Notes
-
[1]
Marie-Hélène FROESCHLÉ-CHOPARD, Dieu pour tous et Dieu pour soi. Histoire des confréries et de leurs images à l’époque moderne, Paris, L’Harmattan, 2006 ; Philippe DESMETTE (éd.), « Les confréries religieuses et la norme, XIIe-début XIXe siècle », dossier de la revue Cahiers du centre de recherches en histoire du droit et des institution (Bruxelles), 19, 2003 ; Stefano SIMIZ, Confréries urbaines et dévotion en Champagne (1450-1830), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2001 ; Catherine VINCENT, Les confréries médiévales dans le royaume de France, XIIIe-XVe siècle, Paris, Albin Michel, 1994 ; M.-H. FROESCHLÉ-CHOPARD, Roger DEVOS (éd.), Les confréries, l’Église et la cité : cartographie des confréries du Sud-Est, Grenoble, Centre alpin et rhodanien d’ethnologie, 1988.
-
[2]
David GARRIOCH, « Royal policy and the secularisation of the Paris guilds in the eighteenth century », French History and Civilization, 5, 2014, p. 24-33.
-
[3]
François OLIVIER-MARTIN, L’organisation corporative de la France d’Ancien Régime, Paris, Sirey, 1938, p. 92-104.
-
[4]
Paola LANARO, « Corporations et confréries : les étrangers et le marché du travail à Venise (XVe-XVIIIe siècle) », Histoire urbaine, 21, 2008, p. 31-48.
-
[5]
Olivier CHRISTIN, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Paris, Seuil, 2014, p. 86-104.
-
[6]
Vincent MILLIOT, Un policier des Lumières. Suivi de Mémoires de J.C.P. Lenoir, ancien lieutenant général de police de Paris, écrits en pays étrangers dans les années 1790 et suivantes, Seyssel, Champ Vallon, 2011, p. 764.
-
[7]
William H. SEWELL, Gens de métier et révolutions. Le langage du travail de l’Ancien Régime à 1848 [1980], Paris, Aubier-Montaigne, 1983, p. 56-63.
-
[8]
Mathieu MARRAUD, « Crédit marchand, fiscalité royale. Les corporations parisiennes face à l’État, 1690-1720 », in Vincent MEYZIE (éd.), Crédit public, crédit privé et institutions intermédiaires, monarchie française, monarchie hispanique, XVIe-XVIIIe siècle, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2012, p. 155-199.
-
[9]
Philippe MINARD, « Les corporations en France au XVIIIe siècle : métiers et institutions », in Steven L. KAPLAN, ID. (éd.), La France, malade du corporatisme ? XVIIIe-XXe siècle, Paris, Belin, 2004, p. 39-51.
-
[10]
Alexis FONTBONNE, « Dévotion et institution. Pour une histoire cohérente des confréries en Europe occidentale (XIIe-XVIIIe siècle) », Archives de sciences sociales des religions, 170, 2015, p. 191-208.
-
[11]
Archives nationales (désormais AN), K 1045 N° 14, « Mémoire pour le corps des orfèvres joüailliers », s.d. [1776].
-
[12]
Håkon HAUGLAND, « “To help the deceased guild brother to his grave” : Guilds, death and funeral arrangements in late medieval and early modern Norway, ca. 1300-1900 », Collegium, 18, 2015, p. 152-183.
-
[13]
Pierre LE ROY, Statuts et privileges du corps des marchands orfevres-joyailliers de la ville de Paris : recueillis des textes de tous les edits, ordonnances, déclarations, lettres patentes, arrêts, reglemens & autres titres, anciens & modernes, qui constituent les prérogatives & la police de l’état d’orfevrerie-joyaillerie en cette ville, Paris, Paulus-du-Mesnil, 1734, p. 36.
-
[14]
Marco VAN LEEUWEN, « Guilds and middle-class welfare, 1550-1800 : provisions for burial, sickness, old age and widowhood », Economic History Review, 65-1, 2012, p. 61-90.
-
[15]
M. MARRAUD, « Communauté conjugale et communauté politique. Les usages de la coutume de Paris dans la bourgeoisie corporative, XVIIe-XVIIIe siècles », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 58-2, 2011, p. 96-119.
-
[16]
Nicolas LYON-CAEN, La boîte à Perrette. Le jansénisme parisien au XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 2010, p. 382-385.
-
[17]
M. MARRAUD, « Dérogeance et commerce. Violence des constructions socio-politiques sous l’Ancien Régime », Genèses, 95, 2014, p. 2-26.
-
[18]
Bibliothèque nationale de France (désormais BnF), FOL-FM 12424, Memoire que les marchands epiciers de Paris ont l’honneur de presenter à Monseigneur le Chancelier, Paris, Coignard, s.d. [1721], p. 2.
-
[19]
AN, K 1047 n° 58, Au Roy et à son Altesse Royale Monseigneur le duc d’Orleans petit-fils de France, Regent, Paris, Guillery, s.d. [1720].
-
[20]
Charles LOYSEAU, Traicté des ordres et simples dignitez [1610], Paris, L’Angelier, 1613, p. 99.
-
[21]
AN, T* 1490 (232), comptes de l’orfèvrerie pour 1750.
-
[22]
Bibliothèque historique de la ville de Paris (désormais BHVP), Ms CP 4999, compte de l’épicerie pour 1709.
-
[23]
AN, V7 428, vérification des comptes de l’épicerie ; AN, V7 435, vérification des comptes de la mercerie ; AN, V7 436, vérification des comptes de l’orfèvrerie, 1743-1775.
-
[24]
AN, G7 1727, lettre de maîtrise de Jacques Mabille dans l’épicerie, 1711.
-
[25]
P. LE ROY, Statuts et privileges…, op. cit., p. 41.
-
[26]
AN, KK 1346, « Sommaire de l’Antiquité de la Chapelle du bourg du Blancmesnil », 1660.
-
[27]
AN, KK 1345, « Inventaire des chartes, titres, registres, comptes et actes de l’immémorialle confrairie ancienne des Martirs », 1671.
-
[28]
P. LE ROY, Statuts et privileges…, op. cit., p. 30.
-
[29]
AN, KK 1351, registre de délibérations des orfèvres, 3 décembre 1742 ; AN, KK 1 352, registre de délibérations des orfèvres, 29 janvier 1760, 9 avril 1771.
-
[30]
N. LYON-CAEN, « Labrüe au paradis, Chapeau aux enfers. Les notables de Saint-Germain-l’Auxerrois face à leurs curés au XVIIIe siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, 92-1, 2006, p. 117-146.
-
[31]
BnF, Z Thoisy-369 (f° 68), Factum pour les maîtres et gardes de la marchandise de draperie de cette ville de Paris, contre maître François Sanson, soi-disant pourvu de la chapelle de Sainte-Marie Égyptienne, s.l.n.d. [env. 1634] ; BnF, 4-FM-29 538, Factum pour maître François Sanson, chapellain de la chapelle de Sainte-Marie-Égyptienne, contre les Maistres & Gardes de la Drapperie de Paris, s.l.n.d. [env. 1643].
-
[32]
N. LYON-CAEN, M. MARRAUD, « Multiplicité et unité communautaire à Paris. Appartenances professionnelles et carrières civiques, XVIIe-XVIIIe siècles », Histoire Urbaine, 40, 2014, p. 19-36.
-
[33]
Michel SURUN, Marchands de vin en gros à Paris au XVIIe siècle. Recherches d’histoire institutionnelle et sociale, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 47-53.
-
[34]
Étienne-Olivier PARY, Guide des corps des marchands et des communautés des arts et métiers, tant de la ville & fauxbourgs de Paris que du royaume, Paris, veuve Duchesne, 1766, p. 10-11.
-
[35]
AN, Minutier central des notaires (désormais MC) LXXXVI 415, 6 juillet 1673, concession du Sépulcre à la mercerie.
-
[36]
AN, MC LXXXVI 421, 11 juillet 1676, accord entre le Sépulcre et la mercerie ; ibidem, 1er août 1676, quittance de Charles Lebrun à la mercerie.
-
[37]
AN, T 1490 (2), Journal pour servir à messieurs les gardes de l’orfevrerie joüaillerie de la ville & faubourgs de Paris, Paris, Roulland, s.d. [1689], p. 82-84.
-
[38]
BnF, Z Thoisy-377, Factum pour Charles Boucher, l’un des Maistres de la Confrairie des Marchands Drapiers, s.l.n.d. [env. 1678].
-
[39]
Dominique-Gustave SAINT-JOANNY, Registre des délibérations et ordonnances des marchands merciers de Paris, 1596-1696. Manuscrit incendié aux Archives de la Ville le 24 mai 1871, reconstitué avec préface et notes-appendices, Paris, Willem, 1878, p. 18-19, 97.
-
[40]
Archives de la Préfecture de police de Paris, coll. Lamoignon, vol. 15, arrêt du Conseil du 15 décembre 1667.
-
[41]
AN, KK 1351, registre de délibérations de l’orfèvrerie, mars 1742.
-
[42]
M. MARRAUD, « Le cérémonial urbain à Paris au XVIIIe siècle : représentation et négociation politique », in Thierry BELLEGUIC, Laurent TURCOT (éd.), Les histoires de Paris (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Hermann, 2013, vol. 1, p. 245-267.
-
[43]
S.L. KAPLAN, « Idéologie, conflits et pratiques politiques dans les corporations parisiennes au XVIIIe siècle », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 49-1, 2002, p. 5-55.
-
[44]
P. LE ROY, Statuts et privilèges…, op. cit., p. 32.
-
[45]
D. GARRIOCH, Michael SONENSCHER, « Compagnonnages, confraternities and associations of journeymen in eighteenth-century Paris », European History Quaterly, 16-1, 1986, p. 25-45.
-
[46]
P. LE ROY, Statuts et privileges…, op. cit., p. 63.
-
[47]
BnF, 8-Z Le Senne 4623, Code de la librairie et imprimerie de Paris, Paris, imprimé par la communauté, 1744, p. 175.
-
[48]
S.L. KAPLAN, « Réflexions sur la police du monde du travail, 1700-1815 », Revue historique, 261-529, 1979, p. 17-77.
-
[49]
Jean-Baptiste DENISART, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence [1757], Paris, Desaint, 1768, p. 223-224.
-
[50]
BHVP, 92315, Mémoire pour Joseph-Nicolas Sauvage et Jean-Augustin Nau contre Mathieu Vilercy et Jean-Jacques Cavalier, marguilliers en charge de la confrérie des garçons-facteurs des marchands merciers à Paris, défendeurs, Paris, Paulus-du-Mesnil, 1749.
-
[51]
AN, KK 1342, registre de délibérations des Six Corps, 31 juillet 1749.
-
[52]
É.-O. PARY, Guide des corps…, op. cit.
-
[53]
N. LYON-CAEN, « Un “saint de nouvelle fabrique”. Le diacre Paris (1690-1727), le jansénisme et la bonneterie parisienne », Annales HSS, 65-3, 2010, p. 613-642.
-
[54]
W.H. SEWELL, Gens de métier…, op. cit., p. 67-94.
-
[55]
Laurence CROQ, « Les mutations de la distinction sociale dans les églises paroissiales à Paris (des années 1680 à la Révolution) », in Laurence JEAN-MARIE, Christophe MANEUVRIER (éd.), Distinction et supériorité sociale (Moyen Âge et époque moderne), Caen, Publications du Centre de recherches archéologiques et historiques médiévales, 2010, p. 81-106.
-
[56]
D.-G. SAINT-JOANNY, Registre…, op. cit., p. 25.
-
[57]
BnF, 4-FM 25077, Remonstrance faite a Messieurs les Maistres & Gardes des Marchands Merciers, Grossiers, Joüailliers, Quincailliers de cette Ville de Paris, par tous les Marchands Merciers en destail de cette Ville, s.l.n.d. [1659], p. 7-8.
-
[58]
BnF, Z Thoisy-377, Factum pour Charles Boucher…, op. cit.
-
[59]
AN, T* 1490 (37), « Registre contenant les noms de chacun des pauvres maitres et marchands orfèvres-joyailliers et veuves de maitres auxquels il est accordé une pension annuelle pour ayder à leur subsistance », 1750-1763 ; AN, T* 1490 (38), « Registre pour le payement des pensions », 1763-1768.
-
[60]
AN, K 1039 n° 43, arrêt du Conseil du 10 mai 1690.
