Une chose est claire : la numérisation a révolutionné les archives littéraires. Précédemment, nous pouvions travailler sur quelques centaines de romans du xix
e siècle ; aujourd’hui, nous travaillons sur des milliers de romans, et bientôt, sur des centaines de milliers. Les conséquences de cette transformation sur l’étude de l’histoire littéraire ont récemment fait l’objet d’un Pamphlet du Literary Lab ; ici, je présenterai une argumentation parallèle, axée non pas sur l’histoire mais sur la méthodologie critique. Lorsque nous étudions 200 000 romans au lieu de 200, nous ne nous contentons pas de faire la même chose à une échelle 1 000 fois plus importante : nous les étudions de façon différente. Ce changement d’échelle modifie notre relation avec notre objet d’étude, et modifie de fait jusqu’à l’objet lui-même. Les objets d’étude des historiens contemporains, écrivit un jour Krzysztof Pomian, sont « invisibles au sens où personne ne les a jamais vus et personne n’a jamais pu les voir [… car ils n’ont] aucun équivalent dans l’expérience vécue ». C’est vrai. Personne n’a une expérience vécue du changement démographique, des taux d’alphabétisation, ou de la figure 1.
Je reviendrai à ce diagramme dans un instant ; pour le moment, je me contenterai d’énoncer qu’il représente ce que la littérature est devenue dans le nouvel espace des laboratoires littéraires. Nous prenons des romans et les préparons à être analysés d’une façon qui coupe tout lien avec l’expérience habituelle de la littérature…
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