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Article de revue

L'exploitation de la main-d'œuvre française dans l'industrie sidérurgique allemande pendant la Seconde Guerre mondiale

Pages 148 à 181

Notes

  • [1]
    Accord international du 17 juillet 2000, loi fédérale du 2 août 2000, après dix-huit mois de négociations intensives et des années de réclamation de la part des associations d’anciens travailleurs forcés (les prisonniers de guerre n’ont pas droit à indemnisation). Le gouvernement allemand et les industries financent à part égale une indemnisation de 5 milliards de dollars, à destination des survivants estimés entre 1,5 et 2 millions de personnes, fin 1999. On ne possède pas encore un bilan complet de l’opération.
  • [2]
    Archives nationales, Paris (ci-après AN), F37 196, Commission consultative des dommages et des réparations, 9 vol., 1950.
  • [3]
    Tribunal militaire international, Procès des grands criminels de guerre. Nuremberg, nov. 1945-oct. 1946, Nuremberg, 1947, volume 25, § 688.
  • [4]
    Thomas KUCZYNSKI, « Entschädigungsansprüche für Zwangsarbeit im “Dritten Reich” auf der Basis der damals erzielten zusätzlichen Einnahmen und Gewinne », Zeitschrift für Sozialgeschichte des 20. Jahrhunderts, 15,2000/1, p. 25. Le nouveau statut leur permettait d’être payés beaucoup plus, tout en maintenant leur famille indemnisée par l’armée dans leur pays d’origine.
  • [5]
    1941 : 1,31 million; 1942 : 1,2 ; 1943 : 1,06 ; 1944 : 1,3. (T. KUCZYNSKI).
  • [6]
    T. KUCZYNSKI, op. cit. Les accords Speer-Bichelonne de 1943 (transformation des prisonniers de guerre français, dont beaucoup sont versés dans l’agriculture) expliquent sans doute une partie de cette baisse officielle mais non réelle puisque les hommes « transformés » restaient bien sur place.
  • [7]
    Stalag = (Mannschafts-) Stammlager, autrement dit, camp pour les prisonniers de guerre, soldats et sous-officiers. Les Officiers étaient gardés dans des Oflag, Offizierslager.
  • [8]
    Ulrich HERBERT, Fremdarbeiter. Politik und Praxis des « Ausländer Einsatzes» in der Kriegswirtschaft des Dritten Reiches, Bonn, J.H.W. Dietz-Verlag, 1985, p. 96.
  • [9]
    Selon les accords internationaux, les prisonniers de guerre ne devaient pas être employés directement ou indirectement dans l’industrie d’armement.
  • [10]
    Les Polonais représentaient alors 47,1%. U. HERBERT, op. cit., p. 96 sq.
  • [11]
    Michel GRATIER DE SAINT LOUIS, « Relève forcée et STO dans le Rhône ( 1942-1944) : partir ou ne pas partir », in Bernard GARNIER, Jean QUELLIEN (dir.), La main-d’œuvre française exploitée par le IIIe Reich, Actes du colloque de Caen, 13-15 déc. 2001, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative (CRHQ), 2003, p. 253 et Jean QUELLIEN, « Les travailleurs forcés en Allemagne. Essai d’approche statistique », ibidem, p. 67-84.
  • [12]
    1er mars 1944, conférence à l’Office central du Plan de quatre ans, in Tribunal militaire international, Procès des grands criminels de guerre. Nuremberg, nov. 1945-oct. 1946, Nuremberg, 1947, vol. 25, § 685.
  • [13]
    Bien entendu, toute cette main-d’œuvre n’était pas sur place en même temps car certains n’ont été pris que la dernière année de la guerre, alors que d’autres étaient rentrés chez eux bien avant. La première estimation est de Mark SPOERER, (« Zwangsarbeit im Dritten Reich. Fakten und Zahlen », Damals, 2000/2, p. 35-37), la seconde de T. KUCZYNSKI, op. cit.
  • [14]
    Ulrich HERBERT avance, pour 1944, le chiffre de 7126000 étrangers, dont 5295000 civils et 1831000 prisonniers de guerre (il ne tient pas compte de la main-d’œuvre concentrationnaire) : « Forced laborers in the Third Reich, an overview. », International Labor and Working-Class History, n° 58, autumn 2000, p. 192-218.
  • [15]
    Dietrich EICHHOLZ, « Profiteure des Vernichtungskrieges. Das deutsche Großkapital und die “Neuordnung”», Rhein und Reden, 1999/1, p. 5-18.
  • [16]
    Il s’agit des Hermann Goeringswerke, un ensemble sidérurgique de Basse-Saxe, dont la création a été décidée par Hermann Goering en 1937, contre l’avis des industriels de la Ruhr, et qui exploite des minerais de faible qualité : une entreprise peu rentable mais militairement utile. Cette initiative originale a fait l’objet de plusieurs études : F. BERGER, « La France, l’Allemagne et l’acier ( 1932-1952). De la stratégie des cartels à l’élaboration de la CECA », thèse de l’université Paris I, dir. R. Frank, décembre 2000, chap. IV, p. 353 sq.; M. RIEDEL, Eisen und Kohle für das Dritte Reich, Musterschmidt, Göttingen, 1973; R.J. OVERY, « Heavy Industrie and the State in Nazi Germany : The Reichswerke Crisis », in European History Quarterly, vol. 15,1985, p. 313-340; Gerard Th. MOLLIN, Montankonzerne und Drittes Reich., Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1988.
  • [17]
    Archives Mannesmann (ci-après MAN) M. 12.820, Étude sur l’emploi de main-d’œuvre étrangère.
  • [18]
    AN, 83 AJ/33/sd 17, lettre de H. Köpp (Halbergerhütte) à J. Mentré (DOF) et réponse, 22 et 24 août 1942.
  • [19]
    Organisme officiel pour l’acier (matières premières, production, distribution, main-d’œuvre) rattaché au ministère de l’Économie du Reich, qui s’est substitué aux instances syndicales patronales mais reste dirigé par les mêmes patrons.
  • [20]
    Bundes Archiv, Berlin, (ci-après BA), R 10/III/131/Mitteldeutsche Stahlwerke, lettre du 5 août 1942 à la Reichsvereinigung Eisen (ci-après RVE).
  • [21]
    BA, R 10 III/52/lettre de la RVE à Sauckel, sous couvert d’Hildebrand (Min. du travail), 14 nov. 1942.
  • [22]
    BA, R 10 III/52/lettre de la Reichsvereinigung Eisen, 15 déc. 1942.
  • [23]
    BA, R 10 III/52/circulaire de Speer à tous les directeurs des usines sidérurgiques, 19 déc. 1942. Àlbert Speer, ministre de l’Économie de guerre depuis février 1942, en remplacement de Fritz Todt, décédé dans des conditions douteuses, la veille. Son ministère, extrêmement puissant, empiétait sur de nombreux autres organismes de l’État et faisait de lui un des hommes les plus importants du régime. cf. J. FEST, op. cit., p. 120 sq.
  • [24]
    BA, R 10 III/52/19 déc. 1942, ibid.
  • [25]
    917 prisonniers de guerre et 456 civils, in Rapport de Ralf BLANK à partir des archives de la ville de Hagen (Stadt A Hagen, Bestand Hagen, Akte I und II), www. hco. hagen. de.
  • [26]
    La décision avait été prise en mai 1938 de construire un complexe sidérurgique géant, avec 12 hauts-fourneaux, une aciérie, deux laminoirs, une cokerie et une usine de production d’énergie. En 1939 et 1940, la plupart des ouvriers sont encore occupés à la construction.
  • [27]
    Reinhard ENGEL, Joana RADZYNER, Sklavenarbeit unterm Hakenkreuz. Die verdrängte Geschichte der Österreichischen Industrie, Wien, Deuticke, 1999, p. 161 sq.
  • [28]
    Hors prisonniers de guerre et concentrationnaires. R. ENGEL et J. RADZYNER, op. cit, p. 267.
  • [29]
    De nombreux Français y sont morts, certains étaient envoyés dans les Arbeitserziehungslager de Watenstedt et de Hallendorf. Témoignage de Georges Wacheul, in Rimco SPANJER, Diete OUDESLUIJS, Johann MEIJER (dir.), Zur Arbeit gezwungen : Zwangsarbeit in Deutschland 1940-1945, Bremen, Temmen, 1999, p. 150.
  • [30]
    BA, R 10/III/131/lettre de la Außenstelle Südost de la Reichsvereinigung, 25 janv. 1943.
  • [31]
    AN, 83 AJ/6/sd4, liste des entreprises dans lesquelles les ouvriers n’ont pas de bonnes conditions (non datée mais accompagne une correspondance du 2 juillet 1943, de Bruneton à Sauckel, 6 p.). Le décompte total est rendu encore plus difficile par le fait qu’il est interdit par les autorités d’occupation d’indiquer sur des correspondances le nom et l’adresse de l’usine dans laquelle l’ouvrier est employé (ils ne peuvent indiquer que l’adresse du Lager ou une adresse privée), AN, 83 AJ/12/note de rappel du 21 juillet 1941. Les correspondances sont soumises à la censure et l’on n’y trouve donc pas de témoignages directs sur les conditions de vie dans une entreprise précise.
  • [32]
    Il n’existe pas, à ma connaissance, de synthèse sur l’ensemble du groupe au sujet de l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. Il s’agit pourtant du plus gros Konzern allemand de la sidérurgie, dont la production avoisinait 50% du total national. Les données suivantes ont été tirées des archives Mannesmann (désormais MAN), R 2.60.25.1/Emploi de main-d’œuvre étrangère : le fonds Mannesmann possède une partie très importante de documents concernant les Vereinigte Stahlwerke car, lors de la réorganisation après la guerre, une partie des usines de ce groupe, celles qui produisaient des tubes, a été restructurée avec des usines du groupe Mannesmann. Il s’agit ici des usines de la Deutsche Röhrenwerke (Düsseldorf) avec les usines Phoenix et Thyssen/Mühlheim, Dinslaken, Wesel.
  • [33]
    MAN, R 2.60.25.1/Emploi de main-d’œuvre étrangère Werksgruppe Thyssen/synthèse et calculs d’après des documents du 23.2.1946, à la demande des autorités d’occupation (année d’exercice : d’octobre à septembre de la suivante). La production de l’usine en produits finis est en grande partie composée de tubes.
  • [34]
    MAN, R 2.60.25.1/ibid.
  • [35]
    Voir note 6.
  • [36]
    Après un premier envoi de 1500 hommes. BA, R 10 III/ 52/August-Thyssen Hütte, lettre à Beck (RVE), 5 sept. 1942 et lettre de Beck à Schiber, chef du Rüstungslieferungsamt, 10 sept 1942. Les prisonniers français sont envoyés à l’Office du travail agricole, ce qui pourrait confirmer l’hypothèse émise ci-dessus au sujet des accords avec la France.
  • [37]
    On peut lire – entre les lignes – que dès septembre 1942, les sidérurgistes ne sont guère optimistes sur la suite de la guerre. Ce fait est confirmé par d’autres sources, par exemple J. FEST, op. cit, p. 116, citant Walter Rohland en 1941.
  • [38]
    BA, R 10 III/52/5 septembre 1942, ibid.
  • [39]
    MAN, R 2.60.25.1/Emploi de main-d’œuvre étrangère Werksgruppe Thyssen/Dinslaken, (documents de mars 1946, établis à la demande des autorités d’occupation).
  • [40]
    MAN, M. 12.820/Étude sur l’emploi de main-d’œuvre étrangère dans les usines Mannesmann-Röhrenwerke, 1945.
  • [41]
    Cf. supra (constaté en particulier dans le dossier BA, R 10 III/52).
  • [42]
    L’ingénieur en chef Thelen fut chargé de cette tâche, avec le contrôleur général Karl Müller. Il fit un rapport en été 1943, après avoir inspecté toutes les unités et eut un entretien avec tous les directeurs d’usines. Ensuite, il fut chargé de contrôler l’application, dans les usines, des instructions de la direction.
  • [43]
    Synthèse d’après MAN, M. 12.820.
  • [44]
    MAN, M. 12.820/employés et ouvriers.
  • [45]
    MAN, M. 12.823. Dans les usines sidérurgiques étudiées, on ne note pas la présence de femmes françaises, à quelques très rares exceptions près.
  • [46]
    MAN, M. 12.823.
  • [47]
    MAN, M. 12.824. Tous les Konzerne sidérurgiques possèdent leurs propres mines de charbon.
  • [48]
    U. HERBERT, Fremdarbeiter… op. cit., p. 192 sq.
  • [49]
    Même si on lui préfère quand même la main-d’œuvre hollandaise, pour laquelle il y a bien moins de problèmes de compréhension linguistes et dont le transport est moins onéreux.
  • [50]
    U. HERBERT, ibid.
  • [51]
    Synthèse d’après Trials of war criminals before the Nürnberg military tribunal, t. 9. The Krupp Case, Washington, 1950.
  • [52]
    U. HERBERT, op. cit., p. 191.
  • [53]
    U. HERBERT, op. cit., p. 199.
  • [54]
    Bien sûr, les prisonniers français arrivés dès les premières semaines n’ont pas du tout la même proportion de travailleurs spécialistes qui ne sont que 12,6%, tandis que les manœuvres atteignent 35,9%.
  • [55]
    U. HERBERT, op. cit., p. 194 et 206.
  • [56]
    Synthèse établie d’après MAN, R 2.60.25.1. (dossiers 129 à 134) Il s’agit de documents divers dont des extraits de l’acte d’accusation français au sujet de la déportation de travailleurs. Par de nombreux exemples est décrite la situation générale des Français dans l’industrie sidérurgique allemande. Ce document contredit les autres comptes rendus, pour l’usine de Mühlheim par exemple, car il semble beaucoup plus réaliste sur les conditions réelles des travailleurs. Les autres documents présentent la théorie des installations et la théorie des traitements plutôt que la réalité des faits, sans doute.
  • [57]
    MAN, R 2.60.25.1/Emploi de main-d’œuvre étrangère Werksgruppe Thyssen/Dinslaken. Il n’est pas indiqué s’il s’agit de minima et de maxima, ni la proportion de chaque catégorie de salaire réellement distribué : l’exemple, choisi pour répondre à la demande des autorités américaines après guerre, est sans doute atypique. On a pu souvent lire que les prélèvements sur les salaires sous le régime nazi étaient écrasants : si l’on compare avec aujourd’hui, on constate qu’il n’y a rien de particulièrement exceptionnel, même si effectivement le niveau est plutôt élevé pour des salaires ouvriers. Ceci confirme plutôt que, durant toute la guerre, Hitler a bien tenté de ne pas en faire porter un poids trop lourd aux Allemands.
  • [58]
    MAN, R 2.60.25.1. ( 129-134)/ Documents divers/env. 1946.
  • [59]
    U. HERBERT, op. cit., p. 214. À l’usine Krupp d’Essen, on note qu’entre octobre 1943 et mars 1944,648 travailleurs étrangers ont été ainsi sanctionnés, soit 7% du total, avec une amende en moyenne de 6,35 RM, soit environ une journée de salaire.
  • [60]
    MAN, R 2.60.25.1/ibid.
  • [61]
    HERBERT, op. cit., p. 207; T. KUCZYNSKI, op. cit, p. 13.
  • [62]
    AN, 40 AJ/859/sd3, correspondances de déc. 1941, salaires proposés pour l’unité Germaniawerft à Kiel.
  • [63]
    AN, 83 AJ/33/sd 14, bordereaux de demande d’aide matérielle.
  • [64]
    MAN, R 2.60.25.1/ibid.
  • [65]
    MAN, M. 12.820/Étude sur l’emploi de main-d’œuvre étrangère dans les usines Mannesmann-Röhrenwerke/1945.
  • [66]
    Ce faible salaire des prisonniers de l’Ouest représente une sérieuse économie – même si on y ajoute des frais d’entretien et de transport de 1,4 RM – pour des entrepreneurs qui devaient, pour le même travail, rémunérer 8,1 RM leurs ouvriers allemands (pour une moyenne de 10 h 30 de travail par jour). Quant aux prisonniers polonais, ils ne recevaient que 0,50 RM et les Soviétiques, 0,20 RM, soit une si faible économie, au total, que l’on ne peut y voir que des motifs idéologiques (de plus leur entretien coûtait moins cher), R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit, p. 248 sq. Ces auteurs font remarquer que les prisonniers de guerre coûtaient moins cher aux entrepreneurs que les concentrationnaires pour lesquels ils devaient payer entre 4 et 6 RM par jour à la SS, ce qui explique que, à quelques exceptions connues près, les déportés des camps de concentration travaillaient surtout pour les entreprises d’État.
  • [67]
    Témoignage de Pierre Vallet, in R. SPANJER, D. OUDESLUIJS, J. MEIJER (dir.), op. cit, p. 141.
  • [68]
    MAN, R 2.60.25.1. ( 129-134)/Documents divers/env. 1946.
  • [69]
    U. HERBERT, op. cit., p. 207; R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit, p. 248 sq.
  • [70]
    AN, 83 AJ/7/sd 2, mémorandum de M. de Nervo et lettre de Bruneton, 15 et 29 juin 1943.
  • [71]
    MAN, R 2.60.25.1/ibid.
  • [72]
    U. HERBERT, op. cit., p. 208.
  • [73]
    Décret Sauckel du 22 août 1942.
  • [74]
    R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit, p. 161 sq.
  • [75]
    Témoignage de Pierre Vallet, in R. SPANJER, D. OUDESLUIJS, J. MEIJER (dir.), op. cit, p. 140.
  • [76]
    Tribunal militaire international, Le procès de Nuremberg, L’accusation française, 1946.
  • [77]
    MAN, R 2.60.25.1. ( 129-134)/Documents divers/circa 1946.
  • [78]
    U. HERBERT, op. cit., p. 199.
  • [79]
    U. HERBERT, op. cit. p. 91.
  • [80]
    MAN, R 2.60.25.1. ( 129-134)/Documents divers, env. 1946.
  • [81]
    Le premier accord de ce type date de 1942 : 600 prisonniers de Mathausen arrivent en décembre au Lager Linz I; quelques temps plus tard, le troisième camp de ce type recevra 5500 concentrationnaires, dépendant officiellement de la Stahlbau GmbH, en réalité répartis dans différentes entreprises. Dans ces Lager, les conditions de vie étaient particulièrement désastreuses et le risque de décès bien plus grand que dans les autres baraquements renfermant d’autres catégories de travailleurs forcés (mais les chiffres ne sont pas connus car l’on renvoyait les malades à Mathausen avant leur décès; une estimation pour l’ensemble des usines du Reich en Autriche donne cependant un chiffre de 7000 morts). R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit., p. 161 sq.
  • [82]
    Témoignage de Pierre Vallet, in R. SPANJER, D. OUDESLUIJS, J. MEIJER (dir.), op. cit., p. 141.
  • [83]
    MAN, R 2.60.25.1/Werksgruppe Poensgen/Werksgruppe Thyssen/Mühlheim.
  • [84]
    Le document ne dit pas où sont logés les autres : en 1943, il y a alors plus de 1000 ouvriers étrangers qui travaillent dans cette usine.
  • [85]
    MAN, M. 12.820, Étude sur l’emploi de main-d’œuvre étrangère dans les usines Mannesmannröhren-Werke/1945.
  • [86]
    Informations du 6 nov. 1944.
  • [87]
    Chez Mannesmann, 1,5 RM, mais il semble que des repas chauds y étaient servis midi et soir (MAN, M. 12.820).
  • [88]
    Ex : firme Alkett de Berlin-Spandau et Hermann Goeringswerke de Linz; R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit., p. 161 sq.
  • [89]
    Témoignage de Bernard Savigny, in R. SPANJER, D. OUDESLUIJS, J. MEIJER (dir.), op. cit., p. 145.
  • [90]
    AN, 83 AJ/7/sd 2, mémorandum de M. de Nervo et lettre de Bruneton, 15 et 29 juin 1943.
  • [91]
    AN, 83 AJ/3/sd1, correspondances diverses.
  • [92]
    AN, 83 AJ/7/sd 2, op. cit., 15 et 29 juin 1943.
  • [93]
    Les témoignages du procès ne mentionnent pas des cas aussi outrageants chez Mannesmann ni aux Vereinigte Stahlwerke. Krupp est allé bien au-delà de la simple « utilisation » de main-d’œuvre.
  • [94]
    Trials of war criminals, op. cit.
  • [95]
    Voir rapports du vol. 37 du Procès des grands criminels de guerre au tribunal de Nuremberg. Sur ce thème, voir la thèse de Gabriele LOFTI, KZ der Gestapo. Àrbeitserziehungslager im Dritten Reich, Stuttgart, Deutsche V. Anstalt, 2000.
  • [96]
    U. HERBERT, op. cit., p. 214.
  • [97]
    Tribunal militaire international, Le procès de Nuremberg. L’accusation française, 1946, p. 95.
  • [98]
    C’est le système des Arbeiterziehungslager qui va jouer ce rôle de camp de punition et de « redressement » pour les travailleurs forcés.
  • [99]
    BA, R 10 III/131/lettre de Röchling (président de la RVE) à la direction de toutes les entreprises de la sidérurgie, 4 oct. 1943.
  • [100]
    BA, R 10 III/131/un dossier non daté (environ fin 1942- début 1943).
  • [101]
    Si l’on en croit les archives françaises, cette création a été obtenue par le Commissariat français à la main-d’œuvre en Allemagne. L’association - probablement créée courant 1942 - est placée sous la responsabilité de la DOF : AN, 83 AJ/3.
  • [102]
    Créé dès novembre 1940, c’est alors le premier journal de langue française paraissant en Allemagne depuis la guerre. AN, 83 AJ/35/sd C.
  • [103]
    AN, 83AJ/24/, facture de livraison, 11 juin 1943.
  • [104]
    BA, R 10 III/131/ibid.
  • [105]
    AN, 83 AJ/35/sd1, bulletin du 24 mars 1944.
  • [106]
    En réalité, des témoignages rapportent que les Français – comme les autres étrangers - n’étaient pas très bien acceptés dans les lieux publics allemands. Les situations furent sans doute extrêmement variables.
  • [107]
    Une lettre du 29 juin 1944 indique la création de la 1 000e section de cette Amicale. AN, 83 AJ/24/sd1.
  • [108]
    AN, 83AJ/3/sd1, correspondances diverses.
  • [109]
    BA, R 10 III/131/ibid.
  • [110]
    Il s’agit de l’appellation des circonscriptions administratives régionales : le Gau, canton, et le Kreis, arrondissement.
  • [111]
    AN, 83AJ/12/note (non datée) de la DOF. Des accords entre Sauckel et Laval ont été signés en mars-avril 1943, concernant la transformation de 250000 prisonniers de guerre, mais ceux-ci ne bénéficient d’aucun statut précis, si ce n’est qu’ils sont considérés comme toujours mobilisés, au regard de la France, ce qui leur conserve leurs droits, tout en leur permettant de recevoir en plus un petit salaire au titre de travailleurs civils.
  • [112]
    AN, 83 AJ/7/sd 2, mémorandum de M. de Nervo et lettre de Bruneton, 15 et 29 juin 1943.
  • [113]
    MAN, R 2.60.25.1/Werksgruppe Thyssen/Mühlheim.
  • [114]
    On atteint quand même, pour le groupe français, 11,2% de malades la dernière année de la guerre. MAN, R 2.60.25.1/ibid. Chiffres officiels !
  • [115]
    U. HERBERT, op. cit., p. 209. Ceci est d’ailleurs confirmé par le fait que, chez les travailleurs de l’Est dont on connaît les mauvaises conditions d’alimentation et d’hygiène, les malades enregistrés ne sont respectivement que de 2,9% en 1943, puis 2,2% fin 1944.
  • [116]
    AN, 83 AJ/6/sd4, correspondances.
  • [117]
    AN, 83 AJ/6/sd4, liste non datée accompagnant une correspondance de Bruneton à Sauckel, 2 juillet 1943.
  • [118]
    MAN, R 2.60.25.1/Werksgruppe Thyssen/Mühlheim.
  • [119]
    AN, 83AJ/8/sd1, correspondance de la DOF à Bruneton, 19 mai 1943; AN, 83AJ/8/sd6, lettre du 26 déc. 1942.
  • [120]
    De sérieux bombardements sont notés, sur ces villes industrielles, fin 1944 à 1945. AN, 83AJ/3/sd1, correspondances diverses.
  • [121]
    Le rapport évoque 27584 ouvriers auprès desquels ont été faites, à un moment ou à un autre, des collectes pour aider leurs camarades sinistrés. Ce chiffre, rapporté au nombre de morts, donne un pourcentage de 1,8%, rapporté au nombre de malades : 19,4%, pour l’année 1944. AN, 83 AJ/35/sd D, rapport du Gau d’Essen, 15 janv. 1945.
  • [122]
    AN, 83 AJ/35/sd D, rapport du Gau d’Essen, 15 janv. 1945.
  • [123]
    AN, 83AJ/3/sd 1, correspondances diverses.
  • [124]
    Chiffres au 31 juillet 1945, in Procès des grands criminels, vol. 37, tableau XXVII, p. 257, Nuremberg, 1946.
  • [125]
    Jean QUELLIEN, op. cit.; T. KUCZYNSKI donne un total, au 30 sept. 1944, de 645200 Français (sur un total de 1595700 travailleurs forcés de l’Ouest, soit 40,4%), dont 505900 employés dans l’industrie, soit 78,4% ( op. cit., p. 23). L’estimation du nombre des volontaires varie entre 200000 (P. BURRIN ) et 300000 (C. MALHERBE ), citée par Anne SIMONIN, « Pourquoi certains crimes doivent rester impunis », in B. GARNIER, J. QUELLIEN (dir.), La main-d’œuvre française exploitée, op. cit., p. 563-582 (note 1 p. 563).
  • [126]
    Tribunal militaire international, Le procès de Nuremberg, L’accusation française, 1946, p. 95.
  • [127]
    U. HERBERT, op. cit., p. 353.
  • [128]
    D. EICHHOLZ, op. cit., p. 18.
English version

