Couverture de RHMC_513

Article de revue

Santé publique, répression des fraudes et action municipale à la fin du XIX e siècle : le laboratoire grenoblois d'analyses alimentaires

Pages 44 à 65

Notes

  • [1]
    Julia CSERGO, « La modernité alimentaire au XIX e siècle », in À table au XIX e siècle, Paris, Flammarion, 2001, p. 42-68.
  • [2]
    Paul LAFARGUE, Le droit à la paresse, 1880, cité par Jacques LÉONARD, Archives du corps. La santé au XIX e siècle, Rennes, Ouest-France, 1986, p. 187.
  • [3]
    Ibidem, p. 152 et suivantes.
  • [4]
    Cf. notamment Roland CANU, Franck COCHOY, « La loi de 1905 sur la répression des fraudes : un levier décisif pour l’engagement politique des questions de consommation ?», CERTOP-Université de Toulouse 2, papier de travail, 2003; je remercie les auteurs de m’avoir permis d’utiliser ce texte. Lire aussi Alessandro STANZIANI, « La falsification du vin en France, 1880-1905 : un cas de fraude agro-alimentaire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 50-2, avril-juin 2003, p. 154-186. REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE 51-3, juillet-septembre 2004.
  • [5]
    J. LÉONARD, Archives du corps…, op. cit., p. 197.
  • [6]
    Selon l’expression de l’époque. Robert CARVAIS, « La maladie, la loi et les mœurs », in Claire SALOMON -BAYET (dir.), Pasteur et la révolution pastorienne, Paris, Payot, 1986, p. 289.
  • [7]
    Titre IX, article 3 de la loi des 16-24 août 1790. Sur la police municipale révolutionnaire et la continuité normative avec l’Ancien Régime, cf. Paolo NAPOLI, Naissance de la police moderne. Pouvoir, normes, société, Paris, La Découverte, 2003, p. 193 sq.
  • [8]
    François BURDEAU, Histoire de l’administration française. Du XVIIIe au XXe siècle, Paris, Montchrestien, 1994, p. 242-243; Bruno DUMONS, Gilles POLLET, Pierre-Yves SAUNIER, Les élites municipales sous la IIIe République. Des villes du Sud-Est de la France, Paris, CNRS Éditions, 1997, p. 47-49. Cf. également Robert VANDENBUSSCHE, « La fonction municipale sous la Troisième République. L’exemple du département du Nord », Revue du Nord, n° 305, avril-juin 1994, p. 319-337.
  • [9]
    Sur le mouvement d’institutionnalisation de l’hygiène publique au XIX e siècle : Olivier FAURE, Les Français et leur médecine au XIX e siècle, Paris, Belin, 1993, p. 77-110 et 241-269; Lion MURARD, Patrick ZYLBERMAN, L’hygiène dans la République. La santé publique en France ou l’utopie contrariée (1870-1918), Paris, Fayard, 1996; Patrice BOURDELAIS, « Les logiques du développement de l’hygiène publique », in Id. (dir.), Les Hygiénistes : enjeux, modèles et pratiques (XVIIIe-XX e siècles), Paris, Belin, 2001, p. 5-26 ainsi que notre thèse « Santé publique et pouvoirs locaux. Le département de l’Isère et la loi du 15 février 1902 », doctorat d’histoire, université Lumière-Lyon 2,2001.
  • [10]
    Le premier conseil de salubrité a été créé à Paris en 1802 par le préfet de police. En province, c’est d’abord la ville de Nantes qui se dote d’une telle institution en 1817; des conseils de salubrité sont ensuite établis à Lyon ( 1822), Marseille ( 1825), Lille ( 1828) et Strasbourg ( 1829) avant d’essaimer plus largement pendant la monarchie de Juillet. Sur ce point, cf. Ann F. LA BERGE, Mission and Method. The Early Nineteenth-Century French Public Health Movement, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 127-143.
  • [11]
    Archives départementales de l’Isère (désormais AD 38), 113 M 5 : Article 9 du décret du 18 décembre 1848 relatif aux conseils d’hygiène et de salubrité.
  • [12]
    AD 38,113 M 5 : Comité consultatif d’hygiène publique de France, Instructions sur les attributions des conseils d’hygiène publique et de salubrité, 1851.
  • [13]
    Octave DU MESNIL, « Bureaux d’hygiène institués en France et à l’étranger (Turin, Bruxelles, Nancy, Le Havre, Reims, Saint-Étienne, Amiens, Pau, Rouen). Examen de leur mode d’organisation et de fonctionnement », Recueil des travaux du Comité consultatif d’hygiène publique de France, 1886, p. 182-247.
  • [14]
    Jean-François TANGUY, « Au carrefour de l’hygiène publique et de la politique : le laboratoire municipal de Rennes ( 1887-1914)», colloque « Pathologies urbaines et politiques municipales de 1789 à l’an 2000 », Université de Rouen-GRHIS, 4-6 décembre 2002, p. 2-4. Je remercie l’auteur de m’avoir communiqué cet article.
  • [15]
    Archives municipales de Grenoble (désormais AMG), 5 I 1 : Conseil municipal de Grenoble, séance du 7 novembre 1881.
  • [16]
    AMG, 5 I 1 : Conseil municipal de Grenoble, séance du 16 février 1886.
  • [17]
    Ibidem, séance du 11 février 1887.
  • [18]
    Sur le mouvement de création des laboratoires municipaux d’analyses, cf. J.-F. TANGUY, art. cit., p. 6-7.
  • [19]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du maire de Lyon au maire de Grenoble, 12 février 1886.
  • [20]
    B. DUMONS, G. POLLET, P.-Y. SAUNIER, Les élites municipales…, op. cit., p. 47-48.
  • [21]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du maire de Lyon au maire de Grenoble, 12 février 1886.
  • [22]
    J.-F. TANGUY, art. cit., p. 11.
  • [23]
    On peut ici faire la comparaison avec le laboratoire de Rennes, dont les dépenses annuelles de fonctionnement s’élèvent à 4000 F.
  • [24]
    Les analyses qualitatives déterminent la qualité de la substance analysée (produit « bon », « mauvais », « non nuisible » ou « mauvais falsifié »). Elles sont facturées à hauteur de 0,50 F par analyse, 1 F pour les personnes étrangères à la ville de Grenoble. Les analyses quantitatives portent « sur les éléments composant la substance analysée »; le tarif varie de 2 à 10 F suivant les dosages. AMG, 5 I 1 : Règlement du laboratoire municipal de Grenoble et tarifs des analyses, 29 mars 1887.
  • [25]
    AMG, 5 I 1 : Conseil municipal de Grenoble, séance du 11 février 1887; AMG, 5 I 1 : Rapport de Tramard sur l’organisation du laboratoire municipal de Grenoble, 26 mai 1886. Cette crainte des abus est également présente à Rennes mais la méthode employée pour les limiter est différente : l’administration rennaise choisit en effet, parmi les échantillons apportés par la population, ceux qui seront envoyés au laboratoire et analysés gratuitement. J.-F. TANGUY, art. cit., p. 11.
  • [26]
    L. PAQUY, « Santé publique et pouvoirs locaux… », thèse cit., chapitre I. On peut également se reporter à nos articles : « Administrer l’hygiène urbaine à la fin du XIX e siècle : le cas de Grenoble », in Bruno DUMONS, Gilles POLLET (dir.), Administrer la ville en Europe, XIX e-XX e siècles, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 163-185 et « Les politiques sanitaires locales au XIX e siècle : l’exemple isérois », colloque « Les transformations des politiques sociales au niveau local : une comparaison France-Allemagne », Mire-Mairie d’Andernach, Andernach, 22-24 avril 2002 (actes à paraître).
  • [27]
    Ce que Yannick Le Marec a qualifié d’« administration bénévole »: Yannick LE MAREC, Le temps des capacités. Les diplômés nantais à la conquête du pouvoir dans la ville, Paris, Belin, 2000, p. 108-113.
  • [28]
    Maxime TOUBEAU, La répression des fraudes sur les produits alimentaires, Paris, Arthur Rousseau, 1908, p. 45-49.
  • [29]
    AMG, 5 I 1 : Arrêté du maire de Lyon portant constitution et organisation d’un laboratoire municipal d’analyses, 8 mai 1883.
  • [30]
    M. TOUBEAU, La répression des fraudes…, op. cit, p. 49.
  • [31]
    En particulier, AMG, 5 I 1 : Rapport de Joseph Tramard au maire de Grenoble, 7 août 1886.
  • [32]
    On retrouve ici l’une des activités de la police municipale analysées par Marie Vogel : la participation à l’administration locale, qui peut aller jusqu’au détachement de gardiens. Marie VOGEL, « Police et espace urbain : Grenoble, 1880-1930 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 50-1, janvier-mars 2003, p. 141-142.
  • [33]
    Du moins avant l’application de la loi de 1905 et en dehors de l’inspection des viandes et autres produits carnés assurée par le service des abattoirs et dont le champ d’action se situe en dehors de celui du laboratoire. Notons également qu’en 1896, la ville de Grenoble crée un emploi saisonnier d’inspecteur des champignons vendus sur les marchés.
  • [34]
    M. VOGEL, art. cit., p. 138. Chiffres tirés de AMG, 5 I 1bis : Rapports annuels sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895 à 1900.
  • [35]
    AMG, 5 I 1bis : Rapport sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895.
  • [36]
    AMG, 5 I 1bis : Rapports annuels sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895 à 1900.
  • [37]
    AMG, 5 I 1bis : Rapport sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895. Le directeur du laboratoire fonde son analyse sur la diminution des analyses qualitatives, lesquelles seraient « surtout réclamées par les consommateurs ». En 1888, les analyses qualitatives représentaient 87,3% des analyses effectuées par le laboratoire; la proportion est de 59,8% en 1895.
  • [38]
    AMG, 390 W 5 à 8 : Annuaires du bureau d’hygiène de Grenoble pour les années 1890 à 1894. Selon le directeur du laboratoire, les falsifications les plus fréquentes sont le mouillage, le vinage et le salage.
  • [39]
    Les proportions sont les suivantes : produits divers – farines, vinaigres, poivre… – ( 7,2%), huiles ( 4,5%), laits ( 3,6%), beurres ( 3%), eaux-de-vie et liqueurs ( 1,7%).
  • [40]
    AMG, 5 I 1bis : Rapport sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895.
  • [41]
    Le premier bureau municipal d’hygiène de France a été créé au Havre en 1879 en référence à celui de Bruxelles. D’autres villes se sont ensuite dotées d’un tel service : Nancy ( 1879), Reims ( 1882), Amiens et Saint-Étienne ( 1884), Pau ( 1885)… Le bureau d’hygiène de Grenoble est le dixième créé. Sur les premiers bureaux d’hygiène municipaux : L. MURARD, P. ZYLBERMAN, L’hygiène…, op. cit., p. 245-247. Sur le bureau d’hygiène de Lyon : Bruno DUMONS, Gilles POLLET, « Élites administratives et expertise municipale. Les directeurs du Bureau d’Hygiène de Lyon sous la Troisième République », in Martine KALUZYNSKI, Sophie WAHNICH (dir.), L’État contre la politique ? Les expressions historiques de l’étatisation, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 37-54. Sur le bureau d’hygiène de Grenoble : Estelle BARET, « Santé publique et environnement urbain : le bureau d’hygiène de Grenoble de 1890 à 1940 », Évocations. La Pierre et l’Écrit, 1996-1997, p. 134-153 ainsi que notre thèse et notre article « Administrer l’hygiène urbaine… », art. cit.
  • [42]
    AMG, 5 I 34 : Docteur Fernand Berlioz, Projet de conservation de la santé publique par la création d’un bureau d’hygiène, Grenoble, Allier père et fils, 1889,15 p.
  • [43]
    AMG, 5 34 : Règlement du bureau municipal d’hygiène de Grenoble, 16 mai 1889.
  • [44]
    E. BARET, art. cit., p. 138.
  • [45]
    AMG, 390 W 5 à 14 : Annuaires du bureau d’hygiène de Grenoble pour les années 1862-1890 à 1900; AMG, 5 34 : Règlement du bureau municipal d’hygiène de Grenoble, 16 mai 1889.
  • [46]
    AMG, 390 W 5 : Annuaire du bureau d’hygiène de Grenoble pour les années 1862-1890.
  • [47]
    AMG, 5 34 : Règlement du bureau municipal d’hygiène de Grenoble, 16 mai 1889.
  • [48]
    AMG, 5 I 34 : Renseignements complémentaires sur l’organisation et le fonctionnement d’un bureau d’hygiène, par le docteur Berlioz, 16 mai 1889.
  • [49]
    L. MURARD, P. ZYLBERMAN, L’hygiène…, op. cit., p. 364-365; Madeleine FERRIÈRES, Histoire des peurs alimentaires du Moyen Âge à l’aube du XX e siècle, Paris, Seuil, 2002, p. 386-391; Pierre DARMON, L’homme et les microbes, XVIIe-XX e siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 479-482.
  • [50]
    Francis CHATEAUREYNAUD, Didier TORNY, Les sombres précurseurs. Une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999,476 p.
  • [51]
    AMG, DP 886 : Dossier personnel de Fernand Berlioz.
  • [52]
    En revanche, le partage des compétences en matière de surveillance des denrées alimentaires fait l’objet de réels conflits entre le bureau d’hygiène et le service des abattoirs dans les années 1907-1912.
  • [53]
    AMG, 1 R 71 : Lettre de l’inspecteur de la boucherie au directeur du bureau d’hygiène de Grenoble, 23 janvier 1890.
  • [54]
    Catherine ROLLET -ECHALIER, La politique à l’égard de la petite enfance sous la Troisième République, Paris, INED /PUF, 1990, p. 184. Le premier volet est la surveillance du lait : réglementation de la vente des laits écrémés et demi-écrémés (villes du Nord, Lyon, Bordeaux en 1896); inspection des laiteries et vacheries (organisées dans le département de la Seine ou encore à Nice en 1893).
  • [55]
    Le recours au bureau de l’octroi est lié au départ de Joseph Tramard de l’École Vaucanson, et par conséquent de la direction du laboratoire, et à l’impossibilité pour son successeur d’assurer la partie administrative des opérations d’analyses. AMG, 5 I 1 : Lettre de Joseph Tramard au maire de Grenoble, 21 avril 1892 et arrêté municipal relatif à la réorganisation du laboratoire d’analyses, 1892.
  • [56]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du directeur du bureau d’hygiène au maire de Grenoble, 14 janvier 1903.
  • [57]
    R. CARVAIS, « La maladie, la loi… », in Claire SALOMON -BAYET (dir.), Pasteur…, op. cit., p. 291.
  • [58]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du directeur du bureau d’hygiène au maire de Grenoble, 14 janvier 1903. Le directeur du bureau d’hygiène ne précise pas de quelles maladies il s’agit. On peut penser néanmoins qu’il vise surtout les maladies véhiculées par le lait, seul produit cité dans son rapport comme devant nécessairement faire l’objet d’une analyse bactériologique.
  • [59]
    Ibidem.
  • [60]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du directeur du bureau d’hygiène au maire de Grenoble, 20 juin 1903.
  • [61]
    AMG, 390 W 17 à 20 : Rapports sur le fonctionnement du bureau d’hygiène de Grenoble pour les années 1904 à 1907. Les vins continuent de représenter la majorité des analyses, mais dans des proportions beaucoup moins écrasantes qu’au début des années 1890. En 1908, les produits analysés par le laboratoire pour le compte des particuliers, au nombre de 167, se décomposent comme suit : vins ( 36,5%), eaux ( 30,5%), huiles ( 14,4%), produits divers ( 7,8%), laits ( 4,2%), vinaigres ( 3,6%) et farines ( 3%).
  • [62]
    Journal Officiel, 5 août 1905, p. 4813-4815 et R. CANU, F. COCHOY, art. cit.
  • [63]
    M. TOUBEAU, La répression des fraudes… op. cit., p. 36-37. Cette procédure, organisée par le décret du 31 juillet 1906, comprend deux phases distinctes : la phase administrative (prélèvement et analyse) et la phase judiciaire (expertise contradictoire). Nous ne prenons ici en compte que la phase administrative. Pour plus de précisions sur la procédure, cf. Robert CARVAIS, « La maladie, la loi… », in Claire SALOMON -BAYET (dir.), Pasteur…, op. cit., p. 296-299.
  • [64]
    Ibidem.
  • [65]
    Sur l’organisation administrative de la répression des fraudes, cf. M. TOUBEAU, La répression des fraudes…, op. cit., p. 50-52 et 78-90.
  • [66]
    Décret du 31 juillet 1906, Journal Officiel, 2 août 1906, p. 5501-5503. La participation des laboratoires à la répression des fraudes ne les empêche pas cependant de pouvoir continuer à effectuer des analyses pour le compte des particuliers.
  • [67]
    M. TOUBEAU, La répression des fraudes…, op. cit., p. 125-127 et AMG, 5 I 34 : Lettre du ministre de l’Agriculture au directeur du bureau d’hygiène de Grenoble, 14 septembre 1907 in Arthur BORDIER, Rapport à Monsieur le Maire de Grenoble sur la réorganisation du bureau d’hygiène, conformément à la loi du 15 février 1902, Grenoble, Imp. L. Ginier, 1907.
  • [68]
    J.-F. TANGUY, art. cit., p. 16.
  • [69]
    AMG, 5 I 34 : A. BORDIER, Rapport à Monsieur le Maire de Grenoble sur la réorganisation du bureau d’hygiène…, op. cit.
  • [70]
    Ibid. : Lettre du ministre de l’Agriculture au directeur du bureau d’hygiène de Grenoble, 14 septembre 1907 et AMG, 5 I 1 : Lettre du directeur du bureau d’hygiène au maire de Grenoble, 21 février 1908.
  • [71]
    AMG, 2 K 235 : Documents relatifs aux analyses faites par le laboratoire municipal se rapportant au vœu présenté par Dournon dans la séance du 18 février 1910.
  • [72]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du ministre de l’Agriculture au préfet de l’Isère, 26 mai 1910.
  • [73]
    AMG, 5 I 1 : Mairie de Saint-Étienne : concours pour l’emploi de directeur du laboratoire municipal de chimie agréé par l’État, 14 octobre 1907.
  • [74]
    Le décret du 31 juillet 1906 ne traite pas en effet de l’organisation matérielle des laboratoires agréés; il réglemente en revanche la procédure d’analyse. Robert CARVAIS, « La maladie, la loi… », in Claire SALOMON -BAYET (dir.), Pasteur…, op. cit., p. 297 et 324.
  • [75]
    Ibid., p. 297.
  • [76]
    AMG, 5 I 71 : Mairie de Grenoble : concours pour l’emploi de directeur du laboratoire municipal de chimie agréé par l’État pour la répression des fraudes, 19 décembre 1910.
  • [77]
    AMG, 5 I 1 : Mairie de Saint-Étienne : concours pour l’emploi de directeur du laboratoire municipal de chimie agréé par l’État, 14 octobre 1907. Voir aussi l’avis de concours grenoblois.
  • [78]
    Le concours stéphanois y est ainsi qualifié de « parodie de concours ».
  • [79]
    AMG, 5 I 34 : Note du directeur du laboratoire municipal de Lyon, sans date.
  • [80]
    AMG, Budget de la ville de Grenoble pour l’année 1912.
  • [81]
    J.-F. TANGUY, art. cit., p. 16-17.
  • [82]
    Soit, en 1908,698 analyses sur un total de 865; 1137 sur 1247 en 1912.
  • [83]
    J. LÉONARD, Archives du corps…, op. cit., p. 199.

