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Article de revue

Daniel Guérin et le discours militant sur l'homosexualité masculine en France (années 1950-années 1980)

Pages 175 à 190

Notes

  • [1]
    Cet article s’inspire de mon mémoire de maîtrise d’histoire :A.MARCHANT,« Le discours militant sur l’homosexualité masculine en France (1952-1982): de la discrétion à la politisation », sous la dir. d’Annette BECKER, ENS Cachan / Paris X Nanterre, juin 2005.
  • [2]
    « Je me trouve être, à la fois, communiste libertaire et bisexuel, avec une nette préférence pour mon propre sexe […]. Leur association a été à la substance même de mon être »:Compte-rendu d’un enregistrement vidéo réalisé par Guérin lui-même en août 1979, document dactylographié, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine, Nanterre, Fonds D.GUÉRIN, F delta 721 / 7.
  • [3]
    Dans la bibliographie de son ouvrage :F.MARTEL,Le Rose et le Noir. Les homosexuels en France depuis 1968, Seuil,1996.
  • [4]
    Les archives de D.GUÉRIN sont consultables à la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC), Nanterre. Section Archives : F delta 721/. (« Archives ») et F delta 688/. (« Mémoires »). Ses œuvres sont consultables en édition originale à la Section Ouvrages.
  • [5]
    « Il faut être malade pour ne pas être un peu bisexuel » in Homo 2000, n° 4,3e trimestre 1979, « entretiens avec Daniel GUÉRIN »:BDIC, F d 721 / 15 / a, dossier 9.
  • [6]
    À l’image du militant gay new-yorkais David Thorstad, auquel il confie :« Il existe très peu de vrais homosexuels, c’est-à-dire d’homosexuels exclusifs. La plupart sont capables de réagir positivement en face d’un partenaire féminin. Il serait plus exact de dire que nous sommes tous bisexuels avec un dosage variable de composantes hétérosexuelles et de composantes homosexuelles »: BDIC, F d 721 / 7. Télégramme de D.GUÉRIN à D.THORSDAD,18 mai 1971.
  • [7]
    BDIC, F d 721 / 15 / a, b, c, d, e, f, g, h, i, j.
  • [8]
    « D’ici un siècle, parions-le, de tels faits laisseront le lecteur incrédule : il lui sera presque impossible d’admettre qu’une société humaine ait pu exister qui a engendré une morale sexuelle aussi invraisemblablement outrancière et absurde » déclare-t-il à propos d’un critique littéraire, Jean Delay, qui avait stigmatisé l’homosexualité jugée perverse de Gide :D. GUÉRIN,« André GIDE et l’amour », Arcadie, n° 49.
  • [9]
    « Les temps viendront, frère, où la femme et l’homme ne formeront plus deux espèces opposées, où l’amour des deux sexes sera reconnu comme la forme la plus naturelle de l’amour »:D.GUÉRIN, Eux et lui, texte de 1962, Lille, Éditions GKC,2000, p.52
  • [10]
    M. FOUCAULT, La volonté de savoir, tome I de l’Histoire de la sexualité, Paris, Gallimard, 1976.
  • [11]
    D. GUÉRIN, dans Homo 2000, n° 4,3e trimestre 1979.
  • [12]
    BDIC, F d 721 / 15 / a, dossier 9.
  • [13]
    Gai Pied, n° 26,1981 :BDIC, F d 721 / 15.
  • [14]
    L’article 331-3 résulte d’une reprise par l’Ordonnance de 1945 d’un décret adopté par Vichy en 1942 (article 334).
  • [15]
    BDIC, Ouvrages, Le Cercle ouvert, 1958, cote O167636. Les citations sont extraites d’un document dactylographié et relié de 20 pages (retranscription de la conférence).
  • [16]
    D.GUÉRIN,« La répression de l’homosexualité en France », La Nef,1958 :BDIC, Ouvrages, cote O167647.
  • [17]
    Télégramme à René GAGUY,1er avril 1960 :BDIC, F d 721 / 12.
  • [18]
    D. GUÉRIN,« La répression… », art.cit.p.4.
  • [19]
    Lettre d’A.BAUDRY à D.GUÉRIN,5 août 1962 :BDIC, F d 721 / 6 bis.
  • [20]
    Lettre d’A.BAUDRY à D.GUÉRIN,20 janvier 1965 :BDIC, F d 721 / 6, dossier 2.
  • [21]
    Lettre signée BENILLI, de Blois, non datée précisément (1956):BDIC, F d 721 / 12.
  • [22]
    Lettre de Philippe TERCIEUX, Lyon,1er septembre 1956 :BDIC, F d 721 / 12.
  • [23]
    D. GUÉRIN, lettre au journal France Observateur, septembre 1957 :BDIC, F d 721 / 14.
  • [24]
    BDIC, F d 721 / 13, dossier 7 où se trouve un ensemble de coupures de presse concernant l’affaire.
  • [25]
    Lettre de D.GUÉRIN à France Obervateur, octobre 1957 :BDIC, F d 721 / 13 et 721 / 15 / a.
  • [26]
    Retranscription de la conférence,17 février 1965 : BDIC, Ouvrages, cote Q20101.
  • [27]
    « Interview de Daniel GUÉRIN à propos de l’Essai sur la révolution sexuelle et Pour un Marxisme libertaire», Le Monde,15 novembre 1969 :BDIC, F d 721 / 13.
  • [28]
    Article de Lui, 1970 :BDIC, F d 721 / 13.
  • [29]
    Tract et compte-rendus :BDIC, F d 721 / 13.
  • [30]
    « Répliques à René LAFORESTIE et Guy MISSOUN »,Le Monde,6 janvier 1979 :BDIC, F d 721 /13.
  • [31]
    « La séduction d’un jeune mineur, sans violence, est parfaitement inoffensive. Bien au contraire, elle procure à la “victime” une décharge salutaire de son flux sexuel contrarié par la Famille, l’École et la Morale »: D. GUÉRIN, « Pour le droit d’aimer un mineur », Marges, n° 4,1974, tapuscrit, p. 5 : BDIC, F d 721 / 15 / a.
  • [32]
    À l’image de ce qu’il écrit à son intention, en réaction aux articles provocateurs et libertaires du n° 12 de la revue Tout ! dont la rédaction avait été principalement confié aux militants du FHAR :« C’est un honneur pour moi d’adhérer au Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire. Je signe votre manifeste “Nous sommes plus de 343 salopes”. […]. Salut et vive notre libération !», D. GUÉRIN, Lettre au journal Tout !, courrier des lecteurs, n° 13,17 mai 1971, consultable sur « Le Séminaire gay », Olivier JABLONSKI : http ://semgai.free.fr.
  • [33]
    D. GUÉRIN,« Pour le Droit… », art.cit., p. 4.
  • [34]
    D.GUÉRIN, manuscrit de la rédaction d’un article pour Arcadie,« Pour la révolution sexuelle nippone », années 1970 :BDIC, F d 721 / 13.
  • [35]
    Lettre à David THORSTAD,18 mai 1971 :BDIC, F d 721 / 14, dossier 1.
  • [36]
    D. GUÉRIN, Homosexualité et Révolution, Paris, Le vent du ch’min, 1983, p. 11 : BDIC, ouvrage, cote O46506/4.
  • [37]
    Citons, parmi de nombreux exemples, celui de Patrick Cardon, fondateur d’une librairie faisant office de centre culturel camp nommé L’Éventail, à Aix-en-Provence.À sa demande, Guérin vient donner une conférence sur le thème « D’une dissidence sexuelle au socialisme » en 1981, après plusieurs lettres échangées. Correspondance et tracts publicitaires de L’Éventail,1981 : BDIC, F d 721 / 15 / a, dossier 2.
  • [38]
    Manuscrit de l’article pour Masques, n° 24, hiver 1984-1985 : BDIC, F d 688 / 43, dossier S30. L’intégralité de la correspondance entre Guérin et Mauriac est consultable dans ce même carton.
  • [39]
    D. GUÉRIN, Homosexualité et Révolution, op.cit., p.18.

