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Article de revue

L'industrie dans la ville : les fabriques de papiers peints du faubourg Saint-Antoine (1750-1820)

Pages 115 à 137

Notes

  • [1]
    Les menuisiers-ébénistes forment le groupe le plus important dès la fin du XVIIesiècle.Cf. Alain THILLAY, « La rue et le faubourg Saint-Antoine »,in G.-A. LANGLOIS (dir.),Le XIIearrondissement, Traditions et actualités, Paris, DAAVP, 1996, p. 62-71.
  • [2]
    Carolyn SARGENTSON fait clairement le point sur ces aspects institutionnels dans Merchants and Luxury Markets, the Marchands Merciers of Eighteenth Century Paris, London, Victoria and Albert Museum, 1996. Si les marchands merciers ont le droit de vendre toute sorte d’objets, ils n’ont pas le droit de les produire, seulement de les « embellir » ou « finir ». Dans les faits, nombreuses sont les transgressions.
  • [3]
    Archives Nationales (AN), Minutier Central (MC), étude/X/546,20 septembre 1761, mentionnant le premier accord du 25 juillet 1760 (Communiqué par A. Dailly)
  • [4]
    AN, MC, étude/X/546,20 septembre 1761.
  • [5]
    AN, MC, étude/X/546,20 septembre 1761, bail de sous-location consenti par R.Testard, maître jardinier petite rue de Reuilly.
  • [6]
    AN, MC, étude/X/546, addition à l’acte du 20 septembre 1761, le 21 juillet 1763.
  • [7]
    AN, MC, étude/X/598,8 juillet 1767, Réveillon achète les trois maisons contiguës numérotées 10,11,12, rue de Montreuil à P. R. Samson pour la somme de 50000 livres.
  • [8]
    AN, MC, étude/X/637,4 mai 1773, vente de son fonds de boutique.
  • [9]
    Luc-Vincent THIERY,Almanach du voyageur à Paris, contenant une description sommaire mais exacte de tous les monuments, chefs d’oœuvre des arts, établissements utiles…, Paris, chez Hardouin, Gattey, 1785, p. 318. Thiéry mentionne la manufacture de Réveillon et assure que « la maison, nommée la Folie Titon, mérite l’attention des curieux ».
  • [10]
    Cet amical soutien apporté par Réveillon aux expériences menées par Montgolfier est bien mis en évidence par Charles C. GILLISPIE,Les frères Montgolfier et l’invention de l’aéronautique(1re édition américaine 1983), Arles, Actes Sud, 1989.
  • [11]
    A. DAILLY,La Seine et Marne berceau du papier monnaie. Essai sur la manufacture de Courtalin, la papeterie du Marais et l’usine de Biercy, Le Mée-sur-Seine, Éd. Amattéis, 1996, p. 31.
  • [12]
    Réveillon suit en cela l’exemple des entrepreneurs de poterie, qui obtiennent après 1750 le droit d’ouvrir une boutique « en ville » (Communication d’A.Thillay).
  • [13]
    Mercure de France, juillet 1776 (Slatkine reprints), p. 221, avis n° 2.
  • [14]
    Raymonde MONNIER,Le faubourg Saint-Antoine, 1789-1815, Paris, Société des Études Robespierristes, 1981, p. 173 : « en dehors des grands axes de circulation le faubourg Saint-Antoine garde encore [sous l’Empire] en bien des endroits un aspect campagnard ».
  • [15]
    Ce nouvel emplacement commercial doit remplacer l’ancien marché devenu insuffisant pour approvisionner la population du faubourg. Sa dénomination n’est pas d’emblée fixée, hésitant entre marché Saint-Antoine, Beauveau et Lenoir. Il s’agit aujourd’hui de la place d’Aligre : Jean-Michel ROY, « Le marché Beauveau »,Le XIIearrondissement, op. cit., p. 80-85.
  • [16]
    L’intervention de Chomel de Scériville, simple prête-nom, est mentionnée sur le « Plan et toisé du nouveaux marché Saint-Antoine…», AN, N II Seine 19. Pour plus de précisions sur l’opération immobilière autour du nouveau marché, se reporter à J.-M. ROY, « Le marché Beauveau »,op.cit., p. 80 et à la communication de Jean-Baptiste MINNAERT et Céline RENARD, APUR, décembre 1995 (dactylographié).
  • [17]
    Annonces, affiches et avis divers, n° 104,14 avril 1786.
  • [18]
    Ibid.,n° 154,3 juin 1786.
  • [19]
    AN, Z1j 1156,4 octobre 1786, les ouvrages des sieurs Nizard, maître maçon et maître charpentier, sont estimés par Aubert à 30145 et 14436 livres respectivement.
  • [20]
    Annonces, affiches et avis divers, supplément du n° 10,10 janvier 1789.
  • [21]
    Parvenu à ce remarquable niveau d’activité en 1792, il est sans doute incité par les circonstances révolutionnaires à passer la main. Il cède son fonds à deux associés, Louis-Joseph-Bernardin Honoré et Charles-François Simon, le 24 janvier 1795, et vend le terrain avec les bâtiments le 10 juillet suivant. AN, MC, étude/XXII/116,5 pluviôse an III et étude/XXII/123,22 messidor an III.
  • [22]
    Les débuts de Giroud de Villette dans la manufacture de Réveillon restent obscurs, mais en 1783 il arbore le titre d’adjoint, position d’importance confirmée par le brouillon du « Mémoire justificatif » de J.-B. Giroud père qui précise simplement ses émoluements : il « gagnait 10 à 12 mille livres chaque année » chez Réveillon. Dossier Giroud de Villette des Papiers Clouzot, Bibliothèque du Musée des Arts décoratifs.
  • [23]
    AN, Y 14113,6 nov. 1783, plainte déposée par Giroud de Villette. Nous remercions très chaleureusement A.Thillay de nous avoir communiqué ce passionnant document.
  • [24]
    Indications portées sur le « Plan et toisé du nouveau marché Saint-Antoine…». L’acte de vente du terrain précise en outre que Chomel de Scériville n’a servi lors de la première mutation que de prête-nom à Denis Lenoir, frère de l’architecte Lenoir : AN, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783.
  • [25]
    J.-M. ROY, « Le marché Beauveau »,op. cit., p. 83.
  • [26]
    AN, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783.
  • [27]
    Rectification de la surface, donc de la rente foncière, par acte le 23 août 1784, joint à l’acte de vente initial, AN, MC, étude/LXXXIX/778.
  • [28]
    AN, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783.
  • [29]
    AN, MC, étude/LXXXVII/1231, l’acte de location de la manufacture à Joseph Morel le 18 septembre 1787 précise qu’il s’agit de « tout ce qui du dit terrain se trouve excepté de la vente faite par le dit Sieur de Villette à Mignier son beau-frère ».
  • [30]
    AN, MC, étude/LXXXIX/778, addition le 18 juin 1783 à l’acte du 25 mai 1783.
  • [31]
    AN, Zij1104,11 août 1783.
  • [32]
    AN, Zij1142,3 novembre 1785.
  • [33]
    AN, Zij1145,19 janvier 1786, expertise de fournitures faites par Giroud de Villette dans une maison située dans l’enclos des Quinze-Vingt, faisant suite à une sentence du lieutenant civil du Châtelet du 9 novembre 1785, mais l’estimation reste très globale, pour un montant de 415 livres, et le mémoire fourni par Giroud de Villette n’est plus joint à l’acte.
  • [34]
    AN, MC, étude/XXVIII/526,23 mars 1787. La somme est intégralement répartie entre un maître charpentier (3307 livres), un couvreur (1563 livres), un paveur (1329 livres), un vitrier (862 livres), un carreleur (1163 livres), un peintre (358 livres), un serrurier (2056 livres), un menuisier (3493 livres) et un salpêtrier (803 livres).
  • [35]
    Copie manuscrite d’un brouillon du « Mémoire justificatif de Jean-Baptiste Giroud de Villette et consorts, accusés de détournement de sucession », sd et inachevé, Papiers de H. Clouzot, Musée des Arts décoratifs. Ce mémoire rédigé après le décès de Giroud de Villette vise à défendre le père et le frère, qui ont géré les affaires courantes de la manufacture de la rue Lenoir, dans le cadre d’une succession délicate.
  • [36]
    AN, MC, étude/LXXXVII/1231,11-18 septembre 1787.
  • [37]
    AN, MC, étude/LXXXVII/1231,18 septembre 1787.
  • [38]
    Le texte de l’accord entre Sonnerat père, son fils et sa bru, précise les projets et les changements du premier. Il mentionne ainsi qu’il « avait d’ailleurs acheté pendant le cours de la vente après décès du sieur Giroud de Villette les marchandises qui existaient dans les magasins et la plus grande partie des meubles et effets mobiliers »: AN, MC, étude/LXXXVII/1235,9 novembre 1788.
  • [39]
    AN, MC, étude/LXXXVII/1235,9 novembre 1788.
  • [40]
    Archives de Paris, Lettre de ratification n° 1466c. Préaux débourse au total 21510 livres, y compris les frais de la procédure et les droits de rachat.
  • [41]
    AN, ZZ2874, dossier de la « maison rue Lenoir servant de manufacture de papier à tenture ».
  • [42]
    Jean Massonet comprend Schmidt, rue Lenoir, parmi ses créanciers, dans son bilan du 19 thermidor an VII (6 août 1799), Archives de Paris, D11U3, cart. 8, d. 545.
  • [43]
    AN, F31 67-68, Cadastre de Paris, plans de Vasserot des maisons par îlots, 1810-1836, le n° 10, rue Lenoir, estimé à 829 m294 a pour propriétaire Velay.
  • [44]
    Actes de société conservés aux Archives de Paris et Rapport de l’exposition universelle de 1855 cités par Véronique de BRUIGNAC,« Les fabricants de papiers peints »,in Odile NOUVEL-KAMMERER (dir.), Papiers peints panoramiques, Paris, Musée des arts décoratifs-Flammarion, 1990, Annexes, p. 319-320.
  • [45]
    Il s’agit des enquêtes telles que l’« État des chefs d’ateliers du VIIIearrondissement avec le nombre d’ouvriers et observations » du 8 vendémiaire anVIII (30 septembre 1799) ou l’« État des manufactures et autres établissements […] situés dans la ville de Paris » en février 1807, conservées dans la série F12; ainsi que les certificats délivrés par les districts puis les sections en vue de l’échange des assignats contre de la petite monnaie, conservés dans les dossier de la série F30 des Archives nationales.
  • [46]
    AN, F12 504-505, Delleville, rue d’Aligre n° 18.
  • [47]
    AN, F12 504-505, Mames et Tirammelin, rue de Montreuil n° 32.
  • [48]
    AN, F12 504-505, Honoré et Simon, rue Beauveau n° 2.
  • [49]
    AN, F30 132, dossier Schmidt, rue de Reuilly n° 19. En l’absence de toute mention de prénom et face à un nom assez courant, on ne peut faire de lien avec Jean-Philippe Schmidt installé rue Lenoir dans l’ancienne manufacture Giroud de Villette.
  • [50]
    AN, F30 132, dossier Blaise Totey, rue de Reuilly, qui passe de 20 à 26 ouvriers entre février et novembre 1791. L’enquête de 1799 estime ses capacités d’emploi à 15-18 ouvriers :AN F12 504-505.
  • [51]
    AN, F12 504-505, Jacquemart et Bénard, rue de Montreuil,« occupe[nt] encore cent ouvriers ».
  • [52]
    R. MONNIER,Le faubourg Saint-Antoine,op. cit., p. 85, enquête du ministre de la Police en pluviôse an VII.
  • [53]
    Le dépouillement des registres de cartes de sûreté pendant la Révolution permet à R. MONNIER d’affirmer avec force que « la réputation du faubourg de grand faubourg « ouvrier » n’est pas usurpée ». Les activités non-économiques y sont très faiblement représentées :Le Faubourg Saint-Antoine,op. cit., p. 37.
  • [54]
    Cette question des relations entre le monde des communautés d’arts et métiers et le faubourg libre est étudiée par Steven KAPLAN,« Les corporations, les « faux ouvriers » et le faubourg Saint-Antoine au XVIIIesiècle »,Annales ESC, 43, n° 2, mars-avril 1982, p. 353-378.
  • [55]
    A.THILLAY, « Le faubourg Saint-Antoine et la liberté du travail »,Histoire, Économie et Société, 1992, n° 2, p. 217-236.
  • [56]
    A. THILLAY, « La liberté du travail au faubourg Saint-Antoine à l’épreuve des saisies des jurandes parisiennes (1642-1778)»,Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 44-4, oct.-déc. 1997, p. 634-649.
  • [57]
    AN, E*1616a, Conseil des finances, 13 janvier 1784, exposé justificatif pour l’obtention du titre de manufacture royale en tête de l’arrêt du Conseil. Réveillon en donne une liste indicative, allant des menuisiers, serruriers, graveurs, ciseleurs, sculpteurs, dessinateurs et teinturiers aux simples colleurs.
  • [58]
    La fulgurante ascension de Réveillon, marquée par ces déboires mais aussi des protections très haut placées, est étudiée par Leonard N. ROSENBAND, « Jean-Baptiste Réveillon : A man on the make in Old Regime France »,French Historical Studies, 1997, vol. 20, n° 3, p. 481-510.
  • [59]
    AN, E*1616a, Conseil des finances, 13 janvier 1784.
  • [60]
    Réveillon se targue à plusieurs reprises de la bienveillance du lieutenant de police Lenoir à son égard, protection dont l’origine et la réalité restent malheureusement incertaines. Lenoir ne l’évoque par exemple nullement dans le manuscrit de ses Mémoires(Communication orale de Vincent Milliot).
  • [61]
    AN, E*1616a, Conseil des finances, 13 janvier 1784.
  • [62]
    Josette BREDIF,Toiles de Jouy, Paris, Adam Biro, 1989, p. 163-164.
  • [63]
    R. MONNIER,Le faubourg Saint-Antoine,op. cit., index.
  • [64]
    Ibid., p. 190.
  • [65]
    Henri CLOUZOT et Charles FOLLOT consacrent deux chapitres aux journées des 27 et 28 avril 1789 dans leur Histoire du papier peint en France, Paris, Charles Moreau, 1935, p. 73-100. Mais il faut surtout se reporter aux analyses de George RUDÉ,La foule dans la révolution française, Paris, François Maspero, 1982 (1re édition 1959), p. 50-61.
  • [66]
    Exposé justificatif pour le Sieur Réveillon, entrepreneur de la Manufacture royale de papiers peints, faubourg Saint-Antoine, Paris, se, sd, p. 12.

