Couverture de RHMC_524

Article de revue

Au nom de l'usager : les transformations du travail des receveurs des Postes entre 1965 et 1974

Pages 183 à 204

Notes

  • [1]
    René JODER, directeur général des Postes, in Postes et Télécommunications, sept. 1973, p. 4.
  • [2]
    Archives du ministère des PTT conservées à la bibliothèque des PTT d’Ivry [désormais Bibliothèque PTT d’Ivry], journées d’études des chefs d’établissement de la région de Limoges, Combressol, 9 et 10 juin 1970, p. 17.
  • [3]
    Laure QUENNOUËLLE-CORRE, La direction du Trésor 1947-1967. L’État-banquier et la croissance, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2000.
  • [4]
    Cf. Philippe BEZÈS, « Aux origines des politiques de réforme administrative sous la Ve République : la construction du “souci de soi” de l’État », Revue Française d’Administration Publique, n°102, avr.-juin 2002, p. 307-325.
  • [5]
    Groupe 1985, Réflexions pour 1985, « Avant-propos de Pierre Massé », Paris, La Découverte, 1964, cité in Ph. BEZÈS, « Aux orgines… », art. cit., p. 313.
  • [6]
    Claire ANDRIEU, Pour l’amour de la République. Le club Jean Moulin, 1958-1970, Paris, Fayard, 2002.
  • [7]
    Cf. le bilan dressé par Jean-Marie AUBY, « Préface », in Jean DU BOIS DE GAUDUSSON, L’usager du service public administratif, Paris, LGDJ, 1974, p. 1. Pour le développement d’une « connaissance de soi » de l’État et de ces enquêtes, cf. Ph. BEZÈS, « Gouverner l’administration. Une sociologie des politiques de la réforme administrative en France ( 1962-1997)», thèse de sciences politiques, IEP de Paris, 2002; Robert FRAISSE, « Sciences humaines et sociales, État et entreprise : les années 1970 », Entreprises et histoire, n°11, mars 1996; Delphine DULONG, « La technocratie au miroir des sciences sociales : la réflexion technocratique en France ( 1945-1960)», in V. DUBOIS, D. DULONG, La question technocratique. De l’invention d’une figure aux transformations de l’action publique, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1999, p. 77-92; Ph. BEZÈS, M.CHAUVIÈRE, J.CHEVALLIER, N.deMONTRICHER, F.OCQUETEAU (dir.), L’État à l’épreuve des sciences sociales. La fonction recherche dans les administrations sous la Ve République, Paris, La Découverte, 2005.
  • [8]
    Gilles LE BEGUEC, « L’État dans tous ses états », in Geneviève DREYFUS-ARMAND, Robert FRANK, Marie-Françoise LEVY, Michelle ZANCARINI-FOURNEL (dir.), Les années 68. Le temps de la contestation, Bruxelles, Éditions Complexe, 2000, p. 461-469.
  • [9]
    Ce qui aboutit à la nomination de dix-sept parlementaires en mission chargés respectivement de présider un « comité d’usagers » pour chaque ministère. Cf. Michel SAPIN, La place et le rôle des usagers dans les services publics, Rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française, 1983.
  • [10]
    Ph. BEZÈS, « Gouverner l’administration… », op.cit., p. 275 et suivantes.
  • [11]
    Elle atteint une certaine exemplarité dans les établissements de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur, notamment avec les réformes issues de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968, qui mettent en place des formules originales après que les étudiants ont longtemps revendiqué une représentation sous la forme de la « cogestion ».
  • [12]
    Alain CHENU, « L’État et les services non marchands », in François CARON ( et al.), Histoire générale du travail, t. IV, Le travail au XXe siècle, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1997, p. 429.
  • [13]
    Entre 1959 et 1969, la couverture des besoins en « consommation publique » serait passée de 13,5% à 20,7%, conséquence des efforts faits dans les trois domaines où les fonds collectifs couvrent plus de 85% des besoins : les services médicaux, les services sociaux et l’enseignement. Cf. Alain TOULON, « Consommation des ménages et consommation publique divisible », Consommation, n°2, avr.-juin 1973.
  • [14]
    Léon DUGUIT, Les transformations du droit public, Paris, Félix Alcan, 1913, cité in Georges DUPUIS, Marie-José GUEDON, Institutions administratives. Droit administratif, Paris, Armand Colin, 1988 ( 2e éd.), p. 17.
  • [15]
    Pour la méthodologie que nous avons utilisée, cf. Odile JOIN-LAMBERT, « Archives orales et dossier de personnel : quelles complémentarités ? Le cas de l’histoire des receveurs des Postes », Histoire et Mesure (à paraître en 2005). Pour les résultats : Le receveur des Postes, entre l’État et l’usager (1944-1973), Paris, Belin, 2001.
  • [16]
    André GAURON, Histoire économique et sociale de la Ve République, t. I, Le temps des modernistes, Paris, La Découverte – Maspéro, 1983, p. 93; L. QUENNOUËLLE-CORRE, La direction du Trésor…, op. cit.; Aude TERRAY, Des francs-tireurs aux experts : l’organisation de la prévision économique au ministère des Finances (1948-1968), Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002.
  • [17]
    L.QUENNOUËLLE-CORRE, La direction du Trésor…, op.cit.
  • [18]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, rapports d’activité des PTT des années 1966 à 1973.
  • [19]
    Chiffres extraits de la comptabilité nationale, cités dans Pierre DUBOIS, Mort de l’État-patron, Paris, Éditions ouvrières, 1974, p. 91-92.
  • [20]
    Pascal GRISET, « Aspects financiers du développement des télécommunications en France dans les années cinquante », in La direction du Budget face aux grandes mutations des années cinquante, acteur… ou témoin ?, Actes de la journée d’études tenue à Bercy le 10 janv. 1997, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998, p. 668.
  • [21]
    Pascal GRISET, « La haute technologie », in Maurice LEVY-LEBOYER (dir.), Histoire de la France industrielle, Larousse, 1996, p. 407.
  • [22]
    Odile JOIN-LAMBERT, Frédérique PALLEZ, « Les PTT entre 1950 et 1980, entretien avec Émile Simon », Annales des Mines. Gérer et comprendre, n°43, mars 1996, p. 37-48.
  • [23]
    Archives nationales, Paris [désormais AN], F 90 21135, note de Robert Galley à Philippe Malaud, secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargé de la Fonction publique, 27 février 1970.
  • [24]
    AN, F 90 21099, Secrétariat général, note sur le statut des PTT et le projet d’office, 1970.
  • [25]
    René JODER, directeur général des Postes, in Postes et Télécommunications, sept. 1973, p. 4.
  • [26]
    Le Monde, 2 mars 1971.
  • [27]
    Postes et Télécommunications, n°187, juillet 1971, p. 12.
  • [28]
    Catherine BERTHO, Télégraphes et Téléphones. De Valmy au microprocesseur, Paris, Le Livre de Poche, 1984, p. 495.
  • [29]
    AN, F 90 bis 6342, Mc KINSEY, Structurer les modes de direction de la Poste, Mc Kinsey & Co. Inc., 20 fév. 1973.
  • [30]
    C. BERTHO, Télégraphes et Téléphones…, op.cit., p. 471 et suivantes.
  • [31]
    Jacques CHEVALIER, « L’administration française face au public », in La relation de service dans le secteur public, Paris, Plan urbain, DRI-RATP, 1991, vol. 2, p. 292.
  • [32]
    Selon l’IFOP, en 1971,69% des usagers sont satisfaits. Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°196, avr.-mai 1972.
  • [33]
    AN, F 90 21121, Postes et Télécommunications Relations extérieures, « Le plus grand bureau de poste de France : la RP de la Seine ».
  • [34]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Journées d’études des chefs d’établissements de la région de Marseille, « L’avenir des établissements de l’administration des PTT », juin 1964.
  • [35]
    Caisse des dépôts, La CNP a 30 ans, Paris, CDC, 1989.
  • [36]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Direction générale des Postes, circulaire n°16,11 fév. 1972.
  • [37]
    Marcel LEGROS, « Service postal et politique commerciale », Revue des PTT de France, n°4, 1972, p. 6.
  • [38]
    Archives conservées à l’Institut de recherche, d’études et de prospective postale (IREPP), Annales du conseil commercial des Postes, 12 mars 1973, t. I, p. 19.
  • [39]
    AN, F 90 21136, note du cabinet du secrétaire général, 27 avril 1970.
  • [40]
    Alain DARBEL, Dominique SCHNAPPER, Le système administratif, t. I, Paris – La Haye, Mouton, 1969, p. 72-73.
  • [41]
    Arrêté ministériel n°1547 du 16 juin 1969 et décret n°71-72 du 30 août 1971 cité dans Jean-Pierre LUKASZEWICZ, « Service public administratif ou entreprise commerciale. La difficile mutation des Postes et Télécommunications », ADJA, fév. 1975, p. 59.
  • [42]
    AN, F 90 bis 6342, Mc KINSEY & Co. Inc., Structurer les modes de direction de la Poste, 20 fév. 1973. Sur le rôle de Mc Kinsey, cf. Entreprises et histoire, juin 2000, « Les consultants», numéro spécial sous la direction de Matthias KIPPING.
  • [43]
    AN, F 90 21126, direction générale des Postes, propositions formulées pour le 1er février 1971 sur la déconcentration, 29 janvier 1971.
  • [44]
    AN, F 90 bis 7033, direction générale des Postes, catalogue des pouvoirs et attributions par niveau de responsabilité, 1971.
  • [45]
    AN, F 90 21135, direction générale des Postes, note sur la politique de déconcentration, 10 février 1971.
  • [46]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°201, mars-avr. 1973.
  • [47]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Circulaire de la direction générale des Postes, n°71,11 oct. 1971; circulaire de la direction générale des Postes, n°42,19 mai 1971.
  • [48]
    Sur ce mouvement, cf. Catherine MALAVAL, La presse d’entreprise française auXXe siècle. Histoire d’un pouvoir, Paris, Belin, 2001.
  • [49]
    Voir la rubrique intitulée « Des pays et des hommes », entre 1968 et 1973, dans Messages. Cf. l’analyse menée sur les facteurs in Quentin DELUERMOZ, « Les facteurs de ville en France de 1871 à 1914 », mémoire de maîtrise d’histoire, Université Lyon 2,1998, p. 182. Cf. également Alain GAUTHERON, Du bulletin officiel à la communication d’entreprise. Le cas de La Poste et de France Télécom, supplément à Résonances, La tribune des cadres et cadres supérieurs de l’UFC CGT-PTT, n°4, avr. 1998, p. 42.
  • [50]
    AN, F 90 21126, secrétariat général, groupe de travail des chefs d’établissement, 16 et 17 juin 1970.
  • [51]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Journées d’études des chefs d’établissement de la région de Limoges, Combressol, 9 et 10 juin 1970.
  • [52]
    AN, F 90 21126, secrétariat général, listes des mesures préconisées par les groupes de travail « déconcentration », octobre 1970.
  • [53]
    Jeanne SIWEK-POUYDESSEAU, Les syndicats des grands services publics et l’Europe, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 163.
  • [54]
    Témoin n°67. Cent trente témoignages écrits de receveurs retraités ont été collectés par l’auteur en février 1995. Ils sont référencés par le terme « Témoin » suivi d’un numéro de classement. Cinquante-cinq récits recueillis en septembre 1995 par le Comité pour l’histoire de La Poste dans le cadre d’un « Concours autobiographique » ont également pu être consultés par l’auteur. Ils sont référencés par le terme « Auteur de récit autobiographique » suivi d’un numéro de classement.
  • [55]
    Témoin n°112, fév. 1995.
  • [56]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Direction régionale des services postaux de Marseille, Journée d’études des chefs d’établissement sur l’avenir des établissements de l’administration des PTT, 21 et 22 avril 1964, Marseille, p. 10-15.
  • [57]
    Témoin n°82, fév. 1995.
  • [58]
    AN, F 90 21 099, direction des services financiers, rapport au ministre sur l’emprunt 1968, 14 octobre 1968.
  • [59]
    Témoin n°112, fév. 1995.
  • [60]
    Témoin n°119, fév. 1995.
  • [61]
    Témoin n°14, fév. 1995; auteur de récit autobiographique n°62, septembre 1995.
  • [62]
    Auteur de récit autobiographique n°16, septembre 1995.
  • [63]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°195, fév.-mars 1972.
  • [64]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°125, sept.-oct. 1960.
  • [65]
    Archives du service conservées à Péronne, fonds Giral, Association amicale des receveurs et chefs de centres des PTT, fiche au conseiller technique du cabinet du ministre dans la perspective de l’audience du ministre du 9 mai 1969,24 avr. 1969.
  • [66]
    Cahiers d’études et d’informations, n°71,1971, p. 91.
  • [67]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°207, mars-août 1974.
  • [68]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°199, oct.-nov.-déc. 1972.
  • [69]
    Bulletin de l’association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, années 1970-1972. Pour l’ensemble des fonctionnaires, cf. Gilbert ESTEVE, Alain COTTEREAU, « Les fonctionnaires », in Jacques SALLOIS (dir.), L’administration, les hommes, les techniques, les rouages, Paris, Hachette, 1974, p. 259.
  • [70]
    Archives conservées à l’ENSPTT, Séminaire d’accueil de l’ENSPTT de La Toussuire, promotion 1991-1994,8-12 fév. 1993.
  • [71]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, années 1970-1972. Pour l’ensemble des fonctionnaires, cf. G. ESTEVE, A. COTTEREAU, « Les fonctionnaires », art. cit., p. 259.
  • [72]
    Henri MENDRAS, La seconde révolution française, 1965-1984, Paris, Gallimard, 1994, p. 39.
  • [73]
    Témoin n°49, fév. 1995.
  • [74]
    Témoin n°126, fév. 1995.
  • [75]
    Témoin n°4, fév. 1995.
  • [76]
    Jean-Claude CHAMBOREDON, « Nouvelles formes de l’opposition ville-campagne », in Georges DUBY (dir.), Histoire de la France urbaine, t. V, La ville aujourd’hui. Croissance urbaine et crise du citadin, Paris, Seuil, 1985, p. 563.
  • [77]
    Xavier BROWAEYS, Paul CHATELAIN, Les Frances du travail, Paris, PUF, 1984, p. 67.
  • [78]
    Antoine PROST, « Le temps de la prospérité », in Puissance et faiblesse de la France industrielle, XIXe-XXe siècle, Paris, Seuil, « Points », 1997, p. 242.
  • [79]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, ministère des Postes et Télécommunications, Rapport d’activité, exercice 1969.
  • [80]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Circulaire de la direction générale des Postes, direction des services financiers, 30 mars 1972.
  • [81]
    Cf. Vincent BOUGET, La grève des PTT de l’automne 1974 et les médias, Les cahiers pour l’histoire de La Poste, Comité pour l’histoire de La Poste, nov. 2003; CFDT (avec la collab. de Jean-François NOËL ), Des « idiots » par milliers : du démantèlement des PTT à la grève de 1974, Paris, Maspéro, 1975; Daniel BIBAULT, « La grève des PTT en 1974 à Paris et en région parisienne », mémoire de maîtrise, Université Paris 12,1998.
  • [82]
    Jacques REVEL (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Seuil-Gallimard, 1996.
  • [83]
    Patrick FRIDENSON, « Pour une histoire de l’État contemporain comme organisation », Cahiers du Centre de recherches historiques, n°25, « Organiser et s’organiser. Histoire, sociologie, gestion », octobre2000, p. 149-156.
« La mise en œuvre d’une politique commerciale de l’État mieux adaptée doit comporter un changement de style dans les relations entre les Postes et les usagers dans le sens d’une meilleure compréhension de leurs besoins réciproques » [1].
« Il appartient au receveur de tout faire pour que le public ait l’impression d’avoir en face de lui un interlocuteur compréhensif, je dirais un commerçant. Le receveur d’antan a vécu, il est un homme nouveau » [2].

