Couverture de RHMC_555

Article de revue

La recherche scientifique au crible du benchmarking.

Petite histoire d'une technologie de gouvernement

Pages 28 à 45

Notes

  • [1]
    Cet article reprend une communication, dont on a conservé le style oral, présentée à l’occasion de la table ronde annuelle organisée le 31 mai 2008 par la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine. Qu’elle soit ici vivement remerciée pour cette invitation à réfléchir à la « fièvre de l’évaluation », à ses origines et à ses conséquences dans l’université.
  • [2]
    Citons entre autres Jacques GAUTRON (éd.), Le guide du benchmarking, Paris, Les éditions d’organisation, 2003.
  • [3]
    Par exemple, la revue trimestrielle Benchmarking :an International Journal, publiée depuis 1994 par Emerald (Bingley, Royaume Uni).
  • [4]
    En France, on peut illustrer cette vivacité associative par le Benchmarking Club de Paris qui réunit une soixantaine de grandes entreprises et alimente une base de données sur les « meilleures pratiques » observées dans différents secteurs d’activité.À une autre échelle et dans un autre registre, l’association des Joyeux Parangonneurs à Angers propose de mettre le benchmarking au service des organismes soucieux d’améliorer la sécurité en leur sein et la motivation de leur personnel (site Internet <http :// www. parangonneurs. org>).
  • [5]
    Pascale-Marie DESCHAMPS,« La panoplie du bon manager », Enjeux. Les Echos, n° 191, mai 2003, p.86-88.
  • [6]
    « Déchiffrer “l’Europe compétitive”. Étude du benchmarking comme technique de coordination intergouvernementale dans le cadre de la stratégie de Lisbonne », thèse réalisée sous la direction de Christian Lequesne, Institut d’Études Politiques de Paris,2006. Consultable en ligne sur le site du Réseau Européen d’Analyse des Sociétés Politiques (REASOPO <http :// www. fasopo. org/ reasopo. htm#jr>).
  • [7]
    Alain DESROSIÈRES,La politique des grands nombres :histoire de la raison statistique,(1993) Paris, La découverte, 2000, p.205-206.
  • [8]
    Robert CAMP, Benchmarking : The Search for Industry Best Practices that Lead to Superior Performance, Quality Press,1989 (traduit en français sous le titre Le benchmarking :pour atteindre l’excellence et dépasser vos concurrents, Paris, Les éditions d’organisation, 1992).
  • [9]
    Masaaki IMAI, Kaizen :The Key to Japan’s Competitive Success, New York, Random House, 1986. L’année de parution de cet ouvrage aux États-Unis est aussi celle de la création par son auteur d’un « Institut Kaizen », dont il a déposé la marque avant de l’étendre sous forme de réseaux aux trois continents de la Triade.
  • [10]
    Frederick TAYLOR, La direction scientifique des entreprises, Paris, Dunod, 1965.
  • [11]
    Taiichi OHNO, L’esprit Toyota, Paris, Masson,1989.
  • [12]
    Benjamin CORIAT, Penser à l’envers. Travail et organisation dans l’entreprise japonaise, Paris, Christian Bourgois, 1991, p.124.
  • [13]
    Jean BRILMAN,Les meilleures pratiques de management, Paris, Les éditions d’organisation,2003, p.288.
  • [14]
    Franck COCHOY, Une histoire du marketing :discipliner l’économie de marché, Paris, La découverte, 1999, p.211.
  • [15]
    Adam BRANDENBURGER, Barry NALEBUFF, Co-opetition :A revolutionary mindset that combines competition and co-operation, New York, Currency Doubleday, 1998.
  • [16]
    François-Xavier MERRIEN, « La nouvelle gestion publique : un concept mythique », Lien social et politiques-RIAC, n° 41,1999, p.95-103 (p.95).
  • [17]
    D’après le titre d’un ouvrage célèbre aux États-Unis, auquel l’administration Clinton-Gore se référa pour réformer la gestion publique :Ted GAEBLER, David OSBORNE,Reinventing Goverment, Addison-Wesley, Reading,1992.
  • [18]
    Sur le « rôle décisif joué par le développement du commerce, à la fin du Moyen Âge, dans la transformation des manières de penser » et des pratiques politiques, voir Michel SENELLART, Les arts de gouverner :du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, Seuil, 1995. Sur la maxime «administration is business» et les autres emprunts du NPM au « management scientifique » et à l’« idéologie du marché », voir Ezra SULEIMAN, Dismantling Democratic States, Princeton, Princeton University Press,2003.
  • [19]
    Yves DEZALAY, Bryant GARTH,« Le “ Washington consensus” :contribution à une sociologie de l’hégémonie du néolibéralisme », Actes de la recherche en sciences sociales,121-122, mars 1998, p.3-23.
  • [20]
    Philippe BEZES,« Le modèle de “l’État-stratège” :genèse d’une forme organisationnelle dans l’administration française », Sociologie du travail,47,2005, p.431-450.
  • [21]
    Jean-Michel SAUSSOIS, « Partir d’une “commande” : analyser l’action diffusionniste de l’OCDE dans ses pratiques de benchmarking et de propagation sur les nouvelles pratiques en matière de management public », Contribution au VIIe Congrès de l’AFSP, Lille, septembre 2002.
  • [22]
    OCDE, « La gestion des performances dans l’administration : mesure des performances et gestion axée sur les résultats », Études hors série sur la gestion publique, n° 3, Paris, OCDE,1994.
  • [23]
    OECD,« Benchmarking, evaluation and strategic management in the public sector », Papers presented at the 1996 Meeting of the Performance Management Network of the OECD’s Public Management Service, OCDE/GD (97) 50, Paris.
  • [24]
    Préparé par le groupe de travail « Compétitivité » de l’ERT, ce séminaire a réuni le 21 mars 1996 à Bruxelles plus de 80 représentants des États membres, des institutions communautaires et du secteur industriel; cf. ERT, « Benchmarking for policy-makers :the way to competitiveness, growth and job creation »,Report based on the findings of a seminar organized by the European Commission and the ERT (21 March 1996), October 1996.
  • [25]
    EUROPEAN COMMISSION,Benchmarking the Competitiveness of European Industry, COM (96) 463 final,9 October 1996.
  • [26]
    EUROPEAN COMMISSION, Benchmarking : Implementation of an Instrument Available to Economic Actors and Public Authorities, Com (97) 153/2,16 April 1997.
  • [27]
    HIGH LEVEL GROUP ON BENCHMARKING (European Commission/DG III), « First report by the high level group on benchmarking », Benchmarking Papers, n° 2,1999.
  • [28]
    Cité dans Keith RICHARDSON, « Big business and the european agenda », Working Paper in Contemporary European Studies,35, University of Sussex, Sussex European Institute, September 2000, p.26.
  • [29]
    CONSEIL EUROPÉEN,« Conclusions de la Présidence »,Sommet européen de Lisbonne,23 et 24 mars 2000, Nr :100/1/00, §5.
  • [30]
    Werner SOMBART,Le bourgeois. Contribution à l’histoire morale et intellectuelle de l’homme économique moderne (1928), Paris, Payot,1966, p.145.
  • [31]
    MichelFOUCAULT,Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard,1975, rééd.« Tel », p.264.
  • [32]
    Michel FOUCAULT, Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Gallimard/Seuil, 2004, p.265.
  • [33]
    Pour une présentation plus complète, voir l’ouvrage que j’ai consacré à ce sujet : À vos marques®, prêts… cherchez ! La stratégie européenne de Lisbonne, vers un marché de la recherche, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant,2008.
  • [34]
    COMMISSION EUROPÉENNE,« Vers un marché des connaissances »,RDT Info, n°34, juillet2002, p.16.
  • [35]
    COMMISSION EUROPÉENNE, « Le temps des chercheurs-entrepreneurs », RDT Info, n° 35, octobre 2002, p.6.
  • [36]
    « La concurrence doit rester le premier principe de la recherche : c’est par la concurrence qu’on devient compétitif. » in COMMISSION EUROPÉENNE,«6e PCRD :La coordination de la recherche ne se fera pas sans courage politique », CORDIS Focus, n° 209,18 novembre 2002, p.1.
  • [37]
    Citons le rapport Relever le défi commandé par la Commission à un groupe dit « de haut niveau », présidé par Wim Kok et chargé d’examiner à mi-parcours la stratégie de Lisbonne. Rendu public en novembre 2004, il affichait des résultats décevants en termes de compétitivité et prônait un recentrage sur la croissance et l’emploi, assimilant les finalités sociales et environnementales à la quête d’« avantages concurrentiels »; cf. COMMISSION EUROPÉENNE, « Relever le défi : La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi », Rapport du groupe de haut niveau présidé par M.Wim Kok, novembre 2004.
  • [38]
    Le ratio DIRD/PIB est l’indicateur communément utilisé pour mesurer l’intensité de recherche et de développement. La DIRD d’un pays agrège l’ensemble des investissements (administrations publiques et entreprises) réalisés sur le territoire national. Les données d’Eurostat sont accessibles en ligne sur son site <http ://epp.eurostat.ec.europa.eu>.
English version

1Sans doute avez-vous déjà entendu parler de benchmarking[1] ? En tout cas, si vous n’avez jamais entendu le mot, vous avez forcément été confrontés à la chose, du moins de façon détournée. Le benchmarking se donne à voir régulièrement dans la presse à travers les palmarès qui font les gros titres :palmarès des hôpitaux, des lycées, des régions, des universités – avec le fameux classement de Shanghaï – ou encore celui des ministres, publié en janvier dernier dans Le Point, qui classait Valérie Pécresse au troisième rang. Sous des titres percutants,« champions » et « derniers de la classe » sont ainsi affichés à la une des journaux et à chaque coin de rue sur les kiosques. Nul n’y échappe. Qu’il s’agisse d’organisations publiques ou privées, d’individus ou de territoires, tous sont passés au crible de grilles d’indicateurs chiffrés qui sont censés évaluer leurs performances, non pas dans l’absolu ni dans le temps, mais toujours relativement aux « autres » – les pairs faisant à cet égard davantage figure de concurrents que d’homologues ou d’égaux. Le classement hiérarchique est ainsi l’acte par lequel on mesure leur grandeur compétitive, c’est-à-dire leur capacité à afficher le meilleur score – du moins à faire mieux que les autres – dans une compétition qui ne préexiste pas au palmarès puisqu’elle est paramétrée par les critères du classement lui-même. L’information qui procède de cette mise en comparaison est destinée à un public d’investisseurs et de consommateurs, en quête de « sites attractifs » et de « services de qualité »:elle est censée les aider à maximiser leur utilité en identifiant la meilleure offre de soin, d’éducation ou de politiques ministérielles, ce qui dans ce dernier cas confine à l’absurde. Mais le non-sens de ces palmarès, qui comparent des choses incomparables et s’adressent à des homo œconomicus, n’est pas soulevé :leur raison d’être s’impose avec la force de l’évidence, seuls les critères retenus sont parfois controversés.

2Cette médiatisation du benchmarkingpar le jeu des palmarès n’est que la partie émergée de l’iceberg. Si l’on plonge dans ses eaux glacées, on découvre qu’il est avant tout un outil d’auto-évaluation et d’aide à la décision conçu par la science managériale dans un souci de rationalisation organisationnelle. En tant que tel, le benchmarking est en vogue dans le monde des entreprises depuis les années 1990 :on lui a consacré des manuels [2], des revues spécialisées [3], des instituts, des clubs, des associations [4], etc. D’après un sondage mené par le cabinet de conseil en stratégie Bain & Company, auprès de 6323 entreprises dans 40 pays, le benchmarkingétait classé au deuxième rang du « palmarès des outils les plus utilisés en 2002 et 2003 » (juste après la planification stratégique). Avec le downsizing, l’outsourcing ou le reengineering, il compose la « panoplie du bon manager » [5] : autant d’anglicismes qui laissent sceptique, et dont la mode promet d’être sans lendemain. Au premier abord, le benchmarking évoque donc un gadget managérial dont l’appellation tend à se banaliser depuis une décennie, mais dont la signification et le mode opératoire n’en demeurent pas moins énigmatiques.

3Qu’est-ce donc que le benchmarking? Les Français le traduisent le plus souvent par « étalonnage des performances » ou « évaluation comparative »; les Québécois préfèrent parler de « parangonnage ». Quelle que soit l’appellation retenue, il s’agit de repérer un étalon ou un parangon, c’est-à-dire un modèle avec lequel se comparer, dans le but de combler l’écart de performance qui vous en sépare. La prolifération actuelle de ses usages, aussi bien dans la sphère privée que dans l’administration publique, tend à l’inscrire dans le sens commun comme une nécessité incontournable, comme la réponse au besoin présumé universel et impératif de compétitivité. La communauté universitaire n’est pas en reste, qui voit actuellement cette technique saugrenue se répandre pour coordonner et évaluer les activités de recherche comme d’enseignement. C’est cette double évidence – de la compétitivité comme exigence universelle et du benchmarking comme moyen politiquement neutre de la satisfaire – que j’aimerais interroger ici en présentant les résultats d’une enquête menée entre 2001 et 2006, dans le cadre d’une thèse en science politique [6]. Avant d’exposer en quoi le benchmarking est la pièce maîtresse du dispositif de Lisbonne, qui préside à l’établissement d’un « espace européen de la connaissance », un détour généalogique est éclairant pour comprendre la rationalité à l’œuvre dans cette nouvelle façon de gouverner les politiques scientifiques.

GÉNÉALOGIE D’UNE TECHNIQUE PRÉTENDUE NEUTRE ET UNIVERSELLE

4Opter pour une approche généalogique, c’est être attentif à l’historicité, à la contingence et à la singularité des pratiques, contre une démarche positiviste ou utilitariste. En l’occurrence, il s’agit de pister le cheminement du benchmarking depuis l’industrie japonaise jusqu’à la stratégie européenne de Lisbonne, en passant par Rank Xerox et l’OCDE, afin de restituer la logique constitutive de son exercice par delà la diversité des usages qu’il recouvre. Le propos n’est donc pas de partir en quête de ses origines historiques les plus profondes ou d’une relation de causalité entre les théories managériales et l’invention de cette technique, mais bien de prendre ses distances d’une part avec la nécessité et la neutralité qui lui sont attachées, et d’autre part avec l’évidence de sa finalité, c’est-à-dire le fait admis de tendre toute organisation humaine vers un but de compétitivité. Il est à cet égard instructif d’examiner comment la discipline du management a attribué à ce savoir-faire un statut de scientificité, et par là, une prétention à l’universalité. Je vais donc essayer de repérer les présupposés, les pensées implicites, le travail de contextualisation, en un mot la rationalité qui lui confère la force de l’évidence en l’enfermant dans une boîte noire indiscutable.

5Entendons-nous bien : en esquissant la généalogie du benchmarking, je ne cherche pas à répondre à la question de sa « nouveauté ». Il va sans dire que son principe comparatif relève du bon sens, que la fixation d’objectifs chiffrés n’a rien d’inédit et que la mise en compétition des autorités publiques au moyen d’indicateurs statistiques n’est pas sans précédent.

6Prenons un exemple. Dans son livre sur l’histoire de la raison statistique, Alain Desrosières étudie le cas du General Register Office (GRO) – le bureau britannique chargé de gérer la loi sur les pauvres de 1834 – qui a développé une technique d’émulation préfigurant le benchmarking, bien avant l’heure du toyotisme et du New Public Management (NPM). Dans le cadre du mouvement de santé publique qui se déploie au XIXe siècle au Royaume-Uni, le GRO a joué « un rôle essentiel dans les débats sur le diagnostic et le traitement du problème qui obsède la société anglaise durant tout le siècle, celui de la détresse liée à l’industrialisation et à l’urbanisation anarchiques ». Comment ? En « publiant et en comparant les taux de mortalité infantile dans les grandes villes industrielles ». À cet effet, il a unifié les données statistiques relatives à la morbidité et à la misère sociale, et ce faisant, il a créé « un espace de comparabilité et de concurrence entre les villes ». Le GRO a même attisé cette « compétition nationale sur les taux de mortalité »:dans les années 1850, il a calculé le taux moyen des districts les plus sains pour l’assigner comme objectif à tous les autres. À la moyenne nationale traditionnellement prise comme référence, le GRO a ainsi substitué « un optimum plus ambitieux » comme cible à atteindre [7]. Ce faisant, on pourrait considérer qu’il a construit un benchmark. Pourquoi alors ne pas pousser l’analogie et parler de benchmarking dans ce cas-là ?

7La réponse ne tient pas tant à un problème d’anachronisme, qu’à une question d’agencement. Si l’on réduit le benchmarking à des opérations statistiques de centralisation, d’harmonisation et de comparaison de données, alors on peut dire que le GRO en est l’un des précurseurs, mais il y en aurait bien d’autres, encore plus précoces. En revanche, si l’on veut faire surgir la singularité du benchmarking tel qu’il a été conçu par le management d’entreprise, et tel qu’il est pratiqué aujourd’hui – notamment dans le cadre de la stratégie européenne de Lisbonne (2000-2010) –, alors il faut le considérer comme un dispositif de coordination qui combine un savoir-faire de commensuration, c’est-à-dire de mise en équivalence et donc de différenciation possible, avec une ingénierie managériale qui actualise la concurrence comme un principe d’association et la compétitivité comme finalité de toute organisation. L’exercice du benchmarking apparaît ainsi coextensif à l’exigence de compétitivité. C’est leur co-construction qu’il faut envisager : la force des discours politiques qui diagnostiquent une carence en compétitivité internationale et prescrivent le benchmarking comme remède, tient aux preuves chiffrées qui objectivent leurs énoncés. Or la production de ces preuves participe elle-même d’un processus de benchmarking qui consiste précisément à calculer des différentiels de performance, et ce faisant, à matérialiser la grandeur compétitive dans des chiffres. Au lieu de découpler les pratiques discursives et matérielles, les outils de quantification et de décision, la science managériale et l’action politique – bref le savoir et le pouvoir – il importe d’étudier la technologie de gouvernement qu’ils composent. Autrement dit, il faut rejeter le postulat dominant selon lequel le benchmarking serait neutre, un pur moyen de coordination utile et efficace quelles que soient les fins poursuivies. Sa logique compétitive impose une même grammaire d’analyse et d’action à toutes les formes d’organisation humaine. En retracer la généalogie aide à déchiffrer les effets de codification et de prescription produits par sa pratique, c’est-à-dire la manière dont il informe ses praticiens – notamment les gouvernants – sur ce qui est à savoir et sur ce qui est à faire.

« Qui veut s’améliorer doit se mesurer, qui veut être le meilleur doit se comparer »

8Voilà résumée en une formule proverbiale toute la philosophie du benchmarking. Je l’emprunte à Robert Camp qui en a fait sa devise et qui passe dans la littérature managériale pour être l’inventeur du benchmarking. Chef de projet au sein du département logistique de Rank Xerox, R.Camp a dirigé le premier programme de benchmarking lancé aux États-Unis en 1979, et a su tirer profit de cette expérience en s’en faisant le théoricien. Il est devenu célèbre dans la communauté internationale du management en relatant son expérience dans des revues spécialisées, et de manière moins confidentielle, dans un ouvrage à succès paru en 1989 [8]. La renommée de Camp ne tient pas à son inventivité dans la mesure où son précepte – « analyser pour rendre meilleur » – est directement inspiré du mouvement Kaizen, un courant japonais qui a pour ambition affichée d’accomplir une véritable « révolution culturelle » dans la gestion des entreprises en substituant au productivisme et au mimétisme le principe d’« amélioration continue ». Littéralement,kai-zensignifie « changement bon » et désigne l’effort de « progrès permanent » exigé par le mot d’ordre de la « qualité totale ». L’instigateur du mouvement Kaizen, Masaaki Imai, voit dans cet « art de gérer avec bon sens » la clef de la compétitivité dont son pays fait preuve depuis l’après-guerre, une clef dont il a dévoilé la combinaison aux managers occidentaux dans un best-seller[9], qui précède de trois années celui de Camp.

9Les affinités sont nombreuses entre le « miracle économique » du Japon et la success story de Rank Xerox, qui est devenue un cas d’étude classique dans les manuels de management. Confrontés à la « déferlante nippone », particulièrement offensive dans leur branche d’activités, les stratèges de Xerox ont alors contre-atta-qué en appliquant la tactique adverse. La presse s’est alors fait l’écho de cette « guerre économique » en adoptant un style martial. Un article paru dans le New York Times du 7 novembre 1985 titrait ainsi triomphalement : « Xerox halts Japanese march ». C’est par l’entremise d’une filiale commune avec Fuji que Xerox a été initié au savoir-faire de leurs concurrents japonais. Lorsque Camp lance son programme d’étalonnage de l’appareil productif, il n’invente donc rien :il importe des concepts et des outils forgés ailleurs. Néanmoins, pour faire adopter le benchmarking par l’état-major de sa firme, puis par l’ensemble de ses collègues américains, Camp a dû le réinventer, l’adapter à son contexte national, le traduire en termes managériaux dans une méthodologie schématisée en 10 étapes (voir document n° 1). Et dans un milieu aussi friand de buzzwords que celui des managers, ce n’est pas le moindre de ses tours de force que d’avoir baptisé sa technique pour mieux la populariser, mais aussi pour en revendiquer légitimement la paternité. Néanmoins, l’étymologie du mot, repris au jargon des informaticiens, ne nous apprend rien sur la généalogie de la chose. Il nous faut plutôt revenir à l’expérimentation de ce dispositif managérial dans le Japon d’après-guerre,et se demander en quoi le modèle de gestion prôné par le mouvement Kaizen se distingue de la « direction scientifique des entreprises » développée par Taylor [10].

DOCUMENT 1:

“STEPS IN THE BENCHMARKING PROCESS ”

DOCUMENT 1:
DOCUMENT 1: “STEPS IN THE BENCHMARKING PROCESS ” PLANNING 1. Identify what is to be benchmarked 2. Identify comparative companies 3. Determine data collection method and collect data ANALYSIS 4. Determine current performance gap 5. Project future performance levels INTEGRATION 6. Communicate benchmark findings and gain acceptance 7. Establish functional goals 8. Develop action plans ACTION 9. Implements specific actions and monitor progress 10. Recalibrate benchmarks MATURITY • Leadership position attained • Practices fully integrated into processes Source:R.CAMP (Benchmarking,op.cit.),reproduit dans Günther SCHMID,Holger SCHUTZ,Stefan SPECKESSER, «Benchmarking Labour Market Performance and Labour Market Policies:Theoretical Foundations and Applications», Discussion Paper, FS I 98-205,Wissenschaftszentrum Berlin für Sozialforschung,juin 1998,p.6.

“STEPS IN THE BENCHMARKING PROCESS ”

R.CAMP (Benchmarking,op.cit.),reproduit dans Günther SCHMID,Holger SCHUTZ,Stefan SPECKESSER, «Benchmarking Labour Market Performance and Labour Market Policies:Theoretical Foundations and Applications», Discussion Paper, FS I 98-205,Wissenschaftszentrum Berlin für Sozialforschung,juin 1998,p.6.

10La réponse ne réside évidemment pas dans l’exotisme d’une philosophie orientale. Elle tient en fait à l’impératif de qualité qui caractérise le toyotisme, c’est-à-dire le système de production propre à l’industrie automobile japonaise, dont Toyota fut le précurseur pour se démarquer de son rival Ford et du fordisme. Plus précisément, il convient de parler de « ohnisme », d’après le nom de l’ingénieur qui a mis au point ce paradigme industriel dès les années 1950 :Taiichi Ohno, promu directeur des usines Toyota puis reconnu comme le théoricien du toyotisme avec son ouvrage L’esprit Toyota[11]. En un sens, il est vrai qu’en centralisant et en analysant les informations relatives aux performances des usines Toyota, Ohno n’a fait que prolonger l’effort tayloriste de rationalisation et de standardisation des méthodes de production. Mais en introduisant le mot d’ordre de la « qualité », d’une qualité relative évaluée par comparaison avec ce qui se fait de mieux, il a voulu se déprendre de la logique productiviste qui régit l’organisation tayloriste. Comment ? En déplaçant l’instance de contrôle. L’ordre du contremaître fait place à la commande du client, et c’est par son truchement que le principe concurrentiel pénètre l’organisation productive. Toute la chaîne de fabrication est ainsi exposée aux demandes du marché et à sa discipline compétitive. Autrement dit, l’« esprit Toyota » est censé animer chaque geste, chaque opérateur – du manœuvre au chef de service – chaque unité, chaque département en vue d’une « qualité totale ». À cet effet, le ohnisme aplanit la structure hiérarchique, en systématisant par exemple le travail en équipe au sein de « cercles qualité ». Mais il ne concerne pas simplement le niveau individuel et la microéconomie de la firme.Étant donné les liens étroits qui unissent les membres des keiretsu, et vu que ces conglomérats forment la trame du tissu économique japonais, c’est à l’ensemble du secteur industriel que l’« esprit Toyota » est insufflé, sinon à l’ensemble de la société.

Coopération + compétition = « coopétition »

11Dans un ouvrage qui prend pour titre une recommandation fondamentale de Ohno,« penser à l’envers », l’économiste Benjamin Coriat a bien montré en quoi le ohnisme a rompu non seulement avec « l’héritage venu de l’Occident », mais aussi avec la fameuse règle d’or du « copier fait gagner » mise en pratique par le reverse engineering, qui consiste à démonter les produits vendus par les concurrents pour les imiter en tous points. Toute son originalité tient à ce qu’il dépasse la contradiction théorique instaurée entre les relations de concurrence et les rapports de collaboration : cette méthode d’organisation consiste selon Coriat en un « dosage savant de coopération et de mise en compétition » [12]. Si les firmes japonaises sont parvenues à s’engager sur un « nouveau sentier de compétitivité industrielle », c’est en abandonnant le raisonnement autoréférentiel du taylorisme, pour adopter une logique différentielle qui commande de « s’ouvrir aux meilleures pratiques possibles ». Voilà la « révolution culturelle » dont le benchmarking serait le fer de lance : transformer la « culture d’entreprise » par une démarche comparative qui « implique d’être assez modeste pour admettre que quelqu’un d’autre est meilleur dans un domaine et assez sage pour essayer d’apprendre comment l’égaler et même le surpasser » [13].

12Ce type de citation illustre parfaitement l’ambition édifiante du management. Depuis le début du XXe siècle, cette discipline projette sa volonté de « faire science » sur toutes les formes d’organisation, car toutes sont supposées rechercher l’efficacité optimale de leurs activités. Elle postule un « isomorphisme fonctionnel entre gestion privée et gestion publique » qui auraient les mêmes problèmes de coordination collective à résoudre [14]. Et la vocation affichée de la science managériale est d’apporter des solutions à ces problèmes de coordination. Or, et c’est ce que j’ai essayé de pointer avec le ohnisme, le benchmarking met en pratique une méthode originale de « collaboration compétitive ». Les managers parlent à cet égard de « coopétition », un mot-valise formé par contraction de « coopération » et de « compétition » [15]. Ce néologisme est employé pour désigner l’agencement organisationnel par lequel le benchmarkingcouple les principes de coopération et de compétition. Pour comprendre cette bizarrerie, il faut avoir en tête deux présupposés qui sous-tendent le benchmarking et qui peuvent sembler contre-intuitifs à ceux qui ne partageraient pas le bon sens des managers, ou qui ne seraient pas familiers de leurs aphorismes. Le premier est l’idée selon laquelle une organisation ne devient compétitive qu’en étant exposée à la concurrence, qu’en s’engageant dans la compétition mondiale. Le second peut être exprimé sous la forme d’un syllogisme :la science économique nous enseigne que le marché concurrentiel est le dispositif de coordination le plus efficient; or les organisations ont besoin d’une coordination efficiente pour être compétitives sur le marché; il incombe donc à la science managériale d’arranger les conditions d’une compétition interne à l’organisation par la mise au point d’un système d’information confrontant les performances de ses membres. Le procédé du benchmarking concrétise ainsi un dispositif de coordination qui rend opératoire le principe concurrentiel comme principe d’organisation.

Du TQM au NPM

13Étant donné l’analogie postulée entre l’administration d’un État et la gestion d’une entreprise, le benchmarkingcomme remède managérial transcende le clivage public-privé pour devenir une panacée politique, un principe universel d’organisation sociale. Il s’inscrit en cela dans la mouvance du New Public Management (NPM). Sans entrer dans le détail de ce courant composite, qui trouve sa source « dans les laboratoires d’idées néo-libérales des années 1970 » et sa force d’entraînement dans le mythe de la modernité gestionnaire [16], l’action politique par laquelle il entend « réinventer le gouvernement » [17] ne peut être éludée. Les « nouveaux gestionnaires publics » exercent un pouvoir de conviction et de ralliement à tous les échelons des appareils étatiques. Certes, leur agenda réformiste et leur ambition déclarée de renverser la frontière prétendue inébranlable – bien qu’ayant toujours été poreuse – entre sphères publique et privée, entre terrains politiques et économiques, n’ont rien d’inédit. Ils s’inscrivent dans le prolongement d’une tradition administrative qui ne s’est jamais interdit de recourir à la « rationalité calculatrice » et aux techniques marchandes pour gérer l’espace réputé souverain de l’État [18]. Toutefois, il serait réducteur de dénier toute spécificité au changement étiqueté « NPM », et de limiter son envergure à un effet collatéral du « consensus de Washington » qui, depuis les années 1980, préside au tournant néolibéral pris par tous les pays industrialisés [19]. La mutation, plus radicale, touche à la fois aux manières de penser et d’agir qui caractérisent les pratiques gouvernementales. Les promoteurs du NPM véhiculent non seulement l’idéal d’un « État-stratège », devenu dominant dans les années 1990 [20], mais aussi l’ingénierie administrative, la boîte à outils qui permet à ses agents de le réaliser. Ils rendent opérationnelle une façon managériale de gouverner à distance et la systématisent dans un régime singulier de gouvernementalité, plus connu sous le nom de « gouvernance ».

14Avec la « bonne gouvernance » comme cheval de bataille et le benchmarking comme arme de prédilection, l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) fait figure de tête de pont de la « nouvelle gestion publique » dans tous ses pays membres [21]. Depuis 1990, la Direction de la gouvernance publique et du développement territorial s’appuie sur son réseau PUMA (PUblic MAnagement) pour en diffuser les principes d’action sous le sceau d’une expertise légitime. Par la publication de données comparatives et leur examen collégial en comité, elle familiarise les hauts fonctionnaires avec l’étalonnage des performances comme pivot d’une « gestion axée sur les résultats ». Dès 1994, une étude expose clairement la « révolution culturelle » dont ce procédé serait le ferment, en faisant passer l’administration « d’une culture d’application des règles à une culture de la performance » [22]. En 1996, la réunion des participants au sous-réseau du PUMA sur la gestion des performances (Performance Management Network) donne lieu à un rapport sur les pratiques de benchmarking dans le secteur public [23].

15La même année et dans le même esprit, la Commission européenne organise en collaboration avec la Table ronde des industriels européens (ERT) – club élitiste réunissant une quarantaine de capitaines d’industrie parmi les plus puissants d’Europe – un séminaire sur le thème « Le benchmarking pour les responsables politiques : vers la compétitivité, la croissance et la création d’emplois » [24]. Elle ne se contente pas de le promouvoir auprès des entreprises européennes, afin de conforter leur aptitude à conquérir des parts de marché au niveau mondial [25].À l’instar de l’OCDE, elle vise les gouvernants nationaux comme cible privilégiée. Dans une communication de 1997 intitulée «Benchmarking: mise en œuvre d’un instrument destiné aux acteurs économiques et aux autorités publiques », elle les encourage à utiliser cette technique managériale pour administrer efficacement leur population et leur territoire [26]. À cet effet, un « groupe de haut niveau sur le benchmarking» est créé par la DG III (Industrie) avec l’intention d’en accréditer le bien-fondé. Dans le rapport qu’il remet à la Commission en 1999, il préconise un étalonnage systématique des « conditions cadres » de l’activité économique afin que les États membres s’efforcent de les rendre plus attractives aux yeux des investisseurs et des travailleurs qualifiés [27]. Si bien que Jacques Santer, alors président de la Commission, a pu s’exclamer :« We are all benchmarkers now !» [28].

LA STRATÉGIE DE LISBONNE (2000-2010), OU COMMENT PLIER LES GOUVERNANTS À LA DISCI - PLINE DE LA COMPÉTITIVITÉ

16Le Conseil européen, réuni à Lisbonne en mars 2000, allait donner raison au président Santer.À l’occasion de ce sommet extraordinaire, les chefs d’État et de gouvernement ont en effet consacré la pratique du benchmarking comme technique de coordination intergouvernementale, et ce dans le but de donner à l’Union les moyens de réaliser « un nouvel objectif stratégique pour la décennie à venir : devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale » [29]. Dans leurs conclusions, cet objectif a pris corps dans un programme décennal en deux volets, visant d’une part à « préparer la transition vers une économie compétitive, dynamique et fondée sur la connaissance »; et d’autre part à « moderniser le modèle social européen en investissant dans les ressources humaines et en créant un État social actif » (voir document n° 2).

17La stratégie de Lisbonne se veut ainsi globale mais aussi pragmatique :globale dans la mesure où elle concerne aussi bien les politiques d’entreprise, d’emploi et de recherche, que la réforme des systèmes nationaux de retraite, de santé ou d’innovation; pragmatique car elle délaisse la méthode communautaire traditionnelle, qui consistait à produire du droit en faisant fonctionner le « triangle institutionnel » selon lequel la Commission propose, le Conseil des ministres dispose en collaboration de plus en plus étroite (procédure de la « codécision ») avec le Parlement européen. Cette méthode de construction européenne par le droit s’est certes montrée utile pour intégrer les économies nationales dans un Marché unique, mais elle apparaît inappropriée pour transformer l’Union en organisation compétitive dans la compétition mondiale.

DOCUMENT 2 : LA STRATÉGIE DE LISBONNE CONCLUSIONS DE LA PRÉSIDENCE CONSEIL EUROPÉEN DE LISBONNE – 23 ET 24 MARS 2000 [plan] EMPLOI, RÉFORME ÉCONOMIQUE ET COHÉSION SOCIALE UN OBJECTIF STRATÉGIQUE POUR LA DÉCENNIE À VENIR

Le nouveau défi
Les atouts et les points faibles de l’Union
Ligne d’action
> PRÉPARER LA TRANSITION VERS UNE ÉCONOMIE COMPÉTITIVE, DYNAMIQUE ET FONDÉE SUR LA CONNAISSANCE
  • Une société de l’information pour tous
  • Créer un espace européen de la recherche et de l’innovation
  • Instaurer un climat favorable à la création et au développement d’entreprises novatrices, notamment de PME
  • Des réformes économiques pour achever et rendre pleinement opérationnel le marché intérieur
  • Des marchés financiers efficaces et intégrés
  • Coordonner les politiques macroéconomiques :assainissement, qualité et viabilité des finances publiques
> MODERNISER LE MODÈLE SOCIAL EUROPÉEN EN INVESTISSANT DANS LES RESSOURCES HUMAINES ET EN CRÉANT UN ÉTAT SOCIAL ACTIF
  • L’éducation et la formation à la vie et à l’emploi dans la société de la connaissance
  • Des emplois plus nombreux et de meilleure qualité pour l’Europe :vers une politique active de l’emploi
  • Moderniser la protection sociale
  • Favoriser l’intégration sociale
> MISE EN PRATIQUE DES DÉCISIONS :
UNE APPROCHE PLUS COHÉRENTE ET PLUS SYSTÉMATIQUE
  • Améliorer les processus existants
  • Mettre en œuvre une nouvelle méthode ouverte de coordination
  • Mobiliser les moyens nécessaires

À nouvel objectif, nouvelle méthode

18Pour la première fois, les problèmes de recherche, d’éducation et d’innovation sont soulevés sur la scène européenne. Ils forment le « triangle de la connaissance » sur la base duquel la stratégie de Lisbonne se propose d’édifier une « Europe compétitive ». Ce projet s’inscrit dans un contexte doublement porteur. D’une part, ce qu’on appelle la « vague rose » a déferlé sur l’Europe depuis octobre 1995, date à laquelle le parti socialiste portugais dirigé par Antonio Guterres accédait au pouvoir. Cette victoire est suivie en avril 1996 par celle de « l’Olivier », coalition italienne des démocrates de gauche formée autour de Romano Prodi. En mai 1997, le New Labour de Tony Blair prend le pouvoir aux mains des conservateurs depuis dix-huit ans. Le mois suivant outre-Manche, des législatives anticipées en France profitent à la « gauche plurielle » et conduisent Lionel Jospin à la tête d’un gouvernement de cohabitation. En septembre 1998, le social-démocrate Gerhard Schröder l’emporte sur Helmut Kohl, chancelier chrétien-démocrate depuis seize ans… Au total, onze pays membres sur quinze sont gouvernés au centre-gauche lorsque le Portugal prend la présidence de l’Union en janvier 2000. Son Premier ministre Guterres peut dès lors mettre à profit un rapport de force d’autant plus propice à l’entente politique qu’il se trouve aussi être à la tête de l’Internationale Socialiste où il fait figure d’« homme de synthèse ». Afin de remédier aux conflits et blocages inhérents à la coopération interétatique, hors du consensus sur le Marché unique, il entend réconcilier le social et l’économique en hybridant l’héritage progressiste de la social-démocratie avec les apports libéraux de la « troisième voie ».

19D’autre part, le climat économique offre également des conditions favorables au compromis. Aux promesses de la « vague rose » s’ajoutent celles du « nouveau millénaire », porteur d’une « nouvelle économie » dont les États-Unis offraient une vitrine au Vieux Continent. L’avènement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) et l’euphorie Internet nourrissent alors la croyance frénétique – mais largement partagée – en une ère de croissance illimitée, fondée sur l’« immatériel » et le « capital humain », garantissant le « retour au plein-emploi ». Forte de cette conjoncture politique et économique, la présidence portugaise ambitionne d’ouvrir le chantier européen dans les domaines non-marchands. Afin d’aiguiser le volontarisme des gouvernements et d’agencer leurs actions selon un plan logique, dans une visée commune, elle les convainc de la nécessité de recourir aux solutions managériales qui offrent des instruments plus souples que le droit. Conseillée notamment par Bernard Brunhes, dont le cabinet de consultants est spécialisé dans le déploiement opérationnel des politiques publiques et l’accompagnement des réformes dans les entreprises comme dans les organismes publics, elle se propose de « moderniser » la façon de faire l’Europe en systématisant la méthode expérimentée dans le cadre de la « stratégie européenne pour l’emploi » lancée en 1997. Là réside toute l’originalité de la stratégie de Lisbonne :dans la démarche qu’elle inaugure (voir document n°3). Elle aménage un dispositif de coordination intergouvernementale, prétendument ouvert à tous les acteurs de la « société civile » et baptisé de ce fait : Méthode Ouverte de Coordination (MOC dans le jargon européen).

DOCUMENT 3 : LA MÉTHODE OUVERTE DE COORDINATION CONCLUSIONS DE LA PRÉSIDENCE CONSEIL EUROPÉEN DE LISBONNE – 23 ET 24 MARS 2000 [extrait]

> MISE EN PRATIQUE DES DÉCISIONS :
UNE APPROCHE PLUS COHÉRENTE ET PLUS SYSTÉMATIQUE
« La mise en œuvre de l’objectif stratégique sera facilitée par le recours à une nouvelle méthode ouverte de coordination permettant de diffuser les meilleures pratiques et d’assurer une plus grande convergence au regard des principaux objectifs de l’UE. Conçue pour aider les États membres à développer progressivement leurs propres politiques, cette méthode consiste à :
  • définir des lignes directrices pour l’Union, assorties de calendriers spécifiques pour réaliser les objectifs à court, moyen et long terme fixés par les États membres;
  • établir, le cas échéant, des indicateurs quantitatifs et qualitatifs et des critères d’évaluation par rapport aux meilleures performances mondiales, qui soient adaptés aux besoins des différents États membres et des divers secteurs, de manière à pouvoir comparer les meilleures pratiques;
  • traduire ces lignes directrices européennes en politiques nationales et régionales en fixant des objectifs spécifiques et en adoptant des mesures qui tiennent compte des diversités nationales et régionales;
  • procéder périodiquement à un suivi, une évaluation et un examen par les pairs, ce qui permettra à chacun d’en tirer des enseignements. » (§ 37).

20Avec le benchmarking pour pièce maîtresse, le dispositif de la MOC fonctionne à l’incitation, à l’émulation entre pairs et à la surveillance multilatérale, sans recours à la contrainte légale. C’est par la valorisation des performances nationales, leur quantification et la publicité de leur classement, qu’il engage les États dans une « collaboration compétitive » (« coopétition »). Cette façon d’aiguillonner l’action gouvernementale au moyen d’une stimulation concurrentielle est directement inspirée du management d’entreprise. On retrouve dans les opérations constitutives de la MOC (voir document n° 3) les quatre phases constituant le procédé itératif du benchmarking, tel qu’il a été formalisé par Camp (voir document n° 1): « planification » (lignes directrices, calendriers, objectifs);« analyse » (indicateurs, critères d’évaluation, meilleures pratiques); « intégration » (traduction au niveau national et régional, adaptation/adoption);« action » (suivi périodique, examen par les pairs, enseignements). La singularité de cette méthode tient à ce qu’elle est dénuée de tout formalisme juridique, et c’est ce qui fait sa force. Purement incitative, elle dépend de la bonne volonté des États non pas tant à adhérer au dessein projeté qu’à se munir effectivement des outils gestionnaires et statistiques préconisés.Équipés de la sorte, les gouvernants étatiques sont enclins à s’aligner sur la « conduite économique de l’entrepreneur moderne » qui agit « conformément à un plan, en vue d’une fin et sur la base du calcul » [30]. En observant les prescriptions matérielles de la MOC, ils se plient ainsi à la discipline pragmatique d’une gestion par objectifs comportant une obligation de résultats. La stratégie de Lisbonne envisage donc bien la continuation de la construction européenne, mais par d’autres moyens – moyens qui ne sont plus diplomatiques ni juridiques, mais managériaux et disciplinaires. Autrement dit, les nouveaux champs investis par l’Union, sous la bannière de la MOC, ne font plus l’objet d’une intégration par le droit, mais d’une européanisation par le chiffre.

Quand s’unir c’est concourir : la « discipline indéfinie » d’une course intergouvernementale à la performance

21Le benchmarking ne saurait être confondu avec les armes coercitives appartenant à l’arsenal de l’État souverain. Il n’en demeure pas moins une puissante technique de gouvernement qui consiste à actualiser la « discipline indéfinie » de la compétitivité. Pourquoi indéfinie ? Parce que la norme de compétitivité est endogène à la course sans fin à laquelle le benchmarking livre ses praticiens. Le benchmark – c’est-à-dire la cible qu’il leur assigne comme référence – est idéalement fugitif :il n’est fixé que pour être rejoint sinon dépassé, et laisser ainsi la place au nouvel étalon arrivé en tête. De fait, il est inaccessible. Poser la compétitivité comme un but à atteindre au moyen d’un étalonnage des performances, qui consiste précisément à calculer des écarts, c’est objectiver une distance que l’opération même de sa « réduction » reproduit in(dé)finiment. J’emprunte cette expression de « discipline indéfinie » à Foucault qui l’emploie dans un tout autre contexte pour désigner « une procédure qui serait à la fois la mesure permanente d’un écart par rapport à une norme inaccessible et le mouvement asymptotique qui contraint à la rejoindre à l’infini » [31].

22En médiatisant les relations intergouvernementales au moyen du benchmarking, la MOC soumet ainsi les dirigeants politiques à une gouvernementalisation qui déborde les frontières étatiques. Cette gouvernementalité qui s’applique aux gouvernants eux-mêmes n’est pas pour autant supra-étatique :elle est non étatique. Elle n’opère pas de manière souveraine, mais se contente d’agir sur « l’environnement du jeu économique » en laissant les joueurs aussi libres que possible mais en disciplinant l’action gouvernementale. Elle réalise en cela le programme du néolibéralisme qui projette « une société dans laquelle il y aurait optimisation des systèmes de différence,[…] dans laquelle il y aurait une action non pas sur les joueurs du jeu, mais sur les règles de jeu, et enfin dans laquelle il y aurait une intervention qui ne serait pas du type de l’assujettissement interne des individus, mais une intervention de type environnemental » [32]. Cette façon de gouverner, apparemment apolitique car parée des atours de l’objectivité (scientifique) et de la neutralité (technique), a un nom : la « gouvernance ». Au-delà – ou plutôt en deçà – de l’Union européenne, elle ne concerne plus seulement les entreprises mais toutes les organisations humaines. Loin de faire exception, les universités et les laboratoires de recherche sont parmi les premiers secteurs à être affectés par ce vaste chantier de transformation sociale.

L’Espace Européen de la Recherche, pierre angulaire d’une « Europe compétitive » [33]

23Le mode opératoire suivi pour construire un Espace Européen de la Recherche (EER) est emblématique de la gouvernementalité néolibérale mise en œuvre par la stratégie de Lisbonne. L’EER ne procède pas d’un transfert de souveraineté en matière de choix scientifique, mais d’opérations statistiques qui mesurent des différentiels de performance et, ce faisant, objectivent une compétition entre « systèmes nationaux d’innovation ». L’enjeu n’est pas de réduire les inégalités socio-économiques et territoriales en son sein, mais de distinguer des « champions », des « pôles de compétitivité », des « centres d’excellence », aptes à affronter leurs concurrents américains et japonais dans la course aux brevets ou dans la capture des cerveaux. Ce projet se propose explicitement de bâtir un « marché commun de la recherche ». Pour ce faire, il assigne aux gouvernants la tâche d’instaurer et d’entretenir un « environnement » institutionnel, administratif, légal, réglementaire, fiscal, social, et même culturel, propice à l’épanouissement de ce marché. Il s’agit en d’autres termes de réunir les conditions qui rendent possibles – dans l’ordre des idées et dans l’ordre de l’action – l’établissement de relations concurrentielles non seulement entre individus et entre organisations, mais aussi entre régions et entre pays.

24L’intention affichée des promoteurs de l’EER, au premier rang desquels la Commission européenne, est de résoudre le « paradoxe européen », c’est-à-dire l’incapacité présumée des chercheurs européens à convertir leur excellence scientifique en innovations, si possible brevetables et commercialisables. Résoudre ce paradoxe nécessite selon eux de rationaliser la recherche européenne : il s’agit de remédier à la fragmentation des activités de Recherche et Développement (R&D), au cloisonnement entre secteurs public et privé, et à la dispersion des efforts de financement.À cet effet, il importe non pas d’intégrer les systèmes nationaux à l’échelle européenne, mais bien au contraire de les mettre en compétition pour qu’ils apprennent les uns des autres et ressortent plus forts de cette confrontation, aptes à affronter la concurrence internationale. L’EER ne passe donc pas par la mise au point d’une politique commune, appuyée sur un budget de type fédéral, mais par la mise en cohérence des politiques communautaires, étatiques et régionales, moyennant un langage statistique commun et un dispositif collectif de benchmarking. L’EER vise ainsi à agencer un « territoire européen dynamique, ouvert et attractif pour les chercheurs et les investisseurs ». Il participe en cela d’une requalification du territoire comme avantage concurrentiel, comme un atout compétitif qu’il incombe à l’État d’optimiser dans une optique de rationalisation gestionnaire. Loin d’assister à l’avènement d’une gouvernance déterritorialisée, on voit plutôt fleurir dans tous les pays européens des politiques dites de compétitivité territoriale. Ce sont en France les fameux « pôles de compétitivité », qui sont à mettre en regard avec les districts industriels italiens, les clusters britanniques ou les réseaux de compétence allemands (Kompetenznetze). Cette nouvelle façon d’aménager le territoire ne procède plus par péréquation dans une perspective de cohésion régionale, mais par différenciation dans le but de localiser des sites attractifs aux yeux des possesseurs d’un capital financier ou « humain ». En introduisant la médiation du benchmarkingdans les relations interrégionales, elle dessine une nouvelle géographie politique qui emboîte des espaces localisés de compétitivité dans un espace globalisé de concurrence. Ce faisant, elle redistribue les pouvoirs entre niveaux de gouvernement, entre acteurs publics et privés, entre détenteurs de capitaux volatiles et travailleurs « immobiles ».

25À cette nouvelle conception du territoire répond la valorisation de la mobilité sous toutes ses formes (géographique, intersectorielle – notamment entre secteurs public et privé, interdisciplinaire, même virtuelle avec les réseaux électroniques); mobilité érigée en vertu cardinale notamment dans la Charte européenne du chercheur. Il s’ensuit que la mise en marché des activités de R&D passe en premier lieu par la libre circulation de ses agents, qu’il convient de réaliser par la levée des obstacles structurels, administratifs et culturels à un « véritable marché du travail pour les chercheurs ». Un tel marché garantirait la disponibilité de « ressources humaines » hautement qualifiées et leur meilleure allocation possible. Afin que ce marché fonctionne de manière optimale, le programme de l’EER s’attache à créer et entretenir un environnement porteur :un cadre macroéconomique stable; des facilités réglementaires destinées aux fonds de capital-risque; des incitations fiscales aux efforts privés de R&D; une législation sur la concurrence et la création d’un brevet européen; une base solide de recherche publique au service de l’industrie; une « culture dynamique d’esprit d’entreprise ». La recherche n’est plus conçue comme une source de puissance étatique ou de savoirs collectifs, mais comme un lieu de production d’innovations brevetables et de propriétés intellectuelles, qu’il convient de gouverner à distance dans un souci d’optimisation gestionnaire, au moyen d’indicateurs scientométriques et socio-économiques comparables à l’échelle européenne.

26La Commission revendique cette « révolution culturelle ». Selon le bulletin d’information de la direction générale chargée de la Recherche, le « temps où, traditionnellement, les savoirs acquis dans l’espace scientifique académique constituaient un patrimoine ouvert, mis à la disposition de tous, appartient au passé ». Autre citation tout aussi parlante sur la finalité des politiques européennes de la recherche :le « but ultime de la recherche publique n’est plus simplement de produire des connaissances scientifiques, mais aussi de promouvoir l’exploitation concrète des avancées qu’elles génèrent. Or cette exploitation, dans une économie de marché, a une dimension intrinsèquement économique » [34]. C’est pourquoi la « nouvelle organisation de la recherche » est agencée autour de la figure emblématique du « chercheur-entrepreneur » [35] et du principe concurrentiel [36]. Cette façon de gouverner les activités scientifiques ne signifie pas pour autant le retrait de l’État, mais plutôt un redéploiement de ses interventions, de ses bénéficiaires et de ses finalités, qui s’effectue aux dépens des sciences humaines et sociales (SHS). Celles-ci sont mises en péril financièrement, réduites à une portion congrue dans le 7e Programme Cadre de Recherche et de Développement (PCRD), tout comme dans les financements de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) dans le cas français. Mais au-delà de cette réduction de moyens, c’est la fonction qu’on leur prête qui est réductrice. Si toutes les sciences sont enrôlées dans la compétition économique, les SHS sont mobilisées comme adjuvant au service des entrepreneurs économiques ou politiques. Dans une optique utilitariste, elles sont vouées à se faire l’instance réflexive des autres sciences, de sorte à les rendre plus « productives »; à optimiser les processus d’innovation dans les entreprises, les laboratoires et les appareils d’État; ou encore à fournir des outils d’aide à la décision et des « solutions » aux problèmes publics. Sous la pression de l’évaluation comparative et des palmarès qui en résultent, elles semblent condamnées à se rendre utiles ou à disparaître. Autant dire que la vivacité critique des sciences sociales ne leur aura jamais été aussi vitale qu’aujourd’hui.

27Concluons sur une question qui ne manque jamais d’être posée à propos de la stratégie de Lisbonne et de son instrument clé, le benchmarking:quelle efficacité véritable ? Tous les rapports d’audit – produits par la Commission, les autorités nationales, les groupes d’experts réputés indépendants, les syndicats ou le patronat – s’accordent sur un constat d’insatisfaction, avec pour preuve les écarts de performance qui se creusent entre l’Union européenne et ses compétiteurs mondiaux [37]. Si on confronte effectivement les objectifs affichés aux résultats enregistrés, on ne peut que conclure à l’échec. L’exemple du benchmark des «3%», fixé par le Conseil européen de Barcelone en 2002 dans le but d’élever les investissements publics et surtout privés en R&D au niveau des pays les plus performants, est frappant. Loin d’être en voie d’atteindre cet objectif d’ici 2010, la moyenne des Dépenses Intérieures de Recherche et Développement (DIRD) dans le Produit Intérieur Brut (PIB) est passée, selon les chiffres d’Eurostat, de 1,92% en 2000 à 1,91% en 2006 dans l’Union à 15 et tombe à 1,84% si les 27 membres de l’Union sont pris en compte [38].

28Pourtant, aussi décevants soient les bilans dressés, ils ne liquident jamais l’affaire. Les recommandations émises sur la base de ces évaluations négatives ne mettent jamais en cause l’inefficacité du dispositif :au lieu de conclure à la faillite des cycles de benchmarking, ils affirment au contraire la nécessité de les poursuivre en les rationalisant toujours plus, c’est-à-dire en réduisant les listes d’indicateurs utilisés et en recentrant les objectifs sur les priorités économiques au détriment des objectifs sociaux et environnementaux. Si «ça ne marche pas», ce ne serait pas à cause d’un problème technique, mais en raison d’un manque de volonté politique. Les exercices de benchmarking visent alors à maintenir une pression sans relâche sur les gouvernants pour qu’ils intensifient leurs efforts dans le sens convenu. Ils s’accompagnent de discours mobilisateurs qui ont recours au registre de l’urgence des échéances, de la course au temps, du sprint final. Au regard des dispositifs d’évaluation comparative qui se propagent dans les administrations publiques et les institutions sociales, on peut considérer que le benchmarking fonctionne bel et bien. Non pas qu’il rende toutes ces organisations compétitives, mais il y implante les manières de penser et de faire qui généralisent aux domaines non-marchands la « discipline indéfinie » de la compétitivité. Quels que soient les résultats enregistrés, il y installe les conditions de possibilité d’une quête de la performance et d’un esprit de compétition propre à la gouvernementalité néolibérale.