1Les recherches sur le travail forcé pendant la domination nazie en Europe se sont développées depuis quelques années, en particulier en Allemagne où les grandes sociétés de l’industrie ont enfin signé un accord d’indemnisation, attendu depuis de longues années par les travailleurs déportés [1]. Ces travaux universitaires ont mis en évidence la collusion des entreprises allemandes avec le gouvernement du Troisième Reich, tant dans l’utilisation stricte de la force de travail de ces ouvriers que dans les mauvais traitements qu’ils subirent, dans la plupart des cas, sous le contrôle direct de ces entreprises. Si dans une proportion très largement majoritaire, l’utilisation de cette main-d’œuvre a concerné des populations déportées des pays de l’Est et de l’Union soviétique, la main-d’œuvre française a également apporté son tribut au gigantesque système d’exploitation mis en place à l’échelle européenne. Nous proposons ici une contribution sur cette exploitation de la main-d’œuvre française pendant la guerre par les entreprises sidérurgiques allemandes.

2On connaît déjà l’énorme apport économique à la machine de guerre nazie qu’a constitué l’exploitation des territoires occupés ou annexés par le Reich. La France a ainsi versé environ le quart de l’ensemble de ses ressources à l’Allemagne national-socialiste. Mais si les matières premières industrielles et agricoles ont constitué une part essentielle des ponctions, l’apport humain a été, lui aussi, extrêmement conséquent. Se sont ainsi organisés à travers l’Europe des mouvements d’ouvriers vers les régions industrielles du Reich.

3Cette contribution essentielle est chiffrable non seulement en nombre de personnes déplacées mais aussi en coût du nombre d’heures de travail perdues pour le pays exploité, des comptes qui ont été faits par la Commission internationale des réparations [2].

4Comme la doctrine raciste nazie pouvait le laisser supposer, le traitement des déportés du travail ou des prisonniers de guerre affectés sur des emplois, a été très varié, en fonction des origines nationales de ces travailleurs forcés.

5Les Ostarbeiter de Russie, de Pologne, d’Ukraine et des pays baltes, qui formaient l’essentiel des manœuvres, ont spécialement souffert de conditions d’esclavage particulièrement dégradantes. Cependant la sidérurgie avait également besoin de spécialistes de la métallurgie, qu’on alla chercher dans les régions minières et industrielles de l’Europe du Nord-Ouest, essentiellement en Belgique et en France. Les métallurgistes français ont donc payé un lourd tribut à la domination des Nazis sur l’Europe. Leurs conditions de travail et de survie, très dures, sont néanmoins dans l’ensemble peu comparables à celle des Ostarbeiter. Le procès de Nuremberg, tout comme d’autres procès qui l’ont précédé, a permis d’entendre des révélations accablantes sur l’ensemble de ce problème de la main-d’œuvre forcée, et en a fait porter à Sauckel l’entière responsabilité, même si c’est avant tout la productivité plutôt que la cruauté qui motivait certains comportements. Ce dernier était en effet chargé de l’ensemble des questions de main-d’œuvre, de leur transport à leur répartition entre les entreprises en passant par leurs conditions de vie.

6

« Il connaissait les conditions défectueuses dans lesquelles vivaient les travailleurs. Il ne semble pas qu’il ait été, par principe, favorable à des méthodes brutales d’extermination par le travail, comme l’était Himmler. Son attitude s’exprime ainsi dans un règlement : “Tous les hommes doivent être nourris, logés et traités de façon à en obtenir le rendement maximum avec le minimum de frais”» [3].

LE RECRUTEMENT POUR LA SIDÉRURGIE ALLEMANDE

7Activité essentielle pour la guerre, la sidérurgie française, tout comme de nombreux autres secteurs de l’industrie française, a été visée par les prélèvements de main-d’œuvre pour la sidérurgie et la métallurgie allemandes qui furent parmi les principales utilisatrices de travailleurs forcés, spécialistes ou pas, parmi lesquels de très nombreux Français. Toute la machine industrielle allemande, a fortiori la sidérurgie, avait réorienté sa production vers la fourniture de l’armement nécessaire à la Wehrmacht. Dès 1936, avec le premier Plan de quatre ans sous le contrôle du ministre Goering, avaient été faites de premières adaptations et l’on avait poussé la production industrielle. Mais à l’entrée en guerre se posa, pour la sidérurgie allemande, le problème de la main-d’œuvre, une partie des ouvriers étant appelée sous les drapeaux et le personnel restant ne suffisant pas à faire face à la nouvelle augmentation de la production réclamée par les autorités.

8On fit d’abord appel aux prisonniers de guerre, dont le nombre participant directement à l’économie allemande passa de 300000 en février 1940 à plus de 1,2 million un an plus tard. Entre-temps, de nouveaux prisonniers avaient été faits, mais aussi beaucoup d’autres relâchés vers leurs pays désormais occupés, ou bien ils avaient été « transformés » en travailleurs civils forcés, selon un nouveau statut [4]. Le chiffre resta donc relativement constant, si l’on excepte les prisonniers soviétiques [5]. Pour les Français cependant, le recul fut un peu plus marqué puisque les prisonniers travaillant pour le Reich passa de 1192000 en avril 1941 à 946000 en juillet 1942, puis à 730000 à l’automne 1943 [6]. On verra dans les exemples qui suivent que le nombre de ces prisonniers directement employés dans l’industrie sidérurgique fut très important, particulièrement pour les deux ou trois premières années de la guerre.

9Les premiers prisonniers de guerre français et britanniques furent emmenés en Allemagne dans des stalags, dès le début des combats; là-bas, ils furent divisés en commandos de travail et répartis entre les services du travail [7]. La plupart des prisonniers de l’Ouest ne revirent plus les stalags mais vécurent à partir de là dans les camps extérieurs de prisonniers de guerre, proches de leur lieu de travail. Le contact de ces prisonniers avec la population allemande était interdit [8]. Au début de juillet 1940, il y avait déjà quelque 200000 prisonniers français et britanniques au travail, au milieu du mois d’août, ils étaient 600000 et un million, fin octobre. Sur l’ensemble des deux millions de prisonniers français, près d’un million fut libéré après l’Armistice. À l’automne 1940, il n’y avait pas plus de deux millions de travailleurs étrangers (dont un million de Français), soit quand même 10% de la main-d’œuvre totale de l’Allemagne.

10Parmi eux, 54% étaient employés dans l’agriculture, 2% dans les mines, 23,4% dans des entreprises de construction et 19,6% dans d’autres secteurs [9]. Or, début novembre, on annonçait que l’emploi dans le secteur agricole était désormais satisfait. On a alors cherché à récupérer les ouvriers spécialisés, parmi ces prisonniers, pour les mettre dans des postes de travail appropriés, ce qui ne respectait pas les conventions de guerre. Mais les procédures furent très lentes. Seul le secteur des mines connut des succès plus rapides dans cette action de remplacement.

11À l’automne commencèrent les actions d’enrôlement de la main-d’œuvre civile en France, Belgique et Hollande. Mais jusqu’en septembre 1941, seuls 50000 travailleurs furent engagés : il n’y a qu’en Belgique, dans la partie flamande, que l’opération eut un certain succès. Au total, en octobre 1941, il y avait en Allemagne 300000 travailleurs civils de l’Ouest, plus 270000 Italiens, 80000 Slovaques et 35000 Hongrois, au total 743257 civils de l’Europe de l’Ouest, du Sud ou du Sud-est. Avant le début du conflit, les Français constituaient le sixième groupe national, dès mai 1939, avec 6669 personnes ( 0,7% du total des étrangers) et de même en septembre 1941, avec 48567 personnes ( 2,3%) [10].