1Encore aujourd’hui, lorsqu’on évoque le faubourg Saint-Antoine, viennent immédiatement à l’esprit les innombrables petits ateliers consacrés à la fabrication des meubles. Si le travail du bois occupe dès l’essor des activités productives dans le faubourg, au XVIIesiècle, un contingent important d’artisans et d’ouvriers [1], cette spécialisation n’a rien d’exclusif. En fait foi l’implantation de la grande manufacture de glace rue de Reuilly qui emploie autour de 500 ouvriers en effectif normal à la fin de l’Ancien Régime, pour ne prendre que cet exemple.

2Entreprendre l’énumération des activités artisanales et industrielles du faubourg met très vite en évidence leur très grande diversité, qui n’est pas en contradiction avec la présence de quelques secteurs de prédilection : les productions textiles, le travail du cuir avec tannerie et cordonnerie, la métallurgie, la fabrication de faïences et poteries. Par delà cette diversité apparente se dégagent donc des secteurs plus marqués : l’un d’eux regroupe toutes les activités relatives à l’aménagement des intérieurs. Il n’est donc pas surprenant d’y voir peu à peu se greffer les entreprises de papiers peints.

3Nouvelle option décorative adoptée et mise au point par les artisans parisiens dans les années 1750-1760, ses localisations premières ne privilégient pas d’emblée le faubourg Saint-Antoine. La parenté de support et la proximité avec les activités de gravure et de dominoterie expliquent sans doute à cette date les implantations plus « centrales », autour de la rue Saint-Jacques par exemple, qui accueille un grand nombre de fabricants de papier de tenture.

4Et pourtant ce faubourg Saint-Antoine fait figure de haut lieu de la production parisienne de papier peint tout au long du XIXeet d’une bonne partie du XXesiècle. Dès la période révolutionnaire, cette activité regroupe des contingents ouvriers notables, faisant presque automatiquement partie dès la première décennie du XIXesiècle des productions citées à propos du faubourg.

5On se situe donc, entre 1750 et 1820, à la période charnière où cette nouvelle activité s’implante dans ce secteur. L’intention n’est pas de tenter ici une nouvelle pesée de cette activité en terme de main-d’œuvre, mais de réfléchir aux choix qui conduisent à une telle localisation. Ce quartier à forte individualité n’abrite pas seul les fabricants de papiers peints, mais dans sa trame encore lâche en cette deuxième moitié du XVIIIesiècle s’y dessinent assez bien les modalités de leur installation. L’analyse un peu fouillée de quelques exemples précis montrera comment les entrepreneurs s’adaptent à un tissu urbain tout en sachant jouer de ses particularités. Observées sous un angle très rapproché, ces trajectoires apportent certaines clés pour comprendre l’implantation manufacturière dans la capitale.

L’ÉMERGENCE D’UNE NOUVELLE ACTIVITÉ

6Avant de s’attacher plus précisément aux cas choisis, il faut commencer par tenter une pesée globale des implantations des fabricants de papiers peints au sein du faubourg : c’est sur cet arrière-plan ainsi brièvement évoqué que cette étude de cas prend tout son sens.

7Le canevas, même sommaire, du mouvement d’installation des fabriques dans le voisinage de l’abbaye Saint-Antoine, repose sur un comptage à partir des almanachs et autres publications périodiques, les indications ainsi collectées étant complétées ou recoupées le plus systématiquement possible : ces lentes recherches n’ont cependant pas toujours permis de déterminer les périodes d’activité de chacune des entreprises considérées. C’est pourquoi on a adopté ici le décompte des noms de fabricants de papiers peints apparaissant pour la première fois dans chaque tranche chronologique considérée.

8Cette option présente certes un biais par rapport à celui des entreprises, car plusieurs personnes peuvent se succéder pour l’exploitation des mêmes espaces productifs. Si la trop fréquente impossibilité de recomposer ces successions à la tête d’une même manufacture conduit à l’adopter malgré tout, c’est aussi qu’elle me paraît significative de l’attraction exercée par le faubourg sur des entrepreneurs les plus divers.

9La carte du faubourg vise à faire la synthèse à la fois de la chronologie de ces implantations, à travers la subdivision en trois périodes, et de sa géographie, en localisant dans chaque rue – par un point situé de manière arbitraire – les noms repérés. S’il ne s’agit en aucune façon d’un résultat définitif, la représentation cartographique a l’avantage de faire clairement ressortir certains aspects (figure 1).

10Dès la première période envisagée (1750-1779), quelques représentants de ce secteur naissant installent leurs lieux de production dans le cadre du faubourg :en nombre encore très restreint – trois en l’état des dépouillements – ils choisissent d’emblée des rues qu’on retrouvera tout au long des années étudiées, rue du faubourg Saint-Antoine, rue de Montreuil et rue de Charenton. Il s’agit d’axes majeurs qui irriguent le cœur du faubourg et qui tous le relient au point de passage obligé vers Paris, la porte Saint-Antoine.

FIGURE 1.

L’ENRACINEMENT DE LA PRODUCTION DE PAPIER PEINT DANS LE FAUBOURG SAINT-ANTOINE

FIGURE 1.
FIGURE 1. L’ENRACINEMENT DE LA PRODUCTION DE PAPIER PEINT DANS LE FAUBOURG SAINT-ANTOINE 1750-1820 Entreprises ayant eu une activité entre 1750 et 1820, mentionnées pour la première fois entre 1800 et 1820entre 1750 et 1779 entre 1780 et 1799 Fond de carte réalisé par A. Laclau (EHESS) pour l'Atlas de la Révolution Française© C. Velut - 1998

L’ENRACINEMENT DE LA PRODUCTION DE PAPIER PEINT DANS LE FAUBOURG SAINT-ANTOINE

11Ces débuts modestes laissent place à une présence beaucoup plus significative dans les deux dernières décennies du XVIIIesiècle, puisqu’on peut repérer seize nouveaux patronymes d’entrepreneurs. Ces fabricants mentionnés pour la première fois entre 1780 et 1799 se répartissent entre des rues déjà rencontrées – rue du faubourg Saint-Antoine, rue de Montreuil – mais aussi dans les rues de Reuilly, petite rue de Reuilly, de la Roquette et les voies créées autour du nouveau marché Saint-Antoine – on y reviendra – rue Lenoir, d’Aligre, de Beauveau. Si toutes ces adresses semblent assez également attractives, on peut noter cependant une certaine prédilection pour ce secteur créé ex nihiloautour du marché inauguré en grande pompe par le lieutenant de police Lenoir le 5 avril 1781.

