger, Bastide libraire-éditeur, 1865.
  • [19]
    Archives nationales du Vietnam, Hanoi, centre no 1 (désormais ANV), « Rapport à Monsieur le Résident supérieur du Tonkin, par Lafitan », Direction de l’agriculture, des forêts et du commerce de l’Indochine, 12 avril 1904.
  • [20]
    ANV, RST 38530, « Rondes nocturnes de police au jardin botanique de Hanoi », 1905.
  • [21]
    Archives départementales de La Réunion (désormais AD Réunion), 4T37, « Le chef du jardin botanique au gouverneur », 12 mars 1913.
  • [22]
    Jim Endersby, « A Garden Enclosed : Botanical Barter in Sydney, 1818-1939 », The British Journal for the History of Science, 33-3, 2000, p. 313-334.
  • [23]
    Archives nationales d’Outre-mer (désormais ANOM), 10/109, « Gouvernement général de l’Algérie », Aix-en-Provence.
  • [24]
    AD Réunion, T345-346, lettre de Berg au directeur de l’Intérieur, 4 septembre 1871.
  • [25]
    « 1er octobre 1901, Arrêté au sujet de la vente au public des produits du jardin d’essai de Camayen », Agriculture des pays chauds, 1901, p. 421.
  • [26]
    Melchior Treub, « Un jardin botanique tropical », Revue des Deux Mondes, 1829, p. 162-183, ici p. 177.
  • [27]
    Joseph Chailley-Bert, « L’institut botanique de Buitenzorg », Revue générale des sciences pures et appliquées, 30 mai 1898, p. 408.
  • [28]
    Donal P. Mccracken, Gardens of Empire. Botanical Institutions of the Victorian British Empire, Londres, Leicester University Press, 1997.
  • [29]
    Bulletin of Miscellaneous Information (Royal Botanic Gardens, Kew), 1895, 102-103, p. 164. Le rapport de l’administrateur du nouveau protectorat précise : « By my instructions, Mr Bilington (curator of the Station) has drawn up a very useful little pamphlet which has been translated into Efik, the native language of Old Calabar, and distribuited gratis to the chiefs in this river ». La politique d’encouragement aux cultures imposées est explicite : « To further encourage this industry, free gifts of young coffee plants are made to chiefs who will clear the ground for their reception, and as the plant does not bear until its fourth year, a small grant is made yearly ». L’administrateur du protectorat pense que lorsque les « natives » auront appris « the lessons taught by the botanic garden », les exportations vont augmenter rapidement.
  • [30]
    D. S. Jones, « The Waterfall’Botanic Garden on Pulau Pinang : the Foundations of the Penang Botanic Gardens 1884-1910 », Journal of the Malaysian Branch of the Royal Asiatic Society, 70-2 (273), 1997, p. 75-96.
  • [31]
    Duncan Taylor, « Botanical Gardens and their Role in the Political Economy of Empire : Jamaica, 1846-1886 », Rural History, 28-1, 2017, p. 47-68.
  • [32]
    Session ordinaire et extraordinaire du Conseil général, Martinique, Conseil général, Fort-de-France, Impr. du Gouvernement, 1896.
  • [33]
    Françoise Thésée, Le jardin botanique de Saint Pierre – Martinique 1803-1902, Paris, Éditions caribéennes, 1990.
  • [34]
    « Le jardin d’essai, communication faite par Ch. Rivière à la séance du 23 novembre 1906 », Bulletin de la réunion d’Études algériennes, 1906, p. 23.
  • [35]
    Colonisation de l’ex-régence d’Alger. Documents officiels déposés sur le bureau de la Chambre des députés… avec une carte de l’État d’Alger, Paris, L. G. Michaud, 1834.
  • [36]
    AD Réunion, 4T41, Séance du conseil général de l’île de la Réunion, 9 août 1871.
  • [37]
    AD Réunion, 2Q51, Lettre du directeur de l’Intérieur à l’inspecteur des domaines, 1848.
  • [38]
    A. Chevalier, Catalogue des plantes…, op. cit.
  • [39]
    Bulletin de la Société nationale d’acclimatation de France, A44, 1896, p. 23.
  • [40]
    ANOM, GGA, 10/108, Mémoire sur l’opportunité de réorganiser la pépinière centrale du gouvernement, 28 mars 1861.
