Couverture de RHMC_571

Article de revue

Le flambeau et le poignard.

Les contradictions de l'organisation clandestine des libéraux français, 1821-1827

Pages 69 à 90

Notes

  • [1]
    Achille de VAULABELLE, Histoire des deux Restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, Paris, Perrotin, 1860, (1844-1854), t. VI, p. 122.
  • [2]
    Alan B. SPITZER, Old Hatred and Young Hopes, the French Carbonari Against the Bourbon Restauration, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1971. Récemment, les échecs des carbonari ont fait également l’objet de la relecture de Jacqueline LALOUETTE : « 1822, l’année noire des carbonari français », in Gimapietro BERTI, Franco DELLA PERUTA, La nascita della Nazione : La Carbonaneria. Intrecci veneti, nazionali e internazionali, Minelliana, Rovigo, 2004, p. 113-140.
  • [3]
    Musée de l’Histoire de France, Paris (désormais MHF) AE V 103. Je remercie Mme James-Sarrazin et Mme Marguin-Hamon de m’avoir permis de consulter le carnet dans les meilleures conditions.
  • [4]
    Pierre-Arnaud LAMBERT a incontestablement renouvelé l’étude des formes d’organisation des sociétés secrètes dans sa thèse de sciences politiques : La Charbonnerie française (1821-1823). Du secret en politique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1995. Le rituel politique est au cœur de nombreux travaux récents. Concernant l’opposition libérale, et le rituel des funérailles : Emmanuel FUREIX, « Un rituel d’opposition sous la Restauration : les funérailles libérales à Paris (1820-1830) », Genèses, 46, mars 2002, p. 77-100. La « culture des armes » est au cœur de la thèse de Louis HINCKER sur l’identité socio-politique des insurgés de la Seconde République : Citoyens-combattants à Paris, 1848-1851, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, particulièrement p. 97-135.
  • [5]
    Voir Nicolas ROUSSELLIER, « La culture libérale » in Serge BERSTEIN (éd.), Les cultures politiques en France, Paris, Seuil, 1999, p. 69-111. Cette conception de la culture politique rend difficilement compte de la diversité et de la complexité des identités et des comportements politiques de la première moitié du XIXe siècle.
  • [6]
    Louis BLANC, Histoire de dix ans (1841), Paris, Librairie Germer Baillière et Cie, 1877, t. 1, p. 115-116.
  • [7]
    George SAND, Le Compagnon du Tour de France (1841), Paris, Le livre de poche, 2004, p. 247. Cf. préface de Jean-Louis CABANÈS.
  • [8]
    Ibidem, p. 417.
  • [9]
    Pour une comparaison avec l’Espagne : Irène CASTELLS OLIVAN, « Le libéralisme insurrectionnel espagnol (1814-1830) », Annales historiques de la Révolution française, 2004-2, n° 336, p. 221-233.
  • [10]
    Jean REYNAUD, « Carbonarisme », in L’Encyclopédie nouvelle : Dictionnaire philosophique, scientifique, littéraire et industriel, offrant le tableau des connaissances humaines au XIXe siècle, Paris, Ch. Gosselin, 1841 (1836), t. III, p. 246.
  • [11]
    Propos rapportés par Pierre René AUGUIS, Histoire de la Révolution depuis 1814 à 1830, Paris, Poirée, 1838, t. 7, p. 423.
  • [12]
    Archives nationales, Paris (désormais AN) BB 30 243, rapport de l’officier Charvais.
  • [13]
    A. de VAULABELLE, Histoire des deux Restaurations op. cit., p. 122.
  • [14]
    Paul François DUBOIS, « Augustin Thierry », Revue bleue, 1908, p. 742.
  • [15]
    « Causes secrètes de la Révolution de 1830. Révélations officielles sur le fameux comité-directeur et les carbonari de Paris », L’Ami des peuples, septembre 1830. La revue est indisponible à la Bibliothèque nationale, mais l’article est reproduit dans L’Ami de la Religion et du Roi, 23 septembre 1830.
  • [16]
    AN, AB XIX 3566, Notes.
  • [17]
    AN, F6686, correspondance du Préfet de Saône et Loire, 19 août 1823.
  • [18]
    MHF, AEV 103.
  • [19]
    Les professions retenues sont les professions du droit, les professeurs, les hommes de lettres, les médecins, les artistes peintres, les libraires-imprimeurs, les typographes, les étudiants et les officiers.
  • [20]
    D’après Alexandre Crépu, probable rédacteur de l’article du 8 mai 1841 du Patriote des Alpes, les carbonari étaient au nombre de 300 en mai 1821, mais bien davantage par la suite. Au congrès de la Charbonnerie de Lyon de juin 1822, le représentant isérois affirme que nulle part on ne trouve plus de Bons Cousins que dans l’Isère (AN, AB XIX 3566). À Dijon, l’un des chefs fait des révélations à l’autorité et dénombre 12 ventes dans cette ville AN F6686. Correspondance du Préfet de la Côte d’Or, 6 mars 1822.
  • [21]
    Pierre LEROUX, La grève de Samarez, Paris, Dentu, 1863, t.1, p. 309.
  • [22]
    Moniteur Universel, 26 juin 1822.
  • [23]
    Auguste BRUNET, De l’aristocratie et de la démocratie, de l’importance du travail et de la richesse mobilière, Paris, Corréard, 1819, p. 20.
  • [24]
    AN, F6726, lettre du procureur au Procureur général, 2 mars 1822.
  • [25]
    Yves-Marie BERCE, Fête et révolte, Paris, Hachette, 1976, p. 75.
  • [26]
    Robert S. ALEXANDER, Bonapartism and Revolutionnary Tradition in France. The Fédérés of 1815, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
  • [27]
    P.R. AUGUIS, Histoire de la Révolution, op. cit., t. 7, p. 426. Sur les Chevaliers de la Liberté : Joseph Henri DENECHEAU, « Les Chevaliers de la Liberté dans le Saumurois (1820-1822) », Société des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois, n° 143, mars 1994, p. 75-90. L’auteur nuance le caractère populaire de l’association, tout en reconnaissant n’avoir travaillé que sur un échantillon limité d’individus.
  • [28]
    Colonel GAUCHAIS, Histoire de la conspiration de Saumur. Mort du général Berton et de ses co-accusés, condamnés par la cour d’assises de Poitiers, le 28 septembre 1822, et exécutés le 6 et le 7 octobre suivant. Précis historique de ce jugement et de ses résultats si on eût réussi dans ce vaste projet, Paris, chez l’auteur, p. 43.
  • [29]
    L’ouvrage le plus connu parmi les libéraux (trois éditions) est celui d’Alexandre DE LABORDE, De l’esprit d’association dans tous les intérêts de la communauté, Paris, Gide fils, 1818.
  • [30]
    Le premier est reproduit en annexe du Procès des conspirateurs de Thouars et de Saumur, cour d’assises de la Vienne, Poitiers, Barbier, 1822 ; le second, le « code de la X » se trouve aux AN dans le dossier F6684.
  • [31]
    MHF, AE V 103.
  • [32]
    Notamment par le récit d’Ulysse TRELAT, « La Charbonnerie », in Paris révolutionnaire, Paris, Guillamin, 1834, t. 2, p. 275-341. Francis POMPONI a établi que les statuts de la Charbonnerie italienne étaient connus en Corse et ont pu parvenir à Limpérani, membre de la loge des Amis de la Vérité : « La voie corse du passage à la Charbonnerie française sous la Restauration (1818-1823) », in Bernard GAINOT, Pierre SERNA (éd.), Secret et République 1795-1840, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2004, p. 91-127.
  • [33]
    Prosper DUVERGIER DE HAURANNE, Histoire du gouvernement parlementaire en France, Paris, Michel Lévy frères, 1864, t. VI, p. 393-394.
  • [34]
    AN, BB 30 243 idem.
  • [35]
    Claude REICHLER, « Machines et machinations, la ruse des signes », Revue des Sciences Humaines, t. LVIII, n° 186-187, avril-octobre 1982, p. 31-41 (ici p. 34).
  • [36]
    Voir Michel MEROY, Le Mythe jésuite de Béranger à Michelet, Paris, PUF, 1992, p. 229 sq. et Geoffey CUBBIT, The Jesuit Myth. Conspiracy Theory and Politics in Nineteenth-Century France, Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 58 sq.
  • [37]
    Arnold SCHEFFER, Précis de l’histoire générale de la compagnie de Jésus, suivi des Monita Secreta, Paris, Hesse et cie, 1824, p. II.
  • [38]
    Auguste OTT, Notice sur la vie et les travaux de Buchez, Paris, Amyot, 1866, p. 17.
  • [39]
    Charles de REMUSAT, Mémoires de ma vie, Paris, Plon, 1958, t.1, p. 57.
  • [40]
    Existe-t-il un fédéralisme jacobin ? Études sur la Révolution. Actes du 111e congrès national des Sociétés Savantes, Poitiers, 1986, Paris, Éditions du CTHS, 1987.
  • [41]
    On retrouve l’influence des Principes politiques applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la Constitution actuelle de la France rédigés par Benjamin CONSTANT pour appuyer l’éphémère mise en place d’un Empire libéral pendant les Cent jours. Voir plus particulièrement le chapitre XII « Du pouvoir municipal, des autorités locales, et d’un nouveau genre de fédéralisme », Paris, Alexis Eymery, 1815, p. 193-204.
  • [42]
    Voir Rudolph VON THADDEN, La centralisation contestée : l’administration napoléonienne, enjeu politique de la Restauration (1814-1830), Arles, Actes Sud, 1989, p. 154-159.
  • [43]
    François DE CORCELLE, Documents pour servir à l’histoire des conspirations, des partis et des sectes, Paris, Paulin, 1831, p. 19.
  • [44]
    Sur M. Desloges : Jean-Jacques GOBLOT, « Un mystérieux rédacteur du Globe : Marcelin Desloges », Revue d’histoire littéraire de la France, 1985-2, p. 234-247.
  • [45]
    MHF, AE V103.
  • [46]
    AN, AB XIX 35 66, compte rendu du congrès par Niepce.
  • [47]
    U. TRELAT, « La Charbonnerie », chap. cit., p. 331.
  • [48]
    Alan SPITZER, The French Generation of 1820, Princeton, Princeton University Press, 1987, p. 69.
  • [49]
    Le carnet de Plantier donne un tableau de l’organisation nationale de la Charbonnerie dans lequel Paris est absent.
  • [50]
    Voir les dépositions des amis de Plantier dans le dossier : AN, CC 536.
  • [51]
    MHF, AE V 103.
  • [52]
    Constitution et organisation des Carbonari, ou Documens exacts sur tout ce qui concerne l’existence, l’origine et le but de cette société secrète, par M. Saint-Edme (1821), Paris, Brissot-Thivars, 1822, p. 90. Pour une étude en français de l’organisation des Carbonari italiens, voir le chapitre correspondant dans l’ouvrage de P.-A. LAMBERT, op, cit., p. 49-63.
  • [53]
    MHF, AE V 103.
  • [54]
    P.F. DUBOIS, « Augustin Thierry », art. cit., p. 742.
  • [55]
    Sur le dévoiement du serment au cours du XIXe siècle voir la thèse de Jean-Yves PIBOUBES, « Le serment politique en France (1789-1870) », sous la direction d’Alain Corbin, Université Paris 1, 2003.
  • [56]
    Voir les travaux de Pierre-Yves BEAUREPAIRE sur la Maçonnerie des Lumières, notamment : « La République universelle des francs-maçons entre “culture de la mobilité” et basculement national (XVIIIe-XIXe siècle) », Revue de synthèse, 123-1, janvier-mars 2002, p. 37-64.
  • [57]
    Voir la thèse de Gilles MALANDIN : « L’affaire Louvel, ou l’introuvable complot, événement, enquête judiciaire et expression politique dans la France de la Restauration », doctorat d’histoire sous la direction de Philippe Boutry, Université Paris 12, 2005.
  • [58]
    Arnold SCHEFFER, Résumé de l’histoire de l’empire germanique, Paris, Lecointe et Durey, 1824, p. 285.
  • [59]
    Plaidoyer de M. de Marchangy, Avocat-général à la Cour royale de Paris, prononcé le 29 août 1822, devant la cour d’assises de la Seine, dans la conspiration de La Rochelle, Paris, Boucher, 1822, p. 54.
  • [60]
    Ibidem.
  • [61]
    La seconde Restauration est au cœur de la genèse du républicanisme patriotique analysé par Philippe DARRIULAT pour la période postérieure : Les patriotes : la gauche républicaine et la nation, 1830-1870, Paris, Seuil, 2001.
  • [62]
    L’Ami de la Religion et du Roi, 4 septembre 1822.
  • [63]
    AN F6686, rapport du sous-préfet du Var, 18 novembre 1822.
  • [64]
    P. DUVERGIER DE HAURANNE, Histoire du gouvernement parlementaire, op. cit., p. 394.
  • [65]
    A. de VAULABELLE, Histoire des deux Restaurations, op. cit., p. 49.
  • [66]
    Philippe BUCHEZ, Histoire parlementaire de la Révolution française, Paris, Paulin, 1834, t. 7, p. 447 sq.
  • [67]
    Philippe LE HARIVEL, Nicolas de Bonneville, pré-romantique et révolutionnaire 1760-1828, Strasbourg, Istra, 1923.
  • [68]
    Colonel GAUCHAIS, Histoire de la conspiration, op. cit., p. 6.
  • [69]
    P.F. DUBOIS, « Augustin Thierry », art. cit., p. 742.
  • [70]
    AN F6657, correspondance du préfet des Deux-Sèvres. 22 février 1823.
  • [71]
    Pour une analyse du phénomène : Christophe CHARLE, Les intellectuels en Europe au XIXe siècle. Essai d’histoire comparé, Paris, Seuil, 1996.
  • [72]
    Louis MARIN, « Pour une théorie baroque de l’action politique », préface de Gabriel NAUDE, Considérations politiques sur les coups d’État, Paris, Les éditions de Paris, 1988, p. 19-25.
  • [73]
    Clémence ROBERT, Les Quatre Sergents de La Rochelle (1848), Paris, F. Roy, 1876.
  • [74]
    Paris révolutionnaire, recueil de notices, Paris, Guillaumin, 1833-1836, 4 vol. Significativement, toutes les notices portant sur la Restauration sont reproduites dans le volume réédité en 1848.