12Cet essor très net des nouvelles implantations à l’extrême fin du XVIIIesiècle se confirme dans la période suivante, puisque vingt-trois nouveaux noms apparaissent entre 1800 et 1820 : le mouvement est donc bien lancé, qui se poursuit tout au long du XIXesiècle. Ces fabricants mettent leurs pas dans ceux de leurs prédécesseurs, puisqu’on retrouve des rues déjà évoquées, tout en ne s’interdisant pas une certaine diffusion dans le reste du faubourg, rue de Charonne, Saint-Bernard et jusqu’à la rue Saint-Sébastien. La carte des localisations fait cependant clairement ressortir une nette concentration dans la partie sud du faubourg et dans les voies principales du quartier, autour de la rue du faubourg et des rues adjacentes. Si cette propension à se regrouper dans des rues ou des secteurs géographiques préférentiels ne surprend pas – sur ce point les entreprises de papiers peints ne se distinguent pas des autres activités artisanales – une analyse plus fine de quelques exemples de localisation permet de faire apparaître des facteurs plus particuliers.

UN ENTREPRENEUR EN QUÊTE D’ESPACE

13L’implantation dans le faubourg des fabricants de papiers peints devient nettement marquée surtout à partir des années 1780, mais, dès la période initiale, on peut noter des installations très significatives, à commencer par celle de Jean-Baptiste Réveillon. Si l’on débute avec ce fabricant, que son incontestable succès en même temps que l’épisode cruellement ressenti de l’émeute des 27 et 28 avril 1789 ont rendu si fameux – aux dépens parfois des autres grands entrepreneurs de la capitale – ce n’est pas pour emboîter le pas à ses thuriféraires. Mais son transfert du centre de la capitale jusque dans ce faubourg encore très périphérique est un bon exemple pour réfléchir aux raisons qui peuvent pousser à une telle implantation.

14Lorsque Réveillon commence à se faire un nom dans la capitale en démontrant sa maîtrise de la pose puis de la fabrication des papiers de tenture alors à la mode, les papiers tontisses d’origine anglaise, à la fin des années 1750, sa boutique est localisée rue de l’Arbre Sec, dans le quartier du Louvre. Marchand mercier de formation, il sent parfaitement le profit qu’il peut tirer d’une vogue marquée pour ces flock papers: il se contente dans un premier temps de commercialiser des papiers importés d’Angleterre, puis à l’occasion du conflit anglo-français – la guerre de Sept Ans (1756-1763) bloquant le commerce avec le monde britannique – il se lance hardiment dans l’aventure de la production.

15Le système corporatif parisien lui interdit en théorie toute activité productive [2]et, par ailleurs, il n’est guère possible d’envisager l’installation de cette fabrication dans la demeure de la rue de l’Arbre Sec. La première solution mise en œuvre par Réveillon combine donc la « délocalisation » et l’association avec un partenaire à qui est confiée la production. Dans un premier temps, l’accord passé avec le dénommé François Rouilly, intitulé marchand fabricant dans l’acte du 25 juillet 1760, prévoit la fabrication de « papier drapé » à l’Aigle, en Normandie :Réveillon lui avance 600livres pour « lui faciliter son approvisionnement d’outils, ustensiles et matières nécessaires à la dite fabrique » et s’engage à lui acheter à un prix convenu 300 rouleaux par an [3]. Mais Réveillon n’avait pas alors prévu que Rouilly serait contraint de « tirer de Paris les matières nécessaires à la fabrique ». En outre l’éloignement ne lui permet pas de surveiller le travail de son associé, pour une production encore mal maîtrisée en ce tout début des années 1760. Les surcoûts en frais de transport, droits d’entrée s’ajoutent aux autres inconvénients et rendent cette première formule vite intenable. Réveillon envisage d’abandonner cette fabrication à moins de trouver une solution plus rationnelle.

16Où trouver la combinaison de la proximité de la capitale, à la fois centre d’approvisionnement et de commercialisation de la production, et de l’affranchissement des contraintes corporatives, si ce n’est au faubourg Saint-Antoine ? C’est, semble-t-il, le raisonnement suivi par Réveillon puisqu’il parvient dès 1761 à convaincre son associé de quitter l’Aigle pour s’installer au cœur du faubourg. L’acte qui officialise ce nouvel accord, le 20 septembre 1761, précise donc que Réveillon « a loué une maison au faubourg Saint-Antoine, rue de Reuilly, où il a établi le Sieur Rouilly pour y faire la fabrique du papier drapé » [4]. Réveillon lui consent à nouveau des avances, se charge du loyer tout comme de fournir les outils et s’engage à écouler non plus 300 mais 500 rouleaux par an :signe qu’il met tous ses espoirs dans cette nouvelle localisation. En quoi consistent ces premiers locaux choisis par Réveillon ? Il s’agit d’un « petit corps de logis au fond de la cour […] dépendant de la maison située cul de sac de la petite rue de Reuilly », loué pour la somme de 200livres :installations encore très modestes [5].

17Mais cette première location, pourtant prévue pour cinq ans, se révèle bien vite incapable de s’adapter aux ambitieux projets de Réveillon. Ni assez grande ni assez commode pour « augmenter et étendre la fabrication », la maison de la petite rue de Reuilly est délaissée au profit d’« une maison beaucoup plus vaste rue de Montreuil » [6]. Rouilly suit ce déménagement de l’activité et accepte une nouvelle modification de leur accord le 21 juillet 1763. C’est donc au cours du premier semestre de l’année 1763 que Réveillon jette son dévolu sur la rue de Montreuil, à laquelle il restera fidèle jusqu’à son retrait de la manufacture en 1791.

18Voici donc franchi le premier pas de l’installation dans la célèbre Folie Titon. Réveillon commence modestement par louer l’ensemble formé par un petit et un grand bâtiment autour d’une cour donnant sur la rue de Montreuil, attenant la parcelle de la Folie Titon proprement dite, pour un loyer double de celui de la rue de Reuilly. Là encore, tout semble réussir à Réveillon puisqu’il peut, dès 1767, devenir propriétaire des bâtiments de l’entreprise : la plupart de ses concurrents se contentent bien souvent de les louer. L’ensemble acquis par Réveillon ne se limite pas en outre aux seuls locaux initiaux :l’acte de vente du 8 juillet 1767 énumère trois maisons contiguës avec les terrains qui en dépendent [7]. En combinant ces trois éléments – y compris la maison appelée « Hôtel d’Égypte » en très mauvais état au moment de la vente – Réveillon se dote d’espaces assez vastes et flexibles pour développer comme il l’entend son activité et modifier selon ses besoins les divers bâtiments.

EXPLOITER TOUTES LES FACETTES D’UNE LOCALISATION

19La quête de l’espace nécessaire à une entreprise à la croissance spectaculaire – il faut des bâtiments de belle ampleur pour faire travailler concurremment plusieurs centaines d’ouvriers – trouve donc une réponse adéquate dans le tissu encore très lâche du faubourg. Mais miser sur la Folie Titon présente aussi d’incontestables avantages en terme d’image de marque. Sans développer ici les questions de représentation, notons cependant que Réveillon ajoute ainsi une carte de choix dans son jeu. S’installer dans les bâtiments même de la très fameuse Folie Titon – Réveillon s’y fixe complètement et revend en 1773 à deux de ses anciens employés sa boutique de la rue de l’Arbre Sec [8]– ne peut qu’ajouter à sa célébrité grandissante. Car Réveillon fait l’acquisition, en même temps que des bâtiments, des boiseries, peintures et sculptures qui ornent la Folie, en particulier sa galerie :les guides pour voyageurs et curieux, tels celui de Luc-Vincent Thiéry, qui décrivent les merveilles de ce décor, ne peuvent manquer d’évoquer au passage l’entreprise de Réveillon [9].

20Ce dernier sait enfin mettre à profit tous les atouts de cet ensemble pour entretenir sa réputation auprès du public le plus vaste. C’est dans les jardins de la Folie Titon que prennent place en 1783 et 1784 quelques-unes des nombreuses expérimentations aérostatiques si populaires dans la capitale :
Réveillon met ses vastes espaces en même temps que le travail de ses ouvriers à la disposition d’Étienne Montgolfier [10]. Et il sait jouer à merveille des plus diverses formes d’exotisme : la visite en 1788 des ambassadeurs hindous donne lieu à des festivités remarquées [11].

21Même s’il n’en paraît pas un des plus fervents utilisateurs, Réveillon a recours en outre à la presse périodique pour accompagner le développement de son activité. Il prend par exemple la peine d’informer les lecteurs du Mercure de France, dans le numéro de juillet1776, de son installation définitive rue de Montreuil. Il y expose qu’« il a pris le parti de quitter totalement la maison de commerce qu’il occupait ci-devant rue de l’Arbre Sec, où il faisait le débit de ses papiers, pour fixer sa demeure à la dite manufacture ». Mais cette annonce pointe le doigt de manière incidente sur un inconvénient de la localisation dans le faubourg :toute la clientèle potentielle de Réveillon ne se résoudra pas à se rendre dans ce lointain faubourg. C’est pourquoi, en fin connaisseur de la capitale, il offre une alternative plus acceptable pour les « personnes qui ne voudraient pas se transporter dans un quartier aussi éloigné »: un dépôt [12] de ses papiers de tenture chez le sieur de la Fosse, « rue du Carouzel, en face de la porte des Thuileries » [13]. Cet inconvénient lié à la commercialisation ne contrebalance pas de manière irrémédiable l’intérêt de la localisation faubourienne.