-
[61]
Ibidem, n° 249, observation de l’orfèvrerie, env. novembre 1776.
-
[62]
AN, K 1045 n° 2, « Discours sur la maison commune des orphèvres de Paris », 1788.
-
[63]
M. MARRAUD, De la ville à l’État. La bourgeoisie parisienne, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Albin Michel, 2009, p. 277-315 ; L. CROQ, « La désincorporation des salariés, l’exemple de la mercerie parisienne (1680-1776) », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, 123-1, 2011, p. 115-128.
-
[64]
AN, T* 1490 (16), « Recueil de plusieurs choses consernant le corps et communauté des Marchands Orfevres jouailliers de la ville et faubourgs de Paris », 1707, f° 79, 81.
-
[65]
O. CHRISTIN, « Le May des orfèvres. Contribution à l’histoire de la genèse du sentiment esthétique », Actes de la recherche en sciences sociales, 105, 1994, p. 75-90.
-
[66]
AN, K 1046 n° 27, arrêt du Conseil du 7 mai 1692.
-
[67]
Ibidem, n° 28, « Requeste presentée au Conseil par les Maistres et Gardes de l’Orfevrerie & Joaillerie de Paris sur le May de Nôtre Dame », 1693.
-
[68]
AN, T 1490 (4), acte de dissolution de la confrérie Sainte-Anne Saint-Marcel, 1712 ; Patrick LAHARIE, « Une confrérie d’orfèvres parisiens : la confrérie Sainte-Anne-Saint-Marcel, 1449-1712 », in José LOTHE, Agnès VIROLE (éd.), Images de confréries parisiennes. Exposition du 18 décembre 1991 au 7 mars 1992, Paris, Bibliothèque historique de la ville de Paris, 1992, p. 237-264, p. 247-250.
-
[69]
AN, KK 1351, registre de délibérations des orfèvres, 1er avril 1742.
-
[70]
Archives de Paris, D1 B6-8, compte de gestion du Consulat, 1749-1750.
-
[71]
AN, K 1043 n° 1, extrait du règlement général du 30 décembre 1679.
-
[72]
L. CROQ, D. GARRIOCH, « Introduction : pour une histoire sociale du religieux, les formes d’incorporation religieuse des sociétés modernes », in EID. (éd.), La religion vécue. Les laïcs dans l’Europe moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 9-24.
-
[73]
N. LYON-CAEN, La boîte…, op. cit., p. 291-302.
-
[74]
Marc VENARD, « La crise des confréries en France au XVIe siècle », in Populations et cultures, études réunies en l’honneur de François Lebrun, Rennes, Amis de François Lebrun, 1989, p. 397-409.
-
[75]
AN, KK 1340, « Memoire pour les Six Corps des marchands de la ville de Paris, servant de replique aux réponses des marchands de vin », 1724.
-
[76]
AN, KK 1351, registre de délibérations de l’orfèvrerie, 29 décembre 1742.
-
[77]
AN, AD/XI/17, arrêt du Conseil du 17 novembre 1742.
-
[78]
AN, V7 428, commission extraordinaire sur les comptes de l’épicerie, 1743-1760.
-
[79]
M. MARRAUD, « Mastering the guilds’ debts in eighteenth-century Paris : Royal scrutiny, debt reduction and State coercion », Histoire et mesure, 30-2, 2015, p. 171-188.
-
[80]
AN, KK 1351, registre de délibérations des orfèvres, avril 1742.
-
[81]
AN, V7 435, commission extraordinaire sur les comptes de la mercerie, 1771, 1774.
-
[82]
AN, V7 443B, arrêts du Conseil en lien avec la commission de liquidation des dettes des communautés, 1716-1740.
-
[83]
BnF, Ms. Joly de Fleury 573, Objet des remontrances du Parlement au sujet des sept Edits qui lui ont été envoyés pour être enregistrés, s.l.n.d. [1759], p. 7.
-
[84]
Simone MEYSSONNIER, La balance et l’horloge. La genèse de la pensée libérale en France au XVIIIe siècle, Montreuil, Éditions de la Passion, 1989, p. 263-275.
-
[85]
AN, Y 15385, scellés du bureau de la mercerie, 12 mars 1776.
-
[86]
Archives de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, X 1-00 (2), « Observations sur quelques projets concernant le retablissement des corps et communautés d’arts et metiers », s.d. [1776].
-
[87]
S.L. KAPLAN, La fin des corporations, Paris, Fayard, 2001, p. 284-286.
-
[88]
D. GARRIOCH, « From religious to secular sociability : Confraternities and freemasonry in eighteenth-century Paris », in Nicholas A. ECKSTEIN, Nicholas TERPSTRA (éd.), Sociability and its Discontents. Civil Society, Social Capital, and their Alternatives in Late Medieval and Early Modern Europe, Turnhout, Brepols, 2009, p. 313-326.
-
[89]
Bert DE MUNCK, « From brotherhood community to civil society ? Apprentices between guild, household and the freedom of contract in early modern Antwerp », Social History, 35-1, 2010, p. 1-20.
-
[90]
D. GARRIOCH, « Royal policy… », art. cit.
1 Au croisement des règles de piété et de l’organisation sociale, les formes confraternelles sont un mode puissant de compréhension des sociétés anciennes [1]. Les confréries entourant les métiers ne sont que l’une d’elles tout en restant très diverses, adossées depuis le Moyen Âge à des corporations plus ou moins spécifiques, réglées, locales. Elles ont toutefois pour point commun de donner au geste professionnel une coloration dévotionnelle et charitable, dans l’imitation de la maison conventuelle où le travail et l’entraide s’approchent de la prière collective. La confrérie de métier est la preuve que, par la rencontre des techniques et du rituel, une organisation civile du travail conserve un tempérament religieux. Tenant tout à la fois de l’organisation et de l’identité chrétienne du métier [2], elle fait souvent du choix d’un saint patron l’acte à partir duquel un groupe d’artisans ou de marchands commence à collecter et réglementer ses savoirs. Ainsi, le régime corporatif se structure en entremêlant l’élection, la maîtrise, l’apprentissage et la confraternisation elle-même [3]. Bien des formes hybrides existent alors entre corps organisé, filière d’accès au travail et culte religieux partagé [4]. Avant la municipalité ou la paroisse, certaines confréries sont le premier lieu d’expérimentation de la délibération et de l’élection commune dans la ville [5]. D’autres, plus informelles, sans statuts, se multiplient autour d’objectifs et de catégories d’acteurs plus distincts (compagnons, assistance mutuelle), telles celles qui récoltent des fonds pour les marchands et artisans pauvres en vue de leur éviter l’hôpital [6]. Il reste que sous toutes ces apparences, la confrérie de métier incarne la communauté implorante et compatissante, où la présence sainte fait du serment de réception l’imitation de procédures propres à la prêtrise ou à la chevalerie [7]. À travers elle, le métier dialogue avec les autres formes de communautarisation caractéristiques de la société médiévale.
2 Aussi, à l’égal du métier, la confrérie se trouve emportée durant les XVIIe et XVIIIe siècles dans une réflexion sur la place de l’incorporé dans une société de plus en plus envisagée à travers ses visées publiques. Ceci est flagrant dans le cadre parisien, où les marchands s’approprient de manière croissante le langage de la dignité politique. Quelle adaptation peut être celle de la confrérie ? C’est de leur échange soutenu avec la monarchie, de la fiscalisation de leurs rapports au Trône, que les corps marchands parisiens retirent un sentiment de distinction au cours du règne de Louis XIV [8]. Plus tard, la monarchie entreprend un virage autoritaire à l’encontre du corporatisme urbain. Quel aspect prend alors la confrérie face à une législation dont l’absolutisme enveloppe peu à peu le métier, ses méthodes, ses conflits et son fonctionnement interne ? Quelle articulation au métier la confrérie conserve-t-elle face au processus d’assimilation à la puissance publique ? En fait, l’histoire des confréries professionnelles est inséparable de l’histoire des corporations elles-mêmes [9]. Leur évolution est dépendante, d’une part, de la promotion des fonctions temporelles abritées par le métier à partir des années 1680-1690 et, d’autre part, de l’épuisement du modèle corporatif qui atteint la vie des corps et communautés dès avant les réformes de Turgot de 1776. Ces deux évolutions sont corrélées tout en véhiculant, chacune à sa manière, une spiritualité détachée de son utilité incorporatrice sur les individus. L’histoire est certes celle d’une normalisation institutionnelle de la confrérie [10]. Elle est aussi celle d’une désinstitution.
3 Le terrain parisien est ici l’observatoire majeur de cette transformation. Non pas que le nombre de corporations présentes dans la capitale – quelque cent vingt à partir de la période colbertienne – offre une documentation particulièrement abondante : toutes leurs archives, y compris celles de leurs confréries, ont été détruites dans les incendies de la Commune en 1871. C’est en réalité leur degré de proximité avec l’appareil monarchique, d’un point de vue tant matériel qu’honorifique, qui permet, parmi les plus considérables d’entre elles, les Six Corps des marchands, d’examiner ce basculement qui est aussi celui des frontières existant entre temporel et spirituel au sein de la société organisée. C’est alors au rôle même d’une religion appliquée aux actes institutionnels, collectifs, que mène une interrogation sur la confrérie de métier.
La corporation chrétienne
4 Vérifiable dans le cadre des métiers, l’existence de confréries est indissociable sous l’Ancien Régime d’un programme chrétien assigné à toute forme de communauté. Mêlés l’un à l’autre, le modèle conventuel et le modèle familial tissent entre individus des liens fondés sur la solidarité naturelle, que les corporations prennent pour principe de création et de filiation : une lignée ininterrompue de maîtres morts et vivants, reliés entre eux par un désir de coopération et de charité, de salut commun, ferait l’origine de la communauté en même temps que sa continuité. Le corps des orfèvres rappelle encore à la fin du XVIIIe siècle combien l’amalgame entre parenté et confraternité chrétienne est fondateur pour lui :
« Les orfèvres de Paris, longtems avant d’être érigés en corps, ne composoient qu’une seule et même famille, connüe sous le nom de confrairie de St. Eloy. On reconnoit dans la forme actuelle de leur etablissement cet esprit de concorde, de bienfaisance et de charité qui distinguoit les premiers confreres. Les noms de maison commune donnés à leur bureau leur rappellent une fraternité aussi ancienne que leur existence » [11].
6 L’image forge un récit de même qu’un principe d’existence. Sous forme d’intercession des morts pour le salut commun, une des fonctions premières du métier reste l’organisation et l’accompagnement des funérailles des membres. Tout en souffrant des effets de la Réforme, la fonction lui survit en plaçant la procession et les honneurs au cœur du rituel funéraire pour les maîtres défunts [12]. Caractérisant chaque métier, plusieurs rituels scandent le calendrier corporatif en plus des fêtes religieuses (fêtes patronales et commémoratives, bénédiction des actes politiques internes, services funèbres). En conséquence, cette place du rituel déborde du simple environnement spirituel donné au travail. Elle lui est totalement inhérente. La corporation les relie par définition l’un à l’autre : la bonté des marchandises qu’elle assure repose sur cette transmission à travers les âges de techniques de fabrication, mais aussi de secours mutuels entre les maîtres, d’invocations à la divinité sur les décisions communes. La qualification des hommes et des biens entrerait dans une même providence. Elle serait louée lors de mêmes événements.
7 Aussi l’assistance aux veuves, aux maîtres dans leur maladie ou leur ruine, s’observe-t-elle dans tous les corps à travers des pratiques d’aumônes, de dons, de logement, de nourriture. Les orfèvres disent donner le repas aux pauvres maîtres « même avec une sorte de distinction, honorifice alimentantur » [13]. Beaucoup de ces dépenses proviennent des quêtes effectuées auprès des boutiques de la corporation. Elles permettent de maintenir à flot des commerces menacés. Cette assistance est non seulement un devoir chrétien pour la corporation, mais aussi une économie en ce qu’elle suppose une richesse commune et une propension à maintenir vivants des savoirs, des fonds, des actifs, des boutiques au sein des familles. Elle n’est en rien un mode assurantiel mais bien charitable [14]. La prière et la charité communes illustrent la quête d’une pérennité commerciale, l’appel à perpétuer un collectif humain vivant au quotidien du privilège économique (maîtres, apprentis, ouvriers, épouses, enfants). En effet, la communauté conjugale entre époux, point essentiel de la coutume égalitaire parisienne, sous-tend un projet de communauté politique telle que l’est la corporation [15]. L’un et l’autre communiquent dans un horizon chrétien d’extension et de prospérité que la famille et la corporation prennent simultanément en charge. De cette façon, l’abondance des hommes et des choses, propre à tout dessein corporatif, exauce l’injonction divine à travers l’institution qu’est la corporation, et la proto-institution qu’est la famille. Au-delà s’impose un collectif suréminent, la ville, qui, une fois unie à ses propres saints patrons ainsi qu’à la royauté, devient une figuration du sacré lui-même. Les apprentissages dont les grands marchands font la charité en direction des pauvres ne visent jamais qu’à rétrocéder à ceux-ci une place dans un ordre urbain fondamentalement chrétien [16].
