Couverture de RHMC_631

Article de revue

La libération conditionnelle en France de 1885 aux années 1930. De la loi à la pratique

Pages 171 à 194

Notes

  • [1]
    Je remercie sincèrement Dominique Kalifa et Claire Zalc pour leur relecture attentive et leurs précieux conseils.
  • [2]
    Alexis SPIRE, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005 ; Vincent DUBOIS, La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère [1999], Paris, Économica, 2010.
  • [2]
    Erving GOFFMAN, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus [1961], Paris, Éditions de Minuit, 1968.
  • [3]
    Précisons toutefois que la justice pour mineurs connaît de véritables innovations dans la première partie du XXe siècle.
  • [5]
    L’ensemble des circulaires et notes de service a été dépouillé grâce aux volumes du Code pénitentiaire de 1885 à 1939 (imprimé à Melun par l’Imprimerie administrative, le Code est une publication cumulative de divers documents administratifs et du Bulletin de l’administration pénitentiaire). Nous avons également consulté les rapports de l’Inspection générale des services administratifs, et la très riche Statistique pénitentiaire.
  • [6]
    Deux grandes revues ont retenu notre attention : la Revue pénitentiaire et de droit pénal de 1918 à 1933, qui constitue le bulletin d’information de la Société générale des prisons et de législation criminelle, et la Revue internationale de droit pénal dans les années 1930.
  • [7]
    Cette maison centrale a ouvert ses portes en 1814 dans l’ancienne abbaye des Bénédictins. Elle constitue une des grandes prisons de l’Ouest français, consacrée aux peines supérieures à un an. À ce titre, elle peut servir d’observatoire pertinent pour les demandes de libération conditionnelle. Ses archives ont été très bien conservées et forment une source exceptionnelle pour l’histoire contemporaine des prisons, voir : Jacques-Guy PETIT, Ces peines obscures : la prison pénale en France (1780-1875), Paris, Fayard, 1990. Bien que la graphie Fontevraud soit désormais la seule officielle, nous conservons ici l’orthographe Fontevrault, plus usitée à la période étudiée.
  • [8]
    Jean-Lucien SANCHEZ, À perpétuité. Relégués au bagne de Guyane, Paris, Vendémiaire, 2013, p. 23-32 ; Robert BADINTER, La prison républicaine (1871-1914), Paris, Fayard, 1992, p. 97-179.
  • [9]
    E. GOFFMAN, Asiles…, op. cit., p. 95 : « On finit par savoir que certains actes sont de ceux qui impliquent un allongement ou une non-diminution du séjour, alors que d’autres entraînent une réduction de peine ».
  • [10]
    Circulaire du 31 janvier 1888, Code pénitentiaire, vol. 12, p. 172.
  • [11]
    Ibidem, p. 173.
  • [12]
    Michel FIZE, « Il y a 100 ans… la libération conditionnelle », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1985-4, p. 755-773, p. 767.
  • [13]
    Edwige DE BOER, « Gracier les jeunes au XIXe siècle », in Frédéric CHAUVAUD (éd.), Le droit de punir du siècle des Lumières à nos jours, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 111-125, p. 112.
  • [14]
    Circulaire du 11 novembre 1885, Code pénitentiaire, vol. 10, p. 241.
  • [15]
    Rapport adressé au président de la République sur la mise en pratique de la libération conditionnelle (loi du 14 août 1885), de 1890 à 1893, 31 décembre 1894, Code pénitentiaire, vol. 14, p. 502.
  • [16]
    Circulaire du 16 janvier 1902, Code pénitentiaire, vol. 16, p. 67-70.
  • [17]
    Olivier BEAUD, La puissance de l’État, Paris, PUF, 1994, p. 474.
  • [18]
    Dominique KALIFA, « Magistrature et “crise de la répression” à la veille de la grande guerre (1911-1912) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 67-3, 2000, p. 43-59.
  • [19]
    Note de service du 14 mars 1902, Code pénitentiaire, vol. 16, p. 74.
  • [20]
    Circulaire du 1er août 1905, Archives départementales de l’Oise, Beauvais, 1Y827.
  • [21]
    Note de service du 6 juin 1906, Code pénitentiaire, vol. 17, p. 31.
  • [22]
    Note de service du 25 mai 1923, Code pénitentiaire, vol. 21, p. 127.
  • [23]
    Marie VOGEL, Contrôler les prisons : l’Inspection générale des services administratifs et l’Administration pénitentiaire 1907-1948, Paris, la Documentation française, 1998, p. 46.
  • [24]
    Après le rattachement en 1911 et jusqu’en 1935, les personnels de la direction sont détachés du ministère de l’Intérieur, et leur avancement est établi par le conseil des directeurs du ministère de l’Intérieur, après concertation avec le directeur de l’administration pénitentiaire et le chef de cabinet du ministre de la Justice.
  • [25]
    Christian CARLIER, « La balance et la clef. Histoire du rattachement de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice », Criminocorpus (criminocorpus.revues.org), 2011.
  • [26]
    ZAMULO [prénom non indiqué], « La libération conditionnelle en France et à l’étranger, étude critique », thèse de droit, Université de Paris, 1935, p. 97-113.
  • [27]
    Armand MOSSÉ, Variétés pénitentiaires. La réouverture des prisons départementales. La comptabilité des prisons en régie. Des conséquences du chômage dans les prisons de courtes peines. La prison pour dettes. Les magistrats pénitentiaires, Paris, Sirey, 1932, p. 84.
  • [28]
    M. FIZE, « Il y a 100 ans… », art. cit.
  • [29]
    Pierre LASCOUMES, « Normes juridiques et mise en œuvre des politiques publiques », L’année sociologique, 40, 1990, p. 43-71.
  • [30]
    Christian CARLIER, Histoire du personnel des prisons françaises du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Éditions de l’Atelier, 1997, p. 123.
  • [31]
    ID., L’administration pénitentiaire et son personnel dans la France de l’entre-deux-guerres, Paris, ministère de la Justice, 1989, p. 18-19.
  • [32]
    Exposé général concernant la mise en pratique du système de libération conditionnelle, 15 octobre 1890, Code pénitentiaire, vol. 14, p. 118.
  • [33]
    Circulaire du 2 mars 1887, Code pénitentiaire, vol. 12, p. 26.
  • [34]
    Sur l’importance de ce modèle médical dans la science pénitentiaire, voir Marc RENNEVILLE, « L’anthropologie du criminel en France », Criminologie, 27-2, 1994, p. 185-209, p. 202.
  • [35]
    Reynald OTTENHOF (éd.), L’individualisation de la peine. De Saleilles à aujourd’hui, Ramonville Saint-Agne, Érès, 2001.
  • [36]
    Michel FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.
  • [37]
    Sur ce point, les travaux de sociologie carcérale ont bien souligné la labilité des règles, le pouvoir discrétionnaire, et l’importante autonomie opérationnelle des surveillants : Antoinette CHAUVENET, Corinne ROSTAING, Françoise ORLIC, La violence carcérale en question, Paris, PUF, 2008, p. 104.
  • [38]
    Nous avons travaillé à partir d’un corpus exhaustif de 128 dossiers de libération conditionnelle, entre 1929 et 1932. Ce corpus a été mis en regard d’un échantillon de contrôle, rassemblant 145 dossiers de détenus non proposés au bénéfice de la libération conditionnelle, sur la même période.
  • [39]
    Rapport sur l’application de la libération conditionnelle, 29 novembre 1899, Code pénitentiaire, vol. 15, p. 404.
  • [40]
    Les ouvriers sont 80 sur 145, contre 43 sur 128 détenus proposés.
  • [41]
    Georges DUBY, Armand WALLON (éd.), Histoire de la France rurale, vol. 4 : La fin de la France paysanne, de 1914 à nos jours, Paris, Seuil, 1976, p. 210. Cette vitalité date en fait du XIXe siècle. Voir : Jean-Luc MAYAUD, La petite exploitation rurale triomphante : France, XIXe siècle, Paris, Belin, 1999.
  • [42]
    Archives départementales de Maine-et-Loire (désormais AD 49), Angers, 2Y2/2001, dossier n° 4293.
  • [43]
    Circulaire du 10 juillet 1888, Code pénitentiaire, vol. 12, p. 258-262.
  • [44]
    D. KALIFA, Crime et culture au XIXe siècle, Paris, Perrin, 2005, p. 319.
  • [45]
    AD 49, 2Y2/2022, dossier n° 4445.
  • [46]
    AD 49, 2Y2/2031, dossier n° 4208.
  • [47]
    AD 49, 2Y2/2038, dossier n° 4692.
  • [48]
    D. KALIFA, Les bas-fonds. Histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, 2013, p. 11.
  • [49]
    Ibidem, p. 69-108.
  • [50]
    AD 49, 2Y2/1987, dossier n° 4026.
  • [51]
    C. CARLIER, L’Administration pénitentiaire…, op. cit., p. 191.
  • [52]
    Pierre MERCIER, « Rapport sur l’état actuel de la libération conditionnelle », Revue pénitentiaire, 48-4, 1924, p. 185-206, p. 193.
  • [53]
    Didier FASSIN, « La supplique. Stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d’aide d’urgence », Annales HSS, 55-5, 2000, p. 955-981, p. 961. Voir aussi : Arlette FARGE, Michel FOUCAULT (éd.), Le désordre des familles. Lettres de cachet des archives de la Bastille au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard/Julliard, 1982.
  • [54]
    AD 49, 2Y2/2023, dossier n° 4 327. Afin de respecter au plus près l’archive pénitentiaire, nous n’avons pas corrigé l’orthographe des sources citées.
  • [55]
    AD 49, 2Y2/2025, dossier n° 4526.
  • [56]
    Dossiers individuels (1922-1932), Archives départementales du Rhône, Lyon, 4M819-820. Le corpus comprend en tout 196 demandes sur la période de l’entre-deux-guerres.
  • [57]
    AD 49, 2Y2/2002, dossier n° 3516.
  • [58]
    AD 49, 2Y2/2014, dossier n° 4119.
  • [59]
    Circulaire du 28 juin 1888, Code pénitentiaire, vol. 12, p. 277.
  • [60]
    Rapport de l’I.G.S.A sur les services pénitentiaires, 21 juillet 1911, Code pénitentiaire, vol. 18, p. 78 ; circulaire du 26 mars 1940, Code pénitentiaire, vol. 28, 1939-1940.
  • [61]
    La régression logistique est une méthode statistique permettant de tester et de comparer des variables potentiellement explicatives, sans en privilégier aucune a priori. Elle fonctionne selon un raisonnement ceteris paribus, c’est-à-dire toutes choses égales par ailleurs. La variable à expliquer est ici l’issue de la procédure : l’obtention ou le refus d’une libération conditionnelle. Nous avons testé un certain nombre de variables potentiellement explicatives (sexe, âge, peine, punitions, etc.), sous le logiciel R.
  • [62]
    Anne-Sophie BRUNO, « L’attribution des cartes de commerçants étrangers. Le cas des indépendants tunisiens (1978-1982) », in A.-S. BRUNO, Claire ZALC (éd.), Petites entreprises et petits entrepreneurs étrangers en France (XIXe-XXe siècles). Actes des journées d’études des 23 et 24 octobre 2003, Paris, Publibook, 2006, p. 63-82 ; EAD., « Analyser les écarts de salaires à l’aide des modèles de régression. Vertus et limites d’une méthode. Le cas des migrants de Tunisie en région parisienne après 1956 », Histoire & Mesure, 25-2, 2010, p. 121-156 ; David C. BALDUS et alii, « Racial discrimination and the death penalty in the post-Furman era : An empirical and legal overview with recent fi ndings from Philadephia », Cornell Law Review, 83-6, 1998, p. 1 638-1 770.
  • [63]
    La régression logistique a porté sur 123 individus. Parmi eux, seuls 48 ont obtenu une libération conditionnelle.
  • [64]
    A. MOSSÉ, Variétés pénitentiaires…, op. cit., p. 78.
  • [65]
    Exposé général […], 15 octobre 1890, Code pénitentiaire, vol. 14, p. 116.