JOUER DES TRANSFORMATIONS IMMOBILIÈRES DU FAUBOURG

22Réveillon, puis ses successeurs, Jacquemart et Bénard, trouvent donc dans les vastes jardins et nombreux bâtiments annexes dépendants de la Folie Titon des espaces qu’ils peuvent adapter à leurs besoins. Mais la rue de Montreuil fait encore figure, dans ces années 1770, d’une zone assez périphérique, où jardins maraîchers et vignes ne reculent que lentement face à la progression des constructions [14]. À la fin de ces années 1770 s’offre aux entrepreneurs avides d’espace une nouvelle opportunité située tout à fait au cœur du faubourg : il s’agit de l’opération immobilière qui accompagne la création d’un nouveau marché, dit marché Saint-Antoine, à partir de terrains cédés par l’abbaye [15].

23L’opération éminemment spéculative qu’est le lotissement d’Aligre est menée par un petit groupe constitué autour de Samson Nicolas Lenoir, architecte responsable de la construction du marché :c’est par l’intermédiaire d’un prête-nom, Chomel de Scériville, que sont revendus ces terrains en parcelles plus restreintes à divers particuliers [16]. Or, parmi ces derniers, désigné comme propriétaire de la parcelle n°18 sur le « Plan et toisé du nouveau marché Saint-Antoine qui comprend le détail des maisons qui y ont été bâties jusqu’à ce jour […] et les noms des propriétaires des dites maisons et terrains » (figure 2), se trouve le sieur Rimbault. Sur un terrain situé tout au bout de la rue Beauveau, presqu’au croisement avec la rue de Charenton, il semble déjà disposer à la date de ce plan (postérieur au mois de mai 1786) d’un ample bâtiment sur la rue et sur toute la largeur de la parcelle, complété d’un vaste jardin à l’arrière.

24Les sources mises à jour, si elles permettent de retracer une partie des étapes de l’implantation de Pierre-François Rimbault sur la frange sud du jardin de l’abbaye Saint-Antoine, restent silencieuses sur ses motivations précises. Certains indices cependant mettent clairement en évidence le caractère attractif du faubourg, y compris pour un entrepreneur moins ambitieux que Réveillon. C’est à travers les annonces passées dans les journaux que l’on peut suivre ce « tropisme » faubourien. Le lecteur des Annonces, affiches et avis diversest en effet régulièrement tenu informé de l’offre des marchands et des artisans ainsi que de leurs éventuels changements d’adresse, quoique souvent avec un certain retard.

25Combinant ces deux optiques, Rimbault fait insérer un avis le 14 avril 1786 : « ci-devant pont Notre-Dame et à présent porte Saint-Antoine »; il se rappelle ainsi au consommateur oublieux [17]. Information qu’il n’hésite pas à réitérer quelques mois plus tard, précisant en outre sa proximité avec le boulevard [18]. Cette première étape, qui le rapproche du faubourg, constitue une utile transition avant l’installation dans un établissement créé ex nihilo. En effet, sur le terrain de plus de 360 toises qu’il acquiert le 15 février 1782 de Denis Lenoir, frère de l’architecte au centre de l’opération de lotissement, il entame rapidement d’importants travaux de construction, dont le gros œuvre est achevé avant le début du mois d’octobre 1786. Le procès-verbal de réception des ouvrages de maçonnerie et charpente par l’expert Aubert débute en effet le 4 octobre 1786 pour ne s’achever que le 3 février de l’année suivante [19]. Le reste des aménagements demande apparemment des délais plus importants, même si l’avis inséré le 10 janvier 1789 accuse probablement un retard par rapport à la chronologie de l’installation.À cette date, en effet,« le sieur Raimbaut [sic] prévient qu’au 1er février prochain il sera entièrement établi à sa manufacture de papiers peints, rue de Charenton, au coin de la rue de Beauveau » [20]. Choix d’implantation judicieux puisqu’au début de la Révolution il fait travailler environ 150 ouvriers : ce volume de main-d’œuvre le situe parmi les grandes entreprises du faubourg [21]. Même si la quête d’espace n’est sans doute pas l’unique motivation de Rimbault – importent sans doute autant la qualité du tissu industriel et les avantages d’une acclimatation déjà bien avancée de cette activité – cette localisation laisse les coudées franches à l’entrepreneur florissant.

FIGURE 2

© Archives Nationales, N II Seine 19, «Plan et toisé du nouveau marché Saint-Antoine

FIGURE 2
FIGURE 2 © Archives Nationales, N II Seine 19, «Plan et toisé du nouveau marché Saint-Antoine qui comprend le détail des maisons qui y ont été bâties jusqu’à ce jour, avec les terrains qui sont tant sur la censive de l’abbaye Saint-Antoine que sur celle du Grand Prieuré de France et les noms des propriétaires des dites maisons et terrains, leur quantité en toise» (sd). Cliché C.Velut.

© Archives Nationales, N II Seine 19, «Plan et toisé du nouveau marché Saint-Antoine

COMMENT SE METTRE À SON COMPTE

26Rimbault n’est pas le seul fabricant de papiers peints à s’intégrer à ce lotissement d’Aligre et à profiter des vastes espaces abandonnés par l’abbaye Saint-Antoine à la spéculation immobilière. Le deuxième exemple documenté ne relève pas tout à fait cependant de la même démarche. Dans le cas de Guillaume Nicolas André Giroud de Villette il ne s’agit pas d’un déplacement du centre vers la périphérie parisienne mais d’un transfert interne au faubourg. Plus exactement, ce collaborateur de Réveillon quitte en 1786 la manufacture de la rue de Montreuil pour voler de ses propres ailes :désireux de mettre à profit la formation acquise auprès d’un maître si prospère, il s’installe sur un terrain à la frange ouest du jardin de l’abbaye [22]. Réveillon ne voit pas d’un très bon œil ces projets de son jeune collaborateur et une plainte de Giroud de Villette en 1783 traduit le climat tendu qui prévaut avant son départ définitif [23]. Malgré son prestige et ses protections, Réveillon ne peut empêcher son ambitieux directeur-adjoint de s’installer si près de la Folie Titon, profitant des transformations immobilières du faubourg.

27L’acquisition d’un terrain dans le cadre de ce même lotissement d’Aligre fait intervenir dans ce cas un personnage supplémentaire. En effet, un proche du comte d’Artois se joint en 1782 au groupe des premiers associés : Elie de Beaumont achète le 1er mai 1782 deux portions de terrain dont il revend un an plus tard à Giroud de Villette une partie, située à peu près au milieu de la nouvelle rue Lenoir, entre le marché Saint-Antoine et la rue du faubourg Saint-Antoine [24]. L’intervention de ce brillant avocat, intendant des finances du comte d’Artois, n’est pas seulement un signe supplémentaire de la véritable emprise du « clan » du frère du Roi sur ce projet immobilier [25]. Il joue de fait un rôle fondamental dans la naissance de la manufacture projetée par Giroud de Villette. Il ne se limite pas en effet aux seules transactions foncières, mais assume aussi le rôle de bailleur de fonds, indispensable à la création d’une nouvelle entreprise.

28Cet apport de capitaux combine dans ce cas diverses formes. Tout d’abord dans le type même de l’acte de cession du terrain, en date du 25 mai 1783 [26]. Giroud de Villette n’est pas contraint de débourser le total correspondant aux 300 toises de terrain qu’il acquiert puisque la vente prend la forme d’un bail à rente foncière montant, à première estimation, à 2250 livres puis, après « mesurage et bornage » du terrain, à 2332 livres par an [27].À ce premier aspect s’adjoint en outre un prêt de 32000 livres, payables en un an, d’ici au 15 juillet 1784. Pourquoi Elie de Beaumont consent-il des conditions si avantageuses à son acheteur ? Aspire-t-il simplement à garantir le succès de la future entreprise ? Il ne s’agit cependant pas de pur désintéressement, bien au contraire : de la prospérité du manufacturier dépend l’exact versement des arrérages de la rente.

29C’est pourquoi Elie de Beaumont s’entoure de garanties qui sont autant de clauses contraignantes pour Giroud de Villette. Le premier fournit une part non négligeable des sommes nécessaires à la construction des futurs bâtiments, mais exige en contrepartie que soit construit rapidement un immeuble de rapport sur la rue Lenoir. Bien loin de laisser toute latitude à Giroud de Villette sur ce dernier point, l’acte accumule un certain nombre de prescriptions :il lui faut se conformer à des dimensions et à un type de façade précisés dans l’acte – « la construction sera de valeur au moins de la somme de 40000 livres », l’élévation du bâtiment, dont un dessin est joint au dossier, sera de «41 pieds du sol jusqu’au dessous de la couverture, dans la largeur de 78 pieds » – et il lui faut périodiquement rendre compte des étapes de la construction. Elie de Beaumont cherche sans doute ainsi à garantir la rentabilité de son opération et impose à Giroud de Villette d’accorder prioritairement son attention au bâtiment sur la rue :il doit en entamer la construction dès le 1erjuillet 1783 et « la continuer sans interruption de manière qu’elle soit achevée sous 15 mois de ce jour » [28]. Si d’aventure la manufacture de papiers peints connaissait quelques difficultés à son lancement, Elie de Beaumont pourrait manifestement compter sur les loyers du futur bâtiment pour rentrer dans ses fonds.

30Mais l’objectif de Giroud de Villette n’est pas de réaliser une juteuse opération immobilière; sa priorité consiste à rassembler des capitaux suffisants pour faire édifier les bâtiments et lancer l’activité de sa nouvelle manufacture.

31La construction concomitante de l’immeuble sur la rue Lenoir et des installations productives situées en arrière-cour lui paraît bien vite au-dessus de ses seules forces. Elie de Beaumont et Giroud de Villette se retrouvent donc devant le notaire dès le 18 juin 1783 pour modifier sensiblement le premier acte.

32Apparemment de bonne composition, le bailleur et prêteur se déclare satisfait de « faciliter au dit Giroud de Villette un établissement naissant et toujours fort dispendieux dans les premières années » et adoucit de ce fait ses exigences. Giroud de Villette est autorisé à abandonner la construction du bâtiment sur la rue pour se consacrer à l’installation de sa manufacture : un simple mur à porte cochère est prévu sur la rue Lenoir, tandis que le bâtiment industriel peut se limiter à 35000 livres. Giroud de Villette, probablement effrayé par l’ampleur de la tâche de surveillance des constructions et de mise en valeur de l’ensemble du terrain, se réserve la possibilité de ne conserver que la partie indispensable à son activité – le fond du terrain et le passage qui y conduit – et de vendre toute la partie sur la rue, qui sera finalement acquise par son beau-frère à une date inconnue [29]. Elie de Beaumont conserve cependant son droit de regard sur ces installations, ce qui explique la présence des coupes et élévations de la manufacture (figures3,4 et5) [30].