8 Au nom de ce référent, les corps marchands doivent munir leur description du commerce d’une modération morale. Il n’est pas possible de louer l’enrichissement conjoint du marchand et du public par l’appel à la bénédiction de l’échange économique lui-même. Loin de tout modèle wébérien, aucun discours de cet ordre ne serait publiquement audible. Seule sa condamnation est possible : la profusion expose avant tout la vanité des hommes à la possession, désir que le marchand nourrirait par l’offre de ses marchandises. En partie, cette liaison explique l’entrée du commerce parmi les activités dérogeantes des XVIe et XVIIe siècles, et ses difficultés à s’en extraire dans une société de plus en plus hiérarchisée par la concordance des états professionnels avec la noblesse [17]. Les corps accompagnent l’accroissement des populations urbaines et de leurs consommations, et doivent jeter un regard moral sur cette activité qu’ils savent en tension avec les préceptes chrétiens. Il leur faut réprouver une société gagnée par la prolifération des biens, par le paraître et le dérèglement des rangs.
9 Tandis que le système financier et l’instabilité sociale en expriment la folie, la Régence est de toutes les périodes celle où cette dénonciation, loin d’être opportuniste, est la plus féconde. Devant répondre du montant des prix qu’ils pratiquent au début des années 1720, les marchands parisiens ajoutent à la perte sur les changes, à l’inflation monétaire, les images de la frénésie et de la passion des peuples pour le luxe qui, de façon juste, subit la punition de l’enchérissement [18]. À la même période, devant gêner la fuite des capitaux vers Anvers, l’interdiction du commerce des pierreries va à l’encontre des intérêts des orfèvres et des merciers qui, dans leurs remontrances, commencent par conspuer les « millionnaires » comme gens de « nouvelle fortune », et leur « luxe » tel un « excès » de consommation dont ils sont punis par les prix, avant d’oser en demander la levée [19]. Très fréquent, ce type d’assertion veille, à travers l’acte marchand, à ne jamais célébrer l’essor individuel des fortunes afin d’exalter un magistère qui s’exercerait par-dessus le commerce, vertueux par principe, et sur lequel veillerait le dogme religieux. Bien sûr l’exercice est périlleux. Après la loi somptuaire de 1700 qui entend restreindre le port des pierreries parmi le public, le roi ne peut que révoquer dès 1702 la défense de ce commerce au bénéfice des orfèvres ainsi que des merciers bijoutiers : l’application concrète de la loi reviendrait à signer l’acte de mort des deux corporations. Celles-ci demeurent au plus près de l’acte mercantile, et il ne fait aucun doute que c’est la capacité des marchands à faire corps, à pénétrer l’ordre politique, celui des fonctions publiques autorisées, qui les rétablit dans l’honneur social. Dès 1610, le jurisconsulte Charles Loyseau indique alors que les Six Corps des marchands parisiens sont les seules corporations à pouvoir paraître « honorables » [20].
La confrérie au service des dignités bourgeoises
10 La question qui se pose est l’articulation de ces différentes missions à la confrérie et au métier en tant que tels. Quelles sont celles qui relèvent de la communauté spirituelle ou de la communauté temporelle des maîtres ? Si le problème semble important pour la délimitation d’un champ d’action propre à l’une et à l’autre, il est certainement resté en suspens dans nombre de cas. Pour autant, en vue de remplir leur vocation chrétienne, les corporations les plus riches se dotent d’un clergé propre. Offices, aumônes, quêtes, sacrements, acquit des fondations, y sont pris en charge par des ecclésiastiques relevant de la chapelle commune : celle-ci peut dépendre d’une église paroissiale ou conventuelle (telle la chapelle des merciers au chapitre Saint-Sépulcre, celle des bonnetiers à la paroisse Saint-Jacques de la Boucherie), ou bien d’un bâtiment autonome (telle la chapelle Sainte-Marie l’Égyptienne des drapiers rue de la Jussienne, ou la chapelle Saint-Éloi des orfèvres dans la rue portant leur nom). Alors une autorisation de l’archevêque est nécessaire pour la tenue des offices au sein des chapelles particulières.
11 Le chapelain s’adjoint souvent le secours d’un diacre, d’un sous-diacre, de chantres. Les officiants sont nombreux pour la desserte journalière de la chapelle. Qui rémunère ce clergé présent au sein du métier ? En l’absence de sources anciennes, détruites, il est malcommode de répondre, sauf à supposer que cela incombe à toute la corporation ainsi que les registres du XVIIIe siècle le font apparaître. L’extraordinaire somme de 10200 lt que les orfèvres dépensent en 1750 pour la célébration du service divin, l’entretien et le mobilier de la chapelle, les aumônes ordinaires et extraordinaires, incluent visiblement la rémunération du chapelain et de son personnel [21]. En 1709, les mêmes postes de dépense sont insérés au registre annuel des comptes de l’épicerie [22]. Pareille rubrique financière, alors, signifie que sa gestion en échoit aux gardes eux-mêmes, aux jurés et chefs temporels du métier qui assurent la distribution des deniers en même temps que la responsabilité vis-à-vis de l’ensemble des maîtres.
12 Le financement des activités liturgiques et charitables sur la caisse de la corporation interroge donc le périmètre de la confrérie. Cette dernière voit-elle ses fonctions séparées du territoire de la corporation ? Possède-t-elle son propre personnel religieux, ses propres missions caritatives ? La difficulté à l’imaginer vient du fait que, dès les années 1740, les dépenses spirituelles de la corporation sont clairement enregistrées sous le titre de « frais de confrérie » : le générique désignant les exercices religieux de la corporation, du métier organisé, se fixe autour du mot « confrérie » [23]. Il n’est fait à cette période aucune différence entre l’administration de la profession, la corporation, et celle du culte qui l’entoure, la confrérie. La raison pourrait sembler simple, dans la mesure où tout maître est membre des deux communautés temporelle et spirituelle qui composent ensemble la corporation. Les rares lettres de maîtrise parvenues jusqu’à nous le mentionnent. Un don à la confrérie y figure à l’instar du droit d’entrée acquitté pour le métier [24]. Comme toutes celles que comprend la réception à la maîtrise, cette somme ne s’entend en rien sous le jour d’un droit d’adhésion, d’une cotisation, mais d’un don impératif : « Les Gardes ne laissoient pas d’exercer dans leurs Quêtes une espece de contrainte contre ceux qui manquoient à ce devoir, en prenant des Gages chez eux pour les obliger d’y satisfaire » [25].
13 Le postulant se fait recevoir dans les deux lieux, si tant est qu’ils soient encore conçus séparément. Car tous ces indices démontrent qu’au XVIIIe siècle, en réalité, il n’est pas de co-existence égale de la confrérie et du métier dans une même unité, mais bien inclusion de l’une dans les compétences de l’autre.
14 En premier lieu, il faut noter l’imbrication des confréries au métier sur un mode structurel. Celle-ci se lit parfaitement dans l’orfèvrerie. À la mi-XVIIe siècle, la confrérie Notre-Dame du Blanc-Mesnil présente des bougies au bureau de la corporation en vue de prier les gardes de se trouver au village du Blanc-Mesnil pour un service. À la saint Jean-Baptiste, ce sont les confrères qui se rendent à une messe de la chapelle Saint-Éloi, celle de la corporation. De même, à l’Annonciation ainsi qu’à l’Assomption, les reliques du patron saint Éloi sont acheminées depuis Paris vers Le Blanc-Mesnil. Le chapelain de la confrérie est de toute manière le même que celui de la corporation [26]. Quant à la confrérie des Martyrs de Montmartre, sa chapelle est décorée de l’argenterie de Saint-Éloi, celle de la corporation, le jour de la Saint-Denis. L’élection des administrateurs se fait d’ailleurs dans la salle commune du bureau de l’orfèvrerie, après une messe à la chapelle du métier. En tous points, leur mode de désignation imite celui des gardes [27].
15 Aussi archaïque qu’elle paraisse, cette imbrication dispose de sa propre histoire et aboutit effectivement à une fusion. Celle-ci est le fruit du travail social opéré par une frange particulière de la corporation que sont les « gardes » et anciens gardes, du titre honorifique que les jurés se donnent parmi les Six Corps des marchands. D’une part, l’alliance de la confrérie au métier se remarque dans le choix entourant la désignation du clergé. À l’égal de l’Hôtel de Ville qui nomme seul son aumônier à l’usage de ses chapelles, et dont le modèle s’avère puissant sur la constitution des métiers, ceux-ci jouissent d’un pouvoir de désigner leurs officiants en-dehors du regard de l’archevêché : « le Chapelain n’a jamais eu besoin d’autres Provisions ni Visa pour entrer en possession de son Emploi que d’une Expedition seulement de la Déliberation qui l’a élû » [28]. En lieu et place de l’élection, cependant, il vaut mieux parler de nomination puisque seuls les gardes et le collège des anciens gardes, formant ensemble l’assemblée ordinaire de la corporation, en délibèrent. Ainsi, l’orfèvrerie décide en 1672 que les chapelains doivent être préférablement nommés « d’entre les aspirants du corps », fils d’un ancien garde de la corporation, ce qu’ils seront tout au long du XVIIIe siècle [29]. Une attention est portée à la figure sociale du clergé, choisi dans un même espace de notabilité que celui de ses ouailles. C’est là une exigence qui se retrouve à l’échelle de la paroisse dont la direction spirituelle est attendue d’un homme socialement égal au milieu des marguilliers [30]. Si l’objectif est de soustraire le clergé corporatif et local au choix de l’archevêque, on le voit, il est aussi de défendre une équivalence avant tout sociale entre ecclésiastiques et laïcs parmi les lieux qu’ils co-administrent. Ou plutôt, l’union du temporel au spirituel au sein de l’institution d’Ancien Régime demande particulièrement à se réaliser dans la sphère du social. La rivalité entre la draperie et l’archevêché, dès les années 1630-1640, porte sur la liberté plus coutumière que canonique de nommer son chapelain pour la corporation, mais aussi, ce faisant, sur le profil social assigné au clergé desservant la confrérie [31].
16 D’autre part, l’articulation entre confrérie et métier se solidifie par un mouvement singulier, qui est l’apparition d’un cursus codifié, susceptible de relier en un même itinéraire les charges de confrère administrateur et celles de garde dès le début du XVIIe siècle. De tels itinéraires se perçoivent déjà entre les divers lieux de la notabilité de la capitale, où la direction des grandes corporations marchandes, l’échevinage, la juridiction consulaire, les conseils de fabrique, l’administration des établissements charitables, se relient les uns aux autres par une même carrière bourgeoise [32]. La particularité de ce cursus honorum est alors d’enchaîner des responsabilités prises devant des collectifs de nature différente : communauté professionnelle, territoriale, charitable. Les amalgamant dans un même mode de service, il dit l’origine profondément théologico-politique de la communauté urbaine dans son ensemble, accentuée par cette propension de mêmes hommes à l’administrer civiquement et spirituellement. Or, la confrérie participe aussi de cette construction, qui unit sous la direction des mêmes l’exercice chrétien et l’exercice du métier. L’exemple de l’orfèvrerie l’illustre assez. Sur une base de cent confrères reçus administrateurs dans l’une des trois confréries de l’orfèvrerie au XVIIe siècle, quarante-neuf deviennent gardes en provenant de Notre-Dame du Blanc-Mesnil, vingt-huit en provenant des Martyrs, quatorze de Sainte-Anne. Seuls sept sont reçus dans deux confréries différentes. Aussi le premier constat est qu’il est des parcours privilégiant plus que d’autres l’accès à la notabilité. La confrérie Notre-Dame du Blanc-Mesnil fait figure d’antichambre, que confirme l’ancienneté nécessaire pour pouvoir l’intégrer. L’entrée comme administrateur s’y fait dix ou douze ans après la réception dans le corps en début de XVIIe siècle, mais la période d’attente chute à deux ou trois ans en fin de siècle. L’intervalle se réduit en moindre proportion parmi les deux autres confréries, sinon pour les futurs gardes qui ont effectivement vu diminuer la durée de leur attente. C’est là le deuxième constat : une réception comme administrateur de la confrérie concerne des individus de plus en plus jeunes, à peine quelques années après leur lettre de maîtrise, n’ayant pas pu encore faire la preuve de leur talent professionnel.