12Alors que la main-d’œuvre continuait malgré tout à manquer pour l’industrie, le Gauleiter Fritz Sauckel fut chargé, comme on le sait, d’une véritable « chasse » à l’ouvrier dans toute l’Europe nazie. Nommé par Hitler, en mars 1942, « plénipotentiaire général pour l’utilisation de la main-d’œuvre », il dispose alors du pouvoir de coordonner, dans le cadre du second Plan de quatre ans, l’utilisation de toute la main-d’œuvre disponible, y compris l’utilisation des ouvriers recrutés à l’étranger et des prisonniers de guerre. Dès le 5 mai 1942, il publie une ordonnance autorisant le recours à la force pour recruter de la main-d’œuvre dans tous les pays occupés. C’est pour éviter cette contrainte en France que Laval lance un appel à la relève volontaire des prisonniers, le 26 juin 1942. Cet appel n’ayant pas eu suffisamment d’écho, la loi française du 4 septembre 1942, dite « d’orientation de la main-d’œuvre », autrement dit, la relève forcée, va être la première étape du vaste mouvement de déportation des travailleurs français vers l’Allemagne. C’est ainsi que près de la moitié des ouvriers déportés en Allemagne l’ont été en réponse à cette loi et avant l’instauration du STO par la loi du 16 février 1943 et son extension le 1er février 1944 [11].

13Le « recrutement » consista essentiellement en rafles, Sauckel a lui-même reconnu, en mars 1944, que « sur les cinq millions de travailleurs étrangers qui sont en Allemagne, il n’y avait même pas deux cent mille volontaires » [12]. En réalité, l’estimation globale de la main-d’œuvre exploitée par le Reich pendant la durée de la guerre est aujourd’hui évaluée à un total situé entre 13 millions et demi et 15 millions de travailleurs étrangers, si l’on inclut les travailleurs civils, les prisonniers de guerre et les concentrationnaires [13]. Au début de la guerre, on estime à près d’un million le nombre de travailleurs volontaires, mais à la fin de la guerre, il n’en est pas de même. Cependant ces chiffres sont cumulatifs et chaque auteur propose une estimation différente, car basée sur des critères variés. Tous sont d’accord sur le fait que le maximum a été atteint vers août 1944, avec près de 20% d’étrangers sur la main-d’œuvre totale travaillant en Allemagne [14]. Pour l’industrie en général, ce taux atteignait 30% et pour l’industrie d’armement 40%, les grandes entreprises de ce secteur passaient la barre des 60%; quant aux mines, la main-d’œuvre étrangère y était souvent la seule employée.

14Les Français représentent, à cette date, 15% du total des travailleurs forcés dans le Reich [15]. À Paris, entre la fin de l’année 1942 et le début de l’année 1943, la relève puis le STO ont déjà expédié en Allemagne un nombre impressionnant d’hommes. Mais la poursuite de ce travail commence à devenir de plus en plus difficile, car les mauvaises conditions de vie des ouvriers – et c’est un euphémisme – ainsi bien sûr que le simple refus de partir travailler chez l’ennemi, en ont fait fuir plus d’un, parfois pour rejoindre les maquis. Il s’agit donc de doser la pression et la propagande pour inciter les hommes requis à l’obéissance.

15Tous ceux qui étaient contraints au travail forcé étaient rassemblés et transportés en Allemagne, grâce à un remarquable système de « ratissage » mis en place à l’échelle européenne et assez efficace, même s’il n’eût pas vraiment le rendement espéré. À leur arrivée, ces travailleurs étaient placés sous le contrôle des ministères du Travail et de l’Agriculture, du Front allemand du Travail ( Deutsche Arbeiter Front, DAF) et des différentes industries intéressées.

Les méthodes de recrutement dans la sidérurgie

16Dans les usines sidérurgiques du Reich, à Watenstedt, la main-d’œuvre étrangère fut très importante dès le début de la guerre [16]. Dans les autres entreprises du secteurs si l’on utilise les prisonniers de guerre et les volontaires civils dès le début des hostilités, c’est surtout au cours de l’année 1943 que la part des ouvriers étrangers fait un bon prodigieux, parce que les ponctions sur les nationaux allemands deviennent telles, avec les premières graves défaites à l’Est, que la production sidérurgique – et donc la fabrication des armements – est remise en cause. Dès l’année 1942, cette préoccupation devient majeure pour les sidérurgistes allemands, car l’on exige d’eux toujours plus de production tout en leur retirant sans cesse de la main-d’œuvre nationale spécialisée.

17Ces sidérurgistes vont donc, non seulement soutenir le système de « recrutement » des travailleurs forcés dans les territoires occupés par le Reich, mais même en partie le prendre en charge pour leurs entreprises.

18Pour se procurer les travailleurs nécessaires, en dehors de l’action régulière des responsables patronaux auprès des autorités du Reich, au quotidien, chaque Konzern sidérurgique eut plus ou moins ses propres méthodes.

19Hormis quelques exceptions, la société Mannesmann passait par l’Office du Travail local, dépendant du DAF, ce qui était la voie administrative normale.

20Mais à la Rohrbau Leipzig, on trouve aussi le cas d’annonces passées directement pour recruter des Suisses francophones ou des Français [17]. Le directeur de la Halbergerhütte, de son côté, écrit au responsable de la Délégation officielle française (DOF) auprès de la DAF de Francfort pour lui demander, comme une faveur, de trouver de manière urgente de la main-d’œuvre du type de celle qui leur vient de la société Pont-à-Mousson et dont il regrette qu’un certain nombre soit déjà reparti en France. Il insiste sur le fait que les travailleurs français sont particulièrement bien traités dans sa société, ce que semble confirmer la réponse du délégué français [18]. Mais ceci concerne encore la main-d’œuvre volontaire. Par la suite, le recrutement a changé d’échelle et de méthodes. Même si les dirigeants n’y étaient pas favorables au début, car ils préféraient conserver leurs propres ouvriers qualifiés, une fois enclenché le processus, cette main-d’œuvre est réclamée par les entreprises sidérurgiques, car elles ont elles-mêmes beaucoup de difficultés à maintenir leurs effectifs ouvriers. En 1942, les attributions sont encore très insuffisantes par rapport aux demandes des entreprises.

21Si le nom de Fritz Sauckel est associé aux gigantesques prélèvements de main-d’œuvre à travers toute l’Europe, celui de Hermann Röchling, président de la Reichsvereinigung Eisen, est associé aux prélèvements destinés spécifiquement à la sidérurgie [19]. Ce dernier obtient en effet, en juin 1942, de lancer une action, qui porte son nom, pour fournir 45000 travailleurs à la sidérurgie. En août, ce chiffre est revu à la hausse et l’on décide que 55000 personnes sont nécessaires. Parmi celles-ci, 7940 travailleurs allemands de secteurs jugés non indispensables et d’autres de diverses nationalités, plus ou moins volontaires, sont mis à disposition avant novembre 1942, et surtout 32241 travailleurs de l’Est dont le « recrutement » résulte de l’action Sauckel dans les territoires occupés.

22Il manque donc encore à l’industrie 14819 ouvriers, sur ceux déjà promis et elle réclame, pour faire face à la nouvelle augmentation de la production, 60000 travailleurs. Un Konzern tel que la Mitteldeutsche Stahlwerke n’a obtenu qu’un quart de sa demande, à l’été 1942 [20]. Pour parer à ces besoins urgents, les industriels font encore appel à Sauckel pour de nouveaux envois de main-d’œuvre étrangère [21].

23Par ailleurs, en dehors de l’action spéciale Röchling, la Reichsvereinigung Eisen reçoit un contingent mensuel qu’elle est chargée de répartir entre les usines et les mines. Là encore, les promesses faites ne sont pas tenues. Sur 26000 hommes promis, dont 16000 pour l’industrie sidérurgique et 10000 pour les mines, seuls 8690 ouvriers ont été envoyés sur le contingent de novembre 1942. Or la situation devient critique dans les mines de fer qui doivent en urgence pousser leur production en raison des problèmes de livraisons du minerai suédois et de la perte des expéditions d’Afrique du Nord où la situation militaire commence à se détériorer [22]. Quant à la situation de la production des laminés, elle n’est guère meilleure puisque l’on enregistre, au mois de novembre 1942, un recul de 63000 tonnes. Et l’on signale que la situation prévisible pour janvier est particulièrement préoccupante.

24Pourtant les sidérurgistes ne sont pas au bout de leur peine puisque, le mois suivant, Speer envoie une circulaire secrète à tous les directeurs d’usines pour annoncer que l’industrie sidérurgique, jusque là épargnée, doit fournir des contingents de soldats pour relever ceux qui, sur le front, n’ont eu ni permission ni relève depuis le début des hostilités, et cet échange est ordonné par le Führer lui-même [23]. Les directeurs sont tenus de faire connaître leurs possibilités, sachant que Sauckel a promis que ces hommes seraient remplacés par de la main-d’œuvre étrangère très vraisemblablement par des ouvriers français. Cette précision se veut rassurante pour les sidérurgistes puisqu’elle est gage de l’attribution d’une main-d’œuvre qualifiée, contrairement à celle qu’ils reçoivent de l’Est. Mais les « possibilités » sont aussi très précises puisqu’une liste de 20% du personnel adéquat doit être fournie avant la fin de décembre 1942, en commençant par les classes d’âge supérieures.

25Une seconde action, au nom de code « Rü 43 Tausch » (« échange 1943 pour l’armement »), demande aux usines de désigner ceux qui ne sont pas aptes pour l’armée et ceux qui sont des ouvriers qualifiés, pour un envoi dans les usines d’armement. Ils devraient recevoir une main-d’œuvre en quantité équivalente en échange [24]. C’est évidemment avec déplaisir et inquiétude que les patrons de l’industrie voient partir leurs derniers ouvriers spécialisés, remplacés – en partie seulement – par une main-d’œuvre non qualifiée pour l’essentiel et peu productive, vus les méthodes de recrutement et le traitement sur place.

L’importance de la main-d’œuvre française

26Les statistiques, en partie secrètes, ne permettent pas de connaître avec précision le détail des travailleurs occupés dans la sidérurgie allemande, leur répartition par région et par entreprise. Cependant, quelques exemples permettent un aperçu de la situation de la main-d’œuvre étrangère dans ce secteur. Les premiers travailleurs français pour la sidérurgie allemande sont des prisonniers de guerre, et ce, dès l’été 1940. Le 10 juillet 1940, la Klöckner-Werke (Hagen)

27signe un accord avec le StalagVI/A, à Hemer, pour un envoi de 100 prisonniers français. L’entreprise recrutera par la suite d’autres prisonniers français ( 300 en tout) et 480 civils. Vinrent aussi des travailleurs d’autres nationalités, mais seuls les Russes y furent en nombre supérieur [25]. Les prisonniers français y travaillent dans les hauts-fourneaux et dans les fours Martin ainsi que sur les laminoirs.

28À la Hermann Goeringswerke de Linz (Autriche) arrivent, dès 1939, 8000 travailleurs civils étrangers [26]. Les premiers prisonniers de guerre sont des Français, au nombre de 600 (octobre 1940). L’entreprise d’État va utiliser de manière de plus en plus intensive cette main-d’œuvre prisonnière, tout comme celle des travailleurs forcés. En 1943, sur un total de 9000 ouvriers, 45% sont des étrangers (leur part étant proportionnellement plus importante encore si l’on ne considère que la production sidérurgique et celle de l’armement) [27]. Pour l’ensemble de l’Autriche (Ostmark), les Français sont, en 1944,57628, soit 12,2% du total de la main-d’œuvre étrangère forcée [28], le troisième groupe national derrière les Soviétiques et les Polonais. Ils sont pour la plupart employés dans l’industrie de guerre. Dans l’unité de Salzgitter (Allemagne) de la Hermann Goeringswerke, les chiffres sont presque incroyables :
110000 déportés de 29 nationalités travaillent là, répartis en 89 camps [29].

29L’agence Sud-est de la Reichsvereinigung Eisen – peu importante en temps ordinaire – indique, en janvier 1943, qu’elle contrôle 21 firmes sidérurgiques de taille très variée occupant 41243 personnes de nombreuses nationalités, les Allemands ne représentant que 22,2% de main-d’œuvre nationale ! On note aussi la présence de Français : 4% du total des civils et 4,8% des prisonniers de guerre [30]. Pour l’année 1943, on dispose d’une estimation pour les principales entreprises sidérurgiques : 6000 ouvriers français à l’usine Krupp de Essen, 5000 répartis entre les usines de Düsseldorf de la Deutsche Röhrenwerke, de Mannesmann Röhrenwerke et de Rheinmetall Borsig, 4000 à Bochum, au Bochumer-Verein, 2000 à Dortmund, au Hörderhüttenverein, 2500 dans les usines Hermann Goeringswerke de Watenstedt et 2500 à la Röchlinge Eisen und Hüttenwerke, à Volklingen (Sarre) [31], soit un total, pour ces 8 entreprises, de 22000 ouvriers français.

30L’exemple des Vereinigte Stahlwerke

31Pour étudier les variations de la main-d’œuvre française dans la sidérurgie allemande, prenons quelques exemples au sein du Konzern des Vereinigte Stahlwerke [32], en commençant par l’usine Thyssen de Mühlheim. Les premiers travailleurs étrangers y arrivèrent en juillet 1940 ( 200 hommes sur un personnel total de plus de 5200 ouvriers). Quelques Français faisaient partie de ces premiers arrivants.

32À travers les données chiffrées, on aperçoit la saignée opérée par la guerre à partir de 1942-1943, avec un abaissement significatif du nombre des travailleurs allemands qui est, au fur et à mesure, comblé par des prélèvements compensateurs dans les territoires occupés. Si les prisonniers de guerre français sont les seuls prisonniers employés dans cette usine jusqu’en 1942 et qu’ils représentent ensuite environ la moitié des prisonniers, les Français, dans leur ensemble, représentent une part non négligeable du total de la maind’œuvre étrangère, de la moitié à un tiers environ, entre fin 1942 et début 1945. À partir de la fin de l’année 1942 arrivent des prisonniers de guerre russes et des militaires de tous pays. Les prisonniers français représentent encore 54% du total des étrangers en 1945. La proportion de civils est moindre : 20,5% en 1942-1943 et seulement 7,1% en 1944-1945. La contribution de la main-d’œuvre française a bel et bien constitué, pour cette grande usine du groupe Thyssen, un apport important qui a représenté à lui seul jusqu’à 7,4% du total du personnel, un pourcentage non négligeable.

FIGURE 1

PART (%) DES ÉTRANGERS DANS L’USINE DE MÜHLHEIM (VEREINIGTE STAHLWERKE) [33]

FIGURE 1
FIGURE 1 PART (%) DES ÉTRANGERS DANS L’USINE DE MÜHLHEIM (VEREINIGTE STAHLWERKE)33 44/4543/4442/4341/4240/4139/4038/39 44/4543/4442/4341/4240/4139/4038/39 % des étrangers (civils et KG) Total des Français % des Français par rapport aux étrangers (civils et KG)

PART (%) DES ÉTRANGERS DANS L’USINE DE MÜHLHEIM (VEREINIGTE STAHLWERKE) [33]

33L’exemple de l’usine Phoenix (Düsseldorf) montre également la part importante des travailleurs français. Cette unité sidérurgique est encore plus importante que la précédente : au début de la guerre, plus de 8100 ouvriers allemands y travaillent, mais l’usine a déjà vu ses effectifs baisser de plus de 800 ouvriers en raison des départs sur le front. Vers la fin de l’année 1940, à la fois grâce à l’apport des travailleurs étrangers – essentiellement des prisonniers français – mais aussi par un nouvel apport de main-d’œuvre allemande, les effectifs s’envolent à plus de 9200 ouvriers. Ces chiffres ne seront dépassés qu’en 1943, pour s’effondrer à la fin de la guerre, à moins de 6400 personnes.

34Les Français, civils et prisonniers confondus, ont représenté jusqu’à 11,7% du personnel total.

