Notes
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[1]
C’est un des acquis du post-structuralisme de Michel FOUCAULT (Les mots et les choses, Paris, Gallimard,1966) et de la sociologie de Pierre BOURDIEU (Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil,2001). Cf. aussi Alain DESROSIÈRES, La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993, et auparavant, le collectif Pour une histoire de la statistique, Paris, INSEE-Economica, 1987,2 vol. .
-
[2]
Pierre BOURDIEU, « Décrire et prescrire. Les conditions de possibilité et les limites de l’efficacité politique », in Langage et pouvoir symbolique, op.cit., p.187-198.
-
[3]
Cf. par exemple Jean-Luc LAFFONT, « Policer la ville. Toulouse, capitale provinciale au siècle des Lumières », Thèse de l’université de Toulouse-Le Mirail, 1997, et les travaux de Vincent MILLIOT et Catherine DENYS, Revue d’histoire moderne & contemporaine, 50-1,2003 : « Espaces policiers, XVIIe - XXe siècles ».
-
[4]
La chronologie des rapports entre anthroponymie et raison sociale est complexe et, au XVIIIe siècle, les deux ensembles ne sont pas encore absolument disjoints.
-
[5]
Si la valorisation du travail conduit à l’esprit de calcul et à l’utilitarisme (cf. Jean-Claude PERROT, « Les économistes, les philosophes et la population », in Jacques DUPÂQUIER (dir.), Histoire de la population française,2,De la Renaissance à 1789, Paris, PUF,1995 [1988], p.511), la réciproque se vérifie également.
-
[6]
Alain GUÉRY, « État, classification sociale et compromis sous Louis XIV : la capitation de 1695 », Annales ESC,41/2,1986, p.1041-1060, a mis en évidence la prévalence du rapport à la guerre et à l’État comme critère de classement.
-
[7]
Alain DESROSIÈRES, « Classer et mesurer : les deux faces de l’argument statistique », Réseaux, 71, mai-juin 1995, p.11-29. Cf.également Jean-Claude PERROT in Histoire de la population française,2,op.cit., p.528-532.
-
[8]
Adeline DAUMARD, « Une référence pour l’étude des sociétés urbaines en France aux XVIIIe et XIXe siècles : projet de code socio-professionnel », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 10/3, juillet 1963, p. 185-210. Cf. Alain DESROSIÈRES, « Éléments pour l’histoire des nomenclatures socioprofessionnelles » in INSEE, Pour une histoire de la statistique, op.cit., p.155-231. L’approche de Jean-Claude PERROT,Caen au XVIIIe siècle – Genèse d’une ville moderne, Paris, Mouton-EHESS,1975, p.242-273, constitue sans doute l’entreprise la plus aboutie en ce qui concerne la question du classement socioprofessionnel en milieu urbain à l’époque préindustrielle. La réflexion théorique sur le sujet a été reprise par Bernard LEPETIT dans « Histoire et statistique. Questions sur l’anachronisme des séries longues », Genèses, 9, octobre 1992, p. 102-106, ainsi que dans l’ouvrage collectif qu’il a dirigé, Les Formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel,1995.
-
[9]
Cf.notamment Adeline DAUMARD, Ernest LABROUSSE (éd.),Recherches sur la fortune en France au XIXe siècle,1973. La thèse de Jean SENTOU, qui a participé à cette recherche collective, constitue un exemple de ce type d’histoire sociale :Fortunes et groupes sociaux à Toulouse sous la Révolution (1789-1799),Essai d’histoire statistique, Toulouse, Privat,1969.
-
[10]
Roger CHARTIER, « Le monde comme représentation », Annales ESC, 44/6,1989, p.1505-1519.
-
[11]
Cf. Christophe CHARLE,« Macro-histoire sociale et microhistoire sociale. Quelques réflexions sur les effets des changements de méthode depuis quinze ans en histoire sociale », in Histoire sociale, Histoire globale ? Paris, Éditions de la MSH,1989, p.4557. Voir aussi Jacques REVEL (éd.),Jeux d’échelles. La microanalyse à l’expérience, Paris, Seuil-Gallimard, 1996, ainsi qu’Alain BLUM, Maurizio GRIBAUDI,« Des catégories aux liens individuels : l’analyse statistique de l’espace social », Annales ESC, 45/6,1990, p.1365-1402.
-
[12]
Alain DESROSIÈRES, « Comment faire des choses qui tiennent : histoire sociale et statistique », Histoire & Mesure,1989, IV-3/4, p.225-242, p.226 :« L’attitude comparative ou historique conservera en revanche précieusement le matériel issu des taxinomies indigènes ou d’époque, au lieu de dissoudre celles-ci dans une construction a-historique ». La démarche comparative comporte en elle-même une valeur heuristique car elle permet de mettre en évidence un aspect ou une lacune de la documentation utilisée sur un terrain à la lumière de ce qui apparaît sur un autre.
-
[13]
Dans une production historiographique maintenant abondante, retenons la synthèse de Georges DUBY, Michèle PERROT (éd.), Histoire des femmes en Occident, Paris, Plon,1988,5 vols.
-
[14]
Le Mouvement social, 105,1978 : « Travaux de femmes dans la France du XIXe siècle » et 140, 1987 :« Métiers de femmes ».
-
[15]
À propos des résistances à l’adoption de ce concept, cf. Michèle RIOT-SARCEY,« L’historiographie française et le concept de “genre” », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 47-4,2000, p. 805-814.
-
[16]
Joan W. SCOTT,« Gender :A useful category of historical analysis », in ID., Gender and the Politics of History, New York, Columbia University Press,1988, p.28-50.
-
[17]
En ce qui concerne les données toulousaines utilisées dans les pages qui suivent : G.HANNE, Le travail dans la ville. Toulouse et Saragosse des Lumières à l’industrialisation. Étude comparée, Toulouse, Framespa-CNRS-Université de Toulouse-Le Mirail,2006.
-
[18]
Les sources fiscales d’Ancien Régime sont abondantes à Toulouse. La plus précieuse pour nous est la capitation dont sont ici exploités des rôles datant du début des années 1770 ou de la fin des années 1760 :Archives municipales de Toulouse (dorénavant AMT), CC 1005,1026,1052,1066,1074,1101, 1122. Seule exception :celui du capitoulat de Saint-Étienne qui date de 1735 (CC 1077).
-
[19]
Cf. Jean-Luc LAFFONT, thèse cit.,1997, p.932-936. Le recensement utilisé est celui de 1820-21 (AMT, 1F 20,21,22 et 23).
-
[20]
Cf. AMT, série 1G et Archives départementales de Haute-Garonne (dorénavant AD 31), série 2P. À propos des limites de la patente comme source : G. HANNE, « L’impact de l’abolition des corporations », Histoire, Économie et société,2003/3, p.575-576.
-
[21]
Les registres de capitation résultaient d’un travail annuel de répartition de l’impôt et, durant la décennie 1820 les recensements ont été pratiquement annuels. Ces derniers ont recours à une plus grande diversité de critères d’identification, tels que l’âge ou l’état civil, mais le nom et l’occupation restent essentiels.
-
[22]
Si les sections et les arrondissements ne respectent pas les anciennes limites des capitoulats, le recensement, comme l’enregistrement fiscal, se fait par moulons (îlots), les noms des rues et les numéros apportant des précisions supplémentaires.
-
[23]
Jean-Pierre GUTTON, Domestiques et serviteurs dans la France de l’Ancien Régime, Paris, Aubier, 1981; Sarah MAZA, Servants and Masters in Eighteenth-Century France :The Uses of Loyalty, Princeton, Princeton University Press,1983; Jacqueline SABATIER,Figaro et son maître. Les Domestiques au XVIIIe siècle, Paris, Perrin,1984. Pour le cas de Toulouse, on peut se reporter à Bernard MARCOUL, « Les domestiques à Toulouse au XVIIIe siècle », mémoire de DES, Faculté de Lettres de Toulouse,1960.
-
[24]
L’indétermination de l’usage des lieux, de l’emploi du temps, de la nature des récompenses et la personnalisation des relations sont des caractéristiques qu’on peut retrouver à différents degrés dans d’autres formes d’activités rémunératrices contemporaines.
-
[25]
Il faudrait pouvoir envisager, à travers une étude de leur mobilité, de quelle marge d’autonomie disposaient les servantes à l’égard des maîtres.
-
[26]
Les « gages » sont définis dans le Littrécomme « ce qu’on paye aux domestiques par an pour leurs services, ainsi dit par ce que c’est la somme payée pour l’engagement ».
-
[27]
Michael SONENSCHER,« Journeymen’s migrations and workshop organization in eighteenthcentury France », in Steven KAPLAN, Cynthia KOEPP (eds.), Work in France :representation, meaning, organization and practice, Ithaca-London, Cornell University Press 1986, p.74-96.
-
[28]
Selon le Littré, la « fenasse » est « un des noms vulgaires du sainfoin » et « affener » signifie « donner la pâture aux bestiaux ». Globalement toutefois l’usage du terme de « garçon » s’était imposé au XVIIIe siècle de façon presque systématique pour caractériser la main-d’œuvre embauchée chez les artisans et la plupart des acteurs de l’économie urbaine.
-
[29]
L’enregistrement des garçons chez leur patron dans les rôles de capitation soulève d’ailleurs le problème de leur stabilité. Cf. G.HANNE,« Les barbiers-perruquiers de Toulouse et leurs employés à la fin de l’Ancien Régime », Annales du Midi,229, janvier-mars 2000, p.65-83, p.71-75.
-
[30]
Michael SONENSCHER l’a bien montré à partir des sources judiciaires : Work and Wages. Natural Law, Politics and the Eighteenth Century French Trades, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.
-
[31]
Cf. supra, tableau 2. La proportion de femmes dans la domesticité aurait été de l’ordre de 45 % en 1695 (Michel TAILLEFER, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, Paris, Perrin, 2000, p.172).
-
[32]
La domesticité spécialisée féminine est aussi touchée avec les gouvernantes, mais dans une proportion bien moindre.
-
[33]
Dans les registres de capitalisation utilisés, au moins 171 « porteurs » sont incontestablement de condition domestique.
-
[34]
On peut lire dans un rapport datant des débuts du XIXe siècle :« Le monde des domestiques, bien loin d’avoir augmenté depuis 1789, est considérablement diminué à Toulouse, en hommes principalement; le renversement des fortunes, des grandes corporations a porté un coup très nuisible au luxe; il n’existe pas un tiers des voitures qui étaient sur pied, ni un sixième des chaises à porteurs. On voit beaucoup moins de domestiques de l’un et l’autre sexe, surtout des mâles » (AMT,1 F4). Le personnel domestique n’était cependant pas seul impliqué dans ce type de services puisqu’on pouvait aussi louer porteurs et chaises.
-
[35]
Georges HANNE, art.cit.,2003, p.578-580.
-
[36]
Dans un quartier intra muros, la partie proprement citadine du capitoulat de la Daurade, qui n’était pas pourtant le plus huppé, on comptait plus de deux domestiques pour cinq foyers, et plus d’un tiers de ceux-ci en abritait au moins un. Parmi les tâches quotidiennes qui leur incombaient, celle de puiser et de stocker l’eau venait en bonne place, même s’ils essayaient parfois de s’y soustraire. (Michel TAILLEFER,op.cit., 2000, p.182-186). Les registres ici utilisés ne comportent d’ailleurs qu’une seule mention de « porteuse d’eau ».
-
[37]
Une troisième caractérisation prend de l’importance dans la population féminine gagée, celle de « domestique », alors qu’elle semble avoir été réservée aux hommes sous l’Ancien Régime. Effectivement à chaque fois qu’une précision apparaît sur les registres de capitation quant au sexe des individus désignés comme « domestique », c’est le genre masculin qui se trouve mis en évidence, notamment dans les cas où le terme est précédé de l’adjectif possessif.
-
[38]
AMT,2 F4.
-
[39]
L’analyse des procédures de recensements nationaux du XIXe siècle le met en évidence :Christian TOPALOV,« L’individu comme convention. Le cas des statistiques professionnelles du XIXe siècle en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis », Genèses,31,1998, p.48-75.
-
[40]
Dans la première rubrique elles pouvaient accomplir les mêmes opérations que leur époux ou – c’était sans doute le plus fréquent – effectuer une partie spécifique du travail en fonction d’une division sexuée des tâches. Quant au travail ménager féminin, il n’était pas systématiquement ni exclusivement le fait de l’épouse, mais aussi celui de la mère, de la fille ou de quelque autre parente, à moins que le foyer ait eu les moyens de gager une servante.
-
[41]
Soit environ 650 occurrences professionnelles. Cf.aussi les résultats du sondage exprimés dans le tableau 4.
-
[42]
Parmi les 8850 contribuables actifs qui ne sont pas de condition domestique, 651 sont des femmes, soit 7,4 %, mais sur la rive droite du fleuve, dans le capitoulat de la Daurade, les chiffres respectifs sont de 887 et de 103, soit 11,6 %.
-
[43]
On trouve 25 « petites marchandes » et 46 « marchandes », alors que les nombres sont respectivement de 38 et de 466 chez leurs homologues masculins. La moyenne des cotes féminines est de 7 livres au lieu de 14 pour les hommes. En revanche, sur les 108 références à l’opération qualifiée de revente, seuls 14 concernent des hommes.
-
[44]
Daniel ROCHE, Histoire des choses banales, Paris, Fayard,1997, p.176. Cf. infra, tableau 14.
-
[45]
Clare H. CROWSTON, « Engendering the guilds :seamstresses, tailors, and the clash of corporate identities in old regime France », French Historical Studies,23-2,2000, p.339-371.
-
[46]
Ibid., p.339 et James B.COLLINS,« The economic role of women in seventeenth century France », French Historical Studies, 16-2,1989, p.437-470.
-
[47]
On relève en revanche la mention d’un « tailleur pour femmes ». À Paris les livres de réceptions font apparaître qu’en 1765-1766 le nombre des maîtresses couturières était deux fois plus élevé que celui des maîtres tailleurs d’habits (Cynthia TRUANT,« La maîtrise d’une identité :corporations féminines à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles », Clio,3,1996, p.55-69). Il faut tenir compte dans le cas toulousain, d’une part, du fait que la réalisation du costume féminin relevait sans doute dans une assez large mesure de la sphère domestique et, d’autre part, de l’importance du marché de consommation pour les habits d’hommes dans une métropole où l’hypertrophie de la fonction de justice était, toutes proportions gardées, encore plus marquée qu’à Paris.