17 Il est clair que ce rajeunissement éclaire une procédure de recrutement appuyée sur des critères avant tout sociaux. Si le laps de temps qui sépare la réception dans le corps et l’élection aux charges de garde reste à peu près stable, autour de vingt années, en revanche l’intervention de la confrérie dans ce processus recule au fil de la période. Une même observation est possible parmi d’autres corporations, comme les marchands de vin [33]. Alors l’admission dans la confrérie ne sanctionne plus un cheminement spirituel long, mais une prédétermination sociale aux responsabilités. Elle dévie le projet dévotionnel vers une préparation à l’éligibilité politique. C’est bien le sens pris par cette liaison qui, loin de mettre à parité confrérie et corporation, soumet en réalité l’une à l’administration de l’autre. Aussi n’est-il nulle surprise à voir les places d’administrateur des hôpitaux ou des grands établissements charitables (Hôtel-Dieu, Trinité, Petites-Maisons) constituer dans la capitale le sommet du cursus bourgeois sur lequel la fédération des Six Corps détient pratiquement l’exclusivité. Ce sont les corps, en tant que tels, que les traités et manuels donnent pour bénéficiaires de ce rôle d’encadrement [34].
18 De cette manière, lorsque la mercerie obtient en 1673 du couvent du Saint-Sépulcre la jouissance du grand autel pour y installer le service divin de sa confrérie, après avoir occupé une petite chapelle latérale, on découvre que sur les quatre gouverneurs et administrateurs du couvent apparaissent deux merciers, anciens gardes, l’un consul. Ils y ont pour confrère le premier président du Parlement Lamoignon. Le corps se réserve alors l’emploi des stalles, l’accrochage de ses propres ornements, dont ses armoiries. Les chanoines libèrent même un passage vers l’une de leurs maisons pour permettre aux merciers de se rendre facilement dans l’église depuis la rue Quincampoix toute proche, où est installé leur bureau [35]. C’est là, au-dessus du maître-autel, que les merciers accrochent trois ans plus tard le tableau qu’ils ont commandé au peintre Lebrun (la résurrection du Christ) pour l’importante somme de 2200 lt, en vue de commémorer un don d’argent que leur a fait le roi [36] : de la sorte, la confrérie des merciers y célèbre le corps dans son attachement à un ordre tout à la fois théologique et monarchique.
19 Pour autant, on peut se demander qui, parmi les membres, y a effectivement accès. L’emboîtement de la confrérie dans les trajectoires de notabilité, en effet, ne fait que souligner un mouvement d’appropriation de l’espace cultuel et du matériel liturgique, propre à la corporation, en faveur du groupe des gardes et anciens gardes, de ce groupe vis-à-vis duquel la confrérie apparaît telle un lieu de réalisation politique. Bien sûr, l’exiguïté des chapelles justifierait à elle seule la nécessité d’y contingenter l’accès et d’émettre des critères de participation aux cultes. Dès la fin du XVIIe siècle, des corps comme ceux de la mercerie (environ 2500 maîtres), de l’épicerie (environ 650 maîtres), de la bonneterie (environ 300 maîtres), ne permettent plus une mobilisation générale des effectifs lors des grands événements. Aussi la messe patronale des orfèvres à la saint Éloi, dès les années 1680, ne comprend visiblement que les gardes, les anciens et leurs épouses [37]. C’est également le cas lors des messes des drapiers à la chapelle Sainte-Marie l’Égyptienne [38]. Bien d’autres signaux sont visibles. En plus des distributions de bougies lors des assemblées, les bureaux prennent l’habitude de dons de cierges aux armes de la communauté en faveur des gardes et des anciens à la Chandeleur. Des torches et flambeaux aux mêmes armes sont offerts pour le service de leurs obsèques. Le grand poêle y est porté pour l’occasion par les gardes en charge. C’est dès 1632 que les merciers décident de fournir toute l’argenterie de leur chapelle – donc de leur confrérie – à l’enterrement des anciens gardes, avant de démultiplier en 1669 l’offrande qui leur est faite de grandes torches [39]. Or, il ne fait aucun doute que la prise en charge financière de ces cérémonies, au lieu d’incomber à la seule confrérie, échoit au corps tout entier dont les récriminations se multiplient. Ces dernières sont la preuve qu’un changement est à l’œuvre autour de l’imputation des dépenses, que ce soit dans l’émergence d’une bourse commune, unique, ou dans la nature précise des frais qu’elle prend alors en charge. Si jamais elle a pu exister, et se justifier, l’indépendance de la confrérie s’avère de moins en moins envisageable vis-à-vis de la corporation.
20 Il reste que les plaintes de ceux qui en supportent le coût sont d’autant plus écoutées par la justice royale que les procès, récurrents, maltraitent l’unité des corps. Bien que le Parlement ne revienne pas sur ce principe d’une fusion des comptes entre confrérie et corporation, il tente en revanche d’imputer en 1667 les frais du service des gardes apothicaires décédés aux seuls dépens des héritiers et non à celui de tous les maîtres [40]. Il n’est pas sûr que la mesure ait jamais été appliquée. Et dès que la suppression du service pour les anciens est de nouveau évoquée en 1742, à l’appel de la monarchie, l’orfèvrerie proteste sous l’argument que la prière pour les défunts notables est aussi une forme de prière publique par laquelle le corps honore sa perpétuation et place celle-ci sous la mémoire des anciens. Par sa répétition, ce type de rituel s’apparenterait à un ciment social.
« Il est certain que si l’on venoit à abolir ce pieux usage, qui est constamment etably depuis pres de 200 ans, on exciteroit les plaintes de touttes les meilleures familles de l’orfevrerie, ou ce dernier devoir de la pieté chretienne est universellement envisagé comme un temoignage public de la reconnoissance du corps envers ceux de ses membres qui, au prejudice de leurs propres affaires, l’ont servy dans l’administration des siennes » [41].
22 Avec l’inflation du décorum funéraire, se devine l’élévation des gardes en tant que chefs politiques, mais aussi que groupe social. La multiplication des gestes d’allégeance et de gratification, présents dans l’espace consacré, les désigne comme tels. Car ce qui ressort ici est leur montée en dignité par-dessus l’ordinaire commun. Il est sûr que le modèle officier, bénéficiaire d’une dignité par délégation du prince, tente à Paris les corporations marchandes. La forme du cérémonial qu’elles organisent à cette période le démontre assez [42]. Mais le rôle accru que les gardes tiennent aussi devant la monarchie, dans la défense de leurs privilèges menacés par une fiscalité de plus en plus intrusive, dans la négociation de l’impôt directement auprès des ministres, dans la représentation de leur corps au sein de multiples actes publics engageant l’ensemble des maîtres – ce rôle concourt également à leur transmettre ce sentiment d’une supériorité qui, loin de s’interrompre avec la fin de leur exercice, se communique au contraire à leur personne en les distinguant à vie de l’anonymat des simples maîtres. Pareille montée en puissance est déjà flagrante dans la structuration interne des métiers, dans leurs pratiques de délibération et de décision que les gardes ont tendance à confisquer [43]. On la repère dans la disparition des grands festins annuels, au cours des années 1660-1670, remplacés par de petits repas où seuls sont conviés les anciens. Elle demeure évidente, enfin, sur le terrain de la confrérie où la fin de l’égalité confraternelle se mesure au rejet des maîtres hors des moments liturgiques et à l’abondance des solennités pieuses et honorifiques entourant dorénavant le groupe des dirigeants.
La confrérie à l’usage de la domination économique
23 Un phénomène complète ce tableau d’une corporation agrégée à l’espace social de ses dirigeants. Il s’agit de la répression des gardes contre les confréries d’ouvriers ou de compagnons et apprentis. Celle-ci fait partie intégrante d’une même politique de structuration, et de domination, mise en place par les couches supérieures des corps marchands. Par leur capacité à s’assembler et à délibérer, les confréries d’apprentis présentent en effet le cas de communautés installées dans la communauté, où elles contrarient l’exclusivité des pouvoirs de direction que s’arrogent les gardes et les anciens gardes. « Ces Confrairies, formant comme autant de petites Communautez distinctes dans le Corps, en avoient souvent troublé la paix par l’émulation mal reglée & les interêts particuliers de ces differentes Compagnies » [44].
24 En s’appuyant sur des catégories de membres extérieures aux maîtres, ces rassemblements présentent un potentiel de communautarisation professionnelle, dont la mise sous patronage d’un saint n’est que l’étape première, en définitive, comme elle l’a été plusieurs siècles auparavant pour la corporation en tant que telle. Il est bien compris que c’est par ce type de gestes que l’espace des apprentis peut construire coutumièrement son autonomie devant la communauté-mère que constitue l’espace des maîtres, et enclencher avec elle un rapport de force [45]. Ces confréries s’édifient souvent autour d’une impossibilité pour plusieurs apprentis/compagnons à pénétrer l’enceinte des maîtres, à commercer sous leur propre nom, rejetés par des critères sociaux et financiers qu’ils tentent de contourner en coalisant leurs intérêts dans une association revendicative. Aussi, dès qu’est connue la volonté des compagnons orfèvres d’ériger en 1723 leur propre confrérie à l’église Saint-Denis du Pas, sur l’île de la Cité, à quelques pas des hauts lieux tenus par les maîtres (quai des Orfèvres, Palais, Pont-au-Change), les gardes réagissent pour en obtenir l’interdiction : la confrérie tente de soutirer aux maîtres l’augmentation des salaires et du prix des ouvrages. Parce qu’elle est un regroupement de salariés fabricants, et non de maîtres commerçants, la confrérie de compagnons expose son objectif, particulier, qui est tout naturellement la rémunération de la main-d’œuvre – et ce n’est autre que cet intérêt qui est placé sous protection sainte. « À l’abri de cette prétendue Association pieuse, ils assembloient & tramoient des pratiques contraires au bien du Service des Maîtres par le complot concerté entr’eux de demander tous en même tems à rencherir leur Service » [46].
25 Dans la librairie, depuis le début du XVIIe siècle, une même interdiction est imposée aux compagnons « de faire aucune Communauté, Confrairie, Assemblée, Cabale ni Bourse commune », et encore moins de tenir aucun livre ou registre, d’élire aucun marguillier ou syndic, de faire aucune collecte, ni levée de deniers, et d’agir en nom collectif [47]. Le risque demeure d’une sécession vis-à-vis des maîtres, c’est-à-dire d’un processus d’institution autour de plaintes et d’exigences communes, professionnelles, à partir de la seule confrérie. En découlent de multiples actions policières auxquelles les autorités de la lieutenance générale de Paris prêtent généralement leur concours au service d’un ordre social du travail, défendu conjointement par les corporations et l’appareil monarchique [48].
26 Il est sûr que la confrérie, pour les employés et ouvriers gravitant autour des maîtres, reste en fait un outil de socialisation des conflits autant que des croyances. Un cas célèbre est celui de la confrérie des « garçons merciers » obligeant un fils de maître, en 1695, à accepter la charge de marguillier au motif qu’il est sans maîtrise. C’est là un moyen pour les garçons de boutique de dénoncer les moyens illicites par lesquels certaines grandes familles se perpétuent à la tête de leurs commerces sans faire recevoir l’ensemble de la fratrie : la confrérie des garçons élit pour confrères ceux des enfants qui ne sont pas reçus et qui exercent le commerce dans la boutique paternelle. Toutefois la confrérie est déboutée par sentence de police dès l’année suivante [49]. Un cas exactement identique se reproduit en 1749, montrant la force contestataire des pratiques abritées par certaines confréries de garçons [50]. C’est alors toute la puissante fédération des Six Corps qui survient dans le conflit pour défendre la gestion, dérogatoire, à laquelle souscrivent ses dirigeants dans l’encadrement des grands lignages présents parmi eux [51].