1Comme l’indiquent ces deux citations, respectivement du directeur général des PTT et d’un directeur régional des Postes, on peut constater, entre les années 1965 et 1974, une triple nouveauté au sein de l’État : des tentatives pour rationaliser la gestion dans l’administration, le développement d’une politique commerciale pour les services dotés de réseaux et vendant leurs prestations et enfin une représentation des usagers dans l’espace public (par les discours modernisateurs des hommes politiques, les médias, les associations de consommateurs ou les groupements d’usagers et par les recherches en sciences sociales) qui apparaît comme modifiée par rapport aux années antérieures.

2Dans les transformations des discours et des pratiques de l’État durant cette période, les années qui précèdent 1968 doivent être distinguées des années postérieures aux événements de mai 1968. Avant 1968, dans le contexte économique des choix internationaux faits par la France et de la montée du Marché commun (créé en 1957 et élargi en 1973 à « l’Europe des neuf »), la direction du Trésor impulse une réforme progressive de l’action économique et financière de l’État, fondée sur la reconnaissance du marché et marquée par quelques grandes réformes au début des années 1960 (réformes de structure de l’appareil bancaire et réforme du crédit) [3]. Une orientation commerciale est prise par les entreprises publiques ou par certaines administrations à caractère industriel et commercial. La compétition internationale modifie les stratégies attendues des autorités publiques. Simultanément, dans les discours sur l’État, dès les années 1962-1963, la réforme de l’administration devient un thème obligé des agendas gouvernementaux [4]. Un « faisceau d’éléments nouveaux » caractérise les années 1962 à 1968 : la création d’un ministère d’État chargé de la réforme administrative en novembre 1962 dont le titulaire est Louis Joxe, une mission permanente de la réforme administrative confiée à Pierre Racine en mars 1963, les décrets de 1964 renforçant le pouvoir des préfets qui deviennent des intermédiaires hiérarchiques obligés entre les ministres et leurs services extérieurs, les premiers voyages de hauts fonctionnaires aux États-Unis en 1966 pour analyser le Planing Programming Budgeting System américain (qui deviendra la rationalisation des choix budgétaires en France à la fin des années 1960) ou les réformes des droits des administrés des années 1970.

3La nouvelle orientation d’un État qui accepte de s’occuper de commerce va de pair avec l’affirmation d’une rationalisation des méthodes de gestion publiques où la figure de l’usager est mobilisée. Le rapport d’activité du groupe de prospective chargé de la préparation du Ve Plan – qui rassemble de 1963 à 1964 des hauts fonctionnaires, des patrons et des prévisionnistes – témoigne initialement de cette orientation : « Il faudra que l’administration adopte certaines méthodes et structures du secteur privé, comportant notamment le sens de l’initiative, de la responsabilité, de l’efficacité, du service du client » [5]. Si certains hommes issus du secteur privé utilisent volontiers le terme de « client », d’autres convoquent l’« usager » ou le « citoyen » pour impulser les réformes. À gauche, le club Jean Moulin, créé en 1957-1958 et figure emblématique des clubs de réflexion, retient l’attention parce qu’une partie de ses membres sont dans l’État, en tant que fonctionnaires ou hauts fonctionnaires.

4Symbole de la renaissance d’une pensée de gauche de l’État, le premier et plus célèbre ouvrage du club paru en 1961, L’État et le citoyen, dresse le portrait d’une démocratie moderne où la participation des citoyens serait mieux assurée [6] Enfin, dès avant 1968, les recherches sur l’administration introduisent elles aussi progressivement l’« usager », l’« environnement » ou « le public » dans leurs analyses, jusque-là dominées par le point de vue juridique [7].

5En 1968, l’État traverse une crise profonde et multiforme à ses sommets politique et administratif entre le 24 et le 30 mai [8]. La période qui suit constitue dans les discours des années de recomposition des enjeux et des expertises autour de la réforme de l’administration. Les partis politiques intègrent cette dernière dans leurs programmes, les élites politiques s’instaurent en médiateurs et en recours des administrés-électeurs face à l’administration. À tel point que les usagers vont figurer dans le programme de politique générale du Premier ministre Jacques Chirac en juin 1974 [9]. Au début des années 1970, la question des relations administrationsadministrés se trouve ainsi au confluent de trois mouvements : une mobilisation relevant de la participation démocratique, une mobilisation consumériste et une mobilisation politique [10]. Plus généralement, la « participation » comme méthode démocratique connaît un succès après les événements de mai 1968 : ces derniers ont fait apparaître au grand jour une opposition entre deux types de démocratie – la démocratie participative et la démocratie représentative – qui était déjà répandue avant. Cette participation directe des usagers a une portée limitée et variable selon les services publics administratifs [11].

6S’agissant du travail des fonctionnaires, on peut donc se demander si la triple nouveauté des années 1965 à 1974 que constituent les tentatives pour rationaliser la gestion dans l’administration, le développement d’une politique commerciale et le discours sur l’émergence des usagers a eu des effets sur le travail des fonctionnaires. Ces années – de l’introduction d’une logique commerciale au conflit le plus important que l’administration des PTT (Postes et Télécommunications) ait subi au cours duXXe siècle – constituent une période privilégiée pour observer les transformations des discours, des méthodes et des pratiques du travail dans une administration particulière, celle des PTT, que nous avons eu l’occasion d’étudier. Dès lors, il faut se demander comment la figure de l’usager a été utilisée pour contribuer à la rénovation des activités administratives, à la fois par les autorités responsables d’administrations particulières (le ministère des Finances, la Direction générale de la Fonction publique, le ministère des PTT) et, surtout, par les principaux intéressés, c’est-à-dire les personnels des services publics. L’émergence de l’usager, que l’on constate dans les discours de ministres successifs et dans les organigrammes de certaines administrations durant cette période, a-t-elle réellement transformé le travail des fonctionnaires et quelle fût la contribution de ces derniers à cette redéfinition ? Les fonctionnaires des services extérieurs exercent en effet une activité qui est confrontée à la fois à la diversité des usagers et à la volonté politique de leur appliquer des règles nationales. Celles-ci ont été formulées au début duXXe siècle afin de tenter de garantir l’égalité entre usagers et la cohérence de l’organisation. Mais les discours changent dans la mesure où l’État se définit de plus en plus, au cours du XXe siècle, comme un faisceau de services publics : il intervient de manière de plus en plus active dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la recherche scientifique, de l’organisation des marchés, que ce soit pour réglementer les activités privées ou pour assumer lui-même directement diverses fonctions dites de « service public » [12]. L’État devient de plus en plus fréquemment un vecteur de fourniture de services médicaux, sociaux, d’enseignement, de transport, de communication ou de services financiers, et connaît une diversification des activités bénéficiant aux usagers [13]. Il faut donc se demander comment la notion de service public, définie en France notamment par Léon Duguit dans les années 1910 – elle est alors « un attribut de la souveraineté, ceux qui la détiennent doivent l’exercer dans un un esprit de service » [14], est peu à peu réaménagée dans les pratiques, qui se modifient en interaction avec les définitions juridiques.

7Nous avons choisi d’étudier des fonctionnaires des PTT, les receveurs, qui sont précisément dans une position intermédiaire entre les agents d’exécution (guichetiers, facteurs, contrôleurs, inspecteurs), les usagers et les directions départementales. Leur diversité est très grande. Le terme de receveur, adopté en 1865, désigne de manière uniforme un statut, celui de comptable public qui consiste à effectuer des recettes et des dépenses sur les deniers de l’État, dont le receveur est personnellement responsable (il s’agit alors de la vente du timbre, les taxes sur les produits télégraphiques et téléphoniques, les pensions et les services financiers). Mais le receveur a aussi pour mission d’assurer le fonctionnement du téléphone, du courrier et des services financiers du bureau dont il est le chef. Les receveurs sont très divers : ils peuvent diriger de 1 agent dans les petits bureaux ruraux à 1000 agents dans les grandes villes. Ils peuvent être aussi bien des fonctionnaires isolés, apparentés à des agents d’exécution et éventuellement assistés d’un guichetier dans les petites recettes rurales, au contact quotidien des usagers, que des cadres dans les bourgs et villes moyennes, avec entre eux et leurs agents des inspecteurs. Dans les grandes villes, le receveur est cadre supérieur voire administrateur, et n’a de contact qu’avec ce qu’on nomme à l’époque les « usagers importants ».

8Les receveurs exercent une fonction localisée : ils sont assignés à une circonscription et présents sur l’ensemble du territoire national. Les itinéraires sociaux, géographiques et professionnels qui accompagnent leurs carrières font donc partie des pratiques et des représentations de leur fonction.

9L’approche diachronique particulière qui consiste, pour les étudier, à croiser la période avant l’entrée aux PTT – celle des origines sociales – et celle correspondant à l’exercice des fonctions de receveur permet d’identifier l’importance des références anciennes comme élément constitutif des transformations de la société française : en quelques années, la population devient urbaine mais elle reste proche de ses origines. Pour comprendre leur diversité, nous avons retenu l’étude de la gestion du corps, celle de ses pratiques professionnelles et celle des itinéraires sociaux et professionnels de ses membres – triple approche qui, pour l’histoire des corps de fonctionnaires auXXe siècle, a été encore trop rarement été mise en œuvre de manière concomitante [15]. Nous centrons notre attention première sur les pratiques et les représentations d’un corps de fonctionnaires, compréhensibles notamment grâce à l’étude de leurs itinéraires sociaux et professionnels. Ce type d’approche a été rarement mis en œuvre sur l’histoire des corps de la fonction publique jusqu’à une période récente.

10Nous nous efforcerons donc d’appréhender ensemble trois niveaux d’analyse : la dimension institutionnelle qui désigne le cadre statutaire du travail des agents, la dimension organisationnelle qui renvoie aux principes de division du travail et aux modes de coordination, et la dimension proprement pratique qui concerne la diversité des activités des agents et leurs caractéristiques, dimension que nous avons privilégiée. Chacune d’elles a sa propre chronologie.

11Concrètement, que s’est-il passé, à la Poste d’abord, qui s’inscrit dans une nouvelle économie, dans l’organisation du travail et les structures de la Poste ensuite et, enfin, chez les receveurs eux-mêmes ? Comment a-t-on fait parler l’usager à ces différents niveaux et cette représentation a-t-elle contribué à transformer le sens du travail des receveurs ?

UNE NOUVELLE ÉCONOMIE DE LA POSTE

12Les choix du président Pompidou, à partir des élections de 1969, en faveur de l’industrialisation et d’une certaine réhabilitation du profit prolongent une tendance de l’après-guerre et confirment une orientation à laquelle contribuent le Plan et les administrations financières vers l’amélioration de la production et de la productivité. Les objectifs que défendent les directeurs du ministère des Finances, les responsables du Plan et les directeurs d’entreprises publiques apparaissent unis par une même conception de la production [16].

13À partir de 1965, l’État assigne à la Poste des missions financières nouvelles. Il se désengage des circuits de financement des investissements et le secteur bancaire monte en puissance [17]. Face à cette nouvelle concurrence, les services financiers de la Poste doivent trouver des adaptations pour pouvoir maintenir conjointement leur vocation de service public et leur présence dans un secteur devenu concurrentiel. Dans un contexte concurrentiel croissant à l’égard des Télécommunications comme du transport des lettres et paquets, l’État mobilise fortement la figure de l’usager. L’État demande alors à la Poste de développer son action commerciale et d’avoir une gestion plus efficace sans lui donner de nouveaux moyens pour mettre en œuvre cette politique.

De nouveaux marchés

14Les PTT, qui sont depuis 1923 une administration dotée d’un budget annexe, vivent, après une phase de sujétion étroite à l’État, une phase de tension avec ce dernier provoquée par l’inadéquation des objectifs entre les deux parties. Cette période marque en effet des modifications importantes du rôle de l’État en général et de la Poste en particulier. L’État est toujours organisateur des réseaux de communication. Les grandes modifications structurelles ont lieu avec la période gaullienne ( 1958-1969) et surtout avec l’internationalisation marquée de l’économie : les IVe et Ve Plans – ce dernier couvre les années 1965-1970 – précisent les modalités d’adaptation de la production à la compétitivité mondiale. D’un côté, les PTT doivent désormais équilibrer leur budget. De l’autre, dans le cas des PTT qui sont restées une administration, le problème du désengagement financier de l’État se pose dans des termes spécifiques : toute ressource propre dégagée est en effet considérée comme fonds d’État. Les PTT ne bénéficient pas, comme la SNCF ou la RATP, de compensations pour charges indues : ni les dépenses correspondant à des affranchissements gratuits (correspondances officielles, armée, sécurité sociale, ORTF) ni les tarifs préférentiels pour la presse ne leur sont vraiment remboursés [18]. La branche Poste est donc déficitaire de 173 millions de francs en 1973 [19].

15Certes, les PTT sont dotées d’un budget annexe dont les objectifs sont à la fois de voir clair dans la gestion et de se procurer les fonds pour subvenir aux dépenses d’investissement. Mais même dégagé du budget général de l’État, le budget annexe des PTT reste soumis à la procédure budgétaire classique. Les potentialités offertes par la loi quant aux possibilités d’emprunter pour financer le développement du réseau téléphonique ne sont pas toutes utilisées, mis à part pour la période 1924-1934 [20]. Sous la présidence de Georges Pompidou sont prises une série de décisions pour combler le retard français en matière de téléphone. Des sociétés de financement sont créées pour mobiliser l’épargne vers le téléphone et des réformes de structures engagées. La suppression en 1971 du Secrétariat général aux PTT amorce l’émancipation des télécommunications par rapport aux Postes. Pour la première fois en 1970, le budget des Postes et celui des Télécommunications sont présentés séparément [21].

16Les PTT vivent donc de manière croissante durant cette période les ambiguïtés de leur statut originel, qui était celui d’une administration dotée d’un budget annexe permettant en théorie une certaine autonomie. Un projet de transformation du statut des PTT préparé par le ministre Robert Galley, d’abord secret jusqu’en 1971, sera finalement connu mais ne verra pas le jour [22]. Il visait la transformation des PTT en office doté du statut d’établissement public sur le modèle de la Seita, avec un remplacement de la gestion directe de l’État par une autorité décentralisée, un directeur général assisté d’un conseil d’administration tripartite État-personnel-usagers [23]. Il s’agit alors d’une formule qui se rapproche des propositions du rapport Nora de 1968 sur les entreprises publiques et des établissements publics d’enseignement mis en place à l’Éducation nationale après les événements de 1968. Le personnel aurait un statut spécial détaché de celui de la fonction publique et inspiré des grandes entreprises du secteur public [24].

17Finalement, ce changement de statut est jugé prématuré et c’est en développant leur politique commerciale que les PTT devront équilibrer leurs comptes.

La convocation des « besoins de l’usager »

18Les Télécommunications mais également la Poste doivent mener ce que l’on nomme alors une « politique commerciale », et la figure de l’usager est mobilisée à ce titre par les pouvoirs publics. Par l’adoption d’une attitude commerciale, les structures de tutelle (direction générale de la Fonction publique et direction du Budget) et le Commissariat au Plan espèrent donner au personnel et aux cadres un esprit d’entreprise et façonner un nouveau visage sans toucher au statut juridique. En 1970, la commission des transmissions du VIe Plan, dont les conclusions ont été transcrites dans la loi de Plan et à ce titre adoptées par le Parlement, a fixé aux PTT les objectifs suivants :

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« La mise en œuvre d’une politique commerciale de l’État mieux adaptée doit comporter un changement de style dans les relations entre les Postes et les usagers dans le sens d’une meilleure compréhension de leurs besoins réciproques, susceptible de régler plus facilement quelques-uns des problèmes posés aux Postes par l’afflux massif et croissant du courrier des entreprises, une extension des services rendus souhaitée par les usagers, une diversification des tarifs selon la zone de distribution dans les secteurs non couverts par le monopole (paquets, imprimés publicitaires) ayant pour but de placer les Postes en position concurrentielle » [25].

20En outre, le ministre Robert Galley fixe en 1971 les orientations d’une réforme de la gestion transposant ce qui se passe pour les grandes entreprises américaines qui consiste à créer des échelons administratifs nouveaux, à décentraliser les responsabilités, et à définir des objectifs pour chaque échelon décentralisé [26]. La rationalisation des méthodes de gestion dont le discours du ministre des PTT s’inspire est invoquée pour faire face à des problèmes de cohérence interne mais aussi pour mieux répondre aux besoins des usagers : il s’agit de mettre en place une administration plus proche de ses administrés. Les clients doivent avoir affaire, au niveau des établissements postaux les plus importants, à des fonctionnaires qui soient aussi des responsables, c’est-à-dire qui puissent prendre des décisions sans avoir à en référer à un échelon supérieur [27].

21Dans les faits, la nouvelle orientation que doivent prendre les PTT s’inscrit, en ce qui concerne spécifiquement la Poste, dans un contexte de stabilisation du trafic postal. À partir de 1970, le prix du timbre-poste se met à progresser plus vite que celui du téléphone [28]. Les usagers de la Poste doivent supporter des augmentations de tarifs importantes. Le coût de l’« unité d’œuvre postale » croît nettement plus vite que les prix à la consommation, plus vite aussi que le coût des services [29], mis à part ceux de l’Éducation nationale. Il s’agit du tout début du déclin du service postal par rapport aux autres moyens modernes de communication : le message oral commence à dépasser en volume et en capacité le message écrit [30].

22Dans ce contexte, l’État demande à la Poste de faire du nouveau dans le domaine commercial et dans celui de la gestion, mais sans lui donner de moyens nouveaux, soit par un allégement de ses charges, soit par un changement de statut, soit encore par la mise en œuvre d’une réelle déconcentration des responsabilités. La Poste va cependant réaliser durant cette période quelques transformations de ses structures.

FACE À L’ÉMERGENCE D’USAGERS PLURIELS : QUELLE ADAPTATION DES STRUCTURES ?

23En l’absence de moyens nouveaux accordés par l’État, la branche « Poste » va introduire d’elle-même un certain nombre de nouveautés. Les années qui vont du milieu des années 1960 à la veille de la grande grève de 1974 constituent à la Poste une période d’importantes transformations par rapport à la stabilité des structures des années antérieures. Les usagers prennent d’abord une importance nouvelle dans les discours des ministres et dans les organigrammes des PTT. L’administration des PTT entre dans l’ère du marketing [31].

24L’utilisation des sondages auprès des usagers se développe progressivement aux PTT durant les années 1960 [32]. En 1969, plusieurs supports mettent en place une communication vers « les usagers ». Les guichets changent ensuite d’aspect. Symbole de cette remise en état des bureaux de poste : le plus grand bureau de poste de France, la recette principale de la Seine, est rénové en 1962 [33]. Matériellement, la plupart des bureaux suppriment les guichets grillagés. Les austères tablettes écritoires devant lesquelles on écrivait debout sont remplacées par des tables dotées de sièges. Dans les bureaux parisiens, les guichetiers se voient attribuer des blouses de nylon blanches et bleues [34].

25Comme dans plusieurs secteurs de l’administration, l’organisation en termes de management public gagne du terrain. La « responsabilité locale » apparaît comme une solution aux problèmes : elle est notamment censée permettre aux chefs d’établissement au contact des usagers de mieux répondre aux demandes de ces derniers. Dans une administration comme celle des PTT, pour équilibrer le budget de la Poste et rentabiliser ses services, la nouvelle orientation commerciale de l’État va de pair avec un discours plus affirmé sur la rationalisation des méthodes de gestion publiques où la figure de l’usager est mobilisée.

26Il faut cependant distinguer l’orientation commerciale, effectivement mise en œuvre, de la volonté d’améliorer la proximité de la gestion par la déconcentration des responsabilités, qui reste au niveau des discours.

Vers une nouvelle définition du service

27La pratique commerciale est reconnue de manière spécifique dans la division du travail à partir de la fin de 1969. Des formations spécialisées destinées aux receveurs sont mises en place dès 1969-1970. Les receveurs sont autorisés à aller au-devant des usagers, à l’extérieur du bureau de poste : on accorde ainsi aux receveurs et aux pilotes de la Caisse nationale de prévoyance (CNP) en 1970 l’autorisation de démarcher directement les usagers, ce dont ils étaient jusqu’alors privés [35]. Des attachés commerciaux complètent, au niveau local, le rôle traditionnel des receveurs, guichetiers et préposés auprès des usagers importants, comme l’entreprise de vente par correspondance La Redoute [36]. Un service commercial est créé en 1972, présent à l’échelon central comme aux échelons locaux.

28Dès lors, différentes catégories d’usagers apparaissent dans les organigrammes. Pour le courrier, une réforme des tarifs distinguant les plis urgents des non urgents intervient en 1969. Au trafic traditionnel des lettres s’ajoutent d’abord en effet des trafics nouveaux tels ceux de la prospection commerciale et de la petite messagerie. Il s’agit de briser l’omnipotence de la technicité et de la production et, selon les termes d’un administrateur de la Poste, d’« abandonner définitivement les tentations de la politique traditionnelle qui ne visaient trop souvent qu’à la satisfaction d’un besoin passe-partout de l’usager moyen, défini a priori par la production » [37]. Pour les produits financiers, les mêmes catégories sont distinguées : les gros clients – tels que les grandes banques, administrations, organismes de crédit, compagnies d’assurances, EDF et ORTF – les « clients moyens » – pour lesquels la relation commerciale se situe au niveau régional – et, enfin, les petites entreprises et les particuliers – devenus les cibles des banques, et sur lesquels doit porter en priorité la politique commerciale de la Poste.

29Le trafic atteint 10 milliards d’objets en 1970 et les besoins se diversifient.

30Des clientèles différentes sont distinguées, qui vont du simple particulier à la grande entreprise spécialisée dans la vente par correspondance en passant par l’entreprise moyenne, la banque et les autres administrations. Avec l’apparition de sous-catégories économiques imposant des traitements particuliers se met en fait progressivement en place une autre définition du service rendu au public. Le conseil commercial, créé auprès du directeur général de la Poste, reprend en 1973 à son compte l’un des vœux émis par le groupe de réflexion interne sur l’avenir de la Poste en 1969 : «Œuvrer aux fins de transformer la notion de l’égalité de tous devant le service en une égalité de tous ceux placés dans des circonstances semblables » [38].

Un chef d’établissement sans délégation de responsabilité en droit

31Si le développement commercial de cette période introduit un changement important, il n’en va pas de même en ce qui concerne la déconcentration des responsabilités. La Poste reproduit bien le discours sur le nouveau management et le met en œuvre dès 1970. La création du Centre d’enseignement supérieur du management public en 1970 (CESMAP ), qui prolonge la formation initiale de l’École nationale supérieure des PTT, témoigne de l’introduction du concept de management public aux PTT : il s’agit d’appliquer ou de transposer à l’administration des méthodes de gestion issues pour partie du secteur privé. La « greffe » n’est pourtant pas jugée très bonne par le cabinet du secrétaire général des PTT, qui la trouve trop tournée vers les préoccupations du secteur privé [39].

32En fait, le ministère des PTT reste le plus centralisé de tous [40]. Alors que, dans les Télécommunications, l’échelon départemental vient d’être supprimé [41], à la Poste, la direction régionale cohabite encore avec les directions départementales. Un rapport Mc Kinsey de 1973 – communément considéré alors à la Poste comme meilleur dans ses analyses que dans ses propositions – constate aussi qu’il n’existe pas de dialogue de gestion entre les directions centrales et les services extérieurs [42]. Les mesures de déconcentration réellement prises sont ponctuelles et limitées [43]. En fait, une fois décidée la création d’un établissement au niveau de l’administration centrale, tout se passe au niveau des directions régionales et surtout des directions départementales (celles-ci formulent les propositions en matière de création d’établissement, fixent les heures d’ouverture, contrôlent le règlement intérieur des bureaux mixtes sauf pour les recettes hors série et de classe exceptionnelle) [44].

33La période connaît pourtant des tentatives intéressantes. Des expériences de districts visant à donner à certains bureaux importants du département un rôle d’animation vis-à-vis des petits et moyens bureaux sont lancées par le directeur général des Postes, René Joder [45]. Mais trois ans plus tard, le bilan de ces expériences est négatif, notamment à cause de la crainte des receveurs de voir ainsi se constituer un échelon hiérarchique supplémentaire [46]. Un changement a bien lieu à partir de 1971 : l’inspection des bureaux de poste, traditionnellement centrée sur le contrôle de l’application des règles, se transforme progressivement, de 1965 à 1971, en contrôle – et parfois conseil – de gestion [47]. Mais ce changement est dû à la simplification et la mécanisation de la comptabilité des bureaux de poste combinée avec la centralisation des tâches au niveau des centres régionaux de comptabilité, qui ont progressivement supprimé la nécessité d’un contrôle direct des directions départementales.

34Cependant, faute de donner aux receveurs les délégations précises qui leur permettraient d’être responsables à l’égard des demandes des usagers, l’administration développe une politique de communication vers ces derniers, de deux façons. Les receveurs sont d’abord directement concernés, au début des années 1960, par le mouvement des « relations publiques » qui se développe à la Poste [48]. Le service des relations publiques propose d’étendre le rôle du chef d’établissement, initialement considéré comme un informateur et un guide pour le personnel, vers une fonction plus large de représentant de l’administration au niveau local, chargé de porter une attention particulière aux « usagers importants ». L’administration propose ensuite aux postiers et aux receveurs, dans le journal de communication externe des PTT, Messages, une image à laquelle ils sont susceptibles d’adhérer [49]. Le receveur y est présenté comme s’identifiant à un pays où il a toutes sortes d’activités liées à la région, et capable de s’adapter aux particularismes locaux dont il est bon connaisseur.