  • [41]
    AD Réunion, 2PER14, Colonial Reports. Annual. Mauritius and Rodrigues, publié à Londres : « The governor has been pleased to reduce by half the price of all forest plants sold to the public, and the transport of planting material by rail is free to the public for orders exceeding 500 plants ».
  • [42]
    ANV, DAFCI, 134, « Rapport sur le fonctionnement du jardin botanique de Hanoi et du service de l’agriculture 1898-1911 ».
  • [43]
    ANV, « Service local de l’agriculture », no 6.
  • [44]
    ANV, RST 20451, « Rapport du directeur des services agricoles et commerciaux locaux au Résident supérieur au Tonkin sur le jardin botanique de Hanoi », 8 février 1918.
  • [45]
    Résidence générale de la République française à Tunis, Rapport au président de la République sur la situation de la Tunisie, Paris, Imprimerie nationale, Tunis, Imprimerie A. Guenard, 1894.
  • [46]
    « Afin de permettre à l’industrie horticole privée de se développer, un certain nombre de plantes ornementales qui avaient figuré jusqu’alors sur la liste des espèces mise en distribution n’ont pas été produite en 1901 par le jardin d’essai », Résidence générale de la République française à Tunis, Rapport au président de la République sur la situation de la Tunisie, Paris, Imprimerie Nationale/Tunis, Imprimerie A. Guenard, 1902.
  • [47]
    Résidence générale de la République française à Tunis, Rapport au président de la République sur la situation de la Tunisie, Paris, Imprimerie Nationale, Tunis, Imprimerie A. Guenard, 1914.
  • [48]
    Revue des cultures coloniales, 1-1, 1897, p. 27.
  • [49]
    Ibidem, 1-7, 1897, p. 247.
  • [50]
    Ibidem, 2-8, 1898, p. 14.
  • [51]
    Paul Carra, Maurice Guet, Le Jardin d’essai du Hamma, Alger, Impr. du Gouvernement, 1952.
  • [52]
    Bulletin du jardin colonial et des jardins d’essai des colonies, 7, 1907, p. 184.
  • [53]
    Bulletin of Miscellaneous Information (Royal Botanic Gardens, Kew), 153-154, 1899, p. 193.
  • [54]
    Susan K. Martin, « Apples for Appels : Garden Gifts, Plant Acquisition and Exchange in Nineteenth Century Australia », Garden History, 19-1, 2011, p. 109-123.
  • [55]
    Jagjeet Lally, « Trial, Error and Economic Development in Colonial Punjab : the Agri-Horticultural Society, the State and Sericulture Experiments, c. 1840-1870 », The Indian Economic and Social History Review, 52-1, 2015, p. 1-27.
  • [56]
    Bulletin of Miscellaneous Information (Royal Botanic Gardens, Kew), 1895 p. 49-53.
  • [57]
    ANOM, FM, SG, Réunion 466, Projet de règlement du jardin colonial d’acclimatation, 1863.
  • [58]
    Auguste Rivière, Le Jardin du Hamma et la société générale algérienne, Paris, Imprimerie horticole de E. Donnaud, 1872.
  • [59]
    Ibidem : « À Paris chez M. Auguste Rivière, boulevard Saint Michel, 64, et à Alger au jardin du Hamma, à M. Charles Rivière, sous-directeur ».
  • [60]
    Ibidem : « Les palmiers, auxquels la vogue est si justement acquise comme végétaux décoratifs, y réussissent d’une façon toute particulière », p. 5.
  • [61]
    Jardin du Hamma (près d’Alger). Végétaux et graines, catalogue général no 3, 1874-1875, Alger, Société générale Algérienne, 1875, p. 159.
  • [62]
    Ibidem, p. 16.
  • [63]
    Ibidem, p. 133.
  • [64]
    Catalogue des végétaux et graines disponibles et mis en vente au jardin d’acclimatation au Hamma (près d’Alger) pendant l’automne 1865 et le printemps 1866, Alger, Bastide libraire-éditeur, 1865, p. 25.
  • [65]
    Londa Schiebinger, Claudia Swan (éd.), Colonial Botany, Science, Commerce and Politics in the Early Modern World, Philadephie, University of Pennsylvania Press, 2007.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.91

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions