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Article de revue

Négoce et territoire : les passeports nordistes au XIXe siècle ( 1791-1869)

Pages 104 à 122

Notes

  • [1]
    Charles CARRIÈRE, Négociants marseillais au XVIIIe siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, Marseille, Institut historique de Provence, 1973, I, p. 237-350.
  • [2]
    Maurice d’HARTOY, Histoire des passeports français depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, Paris, H. CHAMPION, 1937, et Jean VIDALENC, « Une source d’histoire économique et sociale : les passeports. REVUE D ’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE 48-2/3, avril-septembre 2001. Problèmes d’utilisation, limites, lacunes », Bulletin de la Section d’histoire moderne et contemporaine (Comité des travaux historiques et scientifiques), 1971, n° 8, p. 187-202.
  • [3]
    Gérard NOIRIEL, « Surveiller les déplacements ou identifier les personnes ? Contribution à l’histoire du passeport en France de la Ière à la IIIe République », Genèses, n° 30, mars 1998, p. 77-100.
  • [4]
    J’ai par ailleurs adopté comme principe que lorsque ces négociants partent en voyage, c’est en général pour leurs affaires. Sont donc exclus du corpus les cas où il était stipulé que le voyage avait pour but une « affaire de famille » ou une « affaire personnelle ». À l’inverse, les cas où il est spécifiquement indiqué qu’il s’agit d’un voyage « pour affaires » sont rares, de l’ordre d’une vingtaine seulement.
  • [5]
    Sous l’Ancien Régime, Flandre et Hainaut sont des « provinces réputées étrangères » vivant sous un régime privilégié d’exemption douanière.
  • [6]
    Matthieu de OLIVEIRA, Argent public et argent privé sur les routes du Nord. Réseaux et flux financiers en Europe du Nord-Ouest de la Révolution à l’Empire, doctorat sous la direction de J.-P. Hirsch et A. Plessis, Lille III-Paris X, 1999.
  • [7]
    Archives municipales de Lille, Fonds Gentil (désormais AM Lille, FG).
  • [8]
    Pour une comparaison avec le comportement des négociants d’une autre grande place française : Silvia MARZAGALLI, « Les voyages des négociants bordelais à l’époque du Blocus continental », Bulletin du Centre d’Histoire des Espaces Atlantiques, nouvelle série, n° 6, 1993, p. 137-150.
  • [9]
    Les autres requérants sont en général des épouses rejoignant leur mari, « officier ou employé dans l’armée française » (Annuaire statistique du département du Nord pour 1811, p. 100), et accompagnées de leurs enfants ou des étrangers regagnant leur pays, comme cet « Irlandais avec sa famille composée de neuf personnes, sortant du territoire de la République par autorisation du Grand Juge » en l’an XII ( Annuaire statistique du département du Nord pour l’an XIII, p. 269).
  • [10]
    Firmin LENTACKER, La frontière franco-belge. Étude géographique des effets d’une frontière internationale sur la vie des relations, thèse de géographie, Paris IV, 1973, p. 34-43 et Jean VIDALENC, « La renaissance de la frontière du Nord ( 1814-1819) », in Frontières et limites de 1610 à nos jours, Actes du 101e Congrès national des Sociétés Savantes, section d’histoire moderne et contemporaine, Lille 1976, Paris, Bibliothèque nationale, 1978, tome I, p. 73-88.
  • [11]
    « Le département du Nord étant redevenu frontière, la ligne des douanes a été rétablie, à peu de choses près, telle qu’elle était avant la réunion de la Belgique. Cette ligne forme, pour le département, deux directions dont les chefs-lieux sont Dunkerque et Valenciennes » et dont les effectifs cumulés dépassent les 2700 hommes; Annuaire statistique du département du Nord pour 1815, p. 63-65.
  • [12]
    Il n’en est heureusement pas de même partout, comment le montre l’article d’Alain BECCHIA, « Voyages et déplacements au début du XIXe siècle. Étude des passeports intérieurs conservés à Elbeuf », Annales de Normandie, 1991/3, p. 179-215, qui repose sur le dépouillement de 2603 passeports délivrés entre 1816 et 1825.
  • [13]
    AM Lille, FG 15 146/256 : passeport du 8 juillet 1828.
  • [14]
    Francis DÉMIER, Nation, marché et développement dans la France de la Restauration, thèse, Université de ParisX, 1991.
  • [15]
    Henry-Thierry DESCHAMPS, La Belgique devant la France de Juillet. L’opinion et l’attitude françaises de 1839 à 1848, Paris, Les Belles Lettres, 1956, p. 105. Le développement qui suit s’appuie largement sur cet ouvrage.
  • [16]
    C’est seulement en 1865 qu’un accord international associera la France à ses voisins belge, italien et suisse, mais il s’agit alors d’une union monétaire, à la dimension commerciale tout à fait secondaire; Matthieu de OLIVEIRA, La question monétaire et l’Union Monétaire Latine (1865-1873), mémoire de maîtrise sous la direction d’A. Plessis, université de Paris X-Nanterre, 1992.
  • [17]
    Archives nationales, Paris, F12 6240 : Adresse au roi du 2 novembre 1842, citée par H.-T. DESCHAMPS, La Belgique devant la France de Juillet. Op. cit., p. 240.
  • [18]
    Archives départementales du Nord (désormais AD 59), 1 N 51 : Registre des délibérations du Conseil général du Nord, session d’août 1837, p. 397-398. C’est moi qui souligne.
  • [19]
    Le dernier est Dupouy aîné, de Dunkerque.
  • [20]
    Jean-Pierre HIRSCH, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1991, p. 387.
  • [21]
    AD 59, M. 172/17 et 18 : Registres des passeports pour l’étranger délivrés par la préfecture du Nord, 1853-1854 et 1855-1862.
  • [22]
    AD 59, M. 172/18 : passeports des 11 septembre 1855 (n° 652), 3 octobre 1855 (n° 697), 17 avril 1856 (n° 1064) et 12 octobre 1858 (n° 2207).
  • [23]
    AD 59, M. 172/18 : passeport du 22 janvier 1856 (n° 885).
  • [24]
    J.-P. HIRSCH, Les deux rêves du commerce. Op. cit., p. 388.
  • [25]
    F. LENTACKER, La frontière franco-belge… Op. cit., p. 140-141.
  • [26]
    Denis BRUNN, « Le Traité de commerce franco-suisse de 1864 et les relations commerciales entre la France et la Suisse de 1864 à 1873 », in Raymond POIDEVIN et Louis-Édouard POULET (dir.), Aspects des rapports entre la France et la Suisse de 1843 à 1939, Metz, Centre de Recherches en Relations internationales de l’Université de Metz, 1982, p. 49-58.
  • [27]
    Ministère des Affaires étrangères, Négociations monétaires entre la France et l’Autriche, Livre jaune 26 bis, Imprimerie impériale, 1867.
  • [28]
    AD 59, M. 172/20 : passeports des 17 mai 1865 (n° 28) et 23 novembre 1869 (n° 54 à 56).
  • [29]
    AD 59, M. 172/20 : passeport du 13 mars 1867 (n° 12). Sur la présence des milieux négociants français et en particulier nordistes en Chine, voir François-Yves DAMON et Jean-Pierre HIRSCH, « Les milieux textiles français et le marché chinois au milieu du XIXe siècle », in Jacques BOTTIN et Nicole PELLEGRIN (édit.), Échanges et cultures textiles dans l’Europe pré-industrielle, Villeneuve d’Ascq, Revue du Nord, hors-série, Collection Histoire, 1996, p. 49-60.
  • [30]
    G. NOIRIEL, art. cit., p. 98.
  • [31]
    Sont délivrés 5 passeports en juillet, 766 en août, 1901 en septembre, 339 en octobre, 305 en novembre et encore 156 en décembre (AD 59, M. 172/20). S’agit-il là d’une spécificité septentrionale, ou bien un tel mouvement de panique est-il également observable dans d’autres départements, frontaliers comme de l’intérieur ?
English version

1 Distinguant le commerçant du négociant, Charles Carrière insistait sur le caractère noble de l’activité du second, exempt de toute spécialisation et portant sur des quantités considérables de marchandises; il opposait également leurs aires d’activité, le premier demeurant cantonné à l’intérieur des limites de la ville alors que le second, par nécessité comme par nature, est appelé à se déplacer, en quête de fournisseurs comme de clients [1]. Par la même, le négociant contribue à dresser une géographie, à tracer les contours d’un territoire dont l’étendue accompagne le dynamisme économique de l’individu et au-delà de la ville ou de la région au sein de laquelle il prend place.