35Les receveurs, avec les autres postiers, sont associés à l’apologie des vertus de l’enracinement, en prenant en charge l’animation et la valorisation des lieux.

LE SOUHAIT DES RECEVEURS : UNE POSTE « À L’ALLEMANDE »

36Dans le domaine de la gestion du bureau de poste, les receveurs réfléchissent déjà eux-mêmes à la déconcentration des responsabilités avant qu’on ne leur demande d’être des chefs d’établissements « responsables ». Leurs souhaits vont à l’époque à une autonomie supérieure à celle qui est préconisée dans les discours du ministre.

37Un groupe de travail sur la déconcentration réunit la direction générale des Postes, le secrétariat général et les chefs d’établissement entre 1970 et 1971 [50]. La liste des mesures préconisées par les chefs d’établissement, dans laquelle les préoccupations liées à l’adaptation du service aux usagers sont présentes, comporte la suppression pure et simple de l’échelon départemental et la constitution de groupement de bureaux animés par un établissement principal. La préconisation du groupe de travail des receveurs en matière de relations entre la hiérarchie, les organisations syndicales et les usagers s’inspire du secteur privé et du service des PTT allemand. En Allemagne en effet, l’organisation diffère. Dans les 714 bureaux autonomes allemands, les attributions des receveurs comportent notamment les prestations fournies aux usagers, l’exécution des services d’exploitation, de comptabilité et d’administration, l’adaptation de l’exploitation et de l’organisation aux fluctuations du trafic, les propositions d’amélioration du service, l’établissement des plans de travail, l’emploi rationnel du personnel et du matériel, la répartition des locaux, la formation professionnelle, le service social et les relations avec la presse. De plus, dans la limite des crédits qui lui sont accordés, le receveur a qualité pour passer des commandes et même des marchés [51].

38Le secrétaire général des PTT, Ivan Cabanne, refuse nettement de déconcentrer les attributions et en fait, tout le projet des receveurs est barré :
cette réforme est jugée prématurée, en raison du nombre important de changements déjà impulsés, et du fait que l’échelon départemental est considéré comme très profondément enraciné dans les mœurs et techniquement valable. Le secrétaire général ne manque pas de relever que les receveurs se réfèrent à des exemples étrangers qui se présentent dans des termes très différents en France. Il est vrai que le rôle des préfets, notamment en matière d’équipement publics, est de fait ignoré par le projet des receveurs, bien que ces derniers se réclament de l’État. C’est donc le projet de groupement de bureaux autour d’un établissement principal sans suppression du niveau départemental qui est étudié [52].

39Plus généralement, la place que les receveurs souhaitent accorder aux usagers reste marquée par les idées de la Fédération Syndicaliste des travailleurs des PTT-FO à laquelle ils sont très majoritairement affiliés. Ce syndicat, majoritaire dans l’administration centrale et dans les catégories A, défend l’idée que l’administration des PTT doit devenir une régie coopérative, dans l’esprit des idées développées avant la guerre, afin de soustraire les PTT à la tutelle néfaste des Finances. On y retrouve les principes du tripartisme développés au lendemain de la Première Guerre mondiale dans le Conseil économique du travail et jamais abandonnés par la CGT de Léon Jouhaux : les PTT seraient dotés

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«[d’]un budget propre, géré dans le souci du bien commun par l’association des producteurs et des consommateurs usagers, qui seraient responsables de la fixation des salaires et des prix. La régie coopérative aurait pour actionnaires ordinaires des personnes de droit public telles que l’État, les départements et les communes, des collectivités publiques comme les chambres de commerce et d’agriculture, des groupements de consommateurs, ainsi que pour actionnaires d’apport les corps représentatifs de ses usagers et de la totalité de ses propres employés. Le conseil d’administration, comprenant neuf représentants des personnes de droit public, neuf mandataires des usagers et neuf du personnel, nomme, suspend et révoque les agents, détermine les attributions et fixe les salaires » [53].

41Ce projet est abandonné dans les années 1970.

42Dans les changements organisationnels qui caractérisent cette période, il faut donc distinguer le développement commercial de celui de la « rationalisation » de la gestion. Il existe bien dans le premier domaine un apprentissage des méthodes commerciales dans les organigrammes, et une autre définition du service apparaît : l’égalité des usagers devant le service public est remplacée par l’égalité des usagers placés dans des conditions semblables. Faute de donner à ses receveurs des moyens nouveaux d’être responsables face aux usagers, l’administration communique sur la proximité des receveurs avec les usagers.

LES RECEVEURS DANS LA TOURMENTE

43Les contacts entre les receveurs et les usagers existaient naturellement bien avant que l’administration ne fasse entrer ces derniers dans ses discours et ses organigrammes. Mais sous quelles formes ? On peut ainsi se demander comment, entre 1965 et 1974, les receveurs réagissent à de nouvelles injonctions de la Poste, alors qu’ils se préoccupaient déjà préalablement des usagers. Encore faut-il distinguer les représentations tirées des témoignages recueillis par l’historien de celles qui apparaissent à travers la lecture de la presse corporative.

Un représentant de l’État peut-il être marchand ?

44Avant même les années 1960, dans leurs récits de vie, les receveurs disent qu’ils avaient des pratiques commerciales et qu’ils s’appuyaient à cet égard sur la proximité de leurs origines sociales avec celles des usagers, ainsi que sur leur image de représentant de l’administration, voire de l’État.

45Le receveur n’est pas nécessairement un homme du cru. Si on le compare aux gérants d’établissement du Crédit agricole ou des Caisses d’Épargne, il a une bien plus forte mobilité que ces derniers. Aussi certains receveurs, pour compenser ce handicap, disent avoir tenté de ne pas marquer de différence sociale avec les usagers, surtout en milieu rural : « Quand vous étiez dans un village où c’étaient des retraités, il fallait bien s’habituer. Lorsque c’étaient des paysans, il ne fallait pas qu’il y ait trop de différence entre le costume du receveur et le costume de l’habitant. Il fallait vivre comme eux » [54]. Les origines populaires (rurales ou ouvrières) de certains receveurs sont même parfois présentées comme des atouts pour faire marcher le bureau de poste en milieu rural ou en banlieue ouvrière. Tel receveur de Négrille, commune de 7800 habitants dans l’Eure, où la population est essentiellement composée d’ouvriers pour la plupart immigrés portugais, se dit par exemple « homme du peuple. On était fait pour être des receveurs d’ouvriers » [55].

46Représenter l’État et l’administration constitue aussi un atout. Les receveurs se désignent parfois eux-mêmes de cette façon : ils sont « les véritables représentants de l’administration auprès du public. Ce sont eux qui donnent un visage à l’anonyme service public des PTT. C’est par eux que l’administration entre en contact avec sa clientèle. Leur participation à de nombreuses opérations relevant des régies financières en fait, en outre, des représentants du ministère des Finances [… ]» et « ils prennent l’allure, de par la variété de leurs attributions, de véritables représentants de l’État à côté des instituteurs.

47Quoi qu’il en soit, tout le monde est d’accord pour reconnaître que le chef d’établissement des PTT incarne dans son village le dévouement à l’intérêt général et le respect scrupuleux de la chose publique » [56].

48Si l’on en croit leurs témoignages, les receveurs mobilisent une certaine idée de l’égalité et du désintéressement dans la relation de confiance établie avec l’usager. Ils insistent sur leur loyauté à l’égard de l’usager, qui marque une différence avec les banques. Ils ne conseillent, disent-ils, que des placements qui correspondent vraiment au client. Le receveur ne choisit pas son propre intérêt pécuniaire mais celui du client, et c’est comme cela qu’il se fait d’autres clients, ce dont témoigne ce receveur de petite classe : « J’ai toujours refusé de tromper le client comme le font les banquiers, les observations des instances supérieures à ce sujet étant sans effet » [57]. Ils dénoncent parfois tel ou tel prospecteur de la CNP qui place ses produits à un vagabond. L’État n’étant pas censé duper les usagers ni faire faillite, il peut inspirer confiance. L’emprunt de 1968 a donné en effet des résultats spectaculaires [58].

49Néanmoins les témoignages recueillis évoquent différents types d’arrangements et d’alliances avec d’autres professions qui semblent éloignés de la loyauté affichée – alliance entre le receveur et le juge des tutelles par exemple [59], ou avec le notaire [60]. Des récits existent aussi sur leur « mise en cheville » avec les démarcheurs du Crédit de l’Ouest, ou d’autres concurrents, afin d’arriver à appliquer les objectifs commerciaux fixés par l’administration [61]. Certains savent donc nouer des liens avec le monde de la finance [62]. Les témoignages nous montrent donc des hommes d’origine modeste rompus aux pratiques financières, notamment celles des petites gens et de certains milieux financiers. La transformation des comptables du Trésor qui s’esquisse à cette période ne se fait pas sans hésitation car la bancarisation des services du Trésor pose, plus qu’à la Poste, de nombreux problèmes de concurrence et de déontologie.

50Si l’on en croit les témoignages, les receveurs ont donc très tôt, dans les pratiques, intégré la nécessité de s’adapter aux besoins des usagers et d’avoir une démarche de type commercial. Comment dès lors réagissent-ils aux injonctions de la Poste des années 1965 à 1974 ?

De l’adhésion à l’opposition

51On peut distinguer, dans l’expression des receveurs telle qu’elle apparaît par l’intermédiaire de leur puissante amicale, deux périodes successives : à une phase d’adhésion à la politique commerciale ( 1965-1972) de la Poste succède une phase d’opposition (de 1972 à la veille de la grève de 1974).

52Beaucoup de receveurs, et notamment ceux qui sont dans le noyau actif de leur amicale, sont convertis à l’action commerciale et font eux-mêmes des propositions. L’amicale soutient sans réserve jusqu’en 1972 l’extension des attributions financières des receveurs : « Les receveurs n’appartiennent ni au groupe des pourvus saturés ni à ceux qui, une fois la « matérielle » confortablement assurée, aspirent aux ambitions du sommet ». Ils n’éprouvent donc aucun complexe « à être actionnés selon une motivation pour ainsi dire universelle » [63].

53L’amicale compte des receveurs particulièrement actifs dans le domaine de la Caisse nationale de prévoyance [64]. Par l’intermédiaire du receveur principal de Paris, ils font entendre leur voix dans le conseil commercial des Postes créé en 1973.

54Certains receveurs sont même à l’origine de pratiques neuves qu’ils font connaître à l’administration par l’intermédiaire de l’amicale. Ainsi, par exemple, pour la Caisse nationale d’épargne, l’amicale trouve indiqué d’envisager dans les grandes villes et à Paris la spécialisation de certains bureaux judicieusement répartis. À Paris, une expérience a en effet été tentée par un receveur qui a mis à la disposition de la clientèle un cabinet isolé du guichet, où le service est assuré en permanence [65].

55L’amicale participe, par l’intermédiaire de son président, Maurice Hervochon, à la réflexion sur l’adaptation du nouveau vocabulaire aux objectifs propres des receveurs et de la Poste : il faut « démystifier le vocabulaire si on veut que l’information descendante se fasse complètement » car il y a « danger à utiliser un vocabulaire qui met en garde le personnel contre des objectifs importants qu’il partage » [66]. L’unité du corps permet, de fait, une attribution globale des primes données au comptable. Il est intéressant pour le comptable d’être identifié dans un même régime de primes.

56Cependant, de 1972 à la veille de la grève de 1974, le ton de l’amicale envers l’action commerciale des PTT change nettement. Désormais, les receveurs s’opposent aux excès du « mercantilisme »: « La Poste aux lettres, le télégraphe, le téléphone sont notre raison d’être. Notre objectif est d’offrir une qualité de service à laquelle les usagers peuvent prétendre. Ensuite, mais ensuite seulement, développer la gamme de nos produits. Il ne faut pas confondre action commerciale et mercantilisme, dynamisme et surenchère douteuse.

57Nous sommes des représentants de l’État, ne l’oublions pas. Garantissons avant tout la confiance et le respect du public envers les comptables des PTT » [67]. La politique commerciale est considérée comme étant liée à la politique de fermeture de bureaux de poste en zone rurale, à laquelle l’amicale s’oppose. Il semble qu’« au lieu d’épauler le réseau actuel, composé de recettes (dont beaucoup ont déjà disparu), on recherche en haut lieu à constituer un réseau parallèle et à mettre sur la touche par des moyens habiles les chefs d’établissement » [68].

58Les receveurs mettent l’accent sur le poids des structures bureaucratiques et la perte d’autonomie individuelle qui en résulte. Aussi, de 1972 à la veille de la grève de 1974, ces cadres intermédiaires posent des questions qui dépassent alors le strict cadre corporatiste et professionnel et abordent les questions des transformations du travail administratif et du système de partage des tâches, et même celle de la définition des objectifs entre les niveaux hiérarchiques [69]. Les cadres d’exécution épousent de plus en plus la cause de ceux avec qui ils travaillent [70]. Outre la suppression du poste de secrétaire général des PTT, les réformes intervenues en 1971 ont donné plus d’autonomie aux deux branches d’exploitation (Postes et Télécommunications). Sans définir un nouvel horizon : aux yeux du personnel, cette dernière réforme constitue le premier pas vers une séparation totale entre la Poste et les Télécommunications. Les cadres vont participer activement à la grève qui se déclenche en 1974.

59Les réticences sont donc liées à d’autres facteurs, y compris politiques : le gouvernement est alors perçu comme favorisant l’entreprise privée au détriment du secteur de placement public. L’amicale constate une perte de latitude d’action dans l’interprétation des objectifs et des moyens [71], alors qu’elle s’était investie dans une réflexion sur la déconcentration des responsabilités concernant les chefs d’établissements.

LA PERMANENCE DES USAGERS RURAUX

60Les témoignages des receveurs offrent une vision particulière de la société française. Les publics décrits par les témoins ne permettent pas d’établir une typologie fidèle, car le temps subit une « distorsion »: les relations avec les usagers sont évoquées plus abondamment lors du récit relatif au premier bureau qu’ils occupent, souvent situé en milieu rural, et que recoupe la nostalgie de relations personnalisées avec les usagers. Les témoignages commencent par les récits longs des relations avec les paysans dans les petites recettes, pour finir, plus lapidairement, dans l’anonymat des grands bureaux, par des anecdotes sur la société tertiaire et industrielle. Le discours sur l’environnement et les usagers change en fonction de la taille de la recette gérée.

61Le mode de description des receveurs suggère un tableau des différences sociales dans l’espace urbain et rural où s’individualisent deux ou trois groupes et où dominent les modifications structurelles de l’emploi rural par rapport à l’emploi urbain. Pourtant la campagne tend déjà à assimiler les modes de vie urbains.

62Le territoire urbanisé qui entoure la ville s’étend par implantation d’activités et de logements dans un espace plus vaste et moins coûteux. Le village se modernise et dans certains cas se repeuple. S’il n’est pas trop éloigné d’une ville, les citadins viennent de plus en plus nombreux s’y établir. Les retraités s’y installent. Le jeune agriculteur est de plus en plus un producteur urbanisé qui vit à la campagne, fait ses comptes ou les confie à un expert, comme un cadre ou un commerçant des villes. Les modes de vie urbain et rural deviennent ainsi moins faciles à distinguer, les différences ne sont parfois plus significatives dès cette période [72].

63À la fin des années 1960, les récits se réfèrent toujours au monde agricole et paysan, mais ce sont surtout les fonctionnaires locaux et territoriaux, du chef d’établissement scolaire au maire (il y a aussi le curé), qui sont beaucoup cités (c’est-à-dire les cadres et les professions intermédiaires). Les comptables du Trésor et les représentants de la Banque de France tiennent une place importante. Les descriptions de l’attention portée par le maire, dont les services utilisent la Poste, sont nombreuses. Le maire est en effet le personnage central qui assure le relais entre les rouages de la vie locale et les rouages de la vie politicoadministrative départementale et nationale. Par exemple, lors de son affectation dans un bureau, le receveur reçoit une lettre du maire et viceprésident du conseil général lui souhaitant la bienvenue, et lui adressant quelques renseignements généraux pouvant lui être utiles : « L’administration municipale, écrit le maire, doit vous apporter une aide compréhensive et courtoise. Je serai toujours heureux de vous recevoir personnellement à la mairie et de m’entretenir avec vous de toute difficulté ou critique que vous auriez à me soumettre » [73]. Tel receveur est invité à la réunion des maires du canton [74]. Tel autre, comme adjoint au maire, a l’occasion d’aller en délégation chez le préfet pour obtenir l’ouverture d’une pharmacie dans une localité [75].

64Face à l’émergence de nouvelles professions (comme les professions de la santé ou les techniciens) dans la société française de cette période, les receveurs témoignent surtout de la pérennité des cadres moyens dont la présence est ancienne : instituteurs, fonctionnaires des administrations locales [76]. Les nouvelles professions sont relativement absentes. Les receveurs témoignent peu de l’émergence d’une bourgeoisie moyenne faite de commerçants, des membres des professions libérales et de riches exploitants agricoles.

65L’apparentement des statuts avec les autres fonctionnaires territoriaux est, comme dans les années 1950, présent. Les modifications du salariat urbain ont peu d’influence, d’après ces témoignages, sur les rapprochements avec les autres professions.

66Les itinéraires des receveurs contribuent à la permanence de la représentation du monde rural. Le milieu socioprofessionnel dans lequel se recrutent les futurs receveurs entrés aux PTT entre 1939 et 1959 et en fonction dans les années 1960-1970 ne suit pas complètement celui de l’ensemble des agents de la Poste. Les receveurs restent d’abord issus de familles d’agriculteurs et du secteur public, alors que dès la fin des années 1960, les fils d’ouvriers arrivent en premier pour l’ensemble des grades des PTT. Il est vrai qu’en 1962, le tiers des agents de la fonction publique a déjà un père dans le secteur public, et un quart seulement est d’ascendance ouvrière [77]. Et lorsque les receveurs sont issus de pères ouvriers, il ne s’agit pas de la classe ouvrière traditionnelle mais de celle qui est liée au monde rural. Pour faire face à l’ouverture de nouveaux emplois de receveurs, la Poste recrute en priorité dans les réserves du secteur public et dans les réserves rurales. Elle utilise l’accélération de la mutation des campagnes en fournissant un débouché économique aux catégories en crise, puis elle puise progressivement à partir de la Seconde Guerre mondiale dans les réserves ouvrières.

67Mais il faut rappeler aussi l’influence des caractéristiques du réseau des bureaux de poste sur le poids des usagers ruraux dans les témoignages des receveurs. La naissance de besoins nouveaux liés notamment au développement des Zones à urbaniser en priorité (ZUP) a fait monter le nombre des réalisations nécessaires, mais les réalisations restent très insuffisantes. Alors que la France connaît la période de son histoire où l’urbanisation progresse le plus vite [78], dans les zones urbaines, l’administration ne peut pas faire face : le programme de création de bureaux urbains, qui comprenait, en 1960, deux cents bureaux de plein exercice, aboutit à dix-huit créations concrètes d’établissements par an en moyenne de 1960 à 1969 [79]. Des expériences de Poste itinérante dans les grands ensembles voire à l’usine sont lancées [80]. Malgré l’utilisation commerciale du réseau comme riposte à la concurrence dès 1972, celui-ci ne suit pas l’évolution de l’habitat et le nombre de bureaux de poste par habitant est beaucoup plus élevé en milieu rural, au détriment d’un milieu urbain en plein développement.

68Ainsi, les receveurs n’ont pas attendu les prescriptions de l’administration pour faire du commercial : ce que l’administration leur demande de faire correspond à ce que beaucoup faisaient déjà avant. Grâce aux témoignages des receveurs apparaît l’apprentissage de méthodes commerciales spécifiques au secteur public. Si les receveurs résistent, à partir de 1972, aux injonctions commerciales de l’administration, c’est parce que cette orientation commerciale est alors liée par les receveurs à une politique plus générale de fermeture des bureaux de poste en zone rurale. Leur présence dans la grève qui s’étale aux PTT du 18 octobre au 2 décembre 1974 n’est pas négligeable et de futures recherches pourraient s’attacher à la participation des cadres et aux conséquences de la grève [81].