33Sur ces bases plus raisonnables, Giroud de Villette entame le processus normal de son installation : visite de l’architecte juré expert Taboureur le 11 août 1783 sur le terrain, alors dénué de toute construction, et auquel on soumet les plans et élévations des bâtiments projetés [31], puis nouvelle intervention le 3novembre1785 pour la réception des ouvrages de construction [32]. Au total, l’expert estime les travaux réalisés à la somme de 46940 livres, modérant systématiquement les mémoires des artisans qui lui sont soumis. Si le démarrage de l’activité productive suit probablement d’assez près l’achèvement de la construction – l’intervention d’un juré expert pour contestation du prix de fournitures le 19janvier1786 montre que Giroud de Villette travaille déjà pour la clientèle parisienne [33] – le montage financier initial ne permet apparemment pas à Giroud de Villette de faire face à ses nombreuses charges. Il est contraint de recourir à un emprunt supplémentaire pour payer les travaux de construction du bâtiment qui abrite la fabrication en même temps qu’il lui sert de logement. Le 23 mars 1787, Giroud de Villette emprunte 14946 livres à Claude Minier, négociant à Clamecy – son beau-frère (?) – somme qui est immédiatement versée aux divers artisans qui attendaient encore le règlement de leurs mémoires [34].

FIGURE 3

© Archives Nationales, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783, «Plan du rez-de-chaussée

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FIGURE 3 © Archives Nationales, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783, «Plan du rez-de-chaussée du bâtiment du fond» de la manufacture de Giroud de Villette. Cliché C.Velut.

© Archives Nationales, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783, «Plan du rez-de-chaussée

FIGURE 4

© Archives Nationales, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783, élévation du bâtiment

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FIGURE 4 © Archives Nationales, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783, élévation du bâtiment principal de la manufacture de Giroud de Villette. Cliché C.Velut.

© Archives Nationales, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783, élévation du bâtiment

FIGURE 5

© Archives Nationales, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783, «Coupe du bâtiment du

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FIGURE 5 © Archives Nationales, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783, «Coupe du bâtiment du fond» de la manufacture de Giroud de Villette. Cliché C.Velut.

© Archives Nationales, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783, «Coupe du bâtiment du

UNE ENTREPRISE AU DEVENIR INCERTAIN

34Faut-il l’imputer à des prévisions insuffisantes dès le départ, à une mauvaise gestion des capitaux ou bien à un mode de vie contraire à l’activité d’entrepreneur ? La situation financière de la nouvelle manufacture ne cesse de s’aggraver. Si l’on en croit le mémoire justificatif de son père, Jean-Baptiste Giroud, le fils ne recule devant aucune dépense et cultive le goût du faste, peu compatible pourtant avec le démarrage d’une nouvelle entreprise. Contraint d’emprunter à de forts taux d’intérêts pour assurer la bonne marche de sa fabrique, il doit, toujours selon ce mémoire, recourir au Mont-de-Piété pour trouver des liquidités et mettre à contribution la générosité familiale pour conserver les apparences d’une situation saine [35]. Si le mémoire noircit probablement la situation, l’activité manufacturière de Giroud de Villette n’en paraît pas moins accablée de nombreuses difficultés au tournant des années 1786-1787. Poursuivi semble-t-il par le sort, le malheureux entrepreneur n’a pas le temps d’essayer de redresser la situation puisqu’il meurt assez brutalement le jour de la Pentecôte, le 27mai1787.

35Dans une situation financière très délicate, soumise à une hypothèque et aux mains d’une imposante liste de créanciers, la toute récente fabrique voit son avenir immédiat assez compromis. À l’issue de l’inventaire après décès, une partie des meubles et des marchandises de la manufacture sont vendus, tandis que l’essentiel du matériel est acquis par le fabricant Joseph Morel qui obtient parallèlement le bail de location des bâtiments.À l’issue de la troisième vacation chez le notaire, Morel achète pour 6050 livres « les agrets composant le fonds de la manufacture de papier peint » avec « la correspondance y attachée » et loue les bâtiments pour 1200 livres par an [36]. Ce fabricant de papiers peints, qui fait office d’expert choisi par le père lors de l’inventaire de la manufacture, est en relation, depuis le début des années 1780 au moins, avec la famille Giroud. Coutumier des opérations de prête-nom, Morel déclare immédiatement ne rien prétendre dans ce qui précède et n’agir que mandaté par Pierre César Sonnerat, négociant à Lyon [37]. Comment ce dernier a-t-il été mis au courant de l’affaire qui se présentait ? Bien difficile de le dire à la vue des seuls documents qui restent très discrets à ce sujet. On peut cependant remarquer l’origine lyonnaise de ce négociant, à mettre en relation avec l’activité d’une partie de la famille Giroud dans cette ville.

36Toujours est-il que Sonnerat a d’emblée le projet de prendre la relève et d’assurer la survie de la manufacture de la rue Lenoir : il se révèle l’acheteur des meubles et marchandises, outre le véritable locataire de l’entreprise [38]. Selon ses propres déclarations devant notaire, Sonnerat envisage « soit de prendre à son compte seul la manufacture de Giroud de Villette, soit de l’exploiter en société avec Sonnerat son fils ». Cette dernière éventualité présentant le mérite incontestable d’assurer une parfaite continuité à la tête de l’entreprise, puisqu’à une date inconnue – mais assez rapide, avant le début du mois de novembre 1788 – la veuve de Giroud de Villette convole en justes noces avec le tout jeune Charles Edme Sonnerat. Ce mariage est gage d’une transition en douceur, puisqu’elle « avait toutes les connaissances relatives à cet établissement ». Mais Sonnerat père abandonne très vite toute participation à l’entreprise, remettant le tout aux soins du couple. Il s’en désintéresse totalement et se contente de leur faire « différentes avances pour les mettre à portée de donner plus d’étendue à leur commerce ». L’acte par lequel Sonnerat père récapitule les différentes étapes de son désengagement au profit de son fils et de sa bru en précise en outre les modalités financières :le 9novembre1788, le couple est son débiteur d’environs 9000 livres qu’il s’engage à payer d’ici mars 1790 [39].

37L’entreprise semble donc pouvoir repartir de l’avant avec cette nouvelle équipe à sa tête. Mais c’est compter sans l’intervention des nombreux créanciers de feu Giroud de Villette. Ce dernier n’a pu faire face aux dépenses de mise en route sans emprunter des sommes importantes. Claude Minier, détenteur d’une créance de près de 15000 livres, n’entend pas être spolié et entame une procédure de saisie réelle dès l’été 1787. L’exploit de saisie réelle est délivré le 22 août 1787 et le bail obtenu par Sonnerat père, par l’intermédiaire de Morel, est converti en bail judiciaire le 19 décembre 1787. Selon l’ensemble des actes conservés dans le dossier relatif à la manufacture dans les archives du Bureau des saisies réelles, Sonnerat fils et son épouse, qui se sont substitués comme on l’a vu précédemment à Sonnerat père, ne remplissent pas les différents engagements et ne versent pas correctement le loyer annuel de 1200 livres. D’où un conflit avec Sonnerat père, qui demande la vente d’un certain nombre de meubles et effets saisis à la manufacture, le 23février1789.

38La poursuite de l’activité productive, certaine jusqu’en 1790, ne va donc pas sans difficultés et moments de crise, même si le dossier rassemblé est trop fragmentaire pour pouvoir en suivre tous les épisodes.

39La manufacture finit par changer de mains. On repère bien alors son nouveau propriétaire, mais l’équipe chargée de l’exploiter nous échappe :peut-être le couple Sonnerat et Veuve Giroud de Villette, jusqu’à une date indéterminée.

40En effet, la veuve a renoncé à la succession de son époux le 15novembre1788 et un curateur à la succession vacante a été désigné le 18novembre suivant. Sous son égide est conduite la vente sur publication, le 25 février 1792, de la manufacture de la rue Lenoir. C’est un notaire de Montreuil, Simon Pierre Préaux, qui s’en porte acquéreur et qui perçoit donc les loyers de la manufacture toujours en activité. La procédure de vente sur publication inclut l’intervention d’un architecte, Le Roux, qui estime le terrain à 10530 livres et les constructions à 9520 livres. C’est donc à ce prix que Préaux en fait l’acquisition [40], somme qui est répartie entre les divers créanciers de Giroud de Villette, à commencer par le fils du défunt Elie de Beaumont et Claude Minier [41].

41On perd ensuite la trace de cette entreprise au cours de la décennie 1790.

42La manufacture du 10, rue Lenoir ne disparaît pas pour autant au cours de la Révolution, puisqu’on retrouve à sa tête Jean-Philippe Schmidt, selon des modalités et à une date inconnues. Présent dans les bilans de fabricants faillis dès les années 1798-1799, il n’apparaît pas dans les almanachs avant l’an XI (1802-1803) [42]. Il est ensuite relayé par Jean-Barthélémy-Charles-André Velay entre1811 et1823 au moins, qui en est alors propriétaire [43].

43Si le devenir de l’entreprise, dans les premières décennies du XIXesiècle, est donc moins bien connu que les étapes de sa mise en place, il faut souligner la continuité de son exploitation par delà les aléas évoqués et la succession des personnes. Belle continuité soulignée dans le Rapport de l’exposition universelle de 1855 à propos de la manufacture Messener et fils, associés à Velay pour l’exploitation du 10, rue Lenoir en 1822, association prorogée le 28 mai 1828 et à nouveau jusqu’en 1840. Le Rapportnote à son propos qu’il s’agit là de « la plus ancienne de Paris actuellement », car fondée en 1786 [44].

DU PETIT ARTISAN À LA GRANDE MANUFACTURE

44Le faubourg Saint-Antoine attire donc des entreprises qui s’y implantent durablement. Par delà les vicissitudes économiques et les évolutions institutionnelles, le faubourg conserve son pouvoir d’attraction, servant de cadre à des installations tout au long de la période étudiée. Mais les grandes manufactures, telles celles de Réveillon, ne sont pas les seules à choisir le faubourg. La réserve de vastes espaces encore disponibles ne constitue donc pas le seul atout du faubourg pour fixer les entreprises. Il ne s’agit pas en effet d’un point crucial pour les petits ateliers qui s’organisent autour de la famille et n’emploient que quelques ouvriers.