-
[48]
Sur le statut juridique des veuves, cf. Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, Belin, 2001, ainsi que Janine LANZA, « Les veuves d’artisans dans le Paris du XVIIIe siècle », in Nicole PELLEGRIN, Colette WIN (éd.), Veufs, veuves et veuvage dans la France d’Ancien Régime, Paris, Champion, 2003, p.109-120, et Christine DOUSSET,« Les familles méridionales et le Code civil :épouses et veuves d’un droit à l’autre », in Pierre GUILLAUME (dir.), Identités méridionales. Entre conscience de soi et visions de l’autre,126e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Paris, CTHS,2003, p.43-57, qui envisage les mutations produites par le changement de régime juridique.
-
[49]
Cf. Rose-Marie FOUET, « Les corporations de métiers à Toulouse au XVIIIe siècle. Étude économique et sociale », mémoire de maîtrise, Université de Toulouse-Le Mirail,1974, p.34. Souvent d’ailleurs, les statuts corporatifs prévoient un traitement spécifique des veuves par rapport aux maîtres dans le montant des cotisations ou encore des amendes. Cf. également les statuts des menuisiers de 1754 :AMT, HH 66, article 4 et 19 (d’après Rose-Marie DAUNES, « Les menuisiers de Toulouse au XVIIIe siècle », mémoire de DES, Toulouse,1962, p.66).
-
[50]
Soit 22 ans chez les pâtissiers (AD 31,1E 1341, articles 16 et 17 des statuts rédigés et homologués en 1691). Dans le cas des maîtrises par lettres royales la garantie de la succession n’existait pas et les enfants (mâles sans doute) devaient présenter un chef-d’œuvre au cours de l’année suivant le décès de leur père pendant laquelle sa veuve pouvait continuer de tenir boutique, mais au-delà de laquelle cette autorisation cessait (art. 32).
-
[51]
AD 31,1E 1293,« Statuts et règlements faits par les maîtres fondeurs et doreurs de la petite fonte en 1680 » (art.13).
-
[52]
Dans la partie du capitoulat de la Daurade située sur la rive droite, on comptabilise 63 veuves parmi les 463 cotes féminines. Mais les responsables de la tenue des registres pouvaient négliger de mentionner le décès d’un artisan en considérant que sa veuve assurait la pérennité du foyer ou de préciser qu’une contribuable isolée était veuve.
-
[53]
La capitation pesant plus sur le foyer que sur les individus, la fiscalité taxant l’activité paraît offrir une opportunité pour envisagée la place des femmes dans la sphère du travail, mais l’intérêt en est diminué par le fait que le prélèvement et la répartition étaient souvent effectués directement par les autorités corporatives. Dans un assez grand nombre de cas cependant des contestations étaient émises quant au montant imposé et la corporation devait alors fournir la liste de ses membres. Ces listes donnent quelques indications quant à l’intégration des veuves et leur proportion dans l’effectif corporatif. Ainsi en 1773, la liste fournie par la corporation des chirurgiens fait apparaître qu’en plus des 8 praticiens en exercice la communauté comptait 5 veuves (AMT, CC 1161). En 1789 plusieurs listes comportent quelques veuves (AMT, CC 1123), comme dans le cas des cordonniers et savetiers réunis ou des serruriers, qui en comptent 3 chacun, des orfèvres ou encore des fondeurs (un cas sur 28).
-
[54]
C’est le cas de l’une des 8 chaudronneries déclarées lors de l’enquête de 1767 et de 3 boutiques de blanchers et chamoiseurs parmi les 25 en activité (AD 31,1E 1194) ainsi que pour une dizaine d’autres métiers (AD 31, série 1E).
-
[55]
AD 31,1E 1235 (1785).
-
[56]
On peut y ajouter une veuve, pour laquelle c’est le masculin qui est employé.
-
[57]
Les enterrements jouaient un rôle important, le rituel étant l’occasion de réaffirmer la hiérarchie corporative mais aussi celles des genres. Cf. C. CROWSTON, art.cit.,2000, p. 358-361.
-
[58]
Mais la nature des occupations de beaucoup d’entre elles laisse supposer que le veuvage n’est pas ici le seul ou le principal déterminant : sont mentionnées par exemple 16 « sages-femmes » et 3 « accoucheuses » (on relève aussi la mention d’un « accoucheur »), bien que la profession ait été réglementée, 16 « tavernières » et 3 « cabaretières » ainsi que 11 « maîtresses d’écoles » (AMT, CC 1161 et 1123 pour 1789).
-
[59]
Pour les états de répartition du vingtième pour le petit commerce, cf.aux Archives de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Toulouse, Ancienne Bourse de Commerce, C 24-16,18 et 19. En 1763, le contribuable est dans près du tiers des cas le mari, à la suite du nom et souvent de la profession duquel est portée la mention suivante : « sa femme vend…». La liste de 1761 a l’avantage de fournir la spécialisation et la localisation des contribuables.
-
[60]
Louise A.TILLY, Joan W.SCOTT,Les femmes, le travail et la famille(1978), Marseille/Paris, Rivages,1987, p. 67-68, ont relevé le même cas de figure dans des études menées sur des villes anglaises. Cf. pour le cas parisien, Jeffry KAPLOW,Les noms des rois :les pauvres de Paris à la veille de la Révolution (1972), Maspero,1974, p.45.
-
[61]
L’étude de Carol L.LOATS sur les contrats d’apprentissage fait apparaître aussi l’importance de la pluriactivité : « Gender, guilds, and work identity : perspectives from sixteenth-century Paris », French Historical Studies,20-1,1997, p.15-30.
-
[62]
Cela est confirmé dans le cas des cartiers par une enquête sur les communautés de 1767 qui rappelle qu’ils étaient « compris dans le petit tableau des petits marchands » (AD 31,1E 1194).
-
[63]
Nombreuses étaient les femmes de maçons qui se livraient à un petit commerce de denrées alimentaires. C. LOATS, art.cit., met en évidence la même configuration.
-
[64]
Ibid. Cf. aussi les commentaires de William H. SEWELL Jr., « Social and cultural perspectives on women’s work :comment on Loats, Hafter, and DeGroat »,French Historical Studies,20-1,1997, p.49-54, qui met l’accent sur la nécessaire révision du modèle de la production familiale centrée sur l’activité du chef de famille.
-
[65]
Le terme de proxénète fait référence à une entremise.
-
[66]
AMT, HH 97.
-
[67]
Sur les 67 cas où la profession du mari est mentionnée,15 correspondent à des domestiques,7 à des « garçons » de l’artisanat et on rencontre également des portefaix, des ouvriers ou de simples travailleurs agricoles, tandis que les rares corps de métiers représentés correspondent à des professions d’assez faible rapport comme cordonnier (8) ou tailleur (5).
-
[68]
S.BEAUVALET-BOUTOUYRIE,op.cit.,2001, montre toutefois que les veuves parisiennes ne basculaient pas du jour au lendemain dans l’indigence la plus totale et que beaucoup d’entre elles disposaient d’un capital qui leur permettait de survivre au moins durant quelques années.
-
[69]
AMT, HH 100. La communauté des fripières revendeuses de hardes se singularise également par le fait qu’elle est la seule des 85 corporations répertoriées pour laquelle les cases prévues pour les compagnons, les fils et les gendres de maîtres n’ont pas été remplies.
-
[70]
On relève aussi la mention d’un « accoucheur » dans le vingtième d’industrie de 1773, mais il s’agit probablement d’un chirurgien spécialisé dans l’obstétrique.
-
[71]
Rappelons cependant que la capitation était devenue un impôt de répartition et que les contribuables avaient intérêt à ce que personne ne se soustraie d’une façon ou d’une autre au prélèvement.
-
[72]
La proportion des inoccupés parmi les contribuables était bien moindre dans les faubourgs et dans le gardiage que dans la partie intra muros. L’identification et la comptabilisation de l’élite judiciaire exemptée n’est pas en cause, puisque cette dernière était le plus souvent caractérisée à travers le titre d’écuyer attribué au chef de foyer ou par la charge judiciaire dont il était investi, la mention de la charge et du nom apparaissant à l’occasion de l’enregistrement de la domesticité.
-
[73]
Aucune des 38 veuves sans occupation ou état déclarés habitant la Daurade-rive droite n’avait de domestique à son service en 1773.
-
[74]
Le chiffre donné dans le tableau 10 correspond au début de la Révolution, mais le nombre des religieuses était très probablement plus important quelques décennies auparavant. Cf. Jean-Claude MEYER, La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution (1789-1801), Toulouse, Publications de l’Université de Toulouse-Le Mirail,1982, p.582 et 589 et Jean-Luc LAFFONT, thèse cit.,1997, p.291-292.
-
[75]
Près de 50, les autres ayant pu renouer avec une vie religieuse après la Révolution ou considérant qu’elles étaient restées en religion après la disparition officielle de leur ordre et de leur couvent.
-
[76]
La place des religieuses dans la société urbaine d’Ancien Régime doit aussi être évaluée dans sa dimension spatiale à l’aune des surfaces occupées par les établissements religieux (considérable à Toulouse) et considérée dans sa dimension culturelle à travers la prégnance d’un stéréotype social dans la production littéraire de l’époque.
-
[77]
Dans cette catégorie, qui comprend tous les enfants, le taux de féminité ne fait pas que refléter l’excédent normal des naissances féminines.
-
[78]
Parmi les commerçantes,172 sont mariées, sans lesquelles la proportion de femmes dans le commerce ne serait guère supérieure à celle constatée sous l’Ancien Régime (moins de 20 %).
-
[79]
Respectivement 30 et 16 dans la capitation pour 59 et 21 dans le recensement.
-
[80]
Et sans lesquelles la progression ne serait guère que d’un quart relativement à l’ensemble de la population active occupée et d’environ une moitié en valeur absolue.
-
[81]
Daniel ROCHE,La culture des apparences. Une histoire du vêtement, XVIe - XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 1989, p.282-289.
-
[82]
La discordance chronologique entre les registres d’imposition exploitables nous donne l’occasion d’observer l’accélération. La différence ne résulte pas de la singularité socioprofessionnelle du capitoulat de Saint-Étienne si l’on ne prend en compte que les acteurs de l’économie urbaine.
-
[83]
Soit 2855 sur 17271 en 1821 au lieu de 1421 sur 14210 vers 1770, y compris le travail du cuir à finalité vestimentaire (chaussure, gants, etc.).
-
[84]
Jeremy BENTHAM (trad. Christian LAVAL ), Panoptique (1786), Paris, Mille et Une Nuits, 2002.
-
[85]
Cf. la critique que W.SEWELL adresse à ce type d’interprétations (art.cit.,1997, p. 51-53).
-
[86]
Selon Geneviève FRAYSSE,« La remise en cause de l’inégalité des sexes est la conséquence du postulat de l’ère nouvelle, celui qui fonde la liberté de l’individu et l’autonomie du sujet » (« De la destination au destin. Histoire philosophique de la différence des sexes », in Geneviève FRAYSSE, Michèle PERROT (éd.), Histoire des femmes en Occident, t. IV. Le XIXe siècle, Paris, Perrin,2002, p.63-99, p.64.)
-
[87]
Cette double problématique, devenue essentielle dans la sociologie du travail, s’exprime notamment à travers deux revues : Les Cahiers du Genre et, depuis 1999, Travail, Genre et Sociétés.
-
[88]
Le point de vue « réaliste » qui accorderait une primauté aux relations par rapport aux groupes me paraît ici aussi discutable que la proposition inverse (cf. pour le premier, Simona CERUTTI, op.cit., 1990, p.11-12 notamment).
1On sait que le XVIIIe siècle a vu l’émergence du travail comme catégorie abstraite, mais on n’a sans doute pas suffisamment souligné que le travail s’impose également comme un puissant outil de définition des identités individuelles, à travers la mise en œuvre de procédures d’enregistrement des populations par les institutions. Pour les hommes des Lumières, il s’agit, par la statistique notamment, de rendre apparentes la position et la fonction particulière des différentes pièces de la mécanique sociale, mais aussi d’homogénéiser leur perception et d’égaliser les catégories de leur connaissance. Pareille surimposition d’une grille de lecture uniforme sur toutes les parties du corps social rencontre cependant la résistance des réalités concrètes aux concepts, et de la société à l’État. L’activité laborieuse individualisée n’efface pas le statut, la qualité, l’appartenance communautaire et l’inclusion domestique et ne réussit que progressivement à s’imposer pour caractériser les éléments constitutifs de la société.
2La tâche de l’historien est de rendre compte de ce passage et des difficultés qui le jalonnent en interrogeant les documents et la terminologie, en mettant au jour leurs incohérences, leurs lacunes, leur logique interne, leurs présupposés et non-dits. Cependant, il lui faut aussi prendre acte de l’énoncé et de l’écrit, car la transcription des occupations des individus est un moment important dans la fixation de leur identité. Les façons de nommer, désigner, qualifier sont des opérations identitaires fondamentales qui, non seulement s’inscrivent dans des relations de pouvoir, mais sont elles-mêmes constitutives du pouvoir en tant que procédures d’évaluation des individus [1]. L’acceptation des identités par une majorité et le consensus qui s’établit au sujet des rôles sociaux de chacun permettent et surtout rendent efficaces les dispositifs de contrôle et les différentes formes de contraintes qui pèsent sur les conduites et les comportements [2]. Car l’enregistrement, par ses finalités fiscales ou d’enrôlement militaire, a des effets directs sur les populations; il implique aussi un jeu subtil entre les administrés et les pouvoirs à travers la mise en place d’une police des espaces et des activités. Son organisation, particulièrement en ville, suppose et permet une surveillance rapprochée et, en quelque sorte, mutuelle des populations, qui s’appuie sur des subdivisions spatiales au sein desquelles certains acteurs jouent le rôle d’intermédiaires vis-à-vis des pouvoirs. La volonté qu’ont ces derniers de fixer les sujets dans l’espace peut ici rencontrer celle des habitants de s’ancrer dans un lieu qu’ils connaissent et où ils sont connus ou, au contraire, être confrontée à leur défiance et à leur désir de transgression ou d’autonomie [3].
3Quoi qu’il en soit, l’inscription des populations dans l’espace et l’individualisation des acteurs sociaux supposent la mise en place de catégories et de règles d’énonciation et de transcription, dont rend notamment compte l’évolution de l’anthroponymie. L’enregistrement des individus n’est pas ici seulement contrarié par la mobilité des habitants ou par leur résistance, mais également par leur incapacité à fournir aux agents enregistreurs une onomastique à la fois fiable et normée. C’est le problème du passage de l’énonciation orale à la transcription écrite pour une population majoritairement analphabète saisie par une multitude d’agents qui, eux-mêmes, maîtrisent parfois mal l’écriture. Au caractère inévitablement erratique de la graphie dans l’enregistrement, s’ajoute l’homonymie réelle, autant celle des membres d’une même lignée que celle dont l’origine est plus aléatoire, qui gêne la différenciation des individus et l’identification des personnes. Ces difficultés aident à comprendre la complexité du rapport entre qualification et personnification, raison sociale et anthroponymie. Si dans la société holiste traditionnelle, le groupe passe devant l’individu et la fonction sociale porteuse de droits spécifiques devant la personne, ce n’est que progressivement que l’occupation s’impose comme raison sociale et qu’elle prend une place essentielle pour caractériser les individus en concurrence avec l’état, la qualité ou le titre qui précède le nom et avec ce dernier. L’occupation professionnelle est donc prise dans une tension entre, d’une part, l’assimilation des personnes à une fonction sociale, à une communauté de référence, ou leur appartenance à un groupe domestique, une maison, un domaine [4] et d’autre part, la caractérisation des individus par une activité qui leur est propre et qui participe de leur singularité.
COMPTAGE ET NOMENCLATURES : UNE PERSPECTIVE RENOUVELÉE
4Pour prendre pleinement la mesure du processus d’individuation, il faut rappeler l’intention comptable inscrite dans les procédures d’enregistrement synchroniques. Le comptage auquel elles aboutissent peut passer par des caractères identitaires moins aléatoires et plus stables dans leur formulation que les données anthroponymiques. Les occupations professionnelles constituent ici des instruments d’appréhension et de comptabilisation des composants sociaux élémentaires, en même temps qu’elles participent à leur évaluation. Celle-ci revêt un aspect concret avec l’établissement des cotes fiscales, la volonté de connaître qui s’exprime de façon systématique à travers les enquêtes du XVIIe siècle accompagnant la nécessité de compter, inhérente au développement de la fiscalité monarchique [5]. Dans le cas de la France, ce processus débouche en 1695 sur la mise au point d’une nomenclature socioprofessionnelle très précise, quand est instaurée la première capitation qui est l’occasion du premier dénombrement général.
5L’inflexion est d’autant plus significative, qu’elle rend évidente un aspect essentiel de l’enregistrement, la catégorisation, puisqu’il s’agit d’établir un prélèvement tarifé en fonction de la position sociale des contribuables [6].
6Chargées d’une taxinomie plus ou moins explicite, les opérations d’enregistrement des populations ont aussi pour résultat la constitution, et à terme la mise en action, de nouveaux classements dont la réalisation devient, à côté de la quantification, une fin en soi, avec la naissance de la statistique [7]. C’est d’ailleurs pourquoi l’exploitation par les historiens des registres fiscaux et démographiques a longtemps consisté à distribuer les acteurs sociaux au sein de grilles de classement [8].À la grande époque de l’histoire sérielle, finalité classificatoire et approche totalisante sont allées de pair puisqu’il s’agissait de faire entrer une somme d’individus dans un nombre limité de catégories préalablement définies. Cette démarche catégorielle, qui s’inscrivait généralement dans une vision de la société en classes, cherchait à positionner les individus au sein de ces dernières en surimposant des indicateurs de richesse aux données qui qualifiaient les enregistrés [9]. La critique qui en a été faite à partir des années 1970 a abouti à mettre en cause l’inévitable réductionnisme d’une exploitation documentaire essentiellement sérielle, le simplisme d’une démarche quantitative inapte à saisir les singularités et les relations, le flou et les limites d’un projet d’histoire économique et sociale qui fait l’impasse tant sur l’événement et le politique que sur la culture et la capacité des acteurs à construire leur identité.
7Ce réquisitoire a entraîné un discrédit et une raréfaction des recherches fondées sur la collecte systématique des données socioprofessionnelles, au profit de celles qui construisent leur objet de façon plus spécifique au lieu d’essayer de saisir une société locale supposée représentative de l’ensemble des rapports sociaux [10]. En outre, la mise en cause de l’ambition globalisante a conduit l’histoire sociale à envisager un changement d’échelle et à privilégier la mise au jour de réseaux impliquant un nombre limité d’acteurs dont on réussit à saisir les différentes interactions [11]. Dans l’ensemble des réseaux d’amitié, de voisinage, de sociabilité à l’intérieur desquels les individus se meuvent, leur insertion dans les groupes de parenté et leur place dans des itinéraires de mobilité sociale et géographique intergénérationnelle paraissent essentielles pour comprendre leur situation sociale.
8Dans cette perspective micro-historienne, les données anthroponymiques passent en quelque sorte au premier plan, même si les mentions professionnelles gardent leur intérêt dans le cadre du développement de la prosopographie.
9Mais alors que les mentions professionnelles ont été exploitées de façon systématique dans l’optique des catégories socioprofessionnelles, elles l’ont été en définitive assez peu dans la perspective d’étudier le travail lui-même et les situations concrètes qu’il recouvre. Ce n’est pas tant la nomenclature qui a été analysée dans sa diversité et ses particularités, que la possibilité de classement qu’elle offre. On a plutôt essayé d’en gommer les détails, d’en réduire l’hétérogénéité, pour faire entrer la totalité des éléments dans des catégories bien délimitées, jusqu’au moment où la finalité et la validité de ce classement systématique se sont effondrées. Cependant, l’élaboration des grilles, leur croisement, leur comparaison à la fois dans l’espace et dans le temps et surtout la réflexion et la confrontation aux réalités qu’elles supposent peuvent servir à questionner la terminologie dans son historicité et à circuler entre les catégories d’une époque et d’un lieu donné et celles du monde à partir duquel nous l’observons [12]. Le renouvellement des questionnements et des méthodes d’approche, joint au perfectionnement des techniques d’analyse (avec l’informatique), redonne alors sa validité à la mesure des phénomènes sociaux et singulièrement à l’étude quantifiée et taxinomique des occupations.
10Leur transcription systématique et leur diversification à partir de la fin de l’époque moderne paraissent liées à la conceptualisation même du travail, à la fois parce qu’elles permettent de caractériser et d’identifier les individus tout en les séparant de leur fonction, parce qu’elles expriment le rapport d’une humanité active à un monde matériel, et parce qu’elles mettent en scène la division sociale croissante des tâches. Si l’émergence du travail, comme activité spatialement et temporellement circonscrite, socialement valorisée, matériellement commensurable et susceptible d’être évaluée et échangée à travers un rapport marchand, est indissociable de la mise en œuvre et de la généralisation de l’enregistrement des occupations professionnelles, l’histoire du travail, de son affirmation et de sa distinction dans le champ de l’action, est d’abord celle de la construction lexicale qui le fait exister. Celle-ci constitue un objet historique, non seulement dans les modalités de son élaboration, mais aussi comme construction sémiologique à travers laquelle se noue le rapport des hommes au monde.
11L’analyse des termes des nomenclatures, la comptabilisation de leurs occurrences ainsi que l’interprétation de ces données par la mise en action de nos propres schémas d’organisation peuvent contribuer à une approche renouvelée et historicisée du travail, à l’heure où son universalité peut être mise en cause.
GENRE ET TAXINOMIE SOCIALE À TOULOUSE AVANT ET APRÈS 1789
12Loin de postuler une transparence de la nomenclature par rapport à une réalité sociale immanente dont elle serait une sorte de reflet plus ou moins troublé, il s’agit au contraire de l’interroger, de la confronter à elle-même et d’adopter à son égard une démarche comparative à la fois dans l’espace et dans le temps. Mentions et effectifs professionnels doivent aussi être recoupés à travers différents types de documents et sont à croiser avec les autres éléments répertoriés de définition de l’identité comme la situation familiale, l’onomastique ou le domicile. Enfin l’attention, autant que sur les occurrences majoritaires et les associations évidentes entre les catégories d’acteurs les plus visibles (les hommes, les membres des communautés de métiers) et les types d’activités qui apparaissent comme centrales dans la définition de l’occupation laborieuse (la production d’objets de consommation, la réponse apportée aux besoins considérés comme essentiels), doit se porter sur les positions plus périphériques (les petits métiers, les artistes, les professionnels de la santé), qui impliquent des éléments dont l’appréhension est plus incertaine (les femmes, les jeunes, les indigents) et dont l’enregistrement est moins précis et personnalisé (les domestiques, les employés) ou n’apparaît que de façon indirecte (les ecclésiastiques ou les privilégiés sous l’Ancien Régime).
13Cette approche décalée trouve sa place dans les orientations prises depuis deux décennies par l’historiographie du travail, qui s’est dégagée du primat accordé à la figure de l’ouvrier réalisant un travail à la fois productif, physique et rémunéré. L’histoire ouvrière classique, tout en faisant une place aux salariées, mettait en scène un monde du travail essentiellement masculin, où les femmes ne jouaient qu’un rôle secondaire. L’histoire des femmes, qui a d’ailleurs une parenté avec celle du monde ouvrier, dans la mesure où la construction et le choix de l’objet relèvent ici souvent d’une démarche militante, n’a pas représenté une rupture radicale par rapport à ce point de vue [13]. Le déplacement de l’attention, du centre vers les marges, caractéristique par exemple de l’histoire des minorités, des exclus, des asociaux, a pu aussi d’ailleurs pérenniser l’assignation a priori aux femmes d’une position périphérique dans les activités économiques. La notion d’exclusion n’est en effet féconde qu’à condition de poser la question de sa fonction sociale et de sa contribution à la construction des identités individuelles et collectives [14]. Réciproquement lorsqu’on envisage comment le travail devient un élément central des identités, la question du genre [15], c’est-à-dire de la relation entre figures du féminin et du masculin et rôles sociaux, se pose immédiatement. Car, si l’activité féminine est souvent la condition nécessaire de celle des hommes, elle en délimite également les contours et les normes et définit en creux l’identité masculine. Dans la mesure où le féminin est une catégorie sociale qui se construit à travers les façons dont elle est décrite par les discours [16], la prise en compte ou l’occultation des occupations féminines, les modalités de leur enregistrement, la terminologie qui sert à les caractériser, leur degré de spécificité et de variété apparaissent comme autant de questionnements à poser dans une perspective dynamique pour saisir le rôle du travail dans le changement social.
14En partant du postulat que la naissance du travail moderne transforme les cadres fondamentaux de définition des identités, il s’agit d’observer comment l’évolution de l’appréhension administrative des occupations individuelles rend compte, dans le cas des femmes, de cette transformation. Celle-ci est ici envisagée dans le cadre d’une cité provinciale à travers la mise en parallèle des données issues des rôles fiscaux datant de la fin du règne de Louis XV et de celles provenant des premiers recensements de la Restauration [17]. Les sources disponibles à Toulouse permettent de saisir le passage d’une perception de la population municipale en termes de masse imposable, c’est-à-dire comme ressource, à une approche de type cognitif et statistique qui en fait un objet de connaissance et de contrôle [18]. Les essais de sommation ne sont pas inexistants au XVIIIe siècle, mais ils sont disjoints de l’énumération et de la caractérisation des individus, alors que les deux opérations se cumulent lors des recensements entrepris sous la Révolution et systématisés sous la Restauration [19]. Réciproquement, avec la patente, la nouvelle fiscalité a des ambitions d’exhaustivité et de rentabilité qui portent la trace des anciens modes de prélèvement mais qui sont rendues inefficientes par l’élargissement des marges de l’action individuelle [20]. En revanche l’élaboration des rôles de capitation comme la réalisation des recensements locaux, outre qu’elles sont impulsées par le pouvoir étatique, constituent des opérations annuelles visant à cerner la totalité des contribuables ou des habitants dans son actualité et à en caractériser les éléments à la fois par l’anthroponymie et par la position sociale [21]. Par ailleurs les données spatiales élémentaires des recensements, si elles se surimposent à celles de l’ancienne organisation urbaine, ne les effacent pas, tandis que certaines modalités d’encadrement des habitants persistent (tableau 1) [22].
LA PLACE DE LA PRODUCTION
LA PLACE DE LA PRODUCTION
15Le premier constat qui s’impose est que la primauté que les inventeurs de l’économie politique accordaient à la production ne s’appliquait nullement aux réalités urbaines contemporaines, alors qu’a posteriori la ville fait figure de foyer d’innovation. Sur la petite cinquantaine de milliers d’habitants que comptait Toulouse vers 1770, parmi lesquels seuls treize mille peuvent être appréhendés dans leur état social à partir des sources fiscales, un dixième étaient mobilisés par l’exploitation de la terre et un gros quart se vouaient aux activités de transformation (tableau 1). Un demi-siècle plus tard, pour une population qui a légèrement progressé, l’économie productive urbaine représente près d’un tiers de l’activité, mais en valeur absolue, et plus encore relative, la progression de l’échange et du service marchand l’emporte largement. Cette marginalité de la production nous rappelle que la ville est d’abord le lieu de concentration des pouvoirs et des richesses, symboliques et matériels.
LA DOMESTIQUE, PERSONNAGE CENTRAL DU « MONDE DU TRAVAIL » URBAIN.
16C’est bien pourquoi la domesticité est une réalité massive pour le peuple urbain aux XVIIIe et XIXe siècles, largement supérieure à Toulouse sous l’Ancien Régime à celle d’un salariat aux contours mal définis et encore très consistante sous la Restauration. Son omniprésence soulève deux questions, celle de sa définition par rapport à la notion de travail d’une part et celle d’autre part des acteurs qu’elle met en jeu [23]. Sur le second point, elle s’impose en effet comme la principale forme d’activité féminine reconnue et enregistrée et constitue donc l’ouverture la plus directe pour envisager la transformation du genre par le travail.