2 Constitutifs de l’identité négociante, ces déplacements imposent la détention d’un passeport. Moyen de contrôle au service des autorités qui le délivrent comme assurance d’aide et de protection pour son détenteur, ce dernier fait dès lors figure de source privilégiée pour l’étude quantitative des déplacements mais également, de façon indirecte, pour la définition de l’aire d’activité des négociants, de leur territoire commercial, à l’intérieur du pays comme en dehors des frontières nationales. Il apparaît enfin comme le double administratif et officiel, formalisé en un document imprimé, de la réputation commerciale, viatique social et professionnel du négociant, et vient confirmer par le contact direct l’ensemble des éléments plus ou moins informels recueillis jusque-là par le biais de la correspondance commerciale.

3 Un temps supprimé par la constitution de septembre 1791 au nom de la lutte contre l’arbitraire, le passeport est rétabli par la loi du 1er février 1792, promulguée le 28 mars suivant [2]. Désormais et pour l’ensemble du XIXe siècle, tout voyageur de plus de 15 ans est tenu de disposer de ce document administratif dès lors qu’il quitte le territoire cantonal; en fonction de sa destination, il doit cependant solliciter différentes administrations, le passeport pour une ville française étant délivré par l’autorité municipale, le préfet demeurant seul habilité à établir celui pour l’étranger. Le « laissez-passer » de la période révolutionnaire laisse progressivement la place à des documents plus formels et bientôt uniformisés à mesure que s’étend l’emprise de l’administration. Le décret du 18 septembre 1807 prévoit ainsi que le passeport se compose de deux parties comportant les mêmes renseignements, l’une d’elle étant remise à son titulaire (c’est le passeport à proprement parler), l’autre demeurant attachée au registre conservé dans les bureaux; celui du 11 juillet 1810 enfin uniformise les documents délivrés en France et fixe le prix des passeports «à l’intérieur » à 2 F, contre 10 F pour ceux «à l’étranger ». Ces spécificités perdurent jusqu’à la IIIe République, avant que l’usage du passeport ne tombe progressivement en désuétude [3].

4 Cette étude repose sur le dépouillement de l’ensemble des passeports délivrés tant par les autorités municipales de Lille que préfectorales du Nord aux négociants nordistes, en incluant dans cette définition tant les négociants en titre que leurs commis-négociants, fils et épouses qui participent tous, à divers titres, à l’activité commerciale familiale [4]. La position géographique du département du Nord, dont la spécificité frontalière disparaît pendant une vingtaine d’années, du Directoire à la chute de l’Empire, et les liens qu’entretiennent négoce et frontière sont au cœur d’une réflexion qui court des premières années de la Révolution à la fin du Second Empire. Le comportement des négociants nordistes, et donc l’étendue de leur territoire, se trouvent en effet profondément modifiés au cours de cette période, selon que la frontière est abolie, réaffirmée ou commercialement effacée par des traités de commerce.

FRONTIÈRE ABOLIE ET CONQUÊTE COMMERCIALE ( 1795-1815)

5 Par-delà la conquête militaire des espaces septentrionaux de l’Europe qui mène les armées révolutionnaires puis impériales des limites méridionales de la Belgique aux rives de la Mer Baltique, la constitution d’un vaste territoire sous contrôle français favorise l’extension de l’aire d’activité commerciale du négoce français. L’annexion successive de la Belgique ( 1795) puis de la Hollande et du Nord de l’Allemagne ( 1810) entraîne en effet le reculement de la frontière septentrionale. Pour les milieux négociants nordistes, concernés au premier chef, ces extensions territoriales consacrent l’abolition d’une limite pourtant récente puisque tracée en même temps que les départements et réaffirmée par la loi du 5 novembre 1790 établissant une régime douanier modérément protecteur [5]. Et à mesure que l’espace national français s’étend, ils s’emploient parallèlement à repousser les limites de leur territoire commercial, vers le sud comme vers le nord, s’imposant progressivement comme les intermédiaires privilégiés entre les espaces et les marchés belgo-hollandais et parisien [6].

6 L’annexion puis la départementalisation de ces nouveaux territoires septentrionaux entraînent leur assimilation «à l’intérieur » ; c’est donc aux Archives municipales de Lille que sont réunis les premiers éléments nécessaires à cette enquête. Les registres municipaux de délivrance n’ont cependant pas résisté au temps et les passeports ne subsistent plus que sous la forme de feuilles volantes rassemblées en paquets plus ou moins volumineux, inégalement répartis parmi les liasses du Fonds Gentil, imposant un lent travail de dépouillement; on ne peut cependant être assuré qu’ils aient été tous conservés, bien que leur nombre porte à croire que seule une infime minorité des titres délivrés a échappé à l’enquête [7]. Au total, 502 négociants lillois se sont vus délivrer 869 passeports entre 1791 et 1815. Dès lors, il est possible de connaître les années au cours desquelles les départs sont les plus fréquents, déterminer l’aire maximale de déplacement des négociants lillois, repérer les destinations les plus fréquemment indiquées et enfin mettre en relation l’ensemble de ces données avec les principaux événements économiques ou politiques.

Destinations et comportements négociants

7 La fréquence des départs (Graphique 1) fait apparaître de fortes variations d’une année sur l’autre. Une confrontation avec le contexte permet de l’expliquer en partie : le maximum est atteint au cours des ans III et IV, avec respectivement 110 et 154 départs, ce qui correspond à l’annexion des nouveaux « départements réunis de Belgique », et indique clairement tout l’intérêt que les négociants lillois trouvent à l’ouverture de ce nouveau, vaste et riche marché; la Paix d’Amiens ne semble pas avoir d’effet positif sur leurs déplacements intérieurs, bien au contraire, puisque le chiffre de l’anXI est en retrait par rapport à celui de l’anX;

8 enfin l’instauration du Blocus continental, à la fin de 1806, et la crise économique qui sévit à partir de 1811, entraînent une forte diminution des départs, qui dépassent difficilement les 10 unités à la fin de l’Empire. En adoptant une chronologie calquée sur les régimes politiques, on observe que le Directoire totalise 38, 8% des départs, mais la majorité a lieu sous le Consulat ( 30, 2%) et l’Empire ( 23, 6%), longue période de paix intérieure, favorable aux déplacements commerciaux dans une zone longtemps éloignée des combats.

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GRAPHIQUE 1 Fréquence annuelle des départs des négociants lillois Départ 150 100 50 anV anII anX 1791 1792 1793 1806 1807 1808 anVI anIII anIV anIX anXI anXIIIAnnées anVII anXII anVIII 1809 1810 1811 1812 1813 1814 1815 Source:A.M. Lille. Fonds Gentil

9 La répartition des destinations par grandes aires géographiques offre quelques éclairages intéressants. L’étranger, ici les pays situés au-delà des frontières de 1789, représente un quart de l’ensemble, avec de très fortes disparités.

10 L’Italie et la Suisse ne sont citées que trois fois chacune, l’Allemagne cinq fois, ces trois pays totalisant moins d’1% du total; à l’inverse, la Hollande apparaît à 10 reprises et la Belgique, avec 359 occurrences, représente 24, 4% de l’ensemble.

11 Dans trois cas sur quatre, les négociants lillois se déplacent donc à l’intérieur des anciennes frontières du pays. Les départements du Nord et du Pas-de-Calais, ceux où se trouvent les fournisseurs et clients les plus proches, peut-être les plus anciens, reviennent dans près de 20% des cas. Pour plus de 55% des voyageurs, c’est une ville du reste de la France qui est notée comme destination. Le classement des villes en fonction de la fréquence des occurrences prend désormais tout son intérêt et l’aire maximale de déplacement des négociants lillois forme un hexagone dont les six pôles sont au nord Amsterdam, au nord-est Mayence, au sud-est Verceil, au sud Perpignan, au sud-ouest Bayonne et à l’ouest Brest.