1 La loi de libération conditionnelle, à laquelle le nom du sénateur René Bérenger est attaché, peut étonner au premier abord quiconque s’intéresse à l’histoire carcérale en France. Adoptée en 1885, elle est remarquable par sa continuité et sa longévité. Elle autorise tout détenu à demander une sortie anticipée de prison, à la moitié de sa peine (pour les condamnés primaires), ou aux deux tiers (pour les récidivistes). Objet d’un consensus rare parmi les politiques pénitentiaires de la IIIe à la Ve République, la libération conditionnelle symbolise la convergence de vues sur la nécessité d’une transition entre l’enfermement et la liberté. Mais il serait hâtif de confondre stabilité juridique et application dépassionnée, voire automatique. Au contraire, dès son origine, cette loi est prise dans un certain nombre d’enjeux de pouvoir. Car la libération conditionnelle concentre le défi de la sortie de prison tel qu’il fut formulé sous la IIIe République, c’est-à-dire pris entre l’impératif d’ordre public et l’horizon de l’amendement.

2 Cette apparente contradiction s’observe avec acuité dès lors que l’analyse se porte sur le passage de la loi à sa mise en œuvre par les acteurs de la prison. En nous inspirant des études sociohistoriques ou sociologiques des relations à l’administration, nous nous proposons d’analyser cette mesure en tant qu’elle est devenue procédure administrative. Comme Alexis Spire ou Vincent Dubois [2] ont eu l’occasion de le montrer, l’étude de l’application d’une loi invite à se débarrasser de toute démarche surplombante. L’histoire de la libération conditionnelle est d’abord celle d’une appropriation des règles juridiques par les acteurs à différents échelons. Ajoutons toutefois que cette procédure ne se déploie pas au guichet d’une administration, mais dans le cadre spécifique de la prison. En tant qu’« institution totale » [2], celle-ci implique des règles propres de fonctionnement, certains types d’interactions et un rapport extrême de domination. C’est en gardant à l’esprit cette asymétrie des relations que nous envisagerons les différents rapports de force structurant l’application d’un tel aménagement de peine : entre l’administration pénitentiaire centrale et ses échelons locaux, entre l’administration pénitentiaire et les magistrats, entre le personnel pénitentiaire local et les détenus.

3 La périodisation choisie, allant du vote de la loi aux années 1930, offre l’occasion de saisir ces rapports de force dans leur multiplicité et leur complexité. Le contexte de la loi de 1885 correspond à l’établissement des fondements de la politique carcérale de la IIIe République, caractérisée par une plus grande individualisation des peines et préoccupée par la lutte contre la récidive. Pourtant, se limiter à ce moment serait insuffisant. Les décennies suivantes, sans apporter d’innovations pénitentiaires majeures [3], offrent une fenêtre d’observation privilégiée pour appréhender la routinisation des pratiques. Elles apparaissent cruciales pour l’application de la libération conditionnelle puisqu’elles coïncident avec une concurrence accrue entre les magistrats et l’administration pénitentiaire. De même, dans l’entre-deux-guerres, la formation du personnel pénitentiaire devient centrale, mettant en débat la mission et les pratiques des agents à l’échelon local. Partant, nous pensons que cette disposition spécifique constitue un angle nouveau pour appréhender l’histoire des pratiques pénales de la fin du XIXe et du premier XXe siècles.

4 Les sources exploitées se prêtent d’autant mieux à cette approche qu’elles émanent de divers acteurs, à différentes échelles. Un corpus de sources normatives et institutionnelles donne accès à la conception de la loi défendue aux plus hauts échelons de l’administration pénitentiaire [5]. Les revues de droit, particulièrement riches pour la période de l’entre-deux-guerres, rendent compte des débats animant le milieu des spécialistes de la peine [6]. Enfin, l’application de la loi à l’échelon local est appréhendée à travers les nombreux dossiers de prisonniers de la maison centrale de Fontevrault [7]. Ces dossiers ont permis d’articuler une analyse quantitative des propositions de libération conditionnelle, et une analyse qualitative donnant à voir les mécanismes de décision, d’appropriation et de négociation des acteurs locaux au cours de la procédure administrative.

5 L’adoption de la loi sur la libération conditionnelle nous amènera à analyser dans un premier temps le passage de la loi à sa concrétisation dans une procédure, au cœur de concurrences entre les acteurs de la prison, à partir de 1885. Nous examinerons dans une deuxième partie, à travers les dossiers de libération conditionnelle de Fontevrault, la réappropriation de cette procédure par les agents pénitentiaires dans l’entre-deux-guerres. Enfin, la dernière partie rendra compte, pour cette même période, d’un processus de décision verrouillé et opaque, dans lequel les marges de manœuvre des détenus sont quasiment réduites à néant.

De la loi à la procédure : enjeux et concurrences

Donner un sens à la loi

6 La libération conditionnelle fait partie du corpus des grandes lois pénitentiaires de la IIIe République. Avec l’enfermement individuel (1875) ou le sursis (1891), elle est l’un des grands principes de la nouvelle politique pénitentiaire, votés durant les quinze premières années du nouveau régime. Adoptée le 14 août 1885 par les parlementaires, elle fut placée entre les mains de l’administration pénitentiaire. C’est pourquoi, dès la promulgation de la loi, cette dernière entreprit un travail de définition et d’explicitation des modalités d’application auprès des acteurs chargés de sa mise en œuvre. Le contexte de cette loi n’est pas sans effet sur sa compréhension par les autorités administratives. Elle suit de quelques mois une autre grande loi pénale : la relégation des récidivistes – libérer de façon anticipée les condamnés, d’une part, en expulser d’autres hors de France métropolitaine à tout jamais, d’autre part. Mais loin d’être une curiosité parlementaire, la concomitance de ces deux lois s’explique par leur complémentarité dans la lutte contre la récidive [8], socle idéologique qui ne fut pas remis en cause pendant le premier XXe siècle.

7 Une première caractéristique paraît primordiale, aux yeux de l’administration pénitentiaire : la libération conditionnelle est présentée comme un système de récompenses, fonctionnant grâce au mécanisme d’intimidation. Le comportement en détention est susceptible d’être gratifié par une mise en liberté conditionnelle, à la suite de quoi la menace de la révocation doit planer constamment sur le condamné libéré. Cela n’est pas sans rappeler le mécanisme des « institutions totales », décrit par Erving Goffman, sous la forme de « système de privilèges » [9]. Au vu des instructions pénitentiaires, la libération conditionnelle prend place dans un tel système, qui vise avant tout à obtenir la participation et la coopération des individus reclus. Autrement dit, la direction de l’administration pénitentiaire définit la libération conditionnelle comme un instrument lui permettant de jouer de son autorité pour inciter à ce qu’elle considère être de bons comportements.

8 Le deuxième aspect de la définition concerne la caractérisation de la période de liberté conditionnelle : il s’agit d’un « état de demi-peine » [10]. Ne pas faire oublier le poids de la peine, tel est l’impératif martelé par le directeur de l’administration pénitentiaire. La question s’est toutefois posée de savoir quel impact la libération conditionnelle aurait sur la décision judiciaire. Dans sa lettre du 31 janvier 1888, le ministre de l’Intérieur, Ferdinand Sarrien, s’attache à rassurer son collègue garde des Sceaux : « La libération conditionnelle n’est ni la suppression, ni l’infirmation d’une sentence ; elle en est la confirmation [...] » [11]. Parce qu’elle permet de concilier tout à la fois un bon régime pénitentiaire fondé sur l’encouragement des prisonniers méritants, la nécessité répressive et l’impératif sécuritaire, la libération conditionnelle renforcerait même la décision judiciaire. Elle ne serait alors qu’un mode d’exécution de la peine, et non une limitation ou une modification de la sentence [12].