FIGURE 2

PART (%) DES ÉTRANGERS DANS L’USINE PHŒNIX À DÜSSELDORF (VEREINIGTE STAHLWERKE) [34]

FIGURE 2
FIGURE 2 PART (%) DES ÉTRANGERS DANS L’USINE PHŒNIX À DÜSSELDORF (VEREINIGTE STAHLWERKE)34 % des étrangers sur personnel total (civils et KG) % des Français sur personnel étranger (civils et KG) Total des Français

PART (%) DES ÉTRANGERS DANS L’USINE PHŒNIX À DÜSSELDORF (VEREINIGTE STAHLWERKE) [34]

35La comparaison des deux séries de graphiques, qui portent sur deux très grosses usines du principal Konzern de la sidérurgie, met en évidence une corrélation certaine entre deux faits. D’une part, la répartition au cours de la guerre met en relief une première analogie dans la proportion de travailleurs étrangers sur l’ensemble du personnel. Celle-ci fut, de façon assez peu surprenante, marquée par un sursaut important fin 1942-début 1943, au moment où les difficultés militaires s’aggravent et où par conséquent la production d’armement devient réellement vitale. D’autre part, la proportion des Français par rapport aux ouvriers étrangers suit dans les deux cas une évolution semblable dans le temps, avec une pointe en 1940-1941, suivie d’une régression régulière. Les chiffres absolus pour les Français indiquent un maximum de présence en 1942-1943.

36L’interprétation de ces données est un peu délicate : on voit qu’en 1942-1943 s’organise un fort recrutement de travailleurs de toutes origines, les Français représentant un nombre important mais proportionnellement moindre à celui des années précédentes, malgré l’apport de la relève et du STO. Plusieurs hypothèses peuvent être faites et elles sont sans doute à combiner : afflux de la main-d’œuvre moins onéreuse de l’Est, accords Bichelonne-Speer [35], etc. À partir de fin 1942-début 1943, c’est en effet surtout vers les prisonniers de l’Est que l’on se tourne, sur la demande des autorités ou des usines. C’est ainsi qu’une lettre de la Reichsvereinigung Eisen en date de septembre 1942, informe d’un premier départ de l’usine August Thyssen-Hütte (Duisburg), la plus grosse usine sidérurgique d’Allemagne avec celle de Watensted, de 340 prisonniers de guerre français en échange de 500 prisonniers russes, selon le propre vœu de la direction de l’usine [36].

37Les entreprises font face à de nombreux retards dans le transfert de cette main-d’œuvre de remplacement. Il leur faut donc jongler entre les diverses installations, retirer un groupe à une usine pour l’attribuer à une autre, le tout dans le but de préserver ce qui ne peut pas être stoppé sans dommage, tels que les hauts-fourneaux ou certains laminoirs. Tout cela rend les conditions de travail très difficiles pour tous.

38

« Le potentiel de notre personnel est utilisé (surtout dans les installations à feu) dans les limites extrêmes du supportable. Nous constatons des chutes de notre productivité et de cette façon des pertes dans la production, en raison de la surcharge de travail de notre personnel pour qui c’est presque l’épuisement. Le nombre de malades parmi les membres du personnel a grimpé de 100%. Pour atteindre le niveau de production réclamé, un envoi d’autres prisonniers de guerre est devenu indispensable et urgent, et d’autant plus que nous sommes dans des régions qui, selon les données de l’expérience, seront touchées par des attaques aériennes ennemies [37], et que ces perturbations nous rendront plus difficile encore, dans les mois d’hiver, d’atteindre le niveau requis » [38].

39Les différences de personnel sont grandes d’une unité à l’autre, peut-être pour des raisons de qualification du personnel, très variable selon les ateliers.

40À l’usine de Dinslaken [39], de petit effectif (maximum 493 en 1943-1944), si les étrangers ont quand même représenté jusqu’à 28% ( 1944-1945), le nombre d’ouvriers français est insignifiant (maximum 8 en 1942-1943). À la petite usine de Wesel (effectif total d’environ 200), il n’y avait que des civils étrangers (autour de 60% du total) et pas de prisonniers de guerre. Les 36 premiers travailleurs étrangers arrivèrent en juillet 1943 : parmi eux, il y avait 27 Français et 9 femmes russes. Jusqu’à la fin de la guerre, les Français sont présents là aussi en nombre significatif : 21,3% du total du personnel de l’usine en 1943-1944 (soit 35,8% des étrangers) et 16,5% l’année suivante ( 27% des étrangers).

41Les Français chez Mannesmann

42La plus grande partie de la main-d’œuvre étrangère employée pendant la guerre dans les usines de la Mannesmannröhren-Werke était composée de prisonniers de guerre russes et de travailleurs civils des pays de l’Est de l’Europe, dont des Russes et des Polonais. Cependant les travailleurs français, ouvriers déportés ou prisonniers de guerre, constituaient un groupe de second plan, certes, mais assez important. On trouvait par ailleurs des personnes aux plus diverses origines nationales.

43Le Konzern Mannesmann était depuis longtemps une société fortement exportatrice ce qui explique sans doute qu’avant la guerre il y avait déjà quelques étrangers à la direction. Pour les usines, c’était par contre une « règle » chez Mannesmann de n’employer que très peu d’ouvriers étrangers dans les mines, les fonderies et les laminoirs. Avec les exigences de la guerre, il fallut en embaucher et officiellement, cela se faisait uniquement en passant par les organismes appropriés. « Comme principe, nous refusions le recrutement concentré de prisonniers de guerre et autres travailleurs, bien que la coopération de la firme fut demandée à plusieurs reprises par les autorités » [40]. Ce n’est pourtant pas cette soi-disant réticence que l’on peut constater dans les comptes rendus officiels dans lesquels Wilhelm Zangen, le dirigeant de Mannesmann, ne montre pas une attitude différente de celles des autres industriels [41].

44La responsabilité de ces travailleurs étrangers reposait sur chaque directeur d’usine. Mais avec le nombre qui augmentait beaucoup, il fallut créer, en 1943, un poste central pour unifier les directives, étudier le pour et le contre, et aussi le profit qui en était retiré [42]. Pour l’ensemble du Konzern Mannesmann, sur un total de 31000 à 35000 ouvriers, les étrangers ont représenté, selon les années, de 8,6% ( 1941) à 34,1% ( 1945), avec une part importante de prisonniers de guerre, entre un tiers et la moitié des travailleurs étrangers [43]. Le personnel total de cette entreprise a augmenté d’année en année jusqu’en 1944, faisant plus que compenser, par des civils et des prisonniers de guerre toujours plus nombreux, la saignée de la guerre. Cependant, ceux-ci n’étaient pas tous des spécialistes, loin s’en faut : la productivité est en conséquence largement en baisse et la production, pour ces raisons et pour d’autres – en particulier les problèmes d’approvisionnement –, eut du mal à se maintenir. Selon les unités du groupe Mannesmann ( 17), les chiffres varient, mais la comparaison entre ces différentes données fait apparaître certaines corrélations [44].

45À la Kammerich Werke, les Français sont présents de janvier 1942 à mars 1945 dans ce camp qui comportait une grande majorité de femmes, ukrainiennes et russes, et quelques Belges [45]. Comme dans toutes les usines, les Français, comme les Italiens, y étaient séparés des travailleurs de l’Est, leurs installations dépendaient de la Wehrmacht. Le graphique ci-dessous montre l’assez étonnante variation de la présence d’ouvriers français, d’un mois à l’autre, le maximum étant atteint au milieu de l’année 1943.

FIGURE 3

NOMBRE DE TRAVAILLEURS ÉTRANGERS À L’USINE KAMMERICH (MANNESMANNAG ) [46]

FIGURE 3
FIGURE 3 NOMBRE DE TRAVAILLEURS ÉTRANGERS À L’USINE KAMMERICH (MANNESMANNAG )46 Nombre total Nombre de Français

NOMBRE DE TRAVAILLEURS ÉTRANGERS À L’USINE KAMMERICH (MANNESMANNAG ) [46]

46Dans d’autres unités du même groupe, les Français arrivent plus tardivement. Dans la petite unité de Gelsenkirchen, les Français sont présents d’août 1942 à mars 1945 (de 19 à 51), les autres étrangers étant des Russes (de 20 à 60). Dans l’usine Grillo-Funke, il y a beaucoup de prisonniers français : de janvier à septembre 1942, ils représentent les seuls étrangers de l’usine (de 115 à 176). Leur nombre baisse un peu ensuite, mais d’autres étrangers sont venus les rejoindre, des Russes d’abord, puis des Albanais et des Italiens.

47Dans la même usine, on ne trouve pas de travailleurs civils français jusqu’en mars 1943, alors qu’il y a des étrangers depuis juillet 1941.

48À la Mannesmann Stahlblechbau (Langschede), il n’y a pas de prisonniers français et seulement quelques prisonniers russes. On note par contre la présence de civils français de janvier 1942 à mars 1945, une cinquantaine, mais avec une absence totale entre janvier et juin 1943 : peut-être un convoi qui en remplace un autre tardivement. À Hönningen, il n’y a que des prisonniers russes et français. À la mine Consolidation (Gelsenkirchen) et dans celle d’Unser Fritz, la présence de prisonniers français en nombre semble attestée à partir de fin 1940 ( 175 sur 852 étrangers en décembre 1942) [47]. On sait que les travailleurs de toutes origines confondues qui eurent à subir les conditions de travail et de survie les plus difficiles furent les mineurs. Les Français ne furent donc pas particulièrement épargnés en ce domaine.

49À Finnentrop, en janvier 1942, il y a 96 prisonniers français qui sont les seuls étrangers; leur nombre décroît brutalement en juillet et ils sont ensuite entièrement remplacés par des prisonniers russes. Jusqu’en février 1943, il n’y a pas de travailleurs civils français; à partir de mars, ils sont une trentaine (sur 140 étrangers) et leur nombre décroît progressivement jusqu’en août 1944, dernier mois de leur présence. À Großenbaum, les Français arrivent aussi en mars 1943. Ils sont 36 sur un total de 266 étrangers (les autres étant des Russes et des Hollandais). En juillet, ils atteignent 71 ouvriers sur un total de 286, le groupe ayant été complété par des Belges, des Polonais puis des Italiens. Ce nombre reste à peu près égal jusqu’en février 1945, dernier mois de leur séjour.

50L’exploitation maximale chez Krupp

51Les usines Krupp, très nombreuses en Allemagne, étaient parmi les plus gros employeurs de l’industrie : au moment de l’entrée en guerre, 112852 personnes y travaillent, dont 63775 pour la seule unité de Essen, qui est la société mère.

52C’est une des rares entreprises qui parvient encore, jusqu’en septembre 1941, à faire grimper le nombre des travailleurs allemands qu’elle emploie, et la main-d’œuvre étrangère ne joue, jusqu’à cette date, qu’un rôle encore marginal. Mais la situation de l’emploi se dégradant rapidement avec l’accélération des incorporations dans la Wehrmacht (entre septembre 1941 et septembre 1942,20000 ouvriers et employés allemands sont retirés au Konzern), les dirigeants de Krupp vont se tourner vers d’autres ouvriers [48].

53Pour cela, ils décident de créer leur propre structure de recrutement, dirigée par A. Lehmann qui négocie avec l’armée pour les prisonniers, avec le DAF pour la main-d’œuvre civile étrangère, et qui dépêche aussi des recruteurs directement dans les pays occupés. On prête en particulier une attention grandissante à la main-d’œuvre française, hautement qualifiée [49]. La pression sur la production est grande, les exigences augmentent alors que seule une partie de la main-d’œuvre réclamée est « livrée » : en mai 1942, alors que les besoins sont de 10014 ouvriers, seuls 2867 sont fournis, de même en juillet, 3977 ouvriers sont recrutés, alors qu’il en faudrait 12896. Avant de se voir attribuer des contingents de travailleurs par le DAF, les entreprises doivent en effet justifier qu’elles sont en mesure d’assurer leur entretien et leur logement. Or, en novembre 1942, la firme a déjà reçu 17390 étrangers depuis le début de la guerre et les constructions de camps n’arrivent plus à suivre [50].

54Ces usines employèrent au minimum 70000 travailleurs étrangers provenant de tous les pays sous domination allemande [51]. Le premier groupe en importance numérique était celui des Polonais, les Français arrivant au deuxième rang, suivis de travailleurs forcés de très nombreuses nationalités de toute l’Europe. Les travailleurs de l’Ouest bénéficiaient chez Krupp d’un meilleur traitement – si on peut le dire ainsi – que celui des personnes de l’Est qui étaient toutes violemment maltraitées. La firme employa aussi des prisonniers de guerre, 21000, en premier lieu des Français, des Russes et des Yougoslaves, mais aussi des militaires italiens internés – après septembre 1943 – et plus de 5000 personnes prises dans les camps de concentration, soi-disant « prisonniers politiques », de très nombreuses nationalités.

55On peut noter de très étonnantes fluctuations dans la main-d’œuvre étrangère. Entre le mois de juillet et la fin de l’année 1942, arrivent 16000 étrangers pour la seule usine d’Essen, parmi lesquels 8000 Français. Mais jusqu’à l’automne 1943, ce chiffre total chute de moitié, et le nombre de Français, des trois-quarts [52]. Il faut sans doute y voir les conséquences des attaques aériennes des 5 et 12 mars 1943, qui font brutalement chuter le nombre de places disponibles dans les campements de Krupp de 26588 à 12356. À partir de cette date, et jusqu’à la fin de la guerre, l’entreprise va reconstruire encore 22000 places en camp, mais une partie est à nouveau détruite [53].

56Presque toutes les unités employèrent ces travailleurs forcés. Sur l’ensemble des usines contrôlées par le Konzern Krupp, on a des assurances sur plus de 76 unités en Allemagne et trois en France en ce qui concerne les travailleurs forcés, et pour au moins 58 usines en Allemagne et dans les pays occupés en ce qui concerne les prisonniers de guerre. Pour ce qui est de l’utilisation de la maind’œuvre des camps, elle est attestée au minimum dans cinq usines en Allemagne, une en France et une autre à l’intérieur même du camp d’Auschwitz, en Pologne.

57Les méthodes de recrutement et de gestion des travailleurs et des prisonniers français étaient brutales et bénéficiaient d’une grande complicité de la part des autorités officielles. À la Elmag (située en France) par exemple, en 1944, on prélève des travailleurs français pour les expédier à la Krupp-Südwerke de Nürnberg. Les principaux dirigeants étaient personnellement et régulièrement tenus au courant de ces transferts. Lehmann fit de nombreux voyages aux Pays-Bas, en Belgique, en France en Pologne et en Italie pour « recruter » des travailleurs. Non seulement ils assistaient les autorités militaires ou gouvernementales pour ces recrutements, mais ils faisaient aussi pression sur eux, en exigeant toujours plus. De véritables chasses à l’homme furent alors conduites et des hommes valides furent expédiés en Allemagne comme « condamnés » sans avoir été accusés de quoi que ce soit. À leur arrivée, beaucoup restaient dans un camp pénitentiaire pendant trois mois au cours desquels ils devaient travailler de force dans des usines Krupp. Si leur conduite était considérée comme correcte, ils recevaient le statut de travailleur « libre », toujours pour la même firme. Le nombre d’ouvriers français employés par Krupp, pour la seule usine de coulage d’acier d’Essen, passa de 293 en octobre 1942 à 5811 en mars 1943.

58La première action Sauckel en France avait en effet permis à la firme de recevoir près de 8000 travailleurs français, à l’automne 1942, parmi lesquels un nombre important de travailleurs spécialistes. Les Français y représentent en effet le contingent le mieux formé : 39,5% sont des spécialistes du métier, 42,8% sont déjà des ouvriers qualifiés et seulement 17,7% sont des manœuvres [54]. Les Hollandais et les Italiens ne sont des spécialistes qu’à 23%, et les travailleurs de l’Est, qu’à 5%. Pour la firme c’était une bonne opération, parce que ces travailleurs pouvaient être traités globalement comme les travailleurs allemands (salaires, entretien), qu’ils n’avaient pas besoin d’une surveillance particulière et qu’ils pouvaient occuper n’importe quel poste de travail. Ainsi, alors que seulement 15,5% des travailleurs de l’Est sont employés dans les ateliers « à feu », c’est-à-dire les hauts-fourneaux et les fours, ce sont 46% des Français qui peuvent y être employés [55].

FIGURE 4

LA MAIN -D’ŒUVRE FRANÇAISE EMPLOYÉE DANS LA GUßTAHLFABRIK DE KRUPP (ESSEN )

FIGURE 4
FIGURE 4 LA MAIN -D’ŒUVRE FRANÇAISE EMPLOYÉE DANS LA GUßTAHLFABRIK DE KRUPP (ESSEN ) fév. 1945sept. 1944/04/1944janv. 1944sept. 1943mars. 1943janv. 1943juil. 1942janv. 1942juil. 1941janv. 1941déc. 1940sept. 1940 avr. Civils français Prisonniers de guerre françaisTotal main d'œuvre étrangère (PG et civils)-

LA MAIN -D’ŒUVRE FRANÇAISE EMPLOYÉE DANS LA GUßTAHLFABRIK DE KRUPP (ESSEN )

59À la Gußstahlfabrik (Essen) en décembre 1940, les Français représentent 68% du total de la main-d’œuvre étrangère, mais ils ne sont encore que 589.