12 Au total, 140 destinations différentes sont indiquées sur les passeports délivrés : elles permettent de suivre les négociants lillois dans leurs déplacements et de déterminer les régions ou les villes les plus fréquentées. Si jusqu’au Consulat, un nombre assez important de passeports ( 258) ne portent qu’une mention trop vague (« le Royaume », « la République » puis « la République et les pays réunis ») pour déterminer avec précision la destination du titulaire, ces mentions disparaissent dès l’avènement de Bonaparte : la protection du régime et la surveillance des citoyens imposent de connaître leurs faits et gestes. Les 10 villes les plus fréquemment citées représentent plus de 60% du total des destinations relevées. On retrouve la capitale, qui attire 323 lillois à elle seule, soit plus de 21% du total, et son poids ne cesse de s’affirmer au cours des années : on ne relève qu’une seule mention sous la monarchie constitutionnelle, puis 16 sous la Convention, 85 sous le Directoire, 101 sous le Consulat et 120 sous l’Empire.

13 Les places d’Anvers, Bruxelles et Gand rassemblent 20% du total. Le port de l’Escaut, avec 230 occurrences, est la seconde destination la plus prisée des négociants lillois. Viennent ensuite les trois ports du Nord de la France, Dunkerque, Boulogne et Calais ( 11%) et les trois grandes cités marchandes du reste de la France, Bordeaux, Lyon et Marseille ( 7, 5%). Très clairement que les négociants lillois empruntent, dans le cadre de leurs activités commerciales, deux routes majeures, celles qui mènent leurs pas au sud vers Paris et au nord vers Anvers. Dans 56 cas, les deux villes sont d’ailleurs spécifiquement indiquées sur le même passeport; elles sont également associées, en triplette, à Dunkerque, Boulogne et Calais respectivement à 56, 22 et 18 reprises.

TABLEAU 1

Les 20 premières destinations des négociants lillois sous la Révolution et l’Empire

TABLEAU 1
TABLEAU 1 Les 20 premières destinations des négociants lillois sous la Révolution et l’Empire 1 - Paris: 323 2 - Anvers: 230 3 - Dunkerque: 93 4 - Bordeaux: 55 5 - Bruxelles: 43 6 - Lyon: 34 7 - Boulogne: 34 8 - Calais: 31 9 - Marseille: 24 10 - Gand: 22 11 - Orléans: 19 12 - Douai: 18 13 - Strasbourg: 15 14 - Tournai: 14 15 - Saint-Omer: 13 16 - Rouen: 13 17 - Amiens: 12 18 - Perpignan: 11 19 - Liège: 10 20 – Amsterdam: 10

Les 20 premières destinations des négociants lillois sous la Révolution et l’Empire

14 En plus de se déplacer à l’intérieur des frontières françaises, les négociants lillois et ceux des autres villes du département sollicitent des autorités départementales l’autorisation de se rendre à l’étranger. Les pages consacrées aux « Directions du commerce du département du Nord à l’étranger », reproduites dans les Annuaires statistiques du département du Nord permettent de les suivre de l’anX à 1809 (Tableau 2). Cette source ne présente qu’un seul défaut : elle ne couvre que 8 années, nous privant des informations concernant la période directoriale, pendant laquelle les négociants lillois se sont montrés très mobiles, et dans une moindre mesure, de la possibilité d’observer le comportement des négociants nordistes au cours des dernières années de l’Empire. Il est cependant possible de compléter les éléments recueillis précédemment, d’étendre le champ géographique des investigations, de les affiner et de les compléter, par exemple en portant une attention particulière à l’Angleterre ainsi qu’aux territoires qui passent sous contrôle français au cours de l’Empire, comme la République batave et le Nord de l’Allemagne [8].

TABLEAU 2

Les directions du commerce nordiste à l’étranger

TABLEAU 2
TABLEAU 2 Les directions du commerce nordiste à l’étranger d’après les passeports délivrés par la préfecture du Nord (an X-1809) Nombre de passeports délivrés dont négociants soit anX 164 164 100% anXI 134 119 88, 8% anXII 135 108 80% anXIII 137 115 83, 9% 1806 168 1807 1808 1809 129 142 138 environ 468 soit 81, 1% Total 1147 974 84, 9%

Les directions du commerce nordiste à l’étranger

tableau im4
Destinations Angleterre Batavie Flessingue Hambourg Emden Papenbourg Hanovre Prusse Hesse Francfort s/Main Saxe Leipzig Westphalie Wurtzbourg Vienne Breslau Bavière Berg Reste de l’All. Helvétie Pologne Hongrie Norvège Danemark Russie Espagne Portugal Madère Italie États-Unis Colonies fr. Total anX 63 28 12 11 30 1 1 7 153 anXI 36 38 9 5 2 5 4 3 2 11 5 2 2 2 2 1 2 1 4 136 anXII 73 2 4 14 6 10 1 5 1 2 3 2 125 anXIII 76 3 11 15 10 12 1 3 3 134 1806 94 6 9 12 4 5 10 9 2 1 10 6 170 1807 69 8 4 1 1 7 3 6 2 9 1 1 4 8 126 1808 90 3 2 2 6 3 4 2 12 5 1 6 4 1 144 1809 72 1 7 4 15 9 1 2 1 11 4 138 Total 99 549 366 2 1 4 6 4 33 1 30 18 14 1126 Part 8, 8 48, 8 32, 5 0, 2 0, 1 0, 4 0, 5 0, 4 2, 9 0, 1 2, 7 1, 6 1, 2 100% Source: Annuaire statistique du département du Nord pour les années 1802-1803 à 1811

15 Au cours de cette période, la préfecture du Nord délivre 1147 passeports extérieurs et dans plus de 8 cas sur 10, il s’agit de négociants [9]. Le nombre de passeports délivrés chaque année suit globalement les variations du contexte politique : le rétablissement des relations avec l’Angleterre consécutif à la Paix d’Amiens donne un chiffre de référence quelque peu biaisé, et rapidement revu à la baisse les années suivantes avec la reprise de la guerre; l’année 1806 constitue un maximum, mais le décret de Berlin de novembre porte un coup très rude aux déplacements du commerce, réduits d’un quart dès l’année suivante. De toute évidence, les restrictions imposées au commerce rendent moins utiles ou moins profitables des déplacements à l’étranger. L’analyse de l’évolution des destinations ne fait que confirmer ces premières remarques : aussi longtemps que la paix dure, les négociants nordistes font de l’Angleterre, et en particulier de Londres, leur principale destination, mais dès que les conditions changent, ils préfèrent se diriger vers la Batavie. Cette République-sœur accueille, sur l’ensemble de la période, près de la moitié des négociants nordistes : ils viennent probablement y poursuivre les opérations commencées avant la reprise des hostilités avec leurs homologues britanniques, y réceptionnent des marchandises et à l’occasion peuvent s’y embarquer pour un port anglais. Ils sont également susceptibles de s’associer avec des négociants d’Amsterdam ou de LaHaye, dont on sait par ailleurs qu’ils se livraient très largement à l’introduction de marchandises prohibées par les décrets et règlements impériaux; ce pourrait être une interprétation du nombre impressionnant de passeports délivrés à destination de la Batavie en 1806 ( 55, 3% du total de l’année) et surtout en 1808 ( 62, 5%). La faiblesse – relative – des voyages des négociants lillois vers Amsterdam après 1810 et donc l’annexion de la Hollande, tend à confirmer cette hypothèse. L’espace germanique constitue la troisième aire de prédilection des négociants nordistes. Hambourg les attire tout au long de la période, et principalement pendant la période de paix, qui permet d’accéder facilement au port de l’Elbe par la mer, et encore en 1806. La mise en place du Blocus raye pratiquement la ville de leur carte, puisque leur nombre ne cesse de décroître jusqu’à l’incorporation à l’Empire et qu’aucun négociant lillois ne s’y rend plus après 1810. Deux autres cités marchandes allemandes captent également l’attention des négociants nordistes : Francfort-sur-le-Main, surtout fréquentée entre l’anXII et 1806, et Leipzig, c’est-à-dire deux villes dont les foires constituent des dates majeures du calendrier commercial.