1Personnage peu étudié en France, que ce soit pour ses problématiques homosexuelles ou libertaires, son rapport au socialisme, à la révolution marxiste ou encore à la sexualité en général, Daniel Guérin (1904-1988) est une figure de proue d’un milieu intellectuel et militant marqué par le trotskisme et l’anarchisme. Sa conception marxiste des rapports sociaux et de la nécessaire révolution sociale contre un appareil politique, législatif et idéologique qui ne serait que le reflet des valeurs bourgeoises de la classe dominante l’amène également à construire un discours de défense de certaines catégories discriminées. Parmi ces dernières, les homosexuels occupent une place importante dans la production théorique de Guérin, des années 1950 aux années 1980 [1]. Daniel Guérin, marié et père de famille, entretenant de nombreux amants, a la particularité d’avoir vécu subjectivement ce sentiment, ce qui l’amène à nourrir sa réflexion de ses nombreuses expériences personnelles, notamment sur le caractère non-exclusif du désir homosexuel et de la définition de l’identité sexuelle [2].

2Notre propos consiste ici à reprendre l’idée suggérée par Frédéric Martel [3], selon laquelle le parcours intellectuel et militant de Daniel Guérinsur la question de l’homosexualité masculine peut être considéré comme un observatoire pour mesurer certaines transformations des représentations sociales de l’homosexualité pour la période des années 1950 aux années 1970. Conceptualisant en permanence la forme et le contenu de l’identité homosexuelle et réfléchissant sur les rapports entre homosexualité et société, Guérin incarne en effet biographiquement et intellectuellement le passage d’un univers de discours à un autre, du légalisme arcadien à la perspective révolutionnaire du FHAR.Ou, pour employer d’autres termes, de la discrétion à la politisation. Il s’agit ici de cerner les apports de Guérin à l’élaboration d’un discours « militant » homosexuel en nous appuyant sur un certain nombre de sources privées ou publiques qui permettent de déterminer l’impact de la pensée de Guérin sur la représentation sociale et politique de l’homosexualité, c’est-à-dire, en définitive, si l’on admet que tout discours « public » est performatif, sur sa définition même [4].

3Témoin et acteur de la mise en discours théorique et de la revendication politique de l’homosexualité, Guérin encourage la « sortie du placard » d’une homosexualité stigmatisée juridiquement et réprimée policièrement, mais il critique aussi l’essentialisation progressive de l’homosexualité renvoyée au rang de marqueur identitaire.

LA SEXUALITÉ DÉFINIE COMME PRINCIPE « COSMIQUE »

4Guérin a tenté, tout au long de sa vie, de comprendre l’homosexualité et ses causes (sociales, psychologiques et culturelles), mais l’analyse qu’il en fait finit toujours par dissoudre l’essence même de cette homosexualité dans une bisexualité générique. Ces réflexions se retrouvent dans de nombreux ouvrages : théoriques comme l’Essai sur la révolution sexuelle après Reich et Kinsey en 1968; autobiographiques comme Un jeune homme excentrique en 1965,Le feu du sang, autobiographie politique et charnelle en 1977; ou poétiques, à l’image de cet hymne à la sensualité et au désir que constitue Eux et lui en 1962. Cette conception « bisexuelle » de l’amour imprègne également les entretiens accordés dans les années 1970 à des journaux militants gays, français comme Homo 2000[5] ou sa correspondance privée avec de nombreux acteurs des mouvements associatifs homosexuels de la même période, qu’ils soient français ou étrangers [6]. Pour étayer ces idées, Guérin se livre à d’importantes recherches documentaires, autant dans la psychanalyse, avec Freud, que dans la sociologie et la médecine avec Kinsey, ou encore dans l’anthropologie, l’ethnologie, l’histoire et les sciences humaines en général :son regard porte sur des thèmes aussi divers que la récurrence historique de la stigmatisation de l’homosexualité passive, la tolérance sexuelle de la Grèce antique ou encore le pansexualisme des cultures des sociétés primitives qui constituent, à ses yeux, le paradis d’une morale sexuelle sans tabous ni interdits. Son immense travail de recherche se mesure à la quantité extraordinaire de fiches et de notes de lectures réalisées essentiellement dans les années1950 et1960, et qui sont consultables dans ses archives [7]. Il use pour cela de références empruntées à des horizons aussi divers que la psychologie sociale américaine contemporaine (Ernest Jones, Karen Horney), la pensée libertaire des socialistes utopistes français du XIXe siècle (Fourier, Proudhon), la sexologie (d’Havelock Ellis, de Magnus Hirschfeld ou d’Alfred Kinsey) ou l’étude biologique des comportements sexuels (Otto Weiniger, René Guyon).

5Cette recherche ancre en lui une double certitude. D’une part, la civilisation occidentale a jeté sur le désir polymorphe une chape de plomb, tout en ne légitimant qu’une définition biologique, et non culturelle ou anthropologique, de la sexualité :ce qui a érigé en norme sociale l’hétérosexualité reproductrice, consacrée par l’institution du mariage. Pour Guérin, cette tendance séculaire à la restriction du désir sexuel est l’œuvre de la religion, mais elle s’est transposée, à l’ère capitaliste et industrielle (et c’est là que le sexologue et l’historien fusionnent dans le militant marxiste), dans les valeurs de la bourgeoisie qui a voulu les généraliser à l’ensemble d’une société qu’elle domine et exploite. D’où la détestation, chez Guérin, du victorianisme, incarnant l’idéal-type de la morale puritaine [8]. Et d’autre part, les catégories contemporaines d’appréhension de la sexualité (la bipolarité de l’espace des représentations sexuelles entre les pôles hétérosexuel et homosexuel) sont réductrices, en regard de la complexité du désir, à la fois singulier et irréductible à toute explication théorique.

6Guérin en vient donc à définir une conception « cosmique » de la sexualité qui rejoint l’idée platonicienne de la bisexualité originelle. La prose poétique de Eux et lui est par ailleurs une longue évocation d’un désir sexuel perdu (ou refoulé) amené à être rejoué dans un futur messianique où serait brisé le carcan de la morale puritaine et « monosexuelle » [9]. Ce faisant, il tire les conséquences de cette réflexion dans une définition originale des notions de genre et d’homosexualité. Il n’y a, au fondement du désir, qu’une bisexualité originelle.