27 Le saint que se sont choisis les compagnons orfèvres en 1723, pourtant, s’avère être le même que celui des maîtres, saint Éloi. La dévotion est en tous points similaire et le choix est intentionnel, car il intervient dans ce jeu de compétition et de positionnement commercial vis-à-vis duquel le nom du saint patron est primordial : il vaut attestation dans le champ des droits et privilèges. Choisi par de multiples acteurs économiques tels les batteurs et tireurs d’or, doreurs, taillandiers, arquebusiers, éperonniers, horlogers, serruriers, saint Éloi est la figure tutélaire d’une large famille qui, loin d’être confraternelle, se veut avant tout concurrentielle [52]. Elle sert à consolider le champ commercial de tous ces artisans face à leurs compétiteurs marchands que sont les orfèvres. Les orfèvres possèdent en effet un droit de visite et de saisie – droit défendu par le Parlement et le Conseil royal – sur chacun d’eux, lesquels en contestent la validité tout au long de la période. Aussi le choix du saint patron n’est autre pour les artisans qu’un élément de cette contestation dans la mesure où il affirme fictivement l’égalité des différentes parties devant l’espace des monopoles, et donc l’invalidité d’une visite de l’orfèvrerie par-dessus leurs techniques de vente et de fabrication.
28 Par conséquent, pour les corps marchands, combattre les confréries revient à combattre l’émancipation des subordonnés et l’irruption communautaire libre. Cela équivaut à figer l’ordre corporatif et social existant, à promulguer une organisation particulière des rangs et des droits autour de la production et de l’écoulement des biens. Que ces confréries soient alors identifiées à de « fausses confréries » n’est pas anodin. Ce jugement, émis par la police royale comme par les gardes des corps marchands dès les débuts du XVIIIe siècle, spécifie que certaines confréries se placeraient sous l’auspice d’un saint dans le seul but de masquer un dessein véritable – la conquête souterraine d’un droit –, tandis que les « bonnes confréries » seraient quant à elles des collectifs de dévotion sans autre projet que le zèle chrétien. Avant tout, un tel avis marque la distance désormais prise par les agents royaux envers les formes anciennes du politique : celles-ci ne démêlaient nullement l’action commune, fût-elle commerciale, d’un sens supplicatoire et dédicatoire à l’ordre divin. Mais par ce type de séparation, les corps marchands indiquent eux-mêmes l’ordre politique et religieux, légaliste, à partir duquel ils interprètent l’initiative commune, la valident ou l’invalident. Ils ne comprennent plus, sinon à la rejeter vers le populaire, qu’une pratique puisse encore recourir à l’invocation pieuse et spontanée pour donner forme et justice à une revendication non inscrite en droit. Il est pourtant un mouvement d’identification au diacre Paris, durant les années 1720-1730, qui permet encore à des pratiques artisanales plus ou moins légales de se légitimer dans un ordre parisien et chrétien [53]. En vain. Le combat contre les confréries autonomes entre aussi dans cette incompréhension, celle des élites dirigeantes devant la culture corporative qui fut à l’origine de leurs propres lieux d’appartenance. Quant au point de vue des confréries de compagnons, en dépit de leur objet séditieux, leur format d’organisation et de représentation reste traditionnel, par emprunt au langage usuel de l’invocation et de l’identité collective. Elles montrent leur respect envers un idiome politique ancien [54]. Celui-ci n’est simplement plus partagé par la notabilité marchande de leur temps.
Le lien monétarisé, la fin du catholicisme confraternel
29 L’asservissement des confréries d’apprentis et compagnons traduit, sur le terrain économique, le souci d’une équivalence entre confrérie et notabilité, que le début du XVIIe siècle met en place au sein des grands corps de métier en écartant les simples maîtres hors du cérémonial liturgique. Pourtant, cette liaison va au-delà, rendue possible grâce à un phénomène touchant l’ensemble des institutions durant la période. Généralisée à l’ensemble du royaume, la monétarisation des échanges politiques signe en effet l’épuisement d’un langage théologico-politique propre aux périodes antérieures. Cette évolution affecte également les confréries de métier, à travers plusieurs aspects.
30 D’une part, l’échange en nature est peu à peu jugé impropre au cadre d’une relation publique. Sous forme de jetons ou de monnaies, le métal vient remplacer entre acteurs institutionnels la familiarité d’autres substances (aliments, étoffes, chandelles). Il est clair que, dès le milieu du XVIIe siècle, le don à la confrérie prend parmi les métiers la forme d’une somme d’argent. D’autre part, en guise de corollaire, une tarification s’impose à la place de l’offrande plus ou moins librement consentie. Ce glissement est particulièrement lisible à la manière dont les marguilliers parisiens, au même moment, mettent en place un système de barèmes dans l’octroi des bancs à destination des paroissiens au sein des églises [55]. Il se perçoit pareillement au tarif qui entoure désormais l’usage des ustensiles du service funèbre parmi les corporations. Ainsi, depuis 1639, il en coûte 15 lt pour le prêt du drap mortuaire à destination des simples maîtres merciers tandis qu’il demeure gratuit pour les gardes et anciens [56]. Vingt ans plus tard, en 1659, plusieurs merciers lancent une procédure contre leurs gardes au motif que ceux-ci s’accaparent les insignes de la corporation par le biais d’une vénalité adaptée :
« Il est constant que lors que quelque Marchand ou femme de Marchand vient à deceder, & que l’on envoye demander le Poüel & l’argenterie, & chose dependante à Messieurs nos Gardes, il luy sont refusées, à moins que de donner ausdits sieurs Gardes la somme de quinze livres tournois, ce qui ne se doit pas. Le Poüel & Argenterie & chose dependante ayant esté faites des deniers de la Confrairie & de la Communauté des Marchands Merciers, & ledit Poüel & chose dependante doit servir aussi bien à un pauvre Marchand comme à un riche [...]. Il est tres-besoin & necessaire que cela soit reglé pour cause de la tres-grande quantité de Marchands mal-aisez qu’il y a, & qu’ils n’ont pas quelque-fois apres leur trespas quinze livres pour les faire inhumer [...]. Il est aussi besoin que lors qu’un Marchand ou femme de Marchand vient à mourir, que le jour du Convoy Messieurs les Gardes prennent la peine d’y assister en estant priez » [57].
32 Ce que dénoncent les maîtres, à cette date, est bien la partition de la corporation sur des bases sociales et économiques, que vient renforcer l’usage payant et différencié de ses objets du culte. Ayant été financés par une contribution généralisée des maîtres, sous la forme du don à la confrérie, ces objets ont eu pour rôle de matérialiser l’unité chrétienne et politique de la communauté à travers son unité liturgique. Même théorique, ce rôle est cependant contrarié. Il est dévié vers une célébration de l’hégémonie sociale des chefs. L’accès discriminant aux emblèmes de la corporation en est l’un des principaux outils au cours du XVIIe siècle. Tout porte à penser que, par ce biais, les gardes se remboursent aussi des sommes exorbitantes qu’ils déposent en vue d’arriver à l’administration des confréries. Depuis les années 1660, dans une surenchère qui surprend les intéressés eux-mêmes, il en coûte environ 4000 lt pour un drapier briguant pareille charge [58]. Nécessaire au principe de communion collective, l’égalité confraternelle est ainsi mise à mal par l’irruption d’une monétarisation et d’une tarification des symboles, des gestes, des rituels, des appartenances, dont le but est bien de hiérarchiser la valeur respective des maîtres devant la totalité du corps, du métier, devant l’aptitude ou non de tel maître à l’incarner et le représenter. La confrérie en est le premier levier. Devenu illisible aux moments du mariage et des funérailles, le statut de maître n’est plus rappelé. La communauté professionnelle perdant sa faculté à recouvrir la communauté domestique et la famille, elle n’encadre plus la mort tout autant que la vie de ses maîtres. Le rôle même de la confrérie se tenait là.
33 Participent de ce mouvement d’autres pratiques, comme l’aumône envers les pauvres maîtres du métier. Les corps normalisent également leurs charités au cours du XVIIIe siècle, par l’usage de barèmes et de coefficients qui éloignent le geste de plus en plus de l’assistance libérale [59]. Tandis qu’à la fin du XVIIe siècle la perception comme la distribution des aumônes étaient encore déclarées informelles et confidentielles, la période suivante voit la tenue de registres de dons, de listes de bénéficiaires. Les orfèvres rappellent en 1690, convoquant toujours la figure du pauvre honteux, combien la mise en registre des sommes et des noms blesserait l’orgueil des familles secourues par le biais de l’inscription, alors qu’elles ne recueillent pour l’instant leur aumône qu’au bureau de la communauté, sans être visitées chez elles, à leur domicile.
« À l’esgard des sommes qui s’aumosnent au bureau par ceux que l’on reçoit maistres, les supplians n’en tiennent aucun registre particulier, non plus que de la distribution qui s’en fait, parce que ces deniers se distribüent manuellement à des pauvres maistres, à des veuves et à des enfans de maistres, ce qui demeure dans le secret, que quand on en tien-droit registres, il ne conviendroit pas qu’ils fussent publics et que l’on mit par ce moyen en evidence contre la biensceance la misere de plusieurs familles » [60].
35 Même la remise de tels registres dans les mains des magistrats, à des fins de contrôle, semble irrespectueuse au tournant du XVIIe siècle tandis qu’elle sera obligatoire un demi-siècle plus tard, une fois la lieutenance générale de police établie dans son droit de viser l’usage des aumônes au sein de chaque corps. Au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, en effet, le lieutenant réclame personnellement et annuellement une présentation des registres des pauvres par un commandement que les corps vivent comme une vexation. Les orfèvres s’en offusquent en 1775 en tentant de « soutenir l’ancienne liberté de payer les pensions » [61]. Répandue dans toutes les strates de l’appareil monarchique, une suspicion pèse sur les corps ménageant plusieurs de leurs membres en capacité de payer l’impôt, que ce soit par l’exemption du vingtième d’industrie et de la capitation, ou par l’octroi de gains de survie. En fin de processus, dans les années 1780, les orfèvres ont cependant cédé à la totale tarification de leurs aumônes en triant leurs assistés en trois classes différentes, chacune enregistrée séparément des autres, listes que le lieutenant général contresigne chaque année [62]. Il n’est pas sûr que les bienfaits de la communauté soient même dispensés des mains du chapelain, mais plus certainement de celles des commis des gardes. Ici aussi, étalonnant et monnayant les relations internes à la communauté, la confrérie opère par conséquent un travail de sélection et de hiérarchisation dans un champ qui lui est particulièrement dévolu, la charité, en renonçant au secret de ses libéralités. Elle découpe ouvertement l’unité communautaire selon des critères de ressources. Bien sûr, l’affichage de la prospérité a toujours été un élément central dans l’univers marchand. L’insolvabilité est même une marque de déshonneur pour certains commerces [63]. Toutefois ce qui change ici est sa consignation par écrit, sa réalisation à travers un type social placé à part. Alors la catégorisation du pauvre hors du territoire commun des maîtres semble achevée, de même que l’est la catégorisation des gardes en tant que figures récapitulatrices de ce territoire.
36 Exprimer le lien spirituel et commun par sa fixation monétaire, de fait, est un mouvement dont les répercussions dépassent la corporation. Ce qu’il affecte est ni plus ni moins la capacité des hommes et de leurs institutions à faire ordre ensemble et à dessiner l’espace de la ville ordonnée. Soudain leur libre consentement n’y suffit plus. Nombre de relations en souffrent, comme celles qui reliaient les corporations aux grands établissements ecclésiastiques et charitables de la capitale. Entre 1510 et 1646, les gardes orfèvres et leurs épouses servaient à Pâques les malades de l’Hôtel-Dieu et les prisonniers de la Conciergerie – avant d’interrompre ce rituel du dîner au moment où l’Hôtel-Dieu demande à sa place une somme d’argent. La communion des gardes avec les pauvres et les malades de la ville n’est désormais plus possible. Le renversement hiérarchique qu’elle induisait non plus. De même, la dévotion de l’orfèvrerie aux quatre couvents mendiants de la capitale (Grands-Augustins, Cordeliers, Carmes, Jacobins), qui se marquait par une quête des religieux en compagnie des gardes durant le Carême auprès de tous les maîtres, prend fin en 1667 dès lors que les couvents réclament une somme fixe [64]. Les deux puissances effectuent à présent séparément leurs collectes. Tous ces signes montrent l’affaiblissement des liaisons entre corps professionnels et religieux, de même que l’affaiblissement d’une pensée sotériologique commune aux acteurs urbains, et leur division dorénavant animée par des considérations sociales, culturelles, qui disent le refus de la cité de former encore une même communauté de destin.