69Entre 1965 et 1974, l’État qui se désengage financièrement demande aux PTT de développer leur action commerciale vers les usagers et de mettre en place une gestion plus proche des « administrés », mais il ne leur donne pas de moyens nouveaux, soit par un allégement de leurs charges ou la restitution de fonds, soit par un changement de statut ou par une réelle déconcentration.

70La nouvelle organisation mise en place concerne en fait surtout le domaine commercial, dans lequel il y a durant la période un apprentissage, et l’émergence d’une autre définition du service. L’égalité de tous les usagers devant le service public est en effet remplacée par l’égalité des usagers placés dans des conditions semblables. Cette actualisation de la doctrine par les PTT est adoptée lorsque ces derniers cherchent des ajustements pour maintenir leur position dans un contexte devenu concurrentiel en matière de services financiers. En matière de déconcentration des responsabilités en revanche, l’administration ne transfère sur les receveurs que le traitement des réclamations à partir de 1965, mais elle développe une active politique de communication sur la proximité des postiers avec les usagers.

71Quant aux receveurs, ils n’ont pas attendu les prescriptions de l’administration pour tenter d’optimiser le service rendu aux usagers dans le domaine des placements financiers, résultats auxquels ils sont directement intéressés par un système de primes et de « remises ». Le receveur est à la fois représentant de l’administration et marchand. Il utilise l’image de l’État pour mieux vendre. La référence à l’usager est désormais parfois combinée avec la référence aux règles du marché, au service rendu et même vendu. S’ils résistent à partir de 1972 par l’intermédiaire de l’amicale aux prescriptions de l’administration, c’est notamment parce qu’ils lient l’orientation commerciale prise par la Poste à la politique de fermeture des bureaux de poste en zone rurale. Quoi qu’il en soit, dans la période qui a duré de 1965 à 1974 à la Poste, l’apprentissage de méthodes commerciales spécifiques au secteur public est intense, tant au niveau des receveurs qu’à celui de la Poste.

72Plus généralement, la Poste durant la période des années 1965 à 1974 est loin d’être « l’administration traditionnelle » et « bureaucratique » décrite aujourd’hui. Cette période n’est pas non plus une simple phase de « transition » entre la tradition et la modernité, qui serait orientée de façon continue vers un tropisme entrepreneurial. Il s’agit en revanche d’une période d’allers et retours, de tentatives et d’expériences : la position des receveurs dans la grève de 1974 est alors significative d’un problème. Cette transformation des discours, des méthodes et des pratiques dans le contexte des années 1965 à 1973 reçoit une interruption à la fin de l’année 1973 et en 1974. La politique de fermeture des bureaux en zone rurale subit un coup d’arrêt. Cette phase d’entrée de la Poste et du receveur dans la modernité va aboutir un an plus tard à la grande grève de 1974, à laquelle les cadres des PTT vont participer activement. Les tentatives de modernisation de la gestion publique engagée par l’État depuis 1968 ont été suivies d’un œil vigilant par les organisations syndicales. La série de réformes intervenues en 1971, qui a donné plus d’autonomie aux deux branches d’exploitation, la Poste et les Télécommunications, sans définir un nouvel horizon, constitue pour le personnel un premier pas vers une séparation totale des deux branches et ce qui est nommé le « démantèlement du service public ».

73En se centrant sur l’étude des pratiques des fonctionnaires des services déconcentrés de l’État, et en observant directement la sphère des pratiques et la participation propre des fonctionnaires à la définition de leur mission par un « changement d’échelle » d’observation [82], les pratiques de travail n’apparaissent ni exclusivement pilotées par les ministères ni par la hiérarchie : elles sont en perpétuelle reconstruction, et pas seulement sous l’effet des décisions politiques. Le décalage entre le temps court des réformes adoptées par les décideurs et les représentations des agents structurées sur le temps d’une à plusieurs générations professionnelles peut apparaître. Des pratiques novatrices des agents qui ont du mal à être entendus par les gouvernants peuvent à l’inverse émerger. Il est ainsi possible d’observer l’agencement qui, pendant une période significative, s’instaure entre plusieurs protagonistes autour de la figure de l’usager : à proximité des agents, dont les origines, les aspirations et l’évolution des techniques de travail marquent certains comportements, se trouvent les usagers, mais aussi l’État et l’administration, qui déterminent le cadre et les limites des activités, sous le contrôle de l’opinion (dans un domaine où le maintien ou la réélection du ministre ou du Président de la République dans leurs fonctions constitue un horizon permanent des décisions prises), sans oublier enfin les justices administratives, qui constituent une référence normative.

74L’histoire des rapports sociaux et culturels entre ces différents acteurs, modifiés selon les périodes, permet de mieux comprendre comment la notion de service public débouche sur une pratique en partie négociée dans le temps entre des groupes qui ont des intérêts parfois divergents. L’histoire sociale de l’État et l’histoire des organisations, conçues comme une histoire qui déconstruit les processus de décision [83], permettent d’interroger la vision hiérarchique descendante des rapports entre l’administration, l’État et ses agents, et de questionner, par l’analyse des pratiques et des représentations, les catégories d’« État », de « service public », d’« administration » et d’« usager ».