Notes

  • [1]
    Cet article reprend une communication, dont on a conservé le style oral, présentée à l’occasion de la table ronde annuelle organisée le 31 mai 2008 par la Société d’Histoire Moderne et Contemporaine. Qu’elle soit ici vivement remerciée pour cette invitation à réfléchir à la « fièvre de l’évaluation », à ses origines et à ses conséquences dans l’université.
  • [2]
    Citons entre autres Jacques GAUTRON (éd.), Le guide du benchmarking, Paris, Les éditions d’organisation, 2003.
  • [3]
    Par exemple, la revue trimestrielle Benchmarking :an International Journal, publiée depuis 1994 par Emerald (Bingley, Royaume Uni).
  • [4]
    En France, on peut illustrer cette vivacité associative par le Benchmarking Club de Paris qui réunit une soixantaine de grandes entreprises et alimente une base de données sur les « meilleures pratiques » observées dans différents secteurs d’activité.À une autre échelle et dans un autre registre, l’association des Joyeux Parangonneurs à Angers propose de mettre le benchmarking au service des organismes soucieux d’améliorer la sécurité en leur sein et la motivation de leur personnel (site Internet <http :// www. parangonneurs. org>).
  • [5]
    Pascale-Marie DESCHAMPS,« La panoplie du bon manager », Enjeux. Les Echos, n° 191, mai 2003, p.86-88.
  • [6]
    « Déchiffrer “l’Europe compétitive”. Étude du benchmarking comme technique de coordination intergouvernementale dans le cadre de la stratégie de Lisbonne », thèse réalisée sous la direction de Christian Lequesne, Institut d’Études Politiques de Paris,2006. Consultable en ligne sur le site du Réseau Européen d’Analyse des Sociétés Politiques (REASOPO <http :// www. fasopo. org/ reasopo. htm#jr>).
  • [7]
    Alain DESROSIÈRES,La politique des grands nombres :histoire de la raison statistique,(1993) Paris, La découverte, 2000, p.205-206.
  • [8]
    Robert CAMP, Benchmarking : The Search for Industry Best Practices that Lead to Superior Performance, Quality Press,1989 (traduit en français sous le titre Le benchmarking :pour atteindre l’excellence et dépasser vos concurrents, Paris, Les éditions d’organisation, 1992).
  • [9]
    Masaaki IMAI, Kaizen :The Key to Japan’s Competitive Success, New York, Random House, 1986. L’année de parution de cet ouvrage aux États-Unis est aussi celle de la création par son auteur d’un « Institut Kaizen », dont il a déposé la marque avant de l’étendre sous forme de réseaux aux trois continents de la Triade.
  • [10]
    Frederick TAYLOR, La direction scientifique des entreprises, Paris, Dunod, 1965.
  • [11]
    Taiichi OHNO, L’esprit Toyota, Paris, Masson,1989.
  • [12]
    Benjamin CORIAT, Penser à l’envers. Travail et organisation dans l’entreprise japonaise, Paris, Christian Bourgois, 1991, p.124.
  • [13]
    Jean BRILMAN,Les meilleures pratiques de management, Paris, Les éditions d’organisation,2003, p.288.
  • [14]
    Franck COCHOY, Une histoire du marketing :discipliner l’économie de marché, Paris, La découverte, 1999, p.211.
  • [15]
    Adam BRANDENBURGER, Barry NALEBUFF, Co-opetition :A revolutionary mindset that combines competition and co-operation, New York, Currency Doubleday, 1998.
  • [16]
    François-Xavier MERRIEN, « La nouvelle gestion publique : un concept mythique », Lien social et politiques-RIAC, n° 41,1999, p.95-103 (p.95).
  • [17]
    D’après le titre d’un ouvrage célèbre aux États-Unis, auquel l’administration Clinton-Gore se référa pour réformer la gestion publique :Ted GAEBLER, David OSBORNE,Reinventing Goverment, Addison-Wesley, Reading,1992.
  • [18]
    Sur le « rôle décisif joué par le développement du commerce, à la fin du Moyen Âge, dans la transformation des manières de penser » et des pratiques politiques, voir Michel SENELLART, Les arts de gouverner :du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, Seuil, 1995. Sur la maxime «administration is business» et les autres emprunts du NPM au « management scientifique » et à l’« idéologie du marché », voir Ezra SULEIMAN, Dismantling Democratic States, Princeton, Princeton University Press,2003.
  • [19]
    Yves DEZALAY, Bryant GARTH,« Le “ Washington consensus” :contribution à une sociologie de l’hégémonie du néolibéralisme », Actes de la recherche en sciences sociales,121-122, mars 1998, p.3-23.
  • [20]
    Philippe BEZES,« Le modèle de “l’État-stratège” :genèse d’une forme organisationnelle dans l’administration française », Sociologie du travail,47,2005, p.431-450.
  • [21]
    Jean-Michel SAUSSOIS, « Partir d’une “commande” : analyser l’action diffusionniste de l’OCDE dans ses pratiques de benchmarking et de propagation sur les nouvelles pratiques en matière de management public », Contribution au VIIe Congrès de l’AFSP, Lille, septembre 2002.
  • [22]
    OCDE, « La gestion des performances dans l’administration : mesure des performances et gestion axée sur les résultats », Études hors série sur la gestion publique, n° 3, Paris, OCDE,1994.
  • [23]
    OECD,« Benchmarking, evaluation and strategic management in the public sector », Papers presented at the 1996 Meeting of the Performance Management Network of the OECD’s Public Management Service, OCDE/GD (97) 50, Paris.
  • [24]
    Préparé par le groupe de travail « Compétitivité » de l’ERT, ce séminaire a réuni le 21 mars 1996 à Bruxelles plus de 80 représentants des États membres, des institutions communautaires et du secteur industriel; cf. ERT, « Benchmarking for policy-makers :the way to competitiveness, growth and job creation »,Report based on the findings of a seminar organized by the European Commission and the ERT (21 March 1996), October 1996.
  • [25]
    EUROPEAN COMMISSION,Benchmarking the Competitiveness of European Industry, COM (96) 463 final,9 October 1996.
  • [26]
    EUROPEAN COMMISSION, Benchmarking : Implementation of an Instrument Available to Economic Actors and Public Authorities, Com (97) 153/2,16 April 1997.
  • [27]
    HIGH LEVEL GROUP ON BENCHMARKING (European Commission/DG III), « First report by the high level group on benchmarking », Benchmarking Papers, n° 2,1999.
  • [28]
    Cité dans Keith RICHARDSON, « Big business and the european agenda », Working Paper in Contemporary European Studies,35, University of Sussex, Sussex European Institute, September 2000, p.26.
  • [29]
    CONSEIL EUROPÉEN,« Conclusions de la Présidence »,Sommet européen de Lisbonne,23 et 24 mars 2000, Nr :100/1/00, §5.
  • [30]
    Werner SOMBART,Le bourgeois. Contribution à l’histoire morale et intellectuelle de l’homme économique moderne (1928), Paris, Payot,1966, p.145.
  • [31]
    MichelFOUCAULT,Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard,1975, rééd.« Tel », p.264.
  • [32]
    Michel FOUCAULT, Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Gallimard/Seuil, 2004, p.265.
  • [33]
    Pour une présentation plus complète, voir l’ouvrage que j’ai consacré à ce sujet : À vos marques®, prêts… cherchez ! La stratégie européenne de Lisbonne, vers un marché de la recherche, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant,2008.
  • [34]
    COMMISSION EUROPÉENNE,« Vers un marché des connaissances »,RDT Info, n°34, juillet2002, p.16.
  • [35]
    COMMISSION EUROPÉENNE, « Le temps des chercheurs-entrepreneurs », RDT Info, n° 35, octobre 2002, p.6.
  • [36]
    « La concurrence doit rester le premier principe de la recherche : c’est par la concurrence qu’on devient compétitif. » in COMMISSION EUROPÉENNE,«6e PCRD :La coordination de la recherche ne se fera pas sans courage politique », CORDIS Focus, n° 209,18 novembre 2002, p.1.
  • [37]
    Citons le rapport Relever le défi commandé par la Commission à un groupe dit « de haut niveau », présidé par Wim Kok et chargé d’examiner à mi-parcours la stratégie de Lisbonne. Rendu public en novembre 2004, il affichait des résultats décevants en termes de compétitivité et prônait un recentrage sur la croissance et l’emploi, assimilant les finalités sociales et environnementales à la quête d’« avantages concurrentiels »; cf. COMMISSION EUROPÉENNE, « Relever le défi : La stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi », Rapport du groupe de haut niveau présidé par M.Wim Kok, novembre 2004.
  • [38]
    Le ratio DIRD/PIB est l’indicateur communément utilisé pour mesurer l’intensité de recherche et de développement. La DIRD d’un pays agrège l’ensemble des investissements (administrations publiques et entreprises) réalisés sur le territoire national. Les données d’Eurostat sont accessibles en ligne sur son site <http ://epp.eurostat.ec.europa.eu>.
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