7L’homosexualité, comme concept permettant de réunifier un ensemble de pratiques sexuelles disparates, mais ayant en commun le même choix autotélique d’objet sexuel, est avant tout une construction discursive apposée sur un ensemble d’individus jugés déviants par la morale dominante : sa réification progressive comme identité vécue et revendiquée est un phénomène social récent qui appauvrit la signification du désir bisexuel originel, et systématise le choix exclusif d’objet sexuel. Il est d’ailleurs frappant de voir à quel point Guérinrecoupe les réflexions, contemporaines, de Michel Foucault sur la naturalisation de la catégorie d’homosexualité [10]. La réflexion de Guérin sur l’homosexualité est donc profondément historique. La convocation régulière, dans son œuvre, de ses expériences homosexuelles de jeunesse (auprès de prolétaires parisiens des années 1920 et 1930) sert la démonstration du caractère naturel de la bisexualité dans le comportement érotique. Comme il le confie au journal Homo 2000 en 1979, en parlant de la drague dans le Paris des années 1920, il couchait avec « des quantités de jeunes n’ayant aucun préjugé défavorable vis-à-vis de l’homosexualité. Ils étaient bisexuels, sans le savoir et sans le dire » [11].

8La catégorie d’homosexualité, telle que beaucoup la définissent généralement aujourd’hui comme attirance exclusive vers une personne de sexe opposé, n’était alors pas opératoire. L’identité sexuelle se définissait en fonction de l’appartenance à un genre (féminin, en l’occurrence, car un jeune ouvrier qui couchait avec Guérin en occupant la position de l’actif dans le rapport sexuel ne se définissait pas comme homosexuel) et non en fonction du choix de l’objet sexuel. La définition contemporaine de l’homosexualité est donc, pour Guérin, profondément subversive, car loin d’exalter un désir socialement interdit, elle souscrit en réalité à un préjugé « bourgeois » (selon les mots de Guérin) et crée quantité de faux problèmes. Cette conception, Guérinla défendra tout au long de sa vie, la justifiant avec des références « scientifiques » et l’exprimant sans détour aux militants homosexuels contemporains, à l’image de l’intervention qu’il fit lors de l’Université d’été des Homosexualités de Marseille le 10 août 1979, en commentant un extrait des Études de psychologie sexuelle de Havelock Ellis (1908): parlant de « l’aisance avec laquelle, dans ma jeunesse, pouvaient se nouer des rapports physiques avec de jeunes travailleurs qui n’étaient pas des « invertis » et couraient les femmes. Pourquoi les choses ont-elles changé ? […] surtout parce que ce sont les homosexuels eux-mêmes qui se sont enfermés dans un ghetto et se sont voulus exclusifs, intimidant ainsi ou rebutant les jeunes mâles d’origine ouvrière » [12].

9Pour autant, nous le voyons, Guérin admet qu’il existe une homosexualité sociale, c’est-à-dire une homosexualité qui se détache de son fondement « pansexualiste », soit pour des raisons de sensibilité individuelle, soit parce qu’une certaine tendance des dispositifs sociaux et historiques a réduit cette bisexualité générale à une homosexualité de plus en plus restrictive au niveau du désir.

10Ces dispositifs (que Guérin rabat sans cesse sur la morale bourgeoise) créent une pression morale qui fait en sorte que les bisexuels privilégient le versant hétérosexuel de leur instinct naturel. Telle est la morale de la nouvelle L’ange Gabriel que Guérin écrit pour le journal Gai Pied en mai 1981 :cette nouvelle, présentée comme un « conte vécu », raconte une histoire d’amour entre un homme d’âge mûr et un jeune marin, nommé Gabriel, d’une vingtaine d’années. L’histoire se déroule dans les années 1950 et semble avoir une forte connotation autobiographique. Guérin nous dit de ce matelot qu’il « a la capacité de prendre du plaisir sans se forcer avec les deux sexes ». Ce jeune marin a également une maîtresse et le moment arrive où il doit choisir entre l’un de ses deux amours. Mais le nœud gordien est tranché en « vertu du formidable consensus bourgeois, de l’écrasante pression de la morale, de l’entente physique plus courante et facile entre désirants du sexe opposé ».À la fin du texte, Guérin considère que « l’ange » n’était pas responsable de ce choix et déclare que « tous les garçons de son espèce pâtissent, eux, d’un ordre social contre lequel je suis en guerre » [13]. L’ordre social produit donc des stigmates réappropriés par les individus comme élément constitutif de leur construction identitaire. D’où la nécessité pour Guérin de sortir de ce monde d’étiquettes : hétérosexuelle, homosexuelle et même finalement bisexuelle, puisque cette dernière catégorie d’appréhension de la sexualité n’est apparue que lorsque les deux premières sont devenues exclusives, par intériorisation des normes sociales définies historiquement par la société « puritaine ».

11Ainsi, non fondée au niveau « métaphysique » comme désir exclusif, l’homosexualité existe néanmoins de facto socialement et doit, selon Guérin, devenir politique pour se défendre face aux valeurs bourgeoises et puritaines qui tentent de la détruire et qui finissent, de fait, par la réifier et la poser en facteur de tension psychologique et d’exclusion sociale.

UNE ANALYSE DE LA RÉPRESSION DE L’HOMOSEXUALITÉ EN FRANCE

12Guérin ne se soucie pas seulement de définir théoriquement l’identité homosexuelle :la réalité de la vie homosexuelle dans la société française est aussi pour lui un objet de réflexion. Par ailleurs, tout discours militant ne se construit pas uniquement de manière endogène, mais réagit aussi à un élément extérieur qui l’amène à s’objectiver et à se positionner par rapport à lui. En l’occurrence, le discours militant homosexuel s’est aussi construit par rapport à une répression policière, à une stigmatisation juridique et à une réprobation sociale qui furent réelles. Le discours militant homosexuel a donc adopté une position victimaire (qui, si l’on peut en questionner l’efficacité une fois les violences arrêtées, est justifié au moment de la discrimination). Guérin a donc contribué à cerner cette figure de l’homosexuel comme victime sociale. Rappelons qu’entre 1942 et 1982, l’homosexualité est juridiquement incriminée : l’article 331-3 (devenu 331-2 en 1980) du Code pénal, de 1945 à 1982, sanctionnait la relation sexuelle contre-nature avec un mineur, et l’article 330-2, de 1960 à 1980, sanctionnait les outrages publics à la pudeur de type homosexuel [14].

13L’ambiguïté de cette pénalisation est qu’elle s’appliquait uniquement à des actes publics et non à la sphère du privé, ce qui avait pour effet à la fois de ne pas condamner l’homosexualité en elle-même, tout en ne définissant pas clairement le distingo entre public et privé. Cette discrimination inscrite dans le droit se double d’un discours politique (le 18 juillet 1960, l’homosexualité est classée « fléau social » à l’Assemblée par l’adoption du sous-amendement Mirguet), et d’un discours social dépréciatif :à l’homosexuel comme pervers est assignée une figure criminogène, redoublée, par un amalgame faisant de l’homosexuel masculin un pédéraste.