45Les données rassemblées dans les enquêtes du ministère de l’Intérieur et les dossiers d’échange d’assignats permettent d’éclairer le large éventail des tailles de ces entreprises de papiers peints, même si elles se rapportent à des phases économiques difficiles : les chiffres ne peuvent donc être pris pour le reflet d’une situation moyenne [45]. Or s’y dessinent des situations très diverses, des plus modestes fabricants, qui emploient moins de dix ouvriers – tel Delleville qui, selon les observateurs du ministère de l’Intérieur, pourrait employer huit à dix ouvriers en 1799 [46] ou Mames et Tirammelin, deux associés qui travaillent « par eux-mêmes » [47] – aux entreprises d’une centaine d’employés. Dans cette dernière catégorie, les exemples ne sont pas rares, tel Rimbault évoqué plus haut, qui fournit du travail à 140-150 ouvriers en 1790, mais aussi Honoré et Simon qui ont entre 90 et 100 ouvriers [48], et Giroud de Villette qui en emploie probablement un nombre équivalent en 1786.

46La tranche la plus représentée concerne cependant les manufactures regroupant autour de 20-30 ouvriers : Schmidt qui oscille entre 36 et 65 ouvriers de mars 1790 à juillet 1791 dans la tendance haute [49], tandis que Blaise Totey, avec des chiffres compris entre 15 et 26 personnes, évolue plutôt dans le bas de la fourchette [50]. La manufacture de Réveillon, reprise par Jacquemart et Bénard en 1791, reste donc l’exception parmi les fabricants du faubourg avec ses 300 ouvriers en 1811. Les enquêtes répétées du ministère, entre1790 et1820, montrent bien cependant le danger de se fonder sur le seul critère du volume de main-d’œuvre pour juger de l’importance d’une entreprise. Le travail à la journée ou à la semaine permet une très grande variabilité de l’emploi, les périodes de crise se traduisant par une chute considérable de la main-d’œuvre, y compris chez Jacquemart et Bénard qui n’emploient plus qu’une centaine d’ouvriers au cours de 1799 [51] après avoir atteint le chiffre extrême de 22 ouvriers vers pluviôse anVII (janvier1799) [52].

UN FAUBOURG OUVRIER ET PRIVILÉGIÉ

47Ces dizaines d’entrepreneurs recensés cherchent certainement à exploiter au mieux un incontestable gisement de main-d’œuvre. Le faubourg concentre une population industrieuse importante, dans laquelle le fabricant n’a qu’à puiser pour faire tourner son affaire [53]. Avec d’autant plus de facilité que le faubourg fait partie des espaces privilégiés de la capitale et que le travail s’y organise sous l’égide de la liberté [54]. Deux décennies après sa création dans les années 1635-1637, ce quartier est toujours doté d’un statut particulier : les lettres patentes de février 1657 autorisent ouvriers et artisans à exercer leurs compétences en marge du système corporatif [55]. Les historiens spécialistes du faubourg s’entendent pour faire de cette liberté l’un de ses principaux facteurs attractifs : l’entrepreneur imaginatif peut y mettre en œuvre, en dehors de la surveillance tatillonne des jurés des arts et métiers, de nouveaux produits, miser sur de nouvelles techniques selon des modalités décidées souverainement.

48Inlassablement défendue par l’abbaye Saint-Antoine, cette liberté du travail ne laisse indifférentes ni les autorités de police, en position d’arbitre, ni les corporations. Accusant de tous les maux les produits élaborés au sein du faubourg, les responsables de ces dernières s’efforcent tout au long du XVIIIesiècle d’obtenir un droit de visite [56].

49Encore une fois, le cas Réveillon illustre bien l’intérêt de s’implanter dans le faubourg pour un entrepreneur qui rassemble sous un même toit des compétences et des produits très divers [57]. En s’installant rue de Montreuil, ce fabricant cherche sans doute aussi à s’affranchir de toute tutelle, tentative qui ne rencontre qu’un succès mitigé à en croire ses propres récriminations. Les jurés des corporations peuvent en effet pénétrer légitimement dans le faubourg pour exercer leur droit de regard sur la production de maîtres qui ont choisi de s’y installer. Faisant partie de l’un des prestigieux Six Corps, Réveillon n’échappe donc pas à des incursions à répétition, orchestrées par différents corps de métiers. Si l’on se fonde sur le récit de son parcours en tête de l’arrêt du 13 janvier 1784 qui lui accorde le titre de manufacture royale – éléments qu’on retrouve par ailleurs dans son Exposé justificatifrédigé après les journées d’avril1789 – la crainte de ces interventions est l’un des motifs de sa délocalisation à L’Aigle. Les formulations laissent peu de doute à ce propos :
« effrayé par ces contradictions qu’une multitude de corporations établies à Paris pouvaient lui faire essuyer », il jette d’abord son dévolu sur cette localité de Normandie. Nous avons vu plus haut comment cette solution s’avère trop coûteuse, ce qui pousse Réveillon à rapprocher sa fabrique de la capitale.

50Mais son essor si brillant au sein du faubourg ne passe pas longtemps inaperçu et Réveillon n’hésite pas à interpréter ces épisodes comme autant d’entraves à une ascension économique qui se veut par ailleurs exemplaire.

51Quelles en sont les principaux moments ? Malgré l’acquisition d’« un privilège d’imprimeur en taille douce », c’est la communauté de ces imprimeurs qui, la première,« saisit avec l’appareil le plus bruyant et le plus humiliant les presses de la manufacture ». Ce sont ensuite la communauté des papetierscolleurs et celle des peintres qui prétendent selon lui « s’approprier exclusivement la fabrication des papiers veloutés et des papiers peints ». Enfin, dernière mésaventure évoquée, l’intervention des papetiers, que l’acquisition d’un privilège de peintre-doreur et sculpteur ne freine pas. Chaque épisode se traduit par des saisies, procès et perturbations sans fin de ses affaires.

52Le caractère très allusif de ce résumé et surtout l’absence de toute date rendent très difficile la confrontation d’une telle litanie avec les sources qui auraient pu garder trace plus objective de ces épisodes. En l’état des recherches d’A.Thillay, les papiers des commissaires en poste au faubourg n’ont révélé aucune trace des saisies et conflits dont Réveillon se prétend la victime. Mais par ce mémoire, il cherche surtout à convaincre le pouvoir de lui accorder la seule véritable et efficace protection contre tous ces troubles, le titre de manufacture royale. Il peut donc avoir la tentation de noircir un peu le tableau. S’il a pu triompher jusqu’à présent de tous ces embarras, il ne le doit, selon lui, qu’à la bienveillante intervention du lieutenant de police Lenoir, qui s’est convaincu par une visite de l’entreprise de l’intérêt de la défendre contre les empiétements des jurandes parisiennes [58]. Mais comme il le souligne à l’envi, rien n’est acquis par cette seule protection, « il peut à tout moment éprouver de nouvelles saisies, de nouveaux procès » [59]. La localisation dans le faubourg ne met donc pas complètement à l’abri des interventions des jurés des corporations. Bien conscient des faiblesses « institutionnelles » du faubourg, Réveillon s’efforce donc de cumuler le maximum de privilèges, bien sûr privilège du lieu, mais aussi privilèges personnels par l’achat de diverses maîtrises, privilège de ses deux manufactures, de papier peint rue de Montreuil et de papier à Courtalin, en Brie, privilège de manufacture royale et enfin un solide réseau de protections [60].

QUELQUES RAISONS D’UNE GREFFE DURABLE

53Ce statut particulier du faubourg disparaît en même temps que la structure corporative; le faubourg n’en poursuit pas moins sur sa lancée dans cette branche de l’aménagement intérieur. Car l’abondance de maind’œuvre et la liberté du travail ne sont pas les seuls aspects propices à un bon enracinement dans ce quartier. Les fabricants de papiers peints y trouvent en effet un environnement favorable, s’insérant dans un dense tissu d’entreprises entre lesquelles circulent les ouvriers, les compétences aussi bien que l’inspiration.

54Malgré les remarques de Réveillon, il ne semble pas que la fabrication des toiles peintes ou indiennes participe de manière essentielle à ces côtoiements fructueux. Il affirme en effet que la liberté si longtemps réclamée de l’impression sur toile, en 1759, provoque l’afflux d’« une multitude d’artistes et d’ouvriers étrangers qui furent indistinctement employés dans les manufactures d’indiennes et dans celles de papiers peints » [61]. Les spécialistes de ce secteur textile et ceux du faubourg s’accordent au contraire sur la rareté de ces entreprises avant 1820 :les plus significatives sont situées dans l’enclos de l’Arsenal, au Clos-Payen ou dans la première couronne parisienne selon J. Brédif [62]; R. Monnier ne cite que deux fabricants, installés dans le faubourg pendant l’Empire [63]. Malgré les liens incontestables de ces deux activités ce n’est donc pas, pour le faubourg, l’hypothèse la plus pertinente. La question de la circulation de la main-d’œuvre, en particulier des imprimeurs, entre ces deux mondes de l’indienne et du papier peint, reste cependant fondamentale à l’échelle de l’ensemble de la capitale.

55La localisation dans le faubourg d’un secteur chimique en plein essor, en particulier à partir de l’Empire, n’est pas forcément à négliger. Les fabricants de papiers peints trouvent facilement à se fournir en minium de qualité chez Olivier puis ses successeurs, Verdier et Husson, en colle forte chez Duchet, remarquée à l’exposition des produits de l’industrie de l’an IX [64] par exemple.

56Mais beaucoup plus cruciale nous semble la proximité avec le vaste secteur du meuble. Outre la parenté des sources d’inspiration décorative – sur ce support de papier se retrouvent les tendances et les modes qui prévalent dans les autres arts dits mineurs – s’établissent sans doute des liens autour du bois :l’habileté des sculpteurs sur bois a pu être mise à profit pour la gravure des planches qui servent à l’impression des papiers de tenture. Il ne s’agit là cependant que d’une hypothèse séduisante, demandant à être vérifiée par des recherches complémentaires, rendues difficiles par la rareté des sources relatives à la main-d’œuvre employée dans ces entreprises.