16 L’Annuaire statistique du département du Nord pour 1811 indique par ailleurs les villes dont sont originaires les négociants titulaires de passeports extérieurs délivrés entre 1806 et 1809. Ces informations, rassemblées dans le tableau 3, donnent une assez bonne idée du dynamisme commercial des différentes cités du Nord sur le marché européen et de la part relative de chacune d’entre elles.

TABLEAU 3

Origine des négociants nordistes en partance pour l’étranger (1806-1809)

TABLEAU 3
TABLEAU 3 Origine des négociants nordistes en partance pour l’étranger (1806-1809) Ville d’origine 1806 1807 1808 1809 Total Part Lille Dunkerque Valenciennes Honnechy Tourcoing Cambrai Douai Autres Total 57 20 23 12 8 4 2 19 145 42 30 15 2 4 4 3 14 114 57 17 16 9 6 4 3 11 123 59 16 12 7 6 4 10 115 215 83 66 30 24 16 9 54 497 43, 3% 16, 7% 13, 3% 6% 4, 8% 3, 2% 1, 8% 10, 9% 100%

Origine des négociants nordistes en partance pour l’étranger (1806-1809)

17 Des sept villes citées, les trois premières – Lille, Dunkerque et Valenciennes – rassemblent près des trois quarts des négociants candidats au départ, réduisant les autres villes du département au rang de places de second ou de troisième ordre. Lille se distingue par son « agressivité» commerciale et renforce progressivement sa position jusqu’à envoyer à l’étranger plus de la moitié des négociants du département en 1809. Cette croissance, qui confirme les résultats de l’enquête sur les déplacements des négociants lillois, se fait principalement aux dépens de Valenciennes, qui voit sa position s’effriter dangereusement, alors que Dunkerque ne parvient pas à poursuivre l’effort fourni en 1807.

18 La crise économique et la débâcle militaire remettent cependant en cause l’existence même de ce vaste territoire, jusque-là protégé par la force du décret de Berlin et la puissance des armées françaises.

FERMÉE OU ENTR’OUVERTE, LA FRONTIÈRE TRANSGRESSÉE ( 1815-1860)

19 La chute de l’Empire et la restauration de la monarchie en France entraînent également le rétablissement de la frontière du Nord [10]. Les lourdes charges imposées au Trésor royal nécessitent en effet la rapide remise en place des barrières douanières et les directions des douanes, disparues depuis 1795, se réinstallent à Dunkerque et Valenciennes; la frontière du Nord devient sans doute celle où la densité de douaniers est la plus forte [11]. Le rétablissement de la frontière a également pour conséquence de placer de part et d’autre de la nouvelle limite des partenaires commerciaux, clients et fournisseurs, habitués à travailler ensemble depuis trois à quatre lustres. Fabricants de draps de Verviers, producteurs de cotonnades de Gand et autres manufacturiers de dentelle brugeoise avaient trouvé jusque-là un débouché naturel à leurs productions auprès du vaste marché parisien, entrant d’ailleurs en concurrence avec les manufacturiers normands ou nordistes. En 1815, si les marchands de la capitale perdent des fournisseurs avantageux, industriels nationaux et négociants chargés de la commercialisation de leurs productions parachèvent leur conversion au protectionnisme, réajustant simplement ses bornes géographiques aux nouvelles frontières du pays.

20 Les déplacements des désormais néo-frontaliers s’en trouvent également compliqués d’autant : si jusqu’à la fin de l’Empire, il leur était possible de se rendre dans l’un des départements réunis de Belgique munis d’un titre de transport délivré par le seul maire de la commune, ils doivent désormais se déplacer jusqu’à la préfecture, parfois distante de plusieurs dizaines de kilomètres, pour avoir le droit de franchir une limite que certains voient de leur fenêtre. Aussi l’Instruction générale du 23 août 1816 dispense-t-elle, par son article 25, « de toute formalité pour passer et repasser d’un territoire à l’autre les habitants des communes limitrophes », mais cela ne concerne qu’une infime partie de la population nordiste. Pour tous les autres, se rendre à Menin, Tournai, Bruxelles, Anvers ou Amsterdam, c’est sortir des limites du territoire français et donc solliciter un passeport à l’étranger auprès des autorités préfectorales, alors qu’un déplacement en direction de la capitale ou de tout autre ville négociante de « l’intérieur » suppose la délivrance d’un titre de transport par les autorités municipales. Les passeports désormais délivrés sous l’autorité de la Police générale du Royaume diffèrent bien peu de ceux de la période précédente, la fleur de lys remplaçant simplement l’aigle impérial. On y retrouve, comme on peut le voir sur celui délivré le 16 avril 1828 à Pierre Bisson, négociant dunkerquois, les traditionnelles informations relatives à son signalement ( 64 ans, 1, 73 m, « yeux bleus, cheveux mêlés, front haut, nez aquilin, bouche moyenne, menton rond et visage plein »), à ses lieux de naissance et de domicile (La Boissière, département de l’Oise, et Dunkerque) et enfin à sa destination (Paris).

Le hiatus archivistique des années de monarchie censitaire

21 C’est donc de nouveau vers les archives municipales d’une part et départementales de l’autre qu’il faut se tourner, pour rapidement constater la quasi-absence de sources : les autorités préfectorales n’ont semble-t-il pas conservé ou versé les registres de délivrance des passeports à l’étranger pour les années 1815-1848, rendant d’autant plus aléatoire toute étude précise; les fonds municipaux, très endommagés au cours de la Première Guerre mondiale, ne comptent que de bien rares formules de passeports, conservées dans le Fonds Gentil, pourtant si riche pour la période précédente. Au total, le dépouillement de 47 liasses réparties dans 39 cartons de ce fonds n’a permis de rassembler qu’un total de 34 passeports pour l’intérieur et de 3 passeports pour l’étranger délivrés entre 1816 et 1848 : 34 ( 32 + 2) pour la période de la Restauration et seulement 3 ( 2 + 1) pour la monarchie de Juillet [12].

22 Autant dire qu’il n’est pas possible d’en tirer des conclusions fiables ou représentatives et qu’il faut se contenter d’indications partielles et sujettes à caution.

23 Les Lillois demeurent les plus mobiles des négociants nordistes avec 35 passeports délivrés ( 32 + 3); parmi les destinations de l’intérieur, la capitale conserve sa prééminence avec 27 mentions, suivie de loin par Lyon ( 2) et Reims, Rouen, Saint-Omer, Strasbourg et Toulon ( 1 chacune), chaque voyage n’ayant qu’une unique ville pour but. Hors des limites du royaume, les négociants nordistes persistent à faire de la Belgique, intégrée aux Pays-Bas jusqu’en 1830, leur destination principale, suivant en cela les chemins tracés au cours des années révolutionnaires et impériales, avant d’entamer pour certains un vaste périple international, à l’image d’Alexandre Dambricourt, négociant lillois qui déclare en 1828, vouloir se rendre à Londres, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Italie [13].

24 Affaiblie par sa défaite militaire, isolée sur le plan diplomatique, la France semble en retrait et sans doute son négoce international s’en ressent-il, alors que parallèlement finit de se constituer le marché intérieur [14]. Amputé au Nord de sa partie belge, le territoire du négoce lillois, s’il a conservé son point d’attache parisien, semble désormais s’être rétracté au tiers septentrional du pays, la Seine n’étant que rarement franchie par nos voyageurs; au-delà, son influence, au vrai déjà limitée aux principales cités négociantes au cours de la période précédente, semble ne plus se faire sentir. Au Nord pourtant, les ambitions françaises demeurent tangibles.