14De fait, Guérin se livre à de nombreuses enquêtes dans les années 1950 et 1960 sur la condition des homosexuels en France, généralement sous forme d’articles, s’appuyant toujours sur une perspective comparatiste avec la société britannique :« La Répression de l’homosexualité en Angleterre » dans La Nef en 1957, « La Répression de l’homosexualité en France » dans la même revue en 1958,« Le drame de l’homosexualité » dans la revue Arcadie en 1959. Le réseau de diffusion de ces articles est celui des milieux progressistes mais surtout celui de la revue d’André Baudry, Arcadie, qui affiche plutôt une vision « conservatrice » des rapports sociaux et du politique, imposant la figure de la « discrétion » au discours homosexuel. Guérin restitue les données de ses travaux, autant quantitatifs (chiffres officiels du Ministère de la Justice) que qualitatifs (démarche empathique envers les souffrances psychologiques des homosexuels) à travers des communications comme celle qu’il fit en 1958 devant le groupe Cercle Ouvert, qui organisait régulièrement des conférences-débats à Saint-Germain-des-Prés :Guérin y est invité pour débattre aux côtés de Marcel Eck, médecin connu à l’époque pour ses prises de position conservatrices, reléguant l’homosexualité dans la catégorie des pathologies médicales liées à la « non maturation » de type biologique ou psychologique, et aux côtés de Gabriel Marcel, penseur de l’existentialisme chrétien qui, dans le registre de la spéculation philosophique, perçoit la visibilité croissante des homosexuels comme le signe d’une « anarchie morale ». L’intervention de Guérin, intitulée « L’homosexuel dans la société », se fait à l’aune de la réflexion sociologique. Dénonçant l’amalgame généralement fait entre homosexualité et pédérastie, Guérinexplique la détresse psychologique des homosexuels, y compris la marginalité et la déviance dénoncées par le discours social dominant, en la rabattant sur des causes sociales (interdits moraux, répression policière):la pression sociale oblige l’homosexuel à se retrancher dans « une sorte de franc-maçonnerie d’initiés, semi-clandestine, avec ses rites, son jargon, ses mots de passe, et c’est cette ségrégation, beaucoup plus que son penchant, qui finit par le différencier de l’homme dit « normal » et, souvent même, par lui conférer des traits caricaturaux et visibles » [15]. Entre discours médical, religieux ou social, le moment des questions qui suit la conférence montre à quel point le débat public sur l’homosexualité est faussé par la stratification de clichés négatifs (figures criminogènes, maladives, subversives de « colonies d’homosexuels » invoqués par le public) et de peurs infondées (l’idée, notamment, d’un favoritisme de certains milieux professionnels à l’égard des homosexuels : arts, littérature où se déploierait une « franc-maçonnerie rose »).

15Notons que Guérin, dans cette intervention, comme dans ses enquêtes, ne se présente pas comme homosexuel :se positionnant sous le couvert d’un discours objectif et « scientifique », il ne campe donc pas stricto sensu la figure du militant (ce qui était d’ailleurs impossible, étant donné le dispositif législatif de l’époque).

16Par ailleurs, Guérin peut aussi abandonner le style de l’enquête pour s’engager par la forme de l’essai, à l’image de son Shakespeare et Gide en correctionnelle ? de 1959, dans lequel il fustige l’état actuel des lois qui enverraient devant les tribunaux les deux génies littéraires dont il évoque la finesse et la franchise des descriptions d’un désir qui transcende les interdits moraux et les étiquettes réductrices de sens.

17Examinons maintenant les caractéristiques de la répression juridique et policière que Guérin dénonce à la fin des années 1950 :son article de 1958 dans La Nef est une enquête réalisée à partir du Compte général de l’administration de la Justice criminelle(1953-1955), publié chaque année par le Ministère de la Justice.

18Pour Guérin, la répression n’est pas la même pour tout le monde et la discrimination policière se greffe sur une discrimination sociale. Il relève que 61% des poursuites judiciaires concernaient des hommes du peuple ou des manuels.

19Guérin en conclut une double implication sur la manière dont l’homosexualité est perçue par les uns et par les autres, et sur le décalage entre les représentations et la réalité sociale. D’une part, contrairement à une idée reçue dans les milieux de gauche, l’homosexualité n’est pas une pratique sexuelle des classes privilégiées, un « vice bourgeois », comme on la désigne à l’époque. D’autre part, la répression ne touche pas l’écrivain de renom, la vedette de cinéma mais le prolétaire, le faible, l’anonyme. Pour ces derniers, la répression est constante et implacable. De même, Guérin constate des entorses à la législation :on arrête et on condamne de manière abusive. Il cite ainsi le cas d’un Parisien de 30 ans surpris dans un hôtel avec un partenaire de 20 ans et qui a fait six mois de préventive avant d’être condamné à trois mois de prison avec sursis. La loi de 1945 a ici été appliquée, alors qu’il s’agissait d’un rapport privé et mutuellement consenti [16]. Pour Guérin, cette répression marquée est le signe d’un maccarthysme à la française et il conclut que la législation risque encore de se durcir.

20Deux ans plus tard, la déclaration sur les « fléaux sociaux » à l’Assemblée Nationale devait lui donner raison. La même année, il écrira à un ami que « le terrorisme anti-sexuel est en train de submerger notre pays » [17].

21Guérin subsume l’ensemble de ces discriminations sous un seul et même concept :le puritanisme. Aider les homosexuels à se libérer revient également à libérer la sexualité dans son ensemble de la société puritaine. Cette dernière est responsable, selon lui, de trois types d’oppression. Elle se positionne d’abord contre la nature qu’elle entend pourtant prolonger en ne légitimant que l’hétérosexualité, en construisant la catégorie du « contre-nature »:

22

« Ainsi sans débat parlementaire, on a introduit dans notre Droit la notion entièrement nouvelle d’acte contre-nature avec un individu de son sexe, et cela au siècle où tous les savants, de William James à Iwan Bloch, de Havelock Ellis à Freud et depuis Marie Bonaparte à Kinsey et Wolfenden, établissaient que l’homosexualité doit être considérée comme une variation biologique naturelle de l’instinct sexuel, qui ne doit pas être regardée comme plus “anormale” que la particularité d’un gaucher ou d’un daltonien » [18].

23Ensuite, le puritanisme tend à nier la réalité de la sexualité des adolescents et des mineurs, en instituant une différenciation qui veut que le mineur soit considéré dans le « non-discernement » jusqu’à 18 ans pour une relation hétérosexuelle et jusqu’à 21 ans pour une relation homosexuelle. Enfin, l’idéologie du puritanisme (que Guérin appelle le « néo-puritanisme » pour souligner cette résurgence, dans les années 1950, d’une morale bourgeoise issue du XIXe siècle) montre une certaine porosité du discours juridique devant le discours religieux, qui va jusqu’à l’identification implicite de l’homosexualité au Mal.

24Tout cela n’appartient pas à la sphère du discours militant tel qu’il nous apparaît aujourd’hui, après la modification des modèles de mise en discours de la sexualité et du militantisme homosexuel postérieure à mai1968, et une décennie marquée par un discours public et militant très idéologisé. Néanmoins s’inscrivant « en creux » contre un ensemble de barrières sociales et symboliques très dense, ce discours (qui est celui de Guérin mais aussi celui d’Arcadie) fournit la base du militantisme homosexuel, à savoir l’idée d’un groupe dont la discrimination qui lui est imposée fonde l’unité et l’identité en tant que victime. De fait, la nature et l’ampleur de la répression que Guérinmet au jour dans ses enquêtes statistiques le marqueront pour longtemps, fondant son mépris pour le Club de Baudry qu’il juge trop légaliste. Le directeur d’Arcadie n’avait en effet de cesse de brider les élans de Guérindans les articles qu’il écrivait pour sa revue. Ainsi, en 1962, lorsque Guérin envoie à Baudry le texte de sa nouvelle autobiographique « L’explosion », destinée à être publiée, il se voit rétorquer :« Vos feuillets sont excellents. Et pourtant je ne peux les publier. Vous en savez la raison : un Parquet pointilleux – et surtout un climat actuel vis-à-vis des mœurs – peut être choqué par cette succession d’aventures » et Baudry lui suggère d’ajouter au texte « des réflexions morales, des examens de conscience, des aperçus psycho-logiques » [19]. On peut ici ajouter une autre déclaration de Baudry qui en dit long et sur la ligne éditoriale de la revue et sur le climat de la société française, à propos de l’envoi des textes du Journal trop intime de Guérin :« On le publiera très volontiers. Mais permettez-nous de censurer quelques passages trop précis pour la Ve République ! Souhaiteriez-vous corriger vous-même ces passages trop audacieux ?» [20].