9 Enfin, c’est en regard du droit de grâce que la direction de l’administration pénitentiaire définit la libération conditionnelle. Cette première mesure est un droit qui revient au chef de l’État [13], et qui vise à supprimer l’effet des sentences judiciaires. À en croire Louis Herbette, directeur de l’administration pénitentiaire de 1882 à 1891, la grâce constituerait une source d’« énervement » [14] de la répression, tandis que la libération conditionnelle parerait à ce danger. À l’inverse de la grâce, la libération conditionnelle est présentée comme une digue contre l’abaissement général des peines. C’est pourquoi le défi de l’administration pénitentiaire est de faire de la libération conditionnelle la norme de clémence, quand la grâce resterait proprement exceptionnelle. Distinguer la libération conditionnelle de la grâce et établir une nouvelle hiérarchie des mesures de clémence : autant d’opérations qui permettent également d’affirmer le rôle central de l’administration pénitentiaire face aux acteurs judiciaires. Du même coup, ces efforts de définition donnent à ce nouveau dispositif une identité avant tout administrative et pénitentiaire.

Acteurs et bénéficiaires de la procédure : les formes d’un pouvoir discrétionnaire

10 Du statut de loi, la libération conditionnelle doit passer à celui de procédure. C’est tout l’enjeu des circulaires et notes pénitentiaires rédigées à la fin du XIXe siècle. Par procédure, nous entendons l’ensemble des règles explicites, des techniques dont disposent les agents pénitentiaires pour exercer leur nouveau pouvoir. Ce sont ces règles qui leur servent de guide dans leurs pratiques. Elles permettent aussi de préciser la répartition des rôles entre les acteurs concernés.

11 En 1894, le rapport sur l’application de la libération conditionnelle présente comme évident le fait que l’administration pénitentiaire constitue l’autorité d’exécution, détentrice de la maîtrise de la procédure [15]. Elle n’est pourtant pas la seule à y prendre part, comme le prévoit l’article 3 : sont également impliqués le préfet, le directeur de l’établissement ou de la circonscription pénitentiaire, mais aussi la commission de surveillance et le parquet près le tribunal ou la cour qui a prononcé la condamnation. Le même article distingue l’autorité jouissant du pouvoir décisionnaire – le ministre – et les instances consultatives. Ces dernières sont de trois sortes : l’autorité préfectorale, l’autorité pénitentiaire – dédoublée en commission de surveillance et directeur de la prison – et l’autorité judiciaire. C’est au directeur de l’établissement qu’il revient de constituer le dossier qu’il transmet aux deux autres autorités consultatives, après avoir recueilli l’avis de la commission de surveillance [16]. Les pièces justificatives sont à la charge du détenu, à savoir le certificat de travail et/ou d’hébergement. Le préfet du lieu de détention, et le parquet qui a émis la condamnation, transmettent ensuite le dossier de libération conditionnelle à l’administration pénitentiaire supérieure. Cette répartition des rôles sanctionne la prépondérance des acteurs administratifs. Quant au pouvoir de décision, il revient au ministre de l’Intérieur (puis de la Justice à partir de 1911), assisté par un comité de libération conditionnelle présidé par le directeur de l’administration pénitentiaire.

12 De cette distribution des rôles, il résulte que le pouvoir de l’administration pénitentiaire s’apparente à une forme de pouvoir discrétionnaire. Nous entendons par là, à la suite d’Olivier Beaud, la possibilité d’agir « dans le cadre légal, à l’intérieur de normes qui autorisent un large pouvoir d’appréciation » [17]. L’administration pénitentiaire apprécie la situation des détenus qui lui sont présentés, en vue d’obtenir une libération conditionnelle, sans être sommée de rendre des comptes. La décision ne fait pas l’objet d’une motivation. En outre, en reléguant les magistrats au statut d’autorité consultative, la procédure de libération conditionnelle permet à l’administration pénitentiaire d’échapper à toute forme de contrôle. Aucun recours n’est d’ailleurs envisagé pour le détenu qui aurait essuyé un refus.

13 La grande marge de manœuvre laissée à l’administration pénitentiaire centrale se ressent enfin dans la définition des bénéficiaires de la loi du 14 août 1885. Les termes de la loi étaient a priori clairs : nul ne devait être écarté. Autrement dit, la loi serait destinée à l’ensemble des personnes condamnées à des peines emportant privation de liberté. La libéralité semble de mise, le signe étant l’ouverture de la loi aux récidivistes. Pourtant, l’administration pénitentiaire apporte quelques restrictions à cette conception large. Les années 1900, dans le contexte général de « crise de la répression » [18], voient le durcissement des conditions de l’application de la loi envers trois classes de détenus : les recommandés sur écrou [19], les condamnés à la relégation [20] et les étrangers [21]. Le début des années 1920 correspond à une restriction forte envers les individus jugés dangereux. Le directeur de l’administration pénitentiaire nommé en 1922, Eugène Leroux, envisage d’exclure définitivement toute une catégorie de détenus aux contours pour le moins flous : détenus au « mauvais » comportement, récidivistes « dangereux », condamnés pour délit ou crime jugés « graves », détenus « mal » notés [22]. Autant d’appréciations laissées dans l’imprécision, mais en parfaite adéquation avec les courants les plus répressifs.

Une définition prise dans un jeu de concurrence entre acteurs de la prison

14 Définir la loi, déterminer la procédure, répartir les rôles, toutes ces étapes transformant la loi en procédure à appliquer ont été le fait de l’administration pénitentiaire centrale à la fin du XIXe siècle. Or celle-ci, à cette même période, est prise dans un jeu de rivalité avec les autres acteurs de la prison. Sa position dans le champ pénal participe de cette définition toute pénitentiaire de la libération conditionnelle. La direction de l’administration pénitentiaire est rattachée en 1911 au ministère de la Justice. Mais elle se caractérise, durant toute la période, par une grande autonomie à l’égard de son ministère de rattachement [23] et par une origine de recrutement qui continue d’être liée au ministère de l’Intérieur [24]. Le maintien du lien organique avec ce dernier explique en partie la réticence à l’égard des magistrats qui souhaiteraient prendre en charge la procédure de libération conditionnelle.

15 Car au-delà de la question des ministères, la concurrence s’accroît dans les années 1920 et 1930 entre les magistrats et l’administration pénitentiaire. Dans les cercles de réflexion pénitentiaire se pose la question du contrôle de la prison par les magistrats. La Commission d’Haussonville de 1872 avait déjà mis en lumière le consensus régnant parmi ces derniers : le contrôle du pouvoir des directeurs de prison devenait urgent, et devait leur revenir [25]. La mainmise administrative sur la libération conditionnelle est de nouveau prise pour cible dans les années 1930. De 1930 à 1933, une commission, dominée par les magistrats, est chargée de préparer la révision de la législation criminelle. Elle propose au ministère de la Justice un projet de Code pénal, où les magistrats seraient chargés d’assurer l’exécution des peines [26].

16 Sur le plan théorique, des voix se font de plus en plus entendre en faveur de l’intervention des magistrats dans l’application des peines, et tout particulièrement dans la procédure de libération conditionnelle. À la Société générale des prisons, en 1932-1933, Barrigue de Montvalon, partisan de l’intervention des magistrats, s’oppose à l’inspecteur général Armand Mossé, porte-parole de l’administration pénitentiaire. Les arguments de Montvalon sont de trois types. En premier lieu, l’administration de la peine nécessiterait une unité absolue entre son prononcé et son exécution – dès lors, seul le magistrat peut l’assurer. En outre, le magistrat est chargé de la garantie des libertés individuelles et de l’amendement – c’est tout l’enjeu de la libération conditionnelle. Enfin, l’administration pénitentiaire serait chargée de la gestion matérielle de la peine, les magistrats de sa gestion morale – la libération conditionnelle relève de l’aspect moral. La réponse d’Armand Mossé ne se fait pas attendre : la libération conditionnelle n’est pas un droit mais une faveur, elle ne pourrait être accordée par une décision judiciaire. L’inspecteur général se positionne, fermement, pour « un concours qui ne doit pas aller plus loin qu’un avis » [27]. Il faut d’ailleurs attendre le Code de procédure pénale de 1958 pour voir la libération conditionnelle confiée au pouvoir judiciaire, en la personne du juge d’application des peines, nouvellement créé.

17 Précisons que ces débats de l’entre-deux-guerres coïncident avec une application a minima de la libération conditionnelle de la part de l’administration pénitentiaire [28], ce qui a pu favoriser les vives critiques émises par les magistrats. Tenter d’en comprendre les raisons nous amène à changer de focale. Il nous faut nous pencher sur les agents pénitentiaires, « soutiers » [29] de la politique pénitentiaire. Toutefois, une telle ambition suppose de rompre avec l’idée selon laquelle les agents pénitentiaires ne font qu’appliquer la loi de façon neutre. C’est pourquoi nous refusons ici les démarches top-down ou bottom-up, qui ont pour défaut soit d’envisager une séquence linéaire du centre vers la périphérie, soit d’opposer systématiquement l’édification des principes et les pratiques des agents. Au contraire, c’est en soulignant les articulations entre les différents échelons que nous appréhenderons le travail d’appropriation et de réinterprétation des règles juridiques par les acteurs pénitentiaires.

La pratique pénitentiaire au défi de la libération conditionnelle

Une magistrature morale

18 En plus d’offrir une nouvelle disposition pour le détenu, la libération conditionnelle semblait rendre possible un bouleversement de la conception du gardien. L’amendement des détenus pourrait ainsi avoir un effet secondaire, l’amélioration des gardiens, comme le suggère Christian Carlier [30]. La loi du 14 août 1885 venait donner un sens nouveau à leur mission : charger les agents pénitentiaires d’examiner et d’accompagner le détenu dans la voie de l’amendement. Dans un contexte où l’administration pénitentiaire souffrait d’une situation de relégation [31], cette loi a pu faire naître l’espoir d’un gain de légitimité symbolique. De sécuritaire, sa mission pouvait devenir réellement morale.

19 Dès la fin du XIXe siècle, la collaboration loyale de chaque personnel de surveillance est recherchée par l’administration supérieure : « C’est jusque dans les rangs les plus modestes qu’il a fallu répandre le sentiment et le goût de l’action à exercer sur les détenus afin de les acheminer à l’application du nouveau système » [32], est-il précisé dans l’exposé général de 1889. Dans cette perspective, l’agent pénitentiaire se voit chargé d’un nouvel objectif : connaître le détenu au plus profond de son intimité, afin de déterminer son degré d’amendement. Cet idéal d’omniscience prôné dans la circulaire du 2 mars 1887 [33] est calqué sur l’exemple du médecin [34]. Il traduit une attention toujours plus grande portée à l’individualisation des peines, qui ne se limite pas au prononcé mais s’étend à l’exécution de la peine [35]. Mais plus largement, ce nouvel objectif de connaissance fine du détenu peut être mis en lien avec le dispositif disciplinaire sur lequel la prison contemporaine s’est construit [36]. En termes foucaldiens, l’enjeu de savoir rejoint ici l’enjeu de pouvoir. Mieux connaître le détenu, pour l’agent pénitentiaire, c’est se donner les moyens de le rendre prévisible, d’encadrer son comportement et d’orienter ses actions futures.