L’annexion « morale » et « commerciale » de la Belgique

25 L’aspiration française vers la limite du Rhin marque les derniers feux d’une génération de dirigeants ayant accédé aux responsabilités sous l’Empire et pour lesquels la Belgique fait « naturellement » partie du territoire national.

26 La rémanence de la question des frontières naturelles et de la limite du Rhin par-delà 1815 a pour conséquence une sensibilité à fleur de peau de l’opinion française à propos de la « question belge », revenue sur le devant de la scène en 1830, la sécession des « provinces méridionales des Pays-Bas » succédant de quelques mois au changement de régime intervenu en France. Aussi la France et la Belgique semblent-elles comme inévitablement appelées à trouver un accord pour le moins commercial, au risque de voir la seconde céder aux sirènes du Zollverein germanique, mis en place en 1834. D’autant que la Belgique, « tard venue dans la famille européenne, se heurtait de toutes parts à de hautes barrières de douanes qui l’empêchaient d’écouler au dehors les produits de son abondante industrie » [15]. Dès 1832, on pense à Paris comme à Bruxelles, à jeter les bases d’une alliance qui prendrait la forme d’un traité de commerce, ou mieux, d’une union douanière. Pour la France, c’est le moyen d’étendre son influence en Europe, d’asseoir son rôle de puissance continentale et de reculer ses barrières douanières aux frontières de la Belgique, intégrant par la même cette dernière dans son espace commercial. On rêve parfois même à Paris d’une alliance plus large réunissant autour de la France ses voisins et partenaires commerciaux (Espagne, Suisse, Belgique) [16].

27 En dépit d’une apparente volonté d’aboutir, les deux gouvernements, attentifs à leurs intérêts respectifs comme aux réactions de leur opinion publique, ne parviennent pourtant pas à atteindre le but qu’ils s’étaient fixé:
aux concessions mutuelles des années 1836-1838 ne succèdent qu’une convention linière ( 1842) et un traité ( 1845) qui ne fait que consacrer les timides avancées des années précédentes. Au moment de soumettre à la Chambre des députés la ratification de ce dernier accord, Guizot tente pourtant de justifier son action et dévoile les ambitions de la diplomatie nationale :

« Il n’y a personne qui ne sache de quelle importance a été pour la France la substitution de l’État belge à l’État qui existait sur notre frontière avant 1830. On peut dire que notre frontière a été en quelque sorte, moralement, reculée jusqu’à l’Escaut. J’ajoute le mot moralement pour bien expliquer le sens que j’y attache » (discours à la Chambre du 25 mars 1845).

28 Cette politique commerciale rencontre cependant une vive opposition au sein des milieux manufacturiers pour qui la France supporterait toutes les charges d’une telle union, laissant tous les avantages à la Belgique; aussi refusent-ils de voir la France payer de sacrifices onéreux l’extension de son commerce vers le Rhin. Les Nordistes, relayés par leurs institutions représentatives et leurs députés, sont parmi les plus inquiets : alors qu’à Lille et Roubaix, on s’inquiète de la concurrence de Gand et de Bruxelles, les armateurs de Dunkerque craignent qu’Ostende et surtout Anvers n’approvisionnent « plus que jamais la partie septentrionale de la France, c’est-à-dire les départements les plus riches, les plus industrieux, les plus populeux, cependant que la marine marchande, déjà sacrifiée dans le traité avec la Hollande continuera à péricliter ». L’adresse au roi de la Chambre de commerce de Valenciennes résume enfin les inquiétudes des manufacturiers et négociants nordistes :

« Pendant les vingt-cinq années de paix dont la France vient de jouir, le département du Nord et l’arrondissement de Valenciennes en particulier ont fait d’immenses sacrifices pour créer de nouveaux établissements industriels et remplacer dans la consommation française le vide que notre séparation de la Belgique y avait laissé… C’est alors que toutes ces industries n’ont pu encore recueillir les fruits des immenses capitaux engagés et d’une expérience péniblement acquise qu’on lèverait une barrière protectrice sans laquelle on eut jamais pensé à lutter avec des concurrents si heureusement favorisés [17] ».

29 La création, le 14 décembre 1846, de l’Association pour la défense du travail national, présidée par Mimerel, manufacturier roubaisien et président du Conseil général des manufactures, scelle l’union des protectionnistes et l’échec des négociations.

30 Les milieux négociants nordistes n’en restent pas moins convaincus de l’intérêt que représente le marché belge et entendent bien réinvestir au plus tôt cet espace un temps délaissé. Lors de sa session de 1837, le 2e bureau du Conseil général du Nord, en charge de l’industrie, du commerce, de l’agriculture et de l’instruction publique, émet un vœu, ainsi formulé et immédiatement adopté:

« Au nom du 2e bureau, un membre fait un Rapport relatif aux passeports à l’étranger.
Les habitants du département du Nord, limitrophe du Royaume de Belgique se plaignent généralement d’être tenus de prendre un passeport à l’étranger pour aller dans ce royaume où des affaires commerciales les appellent sans cesse. Votre 2e bureau a pensé qu’il serait très avantageux au commerce que lesdits habitants ne fussent plus tenus de prendre pour aller en Belgique qu’un passeport à 2 francs sur les formules de passeports à l’intérieur. Votre 2e bureau fonde son opinion sur ce que cette faculté a déjà été accordée à l’arrondissement de Grasse, département du Var, en ce qui concerne le Piémont dont cet arrondissement est limitrophe [18] ».

31 La composition du 2e bureau renforce l’intérêt de cette motion, puisqu’on y retrouve trois des quatre négociants qui siègent au Conseil général : le Lillois Jean-Baptiste Smet, Bossut fils, de Roubaix et Edmond Hamoir, de Valenciennes [19].

32 La faveur accordée à l’arrondissement de Grasse, frontalier jusqu’en 1860, apparaît comme un précédent et une justification supplémentaire, même s’il s’agit ici d’étendre la mesure à un département tout entier, certes frontalier sur sa plus grande longueur; l’étranger apparaît tellement proche, géographiquement, culturellement et économiquement, que les notables nordistes estiment pouvoir se passer des formalités administratives jusque-là nécessaires pour franchir la frontière. Il faut également y voir une volonté de réaffirmer et de renforcer la présence du négoce nordiste, en particulier lillois, roubaisien et valenciennois, sur ce marché un peu particulier qu’est la Belgique. Au-delà, l’adoption d’une telle mesure consacrerait en quelque sorte une nouvelle annexion, symbolique tout autant que commerciale, de la jeune nation et permettrait la reconstitution des aires commerciales privilégiées autour de Lille et dans une moindre mesure de Valenciennes, tout en étant assuré du maintien des protections douanières. La requête demeure cependant sans effet, l’examen des arrêtés et décisions de la préfecture du Nord ne faisant apparaître aucune décision en ce sens. De fait, pour l’administration et au-delà pour le pouvoir politique, le refus d’accéder à une telle demande permet de réaffirmer l’altérité radicale, en termes de nature, des deux territoires nationaux. En somme, marquer puis ici maintenir la frontière, c’est participer au processus de constitution du national; c’est dans cette tension que se dessine peu à peu la spécificité de l’espace frontalier.

33 Cette volonté de voir aboutir un accord commercial franco-belge comme le renforcement des réflexes protectionnistes coïncident également avec le changement de la donne commerciale en Europe.