60Le maximum de leur effectif se situe en janvier 1943 : ils sont alors 9393, mais ne représentent plus que 38% de ce total. Leur nombre et leur part relative ne fait ensuite que décroître pour aboutir à 1788 ouvriers en février 1945, soit 15% des étrangers. Jusqu’au milieu de l’année 1942, il s’agit pour l’essentiel de prisonniers de guerre français (autour de 1100 entre 1941 et 1942). L’apport massif de la fin de l’année 1942 fait basculer le rapport entre travailleurs civils et prisonniers français.

CONDITIONS DE TRAVAIL ET SALAIRES

61Si l’Allemagne avait tenu les promesses annoncées par sa propagandeaux travailleurs français qui venaient chez elle – propagande relayée en France par les autorités de Vichy –, le niveau de vie de ces ouvriers français aurait alors été tout à fait satisfaisant, pour l’époque. Mais la réalité fut tout autre. On peut dire qu’en moyenne, le traitement des ouvriers français ne fut pas loin de celui des travaux forcés. En théorie, ces travailleurs devaient se voir accorder les mêmes conditions de travail et les mêmes avantages financiers et sociaux que les ouvriers allemands. Dans les faits, ils étaient en général moins bien traités, que ce soit pour les salaires ou pour le nombre d’heures de travail [56].

Le salaire des ouvriers français

62L’hétérogénéité était grande dans le domaine des salaires : s’ils étaient plutôt élevés dans l’industrie allemande, surtout pour les spécialistes, ils étaient alourdis de taxes et d’impôts, et bloqués. En théorie, les travailleurs étrangers recevaient donc le même salaire que les travailleurs allemands. Dans la pratique, cela ne concernait que les ouvriers de l’Europe de l’Ouest : quelques cas montrent que la fourchette théorique des salaires était à peu près la même ou 10 à 20% plus basse. Le pourcentage des prélèvements obligatoires (impôts sur le revenu, couverture sociale et contribution au DAF) représente, à l’usine Mülheim des Vereinigte Stahlwerke, de 22,9% pour le salaire le plus élevé touché par un travailleur de l’Ouest à 18,4% pour le plus bas. Ce qui porte le salaire net mensuel – annoncé par l’entreprise, à un niveau situé entre 302 RM et 181 RM. Mais faut-il croire réellement ces chiffres ? Sans doute pas [57].

63La réalité des pratiques pouvait aboutir à des salaires bien plus bas, en particulier avec l’usage d’un système d’amendes qui diminuaient considérablement le salaire réel, dans certains cas. Un mot de travers à un contremaître valait, selon sa nature, de 6 à 20 RM d’amende. Les amendes pouvaient ainsi atteindre le montant du salaire hebdomadaire pour de légers manquements à la discipline [58], ce n’est cependant pas une pratique généralisée, même si elle pouvait pénaliser lourdement certains ouvriers [59]. À Wesel (Vereinigte Stahlwerke), pour les travailleurs étrangers, officiellement, le système des amendes financières n’existait pas [60]. Histoire revisitée ou exception locale ?

64On peut raisonnablement douter de ces affirmations, d’autant plus qu’il n’y a pas grand détail.

65Dans le Konzern Flick, le salaire mensuel d’un travailleur de l’Ouest, donc d’un Français, était de 67% de celui d’un travailleur de souche allemande.

66Ainsi le salaire mensuel de ce dernier était de 237 RM tandis que celui du Français ne dépassait pas 158 RM. Chez Krupp, le salaire du travailleur allemand était, fin 1942, de 180 RM mensuels, celui du Français de 165 RM, et moins de la moitié pour les travailleurs de l’Est. Quant aux Hermann Goeringswerke, en été 1940 à un travailleur de l’ouest n’y touchait que 143 RM tandis qu’un Allemand percevait jusqu’à 236 RM [61].

67Une autre source évoque le salaire proposé par Krupp pour un ouvrier spécialiste français : celui-ci est de 65 RM hebdomadaire, pour 60 heures de travail, en 1941 (avec en plus des primes pour les hommes mariés et une pension très faible) [62]. Cette firme a du mal, à cette date, à recruter des ouvriers spécialisés français et le salaire proposé, après de longues négociations, est le meilleur qu’elle accepte de donner, affirmant qu’elle offre là les mêmes conditions que celles faites aux ouvriers allemands. Le salaire effectivement constaté se situe entre 100 et 200 RM par mois, le plus souvent autour de 120 RM, mais les écarts entre spécialistes et manœuvres sont très importants [63]. La différence, dans cette usine et à cette date, est de 34% de moins pour un Français spécialiste et de 46% de moins pour un manœuvre. À l’usine Dinslaken des Vereinigte Stahlwerke, on peut aussi constater quelques différences de traitement entre nationalités, les Français étant les moins bien lotis des travailleurs « volontaires » de l’Ouest, les Hollandais recevant un salaire plus proche de celui des Allemands (respectivement 240 et 300 RM de salaire mensuel brut) [64].

68Selon un rapport rendu aux autorités alliées après la guerre, les travailleurs étrangers de l’Ouest auraient été payés, chez Mannesmann, comme les employés allemands du même âge et du même grade; ils auraient reçu leur salaire intégralement après déduction des taxes usuelles, auraient fait les mêmes horaires et reçu les mêmes avantages (suppléments pour les jours fériés et paiement des heures supplémentaires) [65]. De plus, on ne leur retirait pas la contribution à l’aide d’hiver que payaient les ouvriers allemands. On y trouve des exemples de salaires pour des ouvriers français, pour le mois de janvier 1944, ce qui permet, si l’on fait confiance à ces écrits, de comparer le traitement réservé aux différentes catégories d’ouvriers, selon leur qualification.

69Pour les prisonniers français, on ne sait pas si le salaire dit « net » leur était vraiment intégralement versé : la direction de Mannesmann se retranche derrière le fait qu’elle n’était pas maître de leur entretien ni de leur garde et qu’elle n’avait donc aucun contrôle dessus. Les sommes étaient versées au chef du camp et non directement aux prisonniers. Elles n’étaient sans doute pas intégralement redistribuées. À la Heinrich-Bierwes-Hütte (Mannesmann), le salaire des prisonniers de guerre français a varié au cours de la guerre, mais on ne sait pas non plus la part qu’ils en touchaient réellement. On annonce, pour 1940, la somme de 0,33 RM par heure; en 1941, les salaires sont désormais payés par l’entreprise, le prisonnier reçoit alors 0,70 RM par jour (dimanches et heures supplémentaires payés en plus, jusqu’en août 1941 où une ordonnance l’interdit) [66]. Du côté des travailleurs civils, les salaires avancés sont beaucoup plus importants.

70Des exemples indiquent donc que, sur le papier, les ouvriers français recevaient sensiblement les mêmes salaires que leurs collègues allemands. La différence se sentait plutôt au niveau de la durée du travail, des heures et des travaux supplémentaires. Le salaire est parfois irrégulier, vers la fin de la guerre, à cause des alertes aériennes qui interrompent le travail pour quelques heures, voire quelques jours [67]. Lors des recrutements du début de la guerre, on avait promis aux jeunes volontaires français qu’ils recevraient une formation professionnelle, et donc par la suite un salaire de spécialiste, à l’issue d’une période d’apprentissage pendant laquelle ils recevaient naturellement un salaire d’apprenti. Dans les faits, les ouvriers non-spécialistes se voyaient confier des tâches sans qualification et même après la période de l’apprentissage, on les mettait à des tâches de terrassement ou de manœuvre pour lesquelles ils percevaient toujours le salaire d’apprenti, tandis que les Allemands employés à la même tâche percevaient deux à trois fois plus [68].

71Sans basculer dans une justification des inégalités de traitement, il faut cependant un peu relativiser le problème des salaires. En effet, – et on peut le comprendre aisément – les études montrent que la productivité des étrangers représentait en général de 60 à 80% de celle des Allemands (moins pour les Soviétiques), pour des raisons évidentes de mauvaise alimentation et de mauvais traitement, mais aussi pour deux facteurs non négligeables; l’absence de qualification dans la branche et le problème de la langue, la mauvaise compréhension ayant des conséquences sur la qualité et la rapidité du travail tout comme sur les accidents. Ainsi, en novembre 1942, on estime, à la Gußtahlfabrik d’Essen (Krupp), que l’indice de rentabilité parmi les ouvriers spécialistes, rapporté à une base 100 pour un travailleur allemand de la même catégorie, est de 91 pour un prisonnier français, de 84 pour un travailleur civil, alors qu’il tombe à 60 pour un Hollandais et même à 44 pour un prisonnier soviétique… Au total, le salaire rapporté à la productivité conduit à une rentabilité moins profitable. De ce fait, certains entrepreneurs avaient mis en place un système de primes pour faire monter la motivation au travail : argent et alimentation pour les travailleurs civils, alimentation et cigarettes pour les concentrationnaires [69].

72S’il est une inégalité de traitement à dénoncer, c’est avant tout celle que subissaient les travailleurs de l’Est. Or, parmi les travailleurs requis, de nombreux ouvriers venus de France étaient de nationalité étrangère et, dans le Nord-Est de la France travaillaient beaucoup de Polonais. Ceux-ci subirent aussi cette ségrégation anti-slave en ce qui concernait leur salaire : ces ouvriers de nationalité polonaise qui vivaient en France depuis 20 ans et furent requis en même temps que leurs camarades français qui travaillaient avec eux en Allemagne, virent leurs salaires nets amputés de 50%, sous le prétexte de « l’impôt spécial de reconstruction de Varsovie » [70].

La durée du travail

73Les méthodes de travail et la désorganisation de la production – relevées par de nombreux auteurs – étaient telles qu’une tâche qui aurait dû normalement être faite en quelques heures, contraignait les ouvriers étrangers à rester devant leur machine 11 à 12 heures sans interruption. Même quand, vers 1944-1945, les matières premières se mirent à manquer, on les contraignait à rester dans les ateliers et à faire semblant de travailler, méthode d’abrutissement par excellence. Ces difficultés psychologiques, qui s’ajoutaient aux conditions matérielles difficiles, faisaient que le moral était au plus bas chez beaucoup d’ouvriers.

74Officiellement, les travailleurs étrangers avaient à Wesel (Vereinigte Stahlwerke) les mêmes conditions de travail que les Allemands : mêmes horaires ( 11 heures de travail et 1 heure de pause) et pas d’heures supplémentaires [71]. Les ouvriers français et allemands auraient, de plus, travaillé dans une bonne entente. Dans l’usine Krupp d’Essen (Gußtahlfabrik), le plus haut niveau de travail est atteint en juillet 1940, un total mensuel de près de 243 heures (y compris plus de 20 heures supplémentaires). Ensuite, la charge de travail diminue d’une quinzaine d’heures en moyenne, pour remonter, en mars 1944, à un total de 241 heures. Mais ici encore, il y a des différences en fonction des nationalités – très probablement liées à l’efficacité du travail. Quelques exemples montrent que, dans cette usine (à l’aciérie), la charge de travail des ouvriers allemands est à peu près identique à celle des Français, voire supérieure, tandis que celle des ouvriers de l’Est se situe entre 5 et 25% en dessous de celle des Allemands [72]. On préférait donc très nettement faire appel aux Allemands et aux ouvriers de l’Ouest, quand un supplément de travail était nécessaire.

75En théorie, le nombre d’heures de travail était donc le même pour tous, mais la réalité démontra souvent la volonté du pouvoir nazi d’utiliser le potentiel humain des territoires occupés jusqu’à l’extrême limite de sa force. Alors que la durée légale du travail avait été fixée à 54 heures par semaine [73], en réalité la plupart des travailleurs étrangers subissaient un horaire plus lourd encore : travaux supplémentaires, travaux exceptionnels et heures de rattrapage retombaient le plus souvent sur les étrangers. Il n’était pas rare que ces derniers fussent contraints de travailler plus de 11 heures par jour, soit 66 heures par semaine s’ils bénéficiaient d’un repos hebdomadaire.

76À la Hermann Goeringswerke de Linz, on travaille par deux équipes successives pendant 12 heures avec une heure de pause, et le plus souvent aussi le week-end [74]. C’est aussi le cas à la Spandauer Stahlindustrie (Berlin) : 12 heures par jour pendant 6 jours, soit une semaine de 72 heures de travail, auxquelles il fallait ajouter deux heures de transport par jour… Et l’on n’est pas à l’abri d’être en plus réveillé à 4 h 30 du matin, un 24 décembre, afin d’être à nouveau au travail à 7 h 30, et ce pour près de 10 heures, sous le prétexte que le travail n’avait pas été assez sérieux dans la semaine…  [75] Cette moyenne d’heures ouvrées montait parfois à 12 heures et plus, comme à la Maschinenfabrik de Berlin ou dans les ateliers Krupp de Königsberg [76]. Quand les alertes aériennes avaient fait perdre du temps de travail, on les rattrapait en heures supplémentaires de jour ou de nuit [77]. Les conditions de travail étaient donc parfois assez proches de celles de travaux forcés. On doit ajouter à cela l’hostilité et la brutalité des contremaîtres particulièrement des gardiens des usines qui étaient presque toujours membres de la Gestapo. Quant aux conditions de vie, elles différaient aussi très nettement de celles promises par la propagande.

LES CONDITIONS DE SURVIE

77La propagande allemande en France montrait en effet des images d’ateliers modèles et de logements très modernes et très confortables. Mais les nouveaux venus déchantèrent vite et la plupart vécurent dans de très mauvaises conditions. Pour commencer, malgré toutes les promesses faites par les Nazis en France, les couples qui acceptaient de partir sous la condition de ne pas être séparés, l’étaient, et dès leur arrivée en Allemagne. Ensuite, les logements étant de nature très différente, seuls ceux qui se trouvaient dans des petites structures avaient des conditions à peu près décentes.

Le logement

78On trouvait en effet trois types de logements : logement privé (chez des particuliers), logement dans des bâtiments divers (écoles, théâtres, etc.) et baraquements construits spécialement à cet usage. Seule une minorité plus favorisée était concernée par les deux premières catégories. Cependant, à partir de l’année 1942, avec les destructions fréquentes dues aux bombardements, on chercha des solutions d’urgence, et dans le cas Krupp d’Essen, la direction demanda à ses propres ouvriers s’ils pouvaient sous-louer une partie de leur logement pour les ouvriers de l’Ouest dont les Français représentaient la grande majorité. En mars 1943, pour l’ensemble de la ville d’Essen, la ville de la sidérurgie par excellence, il y avait environ 35000 travailleurs étrangers dont un quart était logé dans des logements privés, et ce chiffre ne fit qu’augmenter par la suite.

79Or, cet état de fait était fortement critiqué par le Parti nazi car les travailleurs ainsi mêlés à la population étaient difficilement contrôlables, y compris dans leurs relations « intimes » avec les Allemand(e)s [78]. On a vu que les prisonniers avaient été séparés du reste de la population, dès septembre 1940.

80Une ordonnance de janvier 1941 fit de même pour les travailleurs civils : ceux-ci sont désormais divisés en deux catégories, ceux de souche allemande et les autres étrangers de l’Ouest, les premiers devant être logés dans des quartiers réservés [79]. La réalité montre que ce ne fut pas toujours le cas, et que, bien au contraire, les travailleurs de l’Ouest se retrouvèrent mêlés de plus en plus aux Allemands, avec les difficultés de logement qui augmentaient.

81Les baraquements destinés à ces travailleurs étaient souvent bien conçus, mais ils avaient été construits à la va-vite, le bois était vert et il manquait souvent un doublage. Les dégâts consécutifs aux attaques aériennes, en particulier les vitres brisées, n’étaient réparés que tardivement. Quant au chauffage, en dehors du fait que souvent les baraquements étaient ouverts à tous les vents, les restrictions de charbon furent bientôt si dures que l’on pouvait à peine chauffer 2 à 3 heures par jour. Dans les camps de Prusse, il faisait si froid dans les nuits d’hiver que les ouvriers ne pouvaient pas du tout dormir [80].

82Ces camps sont pour la plupart entourés de barbelés et la vie y est très strictement organisée. Dans certaines régions, cette population étrangère transforme totalement l’environnement de petites villes autrefois beaucoup plus calmes. Ainsi, Linz passe rapidement d’une ville provinciale de jardins à une ville de baraquements, plus de 60 au total, renfermant jusqu’à 45000 personnes, soit un quart de la population totale de cette ville autrichienne. Les camps étaient en général organisés directement par les entreprises qui coopéraient aussi avec la SS, en particulier pour l’utilisation de la main-d’œuvre concentrationnaire [81].