Date de mise en ligne : 01/10/2005

https://doi.org/10.3917/rhmc.524.0183

Notes

  • [1]
    René JODER, directeur général des Postes, in Postes et Télécommunications, sept. 1973, p. 4.
  • [2]
    Archives du ministère des PTT conservées à la bibliothèque des PTT d’Ivry [désormais Bibliothèque PTT d’Ivry], journées d’études des chefs d’établissement de la région de Limoges, Combressol, 9 et 10 juin 1970, p. 17.
  • [3]
    Laure QUENNOUËLLE-CORRE, La direction du Trésor 1947-1967. L’État-banquier et la croissance, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2000.
  • [4]
    Cf. Philippe BEZÈS, « Aux origines des politiques de réforme administrative sous la Ve République : la construction du “souci de soi” de l’État », Revue Française d’Administration Publique, n°102, avr.-juin 2002, p. 307-325.
  • [5]
    Groupe 1985, Réflexions pour 1985, « Avant-propos de Pierre Massé », Paris, La Découverte, 1964, cité in Ph. BEZÈS, « Aux orgines… », art. cit., p. 313.
  • [6]
    Claire ANDRIEU, Pour l’amour de la République. Le club Jean Moulin, 1958-1970, Paris, Fayard, 2002.
  • [7]
    Cf. le bilan dressé par Jean-Marie AUBY, « Préface », in Jean DU BOIS DE GAUDUSSON, L’usager du service public administratif, Paris, LGDJ, 1974, p. 1. Pour le développement d’une « connaissance de soi » de l’État et de ces enquêtes, cf. Ph. BEZÈS, « Gouverner l’administration. Une sociologie des politiques de la réforme administrative en France ( 1962-1997)», thèse de sciences politiques, IEP de Paris, 2002; Robert FRAISSE, « Sciences humaines et sociales, État et entreprise : les années 1970 », Entreprises et histoire, n°11, mars 1996; Delphine DULONG, « La technocratie au miroir des sciences sociales : la réflexion technocratique en France ( 1945-1960)», in V. DUBOIS, D. DULONG, La question technocratique. De l’invention d’une figure aux transformations de l’action publique, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1999, p. 77-92; Ph. BEZÈS, M.CHAUVIÈRE, J.CHEVALLIER, N.deMONTRICHER, F.OCQUETEAU (dir.), L’État à l’épreuve des sciences sociales. La fonction recherche dans les administrations sous la Ve République, Paris, La Découverte, 2005.
  • [8]
    Gilles LE BEGUEC, « L’État dans tous ses états », in Geneviève DREYFUS-ARMAND, Robert FRANK, Marie-Françoise LEVY, Michelle ZANCARINI-FOURNEL (dir.), Les années 68. Le temps de la contestation, Bruxelles, Éditions Complexe, 2000, p. 461-469.
  • [9]
    Ce qui aboutit à la nomination de dix-sept parlementaires en mission chargés respectivement de présider un « comité d’usagers » pour chaque ministère. Cf. Michel SAPIN, La place et le rôle des usagers dans les services publics, Rapport au Premier ministre, Paris, La Documentation française, 1983.
  • [10]
    Ph. BEZÈS, « Gouverner l’administration… », op.cit., p. 275 et suivantes.
  • [11]
    Elle atteint une certaine exemplarité dans les établissements de l’enseignement secondaire et de l’enseignement supérieur, notamment avec les réformes issues de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968, qui mettent en place des formules originales après que les étudiants ont longtemps revendiqué une représentation sous la forme de la « cogestion ».
  • [12]
    Alain CHENU, « L’État et les services non marchands », in François CARON ( et al.), Histoire générale du travail, t. IV, Le travail au XXe siècle, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1997, p. 429.
  • [13]
    Entre 1959 et 1969, la couverture des besoins en « consommation publique » serait passée de 13,5% à 20,7%, conséquence des efforts faits dans les trois domaines où les fonds collectifs couvrent plus de 85% des besoins : les services médicaux, les services sociaux et l’enseignement. Cf. Alain TOULON, « Consommation des ménages et consommation publique divisible », Consommation, n°2, avr.-juin 1973.
  • [14]
    Léon DUGUIT, Les transformations du droit public, Paris, Félix Alcan, 1913, cité in Georges DUPUIS, Marie-José GUEDON, Institutions administratives. Droit administratif, Paris, Armand Colin, 1988 ( 2e éd.), p. 17.
  • [15]
    Pour la méthodologie que nous avons utilisée, cf. Odile JOIN-LAMBERT, « Archives orales et dossier de personnel : quelles complémentarités ? Le cas de l’histoire des receveurs des Postes », Histoire et Mesure (à paraître en 2005). Pour les résultats : Le receveur des Postes, entre l’État et l’usager (1944-1973), Paris, Belin, 2001.
  • [16]
    André GAURON, Histoire économique et sociale de la Ve République, t. I, Le temps des modernistes, Paris, La Découverte – Maspéro, 1983, p. 93; L. QUENNOUËLLE-CORRE, La direction du Trésor…, op. cit.; Aude TERRAY, Des francs-tireurs aux experts : l’organisation de la prévision économique au ministère des Finances (1948-1968), Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002.
  • [17]
    L.QUENNOUËLLE-CORRE, La direction du Trésor…, op.cit.
  • [18]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, rapports d’activité des PTT des années 1966 à 1973.
  • [19]
    Chiffres extraits de la comptabilité nationale, cités dans Pierre DUBOIS, Mort de l’État-patron, Paris, Éditions ouvrières, 1974, p. 91-92.
  • [20]
    Pascal GRISET, « Aspects financiers du développement des télécommunications en France dans les années cinquante », in La direction du Budget face aux grandes mutations des années cinquante, acteur… ou témoin ?, Actes de la journée d’études tenue à Bercy le 10 janv. 1997, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1998, p. 668.
  • [21]
    Pascal GRISET, « La haute technologie », in Maurice LEVY-LEBOYER (dir.), Histoire de la France industrielle, Larousse, 1996, p. 407.
  • [22]
    Odile JOIN-LAMBERT, Frédérique PALLEZ, « Les PTT entre 1950 et 1980, entretien avec Émile Simon », Annales des Mines. Gérer et comprendre, n°43, mars 1996, p. 37-48.
  • [23]
    Archives nationales, Paris [désormais AN], F 90 21135, note de Robert Galley à Philippe Malaud, secrétaire d’État auprès du Premier Ministre, chargé de la Fonction publique, 27 février 1970.
  • [24]
    AN, F 90 21099, Secrétariat général, note sur le statut des PTT et le projet d’office, 1970.
  • [25]
    René JODER, directeur général des Postes, in Postes et Télécommunications, sept. 1973, p. 4.
  • [26]
    Le Monde, 2 mars 1971.
  • [27]
    Postes et Télécommunications, n°187, juillet 1971, p. 12.
  • [28]
    Catherine BERTHO, Télégraphes et Téléphones. De Valmy au microprocesseur, Paris, Le Livre de Poche, 1984, p. 495.
  • [29]
    AN, F 90 bis 6342, Mc KINSEY, Structurer les modes de direction de la Poste, Mc Kinsey & Co. Inc., 20 fév. 1973.
  • [30]
    C. BERTHO, Télégraphes et Téléphones…, op.cit., p. 471 et suivantes.
  • [31]
    Jacques CHEVALIER, « L’administration française face au public », in La relation de service dans le secteur public, Paris, Plan urbain, DRI-RATP, 1991, vol. 2, p. 292.
  • [32]
    Selon l’IFOP, en 1971,69% des usagers sont satisfaits. Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°196, avr.-mai 1972.
  • [33]
    AN, F 90 21121, Postes et Télécommunications Relations extérieures, « Le plus grand bureau de poste de France : la RP de la Seine ».
  • [34]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Journées d’études des chefs d’établissements de la région de Marseille, « L’avenir des établissements de l’administration des PTT », juin 1964.
  • [35]
    Caisse des dépôts, La CNP a 30 ans, Paris, CDC, 1989.
  • [36]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Direction générale des Postes, circulaire n°16,11 fév. 1972.
  • [37]
    Marcel LEGROS, « Service postal et politique commerciale », Revue des PTT de France, n°4, 1972, p. 6.
  • [38]
    Archives conservées à l’Institut de recherche, d’études et de prospective postale (IREPP), Annales du conseil commercial des Postes, 12 mars 1973, t. I, p. 19.
  • [39]
    AN, F 90 21136, note du cabinet du secrétaire général, 27 avril 1970.
  • [40]
    Alain DARBEL, Dominique SCHNAPPER, Le système administratif, t. I, Paris – La Haye, Mouton, 1969, p. 72-73.
  • [41]
    Arrêté ministériel n°1547 du 16 juin 1969 et décret n°71-72 du 30 août 1971 cité dans Jean-Pierre LUKASZEWICZ, « Service public administratif ou entreprise commerciale. La difficile mutation des Postes et Télécommunications », ADJA, fév. 1975, p. 59.
  • [42]
    AN, F 90 bis 6342, Mc KINSEY & Co. Inc., Structurer les modes de direction de la Poste, 20 fév. 1973. Sur le rôle de Mc Kinsey, cf. Entreprises et histoire, juin 2000, « Les consultants», numéro spécial sous la direction de Matthias KIPPING.
  • [43]
    AN, F 90 21126, direction générale des Postes, propositions formulées pour le 1er février 1971 sur la déconcentration, 29 janvier 1971.
  • [44]
    AN, F 90 bis 7033, direction générale des Postes, catalogue des pouvoirs et attributions par niveau de responsabilité, 1971.
  • [45]
    AN, F 90 21135, direction générale des Postes, note sur la politique de déconcentration, 10 février 1971.
  • [46]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°201, mars-avr. 1973.
  • [47]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Circulaire de la direction générale des Postes, n°71,11 oct. 1971; circulaire de la direction générale des Postes, n°42,19 mai 1971.
  • [48]
    Sur ce mouvement, cf. Catherine MALAVAL, La presse d’entreprise française auXXe siècle. Histoire d’un pouvoir, Paris, Belin, 2001.
  • [49]
    Voir la rubrique intitulée « Des pays et des hommes », entre 1968 et 1973, dans Messages. Cf. l’analyse menée sur les facteurs in Quentin DELUERMOZ, « Les facteurs de ville en France de 1871 à 1914 », mémoire de maîtrise d’histoire, Université Lyon 2,1998, p. 182. Cf. également Alain GAUTHERON, Du bulletin officiel à la communication d’entreprise. Le cas de La Poste et de France Télécom, supplément à Résonances, La tribune des cadres et cadres supérieurs de l’UFC CGT-PTT, n°4, avr. 1998, p. 42.
  • [50]
    AN, F 90 21126, secrétariat général, groupe de travail des chefs d’établissement, 16 et 17 juin 1970.
  • [51]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Journées d’études des chefs d’établissement de la région de Limoges, Combressol, 9 et 10 juin 1970.
  • [52]
    AN, F 90 21126, secrétariat général, listes des mesures préconisées par les groupes de travail « déconcentration », octobre 1970.
  • [53]
    Jeanne SIWEK-POUYDESSEAU, Les syndicats des grands services publics et l’Europe, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 163.
  • [54]
    Témoin n°67. Cent trente témoignages écrits de receveurs retraités ont été collectés par l’auteur en février 1995. Ils sont référencés par le terme « Témoin » suivi d’un numéro de classement. Cinquante-cinq récits recueillis en septembre 1995 par le Comité pour l’histoire de La Poste dans le cadre d’un « Concours autobiographique » ont également pu être consultés par l’auteur. Ils sont référencés par le terme « Auteur de récit autobiographique » suivi d’un numéro de classement.
  • [55]
    Témoin n°112, fév. 1995.
  • [56]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Direction régionale des services postaux de Marseille, Journée d’études des chefs d’établissement sur l’avenir des établissements de l’administration des PTT, 21 et 22 avril 1964, Marseille, p. 10-15.
  • [57]
    Témoin n°82, fév. 1995.
  • [58]
    AN, F 90 21 099, direction des services financiers, rapport au ministre sur l’emprunt 1968, 14 octobre 1968.
  • [59]
    Témoin n°112, fév. 1995.
  • [60]
    Témoin n°119, fév. 1995.
  • [61]
    Témoin n°14, fév. 1995; auteur de récit autobiographique n°62, septembre 1995.
  • [62]
    Auteur de récit autobiographique n°16, septembre 1995.
  • [63]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°195, fév.-mars 1972.
  • [64]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°125, sept.-oct. 1960.
  • [65]
    Archives du service conservées à Péronne, fonds Giral, Association amicale des receveurs et chefs de centres des PTT, fiche au conseiller technique du cabinet du ministre dans la perspective de l’audience du ministre du 9 mai 1969,24 avr. 1969.
  • [66]
    Cahiers d’études et d’informations, n°71,1971, p. 91.
  • [67]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°207, mars-août 1974.
  • [68]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, n°199, oct.-nov.-déc. 1972.
  • [69]
    Bulletin de l’association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, années 1970-1972. Pour l’ensemble des fonctionnaires, cf. Gilbert ESTEVE, Alain COTTEREAU, « Les fonctionnaires », in Jacques SALLOIS (dir.), L’administration, les hommes, les techniques, les rouages, Paris, Hachette, 1974, p. 259.
  • [70]
    Archives conservées à l’ENSPTT, Séminaire d’accueil de l’ENSPTT de La Toussuire, promotion 1991-1994,8-12 fév. 1993.
  • [71]
    Bulletin de l’Association amicale des receveurs et des chefs de centre des PTT, années 1970-1972. Pour l’ensemble des fonctionnaires, cf. G. ESTEVE, A. COTTEREAU, « Les fonctionnaires », art. cit., p. 259.
  • [72]
    Henri MENDRAS, La seconde révolution française, 1965-1984, Paris, Gallimard, 1994, p. 39.
  • [73]
    Témoin n°49, fév. 1995.
  • [74]
    Témoin n°126, fév. 1995.
  • [75]
    Témoin n°4, fév. 1995.
  • [76]
    Jean-Claude CHAMBOREDON, « Nouvelles formes de l’opposition ville-campagne », in Georges DUBY (dir.), Histoire de la France urbaine, t. V, La ville aujourd’hui. Croissance urbaine et crise du citadin, Paris, Seuil, 1985, p. 563.
  • [77]
    Xavier BROWAEYS, Paul CHATELAIN, Les Frances du travail, Paris, PUF, 1984, p. 67.
  • [78]
    Antoine PROST, « Le temps de la prospérité », in Puissance et faiblesse de la France industrielle, XIXe-XXe siècle, Paris, Seuil, « Points », 1997, p. 242.
  • [79]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, ministère des Postes et Télécommunications, Rapport d’activité, exercice 1969.
  • [80]
    Bibliothèque PTT d’Ivry, Circulaire de la direction générale des Postes, direction des services financiers, 30 mars 1972.
  • [81]
    Cf. Vincent BOUGET, La grève des PTT de l’automne 1974 et les médias, Les cahiers pour l’histoire de La Poste, Comité pour l’histoire de La Poste, nov. 2003; CFDT (avec la collab. de Jean-François NOËL ), Des « idiots » par milliers : du démantèlement des PTT à la grève de 1974, Paris, Maspéro, 1975; Daniel BIBAULT, « La grève des PTT en 1974 à Paris et en région parisienne », mémoire de maîtrise, Université Paris 12,1998.
  • [82]
    Jacques REVEL (dir.), Jeux d’échelles. La micro-analyse à l’expérience, Paris, Seuil-Gallimard, 1996.
  • [83]
    Patrick FRIDENSON, « Pour une histoire de l’État contemporain comme organisation », Cahiers du Centre de recherches historiques, n°25, « Organiser et s’organiser. Histoire, sociologie, gestion », octobre2000, p. 149-156.

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