1 Réduire l’histoire alimentaire du XIX e siècle au problème des fraudes et des falsifications serait abusif : cela reviendrait à oblitérer des évolutions aussi fondamentales que la disparition des disettes cycliques, la diversification des produits consommés, les progrès dans les transports et les procédés de conservation, ou encore la constitution d’une véritable « science alimentaire » [1]. Pourtant, il est difficile de rester insensible au jugement de Paul Lafargue qui, pointant la pratique généralisée d’adultération des denrées, faisait cette prédiction sans appel : « Notre époque sera appelée l’âge de la falsification » [2]. Farines mélangées à de la craie ou à du plâtre, arsenic dans les conserves, strychnine dans la bière, graisses et poudres diverses dans le beurre, vins mouillés ou colorés, laits écrémés, mouillés, additionnés d’anticoagulants ou encore d’antiseptiques… : la liste est longue des sophistications relevées par les nombreux traités et dictionnaires consacrés aux altérations et falsifications alimentaires [3].

2 Par-delà sa portée délictuelle, la question des fraudes et des falsifications s’avère complexe. Elle se trouve à la croisée de divers préoccupations, intérêts et enjeux : enjeux de régulation commerciale visant à garantir une concurrence loyale, enjeux de définition de la qualité des produits par les différents acteurs, enjeux de santé publique enfin, en raison du caractère souvent nocif des sub-stances employées [4]. Ces dimensions s’imbriquent étroitement dès lors que l’on s’intéresse aux politiques de lutte contre les fraudes et les falsifications. Car si le XIX e siècle correspond à une intensification de ces pratiques, que favorisent notamment les progrès de la chimie, il voit aussi de nouvelles réponses des pouvoirs publics pour les combattre. Ainsi l’État, en 1851, aggrave les pénalités pour falsification de denrées alimentaires ou de médicaments [5], avant d’édicter, avec la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes, une « charte du commerce honnête » [6]. Tel est aussi le cas de certaines grandes municipalités urbaines qui, à partir des années 1880, investissent le champ de la surveillance alimentaire, instituant des services d’inspection et de prélèvement, créant des laboratoires d’analyses.

3 Certes, le contrôle de la qualité des denrées n’est pas une mission nouvelle. La loi révolutionnaire des 16-24 août 1790 rangeait en effet, parmi les objets relevant de la police municipale, « l’inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids, à l’aune ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vente publique » [7]. Mais en ces années de renouveau de la vie communale, qu’encouragent les législations de 1882 et 1884, les municipalités développent une activité nouvelle, qui passe notamment par un mouvement de rationalisation des services et la conquête d’un « pouvoir d’expertise » hygiéniste, dont la surveillance alimentaire est partie prenante, quand elle n’en constitue pas, comme à Lyon, la colonne vertébrale [8].