1 Le 21 septembre 1822, en place de Grève, quatre sergents du 45e régiment d’infanterie sont guillotinés, coupables d’avoir participé à un complot contre l’État. L’événement est d’importance, car l’État monarchique souhaite faire un exemple et frapper l’organisation à laquelle appartenaient ces sous-officiers, la Charbonnerie française. Il ne s’agit pas là de simples péripéties policières, mais d’un moment important de la vie politique de la Restauration. Même si le régime n’est jamais menacé sérieusement, le développement de la Charbonnerie déplace le cœur de la vie politique, des chambres vers de petites réunions secrètes d’individus sur l’ensemble du territoire. Cependant, après les velléités de soulèvement qui ponctuent l’année 1822, la société secrète ne fit plus parler d’elle. Le voile ne se lève que partiellement sous la Monarchie de Juillet, et laisse deviner une organisation exceptionnelle par la concentration des talents qu’elle regroupait.

2 La Charbonnerie française aurait compris environ 50 000 membres, d’après l’historien libéral Achille de Vaulabelle [1]. L’estimation est discutée, mais ce qui est incontestable, c’est la participation de personnalités de grande envergure, tels les peintres Ary Scheffer, Horace Vernet, les intellectuels Augustin Thierry, Théodore Jouffroy, les saints-simoniens Saint-Amand Bazard, Buchez, Dugied et Pierre Leroux, les républicains Godefroi Cavaignac, Armand Carrel, Ulysse Trélat, Raspail, sans oublier ces figures trop souvent négligées des républicains de province, députés sous la Seconde République, comme le représentant de l’Isère, Ronjat, ou celui de la Côte-d’Or, Menand ; des bonapartistes comme le colonel Brice ; enfin même des cadres importants de la future Monarchie de Juillet, comme Félix Barthe, Joseph Mérilhou, Augustin Schonen, Alphonse Béranger de la Drôme.

3 Ce dévoilement partiel suscite alors de nouvelles questions, tant la Charbonnerie concentre paradoxes et contradictions. Société secrète, œuvre de l’ombre, elle travaille au développement des idéaux des Lumières. Socialement élitiste, elle prétend incarner une opposition au monde des privilèges de l’Ancien Régime. Pour mieux comprendre cette organisation politique et la manière dont elle a pu, pour un temps du moins, surmonter de telles contradictions, il est nécessaire de s’interroger sur le lien qui unissait ses membres. Un lien suffisamment fort pour souder des individus jusqu’à les conduire à une mort stoïque sur l’échafaud, mais incapable de donner naissance à une force politique pérenne.

4 Le secret est assurément un obstacle majeur à l’étude de la Charbonnerie. Si les coups de force tentés par l’organisation sont relativement bien connus, grâce à l’étude minutieuse et très documentée d’Alan B. Spitzer [2], il n’en est pas de même pour le substrat civil qui soutend et accompagne les conspirations. Un document nous permet toutefois d’apporter quelques précisions à ce sujet. Sous la Monarchie de Juillet, un avocat de Vienne est inquiété dans l’affaire du complot de Lunéville lié à l’insurrection d’avril 1834. L’autorité saisit chez lui un carnet contenant les statuts et les rites d’une Charbonnerie fédérée. L’enquête conclut assez vite que ce carnet concerne les luttes de la Restauration mais garde ce document comme pièce à conviction, laquelle est toujours conservée dans les fonds du Musée de l’Histoire de France [3] : ce carnet de 93 pages comprend un discours préliminaire, une déclaration des principes fondamentaux, le règlement et une description des principaux rites de la société. Confronté aux autres statuts de l’association, il nous permet de préciser les ambitions mais surtout les contradictions, les conflits internes qui la traversent.

5 Cette étude vise à comprendre l’adoption puis l’abandon d’une culture de la conspiration par une grande partie de l’opposition libérale à la monarchie bourbonienne restaurée. Cette culture, non théorique, par définition secrète, peut s’appréhender principalement par l’analyse des formes d’organisation de la société, du statut de ses membres, mais aussi par l’étude des symboles et des rituels politiques, par le choix des armes et du type de violence employée [4]. Ces éléments constituent finalement un véritable imaginaire romantique de la conspiration, peu compatible avec une certaine « culture politique libérale » en voie de constitution au cours du siècle [5].

PAYS RÉEL OU BRAS ARMÉ DE LA BOURGEOISIE ?

6 L’identité sociale de la Charbonnerie est au cœur des premières analyses de l’échec de l’association. Sous la Monarchie de Juillet, les socialistes dénoncent la Charbonnerie comme l’arme politique d’une classe sociale incapable de se concilier le peuple. Pour Louis Blanc, elle concentre les vertus mais surtout les vicesde la bourgeoisie, ainsi « l’amour exagéré d’un bien être matériel »  [6]. De manière originale, George Sand l’oppose au compagnonnage dans un roman, le Compagnon du Tour de France. Elle imagine une confrontation entre quatre carbonari, un capitaine bonapartiste, un avocat et un commis-voyageur lafayettistes, un médecin orléaniste, face à quatre ouvriers dont l’un était sans-culotte de 1793, un autre, son héros, Pierre Huguenin, compagnon menuisier ; la scène prend l’aspect d’un conflit de classe avec les « prolétaires debout en face de révolutionnaires au petit pied »  [7]. La dernière confrontation entre Pierre Huguenin et le carbonaro Achille Lefort se solde par cette sentence :

7

« Nous conserverons entre ouvriers notre compagnonnage, malgré ses abus et ses excès, parce que son principe est plus beau que celui de votre Charbonnerie. Il tend à rétablir l’égalité parmi nous, tandis que le vôtre tend à maintenir l’inégalité sur la terre »  [8].

8 Il reste difficile aujourd’hui de cerner le recrutement et le rayonnement de l’organisation en France. La répression policière, la surveillance politique ainsi que les confessions postérieures nous permettent d’établir une liste de 548 individus. La profession de 532 d’entre eux nous est connue. L’élément militaire est bien représenté : c’est le groupe le plus nombreux, avec 27,5% des membres identifiés. Néanmoins, contrairement à l’Espagne, le militaire d’active n’est pas le principal acteur des conspirations françaises après 1820 et la liste le confirme [9]. Les militaires d’active les plus gradés au sein de la Charbonnerie ne dépassent pas le grade de colonel. La majorité se compose de civils, d’individus indépendants sur le plan économique comme sur le plan politique. En effet, les archétypes du carbonaro de la Restauration, tels qu’ils apparaissent dans cette liste sont ceux attendus : l’avocat (59 noms de la liste dont six présidents de leur cellule, la vente), l’étudiant parisien (48 noms dont six siègent à la première vente suprême de l’organisation) ou les professions du commerce (30 noms).

9 La Charbonnerie a-t-elle sciemment limité son recrutementet exclu les classes populaires ? Les discours des ex-carbonari sous la Monarchie de Juillet sont ambigus. Ce qui frappe, c’est la coexistence, parfois dans le même texte, de la prétention à incarner la Nation et celle de représenter une nouvelle aristocratie. Jean Reynaud, polytechnicien, frère de carbonaro, lié à Pierre Leroux, affirme que le carbonarisme est le pays réel dans une France « occupée par les Bourbons, par leurs officiers, leurs ministres, leurs prêtres »  [10]. À condition, s’empresse-t-il d’ajouter, de considérer comme la France véritable la partie active et raisonneuse de la Nation. C’est en des termes semblables que se serait exprimé le carbonaro Pance, distinguant

10

« la portion active, raisonneuse, dévouée aux intérêts généraux, laquelle forme partout le principe du mouvement politique et représente en quelque sorte à elle seule toute la vie nationale ; […] de cette masse d’individus plus ou moins considérable, uniquement appliqués au soin de vivre et détachés de la vie commune »  [11].

11 Les carbonari se considèrent comme une élite, les représentants d’une masse passive, tacitement acquise aux idéaux des conjurés. Néanmoins, l’égalité doit régner entre bons-cousins carbonari. Seules les fonctions au sein de la « vente » différencient les individus ; la hiérarchie de la société extérieure ne s’applique pas à l’intérieur du mouvement. À Strasbourg, le lieutenant Charvais dénonçant à ses supérieurs les propositions qu’on lui fait d’entrer dans la Charbonnerie, rapporte que les officiers qui l’initient dans l’association lui demandent de ne plus utiliser les grades militaires et de les considérer comme des égaux dans la sphère de la conspiration [12]. On peut rapprocher ces conceptions des théories des Doctrinaires telles qu’elles s’expriment au même moment. Le besoin de refonder la société sur une nouvelle élite, une nouvelle aristocratie non héréditaire est assurément le même.

12 D’ailleurs à Paris, le personnel de certaines ventes diffère peu de celui des salons fréquentés par les libéraux. Vaulabelle nous décrit une vente parisienne

13

« qui avait pour député M. de Corcelles fils, depuis représentant, [et] comptait parmi ses membres : MM. Augustin Thierry, l’historien de l’époque Mérovingienne, de la conquête de l’Angleterre par les Normands, et membre de l’Institut ; les deux frères Ary et Henry Scheffer, les célèbres peintres ; le colonel d’un des régiments de ligne composant la garnison de Paris ; Pierre Leroux, auteur de nombreux écrits philosophiques, depuis représentant ; Dubochet, riche industriel ; son neveu, du même nom, étudiant en droit ; Visnet, avocat, depuis préfet, etc. »  [13].

14 La vente est d’autant plus remarquable s’il s’agit de celle que l’universitaire Dubois a ralliée avec Jouffroy et Sautelet, à la demande d’Augustin Thierry [14].

15 Prétendre incarner la Nation pour n’être que l’émanation d’une classe sociale ? Est-ce là que tiendrait l’échec de la Charbonnerie ? Certes, l’argent joue un rôle fondamental en son sein. C’est un élément discriminant dans l’adhésion. L’ensemble des règlements nous donne des indications concordantes : l’admission coûte cinq francs et chaque mois, l’affilié doit s’acquitter d’une cotisation d’un franc. Des flux remontent ainsi de la base vers le sommet de l’organisation. Ces flux financiers ascendants sont estimés à deux millions de francs par an par un ex-carbonaro, ce qui semble néanmoins assez exagéré [15]. Les preuves de l’investissement du sommet de l’organisation dans les opérations en province sont plus patentes. Ainsi, 50 000 francs sont dirigés sur Toulouse afin de financer des opérations de séduction envers les troupes du cordon sanitaire ; 10 000 francs sont envoyés à Chalon-sur-Saône pour des achats d’armes [16]. La Charbonnerie peut compter sur les industriels Voyer d’Argenson et Koechlin, voire sur les contributions occasionnelles de Jacques Laffitte qui, sans être affilié, n’ignore rien des intrigues libérales. Certaines ventes disposent d’importantes ressources locales. Ainsi celle de la Côte-d’Or possède un arsenal de plus de 500 fusils stockés dans la maison du frère de l’industriel chimiste Jean-Baptiste Mollerat. La charbonnerie de Bourgogne bénéficie du soutien financier de l’entrepreneur ainsi que de celui des maîtres de forge de la région [17]. Une soixantaine d’individus, 12% de la liste, semblent posséder un patrimoine suffisamment important pour être éligibles à la chambre des députés. C’est autant que les artisans et les cultivateurs, dont le poids est néanmoins sous-estimé, car leur surveillance est rarement individualisée et ils ne prennent que rarement la plume pour rapporter leur expérience politique passée.

16 L’argent n’est pourtant pas un facteur d’exclusion décisif. Tous les statuts prévoient des systèmes de dispense de cotisation. L’obligation de posséder une arme est plus impérieuse, mais de nombreux vétérans des guerres napoléoniennes peuvent en avoir conservé. Le véritable critère de distinction semble davantage d’ordre intellectuel. Les ventes abritent des discussions politiques sur l’opportunité de déclencher un mouvement, sur la future organisation du pays, et les bourgeois estiment les catégories inférieures incapables d’y participer. La Charbonnerie fédérée réfléchit d’ailleurs à un système d’organisation parallèle réservée aux classes populaires, signe incontestable de sa non-participation mais aussi d’un certain paternalisme [18]. La liste des affiliés que j’ai obtenue confirme cette hypothèse. La proportion des professions reposant sur le capital culturel est considérable : 310 individus, soit 56,5% de la liste [19].

17 Par ailleurs, l’hostilité envers le peuple n’est guère répandue parmi les élites carbonari. Le cas de Lyon, la ville par excellence de la lutte des classes, est édifiant. Les effectifs avoués sont seulement de 800 carbonari armés. Certes, il faut ajouter la masse des soutiens qui ne souhaitent pas prendre part au combat. La catégorie de « membre honoraire » semble faite pour eux. Malgré tout, le chiffre paraît faible, comparé aux probables 300 carbonari de Dijon ou de Grenoble [20]. Les cadres de la charbonnerie lyonnaise ne jugent pas utile d’affilier les ouvriers. Certains travaillent déjà sous leur direction ou dépendent de leurs commandes et ils estiment leur soutien évident. Il est vrai que les employeurs possèdent dans le livret un bon moyen de pression sur les ouvriers. Surtout, la fabrique lyonnaise est prospère en ces années 1820, et les tensions peu nombreuses entre ouvriers et donneurs d’ordres. Pierre Leroux avait défini la Charbonnerie avec justesse comme la « conjuration du libéralisme adolescent »  [21] ; on pourrait ajouter qu’il s’agit d’un libéralisme d’avant la chute : la révélation des antagonismes sociaux éclate véritablement à Lyon avec la révolte des canuts de novembre 1831. La répression judiciaire met alors face à face des ouvriers membres d’associations illégales et des magistrats orléanistes, parfois d’anciens carbonari. Mais en 1822, le libéralisme poursuit surtout de son mépris les classes non-productives, le clergé et la noblesse. Ainsi le député Beauséjour, un des membres actifs de la Charbonnerie, dénonce-t-il à la tribune les « mangeurs » :

18

« Ce un-soixantième de privilégiés […] habitué à se considérer comme d’une autre espèce que le reste de la nation, comme fait pour vivre sans travail sur le produit des autres ; […] perpétuant en cela les anciennes idées et les traditions du système féodal où cela existait en effet »  [22].

19 Les ouvriers appartiennent quant à eux à la catégorie des « producteurs », la partie utile de la Nation. Ainsi, Auguste Brunet, libéral opposé à l’Empire comme aux Bourbons, proche de la Charbonnerie, s’il n’est membre lui-même, dresse un tableau rassurant de ces ouvriers aux « bras laborieux [qui] leur donnent de la sécurité pour aujourd’hui et demain »  [23].

20 Si à Paris et à Lyon, la séparation entre la Charbonnerie et les catégories populaires est réelle, elle apparaît moins nettement dans d’autres foyers importants du mouvement. En Alsace, Koechlin et Voyer d’Argenson sont très populaires chez les ouvriers. Le préfet du Haut-Rhin constate que les villes et les quartiers ouvriers de Mulhouse, de Massevaux sont des foyers de libéralisme [24]. En Isère, où l’on compte le plus de carbonari de tout le Sud-Est de la France, les expériences politiques récentes transcendent les frontières sociales. Le rejet des Bourbons est un sentiment constitutif de l’identité grenobloise depuis les Cent Jours et la seconde invasion. Les carbonari prennent le relais de diverses ligues, nées sans nul doute de la fédération de 1815 et de la société l’Union de Joseph Rey fondée en 1816. Le phénomène se nourrit peut-être de précédents plus anciens. Yves-Marie Bercé avait noté l’existence de ligues d’auto-défense au moment des guerres de religion [25]. L’expérience des Cent Jours est également déterminante en Côte-d’Or et en Bretagne. Robert Alexander a démontré pour ces deux cas la filiation entre les fédérés de 1815 et les carbonari [26].