25Ce constat d’une société française moralisante, établi durant deux décennies, prépare son explosion de joie à l’annonce de la création en 1971 du Front Homosexuel d’Action révolutionnaire (FHAR), liée à l’énergie d’une nouvelle jeunesse militante, résolument radicale et post-soixante-huitarde dans ses revendications théoriques de projet de société comme dans ses formes d’intervention publique.

GUÉRIN, PROMOTEUR DE LA LIBÉRATION ( HOMO -) SEXUELLE

26Contempteur des interdits moraux de la morale « néo-puritaine », Guérinfut aussi un théoricien de la révolution sexuelle. Cette dernière constitue dans l’histoire sociale française de la seconde moitié du XXe siècle une rupture importante, sur le plan symbolique puis sur celui des pratiques sociales, cristallisée autour des revendications libertaires de mai1968. Préparant cette rupture, y participant puis la commentant a posteriori, Guérin est l’un des auteurs (pourtant méconnus) qui s’investissent le plus dans cet élan et participent d’une modification globale des modes de mise en discours de la sexualité et de l’homosexualité dans la société française. La libération des mœurs est un horizon d’attente très ancien chez Guérin, depuis les années 1950. Mais ses revendications libertaires prennent des formes différentes, pour d’évidentes raisons stratégiques (censure et tabous sociaux), selon le contexte culturel dans lequel il s’inscrit. Ainsi, on peut constater qu’il y a, chez Guérin, trois types de mise en discours de l’homosexualité, se succédant de façon chronologique, et correspondant par ailleurs à un « cadre discursif » dont les modalités sont imposées par l’état du débat public du moment sur les mœurs. Au discours objectif et rationaliste des années 1950 se substitue la tendance au récit de vie autobiographique, avant que le souffle de mai 1968 n’autorise un discours plus revendicatif, nettement plus « militant » au sens strict du terme et axé sur une promesse quasi messianique de libération de tous les corps par l’épanouissement sexuel.

27Dans les années 1950, la pensée de Guérinse traduit scripturairement par la forme de la réflexion objective et statistique, à travers notamment deux « affaires »: les promotions, via le journal France Observateur, politiquement marqué à gauche, des rapports Kinsey et Wolfenden. Mais, en dépit de la forme du compte-rendu que prend le discours militant de Guérinen faveur des libertés sexuelles, l’auteur se heurte à un ensemble de résistances et de préjugés : dans le cadre des polémiques suscitées, les lettres que reçoit Guérin de la part des lecteurs de France Observateur cristallisent nombre de préjugés populaires et font le point sur l’état des représentations mentales de l’homosexualité dans la France des années 1950.

28Lors de ses recherches, Guérin a rencontré la figure du docteur Alfred Kinsey, qui avait publié en 1948 aux États-Unis son rapport sur la vie sexuelle des Américains (Sexual Behavior in the Human male) et qui avait provoqué un tollé dans une société globalement puritaine pour laquelle la sexualité constituait un tabou. Parmi ses principales conclusions, Kinsey déclarait que 37% des hommes américains avaient eu au moins une fois dans leur vie une expérience homosexuelle. Guérin s’enthousiasme pour ce rapport qu’il juge « révolutionnaire »: l’homosexualité y est « neutralisée », sa description étant épurée de toute stigmatisation médicale ou morale. Elle devient une pratique sexuelle comme une autre, statistiquement répandue dans l’ensemble du corps social. Guérin intègre alors Kinsey, ses conclusions et ses méthodes, au sein de son propre discours de conceptualisation de l’homosexualité, qui est celui du recours à l’enquête statistique et sociologique pour justifier la place de l’homosexualité dans la société.

29Dans Kinsey et la sexualité (1955), Guérinexploite l’idée d’inhibition des pulsions sexuelles par la religion et le conservatisme, dans le cadre de son argumentation contre le « néo-puritanisme ». En 1956, il signe dans France Observateur un article de synthèse par lequel il espère populariser les idées du sexologue américain. De nombreux lecteurs, scandalisés par la hardiesse des propos, écrivent à Guérinou au journal pour se plaindre du caractère amoral de la déculpabilisation de l’homosexualité comme fait social. En dépit du ton « objectif » de l’auteur, certains lui reprochent, sur un ton ironique teinté de colère « une profession de foi gauchiste, absolution indispensable pour le péché originel qu’est le Capitalisme d’où découlent les péchés suivants :pureté, fidélité conjugale, foyers unis, virginité des filles, monogamie… » [21]. D’autre déclarent que « l’homosexualité est aussi naturelle que le crime ou la guerre :toute dégradation est naturelle » [22]. Critiqué vertement, parfois insulté, Guérin déclenche finalement les effets attendus d’un discours militant : se heurter frontalement aux préjugés d’une époque, et inscrire la revendication dans une relation agonistique.

30De même, en 1957, Guérin découvre le Rapport Wolfenden qui est une vaste enquête commandée par le gouvernement britannique sur l’homosexualité dans la société, destinée à préparer un débat à la Chambre des Communes sur la dépénalisation de l’homosexualité au Royaume-Uni.À l’instar du Rapport Kinsey, le rapport souligne le caractère très répandu de l’homosexualité dans la société et stipule qu’elle doit être traitée comme un fait social et statistique, et non comme une perversion morale ou une maladie psychologique ou physiologique. Pour Guérin, ce rapport vient fournir des arguments à l’intuition qu’il a toujours cherché à démontrer. Il s’agit, selon lui, d’une « date dans l’histoire du progrès humain et de la lutte contre l’obscurantisme, celle où un document sortant des presses d’une imprimerie royale, proclame que l’homosexualité n’est pas une maladie, qu’elle est compatible avec la pleine santé morale, que les troubles psychiques dont souffrent les homosexuels sont bien le produit de la tension et du conflit résultant de la condition qui leur est faite par la société » [23].

31Dans cette affaire, l’intervention de Guérinprend la forme d’une lettre qu’il écrit au journal France Observateur pour se plaindre d’un article de septembre1957 consacré aux échos français du travail de la commission Wolfenden et établissant des rapports douteux entre homosexualité et criminalité [24]. Guérin reproche également au journal de n’avoir relayé que les réactions négatives de la société britannique aux conclusions « libérales » du rapport. Le journal publiera la lettre de Guérin dans son numéro d’octobre 1957, mais en la tronquant, ce qui redoublera la fureur de l’auteur : « Je proteste de toutes mes faibles forces contre la façon dont ma lettre a été caviardée et mutilée. Une telle attitude risque d’être interprétée comme une pusillanimité face aux préjugés en matière sexuelle » [25].