Protectionnisme n’est pas malthusianisme

34 L’abandon du protectionnisme par l’Angleterre dans les années 1840 contraint en effet «à la défensive le milieu d’affaire de l’agglomération (lilloise), plus attaché que jamais à conserver de solides protections douanières » [20]. Pour autant, ce même milieu semble faire preuve d’une belle vigueur à l’étranger et labourer sans relâche les marchés européens, comme pour se rassurer en prévision d’une catastrophe à laquelle il refuse de se résoudre. L’augmentation annuelle du nombre de passeports délivrés est ainsi particulièrement sensible au cours de la première décennie du Second Empire, alors que de nouveau, les sources deviennent disponibles [21]. Entre 1853 et 1860, la préfecture du Nord délivre 6816 passeports, dont 1186 à des négociants qui représentent ainsi 17, 5% des voyageurs (tableau 4), soit bien moins que sous le Premier Empire, même s’ils demeurent le groupe social le plus mobile. Avec 217 départs de négociants, l’année 1858 apparaît comme la plus favorable aux déplacements internationaux avant que ne s’amorce un rapide déclin. Si Lille, Roubaix et Tourcoing fournissent, et de très loin, les gros bataillons des négociants-voyageurs avec près de 700 départs pour la première et plus de 100 pour les deux autres, se sont au total 11 localités qui comptent au moins 5 négociants assez ambitieux ou volontaires pour partir à la conquête de marchés étrangers : Cambrai, Dunkerque, Valenciennes et dans une moindre mesure Douai se disputent la quatrième place, mais on est frappé par la mention de localités, certes insérées dans le tissu commercial et industriel du Nord mais d’importance somme toute limitée, comme Haubourdin, Fourmies, Armentières et plus encore Wambrechies, Estaires ou Manières.

35 Au nombre croissant de départs correspond une augmentation parallèle des destinations, le plus souvent multiples : de moins de 200 en 1853, on passe à plus de 500 en 1858, avant que ne s’amorce un recul et une stabilisation autour de 300 en fin de période (tableau 5). Les négociants nordistes sont alors partout présents en Europe, de la Grèce à l’Angleterre et de l’Allemagne du Nord à la Sardaigne et le territoire de ce négoce s’étend alors aux limites du continent européen, et parfois au-delà. C’est cependant assez logiquement que les destinations les plus fréquemment citées font la part belle au Nord-Ouest du continent, ainsi confirmé comme territoire d’élection du commerce nordiste. Les départs vers la seule Belgique représentent ainsi plus du tiers du total, suivis de près par l’ensemble germanique avec près du quart des destinations, l’Angleterre ( 16% du total) et la Hollande ( 12%), alors que l’Italie demeure la destination d’une petite minorité de Nordistes (moins de 5%). On peut regretter que les registres consultés n’indiquent pas spécifiquement les villes que les négociants se proposent de visiter, ce qui aurait permis de comparer terme à terme la situation d’un empire à l’autre.

TABLEAU 4

Passeports pour l’étranger délivrés par la préfecture du Nord, 1853-1869

TABLEAU 4
TABLEAU 4 Passeports pour l’étranger délivrés par la préfecture du Nord, 1853-1869 Année Passeports délivrés dont négociants Part des négociants 1853 519 67 13% 1854 714 122 17% 855 851 151 8% 1856 945 176 19% 1857 08 166 15% 1858 1269 217 17% 1859 754 118 16% 1860 681 169 25% 1861 232 43 19% 1862 143 31 22% 1863 89 29 33% 1864 107 20 19% 1865 74 14 19% 1866 63 10 16% 1867 118 14 12% 1868 77 12 16% 1869 62 21 34% Total 781 380 18% Source: AD 59, M. 172/17 à 20

Passeports pour l’étranger délivrés par la préfecture du Nord, 1853-1869

TABLEAU 5

Origine des négociants nordistes en partance, 1853-1869

TABLEAU 5
TABLEAU 5 Origine des négociants nordistes en partance, 1853-1869 Originaires de Lille Roubaix Tourcoing Cambrai Dunkerque Valenciennes Douai Haubourdin Fourmies Wambrechies Armentières Estaires Masnières Autres localités Total 1853 40 5 4 6 2 5 3 1 1 67 1854 64 7 11 9 7 11 6 1 1 1 1 3 122 1855 90 15 11 1 4 10 6 5 1 1 7 151 1856 104 14 15 12 9 4 7 1 1 3 1 5 176 1857 84 14 22 10 7 6 7 2 5 1 1 7 166 1858 120 22 18 11 19 7 3 3 1 13 217 1859 86 14 13 1 1 1 2 118 1860 108 31 24 2 2 2 169 1861 24 9 6 1 2 1 43 1862 21 4 3 1 1 1 31 1863 22 5 1 1 29 1864 17 1 1 1 20 1865 11 3 14 1866 5 2 2 1 10 1867 10 1 2 1 14 1868 6 1 3 1 1 12 1869 14 5 1 1 21 Total 826 153 137 50 48 46 32 14 9 7 6 5 5 42 1380 Part 60% 11% 10% 3, 6 3, 5 3, 3 2, 3 1 0, 7 0, 5 0, 4 0, 4 0, 4 3 100% Source:AD 59, M. 172/17 à 20

Origine des négociants nordistes en partance, 1853-1869

36 Au-delà, mais il faut alors compter en unités et non plus en dizaines, voire en centaines de départs, les colonies d’Afrique du Nord attirent quelques négociants alors que se profile le rêve du marché américain, plein de promesses. Dès septembre 1855, le Dunkerquois Jean Joseph Magloire Brichu déclare vouloir se rendre en Espagne, en Algérie et en Amérique, suivi en octobre suivant par Herbert Albert Bestalie, dit Baissez, de Valenciennes, qui s’embarque pour la Nouvelle-Orléans, sans doute pour y mettre sur pied une filière d’approvisionnement en coton américain; en 1856, Charles Van-Autrève, commis-négociant lillois, s’embarque pour la Confédération argentine, tandis qu’en 1858, Émile Colpaert, de Bailleul, demande un passeport pour Lima, au Pérou [22].

37 Les années 1850 sont enfin celles des « grandes tournées commerciales ».

38 Les négociants partent alors seuls ou en groupe, et parcourent l’Europe plusieurs mois durant, visitant chaque place commerciale, proposant leurs produits ou recherchant des fournisseurs avantageux, comme le Lillois André Crespel qui se fait établir, en janvier 1856, un passeport à destination de la Belgique, de la Hollande, de la Prusse et de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la Suisse, de l’Italie et des États sardes, enfin des États autrichiens [23]. Ils se savent alors protégés par les barrières douanières et soutenus par un gouvernement acquis, pour quelques années encore, au protectionnisme.

FRONTIÉRE OUVERTE ET « RECUEILLEMENT » NORDISTE ( 1860-1869)

39 L’annonce du traité de commerce franco-britannique signé le 23 janvier 1860 fait l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages, dans un département du Nord si farouchement attaché au protectionnisme, du moins jusqu’au ralliement de son promoteur le plus ardent, Mimerel, à la cause libreéchangiste en 1865 [24]. Les conséquences sur l’activité économique de la région ne se font pas attendre, puisqu’à mesure que la France signe des traités de commerce avec les autres États européens, les négociants nordistes tendent progressivement à les déserter. On peut ainsi suivre pas à pas les effets de la diplomatie commerciale française sur leurs déplacements : alors même que la France s’ouvre aux matières premières et produits manufacturés étrangers, les négociants nordistes entrent, avec quelques années d’avance sur le reste de la nation française, dans une phase de « recueillement » qui se manifeste très clairement par l’arrêt presque total de leurs déplacements, du moins vers l’étranger. Entre 1861 et 1869, la préfecture ne leur délivre que 194 passeports, soit à peine plus qu’au cours de la seule année 1860 ( 169); sur les 13 principales localités retenues, cinq d’entre elles disparaissent totalement après 1860 et si l’on s’en tient aux places négociantes de Lille, Roubaix et Tourcoing, on constate que seuls 16, 20 et 14% des départs ont lieu après la date fatidique (tableaux 5 et 6).

40 La rupture de 1860 est aussi claire que brutale, le nombre des départs annuels chutant très sensiblement. Ceux en direction de l’Angleterre en premier lieu sont divisés par près de 10, passant de 57 en 1860 à 6 seulement en 1861, année de l’entrée en vigueur de la plupart des conventions spécialisées, dont celle consacrée au textile, signée le 1er juin, appliquée à partir du 1er octobre suivant et qui concerne au premier chef les manufacturiers et négociants nordistes. Après cette date, les îles britanniques n’accueillent plus que deux voyageurs, en 1867 et 1869, mais il est clair qu’elles ont été rayées de la carte du négoce nordiste.