4 D’un point de vue institutionnel, en effet, activité sanitaire et préoccupations en matière de qualité et de sécurité des produits apparaissent étroitement liées, particulièrement au niveau local [9]. Ainsi, les premières institutions consultatives d’hygiène locales – les conseils de salubrité mis en place dans quelques départements et grandes villes au cours de la première moitié du XIX e siècle – comptaient parmi leurs attributions les questions relatives aux falsifications des denrées et boissons [10]. Ce domaine de compétences ne fut pas abandonné lorsque le pouvoir central décida, en 1848, de généraliser les conseils de salubrité sur l’ensemble du territoire et de les rendre obligatoires dans tous les arrondissements. Les « nouveaux » conseils d’hygiène et de salubrité étaient ainsi chargés de la « qualité des aliments, boissons, condiments et médicaments livrés au commerce » [11]. Il était particulièrement attendu de ces institutions des inspections régulières ou ponctuelles, dans le but de « rechercher et de poursuivre les falsifications, ou de faire disparaître les substances alimentaires altérées qui seraient de nature à nuire à la santé publique » [12]. La seconde phase d’institutionnalisation sanitaire, dont la caractéristique la plus significative est la mise en place, à partir de la fin des années 1870, de bureaux d’hygiène municipaux dans quelques grandes communes urbaines, ne voit pas non plus disparaître cette préoccupation. La salubrité des denrées et des boissons figure en effet parmi les attributions de la plupart des premiers bureaux d’hygiène communaux [13]. La dimension sanitaire de la qualité des produits semble alors d’autant mieux affirmée que les questions alimentaires prennent, au sein des préoccupations hygiénistes, une ampleur et une diversité inédites [14].

5 C’est pendant cette période de dynamisme sanitaire qu’apparaissent les laboratoires d’analyses et les services d’inspection, destinés à assurer la mission municipale de surveillance de la qualité des denrées alimentaires. On voudrait ici revenir sur ces expériences en étudiant plus précisément l’une d’entre elles, le laboratoire municipal de chimie de Grenoble, créé en 1887. Au-delà du cas local, l’objectif est double. Il s’agit, d’une part, d’analyser comment l’hygiène alimentaire s’est organisée et structurée au sein d’une grande municipalité urbaine et d’apporter ainsi un éclairage sur la manière dont les pouvoirs publics locaux ont appréhendé et géré la question des nuisances et des dangers liés à l’alimentation.

6 Il s’agit également de s’interroger sur le poids des initiatives locales en cette matière et sur leur articulation avec celles de l’État central. Notre propos s’organisera autour des trois temps forts de l’histoire du laboratoire grenoblois jusqu’en 1914 :celui de sa naissance d’abord, et du choix d’une protection de la population contre les falsifications alimentaires privilégiant un mode individuel et non un mode collectif; celui, ensuite, de son rattachement au bureau d’hygiène municipal, tentative de constitution d’un pôle sanitaire de surveillance alimentaire; celui, enfin, de son intégration au dispositif national de répression des fraudes en application de la loi du 1er août 1905, qui pose la question du nouveau partage de compétences institué entre l’État et les municipalités.

NAISSANCE DU LABORATOIRE MUNICIPAL : ORGANISER LA PROTECTION INDIVIDUELLE DU CONSOMMATEUR

7 C’est en 1881, quelques mois après l’arrivée d’un maire fermement républicain, qu’est évoquée pour la première fois à Grenoble l’idée de créer un laboratoire d’analyses pour lutter contre les fraudes et les falsifications alimentaires.

8 L’initiative en revient à un conseiller municipal radical, qui soumet à l’assemblée un vœu ainsi formulé :

9

« Par un progrès à rebours, les falsificateurs ont trouvé l’art de détériorer et de sophistiquer la plupart de nos aliments; pour satisfaire à un désir immodéré de lucre, ces coupables industriels ne craignent pas d’attenter à la vie de leurs concitoyens. Le seul remède à cet état de choses est de mettre le public dans la possibilité de faire examiner les substances dont il fait usage. C’est pourquoi Messieurs, je viens vous proposer la création d’un laboratoire municipal où, moyennant une modique rétribution, chacun pourra faire soumettre les denrées suspectes à une analyse scientifique » [15].

10 L’argument est simple. Les falsifications pouvant être nuisibles à la santé, il importe d’en préserver la population en lui permettant de faire analyser les produits qu’elle achète. L’acheteur apparaît ainsi comme une personne désarmée :
l’administration se doit, sinon de la protéger, du moins de lui fournir les moyens scientifiques nécessaires à sa protection. Cet impératif d’organiser la protection individuelle du consommateur se trouve réaffirmé cinq ans plus tard, lorsque le conseiller renouvelle son vœu en faveur de la création d’un laboratoire d’analyses :

11

« Les falsificateurs dont l’audace croît en raison de l’impunité dont ils jouissent jusqu’à ce jour s’attaquent dans un but de lucre éhonté à toutes les denrées qu’ils altèrent et dénaturent au préjudice de la santé publique [… ]. Le public est la plupart du temps désarmé en face de ces fraudeurs, il ne sait à qui s’adresser. En raison de la gravité de ces faits, il appartient, il me semble, à la Municipalité de prendre des mesures de protection en faveur de ses administrés » [16].

12 Comme en 1881, la proposition du conseiller municipal est adoptée sans objection de la part de l’assemblée; mais cette fois, elle se concrétise. Les circonstances ne sont peut-être pas absentes de cet aboutissement. Un procès retentissant contre les marchands de vin du Midi vient alors d’avoir lieu à Lyon et la création d’un laboratoire fut l’un des vœux formulé lors des réunions publiques pour les élections complémentaires de 1886. La municipalité grenobloise se montre d’autant plus favorable à la proposition qu’il existe à l’École Vaucanson, établissement d’enseignement professionnel, un laboratoire de chimie destiné aux travaux pratiques des élèves et auquel il suffit d’apporter de légers aménagements. Le local étant trouvé, l’organisation du laboratoire d’analyses est mise à l’étude et entérinée le 11 février 1887 [17]. Deux mois plus tard, l’établissement ouvrait ses portes.

13 Grenoble n’est alors pas la seule ville à mettre en place une telle structure.

14 Paris, Lyon, Saint-Étienne, Brest, Le Havre, Montpellier ou encore Marseille ont organisé bien avant elle des laboratoires municipaux d’analyses et les regards de la municipalité grenobloise convergent vers quelques-unes de ces expériences [18]. Lyon, surtout, retient l’attention, en raison peut-être de sa proximité géographique, mais aussi parce que son établissement semble être un modèle du genre. Le laboratoire de Lyon emploie en effet huit personnes :
un directeur, un sous-directeur, un préparateur de chimie, quatre inspecteurs experts affectés à la surveillance des denrées et un garçon de service [19]. Dès l’origine, l’accent a été mis sur la compétence des hommes, de manière à disposer de véritables professionnels au sein de l’administration municipale. Le directeur, Jean-Marie Bellier, a ainsi été recruté sur concours. Ancien préparateur de chimie puis chargé des analyses de la station agronomique du département de la Côte d’Or, il apparaît comme un homme d’expérience, rompu à la pratique des analyses. C’est d’ailleurs lui qui va donner l’élan décisif au laboratoire municipal de Lyon, élargissant son rôle, « notamment en direction du contrôle des établissements insalubres », mettant au point « des procédés techniques d’enquête sur les denrées fraudées ou des méthodes de désinfection des logements insalubres » [20]. Cette implication a certainement été facilitée par les conditions statutaires. Le directeur du laboratoire lyonnais apparaît en effet comme un véritable fonctionnaire de l’administration municipale, bénéficiant d’un traitement de 5000 F en 1886. Celui des chimistes s’élève à 2400 F.

15 Quant aux quatre inspecteurs experts, choisis pour leurs « connaissances en dégustation ou en chimie » [21], leur traitement varie de 1800 à 2000 F suivant leur classe.

16 Face à l’imposant établissement lyonnais, le laboratoire municipal de Grenoble fait alors bien pâle figure. Il comprend en effet deux employés : le directeur Joseph Tramard, professeur de chimie et de manipulation à l’École Vaucanson, et son assistant, préparateur de physique et de chimie dans le même établissement. Tous deux pratiquent les analyses en plus de leur activité d’enseignement et perçoivent un supplément de traitement annuel s’élevant respectivement à 700 et 300 F. Une telle organisation n’est pas spécifique à la ville de Grenoble. À Rennes, par exemple, la direction du laboratoire créé en 1888 a été confiée à l’un des professeurs de la faculté des sciences, qui bénéficie d’une indemnité de 1000 F; en revanche, la situation du préparateur diffère puisque celui-ci est employé à temps complet avec un traitement de 2000 F [22]. Pour expliquer ce type d’organisation, on peut d’abord invoquer l’argument financier. « Le laboratoire ne coûte presque rien à la ville » est en effet une phrase récurrente de l’administration municipale grenobloise qui recouvre une certaine réalité. Tout d’abord, les dépenses d’installation et de fonctionnement de l’établissement sont plutôt minimes : 2600 F pour les premières, 1600 F en moyenne pour les secondes entre 1887 et 1898 [23]. De plus, le laboratoire s’avère une opération très peu onéreuse. Les analyses demandées par la population – qualitatives et quantitatives – sont en effet payantes [24] et les recettes atteignent, toujours pour la même période, 850 F en moyenne.

17 Cependant, l’argument financier ne nous semble pas constituer à lui seul une explication suffisante. Le principe des analyses qualitatives payantes, par exemple, alors que celles-ci sont gratuites dans d’autres villes, a été certes adopté en vue « d’atténuer les dépenses du laboratoire », mais également pour décourager les personnes « qui voudraient satisfaire une simple curiosité » [25].

18 Plus largement, le souci de ne pas obérer les finances municipales nous semble indissociable des modalités d’administration de l’hygiène publique à cette époque. Comme dans d’autres villes, la décennie 1880 correspond à Grenoble à une période d’investissement croissant du champ sanitaire [26]. En l’espace de cinq ans, la ville étoffe notablement son dispositif de protection, créant de nouveaux emplois de médecine publique (médecin-inspecteur des écoles en 1882, médecin-inspecteur de la crèche municipale en 1883), installant un service de statistique des causes de décès ( 1886), participant aux côtés de l’hôpital à l’acquisition d’une étuve à désinfection épidémique ( 1888). Toutefois, si la ville fait preuve d’un dynamisme sanitaire incontestable, elle n’innove pas véritablement sur le plan gestionnaire. Depuis le début du XIX e siècle en effet, deux formes d’administration de l’hygiène et de la santé publiques prédominent.

19 La première consiste à faire appel à la médecine libérale pour lui confier l’exécution de certaines tâches particulières : c’est le cas notamment des médecins des épidémies institués en 1805 ou des médecins chargés de la vaccination qui, dans l’Isère, perçoivent une indemnité forfaitaire. Le second modèle de gestion repose sur l’installation d’organismes consultatifs (conseils de salubrité locaux, conseils d’hygiène et de salubrité publiques institués en 1848, commissions municipales des logements insalubres créées dans le cadre de la loi du 13 avril 1850), chargés d’éclairer, le plus souvent bénévolement [27], l’autorité publique sur des problèmes généraux ou particuliers d’hygiène et de salubrité publiques. Ainsi, durant les deux premiers tiers du XIX e siècle, la gestion de l’hygiène s’exerce sur un mode que l’on pourrait qualifier de « délégué » et elle n’est pas vraiment professionnalisée. Les institutions sanitaires grenobloises mises en place dans les années 1880 ne dérogent en rien à cette logique d’administration. Leur fonctionnement repose sur un ensemble d’acteurs publics ou privés, périphériques ou non à l’administration municipale, mais qui ont tous en commun d’exercer leur activité sanitaire à titre de fonction secondaire. Les médecins-inspecteurs des écoles et de la crèche sont ainsi des praticiens libéraux, qui assument par ailleurs d’autres fonctions médicales publiques. Le service de la statistique des décès est confié à la société de médecine et de pharmacie de l’Isère, et plus particulièrement à son secrétaire. Quant à la gestion du service de désinfection – une équipe de trois ouvriers –, elle est assurée par l’hôpital. Ainsi, en faisant appel à des enseignants de l’école professionnelle et en leur accordant un supplément de traitement, l’organisation du laboratoire d’analyses alimentaires s’inscrit parfaitement dans cette logique de délégation des tâches.