32Dans les années 1960, Guérin passe peu à peu au style du récit de vie, nouvelle étape stratégique dans la constitution d’un discours « public » sur l’homosexualité. L’auteur publie en effet en 1965 Un jeune homme excentrique, essai d’autobiographie, dans lequel il revient sur ses premières expériences homosexuelles. La même année, à la demande d’Arcadie, il donne une conférence devant un public d’Arcadiens intitulée « Commentaires très libres sur les Mémoires d’un jeune homme excentrique», dans laquelle il précise le projet de son ouvrage, en soulignant notamment la rupture avec le cadre discursif dans lequel il s’inscrivait pour ses travaux antérieurs :

33

« Mon véritable propos était d’aider les homophiles dans leur combat. De les aider, cette fois, non plus comme dans certains de mes livres précédents, par des développements de caractère scientifique, sociologique, juridique, sexologique, etc. mais par l’exposé d’un cas individuel » [26].

34Un changement intervient donc dans le rapport réflexif de Guérin à sa propre sexualité :à présent, pour faire sauter le tabou de l’homosexualité, il préconise le recours à l’émotion sincère transmettant un affect avec le lecteur, au récit d’un destin individuel pour montrer le caractère irréductible de la tendance homosexuelle.

35Ce discours plus franc et assumé sur l’homosexualité est à replacer dans le contexte de libération des mœurs qui est celui de la jeunesse française des années 1960, et qui culmine avec le tournant de mai 1968. Ce tournant amène Guérinà politiser davantage son discours et à préciser le projet de la révolution sexuelle, dont il est le témoin et dont il se veut être un acteur. Tout en prolongeant la mise en discours autobiographique de son homosexualité (D’une dissidence sexuelle à la révolution, 1971; Le feu du sang, autobiographie politique et charnelle,1977;Mon testament,1979), il achève sa réflexion sur la libération des corps du « néo-puritanisme » en rabattant la révolution sexuelle sur la révolution sociale et en lui faisant prendre une coloration nettement gauchiste. Ses réflexions sur le socialisme révolutionnaire et sur l’homosexualité, jusque-là séparées quoique contiguës dans son œuvre, fusionnent à présent, notamment dans son ouvrage Essai sur la révolution sexuelle, après Reich et Kinsey (1968): « La critique libertaire du régime bourgeois ne va pas sans critique des mœurs.

36La Révolution ne peut être que politique. Elle doit être, en même temps, culturelle, sexuelle » [27].

37De fait, à partir de cette époque, Guérinmultiplie les interventions publiques, qui ne sont plus limitées comme avant au seul milieu du club très fermé de Baudry, les articles dans la presse et les colloques (auprès d’un public étudiant très politisé dans l’après 1968). Ses discours portent davantage sur la sexualité en elle-même, comme thème générique, que sur l’homosexualité en particulier, qui reste encore taboue et demeure incriminée juridiquement. Il s’intéresse également à la tentative d’institutionnalisation de la sexologie, via le projet de Françoise d’Eaubonne de former un Institut National de Sexologie. Guérin est présenté comme un « infatigable sexologue », comme l’évoque le magazine Lui en 1970, et devient une référence littéraire et théorique dans le cadre du mouvement d’émancipation de la sexualité [28]. Il est l’invité le 18 mars 1970 de l’émission radiophonique « Campus » spécial « homosexualité » sur Europe n° 1, en compagnie d’autres écrivains ou militants prônant la défense de l’homosexualité, comme Roger Peyrefitte, André Baudry, Jean-Louis Bory et Pierre Hahn [29].

38Enfin, Guérin élabore des réflexions utopiques sur le nouveau type de société qui émergerait de la révolution sexuelle : c’est ainsi qu’il se livre à une relecture des propositions des socialistes utopistes du XIXe siècle en matière de sexualité. La pensée de la libre jouissance et du plaisir sexuel chez Fourier, ainsi que l’idée d’un « service amoureux » que les plus jeunes rendraient aux plus âgés constituent des thèmes récurrents de sa pensée au cours des années 1970 [30].

39Dans la même optique, il prône également un discours de défense de l’éducation sexuelle pour les plus jeunes, et de légitimation de la pédérastie. En 1974, il signe ainsi dans le magazine homosexuel Marges un article intitulé « Pour le Droit d’aimer un mineur »:s’il considère comme bénéfique l’avancée permise par la loi du 7 juillet 1974 qui abaisse l’âge de la majorité sexuelle à 18 ans, il préconise une évolution plus franche et plus rapide, allant jusqu’à reconnaître et encourager la sexualité des mineurs. Ce faisant, il ira jusqu’à faire des pédérastes des « protecteurs de l’enfance » [31]. Cette dernière revendication, polémique, s’intègre dans un ensemble de productions intellectuelles (Gabriel Matzneff, Tony Duval, Guy Hocquenghem, René Scherer) qui tentent de légitimer la relation (homo)sexuelle d’un adulte et d’un mineur. Jouissant d’une liberté de ton qu’on ne peut plus retrouver aujourd’hui, ce discours contemporain sur la sexualité préadolescente et infantile vise à donner le droit à la sexualité et à la responsabilité du désir aux plus jeunes.

REFLÉXION SUR LA TRANSFORMATION DES IDENTITÉS HOMOSEXUELLES EN FRANCE, ET RENOUVELLEMENT DES PRISES DE POSITIONS MILITANTES

40Si Guérin se sentait prisonnier de l’esprit d’Arcadie, la jeunesse et le dynamisme du FHAR et de son Rapport contre la normalité (1971) lui apportent de nouvelles sources d’inspiration pour sa réflexion sur la révolution sexuelle.

41L’engagement au FHAR se double chez lui, d’une réflexion politique sur la culture du spontanéisme révolutionnaire, où prennent place la figure de Rosa Luxembourg et des méditations sur l’anarchisme. Il apprécie la rhétorique activiste du FHAR, qui politise peu à peu la notion d’homosexualité. Guérin accompagne donc l’investissement de l’espace public par les problématiques homosexuelles (à la discussion intellectuelle sous forme d’article ou de conférences devant un public restreint et concerné, répond désormais le défilé de rue et l’outrance des militants du FHAR et des gasolines travesties), à travers la reprise d’une « pensée mai 1968 », faite de marxisme psychanalytique, de gauchisme révolutionnaire, et imprégnée d’une philosophie de la révolte du désir.

42Le nouvel univers intellectuel dans lequel gravitent les mouvements homosexuels repose sur les thèmes développés par un certain nombre d’auteurs, anciens et réappropriés (comme Wilhelm Reich qui décrit l’ordre social patriarcal comme un mécanisme à produire de la frustration sexuelle) ou contemporains (la conceptualisation d’un désir créateur, transcendant les fausses identités du sujet et de l’objet chez Deleuze et Guattari). Guy Hocquenghem, qui a fortement influencé la pensée du FHAR, définit l’homosexualité comme une « fabrication » du monde social; comme une catégorie psycho-policière servant à canaliser les énergies négatives d’une société sur une figure clairement délimitée puis dépréciée. Il voit dans la pratique du désir (dépassant la simple catégorie de l’homosexualité) une manière de créer de nouvelles identités sexuelles, puis de nouvelles identités sociales. Une pareille gamme conceptuelle séduit Guérin, qui fait preuve au début des années 1970 d’une véritable exaltation pour le jeune mouvement [32].À travers ce processus de politisation auquel participe Guérin, la revendication homosexuelle s’inscrit dans un courant global de pensée visant à exploiter une nouvelle dimensionnalité de l’existence humaine, c’est-à-dire à substituer à la figure du citoyen et du sujet politique, celle du sujet sexuel, avec ses désirs et ses passions, et à adapter les cadres politiques et sociaux à cette nouvelle définition de l’homme dans la cité.