21 Dans l’Ouest, la Charbonnerie prend le relais d’une autre société secrète, les Chevaliers de la Liberté, et le mouvement semble plus populaire encore que partout ailleurs en France. Auguis affirme que la batellerie de la Loire, en grave difficulté avec la fin du blocus continental fournit de gros contingents aux Chevaliers de la Liberté [27]. Le procès Berton voit figurer parmi les accusés nombre d’artisans, les mêmes professions que l’on trouvait déjà en nombre dans les rangs des volontaires bleus en lutte contre les Vendéens pendant la Révolution. Alors que dans le Sud-Est, la notion de réseau s’applique très bien pour caractériser ces réunions d’avocats ou d’anciens militaires, elle ne rend pas vraiment compte de l’implantation de la Charbonnerie dans ces bourgs qui ont déjà combattu les Vendéens en 1793. En Maine et Loire, on a plutôt l’impression d’une mobilisation de micro-sociétés villageoises, ce qui semble désorienter certains chefs parisiens. L’insurrection de Thouars est exemplaire. Le général Berton refuse ainsi les individus qui se présentent pour prendre les armes mais qui ne sont pas habillés convenablement. Même les femmes participent aux préparatifs, ce qui est un indice fort de la mobilisation des communautés. Le colonel Gauchais rapporte :

22

« Nous avions permis aux femmes d’assister à nos délibérations, préférant leur coopération à celle de certains hommes, vraies girouettes, que l’intérêt ou la crainte font tourner à tous les vents. Je dirai donc, en souriant, que si nous étions beaucoup de conspirateurs, il n’y avait pas moins de conspiratrices »  [28].

23 Elles sont mises dans le secret, appartiennent donc pleinement au groupe conspiratif et participent à la confection des signes mobilisateurs, des drapeaux notamment.

24 Finalement l’association a su intégrer des populations diverses avec des concentrations locales tout à fait considérables. L’organisation était élitiste, mais dans une certaine mesure, comme toute société secrète et dans la vie politique censitaire de la Restauration, elle représentait assurément une force politique considérable. L’estimation souvent contestée de Vaulabelle, montant à 50 000 carbonari, n’est donc peut-être pas tant exagérée, si l’on inclut dans ce chiffre, les militaires et les membres « honoraires », en retrait, décrits dans les statuts. Dans ces conditions, on comprend mal comment l’organisation a pu disparaître aussi vite, dès 1823 à Paris, sans qu’aucune personnalité d’envergure ne songe à en perpétuer l’existence. Poser cette question, c’est s’interroger sur la direction politique du mouvement.

MACHINE POLITIQUE OU RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE ?

25 Dans une société secrète, les dissensions internes sont un facteur de désorganisation extrêmement grave. La Charbonnerie, de peur de s’aliéner de précieux auxiliaires, s’est refusée à trancher entre Napoléon II, le duc d’Orléans, le prince d’Orange ou la République. Les crises internes ont pour objet la forme donnée à l’association. Mais le débat sur les règlements recouvre en fait la question institutionnelle du nouveau régime à donner à la France. En effet, toute organisation politique subversive qui se mesure à l’État porte en elle, sinon un projet organisationnel explicite, du moins des pratiques, héritées de la lutte, qui se prolongent dans de futurs gouvernements provisoires. Par ailleurs, sous la Restauration, le principe associatif est au centre d’un débat fondamental sur le lien social, devenu problématique après la fin des privilèges et des corporations. L’association est considérée, aussi bien par certains libéraux que certains ultraroyalistes comme un des moyens de stabiliser ou de refonder la société après le traumatisme révolutionnaire [29].

26 Les querelles intestines de la Charbonnerie, comme la question des règles en vigueur en son sein, sont encore obscures. A.B. Spitzer connaissait deux versions des statuts : celle qui fut retrouvée par les autorités dans la tentative insurrectionnelle du général Berton à Thouars le 24 février 1822, et un texte non daté, nommé « code de la X »  [30]. De son côté, P.-A. Lambert, qui a le premier étudié le dossier AB XIX 3566 acquis par les Archives nationales en 1967, nous livre un troisième texte intitulé De la Carboneria. Jusque-là, la datation de ces trois exemples posait problème. Spitzer estimait que le code de la X correspondait à une version préparatoire des statuts, jamais appliquée. Or la lecture des documents contenus dans ce dossier, pour la plupart des révélations d’un mouchard, sans doute le colonel Niepce, suppléant du député de la vente de Chalon-sur-Saône, permet de suggérer un autre déroulement chronologique. Plutôt qu’un brouillon, le code de la X est l’aboutissement d’une évolution de la Charbonnerie, après les échecs de Belfort et de Marseille. La saisie en 1834 dans la maison d’un avocat de Vienne, ex-carbonaro, d’un carnet contenant une version des règlements quasi-identique au code de la X lève l’incertitude et confirme l’évolution de la société et la diffusion des nouveaux statuts, au moins dans le Sud-Est de la France [31].

27 La Charbonnerie française est l’œuvre d’un groupe politique clairement identifié : la loge des Amis de la Vérité. Cette loge anticonformiste bénéficie de la protection du Grand Orient, mais abrite en réalité les débats des jeunes républicains de Paris. La Charbonnerie serait née de l’équipée de deux membres de la loge Joubert et Dugied, partis à Naples participer à la Révolution, initiés à la Charbonnerie italienne et revenus avec les statuts de l’organisation italienne à Paris. Cette aventure, dont l’importance semble pour le moins surestimée, n’est connue qu’après 1830 [32]. La comparaison entre les règlements italiens et français plaide pour une influence limitée. Les véritables concepteurs de la Charbonnerie française sont Bazard, Buchez et Flottard, qui « adaptent » les statuts italiens à la situation française.

28 D’après Duvergier de Hauranne, un débat éclate très vite sur le mode de constitution de l’association. Soit l’organisation se construit par la base : des ventes se créent de manière indépendante, élisent des représentants qui forment les échelons supérieurs ; soit l’organisation part du sommet, qui se coopte lui-même, et envoie des représentants susciter la création de nouvelles ventes aux échelons inférieurs. Cette deuxième solution, la plus facile à mettre en place, est rapidement adoptée. De là, la victoire des partisans de la centralisation qui imposent leur manière de concevoir la lutte dans les premiers statuts [33].

29 Nous disposons de deux textes qui correspondent à cette première Charbonnerie : le premier, De la Carboneria, ne prévoit que deux échelons et semble la toute première version des statuts. Il se compose d’un règlement et d’une procédure d’entrée dans l’association proche du texte retrouvé sur un des propagateurs de l’association à Toulon, le capitaine Vallé, lors de son arrestation, le 7 janvier 1822, au début de la période active de la Charbonnerie. Ce règlement présente de nombreux traits communs avec la deuxième version des statuts, retrouvée dans l’enquête sur la tentative d’insurrection menée par le général Berton, à Thouars, le 24 février. Ce deuxième texte organise la Charbonnerie en trois niveaux : au sommet, une haute vente qui se recrute elle-même et dont les membres sont protégés par le secret absolu ; elle entretient des relations avec les ventes intermédiaires ou ventes centrales par le moyen de députés, qui seuls connaissent la haute vente. Enfin, ces ventes intermédiaires donnent naissance à des ventes particulières qui ne connaissent rien de la haute vente, et seulement un député des ventes intermédiaires. Ces règlements donnent des pouvoirs considérables à la haute vente et limitent étroitement l’action des échelons inférieurs. Celle-ci contrôle le recrutement des ventes centrales. Il ne peut y avoir d’affiliation sans son accord. Les ventes centrales contrôlent quant à elles le recrutement des ventes particulières. Théoriquement, personne ne peut approcher le niveau suprême sans que le centre n’en soit informé.

30 La surveillance et plus précisément l’auto-surveillance, est une des préoccupations majeures du sommet de l’organisation. Dans les statuts trouvés dans l’Ouest de la France, un comité de surveillance est prévu à cet effet. Dans De la Carboneria, cet office est rempli par un Comité de salut public ! Les membres de ces comités sont élus au sein de la haute vente dans le secret absolu, et tous, à l’exception du président de la haute vente, ignorent leur identité. Secret de la conspiration et transparence révolutionnaire cohabitent donc dans la Charbonnerie. Voir sans être vu : l’association a mis en place un système panoptique complexe, au point même qu’il paraît peu applicable. Il n’a guère laissé de traces. Il est probable que le Comité de salut public n’ait pas été présenté sous ce qualificatif dans l’Ouest ; néanmoins, à Strasbourg, le lieutenant Charvais révèle à l’autorité qu’on lui a indiqué un Comité de salut public comme organe de la Charbonnerie [34]. Dans la pratique, ce comité a-t-il eu une activité réelle ? S’il a certainement existé, il ne semble pas avoir joué un grand rôle.

31 Au total, ces premiers statuts indiquent que l’organisation se conçoit sur le modèle de la machine politique centralisée et panoptique. La machine politique est un objet de peur et de fascination dans la France de la Restauration. Le terme de « machine » et le verbe « machiner » suggèrent déjà la ruse, la machination. Claude Reichler a démontré que le sens figuré était le « noyau sémantique du mot »  [35] : au cours du XVIIe siècle, le terme s’enrichit d’un sens nouveau, désignant un objet mécanique, qui accroît par l’ingéniosité, la force des faibles. En ce début du XIXe siècle, la machine politique désigne ces rassemblements d’hommes, minoritaires mais déterminés, qui exécutent de manière mécanique la volonté d’un centre unique de décision, sur l’ensemble d’un territoire. Les exemples les plus fréquemment cités ou plutôt dénoncés sont, dans les discours ultras, le précédent des sociétés populaires de la Révolution, et dans ceux des libéraux, les jésuites, présentés comme « la machine de Loyola »  [36]. Même lorsqu’ils dénoncent leurs méfaits, les libéraux reconnaissent l’efficacité de leurs moyens, et Arnold Scheffer trouve tout à la fois dans l’histoire de la compagnie de Jésus « la puissance de l’esprit d’association dans toute sa force, des travaux grands et utiles, du dévouement, de singuliers égarements, des intrigues avilissantes et des crimes »  [37].

32 Le souvenir de la Révolution et la mémoire du jacobinisme imprègnent ces premiers statuts au moins autant que la référence italienne. La Charbonnerie n’a rien de démocratique et la lecture des statuts fait songer à la justification de la Terreur par Robespierre : il s’agit de fonder la République et les circonstances justifient une organisation peu en adéquation avec les principes libéraux pour lesquels on se bat. Cette première Charbonnerie repose sur un étrange tandem Bazard-Lafayette. Bazard est président de la haute vente. Son talent d’organisateur est reconnu de tous. Il ne fait guère de doute que ses préférences vont vers la centralisation et le panoptisme. Dans ces conditions, on se demande comment a pu s’opérer le rapprochement avec des figures du parti libéral dont peu considèrent l’action du Comité de salut public comme un moment glorieux de la Révolution. Sans doute, Lafayette, Dupont de l’Eure, Voyer d’Argenson ont donné des gages de républicanisme. Bazard lui-même appréciait le vieux général. Peut-être Ott, dans sa notice biographique sur Buchez, est-il proche de la vérité en expliquant ce rapprochement comme une alliance de raison [38]. La position de Lafayette est décrite par Rémusat qui trace le portrait d’un politique lucide « sur la présence de l’élément jacobin et de l’élément bonapartiste parmi les siens », mais pragmatique, voire cynique : « il voyait là des auxiliaires qu’on ne pouvait repousser », s’exclamant « Qu’importe de quels bras Dieu daigne se servir ? »  [39].