20 Cette nouvelle mission morale du surveillant vient pourtant buter contre les moyens et l’organisation de la procédure à l’échelle locale. L’ambition nouvelle n’est pas suivie d’une réglementation encadrant la pratique des agents. Le législateur avait pourtant prescrit, dans l’article premier de la loi, l’institution d’un régime disciplinaire, sous forme de notes journalières, qui serait destiné à préparer la libération conditionnelle. L’article 6, en outre, prévoyait un règlement d’administration publique qui devait déterminer les modalités de la phase post-carcérale. Or, ni régime disciplinaire, ni règlement d’administration publique ne furent adoptés avant 1952. C’est donc la disposition transitoire de l’article 9 qui devint permanente. S’il est fréquent, dans le monde pénitentiaire, qu’une disposition provisoire s’ancre définitivement [37], ces lacunes de réglementation ont néanmoins permis une marge de manœuvre considérable dans la mise en application de la loi. Cette nouvelle manifestation du pouvoir discrétionnaire à l’échelon local peut s’appréhender dans l’analyse du registre et des dossiers de libération conditionnelle de la maison centrale de Fontevrault entre 1929 et 1932 [38]. La réalité sur le terrain fait apparaître un ensemble de filtres et de processus de sélection, en partie opérés par les acteurs pénitentiaires.

Certificat de travail et sélection sociale

21 Tenu par le surveillant-commis-greffier de Fontevrault, le registre des demandes de libération conditionnelle permet de mettre au jour un premier filtre : toute constitution de dossier de libération conditionnelle est soumise à la condition sine qua non de l’obtention d’un certificat de travail, c’est-à-dire d’une promesse d’embauche à la sortie. L’importance de ce document n’est pas récente. À l’extrême fin du XIXe siècle, le directeur de l’administration pénitentiaire y voyait déjà un moyen de faire le départ entre les prisonniers méritant la libération conditionnelle et les autres [39]. L’argument devient vite celui des autorités pénitentiaires locales, évinçant ainsi une partie non négligeable des détenus ayant effectué la durée réglementaire de leur peine. À tel point que l’inspection générale, en 1924, dénonce le blocage que constitue cette condition. À Fontevrault, ce premier filtre fonctionne à plein régime. Entre 1929 et 1932, seuls 30 % des détenus inscrits au registre (qui rassemble ceux qui sont arrivés à la moitié de leur peine ou aux deux tiers) ont pu présenter un certificat de travail, soit 179 individus.

22 Ce premier filtre doit être replacé dans un mécanisme de sélection sociale plus large. Obtenir un certificat de travail, lors de la détention, nécessite un réseau social et des contacts à l’extérieur maintenus malgré la rupture biographique que constitue l’incarcération. Ainsi, les détenus de Fontevrault ayant obtenu ce sésame sont majoritairement des hommes plus âgés, mariés et avec enfants. Entre 1929 et 1932, les prisonniers présentés au comité de libération conditionnelle ont en moyenne 37,6 ans lors de la constitution du dossier, contre 31,4 ans pour leurs codétenus non proposés. Les jeunes hommes âgés de 21 à 30 ans représentent la moitié du groupe des détenus non proposés à la libération conditionnelle, mais moins d’un tiers des détenus proposés (voir document 1). La moitié des détenus proposés sont mariés et ont en moyenne trois enfants. En comparaison, 70 % des autres détenus n’ont pas d’enfant.

DOCUMENT 1

Âge des détenus à leur entrée à la maison centrale de Fontevrault

Détenus proposés à la libération conditionnelle (128) Détenus non proposés à la libération conditionnelle (145)
Moins de 21 ans 7 % 8 %
21 - 30 ans 30 % 54 %
31 - 40 ans 20 % 21 %
41 - 50 ans 27 % 9 %
51 - 60 ans 8 % 4 %
Plus de 60 ans 8 % 4 %
Total 100 % 100 %
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Âge des détenus à leur entrée à la maison centrale de Fontevrault

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23 Outre la situation matrimoniale et familiale, les professions agricoles sont davantage représentées que les professions ouvrières au sein du groupe des détenus proposés à la libération conditionnelle. À l’inverse, les ouvriers sont davantage présents parmi les prisonniers non proposés [40]. Les cultivateurs et autres journaliers agricoles semblent donc pouvoir bénéficier de solidarités à la fois familiales ou sociales plus importantes. Il est vrai que les campagnes dans l’entre-deux-guerres sont marquées par la vitalité des petites exploitations familiales [41]. L’histoire de Jean G. [42] illustre les avantages que la situation de « cultivateur » offre à ces détenus devant donner des preuves du bien-fondé de leur libération conditionnelle. Né le 1er décembre 1893, il a exactement 36 ans quand il entre à Fontevrault pour y purger une peine d’un an et un jour, après avoir été condamné pour coups et blessures. À son entrée, l’administration de Fontevrault apprend, grâce à la fiche du parquet, qu’il est « cultivateur », travaillant « pour son compte », et qu’il « exerce réellement sa profession ». Dans son dossier de libération conditionnelle, constitué en mai 1930, on apprend que « sa femme désirerait le retour de son mari pour prendre la direction de la ferme, exploitation de 12 à 15 hectares », petite propriété située à Guenrouët, ville de Loire-Inférieure dont est originaire Jean. Quant à ses contacts avec ses proches, il est dit qu’il entretient une « correspondance régulière et affectueuse avec sa famille ». En plus d’être « soumis et travailleur », selon les termes de l’administration, il semble ainsi bien inséré dans son réseau social d’origine.

24 Ces déterminants sociaux entrent en partie en ligne de compte dans la sélection des détenus proposés au bénéfice de la loi de libération conditionnelle. Pourtant, comment expliquer que parmi les 179 détenus ayant obtenu un certificat de travail, seuls 128 furent effectivement proposés ? D’une sélection passive, nous passons ici à une sélection plus active, où les agents pénitentiaires de Fontevrault procèdent à des choix pour proposer ou non les détenus.

Une sélection active : profil judiciaire et punitions

25 La réappropriation des consignes par les agents pénitentiaires locaux s’observe particulièrement bien dès lors que l’on tente de cerner l’identité pénale et carcérale des détenus proposés entre 1929 et 1932. Tout d’abord, les condamnés primaires sont majoritaires, constituant 55 % du groupe des détenus présentés au comité de libération conditionnelle. Par comparaison, seuls 25 détenus non proposés sur 145 ont été condamnés une fois seulement. Mais si le nombre de condamnations semble bien distinguer les deux groupes, il est intéressant de voir que la gravité de la peine n’est pas aussi discriminante. En effet, parmi les détenus proposés au bénéfice de la libération conditionnelle, la majorité ont été condamnés pour crimes et sont pour le plus grand nombre auteurs d’infractions contre les personnes. Les violences sexuelles sont le plus fréquemment commises par ces détenus : 48 condamnés ont ainsi commis un viol ou un attentat à la pudeur. Et huit se sont rendus coupables d’homicide (ou de tentative d’homicide), contre cinq parmi les non proposés. Au contraire, les vols et menus larcins éloignent l’espoir d’une sortie anticipée. Cette déconnexion entre la gravité des peines et les propositions de libération conditionnelle peut s’interpréter en premier lieu comme une fidélité à la consigne de l’administration pénitentiaire centrale de ne pas juger les détenus sur leur passé judiciaire [43]. Elle traduit également, à l’échelle locale, l’obsession sociale à l’égard des atteintes à la propriété, toujours d’actualité dans les années 1920 et 1930 [44]. Il faut dire que ces petits voleurs, receleurs, et auteurs de délits astucieux sont davantage concernés par la récidive, ce qui aurait tendance à les exclure doublement aux yeux de l’administration. Cette forte pression exercée à leur encontre, au sein de la prison, rappelle combien la représentation sociale attachée aux différents types de condamnés entre en jeu dans la pratique des surveillants.

26 Outre la situation pénale, la trajectoire disciplinaire des détenus semble constituer un critère non négligeable pour les surveillants dans la constitution d’un dossier de libération conditionnelle. L’hypothèse d’un usage disciplinaire de la mesure par le personnel pénitentiaire trouve une confirmation dans les sources de Fontevrault. Surveillants et directeur exercent le pouvoir discrétionnaire qui est le leur, en écartant les détenus dont la conduite est jugée moins satisfaisante au regard du nombre de punitions (voir document 2). Ceux qui ont obtenu un certificat, mais qui n’ont pas fait l’objet d’un dossier de libération conditionnelle, sont 72 % à avoir été punis au moins trois fois, alors qu’ils ne sont que 46 % parmi les détenus proposés. Certaines fortes têtes, punies plus de vingt fois, ont été écartées intentionnellement par l’administration. Voici Antoine C., arrivé à l’âge de 22 ans à Fontevrault, condamné à quatre ans d’emprisonnement pour coups et blessures. Le 2 décembre 1929, il atteint la moitié de sa peine. Sa mère lui envoie un certificat de travail, authentifié par le maire de Donges (Loire-Inférieure), le 24 février 1930. Puni vingt-sept fois, Antoine connaît aussi bien la salle de discipline que la cellule, et doit se contenter de pain sec pendant dix-sept jours cumulés. Sa réputation de « mauvais détenu » n’est plus à faire, entre les « bavardages », les « désordres au dortoir » ou les bagarres avec les autres détenus. L’administration de Fontevrault ne donne aucune suite au certificat fourni par sa mère. Mais précisons que si la corrélation entre le nombre de punitions et la proposition de libération conditionnelle existe, ce critère n’est pas aussi rédhibitoire que la non-obtention du certificat. Un nombre faible de punitions est toléré. Ainsi, 39 % des détenus présentés au comité de libération conditionnelle ont reçu entre une et cinq punitions. Le seuil de dix punitions paraît plus déterminant. Au-delà, les écarts se creusent nettement : seuls 10 % des proposés ont subi plus de dix punitions, quand ils sont 20 % parmi les autres.