20 Ouvrir à la population un laboratoire de chimie n’est pas le seul moyen d’intervenir contre les fraudes et les falsifications alimentaires. Une surveillance régulière des denrées et des boissons mises en vente est aussi nécessaire, sinon plus efficace. Surtout, elle signifie un déplacement des préoccupations et des actions, de la protection individuelle à la protection collective, d’un acte de défense individuel à la recherche organisée des fraudes et des falsifications.

21 C’est dans ce but – la recherche et la constatation des délits de fraude – que la loi du 1er août 1905 a institué le prélèvement d’échantillons de produits. Mais bien avant la législation, quelques municipalités s’étaient déjà emparées de la question. Paris, Lyon, Toulouse ou encore Le Havre avaient ainsi mis en place des services permanents d’inspection et de prélèvement, organisés suivant des modalités variables [28]. À Lyon par exemple, l’inspection des denrées, et plus largement de « tous les objets pouvant par leur usage intéresser la santé » [29], relève des quatre inspecteurs experts attachés au laboratoire, qui font effectuer par la police le prélèvement des produits douteux. Les échantillons sont ensuite envoyés au laboratoire pour analyse et, en cas de falsification, la municipalité transmet le dossier au parquet. Grâce à ce dispositif, Lyon peut prétendre à une surveillance constante de la qualité des produits. Son action paraît en tout cas autrement plus régulière que celle d’autres municipalités, lesquelles ne recourent au prélèvement qu’« en cas de suspicion à l’égard de tel ou tel commerçant » [30].

22 À Grenoble, la création d’un service d’inspection des denrées avait également été recommandée dans les rapports préparatoires à l’organisation du laboratoire [31]. Deux agents de police attachés à l’établissement en qualité d’expert inspecteur étaient ainsi chargés d’inspecter les marchés, les gares de marchandises et les commerces de la ville, et de procéder au prélèvement des produits suspects. Leur mission consistait non seulement à examiner l’état des marchandises mises en vente (lait, beurre, poissons, volailles, vins, café, huile, sucre, pâtisseries, confiseries… ), mais également à s’assurer de l’hygiène générale des lieux de vente. C’est ainsi que les inspecteurs pouvaient pénétrer dans les restaurants et vérifier « les ustensiles de cuisine ou la teneur en plomb de l’étamage » [32]. Ils devaient également inspecter les pompes à bière des débits de boissons, examiner l’état des appareils renfermant du pétrole dans les épiceries, la nature du bois de chauffage employé dans les boulangeries et les pâtisseries ou encore les papiers enveloppant les confiseries. Il y avait donc un réel souci de s’attaquer à toutes les causes d’altération des denrées et non simplement de vérifier la fraîcheur des produits ou de déceler des actions potentiellement frauduleuses. Pour le reste, la procédure d’inspection grenobloise était calquée sur le modèle lyonnais : soumission à l’analyse des échantillons prélevés, transmission, par la municipalité, du dossier au parquet en cas de falsification.

23 Les propositions de Joseph Tramard n’eurent pas de suite, le conseil municipal se contentant de renvoyer à plus tard la création d’un service d’inspection et de prélèvement. En fait, et bien qu’elle ait été plusieurs fois réclamée, y compris au sein du conseil municipal, l’inspection des denrées ne sera jamais organisée [33]. Cette absence d’un service véritablement constitué pèse cruellement dans l’exercice municipal de surveillance de la qualité des produits alimentaires. Certes, des prélèvements existent – ils sont assurés par la police dans le cadre de la « police quotidienne de la communauté locale » –, mais leur nombre paraît bien insignifiant, surtout au regard des échantillons apportés par la population : en moyenne 20 par an pour les premiers entre 1892 et 1900, contre 450 pour les seconds [34]. De plus, les matières prélevées par la police sont souvent impropres à l’analyse, tel ces laits « constitués presque exclusivement par de la crème » [35]. Dans ces conditions, la protection de la population contre les fraudeurs et les falsificateurs relève essentiellement de l’initiative individuelle : elle dépend d’abord de la propension des acheteurs à faire analyser leurs produits et, le cas échéant, à saisir les tribunaux. Or, si dans un premier temps le laboratoire rencontre un certain succès auprès du public, celui-ci semble par la suite en faire un usage moins fréquent : de quelque 970 pour les années 1888-1890, le nombre moyen annuel d’échantillons apportés par la population diminue à 550 pour les années 1891-1893, pour stagner autour de 410 jusqu’en 1900 [36]. Selon le directeur du laboratoire, cette diminution révèle avant tout une plus grande « confiance » du public, et particulièrement des « consommateurs », envers la qualité des produits mis en vente, qui rendrait le recours à l’analyse moins indispensable [37]. L’explication est difficilement vérifiable. Du reste, sont-ce vraiment les consommateurs qui demandent les analyses ? Les commerçants et les industriels ne saisissent-ils pas le laboratoire dans des proportions autrement plus importantes ? Faute de sources, le profil de l’usager du laboratoire grenoblois nous échappe. En revanche, les demandes d’analyses nous sont davantage connues et celles-ci ne correspondent qu’imparfaitement aux sophistications relevées par le laboratoire. Ainsi, les vins, qui représentent près de 80% des échantillons déposés en 1890-1894, ne sont déclarés falsifiés qu’à hauteur de 25% [38]. La proportion atteint 45% pour les autres produits, laits, huiles, beurres, liqueurs et denrées diverses, dont la vérification est moins sollicitée [39]. Les huiles, en particulier, sont fréquemment mélangées tandis que, pratiques beaucoup plus dangereuses, les laits apparaissent souvent écrémés ou mouillés. Enfin, il faut citer le cas des « substances qu’on achète chez les épiciers par petite quantité à la fois », poivre, café, thé, miel, rarement déposées mais fréquemment altérées. C’est donc une partie non négligeable de produits potentiellement suspects qui échappe ainsi à l’analyse. En fait, on touche là directement aux limites d’une protection alimentaire conçue sur le registre de l’initiative individuelle et payante. « On conçoit en effet, explique le directeur du laboratoire, qu’une ménagère qui achète quelques grammes de café, de thé, de poivre, etc., hésite à dépenser 0,50 F pour faire exécuter une analyse qualitative. Aussi, ces sub-stances qui peuvent être classées parmi les plus falsifiées sont cependant celles que le laboratoire analyse le plus rarement » [40].

LE LABORATOIRE ET LE BUREAU D’HYGIÈNE : L’AMBITION D’UN PÔLE SANITAIRE DE SURVEILLANCE ALIMENTAIRE

24 Le refus ou le peu d’intérêt du conseil municipal grenoblois pour un service d’inspection des denrées n’est cependant pas synonyme d’absence d’ambition en matière de qualité alimentaire. Dès 1889, la surveillance des produits s’inscrit en effet directement dans le cadre d’une politique sanitaire de grande ampleur, que symbolise la mise en place du bureau de l’hygiène publique [41]. Créé à l’initiative du docteur Berlioz, professeur d’hygiène à l’école de médecine et conseiller municipal de Grenoble, le bureau d’hygiène, destiné à couvrir l’ensemble des questions sanitaires, apparaît au départ comme un modeste service de l’administration municipale. Il comprend en effet quatre employés – un directeur, deux médecins-inspecteurs et un secrétaire – dont les émoluments forment l’essentiel d’un budget de fonctionnement de 6000 F. La mise en place de ce service modifie pourtant notablement les modalités de la gestion sanitaire de la ville. En effet, pour la première fois, s’autonomise au sein de l’administration municipale un service spécifiquement chargé des questions d’hygiène et de santé publiques. L’objectif est clairement celui de la rationalisation [42] : il s’agit d’obtenir davantage d’efficacité dans la lutte contre les maladies contagieuses, par la conduite d’une action méthodique et coordonnée.

25 Le bureau d’hygiène a tout d’abord pour vocation de rassembler sous son autorité les anciennes institutions sanitaires de la ville [43]. Il en est ainsi des services de médecine publique – inspection médicale des écoles, de la crèche et du dispensaire antivénérien, soins aux employés municipaux, vaccination – désormais assurés par les deux médecins-inspecteurs du bureau d’hygiène et son directeur. Surtout, le bureau d’hygiène a comme mission essentielle d’exercer une surveillance constante des conditions sanitaires de la ville et de ses habitants. Celle-ci passe en premier lieu par la collecte d’informations sanitaires. Les médecins du bureau d’hygiène doivent ainsi être attentifs aux cas de maladies contagieuses qui se produisent dans leur circonscription d’exercice, en rechercher les causes et déterminer l’ampleur de la propagation. Il leur appartient de recueillir tous les renseignements relatifs à l’hygiène de la voie publique, des édifices et des habitations, et notamment des fosses d’aisance. Le travail de surveillance passe également par la construction d’une statistique sanitaire démographique, dont le bureau d’hygiène devient l’unique responsable [44]. La mortalité fait l’objet d’une attention toute particulière : le directeur du bureau d’hygiène suit de près ses variations dans le temps et dans l’espace, rapporte chaque cause de décès au sexe, âge et canton de résidence du défunt et jusqu’en 1895, cartographie les maladies contagieuses les plus fréquentes. Ainsi renseigné, le service peut proposer les mesures sanitaires qu’il juge opportunes [45].

26 Contrairement à l’ancienne organisation sanitaire de la ville, une organisation en maillage dont les différentes composantes apparaissaient sans liens les unes avec les autres, le bureau d’hygiène a donc véritablement vocation à déterminer et mettre en œuvre des politiques d’hygiène et de santé publiques.

27 Et dans son vaste champ de compétences – la prophylaxie des maladies contagieuses et la lutte contre l’insalubrité urbaine –, l’hygiène alimentaire occupe une place non négligeable. « Si la surveillance des maladies contagieuses tient le premier rang dans la préoccupation de ceux qui ont la charge de la santé publique, explique en 1890 le directeur du bureau d’hygiène de Grenoble, la surveillance des denrées alimentaires vient immédiatement après » [46]. Le contrôle de la qualité des aliments et des boissons fait en effet expressément partie des attributions du service. Toutefois, pour exercer cette mission, le bureau d’hygiène ne dispose pas d’effectifs propres; il doit compter sur la collaboration des services municipaux intervenant dans le champ de l’hygiène alimentaire et qui, jusqu’ici, apparaissaient sans liens entre eux : le laboratoire et les abattoirs [47]. Le premier doit ainsi adresser chaque mois au bureau d’hygiène un rapport sur ses opérations et analyser tous les produits que lui envoie le service sanitaire. Les abattoirs ont des obligations similaires.

28 Le vétérinaire-directeur doit en effet remettre un état mensuel des opérations effectuées et indiquer notamment le nombre d’animaux abattus reconnus sains et malades. Son adjoint, l’inspecteur de la boucherie chargé de l’observation des règlements relatifs à la salubrité des viandes, des fruits et autres comestibles mis en vente, a également pour obligation d’envoyer au bureau d’hygiène un compte rendu hebdomadaire de ses opérations.