41 La signature successive de traités commerciaux avec les autres États européens ne fait qu’amplifier le mouvement de repli. Ainsi seuls 11 des 1048 passeports délivrés pour la Belgique, soit à peine plus d’1%, le sont après 1861, année de la signature du traité de commerce franco-belge, si longtemps ajournée [25]. Le 30 juin 1864, la France conclut avec la Suisse un traité commercial, avec concession réciproque du traitement de la nation la plus favorisée [26]. Dès lors, les déplacements des négociants nordistes en direction de la Confédération helvétique, qui avaient déjà connus un violent coup d’arrêt en 1860, n’atteignant plus que 4 départs contre 16 l’année précédente et 29 en 1858, tombent à moins de 5 de la signature du traité à la fin de la période étudiée.

42 Il en est de même avec l’Allemagne et la Prusse à partir de 1864-1865, à la suite de la signature avec cette dernière en 1862 d’un accord commercial qui avait déjà eu pour conséquence de diviser par deux le nombre annuel des départs ( 18 en 1862; 10 l’année suivante). Et encore faut-il sans doute voir dans la persistance, par-delà 1862, de départs vers l’espace germanique la fidélité à une tradition déjà repérée sous le Premier Empire : la présence aux foires annuelles de Leipzig et de Francfort-sur-le-Main. Seule l’Italie demeure une destination assez fréquentée, du moins jusqu’en 1864, année où s’amorce un déclin sensible, partiellement compensé à partir de 1867 par des départs à destination des États pontificaux, progressivement menacés par les unionistes italiens. Le territoire du négoce nordiste, amputé de ses marchés traditionnels, s’en trouve réduit d’autant, pour ne plus couvrir que des espaces périphériques et commercialement neufs.

TABLEAU 6

Destinations du négoce nordiste, 1853-1869

TABLEAU 6
TABLEAU 6 Destinations du négoce nordiste, 1853-1869 Destination Belgique Hollande Angleterre & RU Allemagne Prusse Autriche Scandinavie Russie Suisse Italie Piémont & Sardaigne États Romains Espagne Portugal Grèce Turquie Afrique Algérie & Tunisie Égypte & Palestine Am.du N & du S Hong-Kong Tous pays Total 1853 58 18 23 25 19 2 10 3 2 1 1 162 1854 110 40 43 52 33 3 16 8 1 2 1 309 1855 126 50 67 73 44 2 25 23 2 6 1 1 4 424 1856 153 53 74 86 44 2 2 40 27 2 2 1 1 3 490 1857 130 45 81 72 35 2 1 27 18 2 4 3 1 421 1858 184 72 87 75 44 1 2 29 16 2 1 5 519 1859 101 50 36 37 25 3 3 5 16 11 1 2 1 1 291 1860 145 37 57 32 28 1 1 4 7 2 314 861 30 13 6 11 15 1 9 10 1 1 97 1862 2 22 18 2 1 17 15 1 4 1 1 1 85 1863 10 10 1 15 15 2 1 2 1 57 1864 2 1 13 7 1 5 10 1 1 1 2 44 1865 1 12 6 1 6 2 3 1 32 1866 2 1 1 6 6 4 2 3 4 28 1867 1 3 2 1 2 5 4 1 1 3 23 1868 3 3 6 5 2 3 6 5 1 1 35 1869 1 3 3 5 2 1 4 4 7 4 3 1 3 42 Total 1048 383 476 535 347 32 10 22 227 188 10 15 26 3 2 5 3 8 5 20 1 7 3373 Part 31, 1% 11, 4% 14, 1 15, 9% 10, 3% 0, 9 0, 3 0, 7 6, 7% 5, 6% 0, 3 0, 4 0, 8 0, 1 0, 1 0, 1 0, 1 0, 2 0, 1 0, 6 0, 03 0, 2 100% Source:AD 59, M. 172/17 à 20

Destinations du négoce nordiste, 1853-1869

43 On remarque en effet une volonté de diversification des marchés du négoce nordiste hors des régions traditionnellement liées au Nord, mais également hors d’Europe, même s’il s’agit là de phénomènes marginaux et en partie déjà observés dès la période précédente. Les États autrichiens réapparaissent ainsi au titre des destinations à partir de 1862 et plus encore de 1866, peut-être à la suite de la réorientation du commerce autrichien à la suite de Sadowa ( 3 juillet 1866) et de l’ouverture de négociations monétaires francoautrichiennes, conclues le 23 juillet 1867 [27]. La Scandinavie bénéficie d’un intérêt visible, et pourtant sans lendemain, en 1865 avec six départs alors que la Russie, délaissée depuis 1859, accueille de nouveau quelques négociants nordistes à partir de 1866. Hors de ces marchés européens, les Nordistes cherchent au loin de nouveaux territoires. Ils se font délivrer des passeports à destination de la Grèce et de la Turquie, et bientôt de l’Égypte et de la Palestine, à l’image du lillois Arthur Boutry, parti en mai 1865 et suivi en novembre 1869 d’Achille Bossut, Pierre Destombes et Albert Wattine, tous trois originaires de Roubaix, qui comptent rallier l’Égypte via la Suisse, l’Italie et les États du Pape [28]. Au-delà, certains tentent l’aventure asiatique, comme Marie André Fevez, négociant lillois, qui se voit ainsi délivrer un passeport pour Hong-Kong, porte de la Chine, le 13 mars 1867 [29]. Le marché nord-américain est en revanche totalement abandonné, sans nul doute en raison de la Guerre de Sécession, alors qu’on voit apparaître, en toute fin de période, la sibylline mention « Tous pays ».

44 On peut certes imputer cette baisse sensible du nombre des passeports délivrés au-delà de 1860 au fait que leur usage tombe progressivement en désuétude, les chemins de fer et la généralisation du libéralisme précipitant la crise de l’institution. Gérard Noiriel indique même que « les traités de libreéchange que la France est en train de signer avec ses voisins (Belgique et Grande-Bretagne notamment) [en] dispensent les ressortissants de ces pays pour voyager en France » [30]. Rien n’indique cependant qu’une telle disposition soit réciproque, et si un tel processus semble effectivement se produire à l’échelle du territoire national dans son ensemble, la spécificité des départements frontaliers demeure, en tout cas au Nord. Outre la simultanéité presque parfaite entre les dates des traités de commerce successifs et l’abandon des espaces concernés par le négoce nordiste, la spectaculaire poussée du nombre de passeports délivrés en 1870 fait figure de contre-argument. Certes « l’année terrible » est également exceptionnelle, ce qui explique que l’étude des passeports commerciaux se termine en 1869, mais les services de la préfecture établissent 3499 passeports en 1870, contre seulement 62 l’année précédente. À l’évidence, le conflit franco-prussien est à l’origine de ces départs massifs, qui ont quasiment tous lieu au second semestre; pour autant, cet « exode » n’est pas précité au point qu’on en omette de se rendre à la préfecture pour s’y voir délivrer un passeport pour l’étranger, et en premier lieu pour la Belgique et la Grande-Bretagne [31]. Force reste à l’administration… et à l’usage.

45 Du début de la Révolution à la veille du conflit franco-prussien, les négociants nordistes, et parmi eux les Lillois, font figure de groupe social et professionnel particulièrement mobile et aux horizons très larges. La mise sur pied de filières d’approvisionnement comme la conquête de nouveaux marchés l’expliquent sans doute, même si la position géographique du département du Nord, les choix protectionnistes du milieu local de la production et de l’échange et l’histoire européenne du XIXe siècle jouent pour beaucoup.

46 Centré sur l’Europe du Nord-Ouest, le territoire du négoce nordiste présente en effet des contours très fluctuants au cours de la période étudiée : traditionnellement étendu de la région parisienne à l’embouchure de l’Escaut, il va jusqu’à couvrir au cours des années 1850 la quasi-totalité du continent européen. Les variations qu’il subit apparaissent comme étroitement liées aux modifications du tracé des frontières, nationales et/ou commerciales, du pays. Tour à tour favorisé et menacé, le négoce nordiste joue crânement sa chance et obtient quelques beaux succès d’un Empire à l’autre; « trahi » par un pouvoir à qui il avait accordé sa confiance et dépassé par la puissance des industries étrangères, il se replie sur lui-même dans l’espoir de sauver ce qui peut encore l’être.