83En ce qui concerne l’hygiène, la durée de la journée de travail laissait peu de loisir pour s’occuper de son linge et de son corps. Il faut ajouter que dans certains camps les aménagements les plus essentiels étaient absents. Ainsi, au camp WNF Fischament (Wien) il n’y avait qu’un seul point d’eau pour 600 travailleurs et à l’extérieur de surcroît, le baraquement le plus éloigné se trouvant à 800 mètres. En hiver, il était impossible à utiliser, la température descendant jusqu’à -30 °C. Les installations sanitaires étaient plus que déficitaires : à Friedrichhafen, on dénombrait seulement 6 WC pour 900 personnes !

84Des épidémies s’en suivirent qui atteignaient facilement des personnes déjà affaiblies par la vermine, certaines paillasses n’étant changées que tous les ans.

85Un peu partout, les alertes au typhus n’étaient pas rares [82].

86Parfois, le logement semble à peu près convenable, comme c’est le cas pour l’usine de Mühlheim (Vereinigte Stahlwerke) où certains ouvriers, parmi lesquels des Français, sont logés dans un foyer d’apprentis puis dans une maison équipée de sanitaires, d’eau chaude et de chauffage [83]. Mais après sa destruction en 1943, le relogement se fait dans cinq baraquements où, sur 1360 m2 sont logées jusqu’à 443 personnes, séparées par nationalité [84]. Les locaux sont nettement moins confortables, sans eau chaude, avec un simple poële à charbon et seuls trois baraquements sont équipés de sanitaires. Les prisonniers de guerre français employés dans cette même usine sont sous la surveillance de la Wehrmacht et sont logés dans un ancien bâtiment administratif, agrandi par cinq baraques en bois. Trois niveaux de logement dans le bâtiment principal, de 420 m2 chacun et quatre baraques de 165 m2 chacune, la cinquième contient une salle de prières et une bibliothèque. Le chiffre le plus haut d’occupation a été de 268 prisonniers français, arrivés dès le 20 juillet 1940. L’équipement sanitaire semble correct, de l’eau chaude est à disposition et même une machine à laver, toujours selon les archives de l’entreprise… sans doute à relativiser.

87Les directions des différentes unités du groupe Mannesmann insistent toutes sur le bon traitement des travailleurs étrangers, en distinguant cependant le sort des prisonniers de guerre, qui étaient logés, nourris et gardés par la Wehrmacht, de celui des civils, sous la responsabilité directe de l’entreprise.

88Selon les dires de l’entreprise, tous les employés étrangers (sans doute ceux de l’administration centrale), étaient logés dans des chambres meublées qu’ils avaient eux-mêmes choisies ou qu’on leur avait proposées et Mannesmann avait décliné l’offre des autorités publiques de les loger dans des camps [85]. Ils avaient droit aussi aux mêmes vacances, à la même alimentation, etc., que les autres employés. Tout cela relevait sans doute de la théorie… Le même confort n’était en tout cas pas proposé à la mine Consolidation, du même Konzern, où 180 prisonniers de guerre étaient logés dans un seul dortoir [86]. À Witten, la place dans l’usine ne permettant d’y construire des baraquements, les travailleurs de l’Ouest étaient logés en ville. Les prisonniers français étaient logés dans une petite baraque surpeuplée partagée par plusieurs entreprises.

Se nourrir

89Pour ces ouvriers souvent très jeunes, employés à des tâches très fatigantes, l’obsession de la faim était quotidienne. Se nourrir relevait alors – d’un véritable parcours du combattant et la cuisine est le baraquement clé de chaque Lager. Dans certains camps, les ouvriers français devaient se débrouiller seuls pour leur nourriture : ils recevaient des cartes d’alimentation comme les civils allemands, mais en aucun cas une part de combustible. Dans les autres cas, ce n’était guère mieux. Ils devaient donner leur carte d’alimentation (dont les frais étaient déduits de leur salaire, le prix de la « pension » variant de 1 RM à 1,5 RM par jour [87]) pour bénéficier de repas en général composés de café (le plus souvent ersatz) et pain, le matin, d’une soupe épaisse, le plus souvent aux choux et aux navets, le midi et le soir, le tout accompagné une ou deux fois par semaine par un complément de viande (très peu) et parfois un peu de graisse ou un peu de confiture [88]. Au camp de Spandau-Ouest, les ouvriers français qui travaillent pour la Klöckner-Fabrik de Berlin-Tempelhof ne reçoivent à manger qu’une fois par jour, le soir. Ce repas consiste en une soupe de choux, un petit morceau de pain avec un tout petit peu de margarine et un peu de saucisse. Pour l’appétit d’un homme de vingt ans, c’est particulièrement dur [89] ! Les travailleurs qui ne voulaient pas mourir d’épuisement devaient se tourner vers le marché noir pour se procurer des compléments indispensables, ce qui était risqué s’ils se faisaient prendre par la Gestapo et leur coûtait souvent une bonne partie de leur salaire restant.

90Dans les usines Mannesmann, les civils français recevaient des cartes d’alimentation comme les Allemands, ils avaient accès à la cantine de l’usine avec les autres travailleurs allemands et y prenaient leur repas en commun, celui-ci comprenant 200 g de viande, 40 g de graisse et 100 g de produits alimentaires par semaine. Ils devaient par contre se procurer seul pain, saucisse et margarine pour le petit-déjeuner.

91D’autres exemples de traitement convenable de la main-d’œuvre française peuvent être trouvés dans les archives, comme le montre cette enquête de 1943 dans une dizaine d’entreprises sidérurgiques allemandes. Une analyse comparative de la nourriture distribuée à chaque repas a été faite pour ces usines : la société Güttehoffnungshütte est celle qui, de très loin, traite le mieux les ouvriers français, l’usine d’Arsenal et celle de Brück an der Mür étant, au contraire, celles qui les traitent le moins bien, en ce qui concerne la nourriture [90].

92Vues les difficultés de survie, l’essentiel des correspondances de ces travailleurs forcés avec l’administration française ou avec leur famille porte sur l’envoi de colis, de nourriture et de vêtement [91]. Un « costume Bruneton » a été promis à tous les travailleurs qui n’ont reçu qu’une seule tenue depuis le début de leur séjour en Allemagne et des chaussures sont souvent réclamées.

93On constate aussi que les ouvriers requis, issus de la sidérurgie française, gardent des liens avec leur firme d’origine, celle-ci se préoccupant régulièrement, auprès des autorités françaises, des conditions de vie de leurs employés. M. de Nervo (Société des forges et aciéries d’Anzin) remet, en juin 1943, un mémorandum complet sur la situation détaillée de ses ouvriers déportés en Allemagne [92]. Il demande au Commissaire Bruneton une intervention sur différents dossiers.

94D’une manière générale, il relève, sauf exception, de mauvaises conditions de logement et de nourriture, citant la firme Maschinen-Fabrik (Ettingen dans le Wurtemberg) comme une entreprise où les Français sont très mal nourris et logéset où ils subissent, de plus, une discipline très dure. Les conditions de travail sont souvent difficiles : à l’usine sidérurgique de Knapsak, les ouvriers travaillent aux fours à carbure d’où émanent des vapeurs et des poussières nocives. Les Allemands reçoivent du lait comme antidote, mais les Français n’en reçoivent pas.

La discipline

95Chez Krupp, une fois les travailleurs « recrutés », il fallait les obliger à rester et à travailler. Toutes les mesures de coercition étaient utilisées pour obliger ceux-ci à entrer et à rester dans cette servitude involontaire : gardes armés, fils barbelés et toutes les mesures pour empêcher les liens avec la population allemande et les tentatives d’évasion [93]. On a trouvé quelques traces de l’expression d’un désir de fournir de bonnes conditions pour ces travailleurs, mais à cela aucune compassion : elles étaient seulement motivées par des plaintes au sujet de mauvais traitements ou de mauvaise nourriture et logement, parvenues en France sous forme de lettres. Celles-ci présentaient un danger pour le système de recrutement allemand en général, et pour les avantages qu’en tirait Krupp en particulier [94].

96Dans les usines, la propre police de Krupp travaillait de pair avec la Gestapo. En 1942, l’un des dirigeants, Ihn, diffuse une circulaire qui rappelle à la population que « tous les prisonniers de guerre – même les Français – sont membres de pays ennemis ». Pénalités, tortures, mauvais traitements dont de cruelles bastonnades, étaient souvent infligés sous le contrôle des directeurs des usines ou du patron lui-même, et jusqu’à des meurtres. On construisit, à l’intérieur même des usines Krupp, des équipements spéciaux destinés à ces pratiques de torture et ce, même à Essen, dans l’unité principale et sous les yeux de la direction générale. Les travailleurs qui ne se pliaient pas à la discipline étaient envoyés dans les Arbeitserziehungslager (AEL), des camps spéciaux disciplinaires dans lesquels les traitements étaient d’une cruauté sans limite [95]. Cependant les travailleurs allemands n’étaient pas non plus épargnés, loin de là. Ainsi, dans le Konzern Krupp, on estime que furent envoyés dans ces AEL une moyenne de 5 ouvriers étrangers et de 8 ouvriers allemands par mois [96]. Les conditions de survie des travailleurs français des usines Krupp, prisonniers de guerre, furent donc particulièrement désastreuses. On dispose d’une déposition du Dr Jaeger, médecin-chef des camps de travailleurs des usines Krupp, qui laisse sans voix.

97

« Le Dr Jaeger rappelait que les travailleurs français des usines Krupp, prisonniers de guerre, avaient été logés pendant près d’une demi-année, dans des chenils, dans des urinoirs, dans des anciens fours. Les chenils avaient trois pieds de haut, neuf de long et six de large, et les hommes y couchaient à raison de 5 par chenil. (… ) Ils ont été nourris de façon décente dans la mesure où le service de la main-d’œuvre désirait préserver ou accroître leur capacité de travail; ils ont été réduits à la disette dès le moment où, pour quelque raison que ce soit, leur rendement industriel s’amoindrissait. Ils entraient alors dans cette catégorie des forces mortes dont le national-socialisme a poursuivi la destruction » [97].

98Il semble qu’avec le temps apparaissent, d’une manière générale, de plus en plus de problèmes de discipline. En octobre 1943, Röchling évoque ces difficultés, sans doute graves puisqu’il réclame, au nom de l’industrie sidérurgique, des mesures sévères, y compris l’envoi en camp de concentration [98], mais il souligne qu’il faut aussi que les ouvriers étrangers soient nourris et vêtus correctement, ce qui est loin d’être le cas et qui explique une part de l’agitation. Il exige qu’un responsable soit chargé spécifiquement de ce problème de la discipline dans chaque usine [99].

Les loisirs

99Du côté de la Reichsvereinigung Eisen, on veut pourtant montrer que l’on se préoccupe du sort et même du confort des ouvriers étrangers et diverses études sont menées à ce sujet [100]. Une « Amicale des travailleurs français en Allemagne » a été créée qui, selon les Allemands, dépend directement de la Reichsvereinigung Eisen, car un nombre croissant, dit-on, de Français sont incorporés dans les usines qui en dépendent [101]. Or, ces Français, contrairement aux autres ressortissants étrangers, n’ont pas encore d’organisation propre en Allemagne. On avait, dans un premier temps, permis la publication d’un journal hebdomadaire, Le Pont, qui devait être un lien entre les Français des différentes régions d’Allemagne [102]. En juin 1943, ce journal est distribué en quelques exemplaires dans plus de 100 entreprises industrielles, ce qui révèle ainsi la présence de Français dans certaines entreprises sidérurgiques [103]. En relation avec ce journal, on a élargi les publications en français à d’autres ouvrages, littéraires ou de propagande, ainsi qu’à des livres censés permettre une meilleure connaissance de la culture et de la langue allemande, ce à quoi visaient également un certain nombre de cours organisés à cet effet [104]. En mars 1944 paraît un nouveau journal destiné aux travailleurs de l’industrie, La Voix de la main-d’œuvre française en Allemagne, édité par la DOF [105].

100C’est pour prolonger ces actions vers les loisirs qu’a été créée l’association évoquée ci-dessus. Elle répond d’abord aux besoins des ouvriers français dispersés dans des logements privés ou qui sont plus isolés. Il faut leur fournir des lieux de rencontre qui, certes, existent déjà dans les cafés et commerces [106], mais sont complétés par les locaux des sections de cette Amicale. On encourage aussi la création de telles sections dans les camps plus importants où l’on propose de la lecture, des films, des activités sportives ou culturelles (théâtre, musique) ou même de formation [107]. Beau programme ! Effectivement, on peut relever quelques activités telles que des spectacles de music-hall, ou encore des matchs de football organisés contre des équipes allemandes [108]. Il ne faut évidemment pas y voir le quotidien de ces travailleurs, mais une simple vitrine, à destination tant de ces ouvriers qu’à celle de leur famille. On relève cependant dans les correspondances à la DOF, des demandes de pièces de théâtre, de partitions, d’instruments de musique, de livres divers ou de matériel de sport, preuve d’une activité réelle – sinon importante – sur le terrain.

101On espère bien sûr des retombées positives de ces diverses activités, en particulier sur la discipline et également sur le rendement. Les « meilleurs éléments » seront d’abord attirés et ils pourront ensuite avoir une influence favorable sur leurs compatriotes. On dit attendre encore plus de ces ouvriers français, espérant jusqu’à un engagement de soutien à la politique allemande afin « d’influencer les actions politiques dans le sens de la nouvelle Europe » [109]. On voit ainsi que les ouvriers français, au moins dans les textes, reçoivent un traitement spécifique dans l’optique de la future Europe réorganisée autour de l’influence allemande. La Délégation française a mis au point un réseau de délégués sur le territoire du Reich, en collaboration avec le DAF.

102Ainsi, il existe une délégation régionale par Gau et des délégués de Kreis[110]. À l’intérieur du Gau, la hiérarchie des délégués s’établit donc de la façon suivante : délégué régional, délégué de Kreis, délégué de camps et d’usines. Pour remplir les nouveaux postes de délégués de Kreis, la DOF a fréquemment fait appel aux prisonniers de guerre transformés dont on estime qu’ils « font preuve d’un excellent esprit » et que « dans les camps, [ils] ont une excellente tenue et offrent le meilleur exemple à leurs camarades » [111].

Maladies, décès et fuites

103Le président d’Anzin évoque la grande difficulté de vie dans certains énormes camps, tel celui de Gratz (Autriche), où la promiscuité est grande. Les conditions sanitaires y sont particulièrement mauvaises, comme dans beaucoup d’autres endroits où les conditions des visites médicales sont souvent faites pour être décourageantes : travail jusqu’à l’heure de la visite, même tardive, grand éloignement de l’infirmerie, parfois hors du camp, et autres tracasseries administratives [112]. Mais ce n’est pas systématiquement le cas. Pour l’usine Rath (Mannesmann), il existe le témoignage du médecin, le Dr F. Gravemann : le campement comprenait d’une petite infirmerie pour les prisonniers de guerre, des visites et des dépistages de maladies épidémiques étaient effectués et les civils y auraient disposé des mêmes conditions que les Allemands [113].

104Un document indique – de manière incomplète – le pourcentage de malades parmi les travailleurs étrangers, à l’usine Thyssen de Mühlheim. Pour les Français, on apprend qu’ils représentent environ 5,9% des malades, en 1944 comme en 1945. Dans cette usine, deux civils français sont morts de maladie entre 1942 et 1944 et deux prisonniers de guerre français sont morts sous les bombardements. En 1944, on indique aussi la mort par tuberculose d’un ouvrier français dans un hôpital de la ville, soit un bilan de cinq morts françaises au total, ce qui semble vraiment très peu. À l’usine de Wesel (groupe Thyssen), comme pour l’usine précédente, ce sont les Hollandais qui sont le plus atteints, avec un pourcentage toujours plus élevé de malades, jusqu’à 26,2%, en 1944, contre 8,4% pour les Allemands et seulement 4,7% pour les Français [114]. Les Hollandais sont proches de chez eux et souvent tardent à revenir des week-ends autorisés, c’est en tout cas l’explication avancée officiellement. À la Gußtahlfabrik de Krupp, le pourcentage d’ouvriers allemands malades est de 5,3% en janvier 1943 et atteint 10,6% en décembre 1944. Les ouvriers de l’Ouest sont respectivement 4,7 puis 5,7% à être malades, signe sans doute que l’on est un peu plus exigeant sur les symptômes avant de déclarer malade l’ouvrier qui consulte [115].