27 Ces processus de sélection reposent ainsi sur une réappropriation des circulaires par les agents de Fontevrault. L’administration locale a fait sienne la conception disciplinaire de la libération conditionnelle. De plus, la libéralité du dispositif à l’égard de l’ensemble des condamnés a été troquée pour une conception plus restrictive où les récidivistes et les voleurs sont facilement mis sur la touche. Il serait toutefois artificiel de distinguer la sélection passive fondée sur une logique sociale et la sélection active reposant sur la politique menée au sein de la prison. En effet, le mécanisme à l’œuvre est davantage circulaire. Les récidivistes sont ainsi doublement pénalisés puisqu’ils souffrent davantage d’un manque de réseau social et d’une représentation péjorative, les deux handicaps se renforçant l’un l’autre. Ainsi, pour faire la lumière sur la pratique des agents locaux, il ne suffit pas d’en rester à ces constats de sélection. Seule une plongée au cœur des dossiers de libération conditionnelle, remplis par les surveillants et le directeur de Fontevrault, peut donner une idée précise de l’articulation entre les normes attendues et les pratiques effectives.

DOCUMENT 2

Nombre de punitions et propositions de libération conditionnelle (Fontevrault, 1929-1932)

Détenus proposés à la libération conditionnelle (128) Détenus non proposés à la libération conditionnelle (145)
Aucune punition 24 % 6 %
Moins de 5 punitions 39 % 34 %
Entre 5 et 10 punitions 25 % 26 %
Plus de 10 punitions 10 % 22 %
Plus de 20 punitions 2 % 12 %
Total 100 % 100 %
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Nombre de punitions et propositions de libération conditionnelle (Fontevrault, 1929-1932)

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La routinisation des pratiques : le cas du dossier de libération conditionnelle

28 Vecteur de l’information entre les différents acteurs de la chaîne, le dossier de libération conditionnelle a pour fonction de déterminer le degré d’amendement du détenu. Il entraîne une formalisation du point de vue de l’administration sur les détenus. Réunissant à la fois des documents judiciaires, pénitentiaires et préfectoraux, il est censé permettre d’approcher l’idéal d’omniscience célébré par les circulaires.

29 La première étape est une enquête de moralité, que le surveillant-chef adresse au maire ou au commissaire de la ville où le détenu a vécu avant son arrestation. L’image du détenu au sein de cette enquête est construite à partir des informations concernant ses antécédents judiciaires, sa famille et le lien qu’il entretient avec elle, et sa réputation au sein de la commune. La conception de l’amendement se trouve prise dans un raisonnement pour partie déterministe, où la vie passée de l’homme sert de base solide pour se prononcer sur ses chances d’amendement. Ainsi, à propos du détenu Corentin C., le maire de Douarnenez donne un avis tranché : « plusieurs fois condamné, mauvaise réputation, ivrogne, peu digne d’intérêt et on ne le croit pas susceptible d’amendement » [45]. Le commissaire de police de Cognac fait de même au sujet du détenu Jean B. : « individu taré à tous points de vue, sans moralité ni probité. N’est pas digne d’intérêt. Le détenu qui est corrompu à jamais par le vice ne paraît pas être susceptible d’amendement » [46]. Dans la même logique, la réputation de Jean L. est qualifiée de « déplorable » par le commissaire de police de Pontivy qui indique que le condamné est « fainéant, paresseux, menteur et voleur » et qu’il vit de « relations homosexuelles » [47]. À partir des 42 enquêtes retrouvées dans les dossiers des détenus proposés à la libération conditionnelle à Fontevrault, il est significatif de voir que les remarques s’articulent autour de la misère, du vice et du crime, autrement dit d’un certain imaginaire des bas-fonds propre à cette période [48]. L’enquête met ainsi en jeu des représentations, partagées par les autorités de la ville, permettant de combiner les informations individuelles récoltées et les conclusions sur la moralité à en tirer.

30 Après cette enquête et la réception d’un certificat de travail, l’administration pénitentiaire locale doit remplir une notice individuelle. Décrire, qualifier, apprécier, juger : ce document pousse le personnel à forger une identité morale au détenu. Mais le désir de rénovation de la pratique pénitentiaire vient se heurter à une pratique simplifiée. Comme de nombreuses représentations attachées aux populations marginalisées [49], le couple opposant le « bon » et le « mauvais » détenu candidat à la libération conditionnelle est omniprésent dans ces dossiers. Le lexique employé repose sur un système antinomique et utilise une échelle limitée de nuances, à travers des formulations hyper-normées. L’exemple de l’entrée « conduite à prévoir dans la vie libre » rend compte de cette uniformisation extrême. L’enjeu pour le surveillant est de réussir à « indiquer les probabilités présumées de rechute ou d’amendement définitif, ainsi que les motifs de cette présomption ». Très souvent, la formulation épouse le doute du surveillant, inquiet d’être trompé par l’hypocrisie supposée du détenu qui « semble » manifester du repentir. À propos de Jean C., le surveillant-chef explique qu’il « paraît regretter sa faute » [50]. L’exercice de supputation se poursuit lorsque le surveillant tente d’évaluer l’effet de la libération conditionnelle sur les autres détenus. Pour exprimer sa réticence, l’agent pénitentiaire dispose d’une expression consacrée : « La libération conditionnelle du détenu ne produirait pas l’effet recherché sur l’ensemble de la population détenue ». Le directeur vient mettre un point final à la notice individuelle. Concis, voire lapidaire, son avis semble suivre, pour l’essentiel, celui du surveillant-chef.

31 Loin d’opposer un échelon supérieur à un échelon local, l’analyse des dossiers de libération conditionnelle de la maison centrale de Fontevrault montre qu’un travail de réappropriation se joue, qui se fonde sur une adaptation des vœux de l’administration centrale à la pratique locale des agents. La nouvelle mission des surveillants, investis idéalement d’une magistrature morale, n’a pas donné lieu à un bouleversement de la surveillance pénitentiaire. Les sources locales rendent manifeste un fort décalage entre l’idéal d’omniscience dont le gardien aurait la charge et une pratique simplifiée, réduite à quelques observations générales et peu détaillées. Cette disproportion est à mettre en lien avec la question de la formation des personnels, qui redevient actuelle à la fin des années 1920. L’École pénitentiaire supérieure, ouverte entre 1893 et 1902, rouvre ses portes en 1927 [51]. Elle accueille les premiers surveillants et surveillants-commis-greffiers pour une formation d’un an. Mais ces efforts de formation n’ont pas modifié en profondeur les pratiques observées dans les dossiers de libération conditionnelle. Les remarques des agents pénitentiaires continuent de s’incarner dans un langage stéréotypé. Quoique routinisée, cette procédure comporte toutefois une incertitude et une indétermination, essentielles dans l’expérience de détention du détenu. Tenter de comprendre les ressorts de l’issue de la procédure revient à poser la question des critères de décision tout comme celle des marges de manœuvre laissées aux détenus et à leurs proches.

Un processus de décision opaque et verrouillé

La libération conditionnelle, la place de l’extérieur et la marge de manœuvre du détenu

32 La question se pose de savoir dans quelle mesure, au sein d’une procédure aux mains de l’administration pénitentiaire, le détenu et son entourage peuvent influer sur le cours des événements. Les dossiers de libération conditionnelle retrouvés à Fontevrault montrent que, dans 30 % des cas, les prisonniers ont reçu une aide extérieure. La légitimité sociale et symbolique du tiers et sa stratégie rhétorique sont autant d’éléments à prendre en compte dans les formulations d’aide au détenu.

33 Parmi les 39 détenus ayant reçu un soutien extérieur, 19 ont bénéficié de l’engagement d’une société de patronage. Ce chiffre est relativement bas, en comparaison du rôle théorique de ces institutions prévu par la loi. Il faut dire qu’à cette époque les sociétés de patronage qui acceptent généralement de prendre en charge les libérés conditionnels ne sont que trois. Seules l’œuvre de Couzon-au-Mont-d’Or, la Société générale pour le patronage des libérés et la Société de patronage des prisonniers libérés protestants appuient les demandes de libération conditionnelle [52].

34 Le soutien familial peut apparaître comme une solution alternative, fonctionnant sur un registre davantage individualisé. Dix détenus à Fontevrault ont ainsi bénéficié de l’aide d’un parent, d’un frère ou d’une sœur. L’intervention d’un membre de la famille prend généralement la forme d’une supplique auprès de l’administration. Didier Fassin a défini les caractéristiques de cette forme d’écrit : « une forme ancienne et conventionnelle par laquelle un sujet interpelle une autorité lointaine pour en obtenir une faveur ou une grâce », se présentant « comme un appel à une humanisation des rapports de domination qui se traduit par un traitement personnalisé et discrétionnaire du requérant sur la base de la connaissance et de la reconnaissance de sa souffrance ». Avec lui, nous pouvons considérer que ces lettres émanant d’un membre de la famille du détenu font l’objet d’un travail rhétorique « relationnel », qui dépend étroitement de l’enjeu lié à la libération conditionnelle : faire naître de la pitié ou de l’empathie pour justifier la constitution d’un dossier. Deux procédés sont mis en œuvre pour atteindre ce but : la « subjectivation » et l’« assujettissement » [53] – montrer la singularité de son cas d’une part, s’en remettre à la bienveillance de l’autorité administrative d’autre part. La famille tente ainsi de « se raconter » dans la lettre au directeur, afin de dire la souffrance qu’a entraînée l’incarcération d’un des siens. Cette rhétorique se retrouve sous la plume de la fille d’Armand C. :

35

« Monsieur le Directeur, vous m’excuserez Monsieur le Directeur de venir vous déranger. C’est au sujet de mon pauvre père qui m’a envoyé la copie pour s’il est possible avoir droit à la conditionnel, c’est le nommé C. Armand qui est au service général n° 4327. Je pense que se doit être à vous que je dois envoyer ce papier. Sincères remerciements Monsieur le Directeur, Recevez Monsieur le Directeur mes plus respectueuses salutations » [54].