Notes

  • [1]
    Charles CARRIÈRE, Négociants marseillais au XVIIIe siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, Marseille, Institut historique de Provence, 1973, I, p. 237-350.
  • [2]
    Maurice d’HARTOY, Histoire des passeports français depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, Paris, H. CHAMPION, 1937, et Jean VIDALENC, « Une source d’histoire économique et sociale : les passeports. REVUE D ’HISTOIRE MODERNE ET CONTEMPORAINE 48-2/3, avril-septembre 2001. Problèmes d’utilisation, limites, lacunes », Bulletin de la Section d’histoire moderne et contemporaine (Comité des travaux historiques et scientifiques), 1971, n° 8, p. 187-202.
  • [3]
    Gérard NOIRIEL, « Surveiller les déplacements ou identifier les personnes ? Contribution à l’histoire du passeport en France de la Ière à la IIIe République », Genèses, n° 30, mars 1998, p. 77-100.
  • [4]
    J’ai par ailleurs adopté comme principe que lorsque ces négociants partent en voyage, c’est en général pour leurs affaires. Sont donc exclus du corpus les cas où il était stipulé que le voyage avait pour but une « affaire de famille » ou une « affaire personnelle ». À l’inverse, les cas où il est spécifiquement indiqué qu’il s’agit d’un voyage « pour affaires » sont rares, de l’ordre d’une vingtaine seulement.
  • [5]
    Sous l’Ancien Régime, Flandre et Hainaut sont des « provinces réputées étrangères » vivant sous un régime privilégié d’exemption douanière.
  • [6]
    Matthieu de OLIVEIRA, Argent public et argent privé sur les routes du Nord. Réseaux et flux financiers en Europe du Nord-Ouest de la Révolution à l’Empire, doctorat sous la direction de J.-P. Hirsch et A. Plessis, Lille III-Paris X, 1999.
  • [7]
    Archives municipales de Lille, Fonds Gentil (désormais AM Lille, FG).
  • [8]
    Pour une comparaison avec le comportement des négociants d’une autre grande place française : Silvia MARZAGALLI, « Les voyages des négociants bordelais à l’époque du Blocus continental », Bulletin du Centre d’Histoire des Espaces Atlantiques, nouvelle série, n° 6, 1993, p. 137-150.
  • [9]
    Les autres requérants sont en général des épouses rejoignant leur mari, « officier ou employé dans l’armée française » (Annuaire statistique du département du Nord pour 1811, p. 100), et accompagnées de leurs enfants ou des étrangers regagnant leur pays, comme cet « Irlandais avec sa famille composée de neuf personnes, sortant du territoire de la République par autorisation du Grand Juge » en l’an XII ( Annuaire statistique du département du Nord pour l’an XIII, p. 269).
  • [10]
    Firmin LENTACKER, La frontière franco-belge. Étude géographique des effets d’une frontière internationale sur la vie des relations, thèse de géographie, Paris IV, 1973, p. 34-43 et Jean VIDALENC, « La renaissance de la frontière du Nord ( 1814-1819) », in Frontières et limites de 1610 à nos jours, Actes du 101e Congrès national des Sociétés Savantes, section d’histoire moderne et contemporaine, Lille 1976, Paris, Bibliothèque nationale, 1978, tome I, p. 73-88.
  • [11]
    « Le département du Nord étant redevenu frontière, la ligne des douanes a été rétablie, à peu de choses près, telle qu’elle était avant la réunion de la Belgique. Cette ligne forme, pour le département, deux directions dont les chefs-lieux sont Dunkerque et Valenciennes » et dont les effectifs cumulés dépassent les 2700 hommes; Annuaire statistique du département du Nord pour 1815, p. 63-65.
  • [12]
    Il n’en est heureusement pas de même partout, comment le montre l’article d’Alain BECCHIA, « Voyages et déplacements au début du XIXe siècle. Étude des passeports intérieurs conservés à Elbeuf », Annales de Normandie, 1991/3, p. 179-215, qui repose sur le dépouillement de 2603 passeports délivrés entre 1816 et 1825.
  • [13]
    AM Lille, FG 15 146/256 : passeport du 8 juillet 1828.
  • [14]
    Francis DÉMIER, Nation, marché et développement dans la France de la Restauration, thèse, Université de ParisX, 1991.
  • [15]
    Henry-Thierry DESCHAMPS, La Belgique devant la France de Juillet. L’opinion et l’attitude françaises de 1839 à 1848, Paris, Les Belles Lettres, 1956, p. 105. Le développement qui suit s’appuie largement sur cet ouvrage.
  • [16]
    C’est seulement en 1865 qu’un accord international associera la France à ses voisins belge, italien et suisse, mais il s’agit alors d’une union monétaire, à la dimension commerciale tout à fait secondaire; Matthieu de OLIVEIRA, La question monétaire et l’Union Monétaire Latine (1865-1873), mémoire de maîtrise sous la direction d’A. Plessis, université de Paris X-Nanterre, 1992.
  • [17]
    Archives nationales, Paris, F12 6240 : Adresse au roi du 2 novembre 1842, citée par H.-T. DESCHAMPS, La Belgique devant la France de Juillet. Op. cit., p. 240.
  • [18]
    Archives départementales du Nord (désormais AD 59), 1 N 51 : Registre des délibérations du Conseil général du Nord, session d’août 1837, p. 397-398. C’est moi qui souligne.
  • [19]
    Le dernier est Dupouy aîné, de Dunkerque.
  • [20]
    Jean-Pierre HIRSCH, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éditions de l’EHESS, 1991, p. 387.
  • [21]
    AD 59, M. 172/17 et 18 : Registres des passeports pour l’étranger délivrés par la préfecture du Nord, 1853-1854 et 1855-1862.
  • [22]
    AD 59, M. 172/18 : passeports des 11 septembre 1855 (n° 652), 3 octobre 1855 (n° 697), 17 avril 1856 (n° 1064) et 12 octobre 1858 (n° 2207).
  • [23]
    AD 59, M. 172/18 : passeport du 22 janvier 1856 (n° 885).
  • [24]
    J.-P. HIRSCH, Les deux rêves du commerce. Op. cit., p. 388.
  • [25]
    F. LENTACKER, La frontière franco-belge… Op. cit., p. 140-141.
  • [26]
    Denis BRUNN, « Le Traité de commerce franco-suisse de 1864 et les relations commerciales entre la France et la Suisse de 1864 à 1873 », in Raymond POIDEVIN et Louis-Édouard POULET (dir.), Aspects des rapports entre la France et la Suisse de 1843 à 1939, Metz, Centre de Recherches en Relations internationales de l’Université de Metz, 1982, p. 49-58.
  • [27]
    Ministère des Affaires étrangères, Négociations monétaires entre la France et l’Autriche, Livre jaune 26 bis, Imprimerie impériale, 1867.
  • [28]
    AD 59, M. 172/20 : passeports des 17 mai 1865 (n° 28) et 23 novembre 1869 (n° 54 à 56).
  • [29]
    AD 59, M. 172/20 : passeport du 13 mars 1867 (n° 12). Sur la présence des milieux négociants français et en particulier nordistes en Chine, voir François-Yves DAMON et Jean-Pierre HIRSCH, « Les milieux textiles français et le marché chinois au milieu du XIXe siècle », in Jacques BOTTIN et Nicole PELLEGRIN (édit.), Échanges et cultures textiles dans l’Europe pré-industrielle, Villeneuve d’Ascq, Revue du Nord, hors-série, Collection Histoire, 1996, p. 49-60.
  • [30]
    G. NOIRIEL, art. cit., p. 98.
  • [31]
    Sont délivrés 5 passeports en juillet, 766 en août, 1901 en septembre, 339 en octobre, 305 en novembre et encore 156 en décembre (AD 59, M. 172/20). S’agit-il là d’une spécificité septentrionale, ou bien un tel mouvement de panique est-il également observable dans d’autres départements, frontaliers comme de l’intérieur ?
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