29 La collaboration des abattoirs ne se situe pas seulement sur le plan de la transmission d’informations. Le service est aussi investi d’une fonction nouvelle : la surveillance des vacheries établies sur le territoire communal. Le directeur des abattoirs est ainsi chargé d’examiner les vaches et de s’assurer que celles-ci n’ont pas de maladies pouvant être communiquées par le lait.

30 Cette mission nouvelle, justifiée par le risque de transmission de la tuberculose par le lait, révèle la prise en compte par la municipalité d’une autre forme du danger alimentaire : le danger microbien [48]. Les fraudes et les falsifications alimentaires ne sont pas en effet les seules actions qui peuvent être nuisibles à la santé; il faut également leur ajouter les risques de transmission de maladies par l’aliment. La contagion typhoïdique par le lait a ainsi été démontrée dans les années 1870, tandis que la transmission de la tuberculose bovine à l’homme, par le lait ou l’ingestion de viande, est l’objet de très vives inquiétudes dans certains milieux médicaux, même si, en cette période, les incertitudes scientifiques demeurent encore [49]. En prescrivant la visite des vacheries, la municipalité grenobloise se range clairement du côté des « lanceurs d’alerte » [50]. Une telle attitude peut aisément se comprendre lorsque l’on examine le profil du docteur Fernand Berlioz, fondateur du bureau d’hygiène et son premier directeur [51]. Professeur à l’école de médecine de Grenoble, secrétaire de la Société de médecine et de pharmacie de l’Isère, F. Berlioz s’affirme très vite comme un pastorien convaincu. En 1884, il monte, à l’école de médecine, un laboratoire de bactériologie et mène diverses recherches sur la tuberculose, avant d’orienter ses travaux, à partir de 1892, sur les propriétés bactéricides du formol. Il contribue également activement à la diffusion de la sérothérapie antidiphtérique à Grenoble, fondant avec un vétérinaire, un institut pour produire le sérum. Ces initiatives et travaux lui vaudront la chaire de bactériologie à l’école de médecine, chaire créée spécialement pour lui.

31 Directeur du bureau d’hygiène, il fait porter prioritairement son action sur la prophylaxie des maladies transmissibles, concentrant ses efforts sur la désinfection, particulièrement celle des logements de tuberculeux, prenant la tête d’une campagne des directeurs de bureaux d’hygiène en faveur de l’inscription de la tuberculose sur la liste des maladies à déclaration obligatoire.

32 Sur le papier, la création du bureau d’hygiène apparaît bien comme la constitution d’un pôle de surveillance alimentaire coordonné par un organisme spécialisé dans les questions sanitaires. Il reste à savoir comment la collaboration entre le bureau d’hygiène, le service des abattoirs et le laboratoire s’effectue concrètement. Les rapports entre les deux premiers services ne nous sont pas vraiment connus, du moins pendant ces années [52]. Nous n’avons relevé qu’un seul cas d’intervention, une lettre de l’inspecteur de la boucherie signalant en 1890 au bureau d’hygiène l’entrée irrégulière de viandes foraines [53]. La collaboration semble très rare si l’on en croit les rapports annuels du bureau d’hygiène. Les activités sanitaires des abattoirs n’y sont en effet mentionnées que pour une seule année. Les rapports ne font pas davantage allusion à l’inspection des vacheries. En ce domaine d’ailleurs, le bureau d’hygiène a plutôt concentré ses efforts sur un autre volet de la politique du « bon lait » [54] : la distribution de lait stérilisé aux nourrissons pauvres qu’il organise à partir de 1894 dans le but de réduire la mortalité diarrhéique. Quant aux rapports du bureau d’hygiène avec le laboratoire, s’ils sont étroits dans un premier temps, la tendance est bien vite à une prise de distance entre les deux services. Ainsi, les comptes rendus des opérations du laboratoire cessent d’apparaître dans les rapports annuels du bureau d’hygiène à partir de 1895.

33 Surtout, le bureau d’hygiène doit compter sur la présence d’un nouvel acteur, le bureau de l’octroi, qui depuis 1892 assume la petite administration du laboratoire : réception des échantillons, perception des taxes et délivrance des bulletins d’analyses [55]. Cette intervention du service de l’octroi complexifie singulièrement les relations entre le bureau d’hygiène et le laboratoire :

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« Dans cette organisation aussi peu homogène que possible, d’un service qui doit dépendre du bureau d’hygiène, c’est le bureau de l’octroi qui prépare le terrain [… ], c’est l’école professionnelle qui opère et le bureau d’hygiène est renseigné de seconde main par un vague bulletin (bon, mauvais… ) qui lui est remis plus ou moins régulièrement chaque mois.
Il lui serait dans ses conditions bien difficile de découvrir et de suivre une piste morbide dans le grand nombre de faits caractérisateurs et dignes d’attention qui passent sans doute sous les yeux de l’école professionnelle » [56].

35 Ces mots prononcés en 1903 par le docteur Bordier, second directeur du bureau d’hygiène et directeur de l’école de médecine, sous-tendent en fait un vaste projet de réforme de l’organisation du laboratoire municipal. Il s’agit en effet, d’une part, de placer le laboratoire sous le contrôle effectif du bureau d’hygiène, et d’autre part, de transférer les opérations d’analyses de l’École Vaucanson à l’école de médecine. L’argumentaire du docteur Bordier repose sur la « qualité bactériologique de l’aliment », notion que la loi du 1er août 1905 relative à la répression des fraudes allait bientôt consacrer [57]. Déjà évoquée par son prédécesseur dans ses projets d’organisation du bureau d’hygiène, la nécessité de l’analyse bactériologique est affirmée avec plus de force par le docteur Bordier comme moyen de connaître et de juger de la qualité alimentaire. C’est par elle que l’on peut déceler et être renseigné sur « la porte d’entrée d’une foule de maladies que le bureau d’hygiène a le devoir de connaître et d’apprécier » [58]. Le laboratoire de l’école professionnelle n’est cependant équipé que pour l’analyse chimique. Au contraire de l’école de médecine qui possède un laboratoire de bactériologie et dont les enseignants sont « tous licenciés ès sciences, pharmaciens de première classe ou docteurs en médecine, [… ] pratiquent journellement des analyses et n’ont obtenu leur titre de professeur qu’après les concours subis devant la faculté de Lyon » [59]. Cette insistance sur les qualités et les compétences scientifiques du corps professoral de l’école de médecine témoigne, outre certainement du soutien d’un directeur d’établissement à ses enseignants, d’une autre conception des opérations d’analyse. Dans le laboratoire façon école professionnelle, l’accent était mis sur la compétence de généraliste des chimistes : le directeur et le préparateur avaient en effet vocation à effectuer tous les types d’analyses. À l’école de médecine, c’est la spécialisation qui est mise en avant, dans un souci à la fois de simplification des opérations et de compétence. Chaque enseignant est ainsi chargé d’une seule catégorie d’analyse ou de produit : analyse chimique des eaux, analyses bactériologiques, examens microscopiques pour la recherche de parasites, analyses toxicologiques, analyses des produits pharmaceutiques, analyses chimiques du lait, huile, beurre et fromages, analyses des vins, bières et autres boissons [60]. Il est rémunéré au prorata des analyses, suivant le type effectué. Le second volet de la réforme proposée par le docteur Bordier et entérinée par le conseil municipal est le rattachement administratif du laboratoire au bureau d’hygiène. C’est à lui désormais que revient le soin de réceptionner les échantillons, de les acheminer à l’école de médecine, de recevoir les résultats des analyses et de les communiquer au demandeur. L’absorption du laboratoire met ainsi fin à l’éclatement dénoncé plus haut par le directeur du bureau d’hygiène. Elle lui permet, en contrôlant les demandes d’analyses et la délivrance des résultats, une surveillance directe de la qualité des produits. Elle lui permet également d’affirmer la place, dans le champ médical et sanitaire, des deux établissements – le bureau d’hygiène et l’école de médecine – dont il assume la direction. Pour autant, on ne peut parler d’une réelle politique de surveillance des denrées alimentaires. L’inspection n’existe toujours pas et le nombre des analyses réalisées demeure somme toute très modeste : autour de 170 par an pour les années 1904-1907, auxquelles il faut ajouter les quelque 30 prélèvements annuels effectués par la police [61]. Quant à l’analyse bactériologique, si importante aux yeux du docteur Bordier, il semble qu’elle concerne essentiellement l’eau potable, dans le cadre des projets d’alimentation en eau des communes de l’Isère.

LE LABORATOIRE ET LA RÉPRESSION DES FRAUDES : L’INTÉGRATION D’UN ÉTABLISSEMENT MUNICIPAL DANS UN DISPOSITIF ÉTATIQUE

36 Adoptée en 1903, la nouvelle organisation du laboratoire n’aura cependant qu’une brève existence. La loi du 1er août 1905 relative à « la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles » va en effet donner à l’établissement un nouveau cadre de fonctionnement, et plus largement transformer ses modalités d’administration. La législation se donne pour objectif de réglementer la relation commerciale, devenue très complexe, en sanctionnant les tromperies et les falsifications [62]. Pour cela, elle crée une procédure spéciale de recherche et de constatation des délits de fraudes, composée dans sa phase administrative du prélèvement et de l’analyse [63]. Acte jusque-là limité aux beurres (loi du 16 avril 1897) ou laissé à la discrétion des autorités municipales, le prélèvement se voit consacré comme premier rouage de la surveillance des produits, en même temps que minutieusement organisé et réglementé. L’analyse scientifique est une opération tout aussi fondamentale : c’est elle qui permet de détecter une anomalie dans la nature, la composition, l’identité ou la qualité du produit mis en vente; c’est elle qui permet, le cas échéant, de déclencher l’ouverture d’une instruction judiciaire. Une autre nouveauté de la loi de 1905 est d’adosser la recherche et la constatation des infractions à la mise en place d’un vaste dispositif administratif [64]. Un service central de répression des fraudes, dirigé par le docteur ès sciences Eugène Roux et composé d’une quinzaine d’inspecteurs, est ainsi établi au ministère de l’Agriculture. Au niveau local, des services de prélèvement et d’analyse sont également organisés. Mais ce faisant, la législation opère une importante redéfinition du partage des compétences entre l’État et les communes. Elle confie en effet au premier exclusivement l’application de ses dispositions et fait de la recherche des fraudes un dispositif étatique [65]. Localement, c’est le préfet qui en assume la responsabilité. Il lui revient le soin de nommer les agents chargés d’opérer les prélèvements, de réceptionner les échantillons, de les transmettre au laboratoire et, en cas de présomption de fraudes, de saisir le parquet. En confiant à l’État la responsabilité de la recherche et de la constatation des infractions, le législateur n’a cependant pas voulu écarter totalement les communes. Leur participation à la répression des fraudes est prévue de deux manières. Tout d’abord, le préfet a la possibilité de désigner comme agents des prélèvements les « agents spéciaux » qui « seraient institués par les départements ou les communes pour concourir à l’application de ladite loi ». Surtout, les laboratoires créés par les municipalités et les départements peuvent, aux côtés des laboratoires d’État, pratiquer les analyses. La condition est qu’ils aient été au préalable agréés par une commission technique établie auprès du ministère de l’Agriculture [66].