33 L’échec de la conspiration de Belfort en janvier 1822, la première tentée, la plus ambitieuse, la mieux organisée également, a une double conséquence : Bazard est accusé de ne s’être pas assez investi dans l’action ; recherché, il se réfugie dans la clandestinité et son autorité est contestée. La Fayette, qui s’est aussi engagé personnellement dans l’aventure, entre en conflit avec la fraction la plus prudente menée par le député Manuel. Vers juin 1822, les partisans du général décident de refonder la Charbonnerie sur un programme républicain, en adoptant un fonctionnement moins centralisé. La nouvelle organisation prend le nom de Charbonnerie fédérée.

34 Si les premiers statuts de Bazard rappelaient assez bien les conceptions de ce que l’on a pu qualifier de « fédéralisme jacobin »  [40] – les sociétés de province ne sont que les relais du centre où siège l’intérêt général – la Charbonnerie fédérée, quant à elle, tire son inspiration d’une certaine lecture de l’expérience américaine et des réflexions des opposants à l’Empire, comme Benjamin Constant [41]. À partir de 1818, la contestation du centralisme bonapartiste n’est plus le monopole des ultraroyalistes, et quelques auteurs libéraux, Duvergier de Hauranne notamment, publient des projets de réforme [42].

35 La Charbonnerie fédérée entend mettre un terme à l’hyper-centralisation du système. Les débats qui ont lieu pour la maîtrise de la société représentent une page occultée du débat sur le fédéralisme en France. Les acteurs comme les témoins de cette réorganisation sont peu diserts sur le sujet. Seul François de Corcelle, carbonaro et fils du député de Lyon, y fait allusion, signalant que « la plupart des fondateurs avaient adopté les principes d’une république fédérative ; et afin de les répandre dans le pays, ils s’étaient attachés à les pratiquer d’avance dans la forme même de l’association »  [43]. C’est Arnold Scheffer, homme de lettres, secrétaire de La Fayette, qui est chargé de promouvoir la réforme de l’organisation. Il est l’auteur, en 1824, d’une brochure dénonçant les jésuites, et nul doute qu’il souhaite se démarquer des parallèles fâcheux entre la Charbonnerie et l’ordre religieux tant honni. On peut certainement ajouter aux fervents partisans de la réforme les noms des élèves ou des adeptes de Victor Cousin, comme Sautelet ou Marcelin Desloges. Ces deux derniers sont viscéralement opposés à la philosophie de Rousseau, en laquelle ils voient la justification du despotisme de la volonté générale et de la dictature jacobine puis impériale [44].

36 Il ne s’agit plus de mobiliser des hommes en vue d’une action violente à court terme, mais plutôt de réformer le pays dans le cadre d’une nouvelle organisation politique. La conspiration tend à s’effacer au profit d’une politique d’influence et de propagande. Un discours, sans doute prononcé lors de cette refondation, contient une autocritique de la première Charbonnerie, qui ne voulait « reconnaître d’autres moyens d’action que ceux tirés de la force ouverte. Ce fut à coup sûr une faute d’avoir ainsi restreint et diminué les voies qui pouvaient parvenir au but »  [45].

37 Le terme « fédéré » ne doit pas induire en erreur. Le projet en germe dans les statuts de la société ne contient aucune défense des particularismes régionaux, et encore moins on ne sait quelle nostalgie des provinces d’Ancien Régime. Les nouveaux statuts épousent les formes administratives de la Révolution et en créent d’autres, tout aussi abstraites : la France est découpée en trois divisions, neuf sections, 27 fédérations, chacune comprenant trois ou quatre départements. La cellule de base de l’association est la réunion des libéraux de la commune dans la vente communale. La première vente communale s’institue alors vente cantonale provisoire et encourage la fondation d’autres ventes communales. Lorsque suffisamment de cantons sont organisés, une vente départementale est choisie parmi les ventes cantonales. Il en est de même ensuite au niveau fédéral, sectionnaire puis divisionnaire. L’initiative part du bas vers le haut. L’instance souveraine est le congrès national, qui regroupe des députés envoyés par les 27 ventes fédérales. Le congrès est souverain et élit l’exécutif. Tous peuvent participer à l’échelon communal mais, finalement, le système fonctionne comme une démocratie très indirecte, car on ne compte pas moins de six degrés successifs de délégation.

38 La nouvelle organisation est acceptée avec enthousiasme à Lyon au congrès des 10 et 11 juin 1822. La ville devient le siège d’une des trois ventes divisionnaires [46]. Elle est ensuite propagée à l’Ouest avec succès, répondant à l’attente de la Charbonnerie bretonne, désireuse de garder une certaine autonomie. Elle est débattue à Paris où elle rencontre en revanche une forte opposition, aggravée encore par la lutte personnelle que se livrent La Fayette et Manuel. Au congrès de Paris (fin 1822-début 1823), les députés provinciaux constatent que la capitale est représentée par deux ventes concurrentes. L’entente est impossible. Les fondateurs sont absents ou dépassés. Comme le fait remarquer Ulysse Trélat, très proche d’eux : « Il était évident que ce n’étaient plus les jeunes gens qui dirigeaient la Charbonnerie comme au temps de sa création ; ils étaient débordés par d’autres »  [47]. Alan Spitzer voit dans cette phrase la confirmation que la génération des jeunes fondateurs a été dépossédée par les manœuvres des politiques chevronnés, du député Manuel en particulier [48]. Mais d’autres explications sont possibles. À mon sens, ce n’est pas une génération qui est dépossédée du pouvoir – d’ailleurs le conflit politique la divise : Dubois, Cabet ou Armand Carrel choisissent Manuel contre Lafayette – c’est plutôt Paris qui s’incline devant la province. En définitive, les fondateurs sont victimes du succès rencontré. L’extension de l’organisation, la difficile conciliation du secret et des principes démocratiques rendent la société peu contrôlable par de jeunes hommes dépourvus de légitimité.

39 Pour la plupart des historiens de la Charbonnerie, le congrès de Paris marque la fin de la Charbonnerie française. Pourtant, il n’y eut pas d’acte de dissolution prononcé et il ne manquait pas en province d’hommes dévoués prêts à continuer, même en se passant de Paris [49]. Fait révélateur : à Vienne, les réunions se poursuivent jusqu’en 1826 [50]. La Charbonnerie a été abandonnée à son sort par les leaders du parti libéral, car ils ne voulaient plus cautionner son action, mais ils ne la désapprouvèrent jamais complètement.

DEUX IMAGINAIRES INCONCILIABLES ?

40 Les ambitions divergentes des dirigeants parisiens expliquent la crise mais non la disparition de la Charbonnerie. Les échecs de l’année 1822 sont cruels, mais ils ne se traduisent que par l’exécution de 11 carbonari et environ 200 arrestations. C’est plutôt une crise d’identité, en lien avec les facteurs précédemment évoqués, qui provoque la fin de la Charbonnerie française. Sans doute l’incohérence programmatique y est-elle pour beaucoup, et c’est la raison principale qu’avancent les acteurs eux-mêmes pour expliquer la disparition de l’association. Néanmoins, cette incohérence n’avait rien d’insurmontable ; les différents partis au sein de la Charbonnerie partagent une même hostilité à l’Ancien Régime et sont d’accord sur les principes fondamentaux qu’ils souhaitent voir appliquer. Le vice interne de l’organisation semble plus subtil : il tient dans la coexistence au sein de la Charbonnerie de deux imaginaires politiques, en apparence peu compatibles.

41 L’un est clairement rattaché aux Lumières. Il repose sur un idéal de transparence et de rationalisme. Il est visible dans la forme même des statuts de l’association, qui se composent d’une énumération structurée d’articles et de règles. Ces textes se caractérisent par un goût prononcé pour l’abstraction et la force de la raison. Le droit naturel y est hautement proclamé, les privilèges, la tradition et le règne de la force, dénoncés. Dans la Charbonnerie fédérée, il est clairement stipulé que « les Peuples n’ont pas besoin de charte qui constate leurs droits, puisque leurs droits sont dans leur propre existence, puisqu’ils sont libres et égaux de par Dieu et la nature sans patente et sans convention »  [51]. Ces statuts sont l’œuvre de juristes ou d’étudiants en droit, et cela est perceptible. Les professions juridiques et les étudiants en droit représentent 22 % de la liste des affiliés ; le pourcentage passe à 30 % si l’on retire l’élément militaire. Dans toutes les versions, les questions de justice interne sont longuement développées, dans un chapitre qui s’intitule significativement Des délits et des peines. Il est prévu systématiquement une structure d’appel, pourtant peu praticable dans des situations où la trahison menace la survie de l’association.

42 L’autre imaginaire est celui de la secte, de la petite élite d’hommes, purifiés par l’initiation, en lutte contre un monde corrompu. La Charbonnerie s’inspire malgré tout de sa cousine italienne, reprenant certains symboles, certaines formulesde reconnaissance comme « Foi, Espérance Charité »  [52]. Toutefois, l’initiation est beaucoup moins cérémonielle que dans la société italienne. La figure du Christ, très présente dans le rite italien, disparaît de la version française. Le rédacteur du carnet de Plantier constate d’ailleurs que ces différences posent problème, car « le défaut d’adoption de ces formes a été cause que presque tous les C? italiens et espagnols rejetés sur notre sol n’ont pu se faire reconnaître, puisque nous n’avons pas adopté en entier les signes de la Véritable C?, dont au surplus toutes les formes ont été empruntées à la maçonnerie »  [53]. L’initiation dans la Charbonnerie française est plus expéditive, mais les rites n’en sont point absents, et Dubois les évoque brièvement dans un précieux témoignage :

43

« Le catéchisme ne fut pas long ; cependant on me traça sur la poitrine l’échelle symbolique de la résolution d’être fidèle jusqu’à l’échafaud, et d’y monter au besoin, les mots de passe, le ternaire déjà cité, foi, espérance, charité, les signes et les coups mystérieux au poignet dans les rencontres, et les serrements de main ; on me fit grâce du poignard ; je prêtai le serment sur mon honneur seulement, et aux mains de ceux qui me recevaient »  [54].