GENRE ET PLACE DE LA DOMESTICITÉ
GENRE ET PLACE DE LA DOMESTICITÉ
17Dans une optique où la démographie rurale paraît s’imposer à la sociologie urbaine, on a eu souvent tendance à envisager le travail à travers le prisme du foyer, alors que sa conception historicisée amène au contraire à être attentif au processus d’individualisation et aux modalités spécifiques de la vie citadine. Que près des deux tiers des domestiques aient été des femmes, généralement célibataires, ne retire rien au fait que le service domestique était à Toulouse et sans doute dans beaucoup de villes la forme la plus commune d’activité contrainte, dépendante et mettant en jeu des acteurs interchangeables d’un niveau socio-économique peu élevé, c’est-à-dire comportant d’assez nombreux points communs avec le travail moderne [24]. Pour les femmes du peuple, la domesticité, qui était une condition souvent temporaire, se présentait comme la voie tracée de l’insertion sociale en milieu urbain et constituait un moment d’expérience propre distincte de celle vécue dans la parenté [25].
18Au-delà de l’indéniable prépondérance féminine, la condition domestique caractérisait quand même à Toulouse vers 1770 plus de 1500 hommes et constituait aussi pour le genre masculin une réalité massive dans la sphère de la dépendance. Au sein de cette dernière, distinguer les frontières de la domesticité par rapport à l’emploi salarié naissant suppose de mettre en action au moins trois critères, les tâches, les récompenses et la relation. La dépendance dans sa version non domestique met généralement en jeu, en ville, une compétence spécifique (mais la spécialisation caractérise aussi un certain nombre de serviteurs)
19et surtout reliée et intégrée à l’occupation professionnelle de l’employeur, c’est-à-dire tournée vers l’extérieur. En second lieu le domestique trouve dans le pain et le gîte la première raison de son service, la gratification monétaire apparaissant presque supplémentaire et n’étant versée qu’à terme annuel. Car les gages, qui apparaissent comme le prix de la fidélité et du dévouement, constituent surtout une garantie pour le maître et résultent de l’engagement du serviteur [26] à travers une relation qui conserve un caractère personnel fort, alors que l’intimité entre maîtres et compagnons semble avoir été assez largement fictive [27]. Le partage numérique n’en reste pas moins problématique : ainsi, à côté de la multitude des « brassiers » résidant dans le gardiage de la ville, les « valets » de ferme étaient près de cent cinquante et plusieurs dizaines de « pâtres » et autres « bergers » ou d’estachants étaient également attachés à un domaine, tandis que les aubergistes et loueurs de chevaux, appelés affeneurs ou fenassiers, avaient aussi à leurs ordres des « valets » pour nourrir et soigner les chevaux [28].
20Même si l’on admet la possibilité de distinguer deux versions de la dépendance, il apparaît que les occurrences masculines correspondant à la domesticité ne sont finalement pas beaucoup moins nombreuses à Toulouse vers 1770 que celles qui dessinent les contours d’un salariat urbain en cours de constitution (tableau3). L’autonomie restait au demeurant très relative pour les garçons toulousains, dont seule une moitié avaient leur propre domicile, sans doute essentiellement ceux qui étaient mariés. Les autres étaient répertoriés et imposés auprès de leur patron qui, selon toutes probabilités, les hébergeait et s’acquittait lui-même du prélèvement leur correspondant [29]. Ainsi, les modalités d’enregistrement permettent de saisir l’ambiguïté de l’état de compagnon et de comprendre la tension que pouvait susciter chez les salariés un modèle de subordination qu’ils supportaient semble-t-il assez mal au XVIIIe siècle [30].
LES FORMES DE LA DÉPENDANCE DANS LA CAPITATION ( VERS 1770)
LES FORMES DE LA DÉPENDANCE DANS LA CAPITATION ( VERS 1770)
21Un demi-siècle plus tard, le recensement municipal de 1821 révèle deux évolutions majeures dans le monde des serviteurs : une forte contraction d’abord, puisque pour une population accrue de quelques milliers d’habitants par rapport à 1770, l’ancienne capitale languedocienne compte 1350 domestiques de moins;
22en second lieu, une sensible féminisation, qui s’était déjà amorcée au cours du XVIIIe siècle, mais qui a été accélérée par la Révolution [31]. Celle-ci a provoqué l’amoindrissement des élites traditionnelles et le recul d’un mode de vie aristocratique où l’apparat tenait un grand rôle et passait par la prise à gages de serviteurs mâles. L’effondrement du personnel masculin correspond essentiellement à la disparition de certains termes comme « valet » et « laquais », dont les occurrences se comptaient jadis par centaines, ou encore « maître d’hôtel » [32]. Le recul des « cochers » et surtout l’extinction des « porteurs » de chaises ou de litières que les grandes maisons nobiliaires avaient à leur service sous l’Ancien Régime illustrent encore plus concrètement la transformation des modes de vie et des façons dont l’espace urbain était investi par les élites [33]. Les contemporains de la Restauration étaient conscients de cet effacement d’une société, jadis dominée par l’aristocratie parlementaire et au sein de laquelle les relations de maîtres à serviteurs tenaient un rôle essentiel, tant dans la façon dont chacun était identifié et se percevait lui-même que dans le rapport à l’univers matériel qui, pour la frange supérieure de la population, passait par les services d’un personnel spécialisé [34].
23Mais si le service domestique masculin a diminué sous l’effet d’une contraction de la demande, il a aussi été réduit du fait de la disparition des contraintes inhérentes au régime corporatif et de l’ouverture d’opportunités nouvelles d’insertion dans le circuit de l’économie marchande [35]. Si l’on ajoute que la disparition de la hiérarchie corporative met à mal un modèle de subordination qui rejoignait à certains égards la condition domestique, on saisit que cette dernière devient de plus en plus le propre du féminin et que par la même occasion l’activité des hommes prend une nouvelle valeur et redéfinit l’identité masculine.
24Car, au-delà de la situation particulière de métropole judiciaire et de foyer aristocratique qui caractérisait Toulouse sous l’Ancien Régime, et dont la modification induit le creusement d’un dénivelé au début du XIXe siècle en ce qui concerne le volume de l’emploi domestique, la prise à gages de personnel n’avait rien d’une pratique élitaire. Une très forte minorité de foyers parvenaient à se décharger de l’essentiel des tâches matérielles quotidiennes sur un serviteur, le plus souvent une « servante », terme dont la fréquence est de loin la plus élevée dans les rôles de capitation [36]. Or le système de relations et le mode de vie des catégories intermédiaires ne paraissent pas enregistrer de changements spectaculaires. Parmi les inflexions les plus significatives, outre la réduction d’environ un cinquième des effectifs de la domesticité féminine, le passage de la « servante » à la « fille de service » traduit cependant une évolution du rapport de maître à serviteur, qui semble devenir plus lâche, plus impersonnel. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une simple substitution d’un terme à un autre, puisque les « servantes » sont encore plusieurs centaines mais plutôt d’une différenciation [37]. Le placement des unes et des autres paraît en tout cas avoir eu une durée souvent limitée puisque plus de 94 % d’entre elles étaient célibataires (2127 occurrences). Un observateur de l’époque fait remarquer que « si les gages sont déterminés à l’année, l’engagement peut être rompu à tout moment », ce qui signifie une sorte de glissement vers une relation de type salarial, aux termes de laquelle l’emploi domestique se définit plus par l’accomplissement des tâches que par le service du maître [38]. Dans les foyers qui bénéficient d’une bonne aisance, des critères de compétence prennent de l’importance dans le recrutement de la domesticité féminine. La multiplication des « cuisinières », alors que le nombre de leurs homologues masculins s’est simplement maintenu et que d’autres fonctions spécialisées liées au service de table ont disparu, exprime l’affirmation du confort, qui prend le pas sur l’apparence. Au total, l’évolution de la terminologie, la diversification des fonctions et la distension du rapport au maître s’inscrivent dans une sorte de professionnalisation des femmes domestiques, qui accompagne le basculement de la domesticité du côté du féminin.
L’ISOLEMENT ET LA VIDUITÉ, PRIX DE LA RECONNAISSANCE DANS LE MONDE DES MÉTIERS ?
25Les dynamiques qui traversent la condition domestique entre Lumières et monarchie censitaire conduisent à s’interroger sur la réalité des occupations, les modalités de leur prise en compte et les façons de les considérer et posent d’une façon plus générale la question de la relation des femmes au travail. Hormis la domesticité, les rôles de capitation ne contiennent pratiquement pas de cote féminine, en dehors des cas où le chef de foyer était une femme.À l’époque où le travail est isolé par les économistes comme valeur quantifiable au sein des pratiques des acteurs sociaux, la difficulté d’appréhension de l’implication féminine dans le champ de l’économie montre d’abord que le concept d’occupation individuelle ne représente pas nécessairement une réalité tangible aux yeux des administrateurs et des populations [39]. Mais, plus peut-être qu’un déni d’autonomie spécifiquement adressé aux femmes, cette difficulté exprime une conception communautaire de la société qui est inhérente à la source même (tableau 4).
LES CONTRIBUABLES FÉMININS DE LA DAURADE - CITÉ, CAPITATION DE 1773
LES CONTRIBUABLES FÉMININS DE LA DAURADE - CITÉ, CAPITATION DE 1773
26L’occultation recouvre à la fois la participation directe des femmes à l’activité professionnelle des chefs de foyer, leur intervention à la périphérie de l’acte professionnel reconnu, notamment au niveau des rapports avec la clientèle ou la main-d’œuvre, et l’accomplissement des tâches du ménage au bénéfice de tous les membres du foyer, y compris les employés hébergés [40]. En revanche, pour les foyers féminins isolés, les moyens d’existence ne passaient ni par la médiation masculine ni par celle d’un maître et pour la moitié de ceux-ci, c’était une activité autonome qui assurait leur subsistance [41]. Dans la partie proprement urbaine de la cité, ce travail féminin autonome représentait nettement plus d’un dixième de l’ensemble des occurrences d’occupations non domestiques [42].
27Celles-ci, en ce qui concerne les femmes, mettent en jeu la commercialisation et les services plus que la production ou la fabrication. Au sein même du commerce, alors que les marchandes sont nettement moins nombreuses que leurs collègues masculins et occupent les échelons inférieurs de la marchandise dans la hiérarchie corporative et économique, le monde de la revente fait en quelque sorte figure de spécialité féminine [43]. Mais à côté de l’échange de biens matériels, l’activité des femmes consistait également en services, qui étaient souvent des attributs du genre féminin et dont la mise en œuvre permettait de satisfaire des besoins sociaux fondamentaux. Ainsi, la blanchisserie assurait une fonction essentielle dans le rapport au corps et dans sa présentation sociale à une époque où la blancheur du linge était plus que l’hygiène le critère de la propreté et de la qualité [44]. Le ravaudage des vêtements, notamment celui des bas, opération socialement beaucoup plus répandue mais moins quotidienne, offrait d’autres opportunités de revenus aux femmes. Toutefois, si l’on envisage les pratiques matérielles dans leur globalité, il ne fait guère de doute que dans un cas comme dans l’autre l’essentiel s’effectuait hors de la sphère professionnelle.
28Au total, les cotes fiscales féminines mettent en évidence un moindre niveau socio-économique par rapport aux occurrences masculines, mais dans la mesure où l’on ne peut distinguer les maris des veufs et des célibataires et où, dans le cas des premiers, l’épouse contribuait largement à l’activité et donc au revenu imposable du ménage ainsi qu’à ses dépenses, il faut peut-être nuancer l’image de pauvreté attachée aux femmes isolées.
29Cette infortune relative résulte aussi de la marginalité des femmes dans les métiers qui contrôlaient la fabrication des objets de consommation.À Paris, Clare Crowston a mis en lumière les enjeux de la revendication des couturières, constituées en corps depuis la fin du XVIIe siècle, de se réserver la réalisation des vêtements féminins et de distinguer leur travail de celui des tailleurs et surtout des parentes de ces derniers (épouses, filles, mais aussi veuves) [45]. Mais Toulouse ne fait pas partie de la quinzaine de cités où les couturières avaient obtenu une reconnaissance corporative [46]. La disproportion entre leur effectif (97) et celui des tailleurs (208, plus 125 « garçons ») laisse penser que le costume féminin n’était pas étranger aux seconds, alors que la partition sexuée des producteurs et des produits semble avoir été plus nette dans l’autre sens, si l’on considère que la spécification (« pour femmes et enfants ») dans un des trois cas rencontrés est significative [47].
30L’insertion des femmes dans les corporations se manifeste cependant dans le cas des veuves, qui sont presque toujours évoquées dans les statuts et règlements [48].
31Dans de nombreux métiers, elles conservaient le privilège de continuer à exercer, à condition d’avoir à leur service un compagnon ayant la qualification reconnue pour poursuivre l’activité, assortie dans certains cas d’une priorité pour en embaucher un [49]. Mais cette obligation n’était pas systématique et ne s’appliquait pas par exemple dans la corporation des pâtissiers. Cependant, la compétence, qui semble dans la plupart des métiers avoir été reconnue à la veuve pour continuer à exercer, était conditionnée au fait de ne pas se remettre en ménage et n’était effective qu’en l’absence d’enfant mâle. Dans le cas contraire, la veuve n’était pas admise à exercer en son nom propre, le droit de tenir boutique étant réservé à un des fils du maître défunt, même s’il était représenté par sa mère jusqu’à ce qu’il ait l’âge de faire son chef-d’œuvre et d’intégrer définitivement la communauté [50]. Le droit de garder boutique ouverte en faisant travailler un ouvrier qualifié n’était d’ailleurs pas reconnu dans tous les métiers, notamment si la veuve n’avait pas d’enfant, comme les statuts des fondeurs l’indiquent [51]. Cette disposition avait sans doute une vocation charitable à l’égard des mères chargées de famille, en même temps qu’elle impliquait la reconnaissance d’un droit à la succession pour un des fils du maître, mais elle révèle aussi l’exclusion des femmes dans un métier pour lequel on ne leur reconnaissait pas de qualification possible.