37 Au sommet de ce déliement se tient la fin du May des orfèvres. Celui-ci comprenait le don d’un arbre décoré, au XVIe siècle, puis d’un grand tableau votif à partir des années 1630, offert en grande solennité à la cathédrale Notre-Dame chaque 1er mai par la confrérie Sainte-Anne Saint-Marcel des orfèvres. Expression tout à la fois d’un élan dévotionnel et intime, de la part de maîtres regroupés en confrérie, et d’une identité profondément sociale et professionnelle, une telle pratique touche l’ensemble du corps dans sa ferveur mariale et son geste d’ostentation envers la ville. L’événement était décrit comme l’un des rituels majeurs de l’année liturgique. Alors l’arrêt du May s’explique de multiples manières. Il s’interprète déjà par l’éloignement des notables bourgeois hors des vieilles cultures spirituelles de l’image. Une épure religieuse les séduit, qui en vient à déconsidérer le rôle de l’ex-voto, de la relique ou même du pèlerinage comme support et surélévation de la prière tels que le don du tableau pouvait les symboliser [65]. Pourtant une autre cause se dévoile. La volonté de la monarchie de fixer le montant dû pour la commande du tableau, au lieu de la libre contribution des confrères, brise l’élan qui entourait le renouvellement des membres : les orfèvres ont beau se battre depuis 1679 contre les règlements royaux qui veulent supprimer le principe du libre don, les recours s’épuisent [66]. Les gouverneurs de la confrérie rechignent dans les années 1690 à se soumettre à une injonction financière et extérieure [67]. Il n’est bientôt plus de vocations autour de la confrérie, laquelle n’a d’autre choix que de s’auto-dissoudre en 1712. Elle ne parvient plus à se perpétuer à partir d’« une offrande qui, de simple devotion, devient forcée » [68]. Le dernier tableau date de 1707.
38 D’autres exemples corroborent cette vision d’un catholicisme urbain et corporatif en voie de délitement, sous le coup d’échanges monétarisés et quasi fiscalisés, gagnant jusqu’au terrain de la spiritualité collective. Une pareille mutation transforme le don en tarif, l’objet honorifique en monnaie, mais surtout apporte ce désir de normalisation et de stabilisation des liens hors de toute fluctuation, c’est-à-dire hors de tout rapport personnel à la chose publique tel que le don de nature pouvait le manifester. Bien sûr, ce changement se mesure en termes d’inflexion. Plusieurs pratiques lui survivent : à la mi-XVIIIe siècle, les prédicateurs aux fêtes de saint Éloi sont invités à prendre un repas avec les gardes et le doyen des orfèvres [69] ; au consulat, tribunal marchand de la capitale, les messes sont encore servies par un enfant orphelin de l’hôpital de La Trinité, lieu de formation au métier que patronnent les grands corps marchands siégeant au tribunal [70], etc. Pourtant le bilan est là d’un remplacement des formes visibles et mobiles de la religiosité commune par des formes plus abstraites, et rigidifiées. Celles-ci permettent à la confrérie d’apparaître effectivement telle un secteur de dépenses, un poste budgétaire au cœur d’une administration temporelle et ordinaire du métier.
Discipline royale et disparition réglée
39 On l’a esquissé, la responsabilité de la monarchie est primordiale dans ce changement. Tout d’abord parce qu’elle pousse elle-même à la monétarisation du lien public dans le champ institutionnel dont elle a le contrôle. En second lieu parce que sa législation vise à circonscrire la confrérie à cette parcelle administrative qu’elle est devenue au sein de la corporation. Le trait apparaît dès la fin du XVIIe siècle. L’article VIII de leur nouveau règlement de 1679, par exemple, fait défense aux orfèvres d’élire des administrateurs spécifiques aux confréries du corps, et ordonne que les deux derniers gardes en auront désormais la charge [71]. Explicitement, ce règlement attaque l’autonomie de la confrérie tout en organisant son insertion financière et gestionnaire au sein de la corporation. Dans le cas du métier comme de la confrérie, la représentation est assurée par un même personnage. Le plus jeune des gardes devient tout à la fois le comptable de la corporation et l’administrateur de la confrérie. Ceci répond à la volonté même des dirigeants : leur conception est celle d’un ordre commun assuré et figuré par la sanior pars des laïcs. Et la monarchie ne fait qu’accompagner l’élite marchande lorsque, de la sorte, elle codifie la confrérie hors du champ de la piété particulière, et hors du regard ecclésiastique.
40 En définitive, c’est là le sommet d’une pensée bourgeoise ancienne, celle d’une ecclésiologie civique que les principaux métiers ont littéralement incorporée à leurs fonctions politiques, ainsi qu’à leur élite sociale, au point de faire de la religion l’affaire des fidèles qui souhaitent l’organiser à leur avantage sur le terrain social et politique [72]. Très peu de temps après, le développement du jansénisme urbain répandra ce thème du sacerdoce laïc parmi les mêmes milieux marchands [73]. Ainsi, le phénomène séculier est particulièrement visible parmi les corps marchands de la capitale. Au moins depuis le début du XVIe siècle, la monarchie vilipende toute confraternité ritualisée autour de réjouissances communes, et les confréries sont déjà supprimées sur ce thème par l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539 [74]. Le règlement de 1679 fait ainsi normalement défense d’organiser toute assemblée ou tout festin de confrérie autrement que pour le service divin. L’interdiction est courante. Ce que valide ce texte royal va cependant plus loin : d’une part la destination sociale restreinte dévolue au culte, son insertion dans la catégorie sociale des dirigeants, d’autre part l’inclusion totale de la confrérie dans le métier en tant que recours spirituel apporté aux maîtres, et donc l’impossibilité pour elle de tenir toute réunion indépendante. La confrérie ne forme pas communauté à elle seule. Elle est une pratique interne et retenue par les gardes. Là où elle persiste comme instance autonome, les Six Corps s’en moquent désormais comme la marque désuète et archaïque des communautés artisanales. Ils le font en 1720 dans leurs mémoires contre les marchands de vin [75].
41 Aboutissant à une double interdiction, cette combinaison se prolonge au XVIIIe siècle où elle prend un aspect de plus en plus coercitif. Paradoxalement, ce moment de consécration pour l’administration laïque et temporelle du métier annonce en même temps son déclin. Car très vite, la monarchie va au-delà de la propension des gardes à contrôler la confrérie. L’appareil souverain poursuit son travail d’assimilation à la puissance publique, par-dessus la confrérie, en déployant toujours plus les rationalités comptables : il souhaite contrôler l’autonomie corporative dans sa globalité. Il la dénonce pour cela telle un ensemble d’usages, abscons, clandestins, dispendieux, qu’il juge subitement incompatibles avec une administration publique réglée. Pareille opinion se lit à partir de la Régence, où la mise sous tutelle des corporations est envisagée dès 1716. Elle se renforce au fil des réformes qui scandent les décennies suivantes. Ce faisant, le sort réservé à la confrérie est indissociable de celui que la monarchie destine à l’ordre corporatif tout entier. La confrérie ne serait plus que l’illustration d’une déliquescence caractérisant l’ensemble des pratiques communautaires héritées. Aussi n’est-ce pas un hasard si l’arrêt royal de 1739, qui révise les pratiques comptables des Six Corps avec obligation de soumission au lieutenant général de police, n’omet pas un second volet de mesures : il proscrit les repas de confrérie, les distributions de brioches, flambeaux, cierges et bougies [76]. Les corps tentent de s’opposer à l’application du texte, mais cèdent en 1743 sous la pression de la commission royale chargée de la vérification de leurs comptes. On retrouve là la méfiance séculaire envers les « abus » et « cabales » qui, vus depuis les modes réglés de la puissance publique et royale (par office ou par commission), déconsidèrent depuis longtemps un mode électif et sélectif dont la monarchie ne comprend pas le fonctionnement au sein des corps. Le processus électoral désigne le secret d’un pouvoir procédant par délibérations et conciliabules, non par proclamation et procuration souveraine. Néanmoins le monarque va au-delà au cours des années 1740 en réunissant dans une même condamnation, au motif qu’elles ne sont que coutumières, les règles aussi bien temporelles que spirituelles des corps de métier.
42 Axée sur la liquidation de leurs dettes, une commission royale entend donc discipliner dans la seconde moitié du XVIIIe siècle tout l’éventail des activités des corporations parisiennes en examinant, recalculant, validant ou invalidant chaque poste de dépense : frais de bureau, de bouche, de justice, de réparation, tous ces postes s’ajoutent aux frais de confrérie qui sont explicitement reconnus comme les charges destinées à l’entretien liturgique ainsi qu’aux charités. Parallèlement, chacune des dépenses est budgétée d’avance par le Conseil royal [77]. Parce qu’ils sont désormais tarifés, les montants ne souffrent aucun surplus et plusieurs dépenses sont régulièrement rayées après être déclarées inutiles ou non autorisées : parmi l’épicerie, sont refusés les frais pour la fonte des cloches de l’église Sainte-Opportune dont la corporation est la marraine, les frais pour les cierges de la Chandeleur, pour la réfection des objets du culte, pour les dons aux clercs lors des processions de la Fête-Dieu, pour les dons de jambons à Pâques [78]… Au-delà du fait que la comptabilité obéit désormais à des plafonds, à des seuils, elle est soumise à des appréciations souveraines qui sont ici en mesure de biffer, et de reporter sur les fortunes personnelles des gardes, toute dépense estimée hors règle. Par là, les jugements de la commission défont les uns après les autres les liens que la corporation pouvait maintenir avec son voisinage ecclésial et urbain, la variété des gestes qui l’ancraient encore dans le tissu de la ville traditionnelle et incorporée [79]. Dons, repas, rituels entre gardes, notables et clergés extérieurs sont majoritairement rejetés. La monarchie instaure entre les différents corps, lieux, juridictions et fonctions de la ville, ce partage grâce auquel elle veut apparaître comme le seul lien capable d’en représenter l’unité. À travers cette mise en règle des budgets des corporations, c’est bien l’autonomie des systèmes anciens de référence qui est attaquée : ceux-ci organisaient l’union des corps professionnels, territoriaux et religieux entre eux, dans la même ville politique.
43 Bien sûr les gardes des corporations, Six Corps en tête, ne respectent qu’assez peu les articles qui leur sont imposés par arrêt royal. On le remarque en ce qui concerne les aumônes : durant les années 1750, la dépense des orfèvres en la matière dépassent de 15 à 35 % la limite prescrite par les ordonnances [80]. Il est clair que les corporations se battent jusque très tard afin de conserver la maîtrise de leurs charités. Une grande vigilance devient pourtant nécessaire et les mesures coercitives se font nombreuses, portant sur des montants de plus en plus importants. De cette façon, parce qu’ils n’ont pas été approuvés par le lieutenant général de police, les mandements des gardes merciers sur les aumônes sont annulés en 1771 et 1774 : les sommes vertigineuses de 19936 lt et 15909 lt sont retirées du passif commun et placées sous la seule responsabilité individuelle des gardes [81]. C’est là une manière, à quelques années des réformes de Turgot en février 1776, de jeter le discrédit sur les techniques employées par les corporations dans toute leur administration interne. Les petites communautés d’artisans sont alors celles qui ont dû obtempérer à ce type d’injonctions le plus tôt, dès les années 1720. Leur degré de résistance a été plus faible que parmi les corps marchands qui se singularisent par cette propension à retarder les effets de la législation royale [82].
44 Ce que parviennent à faire les commissaires royaux à travers la correction des comptes est alors primordial. Leur action consiste à créer une indistinction totale entre temporel et spirituel des corporations au sein d’une même condamnation. Les deux pans se rejoignent dans une même vétusté corporative, une même impéritie jugée nuisible et coûteuse envers les maîtres. Les contributions aux dépenses communes seraient autant d’argent distrait des circuits réels du commerce. En plus des frais de confréries, ce sont donc de nombreux postes de dépense qui endurent les radiations : frais pour la réfection des biens fonciers, pour le classement des archives, pour l’impression des nomenclatures des maîtres, pour le nettoyage des robes de cérémonie, etc. La normalisation de la confrérie est inséparable d’un corpus de lois venant rogner les uns après les autres les privilèges corporatifs : la fixation des budgets des Six Corps par arrêt royal en 1742, leur soumission au tirage au sort de la milice pour l’enrôlement aux armées en 1744, leur imposition non négociable à 1 300 000 lt en 1745, les projets de création de lettres de maîtrise héréditaires sur le modèle de l’office en 1747, 1757, 1759, 1770, le refus par le roi des candidats des Six Corps pour le poste de député du commerce de Paris à partir de 1752, les projets de libéralisation du commerce en gros parisien empiétant sur l’espace économique en 1756, 1759, 1765, l’apurement forcé de leurs comptes par une commission royale ad hoc à partir de 1757.