57Au total, nombreux paraissent les avantages qui ont pu peser dans la stratégie d’implantation des fabricants de papiers peints. En l’absence de tout fonds d’archives d’entreprise au sens strict du terme, nul ne prétendra sonder les reins et les cœurs de ces manufacturiers : une correspondance ou des registres d’activité auraient peut-être révélé des motifs tout autres que ceux qui sont envisagés plus haut. Des trois cas abordés plus en détail, Réveillon, Rimbault et Giroud de Villette, se dégage pourtant un faisceau de présomptions assez sûres ou qui peuvent inviter à la discussion. La réserve d’espaces exempts de toute construction d’abord. Que ce soit dans les spacieux jardins de la Folie Titon, où Réveillon peut faire construire des ateliers à sa convenance, ou bien dans des terrains maraîchers – les « marais » encore si présents dans le cadastre du quartier dans les années 1810 – que la création du nouveau marché Saint-Antoine permet d’intégrer à l’espace bâti. Giroud de Villette tout comme Rimbault saisissent l’opportunité de s’implanter dans ce lotissement d’Aligre qui donne aussitôt naissance à « une ville nouvelle » et dans des bâtiments conçus spécialement pour leur activité.

58Mais le faubourg Saint-Antoine n’a pas le monopole des réserves foncières;

59la grande manufacture rivale de Réveillon, dirigée par Arthur et Grenard, a trouvé des espaces comparables à proximité du quartier de la Chaussée d’Antin, rue Louis-le-Grand, au coin du boulevard. Se combinent avec cette disponibilité de terrains le caractère industrieux du faubourg et son statut d’espace privilégié. Les entrepreneurs savent pouvoir trouver facilement et à proximité la main-d’œuvre dont ils ont besoin, en même temps qu’ils n’auront pas à subir les conséquences du rapprochement sous un même toit de tâches que les statuts des jurandes réservent à divers métiers. Enfin, sans prétendre ici épuiser les facteurs explicatifs de ces localisations, ces entreprises y trouvent un terreau favorable, où cohabitent souvent dans les mêmes rues des activités qui se rapportent toutes au décor du cadre de vie. Le secteur des papiers peints ne peut que s’épanouir dans un quartier où se côtoient ébénistes et miroitiers, tapissiers et faïenciers.

60Reste que le caractère attractif du faubourg repose avant tout sur la possibilité de combiner divers avantages, ce que l’exemple le mieux documenté, celui de Réveillon, montre bien. Chacun des facteurs explicatifs évoqués plus haut ne peut à lui seul garantir le succès de ces implantations; en revanche leur combinaison et leur complémentarité expliquent sans doute pour une large part le choix de Réveillon et de ses émules. Terreau apparemment propice aux plus spectaculaires réussites, au sein duquel les artisans traditionnels peuvent se métamorphoser en véritables entrepreneurs et qui en même temps reflète bien les ambiguïtés, voire les contradictions, d’un secteur productif en plein essor :
jouer de la liberté du travail pour développer un nouveau produit tout en aspirant à une situation de monopole; s’efforcer de dénicher des dessinateurs fidèles et de qualité en même temps qu’on copie ce qui se fait chez le concurrent.

61Le bilan doit-il pour autant rester unilatéral ? Nous avons vu que le faubourg ne représentait pas le choix le plus judicieux en matière de commercialisation. Réveillon a bien noté l’inconvénient de l’éloignement, de caractère géographique en même temps que social pour sa clientèle la plus huppée, qui hésite sans doute à pénétrer si avant dans ce faubourg très populaire. À cette distance s’ajoute pour les artisans libres l’interdiction d’aller vendre eux-mêmes leurs produits dans la ville :les acheteurs doivent se déplacer jusqu’à leur boutique et accompagner les marchandises achetées. Enfin, si au vu de l’essor de son activité, Réveillon a dû maintes fois se féliciter de son choix, il est un épisode où l’implantation au cœur de ce faubourg industrieux lui est apparue sous un jour beaucoup moins favorable :lors des journées d’avril1789 bien sûr.

62Sans revenir sur les tenants et aboutissants de cette émeute sur laquelle de nombreux historiens se sont penchés [65], notons simplement ici que Réveillon l’a interprétée comme une véritable trahison à son égard, de la part de ses ouvriers mais plus généralement de l’ensemble du faubourg. Persuadé d’avoir toujours été très attentif à la vie et au bien-être de ses employés, de n’avoir jamais ménagé sa peine ni reculé devant les sacrifices nécessaires pour faire vivre plusieurs centaines de familles du faubourg, il ressent comme une véritable atteinte personnelle l’irruption de la foule dans sa manufacture :c’est sa douleur qu’il prétend avant tout exprimer dans l’Exposé justificatif, publié peu après les événements [66]. La trahison est si fortement ressentie, son nom « a été voué à l’infamie », il lui est donc impossible de reprendre le fil de son activité dans un tel environnement. Il quitte complètement le faubourg pour la rue de Paradis puis celle des Bons-Enfants, abandonnant un quartier qui a abrité la majeure partie de sa vie active mais qui lui est soudain apparu sous un jour par trop menaçant.

63En donnant de l’activité à une main-d’œuvre qui trouvait à se loger à proximité et à moindre frais que dans les quartiers intra-muros, les entreprises de papiers peints ont apporté leur contribution, même si elle reste modeste, au processus qui fait du faubourg Saint-Antoine au XIXesiècle un des hauts lieux de la production parisienne, emboîtant le pas au secteur textile dans l’adoption de la mécanisation. Les imprimeurs et autres ouvriers en papiers peints sont l’une des composantes de ce peuple du faubourg, toujours trop prompt à se soulever aux yeux des autorités et qui s’illustre dans tous les grands épisodes révolutionnaires parisiens du XIXesiècle.