32Le veuvage n’était donc pas nécessairement la clé de l’autonomie, mais son rôle n’en était pas moins important dans le rapport du féminin au travail. Dans les registres de l’impôt personnel, l’état de viduité représente au minimum un septième de l’ensemble des contribuables isolées et environ un quinzième du total des occupations déclarées [52]. Les listes de membres des corps établies pour le vingtième d’industrie confirment que les veuves s’inséraient dans l’horizon quotidien des artisans et participaient à leurs fonctions économiques à défaut de pouvoir prendre part activement à la vie communautaire [53]. Il en va de même des enquêtes diligentées par l’intendant pour connaître la situation des corporations ou des archives corporatives dans lesquelles les veuves apparaissent au détour de l’établissement d’une liste pour la perception des droits de frairie ou d’un catalogue des maîtres reçus [54]. Chez les boulangers, la particularité est que parmi les 129 individus mentionnés,2 femmes figurent sans indication de leur viduité en plus des 4 veuves caractérisées comme telles [55]. Si l’on considère par ailleurs les 12 boulangères enregistrées au titre de la capitation, cela laisse supposer des possibilités d’admission pour les femmes [56]. En règle générale, les statuts des corps de métiers ne font pas état d’une telle disposition, mais cela ne permet pas d’affirmer que les femmes étaient a priori exclues du recrutement ordinaire.
33Réciproquement, le fait qu’assez souvent, plusieurs articles se réfèrent aux « maîtresses » concurremment aux maîtres, n’implique pas non plus le contraire, car ces occurrences peuvent désigner simplement les veuves autorisées à continuer l’activité. Ces mentions apparaissent généralement à propos des obligations charitables, notamment celles liées aux enterrements des membres de la communauté, à laquelle, non seulement les veuves, mais sans doute également les épouses appartenaient par l’intermédiaire de leur mari ou, du moins, à l’assistance de laquelle elles avaient droit de bénéficier [57]. Ces indications fragmentaires semblent donc plutôt confirmer ce qui apparaît à la consultation des registres de capitation :l’insertion des femmes dans la sphère du travail réglé restait marginale et passait pour l’essentiel par le canal du veuvage.
L’AUTONOMIE DU TRAVAIL FÉMININ SOUS L’ANCIEN RÉGIME
34Cette assertion, valable pour les métiers de l’artisanat, semble moins juste en ce qui concerne le commerce et les services. Certes, parmi les « particuliers n’appartenant à aucun corps » soumis au vingtième d’industrie, les femmes ne représentent guère que 15 % [58]. Mais le pôle d’attraction de l’activité féminine était en fait le corps du « petit commerce » qui pouvait compter jusqu’à un millier de membres, dont la moitié ou presque étaient des femmes (tableau 5). Le plus remarquable est qu’une partie d’entre elles étaient mariées et si en ce dernier cas, minoritaire au demeurant, le vingtième pesait sur le mari autant que sur l’épouse, l’occupation apparaît propre à cette dernière, celle de l’homme étant d’ailleurs souvent mentionnée [59]. Ainsi, plus d’une centaine de femmes mariées exerçaient une activité indépendante de celle de leur époux, et dans le secteur du commerce de détail, l’activité féminine n’était sans doute guère inférieure à celle des hommes [60]. Le travail féminin autonome ne concernait donc pas que les célibataires, les veuves et plus généralement les femmes isolées, mais aussi des épouses et des femmes intégrées à un foyer ayant un homme à sa tête.
35Dans la majorité des ménages complets, la femme n’avait certes pas d’activité professionnelle reconnue, mais les registres du petit commerce nous permettent de considérer que cette situation n’était nullement une règle.
LA PLACE DES FEMMES DANS LE MONDE DU COMMERCE SOUS L’ANCIEN RÉGIME
LA PLACE DES FEMMES DANS LE MONDE DU COMMERCE SOUS L’ANCIEN RÉGIME
36Ces mêmes documents montrent également que la pluriactivité des cellules familiales était fréquente, non seulement d’ailleurs du fait de l’activité autonome des épouses, mais également parce que certains hommes avaient une double profession, alors même que ce cas ne correspond qu’à de très rares occurrences dans la capitation [61]. En général, les métiers structurés en corps et donc déjà imposés à part ne sont pas ici en jeu : cartiers et radeliers sont aussi définis respectivement comme marchands de papier et comme marchands de bois, mais aucune de ces deux professions ne donnait lieu à une communauté professionnelle organisée [62]. En revanche, les épouses se livrant à un petit commerce pouvaient fort bien être mariées à un homme de métier inséré dans une corporation. Cela n’empêchait pas d’ailleurs une complémentarité entre les activités des conjoints, comme on l’observe par exemple pour les vendeuses d’amidon mariées à des perruquiers. Ce type d’association professionnelle restait cependant l’exception et dans la majorité des cas, il s’agissait de deux activités étrangères l’une à l’autre [63]. C’est même sans doute la disparité entre les deux professions qui aurait été la règle :le cas des métiers du bâtiment indique que lorsque le travail masculin ne nécessitait pas l’usage d’un local, notamment pour la réception de la clientèle, le ménage pouvait disposer de son logement comme espace professionnel pour l’activité commerciale de l’épouse, pendant que le mari était occupé à l’extérieur [64]. Une telle configuration s’applique également à des « garçons » employés dans l’artisanat, à des portefaix, des colporteurs et même à certains domestiques. Sa relative fréquence conduit à s’interroger sur la représentativité de la grosse centaine d’occurrences d’épouses relevées dans le registre. On peut en effet faire l’hypothèse que l’absence d’un fonds au nom du mari ait été en définitive le principal déterminant de l’inscription de sa femme dans le registre du petit commerce et que, dans le cas contraire, l’activité féminine se soit trouvée le plus souvent occultée. Mais, outre que des exemples contredisent ce modèle, la surveillance qu’exerçaient entre eux les membres des corporations et leur vigilance pour dénoncer les pratiques de ce type rejetaient ces dernières dans l’illégalité ou du moins dans le domaine de l’infra-légal.
37Une autre source nominative achève de saper le modèle traditionnel de la marginalité des femmes dans l’économie urbaine, en faisant apparaître que la sphère du travail réglementé n’était pas non plus interdite aux femmes, et singulièrement aux épouses, et que l’isolement n’était donc pas une condition indispensable de l’intégration et de la reconnaissance. Les« proxénètes », c’est-à-dire des revendeuses, essentiellement d’habits d’occasion, formaient une profession organisée ayant un syndic à sa tête et dans laquelle on était admis après avoir prêté serment devant un capitoul [65]. Or, le livre sur lequel les admissions ont été consignées de 1756 à 1790 montre que près des deux tiers d’entre elles étaient des femmes mariées (tableau 6) [66]. Les professions des maris, qui sont mentionnées dans la moitié des cas, permettent de constater, là aussi, une disparité entre les occupations des époux, mais indiquent que le niveau social des ménages était en moyenne moindre que dans le corps du petit commerce [67]. En revanche, la place des veuves y était plus importante, soit un septième des occurrences féminines au lieu d’un dixième chez les petites marchandes.
LES PRESTATIONS DE SERMENT DES PROXÉNÈTES ( REVENDEUSES D’HABITS )
LES PRESTATIONS DE SERMENT DES PROXÉNÈTES ( REVENDEUSES D’HABITS )
38Une corrélation semble donc se dégager pour les veuves entre l’exercice d’une activité et la faiblesse du niveau socio-économique et, dans une certaine mesure, le veuvage apparaît comme un déterminant de l’implication professionnelle des femmes [68]. Enfin, le document confirme que la séparation sexuée des activités et des tâches n’allait pas de soi, puisqu’à partir de 1770 des hommes viennent prêter serment pour exercer une profession qui était jusqu’alors exclusivement féminine et dont le syndic était une femme. Il est vrai que la fripe fait ici figure singulière puisqu’un tarif des droits de réception de 1740 mentionne deux communautés, dont une féminine, plus spécialement attachée à la revente de hardes [69]. Si, en dehors du canal du veuvage, des femmes pouvaient être intégrées à une communauté professionnelle très majoritairement masculine, comme semble l’indiquer le cas des boulangers, la réciproque semble donc pouvoir aussi se vérifier [70]. Malgré son caractère exceptionnel, ce cas de figure met en évidence les limites du modèle classiquement décrit de l’incompatibilité entre les sexes dans les tâches et les fonctions.
LES NOUVEAUX CONTOURS DE L’ACTIVITÉ FÉMININE APRÈS LA RÉVOLUTION
39La visibilité des femmes peut être jugée a priori meilleure dans le recensement de 1821 que dans les sources fiscales ou corporatives d’Ancien Régime.
CONTRIBUABLES INOCCUPÉS ET PROPRIÉTAIRES
CONTRIBUABLES INOCCUPÉS ET PROPRIÉTAIRES
40En ce qui concerne la capitation, les épouses ou les filles célibataires demeurant dans la maison familiale ou encore les veuves hébergées par leurs enfants, voire les parentes plus éloignées recueillies n’étaient pas amenées, on l’a vu, à déclarer leur activité propre quand elles en avaient une, et n’y avaient évidemment pas intérêt [71]. Le vingtième d’industrie, s’il permet de faire apparaître les lacunes de l’impôt dit personnel, met surtout en jeu une autre logique, celle d’un prélèvement sur l’activité, celle-ci se trouvant détachée de son milieu et par la même occasion porteuse d’autonomie pour les femmes, surtout les épouses, ainsi qu’on l’a vu dans le cas des commerçantes. La mention « ménagère » qui correspond sur le recensement à des femmes mariées rend compte de la trajectoire ascendante de l’occupation dans l’identification des individus tout en exprimant la dépendance de l’épouse et son assignation aux affaires domestiques. L’individuation et l’identité occupationnelle se manifestent également à travers la caractérisation des rentiers comme « propriétaires » dans une proportion assez sensiblement supérieure à celle des foyers ne correspondant à aucune occupation déclarés dans les registres de capitation (tableaux 7 et 8) [72].
41Si l’on superpose ces deux ensembles, la part des femmes se réduit sensiblement et surtout la vie rentière semble être pour l’essentiel l’apanage des veuves, ce qui n’était pas le cas chez les contribuables inoccupées sous l’Ancien Régime. Certes, ces dernières étaient souvent très peu imposées, mais le terme « propriétaire » utilisé dans le recensement n’est pas beaucoup plus significatif si l’on considère que seule une minorité d’entre eux avaient du personnel, particulièrement en ce qui concerne les femmes (tableau 9). À cinquante ans de distance, l’absence d’occupation ou d’état demeure une condition partagée par différents types d’acteurs sociaux et chez les femmes, singulièrement les veuves, elle n’est nullement synonyme de richesse, ni même d’aisance [73]. Par ailleurs, en dehors du veuvage, la marge d’autonomie semble plutôt se réduire pour les femmes sans occupation professionnelle, du fait du recul de l’aristocratie à la fois au plan démographique et comme système de valeurs, mais aussi à cause du changement de régime juridique de la propriété.
LES CONTRIBUABLES INOCCUPÉS DANS LA CAPITATION ( VERS 1770)
LES CONTRIBUABLES INOCCUPÉS DANS LA CAPITATION ( VERS 1770)
LES PROPRIÉTAIRES ET LEURS SERVITEURS DE L’ARRONDISSEMENT
LES PROPRIÉTAIRES ET LEURS SERVITEURS DE L’ARRONDISSEMENT
42La mesure de l’activité féminine – dans l’acception du terme qui est la nôtre – met en évidence une disparité en partie factice entre les deux sources, du fait du recensement de près de 300 religieuses, alors que celles-ci, qui étaient encore bien plus nombreuses à la fin de l’Ancien Régime, n’étaient pas enregistrées dans les rôles de capitation (tableau 10) [74]. Cette observation fait toucher du doigt l’effondrement d’un idéal de vie communautaire qui accompagne la sécularisation du clergé et son intégration à la société civile. La dissolution des ordres conventuels et la réaffectation ou la destruction des bâtiments qui les avaient abrités ont modifié l’image et la place des femmes dans la société et dans l’espace citadins, car le nombre même des religieuses recensées, singulièrement de celles qui déclarent l’avoir été [75], est l’empreinte d’une situation où le service divin était, après celui des particuliers, la fonction sociale qui impliquait le plus de femmes.
LA PLACE DES RELIGIEUSES
LA PLACE DES RELIGIEUSES
43La fermeture de la filière religieuse, la disparition de plusieurs dizaines de lieux de vie communautaire plus ou moins exclusivement féminins, et la dispersion ou l’extinction de leur population ont d’une certaine façon diminué l’espace d’expression et d’autonomie du féminin, ainsi que le champ d’influence des femmes. Il est vrai que la vocation religieuse, outre le fait qu’elle était fréquemment imposée, ne se traduisait pas toujours par l’exercice d’une fonction sociale autre que celles de la prière et du service de Dieu. Elle impliquait assez souvent l’intégration dans une communauté fermée sur elle-même, en dehors de laquelle la religieuse n’avait aucun statut et au sein de laquelle son autonomie pouvait être très réduite. Pourtant, ce cas de figure n’était pas général et beaucoup des membres des couvents féminins avaient des liens avec l’extérieur, à travers l’assistance aux pauvres et aux malades, l’éducation et l’enseignement, ou du moins l’édification des jeunes filles. Par ailleurs, l’entrée en religion, parce qu’elle ne concernait pas que des natives de la ville, contribuait au même titre que l’engagement domestique à la féminisation de la cité et aux représentations du genre qui se formaient dans l’esprit des contemporains [76].
STRUCTURE COMPARÉE DES POPULATIONS FÉMININE ET MASCULINE DANS LE RECENSEMENT
STRUCTURE COMPARÉE DES POPULATIONS FÉMININE ET MASCULINE DANS LE RECENSEMENT
44Les questions de la rente et de la vie religieuse mettent en évidence le changement des schèmes organisateurs de la société mais permettent aussi de le considérer dans sa juste mesure. Ce n’est pas tant le franchissement d’un seuil dans le nombre des femmes occupées à une activité autonome qui s’observe, que le déplacement et la reconfiguration de cette dernière. Alors que la profession s’impose devant la vocation, la propriété d’un bien devant la rente et l’identité individuelle devant l’appartenance communautaire, l’occupation professionnelle autonome féminine reste une expérience minoritaire dans la mesure où elle ne concerne toujours qu’une petite fraction des épouses (tableau 11). En revanche, cette expérience concerne près d’un tiers des veuves et est sans doute majoritaire chez les jeunes femmes adultes. C’est d’ailleurs le volume de la domesticité féminine, incarnée dans sa version inférieure par la « fille de service » qui explique dans une large mesure l’importance du décalage quantitatif entre les sexes chez les célibataires et plus globalement la surreprésentation du sexe féminin à Toulouse. Certes, la différence démographique qui existe à la naissance se manifeste aussi, pour des raisons qui ne sont plus seulement biologiques mais aussi sociales, à la fin de la vie, puisque le veuvage correspond aux deux-tiers à des femmes. Mais l’importance de l’écart entre les sexes chez les célibataires [77] signifie très probablement que l’immigration de jeunes rurales s’engageant au service des foyers des catégories urbaines moyennes et supérieures dépassait celle de leurs homologues de sexe masculin venus chercher un emploi dans la métropole régionale. Il n’y a pas là de nouveauté remarquable, car si les domestiques sont désormais surtout de sexe féminin, en valeur absolue la domesticité féminine a régressé d’un demi-millier d’éléments(cf.supra, tableau 2).