45 Il ne faut nullement isoler le travail opéré sur les confréries de métier de cette grande vague législatrice sur les corporations dont le Parlement de Paris est convaincu, dans ses remontrances, qu’elle vient « détruire totalement la forme d’une administration qui remonte aux établissements de saint Louis » [83], à savoir qu’elle prend pour cible le corporatisme en tant que tel. Dès les années 1740, le contexte est celui d’une radicalisation de la pensée libérale qui cherche ses applications dans le champ des réformes gouvernementales [84]. Aussi la confrérie ne résiste pas devant un projet général de refonte des cadres économiques de la société, vis-à-vis desquels elle n’est plus qu’un accessoire de l’archaïsme.
46 Sans surprise, suite à l’édit royal de février 1776, toutes les confréries de métier sont supprimées en même temps que les corporations qui les supportent. Leurs biens sont confisqués. À cette date, tout le matériel de la confrérie des merciers (poêle, argenterie, statuaire) est bien conservé au bureau de la corporation, rue Quincampoix, et non pas à proximité de leur chapelle, au chapitre du Sépulcre rue Saint-Denis [85]. Le rétablissement des corporations dès le mois d’août, la même année, écarte cependant la possibilité d’une corestauration du métier et de la confrérie : cette dernière est jugée extérieure à l’objet corporatif qui n’est plus que l’encadrement public de la production et de la distribution dans un lieu donné. « Elle ne sert tout au plus que de lien pour l’exercice commun des devoirs de la religion » [86]. Son existence est avant tout déclarée du ressort des ministres de l’Église et non plus des chefs d’organismes commerciaux. Ainsi les confréries sont éteintes, et les actions charitables sont bon an mal an conservées dans les mains de corporations privées des trois-quarts de leurs revenus ordinaires, reversés au roi [87] : elles sont désormais moins des aumônes que des bienfaisances.
47 Les confréries adossées aux métiers d’Ancien Régime ont une histoire intimement liée à l’organisation corporative et commerciale de la ville. L’exemple parisien démontre que le modèle de la confraternité et de la solidarité chrétiennes, auquel adhèrent l’ensemble des corporations comme justification de l’unité qu’elles constituent, est en fait travaillé par toute une série d’acteurs en vue d’asseoir leurs propres visées au sein du corporatisme urbain. D’une part, la confrérie s’inscrit dans une société marchande chahutée par l’émergence du modèle dignitaire, royal et officier, ramifiant toujours plus loin ses parcours de notabilité aux lieux de pouvoir présents dans la capitale. D’autre part, la confrérie intervient dans des conflits de légitimité autour du statut des hommes, des gestes, des droits, tenus devant les chaînes de production et de vente. Pour cela, regroupées en fédération sous le nom de Six Corps, les corporations marchandes restreignent la confrérie à des usages de contrôle social, politique, économique, dont l’objectif premier est l’exclusion de maîtres ou d’apprentis jugés inaptes à la décision commune, à l’indépendance commerciale, à la représentation de leur corps. Il est bien une fermeture de la confrérie, en termes de périmètre dès le début du XVIIe siècle, avant son intégration gestionnaire au sein de la communauté incarnée par ses seuls gardes, dans la deuxième moitié du siècle. Moins qu’un groupe de dévotion, la confrérie y devient un poste de dépenses au service de la liturgie et des aumônes.
48 Depuis les expériences sociales abritées par la confrérie de métier, on ne peut ainsi déduire l’apparition d’une sensibilité de type prédémocratique [88]. La confrérie est au service d’une structuration sélective de la société urbaine. Y compris en pleine Contre-Réforme, la manière dont le spirituel vient se soumettre au temporel corporatif illustre la force d’un encadrement laïc donné à la religion collective. Par son verrouillage même, la confrérie satisfait à une volonté de personnification d’un ordre civique et chrétien à travers ses dirigeants ordinaires, les notables, vis-à-vis desquels le clergé n’est qu’en position d’auxiliaire. Se développe une dimension clairement élitiste et administrative de la communauté, rejetant les formes vernaculaires de la sacralité et son exaltation populaire. Compatible avec une confiscation par les notables, cette entrée de la confrérie dans la règle publique est d’autant plus marquée qu’elle se manifeste par un phénomène général, l’irruption de tarifs monétaires dans ses relations internes. Le lien commun se manifeste désormais par le versement d’argent. Dans les pays du Nord européen, ce basculement de la communauté chrétienne et professionnelle vers un corpus juridique, et judiciaire, s’opère bien plus tôt dès le XVIe siècle, tout en présentant les mêmes caractéristiques [89]. À Paris, il accompagne la lente insertion de la corporation dans l’appareil monarchique.
49 En effet, la fin du caractère coutumier de la corporation, et de sa confrérie, est autant l’œuvre des notables urbains que de la monarchie. Celle-ci mène à son terme l’assimilation de la confrérie à un poste budgétaire, certes, mais aussi l’assimilation de toutes les finances corporatives à un même forme de malversation. Publiciser les actes courants de la corporation coïncide soudain avec ce souci d’en combattre les désordres. Accru au fil du XVIIIe siècle, le contrôle gouvernemental sur les opérations financières des corporations est une manière de prendre pour cible leur autonomie traditionnelle, par l’imposition de pratiques comptables que le roi déclare « réglées ». Dans ce contexte de surveillance, exercée par les magistrats royaux, la confrérie n’est plus qu’un exemple parmi d’autres de l’obscurantisme et de la prévarication dont la monarchie accuse soudain les gardes et les jurés. Elle est instrumentalisée par le combat politique qui balaie la reconnaissance d’un projet spirituel et dévotionnel à la base du métier. Un nouveau corporatisme se fait jour, simplement animé par l’échange fonctionnel entre production et consommation, sans plus de légitimité chrétienne [90]. Nul doute qu’il transite alors par cette mise au pas des comptabilités dans la mesure où plusieurs de leurs objets sont désormais jugés inutiles et néfastes : repas, dons, redistributions, bénédictions communes. Là se défont, sous impulsion du Conseil royal, les derniers liens qui unissaient les corporations à leur environnement ecclésial, charitable, paroissial. Les chefs des corporations y travaillent un premier temps, il est vrai, par distance prise envers les croyances vulgaires, avant de s’en effrayer une fois toute leur ancienne autonomie remise en cause.
50 Ainsi la forme prise par le catholicisme confraternel, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, répond à un double processus d’intégration. Il annonce le resserrement d’une économie des rangs et des droits dans le corps urbain, d’une spiritualité capable d’en informer les attendus sociaux, commerciaux, politiques. Son épuisement correspond ensuite à un deuxième moment, celui où la monarchie incorpore ces mêmes attendus, les collectifs qui en sont nés, à ses dispositifs administratifs ainsi qu’à sa législation propre. L’un et l’autre, ces deux moments sont la preuve d’une incapacité pour le culte catholique à se légitimer hors des définitions publiques données à la société, à ses motifs séculiers, depuis les pouvoirs laïcs qui la gouvernent.
Notes
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[1]
Marie-Hélène FROESCHLÉ-CHOPARD, Dieu pour tous et Dieu pour soi. Histoire des confréries et de leurs images à l’époque moderne, Paris, L’Harmattan, 2006 ; Philippe DESMETTE (éd.), « Les confréries religieuses et la norme, XIIe-début XIXe siècle », dossier de la revue Cahiers du centre de recherches en histoire du droit et des institution (Bruxelles), 19, 2003 ; Stefano SIMIZ, Confréries urbaines et dévotion en Champagne (1450-1830), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2001 ; Catherine VINCENT, Les confréries médiévales dans le royaume de France, XIIIe-XVe siècle, Paris, Albin Michel, 1994 ; M.-H. FROESCHLÉ-CHOPARD, Roger DEVOS (éd.), Les confréries, l’Église et la cité : cartographie des confréries du Sud-Est, Grenoble, Centre alpin et rhodanien d’ethnologie, 1988.
-
[2]
David GARRIOCH, « Royal policy and the secularisation of the Paris guilds in the eighteenth century », French History and Civilization, 5, 2014, p. 24-33.
-
[3]
François OLIVIER-MARTIN, L’organisation corporative de la France d’Ancien Régime, Paris, Sirey, 1938, p. 92-104.
-
[4]
Paola LANARO, « Corporations et confréries : les étrangers et le marché du travail à Venise (XVe-XVIIIe siècle) », Histoire urbaine, 21, 2008, p. 31-48.
-
[5]
Olivier CHRISTIN, Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel, Paris, Seuil, 2014, p. 86-104.
-
[6]
Vincent MILLIOT, Un policier des Lumières. Suivi de Mémoires de J.C.P. Lenoir, ancien lieutenant général de police de Paris, écrits en pays étrangers dans les années 1790 et suivantes, Seyssel, Champ Vallon, 2011, p. 764.
-
[7]
William H. SEWELL, Gens de métier et révolutions. Le langage du travail de l’Ancien Régime à 1848 [1980], Paris, Aubier-Montaigne, 1983, p. 56-63.
-
[8]
Mathieu MARRAUD, « Crédit marchand, fiscalité royale. Les corporations parisiennes face à l’État, 1690-1720 », in Vincent MEYZIE (éd.), Crédit public, crédit privé et institutions intermédiaires, monarchie française, monarchie hispanique, XVIe-XVIIIe siècle, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2012, p. 155-199.
-
[9]
Philippe MINARD, « Les corporations en France au XVIIIe siècle : métiers et institutions », in Steven L. KAPLAN, ID. (éd.), La France, malade du corporatisme ? XVIIIe-XXe siècle, Paris, Belin, 2004, p. 39-51.
-
[10]
Alexis FONTBONNE, « Dévotion et institution. Pour une histoire cohérente des confréries en Europe occidentale (XIIe-XVIIIe siècle) », Archives de sciences sociales des religions, 170, 2015, p. 191-208.
-
[11]
Archives nationales (désormais AN), K 1045 N° 14, « Mémoire pour le corps des orfèvres joüailliers », s.d. [1776].
-
[12]
Håkon HAUGLAND, « “To help the deceased guild brother to his grave” : Guilds, death and funeral arrangements in late medieval and early modern Norway, ca. 1300-1900 », Collegium, 18, 2015, p. 152-183.
-
[13]
Pierre LE ROY, Statuts et privileges du corps des marchands orfevres-joyailliers de la ville de Paris : recueillis des textes de tous les edits, ordonnances, déclarations, lettres patentes, arrêts, reglemens & autres titres, anciens & modernes, qui constituent les prérogatives & la police de l’état d’orfevrerie-joyaillerie en cette ville, Paris, Paulus-du-Mesnil, 1734, p. 36.
-
[14]
Marco VAN LEEUWEN, « Guilds and middle-class welfare, 1550-1800 : provisions for burial, sickness, old age and widowhood », Economic History Review, 65-1, 2012, p. 61-90.
-
[15]
M. MARRAUD, « Communauté conjugale et communauté politique. Les usages de la coutume de Paris dans la bourgeoisie corporative, XVIIe-XVIIIe siècles », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 58-2, 2011, p. 96-119.
-
[16]
Nicolas LYON-CAEN, La boîte à Perrette. Le jansénisme parisien au XVIIIe siècle, Paris, Albin Michel, 2010, p. 382-385.
-
[17]
M. MARRAUD, « Dérogeance et commerce. Violence des constructions socio-politiques sous l’Ancien Régime », Genèses, 95, 2014, p. 2-26.
-
[18]
Bibliothèque nationale de France (désormais BnF), FOL-FM 12424, Memoire que les marchands epiciers de Paris ont l’honneur de presenter à Monseigneur le Chancelier, Paris, Coignard, s.d. [1721], p. 2.
-
[19]
AN, K 1047 n° 58, Au Roy et à son Altesse Royale Monseigneur le duc d’Orleans petit-fils de France, Regent, Paris, Guillery, s.d. [1720].
-
[20]
Charles LOYSEAU, Traicté des ordres et simples dignitez [1610], Paris, L’Angelier, 1613, p. 99.