37 Pour une municipalité comme Grenoble, obtenir l’agrément et intégrer ainsi le dispositif étatique de répression des fraudes comporte au moins deux avantages. Le premier est d’ordre financier : le visa de laboratoire officiel est en effet synonyme d’une importante subvention de l’État pour l’analyse des échantillons prélevés, à laquelle il faut ajouter les recettes provenant des possibilités offertes d’abonnements communaux pour un nombre d’analyses déterminé [67]. Le second avantage participe de la constitution de pôles régionaux en matière de surveillance de la qualité alimentaire. En effet, le nombre de laboratoires agréés étant limité, la faculté offerte aux villes possédant un laboratoire de devenir le siège régional des analyses pour la répression des fraudes signifie posséder une certaine influence [68]. C’est en tout cas l’un des principaux soucis de la municipalité grenobloise dans sa recherche d’obtention de l’agrément. Il s’agit ainsi de « faire cesser l’étrange anomalie en vertu de laquelle le service des fraudes du département de l’Isère envoie les produits à analyser au laboratoire de Lyon et non à notre laboratoire municipal de Grenoble » et de couvrir, par la même occasion, d’autres départements limitrophes [69]. Dans un premier temps, l’agrément ministériel se révèle relativement aisé à obtenir. Les exigences de la commission technique sont en effet plutôt modestes : aménager un local spécial à l’intérieur de l’école de médecine, acquérir un certain nombre d’instruments spécifiques dans un souci d’unifier les méthodes d’analyse, attacher au laboratoire un préparateur spécial pour seconder les professeurs de l’école de médecine [70]. Ces conditions sont réalisées et le laboratoire grenoblois obtient l’agrément pour les départements de l’Isère et des Hautes-Alpes le 18 avril 1908.

38 Cette organisation est néanmoins remise en cause deux ans plus tard, sans que l’on sache véritablement qui, du pouvoir central ou de la municipalité, en est à l’origine. Assurément, une préoccupation locale, liée à la question de la fiabilité des analyses, se fait jour. Par trois fois en effet, en 1908 et 1909, le laboratoire avait détecté des anomalies dans la composition de produits saisis, qui avaient entraîné des poursuites judiciaires contre les vendeurs. Cependant, des contre-expertises réalisées au cours des instructions avaient réfuté les résultats des analyses et les procédures s’étaient soldées par des non-lieux [71]. Ces affaires n’étaient pas passées inaperçues : l’une avait motivé une intervention à la Chambre des députés, l’autre, des poursuites contre le directeur du laboratoire – le directeur du bureau d’hygiène – et sa préparatrice. Au niveau du conseil municipal, elles ont été directement à l’origine de l’adoption d’une proposition visant à recruter dorénavant par concours le personnel du laboratoire. Si l’instauration de nouvelles modalités de recrutement semble être d’initiative grenobloise, le ministère de l’Agriculture, et plus particulièrement le service de la répression des fraudes, n’est pas non plus resté absent du processus de réorganisation du laboratoire. Ainsi, en 1910, constatant une certaine lenteur dans la réforme de l’établissement, il décide de suspendre temporairement l’agrément. Surtout, il adresse à la municipalité grenobloise ses propres recommandations de réorganisation, précises et plutôt directives [72]. Selon le ministère, il importe d’abord de bien séparer, sur le plan technique au moins, le laboratoire du bureau d’hygiène. Le laboratoire peut rester placé sous l’autorité administrative du bureau d’hygiène mais il doit disposer d’une direction propre, portant la responsabilité des analyses. Le ministère insiste ensuite sur la composition du personnel du laboratoire et sa rémunération : celui-ci sera dirigé par un chimiste, au traitement de 4200 F, assisté d’un chimiste adjoint, rémunéré à hauteur de 1800 F et d’un garçon de laboratoire, bénéficiant d’une indemnité de 300 F. Une somme de 2200 F pour frais de fonctionnement est également prévue au budget. On mesure ici l’importance des transformations qu’induit l’intégration du laboratoire grenoblois au dispositif étatique de répression des fraudes : au personnel vacataire et rémunéré à l’analyse, que constituaient les professeurs de l’école de médecine, se substitue en effet un personnel spécialisé, travaillant à plein temps pour le laboratoire et recruté par concours. Le concours constitue en effet la dernière préoccupation du ministère. Pour en faciliter l’organisation et servir éventuellement de modèle, le ministre de l’Agriculture adresse à la municipalité grenobloise un exemplaire du programme du concours organisé par la municipalité de SaintÉtienne pour le recrutement du directeur de son laboratoire. Un tel envoi n’est pas anodin : il participe directement de la stratégie de reprise en main des laboratoires municipaux par le pouvoir central, que l’on pouvait déjà déceler à travers les deux premières recommandations ministérielles. Le concours stéphanois [73] – il faudrait vérifier si c’est le seul – présente en effet cette particularité de se dérouler à Paris, dans les locaux mêmes du ministère de l’Agriculture. Procédure donc singulièrement inhabituelle pour un concours visant à recruter du personnel municipal n’ayant fait l’objet d’aucune réglementation nationale spécifique [74]. La composition du jury confirme cette singularité : sur les cinq membres prévus, deux sont désignés par le maire de Saint-Étienne, les trois autres sont choisis par le ministre de l’Agriculture parmi les membres de la commission technique délivrant l’agrément.

39 Tout se passe donc comme si, par le biais du concours, le ministère cherchait à pousser au plus loin l’uniformisation des laboratoires officiels, en contrôlant le recrutement de leurs responsables. Un tel souci peut aisément s’expliquer. Dans sa volonté de ne pas nuire aux commerçants, le législateur de 1905 a voulu entourer du plus de précautions et de garanties possibles les procédures de prélèvement et d’analyse [75]. Le premier est ainsi minutieusement réglementé tandis que les laboratoires agréés se voient imposer des méthodes d’analyses officielles, dont la pratique implique de disposer d’hommes compétents et expérimentés. Car c’est bien la professionnalisation des chimistes des laboratoires de la répression des fraudes qui est au cœur des préoccupations du pouvoir central. Celle-ci passe à la fois par la transformation d’une activité occasionnelle ou secondaire en activité principale et par la définition de qualifications et de compétences que le concours est supposé garantir. Le programme du concours stéphanois, que la municipalité grenobloise reprendra intégralement, semble bien répondre à un tel objectif [76]. Les candidats sont soumis à trois séries d’épreuves éliminatoires. La première est un examen des titres scientifiques des postulants, permettant d’apprécier « leur savoir et leur expérience » [77]. La seconde consiste en une composition écrite de six heures, au cours de laquelle les candidats traitent tour à tour d’un sujet de chimie alimentaire et agricole, d’un sujet de chimie industrielle en rapport avec l’hygiène ou l’alimentation et d’un sujet relatif à la répression des fraudes puis rédigent un rapport sur les conclusions à tirer des résultats d’une analyse. La dernière épreuve est une épreuve pratique de huit heures visant à tester la capacité des candidats à effectuer des analyses de laboratoire. Il leur est ainsi demandé d’accomplir un examen microscopique, de procéder à une recherche qualitative et quantitative et d’analyser un produit industriel ou pharmaceutique.

40 Bref, il s’agit non seulement de vérifier les connaissances théoriques des candidats sur des matières dont la maîtrise est jugée indispensable à la fonction de chef de laboratoire, mais également d’évaluer leur aptitude professionnelle en les plaçant en situation d’exercice.

41 Cette façon de définir et d’apprécier les compétences, si elle satisfait le ministère et la municipalité grenobloise, ne fait cependant pas l’unanimité dans le monde des laboratoires. Le directeur de l’un des plus puissants laboratoires, celui de Lyon, en est par exemple un farouche opposant. Selon lui, le concours tel qu’il a été conçu et pratiqué, notamment à Saint-Étienne [78], privilégie le titre au détriment de l’expérience : « on commence par éliminer sur titre, puis sur connaissances théoriques, ce qui fait qu’il reste finalement de brillantes individualités scientifiques mais pas des gens du métier », écrit-il dans une note relative au mode de recrutement du chef du laboratoire grenoblois [79]. La critique porte aussi sur le lieu du concours, Paris, qui tendrait à avantager les chimistes des laboratoires parisiens, dont le savoir-faire est jugé inadapté à la pratique des analyses dans un laboratoire de province. Ces derniers apparaissent en effet, de par l’organisation des grands établissements de la capitale, comme trop spécialisés. « Aucun n’a analysé tous les produits alimentaires, explique le directeur du laboratoire lyonnais, il y a le chimiste des alcools, celui des laits, celui des matières sucrées, celui des vins, etc. Le premier classé au concours ne connaîtra les spécialités autres que la sienne que super-ficiellement. » Pour pallier ces insuffisances et disposer ainsi de chimistes expérimentés et généralistes, le directeur lyonnais propose un recrutement par nomination, locale ou centrale, et puisant parmi le vivier « des sous-labora-toires de fraudes existant depuis longtemps ». La proposition n’est pas innocente : les laboratoires agréés comportant plusieurs chimistes sont en effet peu nombreux et le directeur avoue lui-même posséder un candidat tout à fait apte à satisfaire la municipalité grenobloise. Elle n’en démontre pas moins que la définition des compétences des chimistes des laboratoires des fraudes est loin d’être établie et que plusieurs conceptions existent en ce domaine.

42 La municipalité grenobloise ne se montrera pas sensible aux arguments lyonnais. Elle adoptera intégralement le programme du concours stéphanois pour recruter le directeur de son laboratoire. Plus largement, elle acceptera sans discussion toutes les exigences du ministère, tant la recherche de l’agrément paraît l’emporter sur toute autre considération. Ainsi, en 1912, le laboratoire se compose d’un chef-chimiste, d’un chimiste adjoint et d’un garçon de laboratoire, dont les traitements s’élèvent respectivement à 4000,1800 et 1000 F. Son budget de fonctionnement se monte à 8990 F [80]. Les modalités de l’intégration du laboratoire grenoblois au dispositif étatique de répression des fraudes, le poids de l’intervention du pouvoir central dans sa réorganisation posent plus largement la question de la nature de l’institution dans l’immédiat avant-guerre. Le laboratoire peut-il être encore considéré comme un établissement uniquement municipal ? De quelle marge d’action dispose-t-il par rapport à la politique centrale de répression des fraudes ? À propos du cas rennais, Jean-François Tanguy note que le contrôle et l’autorité de l’État ne cesseront de s’affirmer et que le caractère « municipal » du laboratoire devient de plus en plus théorique [81]. Il faudrait davantage d’éléments pour apprécier la situation grenobloise, mais celle-ci apparaît plutôt équivoque. Ainsi, les analyses pour la répression des fraudes constituent très rapidement l’activité majeure du laboratoire : elles représentent en 1908 80,7% des analyses effectuées, 91,2% en 1912 [82]. Surtout, la subvention de l’État entretient très fortement l’ambiguïté. En 1912-1914, celle-ci couvrait 70% des dépenses du laboratoire. Le personnel du laboratoire, qui demeure statutairement municipal, est donc très largement rémunéré sur des fonds étatiques.

43 Préoccupation ancienne, la lutte contre les fraudes et les falsifications alimentaires fait l’objet dans les années 1880 d’un nouvel investissement de la part de certaines municipalités, comme le montre l’exemple du laboratoire grenoblois d’analyses alimentaires. Dès l’origine, l’accent a été mis sur la protection du consommateur, victime désarmée face à des fraudes et des falsifications essentiellement appréhendées dans leur aspect nuisible. Lui donner les moyens de s’en préserver constituait l’objectif initial du laboratoire, dont le fonctionnement reposait alors principalement sur l’initiative individuelle. Avec la mise en place du bureau d’hygiène, l’action municipale en matière de surveillance alimentaire prend une dimension nouvelle : elle dépasse le strict domaine des sophistications pour atteindre celui, plus large, de l’hygiène alimentaire. Sous l’égide du nouveau service sanitaire sont en effet rassemblés deux secteurs d’intervention qui étaient jusque-là séparés : les viandes et les produits fraudés. De plus, le danger alimentaire n’est plus seulement appréhendé en termes de falsifications nuisibles mais aussi de danger infectieux.