UNE IMPLICATION RENFORCÉE DES FEMMES DANS L’ÉCONOMIE MARCHANDE ?
45La vraie transformation du point de vue des femmes, c’est que leur place dans la sphère professionnelle en dehors de la domesticité s’accroît considérablement et que le service domestique, alors même qu’il tend à devenir une spécialité féminine, cesse d’occuper une place prépondérante dans leur insertion professionnelle. Cette implication renforcée répercute celle des domaines où leur position était déjà forte, au moins au plan quantitatif (tableaux 12 et 13).
DOMESTICITÉ ET INSERTION PROFESSIONNELLE DES FEMMES
DOMESTICITÉ ET INSERTION PROFESSIONNELLE DES FEMMES
46Ainsi dans le monde de la revente, qui regroupe trois fois et demie plus de protagonistes que sous Louis XV, les femmes continuent à représenter près des neuf dixièmes de l’effectif. Mais si le travail féminin bénéficie pleinement du développement du monde des petits intermédiaires commerciaux, les étages supérieurs de l’échange lui restent largement fermés. Par ailleurs, la progression des femmes dans le commerce qu’exprime le recensement par rapport à la capitation, ne fait que recouvrir l’enregistrement de l’activité des femmes mariées [78]. Si l’on prend en considération sous l’Ancien Régime l’activité de la grosse centaine d’épouses répertoriées dans les registres du petit commerce, les progrès de l’activité féminine dans le commerce reflètent en définitive ceux d’un monde marchand qui restait aux deux-tiers masculin et globalement dominé par les hommes.
LES FEMMES DANS LA VENTE ET LE COMMERCE
LES FEMMES DANS LA VENTE ET LE COMMERCE
47Pour autant, l’essor du travail des femmes ne tient pas uniquement au différentiel de croissance des secteurs d’activité. Ainsi le travail agricole féminin, pratiquement absent dans la capitation, implique plusieurs centaines de femmes recensées. Pour l’essentiel, il s’agit de simples « journalières », « brassières » ou « manouvrières » dans une population agricole elle-même en forte expansion et au sein de laquelle les liens entre dépendants et propriétaires se sont distendus avec l’effacement de la domesticité rurale derrière une sorte de prolétariat. Le nombre extrêmement réduit des travailleuses agricoles enregistrées sous l’Ancien Régime paraît indiquer qu’elles n’étaient pas en mesure de vivre de façon autonome et que le travail agricole journalier n’assurait de revenus suffisants que dans le cadre d’une cellule familiale composée de plusieurs membres, dont au moins un homme. Au sein des journalières recensées, la distribution des occurrences entre les veuves, relativement nombreuses, et les épouses et les célibataires, moins bien représentées (respectivement 130,70 et 80), laisse penser que d’autres activités étaient privilégiées par les femmes dans le cadre des unités domestiques complètes et renvoie à l’engagement massif des jeunes filles comme domestiques. D’une façon générale, le niveau socio-éco-nomique constitue une limite à la visibilité du travail féminin dans la capitation.
48L’apparition d’une trentaine d’« ouvrières » dans le recensement, alors même que la forme masculine du terme, désormais courante, était déjà usitée dans les archives antérieures à la Révolution, pourrait l’illustrer. Toutefois, d’autres occupations, qu’on peut considérer comme aussi peu profitables, comme celles de « fileuse » ou « dévideuse », figurent dans les rôles de la capitation et ne progressent que dans des proportions restreintes [79]. Dans une certaine mesure, la spécialisation ainsi que le niveau de revenu et la capacité d’autonomie qui en dérive sont générateurs d’une identité professionnelle chez les femmes.
49Réciproquement, l’absence de spécialisation, d’où découlent aussi une moindre spécificité en termes de genre, un caractère temporaire de l’activité et la faiblesse des ressources qui en sont tirées, empêche la formulation des occupations individuelles dans les cas où celle-ci aurait lieu d’être.
50Ainsi, aux étages les plus bas de la hiérarchie socio-économique, la mise en parallèle du recensement et des registres fiscaux d’Ancien Régime nous renvoie au problème de la prise en compte du travail féminin et de sa visibilité. En revanche, au niveau du monde des métiers, cette confrontation permet d’envisager dans quelle mesure la possibilité s’est offerte aux femmes après la Révolution de pénétrer des professions qui étaient presque exclusivement masculines à l’époque corporative. Or, de façon globale, l’artisanat conserve un taux de féminité extrêmement bas, y compris dans le secteur vestimentaire.
LES FEMMES DANS LA COUTURE ET LA BLANCHISSERIE
LES FEMMES DANS LA COUTURE ET LA BLANCHISSERIE
51Certes, les « tailleuses » sont bien plus nombreuses qu’auparavant, mais c’est hors de la sphère des anciennes corporations que l’on assiste à une véritable explosion de l’activité féminine, et plus particulièrement dans le monde de la couture, qui en passant d’une centaine à près de neuf cents protagonistes, reste celui des femmes (tableau 14) [80]. Mais la « couturière » ne serait-elle pas le cas de figure de la ménagère dont l’activité professionnelle ne procure qu’un revenu d’appoint au foyer et dont l’occupation est occultée dans la capitation alors qu’elle est dévoilée dans un enregistrement à caractère démographique ? Cependant, outre le nombre déjà important des occurrences dans la capitation, il apparaît que les couturières recensées sous la Restauration ne sont que très minoritairement mariées. Ainsi, même si la couture pratiquée par les femmes ou les filles de tailleurs n’est pas visible à travers la fiscalité d’Ancien Régime, la croissance de l’activité dans l’économie urbaine reflète sa professionnalisation, son insertion dans le domaine commercial, son autonomisation et son affichage public. Avec une couturière pour 60 habitants et pour 19 actifs occupés comme pour 19femmes adultes, c’est de loin la qualification la plus répandue, si l’on excepte celle de « fille de service ». Cette progression interroge par ailleurs sur la frontière entre exercice indépendant et emploi subordonné, car, avec le développement des modistes et la mise en place de véritables ateliers de couture, toutes ces manieuses d’aiguilles ne sont probablement pas, ou du moins pas seulement, en commerce direct avec la clientèle finale. Les métiers vestimentaires les plus reconnus et autrefois organisés – tailleurs, fripiers, rhabilleurs, jadis chaussetiers ?, sous-traitent de l’ouvrage à cette masse profuse de travailleuses dont la plupart n’ont certainement pas de pasdeporte et le font d’autant plus couramment désormais qu’aucune pression corporative ne s’exerce sur eux, du moins de façon institutionnelle.
LA PLACE DES FEMMES DANS LE SECTEUR VESTIMENTAIRE ( HORS TRAVAIL DU CUIR )
LA PLACE DES FEMMES DANS LE SECTEUR VESTIMENTAIRE ( HORS TRAVAIL DU CUIR )
52Derrière cette prolifération se cache aussi l’affirmation des toilettes féminines aux dépens d’un costume masculin qui, avec la Révolution, perd progressivement en diversité et en fantaisie, car la partition sexuée de la consommation vestimentaire recoupe en partie celle de la production [81]. Alors que les modalités techniques de production n’ont encore réellement évolué qu’en amont de la filière, l’explosion de la consommation et le dépassement des règles morales et sociales qui la freinaient permettent à l’économie vestimentaire d’envahir le champ social. À Toulouse, l’échappée semble débuter au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle [82], probablement quelques lustres après l’explosion parisienne, mais les progrès de l’époque des Lumières s’amplifient dans la phase suivante, puisqu’en 1821 ce n’est plus un actif sur dix qui se consacre à l’habillement mais un sur six [83]. Cet essor général de la vêture et de la parure – surtout chez les femmes – est l’occasion d’un développement de l’activité féminine autonome dans la sphère de l’économie urbaine. La diffusion de l’usage du linge participe de cette révolution vestimentaire et provoque un doublement du nombre des blanchisseuses(cf.tableau14). Mais, dans ce cas comme dans ceux de la couture et du ravaudage, les progrès expriment sans doute aussi une régression des services domestiques et, dans les couches moyennes, un allégement relatif des tâches supportées par les ménagères. La progression numérique de l’activité féminine représente ainsi surtout une extension de l’aire de l’économie marchande aux dépens de la sphère domestique. Un tel glissement n’induit pas de modification très sensible dans la nature des occupations féminines et ne marque donc pas un bouleversement radical de la catégorie du genre.
LE LANGAGE DU TRAVAIL, UN TRAVAIL DU LANGAGE
53Pour envisager dans une perspective dynamique la place du travail dans les rapports sociaux, il faut l’appréhender non pas comme une portion de la réalité – par exemple le domaine des activités professionnelles dont on étudierait la nature et l’organisation ou le système de relations et de situations auxquelles elles donnent lieu –, mais en tant que grille de lecture du social, saisie dans son historicité. La valeur du travail comme catégorie moderne de représentation de la société est mise en évidence par la place qu’il prend dans les procédures d’identification et de comptabilisation des composantes du corps social, au sein desquelles l’occupation individuelle s’impose comme instrument de repérage de la société par les pouvoirs, en même temps qu’elle devient un critère essentiel de définition des identités des acteurs. Comme l’utilitarisme benthamien et son utopie de la vision panoptique l’illustrent de façon manifeste, la connaissance et le contrôle de la société sont partie prenante de la conception moderne du travail [84]. Celle-ci fait de l’activité humaine une marchandise et transforme progressivement les autres catégories d’appréhension du social, comme la fonction, le foyer ou le genre.
54Dans ce dernier cas, étudié à un demi-siècle d’intervalle de part et d’autre de la Révolution française dans le cadre d’une métropole provinciale, la désinstitutionalisation de la vocation religieuse qui caractérise la nouvelle société libérale tend à renforcer le confinement de l’activité féminine dans les milieux sociaux les plus fragiles et, plus encore qu’auparavant, la pauvreté apparaît comme son déterminant essentiel. Autre changement d’ampleur dérivé de la Révolution, la contraction globale de la domesticité, semble également réduire les possibilités pour les femmes de faire l’expérience d’un état social spécifique générateur d’identité. Pourtant, l’engagement domestique, non seulement reste une voie d’intégration sociale et un moyen de subsistance essentiel pour les femmes des classes populaires, mais encore les singularise bien plus nettement qu’auparavant à l’égard des hommes, la domesticité leur offrant désormais un véritable champ professionnel comme l’indiquent les changements dans la terminologie et le développement de certaines spécialisations.
ENSEIGNANTES ET AIDES SOIGNANTES
ENSEIGNANTES ET AIDES SOIGNANTES
55Dans le même temps cependant les femmes réussissent à investir certains secteurs ou certains rôles sociaux. La part prise par l’activité professionnelle féminine dans la société se renforce, en même temps qu’elle occupe de façon globale plus de place dans la vie des femmes et qu’elle devient un élément important de définition de leur identité. Cette évolution recouvre d’une part la progression du travail féminin dans la production et les services marchands, en grande partie en raison de l’explosion de la filière vestimentaire, et d’autre part le développement de certaines fonctions, comme l’enseignement ou la santé dont la lisibilité se renforce et se normalise en transitant vers la sphère séculière (tableau 16). Pour autant, le monde des métiers, qui continue à occuper une place centrale dans l’économie urbaine, leur reste assez largement fermé, comme si les règles morales, les modes de vie et les formes identitaires hérités de l’époque corporative se perpétuaient à l’heure des libertés économiques. Mais, bien que la partition sexuée des rôles sociaux ne soit pas immédiatement transgressée par l’avènement du travail moderne, celui-ci ouvre aux femmes un espace d’autonomisation dont rendent compte une meilleure visibilité du travail féminin et l’affirmation d’une sphère spécifique en milieu urbain dès les débuts du XIXe siècle.
56L’évolution se lit aussi à travers le déclin relatif de la place sociale des veuves, qui résulte principalement de la disparition d’un système corporatif où elles tenaient un rôle stratégique, à la fois parce qu’elles incarnaient la solidarité communautaire et validaient moralement la corporation et parce qu’elles étaient une pièce centrale du dispositif de transmission intergénérationnelle qui restait au cœur de l’idéologie, sinon de l’organisation, corporative. Comme l’effondrement de la filière religieuse, la perte de consistance de la viduité exprime l’effritement d’un modèle d’économie et de solidarité communautaires qui donnait aux femmes un rôle essentiel dans le maintien de la cohésion sociale. La nature du lien social se transforme, avec le passage d’un ordre divin qui assemble des groupes à un monde travaillé par des individus. Mais, au début du XIXe, siècle les femmes ont un long chemin à parcourir pour obtenir dans ce monde en formation une reconnaissance individuelle, dont le travail constitue la pierre d’angle dans la mesure où il rend visible la domination masculine, à tel point qu’on en a souvent déduit que celle-ci se trouvait renforcée avec l’avènement de la société bourgeoise [85]. À travers leur profession, les femmes acquièrent une identité individuelle qui leur permet de se dissocier des communautés et des groupes familiaux et qui rend explicite la ségrégation sexuée qu’elles subissent, à la fois à leurs yeux, suscitant l’émergence d’une parole féminine (porteuse de féminisme) et à ceux des hommes qui sont d’autant plus soucieux de justifier et de pérenniser leur domination [86].