36 Ces soutiens familiaux, quoique rares, témoignent de stratégies individuelles et individualisées, rompant avec l’idée d’une procédure qui serait du ressort unique de l’administration.

37 C’est dans ce sens également qu’il faut interpréter les quelques interventions d’avocats en faveur des détenus. Plus professionnels, ceux-ci ont tendance à replacer la demande dans le contexte individualisé propre au détenu, tout en convoquant des idéaux moraux transcendants. L’avocat de Paul G. interpelle ainsi, avec tout le respect qui se doit, le directeur sur le cas de son client, inscrivant l’éventualité de sa libération conditionnelle dans l’œuvre de relèvement partagée par la chaîne judiciaro-pénitentiaire :

38

« Il m’apparaît qu’une mesure de libération conditionnelle pourrait peut-être être envisagée, si vous estimez que sa conduite et son attitude le rendent digne de cette proposition. Je me permets de vous signaler cette situation qui à tous égard me semble intéressante, et je suis convaincu que le cas échéant vous n’hésiterez pas à faire établir un dossier le proposant pour cette mesure dont il me semble digne. Je vous serai tout personnellement reconnaissant de cette collaboration à une œuvre de relèvement moral qu’il me semble utile et désirable de tenter […] » [55].

39 Pourtant, malgré tout le poids symbolique qu’ils semblent apporter, il est difficile de dire que ces soutiens agissent auprès de l’administration pénitentiaire. D’autres avis extérieurs semblent bénéficier d’un poids plus important, à l’instar de celui du préfet.

40 Instance consultative, le préfet est sollicité dans deux cas : ou bien le détenu est incarcéré dans son département, ou bien il désire s’y installer lors de sa mise en liberté conditionnelle. Le département du Rhône offre un exemple parlant, puisqu’il abrite l’une des trois sociétés de patronage accueillant les libérés conditionnels : l’asile Saint-Léonard à Couzon-au-Mont-d’Or. Les demandes sont donc nombreuses, qui sollicitent l’avis du préfet au sujet de l’arrivée d’un libéré conditionnel [56]. Son avis est précédé d’une enquête, menée par un inspecteur de police, sur la réputation du détenu. Dans une logique de maintien de l’ordre, la gravité du délit est centrale. Une condamnation pour des faits jugés trop cruels par la population, comme l’homicide, suffit à faire rendre un avis défavorable. Mais dans le même temps, l’opinion du préfet peut aussi faire valoir une logique de réinsertion pour justifier un avis favorable. La situation économique, comme garantie contre toute rechute, et la bonne moralité sont les deux éléments à mettre au compte d’une réinsertion possible. Dans le cas d’une demande de résidence à l’asile Saint-Léonard, l’avis du préfet est généralement positif : les considérations de maintien de l’ordre s’effacent devant l’assurance d’un soutien par le patronage. Tantôt atouts, tantôt obstacles, les préventions du préfet rappellent combien le détenu est prisonnier de sa réputation, de son passé et des logiques sécuritaires qui prévalent à l’échelon préfectoral. Les avis et soutiens de l’extérieur, d’une manière générale, ne sont que d’une faible utilité pour le détenu. La capacité d’action de ce dernier vient de toute manière buter contre un obstacle qui reste hors de sa portée : le délai de réponse de l’administration.

Attendre et faire attendre

41 La question des délais de procédure a un impact direct sur le détenu et sur sa condition de détention. Avoir l’espoir de sortir avant le terme de la peine modifie l’expérience subjective de la détention, en introduisant la virtualité d’un événement. Or, plus le temps de procédure s’allonge, plus le sens attaché à la mesure se délite – et plus l’espoir s’éloigne. Dans la maison centrale de Fontevrault, le temps administratif paraît extensible, si bien que la plupart des propositions prennent un certain retard dès l’origine du dossier. Mesurer le délai écoulé entre la date réglementaire à partir de laquelle le détenu de Fontevrault peut être présenté au bénéfice de la libération conditionnelle et la date effective de proposition révèle bien des surprises. Sur les 106 propositions pour lesquelles ce calcul a été rendu possible, plus de la moitié, 65 exactement, sont faites une fois la date réglementaire passée. Ce délai est d’ores et déjà un retard, aux yeux de la loi, qui prévoyait la possibilité d’être mis conditionnellement en liberté à partir de ladite date. Au moins seize circulaires ou notes pénitentiaires évoquent ce problème entre 1885 et 1939. Dans les années 1920, les remarques au sujet des retards s’accumulent. Le document 3, représentant cinq classes de délais, révèle que les propositions arrivant au comité de libération conditionnelle le jour de la date réglementaire sont minoritaires. Pour les détenus dont le délai d’un mois n’est pas respecté, la patience est mise à rude épreuve. Vingt-sept d’entre eux ont patienté plus de soixante-dix jours pour voir leur dossier rempli. Pour le détenu Gaston J. [57], le délai atteint des proportions exceptionnelles. Son dossier est constitué le 13 juin 1930, alors qu’il avait atteint les deux tiers de sa peine le 24 février 1929.

DOCUMENT 3

Délais entre la date réglementaire de libération conditionnelle et la proposition de libération conditionnelle pour les détenus de Fontevrault entre 1929 et 1932

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Délais entre la date réglementaire de libération conditionnelle et la proposition de libération conditionnelle pour les détenus de Fontevrault entre 1929 et 1932

AD 49, 2Y2/1983-2066. Corpus : 106 propositions.

42 Les variations de délai d’attente et les techniques de temporisation semblent étroitement corrélées au nombre de punitions des détenus. Ceux qui ont été punis plus de six fois sont présentés avec davantage de retard au comité de libération conditionnelle. Ils sont 9 sur 20 à avoir attendu plus de soixante-dix jours (soit 45 %), contre 6 sur 42 pour les détenus les moins punis (soit 14 %), tandis que les détenus moyennement punis, entre deux et six fois, ne sont que 27 % à subir un tel temps d’attente.

DOCUMENT 4

Durée totale de la procédure de libération conditionnelle pour les détenus de Fontevrault

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Durée totale de la procédure de libération conditionnelle pour les détenus de Fontevrault

AD 49, 2Y2/1983-2061. Corpus : 99 dossiers

43 Symptomatique d’un certain usage disciplinaire de la mesure de clémence dans la maison centrale de Fontevrault, ce phénomène de temporisation se retrouve sous une autre forme à l’échelon supérieur de l’administration pénitentiaire, lors de la durée d’instruction. Les réponses émanant du ministère de la Justice tendent à allonger le temps d’attente du détenu. Parmi les 122 réponses du ministère retrouvées dans les dossiers de Fontevrault, 37 consistent en un ajournement. Or le temps écoulé entre la première et la deuxième proposition dépasse pour 50 % des cas les 394 jours. Moins évident que l’ajournement, le temps écoulé entre la proposition et la réponse de l’administration supérieure constitue également une technique de temporisation efficace. La moyenne est de soixante-cinq jours. Mais pour un quart des propositions, il est supérieur à quatre-vingt-trois jours. Les retards s’ajoutant aux retards diluent la signification d’une libération conditionnelle. En définitive, la procédure complète, de la constitution du dossier à l’issue finale, peut s’avérer longue. Pour 50 % des dossiers de Fontevrault, elle est supérieure à trois mois ; pour un quart d’entre eux, elle dépasse la durée d’une année (voir document 4). Les raisons d’une telle lenteur bureaucratique sont difficiles à cerner. Mais il est certain qu’elle ne relève pas uniquement d’une mécanique administrative, certaines demandes étant traitées beaucoup plus rapidement que d’autres.

44 L’attente peut également s’appréhender au niveau individuel, comme une expérience de détention particulière. Le cas d’Auguste dit « Camille » L. est à cet égard exemplaire. Sa procédure de libération conditionnelle dura un an et deux mois. Son histoire illustre à elle seule l’investissement émotionnel qu’un détenu peut mettre dans une telle procédure. Proposé une première fois le 3 mai 1930, soit vingt-deux jours avant la date réglementaire, son dossier de libération conditionnelle est l’un des plus favorables : « discipliné et travailleur », il entretient une « correspondance régulière et affectueuse avec sa femme et sa mère », semble « regretter les faits qui lui sont reprochés », et un ostréiculteur de Soulac (Gironde) s’engage à le prendre à son service. Le maire de Bordeaux ne donne aucun mauvais renseignement sur ce condamné, tandis que le surveillant-chef considère que sa libération conditionnelle « produirait un bon effet sur l’ensemble de la population ». Confirmé par un avis des plus favorable de la part du directeur de Fontevrault, qui juge sa « conduite et [son travail] très satisfaisants en détention », cet employé de chemin de fer, condamné à quatre ans de prison pour vol, voit pourtant sa proposition ajournée le 14 juin 1930. C’est dans ce contexte qu’il faut lire la lettre du détenu adressée au procureur général le 10 août 1930, exprimée dans une écriture fragile. Il tente de connaître l’avancement de ses procédures de libération conditionnelle et de recours en grâce.

45

« Monsieur le Procureur Général, J’ai l’honneur de solliciter de votre haute bienveillance la demande suivante. Le 26 août dernier, je vous fesais connaître que la Maison Centrale me proposer pour la libération conditionnelle et naturellement, je vous demander de ne point vous opposer à cette mesure de clémence. Etant donner que je me trouve dans un atelier de tuberculeux, étant marié et père de famille d’une fillette agée respectivement de 7 ans et qui elle aussi est toujours souffrante, ma pauvre mère qui est elle aussi agée respectivement de 70 ans. Comme réponse a ma lettre vous m’avez fait parvenir de faire une demande de recours de grâce sur feuille de papier timbré. Effectivement, cette demande de grâce a été faite le 20 mai et naturellement je suis à attendre la réponse. Je viens donc vous demander Monsieur le Procureur, si toute fois vous n’auriez pas une moindre lumière de quelque de ce sujet. Car voyant ma santé s’affaiblir de jour en jour, je serais bien heureux de pouvoir finir cette pénible peine auprès de mes parents. Veuillez recevoir Monsieur le Procureur, l’assurance de mon plus profond respect » [58].