44 D’un point de vue central, les réalisations municipales sont également loin d’être négligeables. Les laboratoires locaux ont fourni en effet un important point d’appui à la politique étatique de répression des fraudes puisque, sur la trentaine de laboratoires agréés en 1908, quinze étaient de nature municipale [83]. La contrepartie a néanmoins été une très forte immixtion du pouvoir central dans l’organisation de ces établissements qui, à Grenoble, s’est traduite par un recentrage des missions du laboratoire sur la répression des fraudes et par une transformation radicale de ses modalités d’administration.

45 Au-delà pourtant d’une réelle contribution au contrôle de la qualité des denrées alimentaires, l’histoire du laboratoire municipal de Grenoble est aussi, et peut-être davantage, celle d’un constant décalage entre les objectifs affichés et l’action réellement exercée. L’initiative individuelle, sans un système de surveillance d’inspection et de prélèvement, se révèle très vite insuffisante. Le nombre des analyses diminue, les produits vérifiés sont peu variés et beaucoup de falsifications, y compris les plus dangereuses, échappent à la détection. Le constat n’est pas meilleur en ce qui concerne la constitution d’un pôle sanitaire de surveillance alimentaire autour du bureau d’hygiène. Il semble exister peu de coopération avec les abattoirs, et la collaboration entre le bureau d’hygiène et le laboratoire souffre de la délégation d’une partie des opérations au service de l’octroi. Si le rattachement du laboratoire au bureau d’hygiène permet de résoudre la question, il ne donne pas véritablement lieu aux actions d’envergure que l’analyse bactériologique semblait promettre. Quant au relais pris par l’État, si l’augmentation du nombre des analyses peut indiquer une dynamisation des activités du laboratoire, on se gardera, faute d’investigations plus précises, d’en apprécier les conséquences en termes d’efficacité.

46 Comment expliquer alors cette difficulté à répondre aux missions définies ? La réponse est peut-être à rechercher du côté des hésitations et des tensions dont l’histoire du laboratoire grenoblois est constamment empreinte :
tensions entre les logiques de protection individuelle et de protection collective, tensions entre la lutte contre les falsifications et la prise en compte d’autres formes de danger, tensions entre les logiques de répression des fraudes et de protection sanitaire, tensions entre les services urbains, tensions dans la gestion du personnel – entre la nomination discrétionnaire et le recrutement par concours des chimistes, entre des compétences définies de manière généraliste et de manière spécialisée… Il faudrait certainement, pour mieux en apprécier la portée, élargir la recherche à d’autres villes et étudier conjointement les actions entreprises par d’autres services, notamment les services vétérinaires. Pour l’heure, les tâtonnements grenoblois quant à l’organisation et aux missions de son laboratoire nous semblent refléter le caractère hybride et multidimensionnel de ce que l’on nomme depuis peu la « sécurité alimentaire » et qui, en cette fin du XIX e siècle, apparaît très largement comme un secteur d’intervention en construction.