57Ce conflit s’enracine dans une mutation fondamentale de la place et de la fonction des femmes dans les relations sociales, celles-ci cessant progressivement d’être un instrument d’échange entre les groupes de parenté pour devenir un facteur de valeur par leur travail. Les veuves étaient ainsi un aspect essentiel du système d’échanges monétaires et non monétaires, matériels et symboliques, constitutifs des sociétés traditionnelles, tandis que les religieuses y étaient de leur côté indirectement impliquées comme élément de régulation du marché matrimonial, tout en assumant une fonction spécifique dans l’économie des échanges entre les hommes et Dieu. Au XVIIIe siècle, les unes et les autres, par les fonctions qu’elles assumaient hors de la sphère marchande et donc par celles qu’elles permettaient aux hommes d’investir, contribuaient à la fois à la perpétuation d’un ordre communautaire et transcendantal et à la naissance d’un monde d’individus au travail. Car si l’émergence du travail modifie les critères de définition des rôles sociaux constitutifs du genre, la reconfiguration de la partition et de la hiérarchie sexuée est aussi partie prenante de l’avènement de l’économie du travail [87].
58La question des rapports entre le genre et le travail permet en tout cas de se détacher de la conception de ce dernier comme activité, pour l’appréhender en tant qu’identité. Cela revient à opérer une rupture par rapport à la pensée économique qui l’a inventé en assimilant l’acteur à un producteur et l’action humaine à son résultat matériel. La négation de l’identité que porte l’homo economicus s’est imposée dans une lecture transversale de l’histoire universelle à travers le travail.
59Son approche historicisée permet au contraire de mettre en évidence que sa conceptualisation comme entité abstraite est liée à la mise en œuvre de procédures d’enregistrement des populations. L’occupation est en effet un élément central des dispositifs de taxinomie et de comptage qui sont à l’origine de la constitution des identités individuelles émergentes. La nomenclature et les catégories qui se dégagent de ces procédures ne sont pas de simples reflets d’une réalité sociale immanente, de la même façon que les groupes sociaux ne peuvent être considérés comme le pur produit des relations dont les sujets font l’expérience [88]. Il s’agit plutôt de dispositifs de langage qui mettent en action la capacité intrinsèque de celui-ci de différencier, de singulariser et donc de démultiplier les conduites humaines.
60Si l’on admet que les formes discursives sont au cœur des organisations sociales, le langage du travail, normalisé, spécialisé et généralisé, qui se met en place à la fin de l’époque moderne, apparaît alors comme la réalisation d’un « travail » de reconstruction du lien social.
Notes
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[1]
C’est un des acquis du post-structuralisme de Michel FOUCAULT (Les mots et les choses, Paris, Gallimard,1966) et de la sociologie de Pierre BOURDIEU (Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil,2001). Cf. aussi Alain DESROSIÈRES, La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique, Paris, La Découverte, 1993, et auparavant, le collectif Pour une histoire de la statistique, Paris, INSEE-Economica, 1987,2 vol. .
-
[2]
Pierre BOURDIEU, « Décrire et prescrire. Les conditions de possibilité et les limites de l’efficacité politique », in Langage et pouvoir symbolique, op.cit., p.187-198.
-
[3]
Cf. par exemple Jean-Luc LAFFONT, « Policer la ville. Toulouse, capitale provinciale au siècle des Lumières », Thèse de l’université de Toulouse-Le Mirail, 1997, et les travaux de Vincent MILLIOT et Catherine DENYS, Revue d’histoire moderne & contemporaine, 50-1,2003 : « Espaces policiers, XVIIe - XXe siècles ».
-
[4]
La chronologie des rapports entre anthroponymie et raison sociale est complexe et, au XVIIIe siècle, les deux ensembles ne sont pas encore absolument disjoints.
-
[5]
Si la valorisation du travail conduit à l’esprit de calcul et à l’utilitarisme (cf. Jean-Claude PERROT, « Les économistes, les philosophes et la population », in Jacques DUPÂQUIER (dir.), Histoire de la population française,2,De la Renaissance à 1789, Paris, PUF,1995 [1988], p.511), la réciproque se vérifie également.
-
[6]
Alain GUÉRY, « État, classification sociale et compromis sous Louis XIV : la capitation de 1695 », Annales ESC,41/2,1986, p.1041-1060, a mis en évidence la prévalence du rapport à la guerre et à l’État comme critère de classement.
-
[7]
Alain DESROSIÈRES, « Classer et mesurer : les deux faces de l’argument statistique », Réseaux, 71, mai-juin 1995, p.11-29. Cf.également Jean-Claude PERROT in Histoire de la population française,2,op.cit., p.528-532.
-
[8]
Adeline DAUMARD, « Une référence pour l’étude des sociétés urbaines en France aux XVIIIe et XIXe siècles : projet de code socio-professionnel », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 10/3, juillet 1963, p. 185-210. Cf. Alain DESROSIÈRES, « Éléments pour l’histoire des nomenclatures socioprofessionnelles » in INSEE, Pour une histoire de la statistique, op.cit., p.155-231. L’approche de Jean-Claude PERROT,Caen au XVIIIe siècle – Genèse d’une ville moderne, Paris, Mouton-EHESS,1975, p.242-273, constitue sans doute l’entreprise la plus aboutie en ce qui concerne la question du classement socioprofessionnel en milieu urbain à l’époque préindustrielle. La réflexion théorique sur le sujet a été reprise par Bernard LEPETIT dans « Histoire et statistique. Questions sur l’anachronisme des séries longues », Genèses, 9, octobre 1992, p. 102-106, ainsi que dans l’ouvrage collectif qu’il a dirigé, Les Formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel,1995.
-
[9]
Cf.notamment Adeline DAUMARD, Ernest LABROUSSE (éd.),Recherches sur la fortune en France au XIXe siècle,1973. La thèse de Jean SENTOU, qui a participé à cette recherche collective, constitue un exemple de ce type d’histoire sociale :Fortunes et groupes sociaux à Toulouse sous la Révolution (1789-1799),Essai d’histoire statistique, Toulouse, Privat,1969.
-
[10]
Roger CHARTIER, « Le monde comme représentation », Annales ESC, 44/6,1989, p.1505-1519.
-
[11]
Cf. Christophe CHARLE,« Macro-histoire sociale et microhistoire sociale. Quelques réflexions sur les effets des changements de méthode depuis quinze ans en histoire sociale », in Histoire sociale, Histoire globale ? Paris, Éditions de la MSH,1989, p.4557. Voir aussi Jacques REVEL (éd.),Jeux d’échelles. La microanalyse à l’expérience, Paris, Seuil-Gallimard, 1996, ainsi qu’Alain BLUM, Maurizio GRIBAUDI,« Des catégories aux liens individuels : l’analyse statistique de l’espace social », Annales ESC, 45/6,1990, p.1365-1402.
-
[12]
Alain DESROSIÈRES, « Comment faire des choses qui tiennent : histoire sociale et statistique », Histoire & Mesure,1989, IV-3/4, p.225-242, p.226 :« L’attitude comparative ou historique conservera en revanche précieusement le matériel issu des taxinomies indigènes ou d’époque, au lieu de dissoudre celles-ci dans une construction a-historique ». La démarche comparative comporte en elle-même une valeur heuristique car elle permet de mettre en évidence un aspect ou une lacune de la documentation utilisée sur un terrain à la lumière de ce qui apparaît sur un autre.
-
[13]
Dans une production historiographique maintenant abondante, retenons la synthèse de Georges DUBY, Michèle PERROT (éd.), Histoire des femmes en Occident, Paris, Plon,1988,5 vols.
-
[14]
Le Mouvement social, 105,1978 : « Travaux de femmes dans la France du XIXe siècle » et 140, 1987 :« Métiers de femmes ».
-
[15]
À propos des résistances à l’adoption de ce concept, cf. Michèle RIOT-SARCEY,« L’historiographie française et le concept de “genre” », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 47-4,2000, p. 805-814.
-
[16]
Joan W. SCOTT,« Gender :A useful category of historical analysis », in ID., Gender and the Politics of History, New York, Columbia University Press,1988, p.28-50.
-
[17]
En ce qui concerne les données toulousaines utilisées dans les pages qui suivent : G.HANNE, Le travail dans la ville. Toulouse et Saragosse des Lumières à l’industrialisation. Étude comparée, Toulouse, Framespa-CNRS-Université de Toulouse-Le Mirail,2006.
-
[18]
Les sources fiscales d’Ancien Régime sont abondantes à Toulouse. La plus précieuse pour nous est la capitation dont sont ici exploités des rôles datant du début des années 1770 ou de la fin des années 1760 :Archives municipales de Toulouse (dorénavant AMT), CC 1005,1026,1052,1066,1074,1101, 1122. Seule exception :celui du capitoulat de Saint-Étienne qui date de 1735 (CC 1077).
-
[19]
Cf. Jean-Luc LAFFONT, thèse cit.,1997, p.932-936. Le recensement utilisé est celui de 1820-21 (AMT, 1F 20,21,22 et 23).
-
[20]
Cf. AMT, série 1G et Archives départementales de Haute-Garonne (dorénavant AD 31), série 2P. À propos des limites de la patente comme source : G. HANNE, « L’impact de l’abolition des corporations », Histoire, Économie et société,2003/3, p.575-576.
-
[21]
Les registres de capitation résultaient d’un travail annuel de répartition de l’impôt et, durant la décennie 1820 les recensements ont été pratiquement annuels. Ces derniers ont recours à une plus grande diversité de critères d’identification, tels que l’âge ou l’état civil, mais le nom et l’occupation restent essentiels.
-
[22]
Si les sections et les arrondissements ne respectent pas les anciennes limites des capitoulats, le recensement, comme l’enregistrement fiscal, se fait par moulons (îlots), les noms des rues et les numéros apportant des précisions supplémentaires.
-
[23]
Jean-Pierre GUTTON, Domestiques et serviteurs dans la France de l’Ancien Régime, Paris, Aubier, 1981; Sarah MAZA, Servants and Masters in Eighteenth-Century France :The Uses of Loyalty, Princeton, Princeton University Press,1983; Jacqueline SABATIER,Figaro et son maître. Les Domestiques au XVIIIe siècle, Paris, Perrin,1984. Pour le cas de Toulouse, on peut se reporter à Bernard MARCOUL, « Les domestiques à Toulouse au XVIIIe siècle », mémoire de DES, Faculté de Lettres de Toulouse,1960.
-
[24]
L’indétermination de l’usage des lieux, de l’emploi du temps, de la nature des récompenses et la personnalisation des relations sont des caractéristiques qu’on peut retrouver à différents degrés dans d’autres formes d’activités rémunératrices contemporaines.
-
[25]
Il faudrait pouvoir envisager, à travers une étude de leur mobilité, de quelle marge d’autonomie disposaient les servantes à l’égard des maîtres.
-
[26]
Les « gages » sont définis dans le Littrécomme « ce qu’on paye aux domestiques par an pour leurs services, ainsi dit par ce que c’est la somme payée pour l’engagement ».
-
[27]
Michael SONENSCHER,« Journeymen’s migrations and workshop organization in eighteenthcentury France », in Steven KAPLAN, Cynthia KOEPP (eds.), Work in France :representation, meaning, organization and practice, Ithaca-London, Cornell University Press 1986, p.74-96.
-
[28]
Selon le Littré, la « fenasse » est « un des noms vulgaires du sainfoin » et « affener » signifie « donner la pâture aux bestiaux ». Globalement toutefois l’usage du terme de « garçon » s’était imposé au XVIIIe siècle de façon presque systématique pour caractériser la main-d’œuvre embauchée chez les artisans et la plupart des acteurs de l’économie urbaine.
-
[29]
L’enregistrement des garçons chez leur patron dans les rôles de capitation soulève d’ailleurs le problème de leur stabilité. Cf. G.HANNE,« Les barbiers-perruquiers de Toulouse et leurs employés à la fin de l’Ancien Régime », Annales du Midi,229, janvier-mars 2000, p.65-83, p.71-75.
-
[30]
Michael SONENSCHER l’a bien montré à partir des sources judiciaires : Work and Wages. Natural Law, Politics and the Eighteenth Century French Trades, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.
-
[31]
Cf. supra, tableau 2. La proportion de femmes dans la domesticité aurait été de l’ordre de 45 % en 1695 (Michel TAILLEFER, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, Paris, Perrin, 2000, p.172).
-
[32]
La domesticité spécialisée féminine est aussi touchée avec les gouvernantes, mais dans une proportion bien moindre.
-
[33]
Dans les registres de capitalisation utilisés, au moins 171 « porteurs » sont incontestablement de condition domestique.
-
[34]
On peut lire dans un rapport datant des débuts du XIXe siècle :« Le monde des domestiques, bien loin d’avoir augmenté depuis 1789, est considérablement diminué à Toulouse, en hommes principalement; le renversement des fortunes, des grandes corporations a porté un coup très nuisible au luxe; il n’existe pas un tiers des voitures qui étaient sur pied, ni un sixième des chaises à porteurs. On voit beaucoup moins de domestiques de l’un et l’autre sexe, surtout des mâles » (AMT,1 F4). Le personnel domestique n’était cependant pas seul impliqué dans ce type de services puisqu’on pouvait aussi louer porteurs et chaises.
-
[35]
Georges HANNE, art.cit.,2003, p.578-580.
-
[36]
Dans un quartier intra muros, la partie proprement citadine du capitoulat de la Daurade, qui n’était pas pourtant le plus huppé, on comptait plus de deux domestiques pour cinq foyers, et plus d’un tiers de ceux-ci en abritait au moins un. Parmi les tâches quotidiennes qui leur incombaient, celle de puiser et de stocker l’eau venait en bonne place, même s’ils essayaient parfois de s’y soustraire. (Michel TAILLEFER,op.cit., 2000, p.182-186). Les registres ici utilisés ne comportent d’ailleurs qu’une seule mention de « porteuse d’eau ».
-
[37]
Une troisième caractérisation prend de l’importance dans la population féminine gagée, celle de « domestique », alors qu’elle semble avoir été réservée aux hommes sous l’Ancien Régime. Effectivement à chaque fois qu’une précision apparaît sur les registres de capitation quant au sexe des individus désignés comme « domestique », c’est le genre masculin qui se trouve mis en évidence, notamment dans les cas où le terme est précédé de l’adjectif possessif.
-
[38]
AMT,2 F4.