105Les malades disposaient parfois d’un médecin dans le camp, – rarement un Français –, mais celui-ci était tellement débordé que les visites étaient très superficielles. Dans de nombreux cas comme dans toutes les usines Krupp, Dornier, Siemens, par exemple, ce sont les contremaîtres eux-mêmes qui décidaient si l’ouvrier était en état de travailler ou pas. De nombreux ouvriers français sont morts par simple manque de soin, en l’absence de tout aide médicale dans leur camp. C’est pour cette raison que la Délégation française réclame des médecins français, car les rapports montrent que les médecins allemands sont en général durs avec les ouvriers français. Les responsables français sur place envoient des listes de villes et de firmes allemandes où se trouvent d’importants contingents d’ouvriers français et où les conditions sanitaires sont défectueuses.

106Certaines de ces firmes possèdent déjà un ou plusieurs médecins allemands mais étant donné le nombre d’ouvriers à examiner, on estime nécessaire d’adjoindre au service sanitaire allemand un ou plusieurs médecins français [116].

107Le total des employés français qui souffrent de ces mauvaises conditions sanitaires s’élève, en 1943, à plus de 220000 ouvriers employés dans l’industrie – essentiellement d’armement – dont plus de 20000 pour la sidérurgie [117]. Mais les autorités durcissent leur attitude. Le rapatriement des personnes malades de la tuberculose est interdit par la police et le Dr Bockaker, médecinchef de la Gestapo, interdit le 16 mars 1944 que dorénavant tout médecin ou assistant médical français soit autorisé à venir en visite [118].

108Plus le temps passe et plus les conditions de vie et de travail s’aggravent.

109Cela explique peut-être que l’on trouve de plus en plus de fuites de travailleurs, même si, chez les Français, elles sont plus limitées, ce qui confirme que ceux-ci étaient sans doute un peu mieux traités que les autres ouvriers étrangers.

Des conditions de vie qui se dégradent avec la fin de la guerre

110Les bombardements ont, dès 1941, visé les villes industrielles et l’on note en mai 1943, par exemple, de gros bombardements sur Bochum et Dortmund – villes de la sidérurgie – qui ont fait 25 morts chez les ouvriers français, de nombreux blessés et ont détruit totalement les baraquements et les maigres possessions de plus de 1000 de ces ouvriers. De même, 78 ouvriers français de la Demag (Duisburg) avaient été sinistrés suite au bombardement du 20 décembre 1942 [119]. Les difficultés ne font évidemment que croître avec le temps. Vers la fin de l’année 1944, à partir de septembre et même plus tôt, les difficultés militaires et les bombardements condamnent les activités de loisirs.

111Les travailleurs français sont consignés chez leur patron et n’ont plus l’autorisation de se déplacer seuls. Les nouvelles consignes sont appliquées plus ou moins souplement selon les villes, mais, au mieux, tous doivent s’en tenir au couvre-feu à 20 heures. [120].

112Le rapport de la circonscription d’Essen, où se concentre une grande partie de l’industrie sidérurgique allemande, fait le bilan pour l’année 1944. Il est lourd pour la main-d’œuvre française : 487 morts au total (dont 385 morts ainsi que 984 blessés, sous les bombardements) et 5343 malades ou blessés, admis en partie dans des hôpitaux (environ la moitié) ou gardés dans les infirmeries des camps [121]. Le même rapport constate des difficultés particulièrement importantes pour la firme Krupp, avec une pénurie de charbon et donc une absence de chauffage dans les chambres, tout comme des distributions de savon, lessive et tabac qui laissent à désirer et nécessitent sans cesse des réclamations de la part de la Délégation française. « Nous sommes obligés de constater l’impuissance de la Gauwaltung et des Kreiswaltungen devant l’inertie de certaines grosses firmes. Nous continuons cependant notre action auprès d’elles, notre patience étant sans limite, seul le résultat compte » [122]. En décembre 1944, un autre rapport (Hesse) constate que peu de camps sont chauffés et que, de ce fait, le nombre de malades est en augmentation, d’autant plus que les destructions dues aux bombardements ne sont pas réparées et que la dégradation des baraquements est grande. L’évolution politique française ajoute aux difficultés : la fuite de Pétain et la fin du gouvernement de Vichy compliquent la position de ces travailleurs qui se retrouvent en situation d’ennemis sur le territoire du Reich [123].

113***

114Pour la France, les chiffres annoncés dès 1945 étaient de 722950 ouvriers déportés en Allemagne, dont 246000 ouvriers spécialistes pris dans la maind’œuvre industrielle [124]. Des études récentes montrent que la réalité des déportations du travail fut sans doute un peu inférieure : on estime aujourd’hui à 650000 les travailleurs forcés, auxquels il convient bien sûr d’ajouter les volontaires [125]. Il faut aussi y ajouter 1,5 million de prisonniers. La statistique des ouvriers étrangers décédés en déportation n’avait pas encore été faite en 1946, mais on évaluait déjà à 25000 les ouvriers français morts en Allemagne au cours de leur déportation [126]. Toutes ces morts ne furent pas dues à la sous-nutrition, à la maladie ou aux bombardements, car à l’extermination lente s’ajouta l’extermination rapide dans les camps de concentration ou de discipline (AEL), quand l’utilité de l’ouvrier s’avérait insuffisante ou par mesure de punition et d’exemple.

115Il faut cependant reconnaître que le sort des ouvriers et des prisonniers français, dans l’industrie allemande, s’il fut très pénible, ne peut pas être mis en parallèle avec celui subi par les travailleurs et prisonniers polonais et soviétiques. En ce qui concerne les conditions de travail et parfois de logement, au moins dans les premières années de la guerre, le sort des ouvriers français spécialistes employés dans la sidérurgie fut probablement assez proche de celui de leurs collègues allemands, mais on a vu que leur traitement fut cependant très variable d’une entreprise à l’autre. Les autorités nazies dénonçaient même parfois la trop bonne entente entre les deux, sous-entendu les risques d’amitiés ou de relations trop intimes avec des Allemands ou Allemandes [127]. Cependant, la différence majeure était tout simplement la situation de contrainte dans laquelle se trouvaient les Français et toutes les pressions et les discriminations qui s’en suivaient.

116Pour ma part, j’estime qu’un minimum de 30000 ouvriers français – tant requis, volontaires que prisonniers – travaillèrent directement pour la sidérurgie allemande, au moins entre 1942 et 1945. Pour l’ensemble de l’industrie de guerre, dont une grande partie de la production était aussi contrôlée par les grands Konzerne sidérurgiques, ce chiffre dépasse sans doute les 250000. Les ouvriers français ont donc été largement utilisés et exploités par l’industrie sidérurgique allemande, tant dans le Reich même que dans les territoires occupés.

117Ces ouvriers français qui arrivèrent en nombre à partir de 1942, grâce aux exigences de Sauckel, ont représenté un apport vital au moment où le front exigeait toujours plus de combattants allemands. Tout comme dans les autres secteurs de l’industrie, ils ont permis aux actionnaires des grandes sociétés le maintien voire la progression des bénéfices, pendant presque toute la guerre, et certains auteurs estiment que, malgré les destructions de guerre, la situation de cette industrie allemande est loin d’en être à la fameuse « Année zéro » en 1945, alors que la valeur du capital a progressé de 20% par rapport à 1936 [128]. Les études en cours, particulièrement en Allemagne, devraient permettent une meilleure appréhension de l’aspect financier de cette exploitation, au-delà du drame humain, dénoncé depuis longtemps.