Date de mise en ligne : 01/10/2005

https://doi.org/10.3917/rhmc.513.0044

Notes

  • [1]
    Julia CSERGO, « La modernité alimentaire au XIX e siècle », in À table au XIX e siècle, Paris, Flammarion, 2001, p. 42-68.
  • [2]
    Paul LAFARGUE, Le droit à la paresse, 1880, cité par Jacques LÉONARD, Archives du corps. La santé au XIX e siècle, Rennes, Ouest-France, 1986, p. 187.
  • [3]
    Ibidem, p. 152 et suivantes.
  • [4]
    Cf. notamment Roland CANU, Franck COCHOY, « La loi de 1905 sur la répression des fraudes : un levier décisif pour l’engagement politique des questions de consommation ?», CERTOP-Université de Toulouse 2, papier de travail, 2003; je remercie les auteurs de m’avoir permis d’utiliser ce texte. Lire aussi Alessandro STANZIANI, « La falsification du vin en France, 1880-1905 : un cas de fraude agro-alimentaire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 50-2, avril-juin 2003, p. 154-186. REVUE D’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE 51-3, juillet-septembre 2004.
  • [5]
    J. LÉONARD, Archives du corps…, op. cit., p. 197.
  • [6]
    Selon l’expression de l’époque. Robert CARVAIS, « La maladie, la loi et les mœurs », in Claire SALOMON -BAYET (dir.), Pasteur et la révolution pastorienne, Paris, Payot, 1986, p. 289.
  • [7]
    Titre IX, article 3 de la loi des 16-24 août 1790. Sur la police municipale révolutionnaire et la continuité normative avec l’Ancien Régime, cf. Paolo NAPOLI, Naissance de la police moderne. Pouvoir, normes, société, Paris, La Découverte, 2003, p. 193 sq.
  • [8]
    François BURDEAU, Histoire de l’administration française. Du XVIIIe au XXe siècle, Paris, Montchrestien, 1994, p. 242-243; Bruno DUMONS, Gilles POLLET, Pierre-Yves SAUNIER, Les élites municipales sous la IIIe République. Des villes du Sud-Est de la France, Paris, CNRS Éditions, 1997, p. 47-49. Cf. également Robert VANDENBUSSCHE, « La fonction municipale sous la Troisième République. L’exemple du département du Nord », Revue du Nord, n° 305, avril-juin 1994, p. 319-337.
  • [9]
    Sur le mouvement d’institutionnalisation de l’hygiène publique au XIX e siècle : Olivier FAURE, Les Français et leur médecine au XIX e siècle, Paris, Belin, 1993, p. 77-110 et 241-269; Lion MURARD, Patrick ZYLBERMAN, L’hygiène dans la République. La santé publique en France ou l’utopie contrariée (1870-1918), Paris, Fayard, 1996; Patrice BOURDELAIS, « Les logiques du développement de l’hygiène publique », in Id. (dir.), Les Hygiénistes : enjeux, modèles et pratiques (XVIIIe-XX e siècles), Paris, Belin, 2001, p. 5-26 ainsi que notre thèse « Santé publique et pouvoirs locaux. Le département de l’Isère et la loi du 15 février 1902 », doctorat d’histoire, université Lumière-Lyon 2,2001.
  • [10]
    Le premier conseil de salubrité a été créé à Paris en 1802 par le préfet de police. En province, c’est d’abord la ville de Nantes qui se dote d’une telle institution en 1817; des conseils de salubrité sont ensuite établis à Lyon ( 1822), Marseille ( 1825), Lille ( 1828) et Strasbourg ( 1829) avant d’essaimer plus largement pendant la monarchie de Juillet. Sur ce point, cf. Ann F. LA BERGE, Mission and Method. The Early Nineteenth-Century French Public Health Movement, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 127-143.
  • [11]
    Archives départementales de l’Isère (désormais AD 38), 113 M 5 : Article 9 du décret du 18 décembre 1848 relatif aux conseils d’hygiène et de salubrité.
  • [12]
    AD 38,113 M 5 : Comité consultatif d’hygiène publique de France, Instructions sur les attributions des conseils d’hygiène publique et de salubrité, 1851.
  • [13]
    Octave DU MESNIL, « Bureaux d’hygiène institués en France et à l’étranger (Turin, Bruxelles, Nancy, Le Havre, Reims, Saint-Étienne, Amiens, Pau, Rouen). Examen de leur mode d’organisation et de fonctionnement », Recueil des travaux du Comité consultatif d’hygiène publique de France, 1886, p. 182-247.
  • [14]
    Jean-François TANGUY, « Au carrefour de l’hygiène publique et de la politique : le laboratoire municipal de Rennes ( 1887-1914)», colloque « Pathologies urbaines et politiques municipales de 1789 à l’an 2000 », Université de Rouen-GRHIS, 4-6 décembre 2002, p. 2-4. Je remercie l’auteur de m’avoir communiqué cet article.
  • [15]
    Archives municipales de Grenoble (désormais AMG), 5 I 1 : Conseil municipal de Grenoble, séance du 7 novembre 1881.
  • [16]
    AMG, 5 I 1 : Conseil municipal de Grenoble, séance du 16 février 1886.
  • [17]
    Ibidem, séance du 11 février 1887.
  • [18]
    Sur le mouvement de création des laboratoires municipaux d’analyses, cf. J.-F. TANGUY, art. cit., p. 6-7.
  • [19]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du maire de Lyon au maire de Grenoble, 12 février 1886.
  • [20]
    B. DUMONS, G. POLLET, P.-Y. SAUNIER, Les élites municipales…, op. cit., p. 47-48.
  • [21]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du maire de Lyon au maire de Grenoble, 12 février 1886.
  • [22]
    J.-F. TANGUY, art. cit., p. 11.
  • [23]
    On peut ici faire la comparaison avec le laboratoire de Rennes, dont les dépenses annuelles de fonctionnement s’élèvent à 4000 F.
  • [24]
    Les analyses qualitatives déterminent la qualité de la substance analysée (produit « bon », « mauvais », « non nuisible » ou « mauvais falsifié »). Elles sont facturées à hauteur de 0,50 F par analyse, 1 F pour les personnes étrangères à la ville de Grenoble. Les analyses quantitatives portent « sur les éléments composant la substance analysée »; le tarif varie de 2 à 10 F suivant les dosages. AMG, 5 I 1 : Règlement du laboratoire municipal de Grenoble et tarifs des analyses, 29 mars 1887.
  • [25]
    AMG, 5 I 1 : Conseil municipal de Grenoble, séance du 11 février 1887; AMG, 5 I 1 : Rapport de Tramard sur l’organisation du laboratoire municipal de Grenoble, 26 mai 1886. Cette crainte des abus est également présente à Rennes mais la méthode employée pour les limiter est différente : l’administration rennaise choisit en effet, parmi les échantillons apportés par la population, ceux qui seront envoyés au laboratoire et analysés gratuitement. J.-F. TANGUY, art. cit., p. 11.
  • [26]
    L. PAQUY, « Santé publique et pouvoirs locaux… », thèse cit., chapitre I. On peut également se reporter à nos articles : « Administrer l’hygiène urbaine à la fin du XIX e siècle : le cas de Grenoble », in Bruno DUMONS, Gilles POLLET (dir.), Administrer la ville en Europe, XIX e-XX e siècles, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 163-185 et « Les politiques sanitaires locales au XIX e siècle : l’exemple isérois », colloque « Les transformations des politiques sociales au niveau local : une comparaison France-Allemagne », Mire-Mairie d’Andernach, Andernach, 22-24 avril 2002 (actes à paraître).
  • [27]
    Ce que Yannick Le Marec a qualifié d’« administration bénévole »: Yannick LE MAREC, Le temps des capacités. Les diplômés nantais à la conquête du pouvoir dans la ville, Paris, Belin, 2000, p. 108-113.
  • [28]
    Maxime TOUBEAU, La répression des fraudes sur les produits alimentaires, Paris, Arthur Rousseau, 1908, p. 45-49.
  • [29]
    AMG, 5 I 1 : Arrêté du maire de Lyon portant constitution et organisation d’un laboratoire municipal d’analyses, 8 mai 1883.
  • [30]
    M. TOUBEAU, La répression des fraudes…, op. cit, p. 49.
  • [31]
    En particulier, AMG, 5 I 1 : Rapport de Joseph Tramard au maire de Grenoble, 7 août 1886.
  • [32]
    On retrouve ici l’une des activités de la police municipale analysées par Marie Vogel : la participation à l’administration locale, qui peut aller jusqu’au détachement de gardiens. Marie VOGEL, « Police et espace urbain : Grenoble, 1880-1930 », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 50-1, janvier-mars 2003, p. 141-142.
  • [33]
    Du moins avant l’application de la loi de 1905 et en dehors de l’inspection des viandes et autres produits carnés assurée par le service des abattoirs et dont le champ d’action se situe en dehors de celui du laboratoire. Notons également qu’en 1896, la ville de Grenoble crée un emploi saisonnier d’inspecteur des champignons vendus sur les marchés.
  • [34]
    M. VOGEL, art. cit., p. 138. Chiffres tirés de AMG, 5 I 1bis : Rapports annuels sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895 à 1900.
  • [35]
    AMG, 5 I 1bis : Rapport sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895.
  • [36]
    AMG, 5 I 1bis : Rapports annuels sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895 à 1900.
  • [37]
    AMG, 5 I 1bis : Rapport sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895. Le directeur du laboratoire fonde son analyse sur la diminution des analyses qualitatives, lesquelles seraient « surtout réclamées par les consommateurs ». En 1888, les analyses qualitatives représentaient 87,3% des analyses effectuées par le laboratoire; la proportion est de 59,8% en 1895.
  • [38]
    AMG, 390 W 5 à 8 : Annuaires du bureau d’hygiène de Grenoble pour les années 1890 à 1894. Selon le directeur du laboratoire, les falsifications les plus fréquentes sont le mouillage, le vinage et le salage.
  • [39]
    Les proportions sont les suivantes : produits divers – farines, vinaigres, poivre… – ( 7,2%), huiles ( 4,5%), laits ( 3,6%), beurres ( 3%), eaux-de-vie et liqueurs ( 1,7%).
  • [40]
    AMG, 5 I 1bis : Rapport sur le fonctionnement du laboratoire municipal de Grenoble, 1895.
  • [41]
    Le premier bureau municipal d’hygiène de France a été créé au Havre en 1879 en référence à celui de Bruxelles. D’autres villes se sont ensuite dotées d’un tel service : Nancy ( 1879), Reims ( 1882), Amiens et Saint-Étienne ( 1884), Pau ( 1885)… Le bureau d’hygiène de Grenoble est le dixième créé. Sur les premiers bureaux d’hygiène municipaux : L. MURARD, P. ZYLBERMAN, L’hygiène…, op. cit., p. 245-247. Sur le bureau d’hygiène de Lyon : Bruno DUMONS, Gilles POLLET, « Élites administratives et expertise municipale. Les directeurs du Bureau d’Hygiène de Lyon sous la Troisième République », in Martine KALUZYNSKI, Sophie WAHNICH (dir.), L’État contre la politique ? Les expressions historiques de l’étatisation, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 37-54. Sur le bureau d’hygiène de Grenoble : Estelle BARET, « Santé publique et environnement urbain : le bureau d’hygiène de Grenoble de 1890 à 1940 », Évocations. La Pierre et l’Écrit, 1996-1997, p. 134-153 ainsi que notre thèse et notre article « Administrer l’hygiène urbaine… », art. cit.
  • [42]
    AMG, 5 I 34 : Docteur Fernand Berlioz, Projet de conservation de la santé publique par la création d’un bureau d’hygiène, Grenoble, Allier père et fils, 1889,15 p.
  • [43]
    AMG, 5 34 : Règlement du bureau municipal d’hygiène de Grenoble, 16 mai 1889.
  • [44]
    E. BARET, art. cit., p. 138.
  • [45]
    AMG, 390 W 5 à 14 : Annuaires du bureau d’hygiène de Grenoble pour les années 1862-1890 à 1900; AMG, 5 34 : Règlement du bureau municipal d’hygiène de Grenoble, 16 mai 1889.
  • [46]
    AMG, 390 W 5 : Annuaire du bureau d’hygiène de Grenoble pour les années 1862-1890.
  • [47]
    AMG, 5 34 : Règlement du bureau municipal d’hygiène de Grenoble, 16 mai 1889.
  • [48]
    AMG, 5 I 34 : Renseignements complémentaires sur l’organisation et le fonctionnement d’un bureau d’hygiène, par le docteur Berlioz, 16 mai 1889.
  • [49]
    L. MURARD, P. ZYLBERMAN, L’hygiène…, op. cit., p. 364-365; Madeleine FERRIÈRES, Histoire des peurs alimentaires du Moyen Âge à l’aube du XX e siècle, Paris, Seuil, 2002, p. 386-391; Pierre DARMON, L’homme et les microbes, XVIIe-XX e siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 479-482.
  • [50]
    Francis CHATEAUREYNAUD, Didier TORNY, Les sombres précurseurs. Une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999,476 p.
  • [51]
    AMG, DP 886 : Dossier personnel de Fernand Berlioz.
  • [52]
    En revanche, le partage des compétences en matière de surveillance des denrées alimentaires fait l’objet de réels conflits entre le bureau d’hygiène et le service des abattoirs dans les années 1907-1912.
  • [53]
    AMG, 1 R 71 : Lettre de l’inspecteur de la boucherie au directeur du bureau d’hygiène de Grenoble, 23 janvier 1890.
  • [54]
    Catherine ROLLET -ECHALIER, La politique à l’égard de la petite enfance sous la Troisième République, Paris, INED /PUF, 1990, p. 184. Le premier volet est la surveillance du lait : réglementation de la vente des laits écrémés et demi-écrémés (villes du Nord, Lyon, Bordeaux en 1896); inspection des laiteries et vacheries (organisées dans le département de la Seine ou encore à Nice en 1893).
  • [55]
    Le recours au bureau de l’octroi est lié au départ de Joseph Tramard de l’École Vaucanson, et par conséquent de la direction du laboratoire, et à l’impossibilité pour son successeur d’assurer la partie administrative des opérations d’analyses. AMG, 5 I 1 : Lettre de Joseph Tramard au maire de Grenoble, 21 avril 1892 et arrêté municipal relatif à la réorganisation du laboratoire d’analyses, 1892.
  • [56]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du directeur du bureau d’hygiène au maire de Grenoble, 14 janvier 1903.
  • [57]
    R. CARVAIS, « La maladie, la loi… », in Claire SALOMON -BAYET (dir.), Pasteur…, op. cit., p. 291.
  • [58]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du directeur du bureau d’hygiène au maire de Grenoble, 14 janvier 1903. Le directeur du bureau d’hygiène ne précise pas de quelles maladies il s’agit. On peut penser néanmoins qu’il vise surtout les maladies véhiculées par le lait, seul produit cité dans son rapport comme devant nécessairement faire l’objet d’une analyse bactériologique.
  • [59]
    Ibidem.
  • [60]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du directeur du bureau d’hygiène au maire de Grenoble, 20 juin 1903.
  • [61]
    AMG, 390 W 17 à 20 : Rapports sur le fonctionnement du bureau d’hygiène de Grenoble pour les années 1904 à 1907. Les vins continuent de représenter la majorité des analyses, mais dans des proportions beaucoup moins écrasantes qu’au début des années 1890. En 1908, les produits analysés par le laboratoire pour le compte des particuliers, au nombre de 167, se décomposent comme suit : vins ( 36,5%), eaux ( 30,5%), huiles ( 14,4%), produits divers ( 7,8%), laits ( 4,2%), vinaigres ( 3,6%) et farines ( 3%).
  • [62]
    Journal Officiel, 5 août 1905, p. 4813-4815 et R. CANU, F. COCHOY, art. cit.
  • [63]
    M. TOUBEAU, La répression des fraudes… op. cit., p. 36-37. Cette procédure, organisée par le décret du 31 juillet 1906, comprend deux phases distinctes : la phase administrative (prélèvement et analyse) et la phase judiciaire (expertise contradictoire). Nous ne prenons ici en compte que la phase administrative. Pour plus de précisions sur la procédure, cf. Robert CARVAIS, « La maladie, la loi… », in Claire SALOMON -BAYET (dir.), Pasteur…, op. cit., p. 296-299.
  • [64]
    Ibidem.
  • [65]
    Sur l’organisation administrative de la répression des fraudes, cf. M. TOUBEAU, La répression des fraudes…, op. cit., p. 50-52 et 78-90.
  • [66]
    Décret du 31 juillet 1906, Journal Officiel, 2 août 1906, p. 5501-5503. La participation des laboratoires à la répression des fraudes ne les empêche pas cependant de pouvoir continuer à effectuer des analyses pour le compte des particuliers.
  • [67]
    M. TOUBEAU, La répression des fraudes…, op. cit., p. 125-127 et AMG, 5 I 34 : Lettre du ministre de l’Agriculture au directeur du bureau d’hygiène de Grenoble, 14 septembre 1907 in Arthur BORDIER, Rapport à Monsieur le Maire de Grenoble sur la réorganisation du bureau d’hygiène, conformément à la loi du 15 février 1902, Grenoble, Imp. L. Ginier, 1907.
  • [68]
    J.-F. TANGUY, art. cit., p. 16.
  • [69]
    AMG, 5 I 34 : A. BORDIER, Rapport à Monsieur le Maire de Grenoble sur la réorganisation du bureau d’hygiène…, op. cit.
  • [70]
    Ibid. : Lettre du ministre de l’Agriculture au directeur du bureau d’hygiène de Grenoble, 14 septembre 1907 et AMG, 5 I 1 : Lettre du directeur du bureau d’hygiène au maire de Grenoble, 21 février 1908.
  • [71]
    AMG, 2 K 235 : Documents relatifs aux analyses faites par le laboratoire municipal se rapportant au vœu présenté par Dournon dans la séance du 18 février 1910.
  • [72]
    AMG, 5 I 1 : Lettre du ministre de l’Agriculture au préfet de l’Isère, 26 mai 1910.
  • [73]
    AMG, 5 I 1 : Mairie de Saint-Étienne : concours pour l’emploi de directeur du laboratoire municipal de chimie agréé par l’État, 14 octobre 1907.
  • [74]
    Le décret du 31 juillet 1906 ne traite pas en effet de l’organisation matérielle des laboratoires agréés; il réglemente en revanche la procédure d’analyse. Robert CARVAIS, « La maladie, la loi… », in Claire SALOMON -BAYET (dir.), Pasteur…, op. cit., p. 297 et 324.
  • [75]
    Ibid., p. 297.
  • [76]
    AMG, 5 I 71 : Mairie de Grenoble : concours pour l’emploi de directeur du laboratoire municipal de chimie agréé par l’État pour la répression des fraudes, 19 décembre 1910.
  • [77]
    AMG, 5 I 1 : Mairie de Saint-Étienne : concours pour l’emploi de directeur du laboratoire municipal de chimie agréé par l’État, 14 octobre 1907. Voir aussi l’avis de concours grenoblois.
  • [78]
    Le concours stéphanois y est ainsi qualifié de « parodie de concours ».
  • [79]
    AMG, 5 I 34 : Note du directeur du laboratoire municipal de Lyon, sans date.
  • [80]
    AMG, Budget de la ville de Grenoble pour l’année 1912.
  • [81]
    J.-F. TANGUY, art. cit., p. 16-17.
  • [82]
    Soit, en 1908,698 analyses sur un total de 865; 1137 sur 1247 en 1912.
  • [83]
    J. LÉONARD, Archives du corps…, op. cit., p. 199.

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