-
[39]
L’analyse des procédures de recensements nationaux du XIXe siècle le met en évidence :Christian TOPALOV,« L’individu comme convention. Le cas des statistiques professionnelles du XIXe siècle en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis », Genèses,31,1998, p.48-75.
-
[40]
Dans la première rubrique elles pouvaient accomplir les mêmes opérations que leur époux ou – c’était sans doute le plus fréquent – effectuer une partie spécifique du travail en fonction d’une division sexuée des tâches. Quant au travail ménager féminin, il n’était pas systématiquement ni exclusivement le fait de l’épouse, mais aussi celui de la mère, de la fille ou de quelque autre parente, à moins que le foyer ait eu les moyens de gager une servante.
-
[41]
Soit environ 650 occurrences professionnelles. Cf.aussi les résultats du sondage exprimés dans le tableau 4.
-
[42]
Parmi les 8850 contribuables actifs qui ne sont pas de condition domestique, 651 sont des femmes, soit 7,4 %, mais sur la rive droite du fleuve, dans le capitoulat de la Daurade, les chiffres respectifs sont de 887 et de 103, soit 11,6 %.
-
[43]
On trouve 25 « petites marchandes » et 46 « marchandes », alors que les nombres sont respectivement de 38 et de 466 chez leurs homologues masculins. La moyenne des cotes féminines est de 7 livres au lieu de 14 pour les hommes. En revanche, sur les 108 références à l’opération qualifiée de revente, seuls 14 concernent des hommes.
-
[44]
Daniel ROCHE, Histoire des choses banales, Paris, Fayard,1997, p.176. Cf. infra, tableau 14.
-
[45]
Clare H. CROWSTON, « Engendering the guilds :seamstresses, tailors, and the clash of corporate identities in old regime France », French Historical Studies,23-2,2000, p.339-371.
-
[46]
Ibid., p.339 et James B.COLLINS,« The economic role of women in seventeenth century France », French Historical Studies, 16-2,1989, p.437-470.
-
[47]
On relève en revanche la mention d’un « tailleur pour femmes ». À Paris les livres de réceptions font apparaître qu’en 1765-1766 le nombre des maîtresses couturières était deux fois plus élevé que celui des maîtres tailleurs d’habits (Cynthia TRUANT,« La maîtrise d’une identité :corporations féminines à Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles », Clio,3,1996, p.55-69). Il faut tenir compte dans le cas toulousain, d’une part, du fait que la réalisation du costume féminin relevait sans doute dans une assez large mesure de la sphère domestique et, d’autre part, de l’importance du marché de consommation pour les habits d’hommes dans une métropole où l’hypertrophie de la fonction de justice était, toutes proportions gardées, encore plus marquée qu’à Paris.
-
[48]
Sur le statut juridique des veuves, cf. Scarlett BEAUVALET-BOUTOUYRIE, Être veuve sous l’Ancien Régime, Paris, Belin, 2001, ainsi que Janine LANZA, « Les veuves d’artisans dans le Paris du XVIIIe siècle », in Nicole PELLEGRIN, Colette WIN (éd.), Veufs, veuves et veuvage dans la France d’Ancien Régime, Paris, Champion, 2003, p.109-120, et Christine DOUSSET,« Les familles méridionales et le Code civil :épouses et veuves d’un droit à l’autre », in Pierre GUILLAUME (dir.), Identités méridionales. Entre conscience de soi et visions de l’autre,126e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Paris, CTHS,2003, p.43-57, qui envisage les mutations produites par le changement de régime juridique.
-
[49]
Cf. Rose-Marie FOUET, « Les corporations de métiers à Toulouse au XVIIIe siècle. Étude économique et sociale », mémoire de maîtrise, Université de Toulouse-Le Mirail,1974, p.34. Souvent d’ailleurs, les statuts corporatifs prévoient un traitement spécifique des veuves par rapport aux maîtres dans le montant des cotisations ou encore des amendes. Cf. également les statuts des menuisiers de 1754 :AMT, HH 66, article 4 et 19 (d’après Rose-Marie DAUNES, « Les menuisiers de Toulouse au XVIIIe siècle », mémoire de DES, Toulouse,1962, p.66).
-
[50]
Soit 22 ans chez les pâtissiers (AD 31,1E 1341, articles 16 et 17 des statuts rédigés et homologués en 1691). Dans le cas des maîtrises par lettres royales la garantie de la succession n’existait pas et les enfants (mâles sans doute) devaient présenter un chef-d’œuvre au cours de l’année suivant le décès de leur père pendant laquelle sa veuve pouvait continuer de tenir boutique, mais au-delà de laquelle cette autorisation cessait (art. 32).
-
[51]
AD 31,1E 1293,« Statuts et règlements faits par les maîtres fondeurs et doreurs de la petite fonte en 1680 » (art.13).
-
[52]
Dans la partie du capitoulat de la Daurade située sur la rive droite, on comptabilise 63 veuves parmi les 463 cotes féminines. Mais les responsables de la tenue des registres pouvaient négliger de mentionner le décès d’un artisan en considérant que sa veuve assurait la pérennité du foyer ou de préciser qu’une contribuable isolée était veuve.
-
[53]
La capitation pesant plus sur le foyer que sur les individus, la fiscalité taxant l’activité paraît offrir une opportunité pour envisagée la place des femmes dans la sphère du travail, mais l’intérêt en est diminué par le fait que le prélèvement et la répartition étaient souvent effectués directement par les autorités corporatives. Dans un assez grand nombre de cas cependant des contestations étaient émises quant au montant imposé et la corporation devait alors fournir la liste de ses membres. Ces listes donnent quelques indications quant à l’intégration des veuves et leur proportion dans l’effectif corporatif. Ainsi en 1773, la liste fournie par la corporation des chirurgiens fait apparaître qu’en plus des 8 praticiens en exercice la communauté comptait 5 veuves (AMT, CC 1161). En 1789 plusieurs listes comportent quelques veuves (AMT, CC 1123), comme dans le cas des cordonniers et savetiers réunis ou des serruriers, qui en comptent 3 chacun, des orfèvres ou encore des fondeurs (un cas sur 28).
-
[54]
C’est le cas de l’une des 8 chaudronneries déclarées lors de l’enquête de 1767 et de 3 boutiques de blanchers et chamoiseurs parmi les 25 en activité (AD 31,1E 1194) ainsi que pour une dizaine d’autres métiers (AD 31, série 1E).
-
[55]
AD 31,1E 1235 (1785).
-
[56]
On peut y ajouter une veuve, pour laquelle c’est le masculin qui est employé.
-
[57]
Les enterrements jouaient un rôle important, le rituel étant l’occasion de réaffirmer la hiérarchie corporative mais aussi celles des genres. Cf. C. CROWSTON, art.cit.,2000, p. 358-361.
-
[58]
Mais la nature des occupations de beaucoup d’entre elles laisse supposer que le veuvage n’est pas ici le seul ou le principal déterminant : sont mentionnées par exemple 16 « sages-femmes » et 3 « accoucheuses » (on relève aussi la mention d’un « accoucheur »), bien que la profession ait été réglementée, 16 « tavernières » et 3 « cabaretières » ainsi que 11 « maîtresses d’écoles » (AMT, CC 1161 et 1123 pour 1789).
-
[59]
Pour les états de répartition du vingtième pour le petit commerce, cf.aux Archives de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Toulouse, Ancienne Bourse de Commerce, C 24-16,18 et 19. En 1763, le contribuable est dans près du tiers des cas le mari, à la suite du nom et souvent de la profession duquel est portée la mention suivante : « sa femme vend…». La liste de 1761 a l’avantage de fournir la spécialisation et la localisation des contribuables.
-
[60]
Louise A.TILLY, Joan W.SCOTT,Les femmes, le travail et la famille(1978), Marseille/Paris, Rivages,1987, p. 67-68, ont relevé le même cas de figure dans des études menées sur des villes anglaises. Cf. pour le cas parisien, Jeffry KAPLOW,Les noms des rois :les pauvres de Paris à la veille de la Révolution (1972), Maspero,1974, p.45.
-
[61]
L’étude de Carol L.LOATS sur les contrats d’apprentissage fait apparaître aussi l’importance de la pluriactivité : « Gender, guilds, and work identity : perspectives from sixteenth-century Paris », French Historical Studies,20-1,1997, p.15-30.
-
[62]
Cela est confirmé dans le cas des cartiers par une enquête sur les communautés de 1767 qui rappelle qu’ils étaient « compris dans le petit tableau des petits marchands » (AD 31,1E 1194).
-
[63]
Nombreuses étaient les femmes de maçons qui se livraient à un petit commerce de denrées alimentaires. C. LOATS, art.cit., met en évidence la même configuration.
-
[64]
Ibid. Cf. aussi les commentaires de William H. SEWELL Jr., « Social and cultural perspectives on women’s work :comment on Loats, Hafter, and DeGroat »,French Historical Studies,20-1,1997, p.49-54, qui met l’accent sur la nécessaire révision du modèle de la production familiale centrée sur l’activité du chef de famille.
-
[65]
Le terme de proxénète fait référence à une entremise.
-
[66]
AMT, HH 97.
-
[67]
Sur les 67 cas où la profession du mari est mentionnée,15 correspondent à des domestiques,7 à des « garçons » de l’artisanat et on rencontre également des portefaix, des ouvriers ou de simples travailleurs agricoles, tandis que les rares corps de métiers représentés correspondent à des professions d’assez faible rapport comme cordonnier (8) ou tailleur (5).
-
[68]
S.BEAUVALET-BOUTOUYRIE,op.cit.,2001, montre toutefois que les veuves parisiennes ne basculaient pas du jour au lendemain dans l’indigence la plus totale et que beaucoup d’entre elles disposaient d’un capital qui leur permettait de survivre au moins durant quelques années.
-
[69]
AMT, HH 100. La communauté des fripières revendeuses de hardes se singularise également par le fait qu’elle est la seule des 85 corporations répertoriées pour laquelle les cases prévues pour les compagnons, les fils et les gendres de maîtres n’ont pas été remplies.
-
[70]
On relève aussi la mention d’un « accoucheur » dans le vingtième d’industrie de 1773, mais il s’agit probablement d’un chirurgien spécialisé dans l’obstétrique.
-
[71]
Rappelons cependant que la capitation était devenue un impôt de répartition et que les contribuables avaient intérêt à ce que personne ne se soustraie d’une façon ou d’une autre au prélèvement.
-
[72]
La proportion des inoccupés parmi les contribuables était bien moindre dans les faubourgs et dans le gardiage que dans la partie intra muros. L’identification et la comptabilisation de l’élite judiciaire exemptée n’est pas en cause, puisque cette dernière était le plus souvent caractérisée à travers le titre d’écuyer attribué au chef de foyer ou par la charge judiciaire dont il était investi, la mention de la charge et du nom apparaissant à l’occasion de l’enregistrement de la domesticité.
-
[73]
Aucune des 38 veuves sans occupation ou état déclarés habitant la Daurade-rive droite n’avait de domestique à son service en 1773.
-
[74]
Le chiffre donné dans le tableau 10 correspond au début de la Révolution, mais le nombre des religieuses était très probablement plus important quelques décennies auparavant. Cf. Jean-Claude MEYER, La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution (1789-1801), Toulouse, Publications de l’Université de Toulouse-Le Mirail,1982, p.582 et 589 et Jean-Luc LAFFONT, thèse cit.,1997, p.291-292.
-
[75]
Près de 50, les autres ayant pu renouer avec une vie religieuse après la Révolution ou considérant qu’elles étaient restées en religion après la disparition officielle de leur ordre et de leur couvent.
-
[76]
La place des religieuses dans la société urbaine d’Ancien Régime doit aussi être évaluée dans sa dimension spatiale à l’aune des surfaces occupées par les établissements religieux (considérable à Toulouse) et considérée dans sa dimension culturelle à travers la prégnance d’un stéréotype social dans la production littéraire de l’époque.
-
[77]
Dans cette catégorie, qui comprend tous les enfants, le taux de féminité ne fait pas que refléter l’excédent normal des naissances féminines.
-
[78]
Parmi les commerçantes,172 sont mariées, sans lesquelles la proportion de femmes dans le commerce ne serait guère supérieure à celle constatée sous l’Ancien Régime (moins de 20 %).
-
[79]
Respectivement 30 et 16 dans la capitation pour 59 et 21 dans le recensement.
-
[80]
Et sans lesquelles la progression ne serait guère que d’un quart relativement à l’ensemble de la population active occupée et d’environ une moitié en valeur absolue.
-
[81]
Daniel ROCHE,La culture des apparences. Une histoire du vêtement, XVIe - XVIIIe siècles, Paris, Fayard, 1989, p.282-289.
-
[82]
La discordance chronologique entre les registres d’imposition exploitables nous donne l’occasion d’observer l’accélération. La différence ne résulte pas de la singularité socioprofessionnelle du capitoulat de Saint-Étienne si l’on ne prend en compte que les acteurs de l’économie urbaine.
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[83]
Soit 2855 sur 17271 en 1821 au lieu de 1421 sur 14210 vers 1770, y compris le travail du cuir à finalité vestimentaire (chaussure, gants, etc.).
-
[84]
Jeremy BENTHAM (trad. Christian LAVAL ), Panoptique (1786), Paris, Mille et Une Nuits, 2002.
-
[85]
Cf. la critique que W.SEWELL adresse à ce type d’interprétations (art.cit.,1997, p. 51-53).
-
[86]
Selon Geneviève FRAYSSE,« La remise en cause de l’inégalité des sexes est la conséquence du postulat de l’ère nouvelle, celui qui fonde la liberté de l’individu et l’autonomie du sujet » (« De la destination au destin. Histoire philosophique de la différence des sexes », in Geneviève FRAYSSE, Michèle PERROT (éd.), Histoire des femmes en Occident, t. IV. Le XIXe siècle, Paris, Perrin,2002, p.63-99, p.64.)
-
[87]
Cette double problématique, devenue essentielle dans la sociologie du travail, s’exprime notamment à travers deux revues : Les Cahiers du Genre et, depuis 1999, Travail, Genre et Sociétés.
-
[88]
Le point de vue « réaliste » qui accorderait une primauté aux relations par rapport aux groupes me paraît ici aussi discutable que la proposition inverse (cf. pour le premier, Simona CERUTTI, op.cit., 1990, p.11-12 notamment).