Notes

  • [1]
    Accord international du 17 juillet 2000, loi fédérale du 2 août 2000, après dix-huit mois de négociations intensives et des années de réclamation de la part des associations d’anciens travailleurs forcés (les prisonniers de guerre n’ont pas droit à indemnisation). Le gouvernement allemand et les industries financent à part égale une indemnisation de 5 milliards de dollars, à destination des survivants estimés entre 1,5 et 2 millions de personnes, fin 1999. On ne possède pas encore un bilan complet de l’opération.
  • [2]
    Archives nationales, Paris (ci-après AN), F37 196, Commission consultative des dommages et des réparations, 9 vol., 1950.
  • [3]
    Tribunal militaire international, Procès des grands criminels de guerre. Nuremberg, nov. 1945-oct. 1946, Nuremberg, 1947, volume 25, § 688.
  • [4]
    Thomas KUCZYNSKI, « Entschädigungsansprüche für Zwangsarbeit im “Dritten Reich” auf der Basis der damals erzielten zusätzlichen Einnahmen und Gewinne », Zeitschrift für Sozialgeschichte des 20. Jahrhunderts, 15,2000/1, p. 25. Le nouveau statut leur permettait d’être payés beaucoup plus, tout en maintenant leur famille indemnisée par l’armée dans leur pays d’origine.
  • [5]
    1941 : 1,31 million; 1942 : 1,2 ; 1943 : 1,06 ; 1944 : 1,3. (T. KUCZYNSKI).
  • [6]
    T. KUCZYNSKI, op. cit. Les accords Speer-Bichelonne de 1943 (transformation des prisonniers de guerre français, dont beaucoup sont versés dans l’agriculture) expliquent sans doute une partie de cette baisse officielle mais non réelle puisque les hommes « transformés » restaient bien sur place.
  • [7]
    Stalag = (Mannschafts-) Stammlager, autrement dit, camp pour les prisonniers de guerre, soldats et sous-officiers. Les Officiers étaient gardés dans des Oflag, Offizierslager.
  • [8]
    Ulrich HERBERT, Fremdarbeiter. Politik und Praxis des « Ausländer Einsatzes» in der Kriegswirtschaft des Dritten Reiches, Bonn, J.H.W. Dietz-Verlag, 1985, p. 96.
  • [9]
    Selon les accords internationaux, les prisonniers de guerre ne devaient pas être employés directement ou indirectement dans l’industrie d’armement.
  • [10]
    Les Polonais représentaient alors 47,1%. U. HERBERT, op. cit., p. 96 sq.
  • [11]
    Michel GRATIER DE SAINT LOUIS, « Relève forcée et STO dans le Rhône ( 1942-1944) : partir ou ne pas partir », in Bernard GARNIER, Jean QUELLIEN (dir.), La main-d’œuvre française exploitée par le IIIe Reich, Actes du colloque de Caen, 13-15 déc. 2001, Caen, Centre de recherche d’histoire quantitative (CRHQ), 2003, p. 253 et Jean QUELLIEN, « Les travailleurs forcés en Allemagne. Essai d’approche statistique », ibidem, p. 67-84.
  • [12]
    1er mars 1944, conférence à l’Office central du Plan de quatre ans, in Tribunal militaire international, Procès des grands criminels de guerre. Nuremberg, nov. 1945-oct. 1946, Nuremberg, 1947, vol. 25, § 685.
  • [13]
    Bien entendu, toute cette main-d’œuvre n’était pas sur place en même temps car certains n’ont été pris que la dernière année de la guerre, alors que d’autres étaient rentrés chez eux bien avant. La première estimation est de Mark SPOERER, (« Zwangsarbeit im Dritten Reich. Fakten und Zahlen », Damals, 2000/2, p. 35-37), la seconde de T. KUCZYNSKI, op. cit.
  • [14]
    Ulrich HERBERT avance, pour 1944, le chiffre de 7126000 étrangers, dont 5295000 civils et 1831000 prisonniers de guerre (il ne tient pas compte de la main-d’œuvre concentrationnaire) : « Forced laborers in the Third Reich, an overview. », International Labor and Working-Class History, n° 58, autumn 2000, p. 192-218.
  • [15]
    Dietrich EICHHOLZ, « Profiteure des Vernichtungskrieges. Das deutsche Großkapital und die “Neuordnung”», Rhein und Reden, 1999/1, p. 5-18.
  • [16]
    Il s’agit des Hermann Goeringswerke, un ensemble sidérurgique de Basse-Saxe, dont la création a été décidée par Hermann Goering en 1937, contre l’avis des industriels de la Ruhr, et qui exploite des minerais de faible qualité : une entreprise peu rentable mais militairement utile. Cette initiative originale a fait l’objet de plusieurs études : F. BERGER, « La France, l’Allemagne et l’acier ( 1932-1952). De la stratégie des cartels à l’élaboration de la CECA », thèse de l’université Paris I, dir. R. Frank, décembre 2000, chap. IV, p. 353 sq.; M. RIEDEL, Eisen und Kohle für das Dritte Reich, Musterschmidt, Göttingen, 1973; R.J. OVERY, « Heavy Industrie and the State in Nazi Germany : The Reichswerke Crisis », in European History Quarterly, vol. 15,1985, p. 313-340; Gerard Th. MOLLIN, Montankonzerne und Drittes Reich., Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1988.
  • [17]
    Archives Mannesmann (ci-après MAN) M. 12.820, Étude sur l’emploi de main-d’œuvre étrangère.
  • [18]
    AN, 83 AJ/33/sd 17, lettre de H. Köpp (Halbergerhütte) à J. Mentré (DOF) et réponse, 22 et 24 août 1942.
  • [19]
    Organisme officiel pour l’acier (matières premières, production, distribution, main-d’œuvre) rattaché au ministère de l’Économie du Reich, qui s’est substitué aux instances syndicales patronales mais reste dirigé par les mêmes patrons.
  • [20]
    Bundes Archiv, Berlin, (ci-après BA), R 10/III/131/Mitteldeutsche Stahlwerke, lettre du 5 août 1942 à la Reichsvereinigung Eisen (ci-après RVE).
  • [21]
    BA, R 10 III/52/lettre de la RVE à Sauckel, sous couvert d’Hildebrand (Min. du travail), 14 nov. 1942.
  • [22]
    BA, R 10 III/52/lettre de la Reichsvereinigung Eisen, 15 déc. 1942.
  • [23]
    BA, R 10 III/52/circulaire de Speer à tous les directeurs des usines sidérurgiques, 19 déc. 1942. Àlbert Speer, ministre de l’Économie de guerre depuis février 1942, en remplacement de Fritz Todt, décédé dans des conditions douteuses, la veille. Son ministère, extrêmement puissant, empiétait sur de nombreux autres organismes de l’État et faisait de lui un des hommes les plus importants du régime. cf. J. FEST, op. cit., p. 120 sq.
  • [24]
    BA, R 10 III/52/19 déc. 1942, ibid.
  • [25]
    917 prisonniers de guerre et 456 civils, in Rapport de Ralf BLANK à partir des archives de la ville de Hagen (Stadt A Hagen, Bestand Hagen, Akte I und II), www. hco. hagen. de.
  • [26]
    La décision avait été prise en mai 1938 de construire un complexe sidérurgique géant, avec 12 hauts-fourneaux, une aciérie, deux laminoirs, une cokerie et une usine de production d’énergie. En 1939 et 1940, la plupart des ouvriers sont encore occupés à la construction.
  • [27]
    Reinhard ENGEL, Joana RADZYNER, Sklavenarbeit unterm Hakenkreuz. Die verdrängte Geschichte der Österreichischen Industrie, Wien, Deuticke, 1999, p. 161 sq.
  • [28]
    Hors prisonniers de guerre et concentrationnaires. R. ENGEL et J. RADZYNER, op. cit, p. 267.
  • [29]
    De nombreux Français y sont morts, certains étaient envoyés dans les Arbeitserziehungslager de Watenstedt et de Hallendorf. Témoignage de Georges Wacheul, in Rimco SPANJER, Diete OUDESLUIJS, Johann MEIJER (dir.), Zur Arbeit gezwungen : Zwangsarbeit in Deutschland 1940-1945, Bremen, Temmen, 1999, p. 150.
  • [30]
    BA, R 10/III/131/lettre de la Außenstelle Südost de la Reichsvereinigung, 25 janv. 1943.
  • [31]
    AN, 83 AJ/6/sd4, liste des entreprises dans lesquelles les ouvriers n’ont pas de bonnes conditions (non datée mais accompagne une correspondance du 2 juillet 1943, de Bruneton à Sauckel, 6 p.). Le décompte total est rendu encore plus difficile par le fait qu’il est interdit par les autorités d’occupation d’indiquer sur des correspondances le nom et l’adresse de l’usine dans laquelle l’ouvrier est employé (ils ne peuvent indiquer que l’adresse du Lager ou une adresse privée), AN, 83 AJ/12/note de rappel du 21 juillet 1941. Les correspondances sont soumises à la censure et l’on n’y trouve donc pas de témoignages directs sur les conditions de vie dans une entreprise précise.
  • [32]
    Il n’existe pas, à ma connaissance, de synthèse sur l’ensemble du groupe au sujet de l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. Il s’agit pourtant du plus gros Konzern allemand de la sidérurgie, dont la production avoisinait 50% du total national. Les données suivantes ont été tirées des archives Mannesmann (désormais MAN), R 2.60.25.1/Emploi de main-d’œuvre étrangère : le fonds Mannesmann possède une partie très importante de documents concernant les Vereinigte Stahlwerke car, lors de la réorganisation après la guerre, une partie des usines de ce groupe, celles qui produisaient des tubes, a été restructurée avec des usines du groupe Mannesmann. Il s’agit ici des usines de la Deutsche Röhrenwerke (Düsseldorf) avec les usines Phoenix et Thyssen/Mühlheim, Dinslaken, Wesel.
  • [33]
    MAN, R 2.60.25.1/Emploi de main-d’œuvre étrangère Werksgruppe Thyssen/synthèse et calculs d’après des documents du 23.2.1946, à la demande des autorités d’occupation (année d’exercice : d’octobre à septembre de la suivante). La production de l’usine en produits finis est en grande partie composée de tubes.
  • [34]
    MAN, R 2.60.25.1/ibid.
  • [35]
    Voir note 6.
  • [36]
    Après un premier envoi de 1500 hommes. BA, R 10 III/ 52/August-Thyssen Hütte, lettre à Beck (RVE), 5 sept. 1942 et lettre de Beck à Schiber, chef du Rüstungslieferungsamt, 10 sept 1942. Les prisonniers français sont envoyés à l’Office du travail agricole, ce qui pourrait confirmer l’hypothèse émise ci-dessus au sujet des accords avec la France.
  • [37]
    On peut lire – entre les lignes – que dès septembre 1942, les sidérurgistes ne sont guère optimistes sur la suite de la guerre. Ce fait est confirmé par d’autres sources, par exemple J. FEST, op. cit, p. 116, citant Walter Rohland en 1941.
  • [38]
    BA, R 10 III/52/5 septembre 1942, ibid.
  • [39]
    MAN, R 2.60.25.1/Emploi de main-d’œuvre étrangère Werksgruppe Thyssen/Dinslaken, (documents de mars 1946, établis à la demande des autorités d’occupation).
  • [40]
    MAN, M. 12.820/Étude sur l’emploi de main-d’œuvre étrangère dans les usines Mannesmann-Röhrenwerke, 1945.
  • [41]
    Cf. supra (constaté en particulier dans le dossier BA, R 10 III/52).
  • [42]
    L’ingénieur en chef Thelen fut chargé de cette tâche, avec le contrôleur général Karl Müller. Il fit un rapport en été 1943, après avoir inspecté toutes les unités et eut un entretien avec tous les directeurs d’usines. Ensuite, il fut chargé de contrôler l’application, dans les usines, des instructions de la direction.
  • [43]
    Synthèse d’après MAN, M. 12.820.
  • [44]
    MAN, M. 12.820/employés et ouvriers.
  • [45]
    MAN, M. 12.823. Dans les usines sidérurgiques étudiées, on ne note pas la présence de femmes françaises, à quelques très rares exceptions près.
  • [46]
    MAN, M. 12.823.
  • [47]
    MAN, M. 12.824. Tous les Konzerne sidérurgiques possèdent leurs propres mines de charbon.
  • [48]
    U. HERBERT, Fremdarbeiter… op. cit., p. 192 sq.
  • [49]
    Même si on lui préfère quand même la main-d’œuvre hollandaise, pour laquelle il y a bien moins de problèmes de compréhension linguistes et dont le transport est moins onéreux.
  • [50]
    U. HERBERT, ibid.
  • [51]
    Synthèse d’après Trials of war criminals before the Nürnberg military tribunal, t. 9. The Krupp Case, Washington, 1950.
  • [52]
    U. HERBERT, op. cit., p. 191.
  • [53]
    U. HERBERT, op. cit., p. 199.
  • [54]
    Bien sûr, les prisonniers français arrivés dès les premières semaines n’ont pas du tout la même proportion de travailleurs spécialistes qui ne sont que 12,6%, tandis que les manœuvres atteignent 35,9%.
  • [55]
    U. HERBERT, op. cit., p. 194 et 206.
  • [56]
    Synthèse établie d’après MAN, R 2.60.25.1. (dossiers 129 à 134) Il s’agit de documents divers dont des extraits de l’acte d’accusation français au sujet de la déportation de travailleurs. Par de nombreux exemples est décrite la situation générale des Français dans l’industrie sidérurgique allemande. Ce document contredit les autres comptes rendus, pour l’usine de Mühlheim par exemple, car il semble beaucoup plus réaliste sur les conditions réelles des travailleurs. Les autres documents présentent la théorie des installations et la théorie des traitements plutôt que la réalité des faits, sans doute.
  • [57]
    MAN, R 2.60.25.1/Emploi de main-d’œuvre étrangère Werksgruppe Thyssen/Dinslaken. Il n’est pas indiqué s’il s’agit de minima et de maxima, ni la proportion de chaque catégorie de salaire réellement distribué : l’exemple, choisi pour répondre à la demande des autorités américaines après guerre, est sans doute atypique. On a pu souvent lire que les prélèvements sur les salaires sous le régime nazi étaient écrasants : si l’on compare avec aujourd’hui, on constate qu’il n’y a rien de particulièrement exceptionnel, même si effectivement le niveau est plutôt élevé pour des salaires ouvriers. Ceci confirme plutôt que, durant toute la guerre, Hitler a bien tenté de ne pas en faire porter un poids trop lourd aux Allemands.
  • [58]
    MAN, R 2.60.25.1. ( 129-134)/ Documents divers/env. 1946.
  • [59]
    U. HERBERT, op. cit., p. 214. À l’usine Krupp d’Essen, on note qu’entre octobre 1943 et mars 1944,648 travailleurs étrangers ont été ainsi sanctionnés, soit 7% du total, avec une amende en moyenne de 6,35 RM, soit environ une journée de salaire.
  • [60]
    MAN, R 2.60.25.1/ibid.
  • [61]
    HERBERT, op. cit., p. 207; T. KUCZYNSKI, op. cit, p. 13.
  • [62]
    AN, 40 AJ/859/sd3, correspondances de déc. 1941, salaires proposés pour l’unité Germaniawerft à Kiel.
  • [63]
    AN, 83 AJ/33/sd 14, bordereaux de demande d’aide matérielle.
  • [64]
    MAN, R 2.60.25.1/ibid.
  • [65]
    MAN, M. 12.820/Étude sur l’emploi de main-d’œuvre étrangère dans les usines Mannesmann-Röhrenwerke/1945.
  • [66]
    Ce faible salaire des prisonniers de l’Ouest représente une sérieuse économie – même si on y ajoute des frais d’entretien et de transport de 1,4 RM – pour des entrepreneurs qui devaient, pour le même travail, rémunérer 8,1 RM leurs ouvriers allemands (pour une moyenne de 10 h 30 de travail par jour). Quant aux prisonniers polonais, ils ne recevaient que 0,50 RM et les Soviétiques, 0,20 RM, soit une si faible économie, au total, que l’on ne peut y voir que des motifs idéologiques (de plus leur entretien coûtait moins cher), R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit, p. 248 sq. Ces auteurs font remarquer que les prisonniers de guerre coûtaient moins cher aux entrepreneurs que les concentrationnaires pour lesquels ils devaient payer entre 4 et 6 RM par jour à la SS, ce qui explique que, à quelques exceptions connues près, les déportés des camps de concentration travaillaient surtout pour les entreprises d’État.
  • [67]
    Témoignage de Pierre Vallet, in R. SPANJER, D. OUDESLUIJS, J. MEIJER (dir.), op. cit, p. 141.
  • [68]
    MAN, R 2.60.25.1. ( 129-134)/Documents divers/env. 1946.
  • [69]
    U. HERBERT, op. cit., p. 207; R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit, p. 248 sq.
  • [70]
    AN, 83 AJ/7/sd 2, mémorandum de M. de Nervo et lettre de Bruneton, 15 et 29 juin 1943.
  • [71]
    MAN, R 2.60.25.1/ibid.
  • [72]
    U. HERBERT, op. cit., p. 208.
  • [73]
    Décret Sauckel du 22 août 1942.
  • [74]
    R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit, p. 161 sq.
  • [75]
    Témoignage de Pierre Vallet, in R. SPANJER, D. OUDESLUIJS, J. MEIJER (dir.), op. cit, p. 140.
  • [76]
    Tribunal militaire international, Le procès de Nuremberg, L’accusation française, 1946.
  • [77]
    MAN, R 2.60.25.1. ( 129-134)/Documents divers/circa 1946.
  • [78]
    U. HERBERT, op. cit., p. 199.
  • [79]
    U. HERBERT, op. cit. p. 91.
  • [80]
    MAN, R 2.60.25.1. ( 129-134)/Documents divers, env. 1946.
  • [81]
    Le premier accord de ce type date de 1942 : 600 prisonniers de Mathausen arrivent en décembre au Lager Linz I; quelques temps plus tard, le troisième camp de ce type recevra 5500 concentrationnaires, dépendant officiellement de la Stahlbau GmbH, en réalité répartis dans différentes entreprises. Dans ces Lager, les conditions de vie étaient particulièrement désastreuses et le risque de décès bien plus grand que dans les autres baraquements renfermant d’autres catégories de travailleurs forcés (mais les chiffres ne sont pas connus car l’on renvoyait les malades à Mathausen avant leur décès; une estimation pour l’ensemble des usines du Reich en Autriche donne cependant un chiffre de 7000 morts). R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit., p. 161 sq.
  • [82]
    Témoignage de Pierre Vallet, in R. SPANJER, D. OUDESLUIJS, J. MEIJER (dir.), op. cit., p. 141.
  • [83]
    MAN, R 2.60.25.1/Werksgruppe Poensgen/Werksgruppe Thyssen/Mühlheim.
  • [84]
    Le document ne dit pas où sont logés les autres : en 1943, il y a alors plus de 1000 ouvriers étrangers qui travaillent dans cette usine.
  • [85]
    MAN, M. 12.820, Étude sur l’emploi de main-d’œuvre étrangère dans les usines Mannesmannröhren-Werke/1945.
  • [86]
    Informations du 6 nov. 1944.
  • [87]
    Chez Mannesmann, 1,5 RM, mais il semble que des repas chauds y étaient servis midi et soir (MAN, M. 12.820).
  • [88]
    Ex : firme Alkett de Berlin-Spandau et Hermann Goeringswerke de Linz; R. ENGEL, J. RADZYNER, op. cit., p. 161 sq.
  • [89]
    Témoignage de Bernard Savigny, in R. SPANJER, D. OUDESLUIJS, J. MEIJER (dir.), op. cit., p. 145.
  • [90]
    AN, 83 AJ/7/sd 2, mémorandum de M. de Nervo et lettre de Bruneton, 15 et 29 juin 1943.
  • [91]
    AN, 83 AJ/3/sd1, correspondances diverses.
  • [92]
    AN, 83 AJ/7/sd 2, op. cit., 15 et 29 juin 1943.
  • [93]
    Les témoignages du procès ne mentionnent pas des cas aussi outrageants chez Mannesmann ni aux Vereinigte Stahlwerke. Krupp est allé bien au-delà de la simple « utilisation » de main-d’œuvre.
  • [94]
    Trials of war criminals, op. cit.
  • [95]
    Voir rapports du vol. 37 du Procès des grands criminels de guerre au tribunal de Nuremberg. Sur ce thème, voir la thèse de Gabriele LOFTI, KZ der Gestapo. Àrbeitserziehungslager im Dritten Reich, Stuttgart, Deutsche V. Anstalt, 2000.
  • [96]
    U. HERBERT, op. cit., p. 214.
  • [97]
    Tribunal militaire international, Le procès de Nuremberg. L’accusation française, 1946, p. 95.
  • [98]
    C’est le système des Arbeiterziehungslager qui va jouer ce rôle de camp de punition et de « redressement » pour les travailleurs forcés.
  • [99]
    BA, R 10 III/131/lettre de Röchling (président de la RVE) à la direction de toutes les entreprises de la sidérurgie, 4 oct. 1943.
  • [100]
    BA, R 10 III/131/un dossier non daté (environ fin 1942- début 1943).
  • [101]
    Si l’on en croit les archives françaises, cette création a été obtenue par le Commissariat français à la main-d’œuvre en Allemagne. L’association - probablement créée courant 1942 - est placée sous la responsabilité de la DOF : AN, 83 AJ/3.
  • [102]
    Créé dès novembre 1940, c’est alors le premier journal de langue française paraissant en Allemagne depuis la guerre. AN, 83 AJ/35/sd C.
  • [103]
    AN, 83AJ/24/, facture de livraison, 11 juin 1943.
  • [104]
    BA, R 10 III/131/ibid.
  • [105]
    AN, 83 AJ/35/sd1, bulletin du 24 mars 1944.
  • [106]
    En réalité, des témoignages rapportent que les Français – comme les autres étrangers - n’étaient pas très bien acceptés dans les lieux publics allemands. Les situations furent sans doute extrêmement variables.
  • [107]
    Une lettre du 29 juin 1944 indique la création de la 1 000e section de cette Amicale. AN, 83 AJ/24/sd1.
  • [108]
    AN, 83AJ/3/sd1, correspondances diverses.
  • [109]
    BA, R 10 III/131/ibid.
  • [110]
    Il s’agit de l’appellation des circonscriptions administratives régionales : le Gau, canton, et le Kreis, arrondissement.
  • [111]
    AN, 83AJ/12/note (non datée) de la DOF. Des accords entre Sauckel et Laval ont été signés en mars-avril 1943, concernant la transformation de 250000 prisonniers de guerre, mais ceux-ci ne bénéficient d’aucun statut précis, si ce n’est qu’ils sont considérés comme toujours mobilisés, au regard de la France, ce qui leur conserve leurs droits, tout en leur permettant de recevoir en plus un petit salaire au titre de travailleurs civils.
  • [112]
    AN, 83 AJ/7/sd 2, mémorandum de M. de Nervo et lettre de Bruneton, 15 et 29 juin 1943.
  • [113]
    MAN, R 2.60.25.1/Werksgruppe Thyssen/Mühlheim.
  • [114]
    On atteint quand même, pour le groupe français, 11,2% de malades la dernière année de la guerre. MAN, R 2.60.25.1/ibid. Chiffres officiels !
  • [115]
    U. HERBERT, op. cit., p. 209. Ceci est d’ailleurs confirmé par le fait que, chez les travailleurs de l’Est dont on connaît les mauvaises conditions d’alimentation et d’hygiène, les malades enregistrés ne sont respectivement que de 2,9% en 1943, puis 2,2% fin 1944.
  • [116]
    AN, 83 AJ/6/sd4, correspondances.
  • [117]
    AN, 83 AJ/6/sd4, liste non datée accompagnant une correspondance de Bruneton à Sauckel, 2 juillet 1943.
  • [118]
    MAN, R 2.60.25.1/Werksgruppe Thyssen/Mühlheim.
  • [119]
    AN, 83AJ/8/sd1, correspondance de la DOF à Bruneton, 19 mai 1943; AN, 83AJ/8/sd6, lettre du 26 déc. 1942.
  • [120]
    De sérieux bombardements sont notés, sur ces villes industrielles, fin 1944 à 1945. AN, 83AJ/3/sd1, correspondances diverses.
  • [121]
    Le rapport évoque 27584 ouvriers auprès desquels ont été faites, à un moment ou à un autre, des collectes pour aider leurs camarades sinistrés. Ce chiffre, rapporté au nombre de morts, donne un pourcentage de 1,8%, rapporté au nombre de malades : 19,4%, pour l’année 1944. AN, 83 AJ/35/sd D, rapport du Gau d’Essen, 15 janv. 1945.
  • [122]
    AN, 83 AJ/35/sd D, rapport du Gau d’Essen, 15 janv. 1945.
  • [123]
    AN, 83AJ/3/sd 1, correspondances diverses.
  • [124]
    Chiffres au 31 juillet 1945, in Procès des grands criminels, vol. 37, tableau XXVII, p. 257, Nuremberg, 1946.
  • [125]
    Jean QUELLIEN, op. cit.; T. KUCZYNSKI donne un total, au 30 sept. 1944, de 645200 Français (sur un total de 1595700 travailleurs forcés de l’Ouest, soit 40,4%), dont 505900 employés dans l’industrie, soit 78,4% ( op. cit., p. 23). L’estimation du nombre des volontaires varie entre 200000 (P. BURRIN ) et 300000 (C. MALHERBE ), citée par Anne SIMONIN, « Pourquoi certains crimes doivent rester impunis », in B. GARNIER, J. QUELLIEN (dir.), La main-d’œuvre française exploitée, op. cit., p. 563-582 (note 1 p. 563).
  • [126]
    Tribunal militaire international, Le procès de Nuremberg, L’accusation française, 1946, p. 95.
  • [127]
    U. HERBERT, op. cit., p. 353.
  • [128]
    D. EICHHOLZ, op. cit., p. 18.
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