44 Catéchisme, exaltation du martyr, serment qui implique la personne de l’initié, on retrouve quelques éléments forts de l’imaginaire de la société secrète politique ou religieuse. La politique implique l’individu dans une passion toute religieuse et, osons le mot, « romantique ». Néanmoins, la fracture n’est peut-être pas si perceptible pour les affiliés : le serment appartient autant à l’imaginaire de la société secrète qu’à celui, néo-classique, de la Révolution française. Du serment du jeu de Paume, à celui des fédérés de 1815, en passant par ceux des sociétés populaires – le slogan « la liberté ou la mort » est le rappel implicite d’un serment – l’action révolutionnaire passe par une coalition des énergies qui fusionnent dans le serment commun [55]. L’opposition entre les deux imaginaires n’est donc pas irréductible. Comme le suggère le carnet de Plantier, les rites de la Charbonnerie seraient proches de ceux de la Maçonnerie, et dans les ventes, la synthèse des deux imaginaires s’est déjà réalisée. La Franc-maçonnerie fonctionne en réseau ; elle pratique l’initiation et le secret. Elle permet la libre discussion des idées philosophiques et échappe à la censure de l’Église. Enfin, la conception de l’égalité entre frères maçons est assez proche de celle qui règne au sein de la Charbonnerie, avec son mélange d’égalité affichée et de sélection sociale [56].

45 Le parallèle trouve ses limites lorsqu’il s’agit de concevoir une action armée, ce qui n’entre ni dans les projets ni dans la culture de la Franc-maçonnerie. Le recours à la violence ne se conçoit pas sans justification, la violence politique plus encore que toute autre. Or sur ce plan, la Charbonnerie se caractérise par ses contradictions, et il cohabite en son sein trois conceptions du recours aux armes. Les statuts semblent faire du carbonaro un milicien voire un soldat citoyen. La possession d’un fusil et de 25 cartouches est indispensable. L’exercice militaire est impératif. Cette préoccupation rapproche plus la Charbonnerie de la garde nationale que du groupe de conspirateurs. Cet imaginaire est compatible avec celui des bonapartistes, qui envisagent le recours à la violence avec aigles et drapeaux en tête. Les plans de conspiration impliquent donc la constitution de bataillons de la Charbonnerie, en uniforme si possible, et avec un officier de l’Empire à leur tête. Mais la Charbonnerie utilise également l’arme symbolique de la conspiration, le poignard. Il sert notamment lors des initiations. Tourné vers l’initié, il lui rappelle ce qui l’attend en cas de parjure et de trahison ; tourné vers l’extérieur, il incarne la force protectrice et la détermination du groupe. Cependant, il suggère aussi le recours au meurtre politique, et cela ne va pas sans poser problème aux carbonari français. Le meurtre politique est l’apanage du fanatique. Les condamnations de l’acte de Louvel répondent à des impératifs de prudence élémentaire et ne permettent guère de juger des sentiments des libéraux [57]. L’assassinat de Kotzebue par Sand, l’exemple même du geste d’un fanatique formé dans les sociétés secrètes allemandes, fait l’objet d’une condamnation un peu plus ambiguë : le meurtre est condamné, mais Sand et Metternich sont souvent renvoyés dos-à-dos [58].

46 Les contradictions des carbonari éclatent au grand jour dans les procès qui suivent les conspirations. Contrairement aux républicains de la Monarchie de Juillet, les avocats et les accusés ne revendiquent pas leurs actes, ne s’offrent pas en victimes expiatoires et ne remettent pas en cause leurs juges. Ils cherchent au contraire d’éventuelles failles juridiques dans les procédures, des preuves de provocation policière, en dernier ressort, prétendent agir pour la défense de la charte. Ce sont des stratégies rationnelles, des stratégies appliquées non sans succès par des avocats qui appartiennent souvent eux-mêmes à la Charbonnerie.

47 Le procès le plus difficile est celui, exemplaire, des conspirateurs du 45e régiment d’infanterie, dit des quatre sergents de La Rochelle, qui se déroule à Paris. Pour mener l’accusation, le pouvoir peut compter sur Bellart, le procureur général et son substitut Louis Antoine François de Marchangy. Le réquisitoire fleuve de ce dernier porte un coup décisif à l’association. Marchangy, substitut près la Cour royale est également l’auteur, en 1814, de La Gaule poétique ou l’histoire de France considérée dans ses rapports avec la poésie, l’éloquence et les beaux arts. Homme de lettres, romantique assurément, il est pourtant le promoteur d’une littérature qu’il veut véritablement nationale. Dans son réquisitoire, il s’empare d’un élément a priori secondaire, la saisie de poignards dans les affaires personnelles des militaires, et le place au cœur de ses développements. Il flétrit l’arme du conspirateur italien, voit dans « cette importation des poignards en France » une « apostasie de l’honneur national »  [59]. Avec des accents empruntés au roman noir, il décrit l’effet maléfique de l’arme sur les consciences, troublant le sommeil et le cœur de celui qui la possède. Enfin, il met les libéraux face à leurs contradictions, confondant « les discours des factieux démentis par leurs actions, car tandis qu’ils ne cessent d’exalter la gloire militaire, ils voudraient la flétrir en imposant à nos guerriers l’arme des traîtres et des lâches »  [60]. La Charbonnerie s’appuyait sur le patriotisme, dénonçant ceux qui avaient combattu contre les armées françaises, ceux qui étaient rentrés dans les fourgons de l’étranger [61]. Elle tenait les jésuites en aversion, stigmatisant l’obéissance passive et le recours à l’assassinat et au régicide. Marchangy met les libéraux face à des contradictions difficilement justifiables.

48 Les avocats libéraux, conscients des enjeux symboliques que porte l’accusation de Marchangy, s’empressent de réagir et de redonner au poignard des significations moins terrifiantes. Me Chaix d’Ange sort en pleine audience son poignard de maçon, affirmant que son usage est tout à fait pacifique dans les loges [62]. Par la suite, cette intervention, diversement appréciée, est ruinée par l’envoi de lettres de menaces illustrées par des poignards aux jurés, initiative malheureuse de certains carbonari. Le pouvoir des Bourbons souffrait jusque-là d’un certain déficit symbolique. Marchangy a rédigé un des rares textes suffisamment forts pour s’opposer à la séduction de la conspiration. L’impression du réquisitoire est immédiate. Les autorités locales comprennent tout de suite son intérêt et soulignent son influence positive [63]. De là, la réticence des libéraux à s’exprimer à ce sujet, et l’insistance de certains historiens à nier la part de cet imaginaire sectaire et conspiratif dans l’association. Sur la remise des poignards, Duvergier de Hauranne affirme, au-delà de toute vraisemblance :

49

« Aucun serment n’était exigé, et c’est dans une vente de l’ouest seulement qu’un membre de la haute vente, dont la tête n’était pas très saine, jugea à propos de frapper les imaginations par la fantasmagorie des poignards »  [64].

50 Vaulabelle fait également de la remise des poignards aux carbonari du 45e de ligne la lubie du seul Laresche, le fameux horloger place du Palais royal [65]. Dubois affirme qu’à titre personnel, les signes, rites des sociétés secrètes le faisaient rire et qu’il ne les accepta que parce qu’Augustin Thierry les lui présentait comme des techniques utiles de clandestinité.

51 La fascination pour l’imaginaire des sociétés secrètes serait-elle le fait d’une infime minorité ? Certains témoignages, parmi des exécutants de la Charbonnerie de toutes origines sociales, nous laissent penser le contraire. L’amour de la Révolution française n’est pas incompatible avec la mystique des sociétés secrètes. Les thèses de Barruel et de ses imitateurs ne sont pas sans rencontrer quelque succès parmi les libéraux. La Charbonnerie est fondée par de jeunes hommes – les trois principaux acteurs, Bazard, Buchez et Flottard, ont respectivement 33, 26 et 25 ans – qui n’ont pas connu la Révolution mais sont obsédés par elle. La période ne fait pas encore l’objet de véritables études historiques. La Révolution est le sujet de quelques ouvrages, mais les études de ses causes relèvent le plus souvent soit d’une vision providentialiste, Dieu châtie ou éprouve les hommes, soit d’une vision conspirationniste pour laquelle un petit groupe d’hommes fait l’histoire. Cette dernière version est encore la plus rationnelle des deux et l’on comprend mieux alors la séduction des thèses du complot sur des hommes des Lumières.

52 Le nom même de la loge des Amis de la Vérité indique une filiation, peu soulignée jusqu’à présent, avec un épisode fameux de la Révolution. Ce nom est sans doute un hommage à la Confédération des Amis de la Vérité, loge et club philosophique fondé en 1790, dont Buchez souligne toute l’importance dans son Histoire parlementaire de la Révolution française[66]. La figure dominante de la Confédération des Amis de la Vérité était Nicolas de Bonneville, un personnage complexe, franc-maçon, qui passait pour un membre des illuminés de Bavière. Il avait l’ambition de politiser la Maçonnerie à des fins révolutionnaires [67]. Le mythe de la société secrète allemande est très fort sous la Restauration, plus encore que le mythe du conspirateur italien. Pour certains jeunes libéraux, il va de pair avec l’intérêt pour les nouvelles esthétiques venues d’outre-Rhin. Brissot-Thivars, le libraire, neveu de Brissot, est l’éditeur des œuvres de Schiller en France. Loève-Veimars, autre carbonaro, est fasciné par Hoffmann et le traduit après 1822. L’armée n’est pas insensible à la conspiration. Le colonel Gauchais, quant à lui, est fier de rattacher la Charbonnerie à la société militaire des philadelphes dans une discutable généalogie des sociétés républicaines clandestines [68]. Cette invention traduit cette fascination pour les sociétés secrètes dont la force se mesure à leur longévité et leur activité dans l’histoire.