Date de mise en ligne : 01/10/2005

https://doi.org/10.3917/rhmc.491.0115

Notes

  • [1]
    Les menuisiers-ébénistes forment le groupe le plus important dès la fin du XVIIesiècle.Cf. Alain THILLAY, « La rue et le faubourg Saint-Antoine »,in G.-A. LANGLOIS (dir.),Le XIIearrondissement, Traditions et actualités, Paris, DAAVP, 1996, p. 62-71.
  • [2]
    Carolyn SARGENTSON fait clairement le point sur ces aspects institutionnels dans Merchants and Luxury Markets, the Marchands Merciers of Eighteenth Century Paris, London, Victoria and Albert Museum, 1996. Si les marchands merciers ont le droit de vendre toute sorte d’objets, ils n’ont pas le droit de les produire, seulement de les « embellir » ou « finir ». Dans les faits, nombreuses sont les transgressions.
  • [3]
    Archives Nationales (AN), Minutier Central (MC), étude/X/546,20 septembre 1761, mentionnant le premier accord du 25 juillet 1760 (Communiqué par A. Dailly)
  • [4]
    AN, MC, étude/X/546,20 septembre 1761.
  • [5]
    AN, MC, étude/X/546,20 septembre 1761, bail de sous-location consenti par R.Testard, maître jardinier petite rue de Reuilly.
  • [6]
    AN, MC, étude/X/546, addition à l’acte du 20 septembre 1761, le 21 juillet 1763.
  • [7]
    AN, MC, étude/X/598,8 juillet 1767, Réveillon achète les trois maisons contiguës numérotées 10,11,12, rue de Montreuil à P. R. Samson pour la somme de 50000 livres.
  • [8]
    AN, MC, étude/X/637,4 mai 1773, vente de son fonds de boutique.
  • [9]
    Luc-Vincent THIERY,Almanach du voyageur à Paris, contenant une description sommaire mais exacte de tous les monuments, chefs d’oœuvre des arts, établissements utiles…, Paris, chez Hardouin, Gattey, 1785, p. 318. Thiéry mentionne la manufacture de Réveillon et assure que « la maison, nommée la Folie Titon, mérite l’attention des curieux ».
  • [10]
    Cet amical soutien apporté par Réveillon aux expériences menées par Montgolfier est bien mis en évidence par Charles C. GILLISPIE,Les frères Montgolfier et l’invention de l’aéronautique(1re édition américaine 1983), Arles, Actes Sud, 1989.
  • [11]
    A. DAILLY,La Seine et Marne berceau du papier monnaie. Essai sur la manufacture de Courtalin, la papeterie du Marais et l’usine de Biercy, Le Mée-sur-Seine, Éd. Amattéis, 1996, p. 31.
  • [12]
    Réveillon suit en cela l’exemple des entrepreneurs de poterie, qui obtiennent après 1750 le droit d’ouvrir une boutique « en ville » (Communication d’A.Thillay).
  • [13]
    Mercure de France, juillet 1776 (Slatkine reprints), p. 221, avis n° 2.
  • [14]
    Raymonde MONNIER,Le faubourg Saint-Antoine, 1789-1815, Paris, Société des Études Robespierristes, 1981, p. 173 : « en dehors des grands axes de circulation le faubourg Saint-Antoine garde encore [sous l’Empire] en bien des endroits un aspect campagnard ».
  • [15]
    Ce nouvel emplacement commercial doit remplacer l’ancien marché devenu insuffisant pour approvisionner la population du faubourg. Sa dénomination n’est pas d’emblée fixée, hésitant entre marché Saint-Antoine, Beauveau et Lenoir. Il s’agit aujourd’hui de la place d’Aligre : Jean-Michel ROY, « Le marché Beauveau »,Le XIIearrondissement, op. cit., p. 80-85.
  • [16]
    L’intervention de Chomel de Scériville, simple prête-nom, est mentionnée sur le « Plan et toisé du nouveaux marché Saint-Antoine…», AN, N II Seine 19. Pour plus de précisions sur l’opération immobilière autour du nouveau marché, se reporter à J.-M. ROY, « Le marché Beauveau »,op.cit., p. 80 et à la communication de Jean-Baptiste MINNAERT et Céline RENARD, APUR, décembre 1995 (dactylographié).
  • [17]
    Annonces, affiches et avis divers, n° 104,14 avril 1786.
  • [18]
    Ibid.,n° 154,3 juin 1786.
  • [19]
    AN, Z1j 1156,4 octobre 1786, les ouvrages des sieurs Nizard, maître maçon et maître charpentier, sont estimés par Aubert à 30145 et 14436 livres respectivement.
  • [20]
    Annonces, affiches et avis divers, supplément du n° 10,10 janvier 1789.
  • [21]
    Parvenu à ce remarquable niveau d’activité en 1792, il est sans doute incité par les circonstances révolutionnaires à passer la main. Il cède son fonds à deux associés, Louis-Joseph-Bernardin Honoré et Charles-François Simon, le 24 janvier 1795, et vend le terrain avec les bâtiments le 10 juillet suivant. AN, MC, étude/XXII/116,5 pluviôse an III et étude/XXII/123,22 messidor an III.
  • [22]
    Les débuts de Giroud de Villette dans la manufacture de Réveillon restent obscurs, mais en 1783 il arbore le titre d’adjoint, position d’importance confirmée par le brouillon du « Mémoire justificatif » de J.-B. Giroud père qui précise simplement ses émoluements : il « gagnait 10 à 12 mille livres chaque année » chez Réveillon. Dossier Giroud de Villette des Papiers Clouzot, Bibliothèque du Musée des Arts décoratifs.
  • [23]
    AN, Y 14113,6 nov. 1783, plainte déposée par Giroud de Villette. Nous remercions très chaleureusement A.Thillay de nous avoir communiqué ce passionnant document.
  • [24]
    Indications portées sur le « Plan et toisé du nouveau marché Saint-Antoine…». L’acte de vente du terrain précise en outre que Chomel de Scériville n’a servi lors de la première mutation que de prête-nom à Denis Lenoir, frère de l’architecte Lenoir : AN, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783.
  • [25]
    J.-M. ROY, « Le marché Beauveau »,op. cit., p. 83.
  • [26]
    AN, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783.
  • [27]
    Rectification de la surface, donc de la rente foncière, par acte le 23 août 1784, joint à l’acte de vente initial, AN, MC, étude/LXXXIX/778.
  • [28]
    AN, MC, étude/LXXXIX/778,25 mai 1783.
  • [29]
    AN, MC, étude/LXXXVII/1231, l’acte de location de la manufacture à Joseph Morel le 18 septembre 1787 précise qu’il s’agit de « tout ce qui du dit terrain se trouve excepté de la vente faite par le dit Sieur de Villette à Mignier son beau-frère ».
  • [30]
    AN, MC, étude/LXXXIX/778, addition le 18 juin 1783 à l’acte du 25 mai 1783.
  • [31]
    AN, Zij1104,11 août 1783.
  • [32]
    AN, Zij1142,3 novembre 1785.
  • [33]
    AN, Zij1145,19 janvier 1786, expertise de fournitures faites par Giroud de Villette dans une maison située dans l’enclos des Quinze-Vingt, faisant suite à une sentence du lieutenant civil du Châtelet du 9 novembre 1785, mais l’estimation reste très globale, pour un montant de 415 livres, et le mémoire fourni par Giroud de Villette n’est plus joint à l’acte.
  • [34]
    AN, MC, étude/XXVIII/526,23 mars 1787. La somme est intégralement répartie entre un maître charpentier (3307 livres), un couvreur (1563 livres), un paveur (1329 livres), un vitrier (862 livres), un carreleur (1163 livres), un peintre (358 livres), un serrurier (2056 livres), un menuisier (3493 livres) et un salpêtrier (803 livres).
  • [35]
    Copie manuscrite d’un brouillon du « Mémoire justificatif de Jean-Baptiste Giroud de Villette et consorts, accusés de détournement de sucession », sd et inachevé, Papiers de H. Clouzot, Musée des Arts décoratifs. Ce mémoire rédigé après le décès de Giroud de Villette vise à défendre le père et le frère, qui ont géré les affaires courantes de la manufacture de la rue Lenoir, dans le cadre d’une succession délicate.
  • [36]
    AN, MC, étude/LXXXVII/1231,11-18 septembre 1787.
  • [37]
    AN, MC, étude/LXXXVII/1231,18 septembre 1787.
  • [38]
    Le texte de l’accord entre Sonnerat père, son fils et sa bru, précise les projets et les changements du premier. Il mentionne ainsi qu’il « avait d’ailleurs acheté pendant le cours de la vente après décès du sieur Giroud de Villette les marchandises qui existaient dans les magasins et la plus grande partie des meubles et effets mobiliers »: AN, MC, étude/LXXXVII/1235,9 novembre 1788.
  • [39]
    AN, MC, étude/LXXXVII/1235,9 novembre 1788.
  • [40]
    Archives de Paris, Lettre de ratification n° 1466c. Préaux débourse au total 21510 livres, y compris les frais de la procédure et les droits de rachat.
  • [41]
    AN, ZZ2874, dossier de la « maison rue Lenoir servant de manufacture de papier à tenture ».
  • [42]
    Jean Massonet comprend Schmidt, rue Lenoir, parmi ses créanciers, dans son bilan du 19 thermidor an VII (6 août 1799), Archives de Paris, D11U3, cart. 8, d. 545.
  • [43]
    AN, F31 67-68, Cadastre de Paris, plans de Vasserot des maisons par îlots, 1810-1836, le n° 10, rue Lenoir, estimé à 829 m294 a pour propriétaire Velay.
  • [44]
    Actes de société conservés aux Archives de Paris et Rapport de l’exposition universelle de 1855 cités par Véronique de BRUIGNAC,« Les fabricants de papiers peints »,in Odile NOUVEL-KAMMERER (dir.), Papiers peints panoramiques, Paris, Musée des arts décoratifs-Flammarion, 1990, Annexes, p. 319-320.
  • [45]
    Il s’agit des enquêtes telles que l’« État des chefs d’ateliers du VIIIearrondissement avec le nombre d’ouvriers et observations » du 8 vendémiaire anVIII (30 septembre 1799) ou l’« État des manufactures et autres établissements […] situés dans la ville de Paris » en février 1807, conservées dans la série F12; ainsi que les certificats délivrés par les districts puis les sections en vue de l’échange des assignats contre de la petite monnaie, conservés dans les dossier de la série F30 des Archives nationales.
  • [46]
    AN, F12 504-505, Delleville, rue d’Aligre n° 18.
  • [47]
    AN, F12 504-505, Mames et Tirammelin, rue de Montreuil n° 32.
  • [48]
    AN, F12 504-505, Honoré et Simon, rue Beauveau n° 2.
  • [49]
    AN, F30 132, dossier Schmidt, rue de Reuilly n° 19. En l’absence de toute mention de prénom et face à un nom assez courant, on ne peut faire de lien avec Jean-Philippe Schmidt installé rue Lenoir dans l’ancienne manufacture Giroud de Villette.
  • [50]
    AN, F30 132, dossier Blaise Totey, rue de Reuilly, qui passe de 20 à 26 ouvriers entre février et novembre 1791. L’enquête de 1799 estime ses capacités d’emploi à 15-18 ouvriers :AN F12 504-505.
  • [51]
    AN, F12 504-505, Jacquemart et Bénard, rue de Montreuil,« occupe[nt] encore cent ouvriers ».
  • [52]
    R. MONNIER,Le faubourg Saint-Antoine,op. cit., p. 85, enquête du ministre de la Police en pluviôse an VII.
  • [53]
    Le dépouillement des registres de cartes de sûreté pendant la Révolution permet à R. MONNIER d’affirmer avec force que « la réputation du faubourg de grand faubourg « ouvrier » n’est pas usurpée ». Les activités non-économiques y sont très faiblement représentées :Le Faubourg Saint-Antoine,op. cit., p. 37.
  • [54]
    Cette question des relations entre le monde des communautés d’arts et métiers et le faubourg libre est étudiée par Steven KAPLAN,« Les corporations, les « faux ouvriers » et le faubourg Saint-Antoine au XVIIIesiècle »,Annales ESC, 43, n° 2, mars-avril 1982, p. 353-378.
  • [55]
    A.THILLAY, « Le faubourg Saint-Antoine et la liberté du travail »,Histoire, Économie et Société, 1992, n° 2, p. 217-236.
  • [56]
    A. THILLAY, « La liberté du travail au faubourg Saint-Antoine à l’épreuve des saisies des jurandes parisiennes (1642-1778)»,Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 44-4, oct.-déc. 1997, p. 634-649.
  • [57]
    AN, E*1616a, Conseil des finances, 13 janvier 1784, exposé justificatif pour l’obtention du titre de manufacture royale en tête de l’arrêt du Conseil. Réveillon en donne une liste indicative, allant des menuisiers, serruriers, graveurs, ciseleurs, sculpteurs, dessinateurs et teinturiers aux simples colleurs.
  • [58]
    La fulgurante ascension de Réveillon, marquée par ces déboires mais aussi des protections très haut placées, est étudiée par Leonard N. ROSENBAND, « Jean-Baptiste Réveillon : A man on the make in Old Regime France »,French Historical Studies, 1997, vol. 20, n° 3, p. 481-510.
  • [59]
    AN, E*1616a, Conseil des finances, 13 janvier 1784.
  • [60]
    Réveillon se targue à plusieurs reprises de la bienveillance du lieutenant de police Lenoir à son égard, protection dont l’origine et la réalité restent malheureusement incertaines. Lenoir ne l’évoque par exemple nullement dans le manuscrit de ses Mémoires(Communication orale de Vincent Milliot).
  • [61]
    AN, E*1616a, Conseil des finances, 13 janvier 1784.
  • [62]
    Josette BREDIF,Toiles de Jouy, Paris, Adam Biro, 1989, p. 163-164.
  • [63]
    R. MONNIER,Le faubourg Saint-Antoine,op. cit., index.
  • [64]
    Ibid., p. 190.
  • [65]
    Henri CLOUZOT et Charles FOLLOT consacrent deux chapitres aux journées des 27 et 28 avril 1789 dans leur Histoire du papier peint en France, Paris, Charles Moreau, 1935, p. 73-100. Mais il faut surtout se reporter aux analyses de George RUDÉ,La foule dans la révolution française, Paris, François Maspero, 1982 (1re édition 1959), p. 50-61.
  • [66]
    Exposé justificatif pour le Sieur Réveillon, entrepreneur de la Manufacture royale de papiers peints, faubourg Saint-Antoine, Paris, se, sd, p. 12.

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