-
[21]
AN, T* 1490 (232), comptes de l’orfèvrerie pour 1750.
-
[22]
Bibliothèque historique de la ville de Paris (désormais BHVP), Ms CP 4999, compte de l’épicerie pour 1709.
-
[23]
AN, V7 428, vérification des comptes de l’épicerie ; AN, V7 435, vérification des comptes de la mercerie ; AN, V7 436, vérification des comptes de l’orfèvrerie, 1743-1775.
-
[24]
AN, G7 1727, lettre de maîtrise de Jacques Mabille dans l’épicerie, 1711.
-
[25]
P. LE ROY, Statuts et privileges…, op. cit., p. 41.
-
[26]
AN, KK 1346, « Sommaire de l’Antiquité de la Chapelle du bourg du Blancmesnil », 1660.
-
[27]
AN, KK 1345, « Inventaire des chartes, titres, registres, comptes et actes de l’immémorialle confrairie ancienne des Martirs », 1671.
-
[28]
P. LE ROY, Statuts et privileges…, op. cit., p. 30.
-
[29]
AN, KK 1351, registre de délibérations des orfèvres, 3 décembre 1742 ; AN, KK 1 352, registre de délibérations des orfèvres, 29 janvier 1760, 9 avril 1771.
-
[30]
N. LYON-CAEN, « Labrüe au paradis, Chapeau aux enfers. Les notables de Saint-Germain-l’Auxerrois face à leurs curés au XVIIIe siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, 92-1, 2006, p. 117-146.
-
[31]
BnF, Z Thoisy-369 (f° 68), Factum pour les maîtres et gardes de la marchandise de draperie de cette ville de Paris, contre maître François Sanson, soi-disant pourvu de la chapelle de Sainte-Marie Égyptienne, s.l.n.d. [env. 1634] ; BnF, 4-FM-29 538, Factum pour maître François Sanson, chapellain de la chapelle de Sainte-Marie-Égyptienne, contre les Maistres & Gardes de la Drapperie de Paris, s.l.n.d. [env. 1643].
-
[32]
N. LYON-CAEN, M. MARRAUD, « Multiplicité et unité communautaire à Paris. Appartenances professionnelles et carrières civiques, XVIIe-XVIIIe siècles », Histoire Urbaine, 40, 2014, p. 19-36.
-
[33]
Michel SURUN, Marchands de vin en gros à Paris au XVIIe siècle. Recherches d’histoire institutionnelle et sociale, Paris, L’Harmattan, 2007, p. 47-53.
-
[34]
Étienne-Olivier PARY, Guide des corps des marchands et des communautés des arts et métiers, tant de la ville & fauxbourgs de Paris que du royaume, Paris, veuve Duchesne, 1766, p. 10-11.
-
[35]
AN, Minutier central des notaires (désormais MC) LXXXVI 415, 6 juillet 1673, concession du Sépulcre à la mercerie.
-
[36]
AN, MC LXXXVI 421, 11 juillet 1676, accord entre le Sépulcre et la mercerie ; ibidem, 1er août 1676, quittance de Charles Lebrun à la mercerie.
-
[37]
AN, T 1490 (2), Journal pour servir à messieurs les gardes de l’orfevrerie joüaillerie de la ville & faubourgs de Paris, Paris, Roulland, s.d. [1689], p. 82-84.
-
[38]
BnF, Z Thoisy-377, Factum pour Charles Boucher, l’un des Maistres de la Confrairie des Marchands Drapiers, s.l.n.d. [env. 1678].
-
[39]
Dominique-Gustave SAINT-JOANNY, Registre des délibérations et ordonnances des marchands merciers de Paris, 1596-1696. Manuscrit incendié aux Archives de la Ville le 24 mai 1871, reconstitué avec préface et notes-appendices, Paris, Willem, 1878, p. 18-19, 97.
-
[40]
Archives de la Préfecture de police de Paris, coll. Lamoignon, vol. 15, arrêt du Conseil du 15 décembre 1667.
-
[41]
AN, KK 1351, registre de délibérations de l’orfèvrerie, mars 1742.
-
[42]
M. MARRAUD, « Le cérémonial urbain à Paris au XVIIIe siècle : représentation et négociation politique », in Thierry BELLEGUIC, Laurent TURCOT (éd.), Les histoires de Paris (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Hermann, 2013, vol. 1, p. 245-267.
-
[43]
S.L. KAPLAN, « Idéologie, conflits et pratiques politiques dans les corporations parisiennes au XVIIIe siècle », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 49-1, 2002, p. 5-55.
-
[44]
P. LE ROY, Statuts et privilèges…, op. cit., p. 32.
-
[45]
D. GARRIOCH, Michael SONENSCHER, « Compagnonnages, confraternities and associations of journeymen in eighteenth-century Paris », European History Quaterly, 16-1, 1986, p. 25-45.
-
[46]
P. LE ROY, Statuts et privileges…, op. cit., p. 63.
-
[47]
BnF, 8-Z Le Senne 4623, Code de la librairie et imprimerie de Paris, Paris, imprimé par la communauté, 1744, p. 175.
-
[48]
S.L. KAPLAN, « Réflexions sur la police du monde du travail, 1700-1815 », Revue historique, 261-529, 1979, p. 17-77.
-
[49]
Jean-Baptiste DENISART, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence [1757], Paris, Desaint, 1768, p. 223-224.
-
[50]
BHVP, 92315, Mémoire pour Joseph-Nicolas Sauvage et Jean-Augustin Nau contre Mathieu Vilercy et Jean-Jacques Cavalier, marguilliers en charge de la confrérie des garçons-facteurs des marchands merciers à Paris, défendeurs, Paris, Paulus-du-Mesnil, 1749.
-
[51]
AN, KK 1342, registre de délibérations des Six Corps, 31 juillet 1749.
-
[52]
É.-O. PARY, Guide des corps…, op. cit.
-
[53]
N. LYON-CAEN, « Un “saint de nouvelle fabrique”. Le diacre Paris (1690-1727), le jansénisme et la bonneterie parisienne », Annales HSS, 65-3, 2010, p. 613-642.
-
[54]
W.H. SEWELL, Gens de métier…, op. cit., p. 67-94.
-
[55]
Laurence CROQ, « Les mutations de la distinction sociale dans les églises paroissiales à Paris (des années 1680 à la Révolution) », in Laurence JEAN-MARIE, Christophe MANEUVRIER (éd.), Distinction et supériorité sociale (Moyen Âge et époque moderne), Caen, Publications du Centre de recherches archéologiques et historiques médiévales, 2010, p. 81-106.
-
[56]
D.-G. SAINT-JOANNY, Registre…, op. cit., p. 25.
-
[57]
BnF, 4-FM 25077, Remonstrance faite a Messieurs les Maistres & Gardes des Marchands Merciers, Grossiers, Joüailliers, Quincailliers de cette Ville de Paris, par tous les Marchands Merciers en destail de cette Ville, s.l.n.d. [1659], p. 7-8.
-
[58]
BnF, Z Thoisy-377, Factum pour Charles Boucher…, op. cit.
-
[59]
AN, T* 1490 (37), « Registre contenant les noms de chacun des pauvres maitres et marchands orfèvres-joyailliers et veuves de maitres auxquels il est accordé une pension annuelle pour ayder à leur subsistance », 1750-1763 ; AN, T* 1490 (38), « Registre pour le payement des pensions », 1763-1768.
-
[60]
AN, K 1039 n° 43, arrêt du Conseil du 10 mai 1690.
-
[61]
Ibidem, n° 249, observation de l’orfèvrerie, env. novembre 1776.
-
[62]
AN, K 1045 n° 2, « Discours sur la maison commune des orphèvres de Paris », 1788.
-
[63]
M. MARRAUD, De la ville à l’État. La bourgeoisie parisienne, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Albin Michel, 2009, p. 277-315 ; L. CROQ, « La désincorporation des salariés, l’exemple de la mercerie parisienne (1680-1776) », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, 123-1, 2011, p. 115-128.
-
[64]
AN, T* 1490 (16), « Recueil de plusieurs choses consernant le corps et communauté des Marchands Orfevres jouailliers de la ville et faubourgs de Paris », 1707, f° 79, 81.
-
[65]
O. CHRISTIN, « Le May des orfèvres. Contribution à l’histoire de la genèse du sentiment esthétique », Actes de la recherche en sciences sociales, 105, 1994, p. 75-90.
-
[66]
AN, K 1046 n° 27, arrêt du Conseil du 7 mai 1692.
-
[67]
Ibidem, n° 28, « Requeste presentée au Conseil par les Maistres et Gardes de l’Orfevrerie & Joaillerie de Paris sur le May de Nôtre Dame », 1693.
-
[68]
AN, T 1490 (4), acte de dissolution de la confrérie Sainte-Anne Saint-Marcel, 1712 ; Patrick LAHARIE, « Une confrérie d’orfèvres parisiens : la confrérie Sainte-Anne-Saint-Marcel, 1449-1712 », in José LOTHE, Agnès VIROLE (éd.), Images de confréries parisiennes. Exposition du 18 décembre 1991 au 7 mars 1992, Paris, Bibliothèque historique de la ville de Paris, 1992, p. 237-264, p. 247-250.
-
[69]
AN, KK 1351, registre de délibérations des orfèvres, 1er avril 1742.
-
[70]
Archives de Paris, D1 B6-8, compte de gestion du Consulat, 1749-1750.
-
[71]
AN, K 1043 n° 1, extrait du règlement général du 30 décembre 1679.
-
[72]
L. CROQ, D. GARRIOCH, « Introduction : pour une histoire sociale du religieux, les formes d’incorporation religieuse des sociétés modernes », in EID. (éd.), La religion vécue. Les laïcs dans l’Europe moderne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 9-24.
-
[73]
N. LYON-CAEN, La boîte…, op. cit., p. 291-302.
-
[74]
Marc VENARD, « La crise des confréries en France au XVIe siècle », in Populations et cultures, études réunies en l’honneur de François Lebrun, Rennes, Amis de François Lebrun, 1989, p. 397-409.
-
[75]
AN, KK 1340, « Memoire pour les Six Corps des marchands de la ville de Paris, servant de replique aux réponses des marchands de vin », 1724.
-
[76]
AN, KK 1351, registre de délibérations de l’orfèvrerie, 29 décembre 1742.
-
[77]
AN, AD/XI/17, arrêt du Conseil du 17 novembre 1742.
-
[78]
AN, V7 428, commission extraordinaire sur les comptes de l’épicerie, 1743-1760.
-
[79]
M. MARRAUD, « Mastering the guilds’ debts in eighteenth-century Paris : Royal scrutiny, debt reduction and State coercion », Histoire et mesure, 30-2, 2015, p. 171-188.
-
[80]
AN, KK 1351, registre de délibérations des orfèvres, avril 1742.
-
[81]
AN, V7 435, commission extraordinaire sur les comptes de la mercerie, 1771, 1774.
-
[82]
AN, V7 443B, arrêts du Conseil en lien avec la commission de liquidation des dettes des communautés, 1716-1740.
-
[83]
BnF, Ms. Joly de Fleury 573, Objet des remontrances du Parlement au sujet des sept Edits qui lui ont été envoyés pour être enregistrés, s.l.n.d. [1759], p. 7.
-
[84]
Simone MEYSSONNIER, La balance et l’horloge. La genèse de la pensée libérale en France au XVIIIe siècle, Montreuil, Éditions de la Passion, 1989, p. 263-275.
-
[85]
AN, Y 15385, scellés du bureau de la mercerie, 12 mars 1776.
-
[86]
Archives de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, X 1-00 (2), « Observations sur quelques projets concernant le retablissement des corps et communautés d’arts et metiers », s.d. [1776].
-
[87]
S.L. KAPLAN, La fin des corporations, Paris, Fayard, 2001, p. 284-286.
-
[88]
D. GARRIOCH, « From religious to secular sociability : Confraternities and freemasonry in eighteenth-century Paris », in Nicholas A. ECKSTEIN, Nicholas TERPSTRA (éd.), Sociability and its Discontents. Civil Society, Social Capital, and their Alternatives in Late Medieval and Early Modern Europe, Turnhout, Brepols, 2009, p. 313-326.
-
[89]
Bert DE MUNCK, « From brotherhood community to civil society ? Apprentices between guild, household and the freedom of contract in early modern Antwerp », Social History, 35-1, 2010, p. 1-20.
-
[90]
D. GARRIOCH, « Royal policy… », art. cit.