53 Dubois donne sans doute une des clés de compréhension de la Charbonnerie lorsqu’il la qualifie de « religion souterraine importée d’Italie »  [69]. La remarque a de multiples sens : la Charbonnerie a entretenu le souvenir de la Révolution française, comme des croyants une religion proscrite. Mais pour certains, elle était encore plus et devait réformer la religion catholique. La mésaventure d’un des responsables de la Charbonnerie à Niort, le modeste imprimeur Etienne Depierris, est révélatrice de certaines conceptions et discussions ésotériques qui devaient avoir cours dans l’organisation. Demandant un passeport à l’autorité, Depierris est entraîné dans une dispute avec les fonctionnaires, qui notèrent tant bien que mal ses propos puis se demandèrent si ces paroles n’étaient pas passibles de poursuites :

54

« Le sieur Despierris attaqua la religion de l’État de la manière la plus outrageante, et poussa le blasphème jusqu’à oser dire que l’évangile était le libéralisme, qu’on l’avait défiguré ; que Jésus Christ était libéral, et que l’apôtre Saint Jean lui avait prédit que pour cette raison il mourrait. Le même esprit en délire impie poussa également le susdit Despierris à dire que le carbonarisme était l’ouvrage d’un saint, qui était moine ; que cette œuvre remontait à une époque très reculée ; qu’il ne se rappelait pas en ce moment le nom du saint mais qu’il prouverait ce qu’il avançait, s’il lui était permis de l’imprimer dans son journal »  [70].

55 Que penser d’un tel discours ésotérique, si ce n’est qu’il contient une dimension éminemment politique ; les autorités qui poursuivirent Depierris ne s’y trompaient pas. La Révolution a entraîné une crise de société profonde qui touche au premier chef la place et le rôle de la religion dans le monde. La conviction, profonde chez les libéraux, que l’Église catholique ne répond pas à sa mission dans un monde révolutionné par les Lumières, entraîne au moins une réflexion, si ce n’est une véritable angoisse. Dans certaines loges, les propos de ce petit imprimeur niortais, franc-maçon, sur la dénaturation d’un christianisme primitif et sa restauration par un ordre laïc, sont assez communs. La Charbonnerie a sans doute été pour certains de ses membres une tentative de refonder la société et de recréer une religion chrétienne, simplifiée et authentique.

56 Cette crise religieuse et politique ouvre la voie à des projets de réforme sociale par le discours religieux. La Charbonnerie participe déjà de ce mouvement. Les trajectoires de certains fondateurs, une fois la violence abandonnée, sont éclairantes. Bazard, Buchez, Dugied estiment que la cause première de leur échec tient dans l’insuffisante maturation des esprits. Ils abandonnent la conspiration pour se tourner vers le saint-simonisme et lui donnent la forme de nouvelle religion. Buchez évolue par la suite vers le christianisme social. L’avocat Barthe adhère un temps à une autre société mystique et politique mal connue, regroupant en particulier des jeunes issus de l’aristocratie impériale, les Templiers. François de Corcelles évolue vers le catholicisme traditionnel, revirement inexplicable, si on ne prend pas en compte ce besoin d’Église qui transparaît dans la Charbonnerie [71].

57 Finalement, la réconciliation des deux imaginaires de la Charbonnerie se fait autour de la célébration des victimes, une fois la question de la responsabilité des chefs évacuée. L’horreur du verdict l’emporte à terme sur la prose brillante de Marchangy. Le procureur rejoint Fouquier-Tinville dans la légende noire de la justice politique. Les martyrs de la liberté, les quatre sergents en particulier, donnent naissance à un culte, avec ses cérémonies, les processions sur leur tombe au cimetière Montparnasse mais aussi les représentations d’une pièce de théâtre en leur hommage, la fabrication de médailles, de gravures, etc.

58 Louis Marin estimait que le « coup d’État » du Prince, au sens moderne du terme, relevait d’une catégorie esthétique, du baroque en politique [72]. La conspiration tiendrait-elle du romantisme en politique ? Plus modestement, peut-on affirmer qu’il y a un moment romantique de la conspiration et que la Charbonnerie est sans doute au cœur de sa genèse. Les quatre sergents de La Rochelle sont l’objet de la dévotion des étudiants qui se reconnaissent dans ces jeunes martyrs. De leur sang et de la mémoire de la Révolution française naît véritablement un romantisme subversif, révolutionnaire, dont Blanqui, présent en place de grève le 22 septembre, est une des figures emblématiques. La Charbonnerie devient alors le prétexte de représentations héroïques de conspirateurs, illustrations d’un imaginaire spécifique de la conspiration, mélange de sacrifice et d’utopie qui se charge parfois d’ésotérisme comme dans les scènes fantasmagoriques du roman-feuilleton de Clémence Robert, Les quatre sergents de La Rochelle[73].

59 Cette postérité est la plus évidente, mais ce n’est pas la seule. Les images du creuset et du tombeau semblent s’appliquer parfaitement à la Charbonnerie. Creuset, car elle nous apparaît comme un laboratoire politique, préfigurant le parti moderne dans le cas de la Charbonnerie fédérée, et les mouvements révolutionnaires du XXe siècle avec leur part de panoptisme et de discipline pour la première Charbonnerie. Tombeau de l’histoire, car elle a été le lieu d’un débat important sur le centralisme et l’échec de Lafayette a durablement invalidé le projet d’une organisation politique décentralisée du territoire.

60 Subversive, la Charbonnerie le demeure bien après sa disparition. Elle démontre, malgré ses échecs, la puissance d’une organisation nationale comme contre-pouvoir politique. Seuls les républicains revendiquent leur participation de l’organisation : dans l’ouvrage Paris révolutionnaire, la Charbonnerie devient la preuve de la survie de l’idée républicaine de 1815 à 1830 [74]. Ainsi instrumentalisée par les républicains, la mémoire des événements déstabilise la Monarchie de Juillet, donnant prise à l’accusation d’apostasie pour les carbonari qui choisissent de se rallier à Louis-Philippe. Enfin, elle mine jusqu’à la légitimité du souverain qui passe pour avoir manipulé à son profit la lutte contre la branche aînée.


Mots-clés éditeurs : violence politique, imaginaire politique, Restauration, libéralisme, France, Charbonnerie française