43L’homosexuel(le), de victime sociale cherchant à dénoncer son oppression et à démontrer sa normalité, devient sujet révolutionnaire, porteur d’un projet politique visant à rapporter l’ensemble de relations de pouvoir dans une société donnée aux rapports sociaux de sexe, pour ensuite bouleverser en profondeur ces rapports. Guérinthéorise cette évolution :« La révolution sexuelle en cours, l’extension de la pratique bisexuelle, l’exploitation capitaliste de la sexualité, […] créent justement les conditions de possibilité d’une “situation nouvelle” » [33].

44Ce nouveau discours militant, de la part de Guérin, fait l’impasse sur les discriminations dont sont victimes les homosexuels, et perd de vue les réalités sociales concrètes, pour s’élever au niveau du concept pour penser la transformation de la société, sans nécessairement être très précis quant aux moyens de cette transformation. L’énergie sexuelle est décrite comme une force révolutionnaire : « L’impétuosité formidable de l’appétit charnel est capable de renverser des montagnes », et elle permet de créer un homme nouveau libéré des étiquettes réductrices du comportement sexuel (le désir et rien d’autre) et des chaînes de l’asservissement :

45

« Ne sacrifions pas la révolution sociale à la seule révolution sexuelle. Que l’une épaule l’autre. Baisons en même temps que nous militons. Car, en définitive, les deux révolutions ne sont qu’une seule et même, et chacune à sa façon se propose d’affranchir l’homme. Pendant les journées révolutionnaires de mai 1968 en France, les étudiants écrivaient sur les murs :
plus je fais la révolution, plus j’ai envie de faire l’amour » [34].

46Mais Guérin conserve toujours son originalité qui est de définir l’homosexualité comme une pratique non exclusive, c’est-à-dire en la rabattant sur une bisexualité générique. Or, la radicalisation du discours de libération de l’homosexualité qui lui est contemporaine (avec le FHAR, puis le Groupe de Libération Homosexuel à partir de 1974), et qui risque de réifier l’identité homosexuelle en en faisant un projet socio-politique, a le défaut d’essentialiser la pratique sexuelle en l’élevant au rang d’une identité politique, et donc de la fixer définitivement en tant que marqueur identitaire, et non plus comme modalité d’un désir non déterminé. Tout en saluant les efforts des militants, il rappelle régulièrement dans ses écrits comme dans sa correspondance personnelle, que, dans sa conception du désir sexuel, l’homosexualité n’est qu’un moment dans le déploiement d’un dispositif libidinal qui demeure informe et n’admet aucune spécification « monosexuelle ». En témoigne cet extrait de sa correspondance avec l’américain David Thorstad en 1971 :

47

« La nature n’obéit à aucune prétendue finalité. Elle offre aux êtres humains toutes sortes d’objets attrayants au point de vue sexuel, masculin ou féminin, s’il s’agit d’humains, de toutes sortes s’il s’agit d’animaux ou de fétiches [35]. »

48Néanmoins, la fin des années 1970 et le début des années 1980 marquent pour Guérin une étape de déception vis-à-vis du mouvement homosexuel. En effet, il critique, comme Guy Hocquenghem au même moment dans La dérive homosexuelle (1977), la « ghettoïsation » du monde homosexuel sur lequel des frontières symboliques, héritières de la retombée de la politisation, se sont maintenant abattues en lui donnant une forme communautaire. L’homosexualité, définie comme une identité subversive et comme moyen de transformer une société, est devenue, par l’action des multiples mouvements militants qui s’en revendiquaient, une fin en-soi. Le discours homosexuel militant a réifié l’homosexualité en en faisant un objet de débats et de revendications sur la place publique. Guérin fustige également les débuts de la « commercialisation » du monde gay. Prolongeant ses réflexions sur la nature et le fondement de l’homosexualité, notamment dans Homosexualité et Révolution (1983), Guérin se réfugie dans ses souvenirs des années 1920 et 1930 où, selon lui, les identités homosexuelles et hétérosexuelles étaient loin d’être essentielles, exclusives et réifiées :« Il n’y a aucun doute que la discrimination est maintenant plus forte qu’à l’époque de ma jeunesse. Cette soi-disant révolution sexuelle n’a pas du tout été dans le sens que nous pouvions souhaiter » [36]. Pour autant, Guérinne tourne pas entièrement le dos à l’action militante et continue à répondre à de nombreuses sollicitations sur le terrain, à l’appel de militants « locaux » qui souhaitent voir leur action parrainée par cette illustre figure [37].

49Cependant, peu à peu Daniel Guérinse replie sur la seule réflexion relative à l’identité homosexuelle, en développant des thèmes qui lui ont toujours été familiers mais qui restent du côté de la spéculation théorique, sans qu’il appelle à l’action révolutionnaire en vue du changement de société – auquel il croit toujours, mais qu’il ne pense plus voir se réaliser de son vivant. En ce sens, il rédige, par exemple, un article pour Masques, la revue des homosexualités sur « Le tourment de François Mauriac », dans lequel il revient sur la souffrance psychologique de la condition homosexuelle, en évoquant « la plainte douloureuse, si peu atténuée par la foi » de Mauriac, qui avait révélé son homosexualité non acceptée dans la longue correspondance qu’il échangea avec Guérin [38]. De même, Guérin continue de songer à une hypothétique société future, où la révolution sexuelle accoucherait à terme d’un monde du libre désir, sans identités sexuelles figées, où le terme même d’homosexualité serait amené à disparaître :« Le mot devrait tomber en désuétude au fur et à mesure que disparaîtraient les homophobes, les préjugés à l’égard de la chose, et enfin les foudres d’une Église… » [39].

50Au final, Daniel Guérin a accompagné l’essor du discours militant homosexuel, de la période de la répression et de l’invisibilité à celle de la politisation et de la construction d’un nouveau type de discours identitaire. Dénonçant les amalgames du discours social mais critiquant l’identité homosexuelle définie par le discours militant des années 1980, son exemple montre que les identités ne sont pas innées mais résultent d’une construction stratégique et historique.

51En ce sens, elles sont profondément politiques.