46 La deuxième tentative fut la bonne. Proposé à nouveau le 1er juin 1931, il obtint une réponse favorable quinze jours plus tard. Autorisé à bénéficier de la libération conditionnelle, il fut libéré 411 jours après la moitié de sa peine. L’attente de ce détenu met ainsi en lumière l’indétermination et l’opacité qui règnent sur la procédure – opacité qui s’observe encore plus dès lors qu’il s’agit de comprendre l’issue de la procédure.

Une décision venue d’en haut

47 Comment expliquer que seuls 37,5 % des 128 détenus de la maison centrale de Fontevrault proposés au bénéfice de la libération conditionnelle furent effectivement admis ? Comment le garde des Sceaux et le directeur de l’administration pénitentiaire entendent-ils trier le bon grain des prisonniers « méritant » une libération conditionnelle de l’ivraie des détenus « indignes » d’une telle mesure ? La décision ministérielle ne saurait être expliquée si aisément, d’autant qu’elle ne s’accompagne d’aucune motivation. Alternativement présentée comme une mesure uniquement pénitentiaire, c’est-à-dire basée sur l’observation de la conduite du détenu [59], et comme une mesure plus globale, prenant en compte toute la vie pénale du détenu [60], elle entretient le flou quant aux critères retenus.

48 Un modèle de régression logistique permet de répondre à la question des facteurs les plus influents sur la décision de l’administration pénitentiaire [61]. En mettant au jour les variables explicatives, cette méthode permet d’objectiver les critères sur lesquels l’administration pénitentiaire semble forger sa décision. Précisons que cette méthode d’analyse statistique a porté ses fruits dans plusieurs études historiques. Les travaux d’Anne-Sophie Bruno ont ainsi utilisé à plusieurs reprises les régressions, pour expliquer notamment l’obtention ou le refus d’une carte de commerçant étranger parmi les migrants tunisiens entre 1978 et 1982. De même, cette méthode a été appliquée dans les études américaines consacrées à la criminalité et à la peine, et plus précisément à la question du lien entre « race » et peine de mort aux États-Unis [62]. En s’inscrivant dans ce sillage, nous avons construit un modèle de régression logistique à partir du corpus des propositions de libération conditionnelle de Fontevrault [63]. Il en ressort deux grands types de critères influant sur la décision d’admettre ou de refuser les détenus de cet établissement au bénéfice de la libération conditionnelle : les critères pénitentiaires et les critères judiciaires.

49 Les critères pénitentiaires sont l’avis du directeur et le fait d’avoir été puni durant la détention. Toutes choses égales par ailleurs quant au contenu du dossier, un détenu ayant reçu un avis favorable voit sa probabilité d’être admis à la libération conditionnelle nettement augmenter. Quant aux punitions, le fait d’en avoir subi durant le séjour à Fontevrault semble diminuer les chances. Le détenu ayant été puni a ainsi six fois plus de risques de voir sa proposition rejetée. Ce résultat tend à confirmer l’usage disciplinaire de la libération conditionnelle, déjà à l’œuvre dans les étapes précédant l’ultime délibération, ainsi que les critères mis en avant par l’administration pénitentiaire, sous les termes de « bonne conduite » et « comportement satisfaisant ». En un sens, le filtre disciplinaire se maintient de l’échelon local à la délibération centrale.

50 Plus étonnantes sont sans doute les variables explicatives d’ordre judiciaire, à commencer par la nature de l’infraction (crime ou délit). Les condamnés pour délit ont douze fois plus de chances d’être admis à l’issue de la procédure. Or nous avions remarqué que parmi les détenus de Fontevrault proposés au bénéfice de la libération conditionnelle, les condamnés pour crimes étaient surreprésentés. Il semblerait que cette qualification, la plus grave dans la hiérarchie des infractions, joue au détriment des détenus au terme de la procédure. Autrement dit, jusqu’à la décision finale, la gravité de l’infraction ne semblait pas constituer un obstacle, mais le devient alors. Cela permet de mieux comprendre pourquoi tous les condamnés pour homicide ou tentative d’homicide – le crime le plus grave – furent refusés. La proportion reste également très élevée parmi les condamnés pour violences sexuelles : 62 % furent rejetés. À l’inverse, parmi les condamnés pour les délits de vol, recel ou atteinte à la propriété, la proportion de rejet n’est que de 50 %. Moins avantagés pour se hisser jusqu’à la proposition de libération conditionnelle, ces condamnés voient leur chance tourner lors de l’issue de la procédure.

51 Le deuxième critère judiciaire semblant peser sur la décision ministérielle concerne la durée de la peine. Toutefois il semblerait que cette variable n’influe pas de manière indépendante. Le cumul des caractéristiques « récidive » et « peine supérieure à deux ans » augmente considérablement les probabilités d’être refusé à la libération conditionnelle. Cette observation est intéressante à double titre. D’une part, elle permet d’observer la traduction dans la procédure de libération conditionnelle de l’obsession à l’égard de la récidive, au tournant des années 1920 et 1930. D’autre part, tous les récidivistes ne sont pas considérés de la même manière : une plus lourde peine amoindrit les chances de libération conditionnelle, ce que ne semble pas produire une peine comprise entre un et deux ans de prison.

52 Jamais réellement assumées comme telles dans les écrits administratifs, les influences respectives de l’infraction d’une part, de la conjonction de la durée de la peine et de la récidive d’autre part, amèneraient à penser que la libération conditionnelle est en partie déterminée en amont par la sentence judiciaire. Elle s’appuierait pour une large part sur des caractéristiques antérieures à la période de détention. A contrario, l’environnement social, les preuves de possible réinsertion et les tentatives d’intervention de tiers ne semblent pas peser dans une prise de décision entièrement verrouillée. En ce sens, l’application de la loi s’oppose à son esprit originel. Le décalage est donc grand entre les propos de l’inspecteur Armand Mossé, qui invite à ne juger du bien-fondé de la libération conditionnelle que sur « la période pénitentiaire ou éducative » et sur « la période de réadaptation sociale » [64] suivant le jugement, et les ressorts d’une décision ministérielle reposant tout autant sur des critères judiciaires que sur des critères pénitentiaires.

53 La libération conditionnelle apparaît donc dans l’entre-deux-guerres comme une mesure difficile à obtenir, soumise à une logique de sélection aussi bien sociale que disciplinaire. Cette étude a montré comment, à l’échelon local, les agents pénitentiaires se réapproprient les consignes et les ordres de leur hiérarchie, dans un cadre de référence souvent manichéen et simplifié – et à quel point ils serrent un peu plus l’étau autour du détenu. Point d’orgue du verrouillage de la procédure, la prise de décision par le ministère témoigne de la toute-puissance administrative entourant cette mesure de clémence.

54 Pourtant, la mainmise administrative et l’application a minima de la mesure sont remises en cause au cours de cette même période. Révélateurs des tensions autour du contrôle de la prison par la société, les débats dans les cercles de spécialistes de la peine sont le lieu de maturation de la doctrine qui prévaut après-guerre. Cette dernière, incarnée dans la réforme menée par Paul Amor, met en avant le reclassement du prisonnier, et maintient la mesure de libération conditionnelle tout en promouvant un contrôle de l’application des peines par le pouvoir judiciaire.

55 Plus largement, l’histoire de la libération conditionnelle, telle que nous l’avons proposée ici, n’est pas sans faire écho aux réflexions actuelles sur la politique carcérale française. À une époque où les alternatives à la prison sont évoquées, où de nouvelles dispositions sont ajoutées comme vient de l’être la contrainte pénale, il est opportun de rappeler que la réflexion sur la sortie de prison a commencé au XIXe siècle. Cet héritage est encore vivant, la libération conditionnelle s’étant maintenue dans l’arsenal juridique français. Mais surtout, il est nécessaire de souligner que son application et sa conception ont connu des évolutions. Replacée dans le temps long de son histoire, depuis sa création, la libération conditionnelle apparaît ainsi successivement comme une « heureuse innovation » [65] de la fin du XIXe siècle, une pratique administrative routinière dans le premier XXe siècle, une source de réflexion carcérale renouvelée pendant les années 1930, et une mesure toujours d’actualité aujourd’hui.