Date de mise en ligne : 18/05/2010

https://doi.org/10.3917/rhmc.571.0069

Notes

  • [1]
    Achille de VAULABELLE, Histoire des deux Restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, Paris, Perrotin, 1860, (1844-1854), t. VI, p. 122.
  • [2]
    Alan B. SPITZER, Old Hatred and Young Hopes, the French Carbonari Against the Bourbon Restauration, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1971. Récemment, les échecs des carbonari ont fait également l’objet de la relecture de Jacqueline LALOUETTE : « 1822, l’année noire des carbonari français », in Gimapietro BERTI, Franco DELLA PERUTA, La nascita della Nazione : La Carbonaneria. Intrecci veneti, nazionali e internazionali, Minelliana, Rovigo, 2004, p. 113-140.
  • [3]
    Musée de l’Histoire de France, Paris (désormais MHF) AE V 103. Je remercie Mme James-Sarrazin et Mme Marguin-Hamon de m’avoir permis de consulter le carnet dans les meilleures conditions.
  • [4]
    Pierre-Arnaud LAMBERT a incontestablement renouvelé l’étude des formes d’organisation des sociétés secrètes dans sa thèse de sciences politiques : La Charbonnerie française (1821-1823). Du secret en politique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1995. Le rituel politique est au cœur de nombreux travaux récents. Concernant l’opposition libérale, et le rituel des funérailles : Emmanuel FUREIX, « Un rituel d’opposition sous la Restauration : les funérailles libérales à Paris (1820-1830) », Genèses, 46, mars 2002, p. 77-100. La « culture des armes » est au cœur de la thèse de Louis HINCKER sur l’identité socio-politique des insurgés de la Seconde République : Citoyens-combattants à Paris, 1848-1851, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, particulièrement p. 97-135.
  • [5]
    Voir Nicolas ROUSSELLIER, « La culture libérale » in Serge BERSTEIN (éd.), Les cultures politiques en France, Paris, Seuil, 1999, p. 69-111. Cette conception de la culture politique rend difficilement compte de la diversité et de la complexité des identités et des comportements politiques de la première moitié du XIXe siècle.
  • [6]
    Louis BLANC, Histoire de dix ans (1841), Paris, Librairie Germer Baillière et Cie, 1877, t. 1, p. 115-116.
  • [7]
    George SAND, Le Compagnon du Tour de France (1841), Paris, Le livre de poche, 2004, p. 247. Cf. préface de Jean-Louis CABANÈS.
  • [8]
    Ibidem, p. 417.
  • [9]
    Pour une comparaison avec l’Espagne : Irène CASTELLS OLIVAN, « Le libéralisme insurrectionnel espagnol (1814-1830) », Annales historiques de la Révolution française, 2004-2, n° 336, p. 221-233.
  • [10]
    Jean REYNAUD, « Carbonarisme », in L’Encyclopédie nouvelle : Dictionnaire philosophique, scientifique, littéraire et industriel, offrant le tableau des connaissances humaines au XIXe siècle, Paris, Ch. Gosselin, 1841 (1836), t. III, p. 246.
  • [11]
    Propos rapportés par Pierre René AUGUIS, Histoire de la Révolution depuis 1814 à 1830, Paris, Poirée, 1838, t. 7, p. 423.
  • [12]
    Archives nationales, Paris (désormais AN) BB 30 243, rapport de l’officier Charvais.
  • [13]
    A. de VAULABELLE, Histoire des deux Restaurations op. cit., p. 122.
  • [14]
    Paul François DUBOIS, « Augustin Thierry », Revue bleue, 1908, p. 742.
  • [15]
    « Causes secrètes de la Révolution de 1830. Révélations officielles sur le fameux comité-directeur et les carbonari de Paris », L’Ami des peuples, septembre 1830. La revue est indisponible à la Bibliothèque nationale, mais l’article est reproduit dans L’Ami de la Religion et du Roi, 23 septembre 1830.
  • [16]
    AN, AB XIX 3566, Notes.
  • [17]
    AN, F6686, correspondance du Préfet de Saône et Loire, 19 août 1823.
  • [18]
    MHF, AEV 103.
  • [19]
    Les professions retenues sont les professions du droit, les professeurs, les hommes de lettres, les médecins, les artistes peintres, les libraires-imprimeurs, les typographes, les étudiants et les officiers.
  • [20]
    D’après Alexandre Crépu, probable rédacteur de l’article du 8 mai 1841 du Patriote des Alpes, les carbonari étaient au nombre de 300 en mai 1821, mais bien davantage par la suite. Au congrès de la Charbonnerie de Lyon de juin 1822, le représentant isérois affirme que nulle part on ne trouve plus de Bons Cousins que dans l’Isère (AN, AB XIX 3566). À Dijon, l’un des chefs fait des révélations à l’autorité et dénombre 12 ventes dans cette ville AN F6686. Correspondance du Préfet de la Côte d’Or, 6 mars 1822.
  • [21]
    Pierre LEROUX, La grève de Samarez, Paris, Dentu, 1863, t.1, p. 309.
  • [22]
    Moniteur Universel, 26 juin 1822.
  • [23]
    Auguste BRUNET, De l’aristocratie et de la démocratie, de l’importance du travail et de la richesse mobilière, Paris, Corréard, 1819, p. 20.
  • [24]
    AN, F6726, lettre du procureur au Procureur général, 2 mars 1822.
  • [25]
    Yves-Marie BERCE, Fête et révolte, Paris, Hachette, 1976, p. 75.
  • [26]
    Robert S. ALEXANDER, Bonapartism and Revolutionnary Tradition in France. The Fédérés of 1815, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
  • [27]
    P.R. AUGUIS, Histoire de la Révolution, op. cit., t. 7, p. 426. Sur les Chevaliers de la Liberté : Joseph Henri DENECHEAU, « Les Chevaliers de la Liberté dans le Saumurois (1820-1822) », Société des Lettres, Sciences et Arts du Saumurois, n° 143, mars 1994, p. 75-90. L’auteur nuance le caractère populaire de l’association, tout en reconnaissant n’avoir travaillé que sur un échantillon limité d’individus.
  • [28]
    Colonel GAUCHAIS, Histoire de la conspiration de Saumur. Mort du général Berton et de ses co-accusés, condamnés par la cour d’assises de Poitiers, le 28 septembre 1822, et exécutés le 6 et le 7 octobre suivant. Précis historique de ce jugement et de ses résultats si on eût réussi dans ce vaste projet, Paris, chez l’auteur, p. 43.
  • [29]
    L’ouvrage le plus connu parmi les libéraux (trois éditions) est celui d’Alexandre DE LABORDE, De l’esprit d’association dans tous les intérêts de la communauté, Paris, Gide fils, 1818.
  • [30]
    Le premier est reproduit en annexe du Procès des conspirateurs de Thouars et de Saumur, cour d’assises de la Vienne, Poitiers, Barbier, 1822 ; le second, le « code de la X » se trouve aux AN dans le dossier F6684.
  • [31]
    MHF, AE V 103.
  • [32]
    Notamment par le récit d’Ulysse TRELAT, « La Charbonnerie », in Paris révolutionnaire, Paris, Guillamin, 1834, t. 2, p. 275-341. Francis POMPONI a établi que les statuts de la Charbonnerie italienne étaient connus en Corse et ont pu parvenir à Limpérani, membre de la loge des Amis de la Vérité : « La voie corse du passage à la Charbonnerie française sous la Restauration (1818-1823) », in Bernard GAINOT, Pierre SERNA (éd.), Secret et République 1795-1840, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2004, p. 91-127.
  • [33]
    Prosper DUVERGIER DE HAURANNE, Histoire du gouvernement parlementaire en France, Paris, Michel Lévy frères, 1864, t. VI, p. 393-394.
  • [34]
    AN, BB 30 243 idem.
  • [35]
    Claude REICHLER, « Machines et machinations, la ruse des signes », Revue des Sciences Humaines, t. LVIII, n° 186-187, avril-octobre 1982, p. 31-41 (ici p. 34).
  • [36]
    Voir Michel MEROY, Le Mythe jésuite de Béranger à Michelet, Paris, PUF, 1992, p. 229 sq. et Geoffey CUBBIT, The Jesuit Myth. Conspiracy Theory and Politics in Nineteenth-Century France, Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 58 sq.
  • [37]
    Arnold SCHEFFER, Précis de l’histoire générale de la compagnie de Jésus, suivi des Monita Secreta, Paris, Hesse et cie, 1824, p. II.
  • [38]
    Auguste OTT, Notice sur la vie et les travaux de Buchez, Paris, Amyot, 1866, p. 17.
  • [39]
    Charles de REMUSAT, Mémoires de ma vie, Paris, Plon, 1958, t.1, p. 57.
  • [40]
    Existe-t-il un fédéralisme jacobin ? Études sur la Révolution. Actes du 111e congrès national des Sociétés Savantes, Poitiers, 1986, Paris, Éditions du CTHS, 1987.
  • [41]
    On retrouve l’influence des Principes politiques applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la Constitution actuelle de la France rédigés par Benjamin CONSTANT pour appuyer l’éphémère mise en place d’un Empire libéral pendant les Cent jours. Voir plus particulièrement le chapitre XII « Du pouvoir municipal, des autorités locales, et d’un nouveau genre de fédéralisme », Paris, Alexis Eymery, 1815, p. 193-204.
  • [42]
    Voir Rudolph VON THADDEN, La centralisation contestée : l’administration napoléonienne, enjeu politique de la Restauration (1814-1830), Arles, Actes Sud, 1989, p. 154-159.
  • [43]
    François DE CORCELLE, Documents pour servir à l’histoire des conspirations, des partis et des sectes, Paris, Paulin, 1831, p. 19.
  • [44]
    Sur M. Desloges : Jean-Jacques GOBLOT, « Un mystérieux rédacteur du Globe : Marcelin Desloges », Revue d’histoire littéraire de la France, 1985-2, p. 234-247.
  • [45]
    MHF, AE V103.
  • [46]
    AN, AB XIX 35 66, compte rendu du congrès par Niepce.
  • [47]
    U. TRELAT, « La Charbonnerie », chap. cit., p. 331.
  • [48]
    Alan SPITZER, The French Generation of 1820, Princeton, Princeton University Press, 1987, p. 69.
  • [49]
    Le carnet de Plantier donne un tableau de l’organisation nationale de la Charbonnerie dans lequel Paris est absent.
  • [50]
    Voir les dépositions des amis de Plantier dans le dossier : AN, CC 536.
  • [51]
    MHF, AE V 103.
  • [52]
    Constitution et organisation des Carbonari, ou Documens exacts sur tout ce qui concerne l’existence, l’origine et le but de cette société secrète, par M. Saint-Edme (1821), Paris, Brissot-Thivars, 1822, p. 90. Pour une étude en français de l’organisation des Carbonari italiens, voir le chapitre correspondant dans l’ouvrage de P.-A. LAMBERT, op, cit., p. 49-63.
  • [53]
    MHF, AE V 103.
  • [54]
    P.F. DUBOIS, « Augustin Thierry », art. cit., p. 742.
  • [55]
    Sur le dévoiement du serment au cours du XIXe siècle voir la thèse de Jean-Yves PIBOUBES, « Le serment politique en France (1789-1870) », sous la direction d’Alain Corbin, Université Paris 1, 2003.
  • [56]
    Voir les travaux de Pierre-Yves BEAUREPAIRE sur la Maçonnerie des Lumières, notamment : « La République universelle des francs-maçons entre “culture de la mobilité” et basculement national (XVIIIe-XIXe siècle) », Revue de synthèse, 123-1, janvier-mars 2002, p. 37-64.
  • [57]
    Voir la thèse de Gilles MALANDIN : « L’affaire Louvel, ou l’introuvable complot, événement, enquête judiciaire et expression politique dans la France de la Restauration », doctorat d’histoire sous la direction de Philippe Boutry, Université Paris 12, 2005.
  • [58]
    Arnold SCHEFFER, Résumé de l’histoire de l’empire germanique, Paris, Lecointe et Durey, 1824, p. 285.
  • [59]
    Plaidoyer de M. de Marchangy, Avocat-général à la Cour royale de Paris, prononcé le 29 août 1822, devant la cour d’assises de la Seine, dans la conspiration de La Rochelle, Paris, Boucher, 1822, p. 54.
  • [60]
    Ibidem.
  • [61]
    La seconde Restauration est au cœur de la genèse du républicanisme patriotique analysé par Philippe DARRIULAT pour la période postérieure : Les patriotes : la gauche républicaine et la nation, 1830-1870, Paris, Seuil, 2001.
  • [62]
    L’Ami de la Religion et du Roi, 4 septembre 1822.
  • [63]
    AN F6686, rapport du sous-préfet du Var, 18 novembre 1822.
  • [64]
    P. DUVERGIER DE HAURANNE, Histoire du gouvernement parlementaire, op. cit., p. 394.
  • [65]
    A. de VAULABELLE, Histoire des deux Restaurations, op. cit., p. 49.
  • [66]
    Philippe BUCHEZ, Histoire parlementaire de la Révolution française, Paris, Paulin, 1834, t. 7, p. 447 sq.
  • [67]
    Philippe LE HARIVEL, Nicolas de Bonneville, pré-romantique et révolutionnaire 1760-1828, Strasbourg, Istra, 1923.
  • [68]
    Colonel GAUCHAIS, Histoire de la conspiration, op. cit., p. 6.
  • [69]
    P.F. DUBOIS, « Augustin Thierry », art. cit., p. 742.
  • [70]
    AN F6657, correspondance du préfet des Deux-Sèvres. 22 février 1823.
  • [71]
    Pour une analyse du phénomène : Christophe CHARLE, Les intellectuels en Europe au XIXe siècle. Essai d’histoire comparé, Paris, Seuil, 1996.
  • [72]
    Louis MARIN, « Pour une théorie baroque de l’action politique », préface de Gabriel NAUDE, Considérations politiques sur les coups d’État, Paris, Les éditions de Paris, 1988, p. 19-25.
  • [73]
    Clémence ROBERT, Les Quatre Sergents de La Rochelle (1848), Paris, F. Roy, 1876.
  • [74]
    Paris révolutionnaire, recueil de notices, Paris, Guillaumin, 1833-1836, 4 vol. Significativement, toutes les notices portant sur la Restauration sont reproduites dans le volume réédité en 1848.

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