Date de mise en ligne : 01/12/2006

https://doi.org/10.3917/rhmc.534.0175

Notes

  • [1]
    Cet article s’inspire de mon mémoire de maîtrise d’histoire :A.MARCHANT,« Le discours militant sur l’homosexualité masculine en France (1952-1982): de la discrétion à la politisation », sous la dir. d’Annette BECKER, ENS Cachan / Paris X Nanterre, juin 2005.
  • [2]
    « Je me trouve être, à la fois, communiste libertaire et bisexuel, avec une nette préférence pour mon propre sexe […]. Leur association a été à la substance même de mon être »:Compte-rendu d’un enregistrement vidéo réalisé par Guérin lui-même en août 1979, document dactylographié, Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine, Nanterre, Fonds D.GUÉRIN, F delta 721 / 7.
  • [3]
    Dans la bibliographie de son ouvrage :F.MARTEL,Le Rose et le Noir. Les homosexuels en France depuis 1968, Seuil,1996.
  • [4]
    Les archives de D.GUÉRIN sont consultables à la Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine (BDIC), Nanterre. Section Archives : F delta 721/. (« Archives ») et F delta 688/. (« Mémoires »). Ses œuvres sont consultables en édition originale à la Section Ouvrages.
  • [5]
    « Il faut être malade pour ne pas être un peu bisexuel » in Homo 2000, n° 4,3e trimestre 1979, « entretiens avec Daniel GUÉRIN »:BDIC, F d 721 / 15 / a, dossier 9.
  • [6]
    À l’image du militant gay new-yorkais David Thorstad, auquel il confie :« Il existe très peu de vrais homosexuels, c’est-à-dire d’homosexuels exclusifs. La plupart sont capables de réagir positivement en face d’un partenaire féminin. Il serait plus exact de dire que nous sommes tous bisexuels avec un dosage variable de composantes hétérosexuelles et de composantes homosexuelles »: BDIC, F d 721 / 7. Télégramme de D.GUÉRIN à D.THORSDAD,18 mai 1971.
  • [7]
    BDIC, F d 721 / 15 / a, b, c, d, e, f, g, h, i, j.
  • [8]
    « D’ici un siècle, parions-le, de tels faits laisseront le lecteur incrédule : il lui sera presque impossible d’admettre qu’une société humaine ait pu exister qui a engendré une morale sexuelle aussi invraisemblablement outrancière et absurde » déclare-t-il à propos d’un critique littéraire, Jean Delay, qui avait stigmatisé l’homosexualité jugée perverse de Gide :D. GUÉRIN,« André GIDE et l’amour », Arcadie, n° 49.
  • [9]
    « Les temps viendront, frère, où la femme et l’homme ne formeront plus deux espèces opposées, où l’amour des deux sexes sera reconnu comme la forme la plus naturelle de l’amour »:D.GUÉRIN, Eux et lui, texte de 1962, Lille, Éditions GKC,2000, p.52
  • [10]
    M. FOUCAULT, La volonté de savoir, tome I de l’Histoire de la sexualité, Paris, Gallimard, 1976.
  • [11]
    D. GUÉRIN, dans Homo 2000, n° 4,3e trimestre 1979.
  • [12]
    BDIC, F d 721 / 15 / a, dossier 9.
  • [13]
    Gai Pied, n° 26,1981 :BDIC, F d 721 / 15.
  • [14]
    L’article 331-3 résulte d’une reprise par l’Ordonnance de 1945 d’un décret adopté par Vichy en 1942 (article 334).
  • [15]
    BDIC, Ouvrages, Le Cercle ouvert, 1958, cote O167636. Les citations sont extraites d’un document dactylographié et relié de 20 pages (retranscription de la conférence).
  • [16]
    D.GUÉRIN,« La répression de l’homosexualité en France », La Nef,1958 :BDIC, Ouvrages, cote O167647.
  • [17]
    Télégramme à René GAGUY,1er avril 1960 :BDIC, F d 721 / 12.
  • [18]
    D. GUÉRIN,« La répression… », art.cit.p.4.
  • [19]
    Lettre d’A.BAUDRY à D.GUÉRIN,5 août 1962 :BDIC, F d 721 / 6 bis.
  • [20]
    Lettre d’A.BAUDRY à D.GUÉRIN,20 janvier 1965 :BDIC, F d 721 / 6, dossier 2.
  • [21]
    Lettre signée BENILLI, de Blois, non datée précisément (1956):BDIC, F d 721 / 12.
  • [22]
    Lettre de Philippe TERCIEUX, Lyon,1er septembre 1956 :BDIC, F d 721 / 12.
  • [23]
    D. GUÉRIN, lettre au journal France Observateur, septembre 1957 :BDIC, F d 721 / 14.
  • [24]
    BDIC, F d 721 / 13, dossier 7 où se trouve un ensemble de coupures de presse concernant l’affaire.
  • [25]
    Lettre de D.GUÉRIN à France Obervateur, octobre 1957 :BDIC, F d 721 / 13 et 721 / 15 / a.
  • [26]
    Retranscription de la conférence,17 février 1965 : BDIC, Ouvrages, cote Q20101.
  • [27]
    « Interview de Daniel GUÉRIN à propos de l’Essai sur la révolution sexuelle et Pour un Marxisme libertaire», Le Monde,15 novembre 1969 :BDIC, F d 721 / 13.
  • [28]
    Article de Lui, 1970 :BDIC, F d 721 / 13.
  • [29]
    Tract et compte-rendus :BDIC, F d 721 / 13.
  • [30]
    « Répliques à René LAFORESTIE et Guy MISSOUN »,Le Monde,6 janvier 1979 :BDIC, F d 721 /13.
  • [31]
    « La séduction d’un jeune mineur, sans violence, est parfaitement inoffensive. Bien au contraire, elle procure à la “victime” une décharge salutaire de son flux sexuel contrarié par la Famille, l’École et la Morale »: D. GUÉRIN, « Pour le droit d’aimer un mineur », Marges, n° 4,1974, tapuscrit, p. 5 : BDIC, F d 721 / 15 / a.
  • [32]
    À l’image de ce qu’il écrit à son intention, en réaction aux articles provocateurs et libertaires du n° 12 de la revue Tout ! dont la rédaction avait été principalement confié aux militants du FHAR :« C’est un honneur pour moi d’adhérer au Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire. Je signe votre manifeste “Nous sommes plus de 343 salopes”. […]. Salut et vive notre libération !», D. GUÉRIN, Lettre au journal Tout !, courrier des lecteurs, n° 13,17 mai 1971, consultable sur « Le Séminaire gay », Olivier JABLONSKI : http ://semgai.free.fr.
  • [33]
    D. GUÉRIN,« Pour le Droit… », art.cit., p. 4.
  • [34]
    D.GUÉRIN, manuscrit de la rédaction d’un article pour Arcadie,« Pour la révolution sexuelle nippone », années 1970 :BDIC, F d 721 / 13.
  • [35]
    Lettre à David THORSTAD,18 mai 1971 :BDIC, F d 721 / 14, dossier 1.
  • [36]
    D. GUÉRIN, Homosexualité et Révolution, Paris, Le vent du ch’min, 1983, p. 11 : BDIC, ouvrage, cote O46506/4.
  • [37]
    Citons, parmi de nombreux exemples, celui de Patrick Cardon, fondateur d’une librairie faisant office de centre culturel camp nommé L’Éventail, à Aix-en-Provence.À sa demande, Guérin vient donner une conférence sur le thème « D’une dissidence sexuelle au socialisme » en 1981, après plusieurs lettres échangées. Correspondance et tracts publicitaires de L’Éventail,1981 : BDIC, F d 721 / 15 / a, dossier 2.
  • [38]
    Manuscrit de l’article pour Masques, n° 24, hiver 1984-1985 : BDIC, F d 688 / 43, dossier S30. L’intégralité de la correspondance entre Guérin et Mauriac est consultable dans ce même carton.
  • [39]
    D. GUÉRIN, Homosexualité et Révolution, op.cit., p.18.

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