Notes

  • [1]
    Je remercie sincèrement Dominique Kalifa et Claire Zalc pour leur relecture attentive et leurs précieux conseils.
  • [2]
    Alexis SPIRE, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005 ; Vincent DUBOIS, La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère [1999], Paris, Économica, 2010.
  • [2]
    Erving GOFFMAN, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus [1961], Paris, Éditions de Minuit, 1968.
  • [3]
    Précisons toutefois que la justice pour mineurs connaît de véritables innovations dans la première partie du XXe siècle.
  • [5]
    L’ensemble des circulaires et notes de service a été dépouillé grâce aux volumes du Code pénitentiaire de 1885 à 1939 (imprimé à Melun par l’Imprimerie administrative, le Code est une publication cumulative de divers documents administratifs et du Bulletin de l’administration pénitentiaire). Nous avons également consulté les rapports de l’Inspection générale des services administratifs, et la très riche Statistique pénitentiaire.
  • [6]
    Deux grandes revues ont retenu notre attention : la Revue pénitentiaire et de droit pénal de 1918 à 1933, qui constitue le bulletin d’information de la Société générale des prisons et de législation criminelle, et la Revue internationale de droit pénal dans les années 1930.
  • [7]
    Cette maison centrale a ouvert ses portes en 1814 dans l’ancienne abbaye des Bénédictins. Elle constitue une des grandes prisons de l’Ouest français, consacrée aux peines supérieures à un an. À ce titre, elle peut servir d’observatoire pertinent pour les demandes de libération conditionnelle. Ses archives ont été très bien conservées et forment une source exceptionnelle pour l’histoire contemporaine des prisons, voir : Jacques-Guy PETIT, Ces peines obscures : la prison pénale en France (1780-1875), Paris, Fayard, 1990. Bien que la graphie Fontevraud soit désormais la seule officielle, nous conservons ici l’orthographe Fontevrault, plus usitée à la période étudiée.
  • [8]
    Jean-Lucien SANCHEZ, À perpétuité. Relégués au bagne de Guyane, Paris, Vendémiaire, 2013, p. 23-32 ; Robert BADINTER, La prison républicaine (1871-1914), Paris, Fayard, 1992, p. 97-179.
  • [9]
    E. GOFFMAN, Asiles…, op. cit., p. 95 : « On finit par savoir que certains actes sont de ceux qui impliquent un allongement ou une non-diminution du séjour, alors que d’autres entraînent une réduction de peine ».
  • [10]
    Circulaire du 31 janvier 1888, Code pénitentiaire, vol. 12, p. 172.
  • [11]
    Ibidem, p. 173.
  • [12]
    Michel FIZE, « Il y a 100 ans… la libération conditionnelle », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1985-4, p. 755-773, p. 767.
  • [13]
    Edwige DE BOER, « Gracier les jeunes au XIXe siècle », in Frédéric CHAUVAUD (éd.), Le droit de punir du siècle des Lumières à nos jours, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 111-125, p. 112.
  • [14]
    Circulaire du 11 novembre 1885, Code pénitentiaire, vol. 10, p. 241.
  • [15]
    Rapport adressé au président de la République sur la mise en pratique de la libération conditionnelle (loi du 14 août 1885), de 1890 à 1893, 31 décembre 1894, Code pénitentiaire, vol. 14, p. 502.
  • [16]
    Circulaire du 16 janvier 1902, Code pénitentiaire, vol. 16, p. 67-70.
  • [17]
    Olivier BEAUD, La puissance de l’État, Paris, PUF, 1994, p. 474.
  • [18]
    Dominique KALIFA, « Magistrature et “crise de la répression” à la veille de la grande guerre (1911-1912) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 67-3, 2000, p. 43-59.
  • [19]
    Note de service du 14 mars 1902, Code pénitentiaire, vol. 16, p. 74.
  • [20]
    Circulaire du 1er août 1905, Archives départementales de l’Oise, Beauvais, 1Y827.
  • [21]
    Note de service du 6 juin 1906, Code pénitentiaire, vol. 17, p. 31.
  • [22]
    Note de service du 25 mai 1923, Code pénitentiaire, vol. 21, p. 127.
  • [23]
    Marie VOGEL, Contrôler les prisons : l’Inspection générale des services administratifs et l’Administration pénitentiaire 1907-1948, Paris, la Documentation française, 1998, p. 46.
  • [24]
    Après le rattachement en 1911 et jusqu’en 1935, les personnels de la direction sont détachés du ministère de l’Intérieur, et leur avancement est établi par le conseil des directeurs du ministère de l’Intérieur, après concertation avec le directeur de l’administration pénitentiaire et le chef de cabinet du ministre de la Justice.
  • [25]
    Christian CARLIER, « La balance et la clef. Histoire du rattachement de l’administration pénitentiaire au ministère de la Justice », Criminocorpus (criminocorpus.revues.org), 2011.
  • [26]
    ZAMULO [prénom non indiqué], « La libération conditionnelle en France et à l’étranger, étude critique », thèse de droit, Université de Paris, 1935, p. 97-113.
  • [27]
    Armand MOSSÉ, Variétés pénitentiaires. La réouverture des prisons départementales. La comptabilité des prisons en régie. Des conséquences du chômage dans les prisons de courtes peines. La prison pour dettes. Les magistrats pénitentiaires, Paris, Sirey, 1932, p. 84.
  • [28]
    M. FIZE, « Il y a 100 ans… », art. cit.
  • [29]
    Pierre LASCOUMES, « Normes juridiques et mise en œuvre des politiques publiques », L’année sociologique, 40, 1990, p. 43-71.
  • [30]
    Christian CARLIER, Histoire du personnel des prisons françaises du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Éditions de l’Atelier, 1997, p. 123.
  • [31]
    ID., L’administration pénitentiaire et son personnel dans la France de l’entre-deux-guerres, Paris, ministère de la Justice, 1989, p. 18-19.
  • [32]
    Exposé général concernant la mise en pratique du système de libération conditionnelle, 15 octobre 1890, Code pénitentiaire, vol. 14, p. 118.
  • [33]
    Circulaire du 2 mars 1887, Code pénitentiaire, vol. 12, p. 26.
  • [34]
    Sur l’importance de ce modèle médical dans la science pénitentiaire, voir Marc RENNEVILLE, « L’anthropologie du criminel en France », Criminologie, 27-2, 1994, p. 185-209, p. 202.
  • [35]
    Reynald OTTENHOF (éd.), L’individualisation de la peine. De Saleilles à aujourd’hui, Ramonville Saint-Agne, Érès, 2001.
  • [36]
    Michel FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.
  • [37]
    Sur ce point, les travaux de sociologie carcérale ont bien souligné la labilité des règles, le pouvoir discrétionnaire, et l’importante autonomie opérationnelle des surveillants : Antoinette CHAUVENET, Corinne ROSTAING, Françoise ORLIC, La violence carcérale en question, Paris, PUF, 2008, p. 104.
  • [38]
    Nous avons travaillé à partir d’un corpus exhaustif de 128 dossiers de libération conditionnelle, entre 1929 et 1932. Ce corpus a été mis en regard d’un échantillon de contrôle, rassemblant 145 dossiers de détenus non proposés au bénéfice de la libération conditionnelle, sur la même période.
  • [39]
    Rapport sur l’application de la libération conditionnelle, 29 novembre 1899, Code pénitentiaire, vol. 15, p. 404.
  • [40]
    Les ouvriers sont 80 sur 145, contre 43 sur 128 détenus proposés.
  • [41]
    Georges DUBY, Armand WALLON (éd.), Histoire de la France rurale, vol. 4 : La fin de la France paysanne, de 1914 à nos jours, Paris, Seuil, 1976, p. 210. Cette vitalité date en fait du XIXe siècle. Voir : Jean-Luc MAYAUD, La petite exploitation rurale triomphante : France, XIXe siècle, Paris, Belin, 1999.
  • [42]
    Archives départementales de Maine-et-Loire (désormais AD 49), Angers, 2Y2/2001, dossier n° 4293.
  • [43]
    Circulaire du 10 juillet 1888, Code pénitentiaire, vol. 12, p. 258-262.
  • [44]
    D. KALIFA, Crime et culture au XIXe siècle, Paris, Perrin, 2005, p. 319.
  • [45]
    AD 49, 2Y2/2022, dossier n° 4445.
  • [46]
    AD 49, 2Y2/2031, dossier n° 4208.
  • [47]
    AD 49, 2Y2/2038, dossier n° 4692.
  • [48]
    D. KALIFA, Les bas-fonds. Histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, 2013, p. 11.
  • [49]
    Ibidem, p. 69-108.
  • [50]
    AD 49, 2Y2/1987, dossier n° 4026.
  • [51]
    C. CARLIER, L’Administration pénitentiaire…, op. cit., p. 191.
  • [52]
    Pierre MERCIER, « Rapport sur l’état actuel de la libération conditionnelle », Revue pénitentiaire, 48-4, 1924, p. 185-206, p. 193.
  • [53]
    Didier FASSIN, « La supplique. Stratégies rhétoriques et constructions identitaires dans les demandes d’aide d’urgence », Annales HSS, 55-5, 2000, p. 955-981, p. 961. Voir aussi : Arlette FARGE, Michel FOUCAULT (éd.), Le désordre des familles. Lettres de cachet des archives de la Bastille au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard/Julliard, 1982.
  • [54]
    AD 49, 2Y2/2023, dossier n° 4 327. Afin de respecter au plus près l’archive pénitentiaire, nous n’avons pas corrigé l’orthographe des sources citées.
  • [55]
    AD 49, 2Y2/2025, dossier n° 4526.
  • [56]
    Dossiers individuels (1922-1932), Archives départementales du Rhône, Lyon, 4M819-820. Le corpus comprend en tout 196 demandes sur la période de l’entre-deux-guerres.
  • [57]
    AD 49, 2Y2/2002, dossier n° 3516.
  • [58]
    AD 49, 2Y2/2014, dossier n° 4119.
  • [59]
    Circulaire du 28 juin 1888, Code pénitentiaire, vol. 12, p. 277.
  • [60]
    Rapport de l’I.G.S.A sur les services pénitentiaires, 21 juillet 1911, Code pénitentiaire, vol. 18, p. 78 ; circulaire du 26 mars 1940, Code pénitentiaire, vol. 28, 1939-1940.
  • [61]
    La régression logistique est une méthode statistique permettant de tester et de comparer des variables potentiellement explicatives, sans en privilégier aucune a priori. Elle fonctionne selon un raisonnement ceteris paribus, c’est-à-dire toutes choses égales par ailleurs. La variable à expliquer est ici l’issue de la procédure : l’obtention ou le refus d’une libération conditionnelle. Nous avons testé un certain nombre de variables potentiellement explicatives (sexe, âge, peine, punitions, etc.), sous le logiciel R.
  • [62]
    Anne-Sophie BRUNO, « L’attribution des cartes de commerçants étrangers. Le cas des indépendants tunisiens (1978-1982) », in A.-S. BRUNO, Claire ZALC (éd.), Petites entreprises et petits entrepreneurs étrangers en France (XIXe-XXe siècles). Actes des journées d’études des 23 et 24 octobre 2003, Paris, Publibook, 2006, p. 63-82 ; EAD., « Analyser les écarts de salaires à l’aide des modèles de régression. Vertus et limites d’une méthode. Le cas des migrants de Tunisie en région parisienne après 1956 », Histoire & Mesure, 25-2, 2010, p. 121-156 ; David C. BALDUS et alii, « Racial discrimination and the death penalty in the post-Furman era : An empirical and legal overview with recent fi ndings from Philadephia », Cornell Law Review, 83-6, 1998, p. 1 638-1 770.
  • [63]
    La régression logistique a porté sur 123 individus. Parmi eux, seuls 48 ont obtenu une libération conditionnelle.
  • [64]
    A. MOSSÉ, Variétés pénitentiaires…, op. cit., p. 78.
  • [65]
    Exposé général […], 15 octobre 1890, Code pénitentiaire, vol. 14, p. 116.
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